La pomme de terre en Italie. De la littérature agronomique à la cuisine (xviiie-xixe siècles)
p. 43-56
Texte intégral
1La présence de la pomme de terre est attestée en Italie dans certaines régions à partir du dernier quart du xvie siècle, mais jusqu’au xviiie siècle cette plante alimentaire fit l’objet d’une profonde méfiance. Sa diffusion fut entravée non seulement par des obstacles écologiques et techniques importants, mais aussi par des théories scientifiques et des préjugés populaires. Tout un réseau d’analogies et de ressemblances accentua l’aversion à l’égard de cette espèce végétale. Plante appartenant à la famille des solanacées et fruit de la terre, cette racine – qui fut par ailleurs longtemps confondue avec la patate douce et le topinambour – déstabilisait les érudits aussi bien que les hommes du commun. Il faudra attendre le xviiie siècle pour que ses potentialités soient reconnues. Pendant la seconde moitié du xviiie siècle, en Italie, à l’instar des autres pays d’Europe – et notamment de la France, où l’assimilation de cette plante alimentaire était plus avancée – une grande campagne de propagande prônant la diffusion de ce tubercule dans les champs et sur les tables fut orchestrée par les pouvoirs publics et les intellectuels. L’intense activité de promotion se traduisit par une vaste production scientifique, économique et de vulgarisation visant à propager la culture de la pomme de terre et ses emplois alimentaires.
La propagande en faveur de la pomme de terre
2Au xviiie siècle – qui fut le siècle des Lumières, mais aussi le siècle de la faim1 – les élites politiques et intellectuelles se penchèrent sur le problème pressant de la sous-alimentation des classes défavorisées. En France comme en Italie, les pouvoirs publics comprirent le potentiel de la pomme de terre et se mobilisèrent en faveur de l’introduction massive de ce végétal qu’ils considéraient – à raison – comme une arme puissante pour combattre les disettes et la malnutrition. Les agronomes et, en général, les esprits éclairés répétaient en chœur que, si la pomme de terre était acceptée dans les campagnes, les classes défavorisées ne connaîtraient plus jamais la faim, comme nous pouvons le lire dans la préface de l’éditeur au traité du médecin napolitain Filippo Baldini (env. 1750- ?)2.
3La pomme de terre est un aliment sain et nourrissant qui peut être accommodé de plusieurs façons, tel était le leit motiv de la propagande. Les agronomes insistaient beaucoup sur les mille emplois de cette racine polyvalente avec laquelle on pouvait faire du papier, de l’alcool, de la colle, et qui pouvait même être utilisée comme succédané du tabac3. De plus, ils lui reconnaissaient des qualités thérapeutiques non négligeables. Parmentier lui avait attribué une valeur antiscorbutique importante4, que la plupart des textes mentionnent. Baldini affirme que cette racine a la faculté de soigner une longue liste d’affections, parmi lesquelles les maux de poitrine, la phtisie, les ulcères, l’hystérie ainsi que l’hypocondrie5. On prêtait également aux pommes de terre la faculté d’atténuer les épidémies de pellagre. Carlo Amoretti (1741-1816) avait bien compris que la monotonie alimentaire était la cause principale de cette maladie de carence qui sévissait avec une violence particulière dans le nord de l’Italie, là où la polenta de maïs était presque le seul mets que les paysans pouvaient se permettre. Pour cette raison, il considérait les pommes de terre comme un aliment précieux pour diversifier l’alimentation des paysans6. Le discours de propagande était centré sur l’idée que la pomme de terre n’a que des qualités et aucun défaut7. Il pastore ben istruito (1812) déclare qu’il n’existe en nature aucune substance alimentaire qui soit saine, nourrissante et économique comme la pomme de terre8. Pourtant, malgré tous ces atouts, elle avait du mal à s’affirmer. Encore à la fin du xviiie siècle, Amoretti s’étonnait que cette culture ne fût pas encore diffusée en Italie. Il constatait que les paysans commençaient seulement à la donner aux animaux et à s’en nourrir eux-mêmes9. Dans les régions liées à l’Autriche, comme la Lombardie, la Toscane et le Napolitain, la culture de la pomme de terre se diffusa seulement vers la fin du xviiie siècle/début du xixe10. Dans la Vénétie, l’implantation de cette culture était en 1767 à ses débuts, si l’on croit le Frioulan Antonio Zanon (1696-1770) qui parlait de ces tubercules comme d’un produit encore presque inconnu et qui soulignait qu’on en était encore à la phase des expérimentations11.
