Jeremy Belknap : écrire l’histoire aux marges de l’Empire britannique
p. 151-169
Texte intégral
1Dans une lettre de 1785 à son ami Paine Wingate, futur sénateur du New Hampshire au Congrès américain, le pasteur Jeremy Belknap écrivait que selon lui, pratiquer l’histoire, c’était « transformer un morceau de forêt vierge en un champ cultivé1 ». Il venait de publier à Philadelphie le premier volume de son Histoire du New Hampshire, qui racontait la colonisation de la région depuis la découverte de l’Amérique jusqu’à la fin de la guerre de la reine Anne en 1713. Il avait ainsi transformé la masse confuse de documents et de faits passés qu’il collectionnait de manière obsessionnelle depuis sa jeunesse en un récit explicatif du développement américain. Selon lui, le rôle de l’historien était de mettre la recherche documentaire au service de l’identité nationale en « retraçant les caractères, les passions, les intérêts et les tempéraments des personnes » dont les « malheurs et le courage » guidaient le récit, tout en « décrivant les traits les plus frappants de la période à laquelle elles avaient vécu2 ».
2Premier ouvrage historique publié aux États-Unis depuis l’indépendance, ce volume, qu’il avait mit douze ans à produire, fut la première étape d’une carrière réussie au cours de laquelle Belknap sortit des marges géographiques et intellectuelles de la Nouvelle-Angleterre révolutionnaire, alors que le nationalisme œuvrait sans relâche à la construction idéologique de la nation américaine. Belknap retourna en effet dans son Boston natal en 1786 après vingt ans d’un pastorat décevant à Dover, sur la frontière du New Hampshire. Il se consacra ensuite à la composition et la publication des deux autres volumes de son Histoire du New Hampshire, une œuvre qui lui valut la reconnaissance de l’élite politique états-unienne, dont George Washington lui-même, et les éloges de la génération suivante d’intellectuels américains et européens3. Ainsi Tocqueville le considérait comme le meilleur historien de la nouvelle nation4. Belknap publia également une série de portraits de colonisateurs éminents dans son Dictionnaire biographique américain en 17985, après avoir fondé la Massachusetts Historical Society (MHS – Société historique du Massachusetts) à Boston en 1791, qui figure parmi les institutions historiques les plus puissantes des États-Unis6. Le parcours du pasteur Belknap des marges du New Hampshire colonial au centre des cercles lettrés de la république américaine constitue le fil conducteur de ce chapitre, qui visera à démontrer l’originalité de son approche et de sa conception expansionniste de l’histoire américaine.
3Car malgré sa renommée et sa place au panthéon des « historiens patriotes », Belknap est en réalité assez mal connu et peu étudié. Les biographies qui lui sont consacrées ne problématisent pas sa méthode historique car elles s’inscrivent toutes dans la tradition des études puritaines qui font la part belle à la pensée et aux pratiques religieuses de Nouvelle-Angleterre7. Il est à peine mentionné dans les histoires intellectuelles de la période révolutionnaire et de la jeune république, et les chercheurs qui mobilisent son œuvre dans leur analyse de l’historiographie de la même période se contentent d’admirer la force de ses convictions fédéralistes et nationalistes sans chercher à mettre en lumière l’originalité de sa méthode et de son propos8. Il est généralement inclus dans la communauté des rédacteurs des « textes civiques » de la période révolutionnaire9, des textes à la forme et au contenu très divers, qui devaient servir à créer l’adhésion du peuple américain aux institutions fédérales et cimenter l’union américaine fragile et segmentée, grâce à un élan nationaliste sans précédent. Les histoires de la révolution de David Ramsay et de Mercy Otis Warren ainsi que les nombreuses biographies de George Washington rédigées après la révolution ont fait l’objet de nombreuses rééditions, dont certaines sont récentes et témoignent de l’attention soutenue portée à ces œuvres10. Au contraire, la troisième et dernière édition de l’Histoire du New Hampshire date de 1831 et n’est qu’une réimpression de celle de 1812.
4Il demeure que l’originalité de la pensée et de la méthode de Jeremy Belknap mérite d’être explorée car, et c’est la thèse de ce chapitre, contrairement à ses confrères et consœurs dont le travail était motivé par les bouleversements considérables apportés par la révolution et l’indépendance, Belknap n’eut pas besoin d’inventer la nation américaine. Il tirait son inspiration et ses convictions nationalistes de la connaissance profonde qu’il avait des sources qu’il collectionnait avidement depuis sa jeunesse, les récits, pamphlets, sermons, journaux et correspondances produits par les colons de Nouvelle-Angleterre depuis leur installation sur le territoire américain. Aussi fit-il de l’expérience même de la colonisation le lieu de naissance de l’Amérique, en reléguant la relation impériale dans les marges de son récit. Loin de vouloir minimiser la colonialité au profit d’un culte civique centré sur les institutions et la période révolutionnaire, Belknap prit le parti original de placer la conquête et l’expansion au cœur de l’histoire américaine, limitée dans son œuvre à celle de la Nouvelle-Angleterre, mais que toutes les anciennes colonies partageaient en réalité car elles étaient toutes le produit de la conquête territoriale et de la transformation du paysage nord-américain en colonies de peuplement. Elles avaient ainsi naturellement plus en commun que leur simple union institutionnelle et leur adhésion à la religion civile que louaient les autres historiens de la même période.
5Après une description plus approfondie de la marginalité du pasteur Belknap au début de sa carrière d’historien, j’étudierai son rapport matériel et intellectuel aux sources coloniales, puis la manière dont son œuvre fit émerger l’identité américaine de l’expérience de colonisation. J’examinerai ensuite sa conception du rôle politique et social de l’historien à travers son engagement dans la fondation de la MHS.
6La marginalité de Jeremy Belknap au début de sa carrière était à la fois géographique, professionnelle et sociale. Né à Boston en 1744 dans une famille de tanneurs et de commerçants dont la présence remontait à la fondation du Massachusetts, Belknap fut le premier du nom à recevoir un diplôme de l’université de Harvard. Comme l’exigeait la tradition filiopiétiste11 de Boston, ces études l’obligeaient à se destiner au pastorat. Il ne s’agissait pas là de sa vocation première puisqu’il avait très tôt confié à ses amis son inclination « naturelle » à enquêter sur le passé et la nature de la colonie qui l’avait vu naître12. Il enseigna quelques années puis accepta l’appel de la congrégation de Dover, sur la frontière du New Hampshire, un village fondé depuis longtemps mais qui ne comptait encore qu’une seule église et dix fois moins d’habitants que Boston. Isolé dans une petite ville sans culture ni commerce, Belknap fut vite déçu par sa condition et se consacra à la recherche historique pour oublier le fardeau de sa charge pastorale et ses responsabilités familiales. Il se plaignit sans cesse à ses amis de Boston de la pauvreté et de l’isolement auxquels cette carrière l’avait condamné13. Seules l’étude et l’écriture lui donnaient un peu de courage dans l’adversité.
7Pasteur éclairé qui critiquait aisément l’élitisme du congrégationalisme dominant14, Belknap ne participa à aucun débat ecclésiologique et eut pour seule publication religieuse à succès un psautier pour la pratique religieuse quotidienne15. Il remplit néanmoins pleinement les fonctions politiques associées au pastorat local depuis la fondation puritaine du Massachusetts en rédigeant une série de sermons en soutien à la résistance coloniale, puis aux troupes américaines pendant la guerre d’indépendance, et enfin aux gouvernements indépendants du Massachusetts et du New Hampshire16. Il se conformait ainsi à la tradition des Jérémiades, qui servaient à renforcer la cohésion idéologique du projet colonial de Nouvelle-Angleterre, devenu projet américain avec l’indépendance17. Dans chacun de ses sermons, qu’ils datent de la révolution ou de la période de construction nationale, Belknap écrivit avec le même enthousiasme en faveur de l’indépendance et de la précieuse autonomie que les ancêtres puritains avaient léguée à la Nouvelle-Angleterre. Il inscrivait son patriotisme dans l’histoire de la colonisation de la région, la transformation du territoire et l’expansion, « la sueur et le sang » versés par les « ancêtres » pour laisser à leurs descendants des « droits » que tous les « vrais Américains » avaient pour devoir de garantir et de préserver18.