4Un aspect qui ressort avec force de la littérature sociale de l’époque ainsi que des nombreuses instructions sur la manière de soulager les souffrances du peuple est la critique véhémente du conservatisme de l’Italie. Zanon dénonce le refus obstiné de toute innovation et déplore que la plupart des hommes s’opposent aux nouveautés, même lorsque ces dernières promettent d’avoir une certaine utilité12, car – constate-t-il – « universellement les gens idiots méprisent, et se moquent de toutes les nouvelles inventions »13. Quant à Baldini, il s’élève violemment contre la sotte superficialité de ses compatriotes :
C’est honteux que l’Italie, […] envoûtée, on ne sait comment, par le goût des modes de tout genre, n’ait d’autre souci que celui d’applaudir et d’adopter toute mode extravagante et ridicule inventée par des nations rusées, bien qu’elle soit catastrophique, et n’ait pas la prudence d’adopter certains usages suaves et profitables venant des peuples qui savent bien penser à leur profit.14
5La critique du conservatisme s’accompagnait souvent de l’admission de l’infériorité matérielle et culturelle de l’Italie par rapport à d’autres pays, notamment à l’Angleterre et la France qui exerçaient un attrait très vif sur les intellectuels. Parfois l’admiration portée aux nations étrangères touchait à la xénophilie, un phénomène diffus qui s’exprimait également par la mode odéporique de l’époque et par la pratique du voyage d’apprentissage, censé former des individus cosmopolites en réaction au provincialisme de la société italienne. Baldini observe que les pommes de terre sont un mets adapté à tout le monde – aux gens forts et solides, comme à ceux qui sont de faible complexion, aux femmes enceintes, aux personnes âgées et aux enfants – et invite à suivre l’exemple des Suisses qui nourrissent leurs jeunes avec de la bouillie de pomme de terre, ce qui les rend bien plus vigoureux que les autres peuples15. Il dresse une comparaison quelque peu surprenante entre les Suisses et les paysans du Meridione qui consomment des pommes de terre.
Je sais – dit-il – que dans de nombreux villages de la Basilicate et dans la campagne du Molise, provinces de notre royaume, depuis que l’on y a introduit la plantation et l’utilisation des pommes de terre, ces paysans, qui s’en servent comme aliment, sont de meilleure couleur et complexion, et ressemblent beaucoup aux Suisses.16
6L’assimilation de la pomme de terre fut le résultat d’une introduction non populaire, mais réalisée par le haut. Les hommes d’église jouèrent un rôle de premier plan dans la promotion de cette culture17. Nombre des acteurs principaux de la propagande étaient en effet des ecclésiastiques – de Carlo Amoretti à Giovanni Battarra, de Giovanni Battista Occhiolini à Niccola Columella Onorati, sans oublier Vincenzo Corrado. Même les simples curés de campagne étaient censés exercer une fonction importante, notamment comme intermédiaires entre les autorités ecclésiastiques et les paysans18. Amoretti observe en effet que l’action de persuasion concernant l’utilité de la pomme de terre était le fait des propriétaires et des ministres du culte19. Le médecin et naturaliste florentin Giovanni Targioni Tozzetti (1712-1783) souhaitait que les curés s’adonnent à l’étude des pommes de terre de façon à pouvoir ainsi instruire leurs ouailles20. L’action de propagande butait contre la résistance des paysans, accusés d’être aveuglés par la tradition. Le conservatisme paysan entravait toute amélioration et toute modernisation de l’agriculture et, plus généralement, du pays. L’éditeur de Baldini observe que les gens de la campagne dépendent à tel point de la coutume et de leurs préjugés qu’ils s’obstinent à ne rien faire de plus que ce que leurs ancêtres faisaient21. Les campagnards sont les premiers ennemis de leur propre subsistance – s’exclame-t-il amèrement – parce qu’en méprisant les pommes de terre, ils méprisent leur propre intérêt. S’ils acceptaient de cultiver et de consommer des pommes de terre, leur existence matérielle serait assurée et leur famille ne languirait plus de faim22. Mais Targioni Tozzetti se demande si les montagnards peuvent réellement comprendre l’utilité des pommes de terre, puisqu’ils ne lisent pas et ne sont pas au courant des nouveautés23. La cause principale du retard de la diffusion des pommes de terre en Italie tenait donc, selon les agronomes, à la léthargie des paysans qui refusaient la nouvelle plante alimentaire tout simplement parce qu’ils ne la connaissaient pas et ne voulaient pas la connaître. Cependant, les intellectuels affichaient en règle générale un certain optimisme, en ligne avec l’esprit positiviste qui allait dominer le xixe siècle. Amoretti affirme que l’on rencontre toujours des difficultés face à ce qui est nouveau, mais finalement « l’avantage évident, l’expérience surtout, et l’exemple détrompent le peuple »24. L’éditeur de Baldini se veut également confiant : il invite les propriétaires terriens à renforcer la culture de la pomme de terre sans tenir compte des préjugés des paysans qui seront finalement obligés de reconnaître les avantages de cette culture, car « la nécessité remet d’habitude la tête sur les épaules »25.