8La contribution de Belknap à l’effort de guerre ne dépassa cependant pas ces quelques discours. Après deux voyages dans les environs de Boston assiégé pour s’assurer que sa famille était en sécurité19, il passa le reste du conflit à Dover, loin des combats. Il compensa son isolement par une correspondance assidue avec son ami et plus fidèle correspondant Ebenezer Hazard, qui, lui, voyageait beaucoup de par sa fonction d’inspecteur général des postes et tenait Belknap au fait des développements militaires et politiques qui accompagnaient la naissance du gouvernement fédéral ainsi que de l’état de la vie scientifique et culturelle à Boston, New York et Philadelphie. Ensemble, Hazard et Belknap étaient convaincus d’appartenir à une race d’hommes exceptionnels et supérieurs, dont le savoir les plaçait au-dessus des superstitions et des passions populaires20 et dont l’ambition suprême était de créer une « République des Lettres » américaine21. Ils partageaient la passion des archives et de la recherche documentaire et échangeaient les manuscrits qu’ils découvraient et qu’ils commentaient. Belknap choisit d’utiliser ceux-ci pour faire le récit de la colonisation anglaise en Nouvelle-Angleterre, tandis que Hazard les édita dans ses Collections Historiques qui contiennent l’essentiel des sources politiques et institutionnelles coloniales de la première moitié du xviie siècle22.
9Hazard allait en outre servir de recommandation à son ami auprès des cercles intellectuels et politiques qu’il fréquentait, afin que ce dernier puisse recenser et consulter le plus de sources possibles sur l’histoire de la Nouvelle-Angleterre, un travail de toute une vie, une passion, voire une obsession, qui allait l’occuper tout au long de sa carrière d’historien. Il mobilisa pour ce faire un dense réseau de correspondants, des amis pasteurs comme lui, tel John Eliot à Boston, ou des intellectuels engagés dans l’élan nationaliste, tel le médecin Benjamin Rush à Philadelphie ou le lexicographe Noah Webster à New York. Il plaça également en apprentissage chez Matthew Carey à Philadelphie son fils aîné Joseph Belknap, qui publiera pour son père The American Apollo, l’organe de presse de la MHS, entre janvier 1792 et décembre 1794. Belknap sollicitait sans scrupule ces réseaux pour l’envoi de livres, de manuscrits, de journaux et de périodiques, ou tout simplement d’informations quant aux événements passés et présents dans les colonies du Nord23. Il faisait savoir à tous ses correspondants qu’il travaillait à l’histoire du New Hampshire et qu’il était en quête de toutes les archives existantes sur le sujet. Peu à peu, grâce à la force de sa propre réputation en tant que correspondant fiable et fidèle, il obtint des hommes politiques, des clercs, des pasteurs, des juges et des descendants de familles de renom qu’on lui envoie tous les documents en leur possession susceptibles de le renseigner sur les moments-clés de l’histoire de la région. Il promettait de les renvoyer dans l’état après les avoir copiés parfois plusieurs fois, une tâche longue et laborieuse que les hivers rigoureux du New Hampshire lui permettaient, nourrissant ainsi sa propre méthode de catalogage et d’annotation, dont il pouvait user pour plusieurs projets historiques à la fois24. Il accumula toute sa vie ces archives précieuses, qui allaient ensuite servir de premier fonds à la collection de la MHS25.
10Trois principes très forts présidaient à cette activité presque compulsive de Jeremy Belknap.
11Le premier était celui de la préservation d’un héritage précaire dont il avait compris l’importance dans sa jeunesse à Harvard auprès du pasteur archiviste et chroniqueur Thomas Prince dont il était très proche26. Dans la préface du premier volume de l’Histoire du New Hampshire, Belknap expliqua combien la destruction de la collection de son maître par les troupes britanniques ou la mise à sac de la maison du gouverneur Hutchinson par les patriotes avaient été des événements traumatisants pour l’historien qu’il était27. Les incendies, comme celui qui ravagea la bibliothèque de Harvard en 1764, pouvaient eux aussi priver les Américains des traces tangibles de leur passé et de leur héritage, une perte irréparable qui fragilisait la société de Nouvelle-Angleterre alors sans prise documentaire sur son territoire, à l’image des Amérindiens qui « c’était bien connu, n’avaient jamais eu pour ambition de marquer leur place dans l’histoire par la construction de monuments durables28 ». Le métier d’historien comprenait donc avant tout la recherche de documents, puis la multiplication des copies, pour limiter la disparition de ces trésors face à la violence et aux accidents de l’histoire.