7Il faut reconnaître qu’en accusant les paysans de tous les maux, les esprits éclairés de l’Italie faisaient preuve d’une certaine naïveté. Loin d’être des philanthropes, ils prônaient l’utilisation de la pomme de terre pour des raisons essentiellement économiques, mais ils oubliaient que les réticences des paysans ne naissaient pas seulement de leur conservatisme, mais aussi de la qualité souvent médiocre, voire mauvaise, des tubercules – la saveur de la pomme de terre s’affina en effet au cours des trois décennies précédant la Révolution française26 – et également du fait qu’ils percevaient les dangers de la monoculture et d’un appauvrissement ultérieur de leur régime alimentaire27. De plus, comme l’observe Madeleine Ferrières, « les pauvres aussi ont un goût »28 et la cuisine à base de pomme de terre ne leur plaisait pas. L’aversion des paysans pour les pommes de terre n’était donc pas sans fondement, d’autant plus que l’adoption d’une nouvelle plante vivrière représente toujours un enjeu économique qui peut ébranler des équilibres agraires et alimentaires dont dépend la survie des plus pauvres de la société.
Un mets de statut social inférieur
8Du point de vue culinaire, la pomme de terre est un aliment qui s’accommode de maintes façons. Filippo Baldini détaille les nombreux usages culinaires que les différents peuples européens en font. Les Anglais, dit-il, sont sans doute ceux qui connaissent le plus grand nombre de modes de préparation, car chez eux ces tubercules sont la base de nombre de mets délicats, dignes de figurer sur les meilleures tables29. Les Espagnols et des Français aussi les appréciaient beaucoup et les considèrent comme « l’un des cadeaux les plus riches que l’Amérique ait jamais fait à l’Europe »30. Niccola Columella Onorati (1754-1822), professeur d’agriculture à l’Université de Naples, écrivait au début du xixe siècle qu’on peut manger les pommes de terre en salade, en boulettes, en polenta, en pâté et de mille autres façons selon l’habileté des cuisiniers, mais il préfère suggérer des préparations qui ne requièrent qu’un condiment ordinaire – de l’huile ou du lard – puisque son objectif est celui de conseiller aux indigents comment se prémunir de la famine et nourrir avec peu de dépense leur famille nombreuse31. En cela, il s’inspire de très près de Parmentier qui avait illustré les différentes façons d’apprêter les pommes de terre32, mais qui avait déclaré n’avoir jamais considéré ces racines du point de vue de leur réussite gastronomique. À ce propos, il s’était écrié : « Jamais le luxe de nos tables ne gagnera rien à mes recherches […] ; mon unique but, c’est d’augmenter la denrée de première nécessité pour l’Humanité la plus indigente »33. Carlo Amoretti était sur la même longueur d’onde : il reconnaissait que les pommes de terre étaient particulièrement adaptées à être cuites dans de bons bouillons et accompagnées de bonnes sauces, mais que « cela est affaire de gourmandise, et ne nous concerne pas »34. Il situe donc les pommes de terre dans un créneau culinaire très précis : celui de l’alimentation populaire. Zanon semble avoir en apparence une position plus nuancée. Il affirme que les paysans de France, d’Allemagne et de Pologne mangent ces racines bouillies, cuites sous les cendres ou au four et qu’ils en font plusieurs plats champêtres, alors que les gens aisés les assaisonnent au beurre, les mangent en accompagnement des viandes, en font des beignets35. Convenablement enrichis, les mets à base de pomme de terre peuvent donc s’affranchir de leurs connotations rustiques, nous dit Zanon. Mais si d’un côté il veut prouver que ces racines conviennent à tout le monde36, de l’autre il avance une comparaison entre la culture de la pomme de terre et celle du navet – légume pauvre par excellence – et propose un pane da carestia (pain de disette), à base de navets mélangés à de la sciure d’arbres37, ce qui montre ouvertement qu’en réalité il ne s’adresse qu’aux classes défavorisées. Même si la plupart des agronomes répétaient que la pomme de terre était un aliment adapté à la table des pauvres aussi bien qu’à celle des riches38, au fond ils étaient les premiers à ne pas y croire. Ces racines donnent une nourriture excellente, mais seulement pour les indigents, elles constituent une arme pour résoudre le problème de la sous-alimentation et sont un aliment de disette39, non un mets auquel on reconnaît une valeur gastronomique. D’ailleurs, la culture de la pomme de terre était traditionnellement une culture de substitution. Elle était censée suppléer, en particulier, à la pénurie d’autres céréales, in primis le blé. En 1778, l’agronome Giovanni Antonio Battarra (1714-1789) se réjouissait que les cultures du maïs et de la pomme de terre commençassent à s’étendre, parce qu’elles pouvaient fournir des aliments bons et nourrissants sur lesquels on pouvait se rabattre lorsque les années pauvres en blé se succédaient40. Tout comme le maïs, la pomme de terre était donc un aliment de « second choix », auquel on avait recours quand il n’y avait rien de mieux. Si la pomme de terre ne séduisait pas, c’était aussi parce que l’un des emplois principaux pour lequel on la préconisait, en Italie comme en France, était la panification. Parmentier observa que les pommes de terre étaient devenues une alternative alimentaire intéressante, lorsqu’on entrevit « la possibilité de les convertir en pain »41. Le pain était en effet incontestablement l’aliment préféré des Français. En 1818, l’auteur d’un Avis au peuple sur les très grands avantages de la pomme de terre... signalait qu’en Allemagne, en Suisse et en Alsace la manière la plus simple de préparer ces racines était de les cuire à l’eau ou sous la cendre pour les consommer ensuite de la façon suivante :
Chaque individu pèle sa pomme de terre et la place, en l’écrasant légèrement, dans une cuillère qu’il plonge, avant de la porter à la bouche, dans une jatte de lait.42
9Mais ce mode de préparation ne serait pas bien accepté en France – dit l’auteur – car dans ce pays « c’est du pain qu’il faut donner au peuple »43.