12Le second principe qui animait Belknap dans sa quête insatiable des sources coloniales était son attachement à la propriété. Il s’agissait de s’approprier le passé comme les colons avaient conquis la wilderness, pour produire un espace maîtrisé et productif, créateur de sens et d’identité. Peu importe « les rêves des philosophes européens, ou les vues intéressées des gouvernants européens », seuls ses habitants étaient à même de décrire l’Amérique et de corriger les propos des voyageurs ou des ignorants29. Il fallait de surcroît lutter contre les écrits loyalistes favorables à la Grande-Bretagne, comme le second volume de l’Histoire de la province du Massachusetts du gouverneur Hutchinson en 1767 ou les Annales politiques de George Chalmers, avocat du Maryland exilé en Angleterre pendant la révolution américaine30, dont la vision impériale rendait les colonies responsables de la rupture avec la mère patrie31. Belknap entendait prendre part aux échanges entre l’Europe et l’Amérique en défendant l’honneur et la réputation des anciennes colonies.
13Son ambition scientifique est le troisième principe motivant sa recherche continuelle de sources sur le passé de sa région. À chaque étape de son travail, il se servit d’elles de manière transparente et explicite, les citant en marge de son texte ou les transcrivant entièrement lorsqu’il jugeait que leur importance nécessitait que soit attestée leur véracité. La rigueur avec laquelle il mobilisait ses sources primaires lui a valu le titre de premier historien moderne des États-Unis32. En effet, Belknap ne se contentait pas de rassembler les sources très diverses qu’il collectionnait, il les confrontait entre elles pour s’approcher au plus près de ce qu’il considérait comme l’enchaînement plausible des événements. Dans le doute, il sollicitait l’aide d’autres historiens pour l’obtention de nouveaux documents ou il se déplaçait et cherchait des survivants et des témoins pour qu’ils apportent leur version des faits dont il traitait. Il résistait à la tentation du plagiat, tant pratiqué par ses confrères comme David Ramsay33, et il prit garde de ne pas faire preuve de partialité par excès d’enthousiasme, lui qui condamnait la violence révolutionnaire et toute attaque contre la propriété dans sa correspondance, et qui resta très proche de ses amis loyalistes exilés34. On peut considérer, que, bien qu’historien patriote mobilisé pour la cause nationaliste et fédéraliste, il interrogeait réellement le passé, au lieu de le subordonner à un discours politique construit de toutes pièces.
14L’Histoire du New Hampshire est donc le résultat de cette exploration scientifique des sources de la colonisation. Belknap y combine récit et portraits pour raconter la découverte puis la conquête des côtes de Nouvelle-Angleterre, ainsi que le développement de la société coloniale de sa région. Trois thèmes dominent son récit : la propriété et la gestion des frontières ; les liens avec les autorités coloniales en Angleterre ; enfin la violence inhérente à la formation de colonies de peuplement.
15Dans un premier temps (chapitres I à V), il se penche sur les conflits territoriaux incessants qui formaient le quotidien des dirigeants coloniaux en opposant les différents villages du New Hampshire, dont la fondation ne fut ni uniforme ni contiguë ; ces derniers s’opposaient en matière de frontières à leurs voisins du Massachusetts, auquel le New Hampshire fut rattaché en 1641 et où l’on pratiquait l’autogestion et des politiques locales autonomes à l’échelle de chaque campement ; enfin, troisième source de conflit sur la propriété et la gestion des terres défrichées, les liens avec les investisseurs anglais du Conseil de Nouvelle-Angleterre, Sir Ferdinando Gorges et le capitaine John Mason, qui souhaitaient établir une colonie de propriétaires en Nouvelle-Angleterre.
16Dans un deuxième temps (chapitres VI à IX), il raconte les troubles créés par l’imposition d’un gouvernement royal, d’abord sous Robert Mason, héritier du fondateur John Mason décédé en 1664, puis sous Edmund Andros, gouverneur de la Province royale de Nouvelle-Angleterre entre 1686 et 1689, afin de démontrer que seule l’autogestion répondait aux attentes des colons dont les besoins et le quotidien étaient mécompris par les autorités royales soucieuses surtout d’utiliser les colonies à des fins politiques et clientélistes sans lien avec la réalité coloniale. À l’inverse, il décrit comme des dirigeants légitimes et louables ceux qui mettent en avant la sécurité des villages et la préservation des territoires conquis, ainsi que la protection des habitudes religieuses et sociales des colons.