10Cela était valable également pour l’Italie, un autre pays où la culture du pain était très forte. Les céréales constituaient en fait la base matérielle du système alimentaire et le pain en était la base culturelle44. Ce n’est certainement pas un hasard si la pomme de terre eut une diffusion moindre dans les pays où le pain était le pivot du système alimentaire. Elle se répandit beaucoup plus aisément chez les peuples qui affectionnaient la bouillie et le gruau, comme ce fut le cas en Europe du Centre et du Nord, où elle prit progressivement la place des céréales traditionnellement utilisées pour la bouillie, sans que la structure du système alimentaire en fût modifiée de façon substantielle. Au contraire, comme l’a observé Jean-Louis Flandrin, les habitants des pays céréaliers renâclèrent beaucoup plus à devenir des mangeurs de pommes de terre45. Les résistances les plus violentes contre ces racines surgirent en effet là où on les proposait comme concurrentes du pain46. Malgré des résultats insatisfaisants, les agronomes persistaient à vouloir panifier les pommes de terre. Ils multiplièrent les essais, en variant la proportion entre la farine de pomme de terre et celle de blé, en ajoutant directement les pommes de terre bouillies et écrasées dans la pâte etc., mais avec des résultats toujours médiocres. En réalité, la pomme de terre n’est pas panifiable, car elle contient une quantité de gluten trop faible pour permettre une correcte fermentation de la pâte47. S’acharner à panifier la pomme de terre a sans aucun doute retardé sa diffusion48. Les efforts répétés pour transformer les pommes de terre en pain peuvent être lus comme la tentative de plier cette plante alimentaire au paradigme alimentaire dominant et, en général, de traiter les produits nouveaux avec des techniques anciennes. Cela permet d’intégrer un élément au système, sans en bouleverser la structure portante, l’adaptation du nouveau dans des catégories établies étant la voie privilégiée par laquelle passe toute innovation alimentaire49.
L’entrée de la pomme de terre dans la cuisine
11En dépit de son statut alimentaire pénalisant, la pomme de terre fut admise au sein de la « haute » cuisine et, à la fin du xviiie siècle, ce tubercule jadis méprisé devint une mode. « Pour être à la mode, je vais parler des pommes de terre »50, affirme Vincenzo Corrado, l’un des cuisiniers les plus célèbres de son époque, dans le Trattato delle patate per uso di cibo (1798) qui fut inséré dans l’édition de 1801 du Cuoco galante. Le succès de la pomme de terre s’inscrit dans la mode de l’alimentation végétale – le vitto pitagorico, comme l’appelle Corrado – dont l’objectif est d’apprêter les végétaux de façon à les transformer en préparations culinaires de haut niveau, dignes de figurer sur les meilleures tables. Corrado insiste beaucoup sur l’importance de la pomme de terre pour l’alimentation humaine et, dans le Trattato delle patate per uso di cibo, un ouvrage qui constitue en quelque sorte l’équivalent italien de l’opuscule que Madame Mérigot avait consacré aux pommes de terre51, il propose 55 préparations à base de ces racines ainsi que 26 sauces différentes pour les accompagner. Dans le xviiie siècle finissant, la pomme de terre acquit donc sa légitimité définitive en cuisine et s’imposa comme l’accompagnement idéal pour les viandes et les poissons. Elle réussit à se faire une place dans les livres de recettes, signe que son statut d’aliment à part entière ne faisait plus aucun doute. Toutefois, à l’aube de l’époque contemporaine, la cuisine de la pomme de terre restait à inventer52, en Italie comme en France. Le tubercule américain triomphera véritablement au xixe siècle, lorsqu’il s’imposera comme l’un des emblèmes de la cuisine bourgeoise et de ses valeurs d’économie et de modération. Paradoxalement, la plus grande vertu que l’on reconnaissait au niveau culinaire à la pomme de terre était sa fadeur, la même fadeur qu’on lui avait reprochée tout au long de l’époque moderne – « cette racine, de quelque manière qu’on l’apprête, est fade et farineuse »53 affirmait l’Encyclopédie en 1765. Ce profil culinaire médiocre se révéla être un atout, puisqu’en absorbant le goût de ce qu’on lui ajoutait, la pomme de terre devenait l’accompagnement idéal pour un grand nombre de mets. De la fadeur découle directement l’association classique pomme de terre/sauce, sur laquelle sont bâties la plupart des recettes présentées dans le Trattato delle patate54. Bien qu’on ne puisse pas dire que la pomme de terre soit devenue un véritable mets « identitaire » en Italie, au cours du xixe siècle quelques plats à base de ce tubercule entrèrent de plein droit dans la tradition gastronomique nationale. Le cas le plus emblématique est sans doute celui des gnocchi, plat d’origine aristocratique très apprécié depuis le Moyen Âge55 dans lequel la pomme de terre remplace lentement la farine ou le pain râpé dans la composition de la pâte. À peine esquissés dans la monographie de Giovanni Battista Occhiolini56 (1784) – que Piero Camporesi surnomme le “Parmentier italien”57 – les gnocchi de pommes de terre se précisent sous la plume du Père Onorati qui suggère de bouillir les pommes de terre, de les écraser et de le mélanger ensuite à la farine58. Ce plat, qui sera ensuite consacré par La Scienza in cucina (1891)59 de Pellegrino Artusi, trouve sa formulation définitive et accomplie dans le Trattato delle patate per uso di cibo de Corrado60. Du point de vue de la fonction culinaire, il est important de remarquer que dans les sources italiennes, les gnocchi de pommes de terre et, en général, tous les mets à base de cette racine, sont souvent assimilés aux pâtes, et plus précisément aux maccheroni61. Onorati (1803) affirme que les pommes de terre, dûment mélangées à la farine, donnent « des maccheroni et toute sorte de pâtes »62. Amoretti confirme que, après avoir bien mélangé farine de pomme de terre et farine de blé, on obtient une pâte à laquelle il faut ensuite donner « la forme des maccheroni ou d’autres sortes de pâtes »63. Quant à Baldini, il signale que les Suisses font avec les pommes de terre « un mets qui ressemble à peu près à nos maccheroni »64. Cette équivalence entre les mets à base de pomme de terre et les pâtes est sans doute l’une des clés du succès moindre que les pommes de terre eurent dans la cuisine italienne par rapport à d’autres cuisines européennes, y compris la cuisine française. Partout où la pomme de terre se diffusa, ce fut avec la fonction de mets « de remplissage » – cibo da riempimento, dit Montanari65. Pour les Italiens, notamment ceux des régions du Centre et du Sud, cette fonction était assurée de façon relativement satisfaisante par différents types de pâtes fraîches et sèches et, dans un tel système alimentaire, la pomme de terre n’était pas considérée comme une alternative réellement intéressante.
12En conclusion, au xviiie siècle, les pouvoirs publics et les esprits éclairés prônaient la diffusion de la pomme de terre qu’ils considéraient comme une culture simple, productive et résistante pouvant fournir un aliment sain et nourrissant, à même de résoudre les problèmes de sous-alimentation et de malnutrition qui affligeaient les classes défavorisées. Les thèmes récurrents de la propagande italienne ne semblent pas particulièrement originaux, ce sont à peu près les mêmes que nous retrouvons en France, d’autant plus que les agronomes italiens connaissaient de façon approfondie les textes majeurs de la propagande française et les avaient bien assimilés. L’une des particularités du discours italien était sans doute le sentiment marquée de xénophilie des élites, conscientes du retard de leur pays au niveau matériel, aussi bien que culturel, et fascinées par les idées et les revendications des intellectuels éclairés. En ce sens, la bataille en faveur de la pomme de terre semble s’inscrire pleinement dans la bataille plus vaste pour les idées des Lumières et pour la modernité. Le statut de la pomme de terre restait néanmoins négatif. Du point de vue agraire, c’était une culture de substitution. Du point de vue alimentaire, c’était une nourriture supplétive destinée en priorité aux classes défavorisées qui n’acceptaient de la consommer que par nécessité, pendant les périodes de famine, pour revenir à leur alimentation ordinaire une fois que la conjoncture s’améliorait. En dépit des efforts des réformateurs, l’Italie avait quelques décennies de retard sur la France : au sud des Alpes, la culture de la pomme de terre ne devint réellement intensive que dans la seconde moitié du xixe siècle. Cette lenteur dans l’acceptation de la plante américaine peut être interprétée comme le signe du caractère subalterne de l’Italie sur la scène internationale. Même si la campagne de propagande n’atteignit pas complètement ses objectifs, elle favorisa néanmoins l’introduction de la pomme de terre dans les pratiques alimentaires populaires aussi bien que dans de la « haute » cuisine, première étape pour que cette racine devienne l’un des aliments les plus représentatifs de la cuisine bourgeoise qui allait dominer le xixe siècle.
Notes de bas de page
1 Montanari M., La fame e l’abbondanza. Storia dell’alimentazione in Europa, Rome-Bari, Laterza, 2003, p. 161.
2 « Se la Patata può ottener luogo nelle nostre campagne ; se i contadini giungono a gustarne il sapore, e l’utile ; io son certo che la classe degl’indigenti non conoscerà più la fame » Baldini F., Maniera di non far provar più la fame al popolo minuto ovvero Trattato in cui s’insegna la cultura e l’uso utilissimo delle patate, Prefazione dell’editore, Fermo, Torchi di Pallade, 1796, p. 9. Cette deuxième édition du traité de Baldini ne diffère de la précédente, qui parut à Naples sous le titre De’Pomi di terra, que par l’ajout d’une préface de l’éditeur.