17Enfin, troisième thème dominant les chapitres V, X, XI et XII, la violence endémique de la zone de frontière que constituait le New Hampshire, d’une part les conflits avec les Amérindiens et d’autre part la rivalité territoriale entre nations impériales en Amérique (France, Grande-Bretagne, Pays-Bas), dont les guerres indiennes étaient la conséquence regrettable. Cette violence va en s’accroissant d’un volume à l’autre de l’œuvre, pour devenir l’un des traits principaux du caractère américain à la veille de la révolution. Belknap développe l’argument selon lequel le caractère instable et violent de l’existence des colons, jamais à l’abri d’une attaque indienne ou française contre leurs vies ou leurs domaines, conduisit ces derniers à vivre armés et à acquérir peu à peu « la volonté et le courage de se défendre et d’entreprendre vaillamment35 », deux traits qui leur étaient propres et les prédisposaient à la lutte pour l’indépendance.
18Belknap ne chercha jamais à comparer l’expérience américaine des États-Unis à l’histoire des nations européennes car la conquête qu’il décrivait était unique et intimement liée à l’environnement qu’elle avait transformé. Pour lui l’identité proprement américaine qui avait conduit à la rupture du lien impérial était inscrite dans l’expérience de colonisation telle qu’il la lisait dans les sources coloniales qu’il collectionnait. Ces sources étaient pour la plupart promotionnelles, c’est-à-dire qu’elles visaient à convaincre le public et les autorités anglaises puis britanniques de la viabilité et du bien-fondé des sociétés coloniales, dont la réputation était essentielle au maintien de relations commerciales stables et prospères36. Mais en défendant leurs choix politiques et sociaux, comme le rejet de la primogéniture ou la diversité religieuse, les colons affirmaient aussi leur souveraineté. Celle-ci était au départ limitée aux termes des chartes fondatrices des colonies, qui recommandaient qu’aucune loi coloniale n’entre en contradiction avec les lois et les pratiques britanniques. Mais l’expansion territoriale et la gestion de la propriété, de la population servile et la violence inhérente à la conquête engendrèrent l’élaboration de pratiques politiques et sociales propres à cet environnement instable, changeant, et pourtant remarquablement homogène. Le récit de Belknap tire sa force de l’admiration qu’il porte aux héros de cette conquête et à leur résistance constante à la cupidité et l’ambition des envoyés de la métropole ou de ceux parmi les colons qui préféraient voir avancer leur intérêt personnel plutôt que le bien de la colonie tout entière. La violence, la captivité et le conflit faisaient partie de l’héritage politique et culturel des colons en combat constant pour la préservation de l’unité et de l’autonomie de leurs terres contestées, aux frontières sans cesse en mouvement.
19En effet, pour Belknap, les colons avaient conquis leur autonomie dès leur arrivée sur le nouveau continent. Il se démarquait en ce sens de la littérature promotionnelle anglaise qui, depuis le Discours sur la colonisation de 1594 de Richard Hakluyt à Élisabeth Ire, comprenait la colonisation comme l’extension des domaines anglais en Amérique, au nom de la Couronne et de la « vraie religion37 ». Le récit de Belknap est au contraire construit sur les efforts individuels « d’entrepreneurs » et « d’aventuriers indépendants38 », qui ne détenaient de leur roi qu’un simple titre de souveraineté sur les territoires délimités par les lettres patentes anglaises, dont la validité pouvait en outre être elle aussi remise en question39. Ils n’en avaient réellement pris possession qu’une fois qu’ils les avaient achetés à leurs véritables propriétaires, les Amérindiens qui occupaient les côtes40. Par la négociation commerciale ou politique, selon les cas, ou tout simplement après un conflit armé, dont Hazard avait remarqué qu’il était toujours suivi du départ définitif des Indiens vers l’ouest41, les colons avaient transformé un domaine britannique théorique et abstrait en une série de titres de propriété bien réels, auxquels la conversion de la forêt en terres cultivées donnait leur sens plein et véritable. Il n’était plus question d’une conquête nationale pour la métropole, mais de la conquête personnelle d’une somme d’individus remarquables agissant pour eux-mêmes et pour leur propre intérêt. Certains avaient été motivés par le désir d’explorer le nouveau continent, d’autres par la volonté de commercer, d’autres encore, et c’était le cas des pasteurs de Nouvelle-Angleterre, par celle de convertir les Indiens tout en pratiquant la religion de leur choix loin du contrôle de l’Église d’Angleterre, mais tous étaient entrés dans l’histoire pour avoir créé de toutes pièces une société expansionniste et prospère.