3 Amoretti C., Della coltivazione ed uso delle patate, s.l., s.e., [1795, post.], p. 27-28.
4 Parmentier A.-A., Recherches sur les végétaux nourrissans, qui dans les temps de disette peuvent remplacer les alimens ordinaires. Avec de nouvelles observations sur la culture de la pomme de terre, Paris, Imprimerie Royale, 1791, p. 103-104.
5 Baldini F., De’ Pomi di terra, Naples, s.e., 1787, p. 17-19.
6 Amoretti C., Della coltivazione…, op. cit., p. 4-5.
7 Baldini affirmait qu’« il massimo vantaggio è poi, che questi pomi producono tutti questi buoni effetti, senza cagionare alcun funesto accidente » Baldini F., op. cit., p. 19.
8 « Credo che non esista in natura sostanza alimentaria, che essendo salubre e nutritiva per l’umana specie come la patata, sia poi al pari di questa di tenuissima spesa » Basso A., Il pastore bene istruito, Milan, Stamperia di Gio. Giuseppe Destefanis, 1812, note 1, p. 461.
9 Amoretti C., Della coltivazione…, op. cit., p. 2.
10 Benporat C., Cucina e alimentazione nel mondo di Cristoforo Colombo, Sala Bolognese, Forni Editore, 1991, p. 87.
11 Zanon A., Della coltivazione e dell’uso delle patate e d’altre piante commestibili, Venezia, Modesto Fenzo, 1767, p. 6 ; 10 ; 42-45.
12 « Sono soliti la maggior parte degli uomini di resistere, e contraddire alle novità, anche quando queste promettono qualche utilità, soltantoché urtino le antiche pratiche ; perché sono un tacito rimprovero alla negligenza, o all’ignoranza » Zanon A., op. cit., p. 32.
13 « Universalmente la gente idiota dispregia, e deride tutte le nuove invenzioni », ibidem, p. 20. Traduit de l’italien par nos soins, ainsi que toutes les traductions contenues dans le présent article.
14 « E’ una gran vergogna che l’Italia, […] che lasciatasi ammaliare, non si sa come, dal piacere delle mode d’ogni genere, non si prenda altra cura, che di applaudire, e adottare qualunque stravagante, e ridicola moda, benché rovinosa, che sappiano inventare certe scaltre Nazioni, e non abbia poi tanta prudenza di adottare alcuni usi suavissimi, e lucrosi di popoli, che sanno ben pensare al lor utile » Baldini F., De’ Pomi di terra, op. cit., p. 38-39.
15 Ibidem, p. 19-20.
16 « Io so, che in molti paesi della Basilicata, e del contado del Molise, provincie del nostro Regno, da che se n’è introdotta la piantagione, e l’uso del pane de’ pomi di terra, quei contadini, che se ne servono per alimento, si vedono di miglior colore, e complessione, e si rassomigliano in gran parte agli Svizzeri » ibid., p. 29.
17 Benporat C., « La patata nella cultura alimentare italiana », Appunti di gastronomia, no 20, juin 1996, p. 62.
18 Cependant, comme l’a observé David Gentilcore à l’occasion même de ce colloque, la position des curés de campagne envers les nouvelles cultures reste encore à étudier en profondeur.
19 « Alcuni Proprietarj, e commendevoli Ministri del Culto hanno già sull’oggetto delle patate cangiata l’opinione degli Agricoltori, che da loro dipendono o che gli ascoltano ; e vediamo, che la persuasione dell’utilità di questo vegetale, partendo da loro come da un centro, si va stendendo all’intorno » Amoretti C., Della coltivazione…, op. cit., p. 5-6.
20 « Bisognerebbe che qualche persona culta e caritativa, e specialmente qualcheduno dei loro Parochi, almeno per proprio fuggilozio, ci facesse sopra un poco di studio, e facesse delle prove, le quali ben riuscendo, come credo di sicuro, agevolmente istruirebbero, ed alletterebbero i Popolani ad imitarle » Targioni-Tozzetti Giovanni, Relazioni di alcuni viaggi fatti in diverse parti della Toscana per osservare le produzioni naturali, & gli antichi monumenti di essa dal dottor Gio. Targioni Tozzetti. Edizione seconda. Con copiose giunte, Florence, Stamperia Granducale per Gaetano Cambiagi, 1773, t. VI, p. 127.
21 « Nella gente di campagna è troppo fortemente radicato quel pregiudizio di non far mai più di quello che hanno fatto i padri, gli avi, i bisnonni » Baldini F., Maniera di non far provar più la fame…, Prefazione dell’editore, op. cit., p. 4.
22 « Ah ciechi che sono, e nemici della propria sussistenza ! Aprano gli occhi e conoscano una volta che la patata […] può alimentar ancor essi, e che col disprezzarne la propagazione disprezzano il proprio comodo, la propria sussistenza, i propri figli, che non sarebbero più costretti di veder languire di fame nelle proprie case ; o mandare in giro, sebben teneri di età, a tozzolare il vitto, e ad imbeversi insieme di tutti i vizj del Mondo avanti che li conoscano naturalmente » Ibidem, p. 8-9.
23 « Dio faccia che una volta i poveri Montanari restino capacitati di quanto utile, e quanto facile sarebbe per loro questa nuova Coltivazione ! Ma come potete sperare ciò, da persone che non leggono, non praticano, non s’informano delle novità ? » Targioni-Tozzetti G., Relazioni di alcuni viaggi, op. cit., t. VI, p. 127.
24 « Simil difficoltà incontrasi sempre in tutto ciò ch’è nuovo e sconosciuto ; ma l’evidente vantaggio, e più di tutto l’esperienza e l’esempio alla fine disingannano il popolo ». Amoretti C., Della coltivazione…, op. cit., p. 5.
25 « La necessità pone per ordinario la testa à partito » Baldini F., Maniera di non far provar più la fame…, Prefazione dell’editore, op. cit., p. 4.
26 Ferrières M., Nourritures canailles, Paris, Seuil, 2007, p. 381.
27 Montanari M., La fame e l’abbondanza…, op. cit., p. 172-173.
28 Ferrières M., Histoire des peurs alimentaires. Du Moyen Âge à l’aube du XXe siècle, Paris, Points Histoire, 2006, p. 152.
29 Baldini F., De’ Pomi di terra, op. cit., p. 23.
30 « Stimandoli per uno de’ più ricchi presenti, che l’America abbia fatto all’Europa » Ibidem, p. 24.
31 « Le patate mangiar si possono in insalata, in polpette, in polenta, in pasticci, in manicaretti, colla carne lessa, coll’arrosto, cotte col latte, col burro, con erbe odorose, fritte e in mille altre maniere, secondo l’abilità dei cuochi. Le frittelle e i migné sic di Patate superano in squisitezza ogn’altro piatto. Ma essendoci noi proposti di suggerire a nostri prossimi indigenti, come allontanar la fame, ed alimentar con poca spesa senza aver bisogno di droghe, e di altri condimenti costosi, le numerose loro famiglie, ci tratterremo alquanto a suggerirgli, che oltre il pane e piatti spquisiti, posson aver dalle Patate minestre nutritive, e sostanziose, e col solo ordinario condimento d’olio, o di lardo a praticarsi giornalmente » Onorati N. C., Delle Patate, loro coltura, uso economico e maniera di farne il pane del sacerdote Niccola Columella Onorati pubblico professore di agricoltura dell’Università di Napoli, Quarta Edizione di Milano e prima di Fuligno, arricchita di varie aggiunte ricavate dalla pratica e dall’esperienza, Fuligno, Tipografia di Giovanni Tomassini, 1817, p. 14-15 ; 1re éd. : Naples, Angelo Cosa, 1803.
32 Parmentier A., Recherches sur les végétaux nourrissans…, op. cit., p. 107-108.
33 Ibidem, p. 516.
34 « Il farle cuocere in buoni brodi, e in buone salse, è affare della ghiottoneria e del lusso, e non il caso nostro » Amoretti C., Della coltivazione…, op. cit., p. 31.
35 « Gli Agricoltori si servono pel nutrimento loro il più ordinario delle Patate, una buona parte dell’Anno le fanno cucinare nell’acqua, nel forno, sotto la cenere, preparano molti manicaretti grossolani, e campestri : le persone un poco comodoe le condiscono col butirro, le mangiano con la carne, ne fanno delle frittelle » Zanon A., Della coltivazione e dell’uso delle patate…, op. cit., p. 11.
36 Ibidem, p. 32-33.
37 Ibid., p. 33-34.
38 Amoretti affirme que la pomme de terre est un mets « che adoperar si “può” in moltissime maniere, adattandosi al desco de’ Contadini, come alle ricercate tavole de’ ricchi » Amoretti C., Della coltivazione…, op. cit., p. 4.
39 Montanari M., La fame e l’abbondanza…, op. cit., p. 170.
40 « Finalmente è piaciuto a Dio d’introdur questa biada, e qui, e generalmente per ogni parte. Che se succedono annate scarse di frumento, ci si ripiega con un cibo, che in sostanza è buono, e nutritivo ; ed oltre di questo la provvidenza fa ora, che si comincia a introdurre (e voglio qui introdurle anch’io), certe radici forestiere, come i tartuffi bianchi, che chiamansi patate » Battarra G. A., Pratica agraria, distribuita in vari dialoghi, Rimini, Tip. dei fratelli Ercolani, 1854, t. I, p. 76 ; 1re éd. : Rome, Casaletti, 1778.
41 Parmentier A., Recherches sur les végétaux nourrissans…, op. cit., p. 109.
42 Avis au peuple sur les très grands avantages de la pomme de terre, et sur la diversité de ses produits, applicables à la nourriture de l’homme ; Où l’on indique un moyen infaillible de remédier à la cherté des subsistances et d’en prévenir le retour, Besançon, Imprimerie de Chalandre, 1818, p. 5.
43 Ibidem, p. 5.
44 Sentieri Maurizio, Cibo e ambrosia, Bari, Dedalo, 1993, p. 121.
45 Flandrin J.-L., « Les temps modernes », dans Flandrin J. L. et Montanari M. (éd.), Histoire de l’alimentation, Paris, Fayard, 1996, p. 557.
46 Braudel F., Civilisation matérielle, économie et capitalisme. 1. Les structures du quotidien, Paris, Armand Colin, 1979, p. 185.
47 Sentieri M. & Zazzu Guido N., I semi dell’Eldorado, Bari, Dedalo, 1992, p. 154-155.
48 Montanari M., La fame e l’abbondanza…, op. cit., p. 173.
49 Montanari M., Il cibo come cultura, Rome-Bari, Laterza, 2006, p. 143-152.
50 « Per andare a seconda della moda, vengo a parlare delle patate » Corrado V., « Trattato delle patate ad uso di cibo », dans Id., Del cibo pitagorico ovvero erbaceo, Rome, Donzelli, 2001, p. 115 ; 1re éd. « Trattato delle patate » : Napoli, Vincenzo Orsino, 1798 ; 1re éd. Del cibo pitagorico : Napoli, Stamperia dei Fratelli Raimondi, 1781.
51 Madame Mérigot, La cuisinière républicaine, qui enseigne la manière simple d’accommoder les pommes de terre ; avec quelques avis sur les soins nécessaires pour les conserver, Paris, Mérigot jeune, 1795.
52 Ferrières M., Nourritures canailles, op. cit., p. 392.
53 Diderot D., Le Rond D’Alembert J., Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des arts et des métiers, t. XIII POM-REGG, Neufchastel, Samuel Faulche & Compagnie, 1765, p. 4.
54 Corrado V., Trattato delle patate, op. cit., p. 137-143.
55 Capatti A., Montanari M., La cucina italiana. Storia di una cultura, Rome-Bari, Laterza, 2002, p. 51.
56 Occhiolini G. B., Memorie sopra il meraviglioso frutto americano chiamato volgarmente patata ossia pomo di terra con la descrizione della maniera di piantarlo, coltivarlo, del di lui vantaggio, del modo di ridurlo a farina, ed a pane, di cavarne amido, cipria, di farne salde, bosima & c. dedicato all’eminentissimo… Antonio Casali… dal sacerdote Giovanni Battista Occhiolini priore nel venerabile conservatorio presso S. Giovanni in Laterano, Rome, nella stamperia di S. Michele, per il Giunchi, 1784.
57 Camporesi P., La terra e la luna, Milan, Garzanti, 1995, p. 233.
58 Onorati N. C., Delle Patate…, op. cit., p. 14.
59 Artusi P., La scienza in cucina e l’arte di mangiar bene, Turin, Einaudi, 2007, p. 126 ; 1re éd. : Florence, Salvadore Landi, 1891.
60 « Patate in gnocchi. Cotte, che saranno al forno le patate, la loro, già polita, sostanza si pesta con la quarta parte di gialli d’uova duri, altrettanta di grasso di vitello, e anche di ricotta. Si unisce, e si liga, dopo, con qualche uovo sbattuto, si condisce di spezie, e si divide in tanti bocconi lunghi e grossi come ad un mezzo dito, i quali infarinati si mettono nel brodo bollente, e bolliti, per poco, si servono nel piatto incaciati, e conditi con sugo di carne » Corrado V., Trattato delle patate, op. cit., p. 134.
61 Sans rentrer dans les détails, précisons que la différence entre les gnocchi et les maccheroni était souvent floue. Luigi Messedaglia signale que « di maccheroni ebbero ed hanno il nome anche certe paste […] fatte a foggia di quelli che si dicono gnocchi ; i quali non sono precisamente né distesi in falde, come le lasagne, né ridotti in cannelli, come i maccheroni dei lazzaroni napoletani. Si deve dire, anzi, che in più località, dell’Italia superiore e centrale, si dà il nome di maccheroni a qualunque forma di pasta, purché asciutta », Messedaglia L., « Note foleghiane. Osservazioni e ricerche di storia dell’agricoltura e dell’alimentazione », dans Id., Per la storia dell’agricoltura e dell’alimentazione, Piacenza, Federazione dei Consorzi agrari, 1932, note 1, p. 50.
62 « Le Patate […] cotte nell’acqua, […] e tolta ad esse la pelle, che si dà alle galline, e peste nel mortajo, e miste con un terzo di farina di grano, sen fanno maccheroni, e qualunque sorta di pasta » Onorati N. C., Delle Patate…, op. cit., p. 15.
63 « “Si” lavora poi la pasta in guisa da farne colla cannella delle sottili sfoglie, che poi “si tagliano” in lasagne : ovvero “si” riduce il pastone alla necessaria consistenza per farlo poi col torchio passare nella forma de’ maccheroni, e d’altre simili paste » Amoretti C., Della coltivazione…, op. cit., p. 43-44.
64 « Gli Svizzeri […] fanno di essi pomi una vivanda, che press’a poco rassomiglia ai nostri maccheroni » Baldini F., De’ Pomi di terra, op. cit., p. 23-24.
65 Montanari M., La fame e l’abbondanza…, op. cit., p. 175.
Auteur
Docteur,
Université de Franche-Comté & Université de Milan, Italie.
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