20Belknap développa cette conception du type colonial dans son Dictionnaire biographique américain de 1798, dans lequel figurait un large éventail d’explorateurs et de colons qui avaient en commun de vouloir échapper aux conventions oppressantes de la vieille Europe. De nombreuses nationalités sont représentées, sur une période de six siècles, dans le but certainement de rendre insignifiant le titre britannique sur les terres américaines. Dans ce catalogue d’individus au courage extraordinaire, navigateurs, marchands et hommes de science, dont un seul, John Robinson, était pasteur et ne traversa en outre jamais l’océan, Christophe Colomb occupe une place centrale, comme l’archétype de l’homme moderne cherchant à pousser plus loin les frontières de la navigation et de la science42. Il s’agissait en effet de dépasser la chronologie imposée par l’Empire britannique pour la remplacer par une histoire exceptionnelle car intimement liée à l’appropriation du territoire, à une conquête qui avait commencé avec la découverte du continent et dont l’avenir semblait aussi vaste que les terres de l’Ouest encore à parcourir. Ces personnalités issues de l’Europe ne lui appartenaient en réalité déjà plus avant même qu’elles ne la quittent car elles avaient toutes conscience de ses limites et partageaient la même vision d’un autre monde où elles pourraient satisfaire leur curiosité, leur ambition ou leur vision sociale ou religieuse.
21Il découlait donc du « caractère » et des motivations exceptionnelles des « aventuriers » de l’Amérique les circonstances toutes aussi exceptionnelles de leur installation dans la wilderness et la formation des sociétés contemporaines de Belknap. C’était là tout le sens de l’Histoire du New Hampshire. Les colons avaient pris possession de leurs terres américaines sous la protection de la Couronne britannique en échange d’un cinquième de l’or et de l’argent qu’ils trouveraient, ce qui, on le savait bien déjà à l’époque, équivalait à un tribut très hypothétique, voire inexistant. Les chartes qui fondaient les colonies de Nouvelle-Angleterre donnaient aux colons organisés en compagnies coloniales la propriété pleine et entière des domaines désignés et les autorisaient à se constituer en « corps politiques », ce qui en Angleterre signifiait l’octroi à une corporation du droit de fixer les statuts nécessaires à sa propre gestion et à celles de ses membres, mais qui, en Amérique, prenait un autre sens : en l’absence de toute autre institution, les colons ne s’étaient pas simplement autogérés, ils s’étaient gouvernés seuls, établissant en lieu et place du Parlement et de la justice anglaise des institutions entièrement dévouées à leur survie et leur expansion. Si leur pouvoir dérogeait aux traditions anglaises, il ne s’agissait là que d’une adaptation nécessaire à une situation extraordinaire. Toute tentative du roi d’empiéter rétrospectivement sur cette autonomie intrinsèquement liée à leur condition de colon avait donc été dès le xviie siècle perçue comme une attaque contre des « droits » établis par l’habitude et la condition exceptionnelle dans laquelle ils avaient fondé leur système politique.
22Ainsi, chez Belknap, la nationalité nécessairement britannique des colons avant leur indépendance disparaissait sous les traits d’un « caractère » américain moderne, né de l’expérience de colonisation. Les citoyens de Nouvelle-Angleterre étaient non seulement habitués à l’autogestion et au gouvernement mixte, mais ils avaient aussi « en horreur » la vassalité, l’aristocratie et les privilèges43. Les différences entre les colonies et la métropole n’étaient pas simplement institutionnelles, elles étaient aussi éminemment culturelles, tant l’expérience de colonisation avait agi sur la société coloniale. Chez les colons, la propriété était bourgeoise et le pouvoir conditionné à la vertu, et non au rang. Belknap fit de l’abolition des privilèges, et donc de la critique de la monarchie qui les protégeait, un trait culturel fondamental de sa région éclairée, à l’antithèse du vieux monde aristocratiques et des colonies du Sud qui ne s’étaient pas affranchies de cet héritage néfaste et aliénant44.
23Aussitôt son premier volume terminé, Belknap sollicita ses réseaux de correspondants pour diffuser l’ouvrage. Comme tous les historiens de Nouvelle-Angleterre avant lui, qui étaient commandités, soutenus ou simplement rémunérés par l’assemblée coloniale pour produire leurs récits, il écrivit au gouvernement du New Hampshire pour obtenir un soutien financier en échange du service qu’il rendait à la région et aux générations de futurs dirigeants, pour qui le passé était une source inépuisable d’information et de conseils45. Après un conflit très long et parfois très violent avec la congrégation de Dover, il revint enfin à Boston en 1786, pour y exercer la fonction de pasteur de la congrégation de l’église de Long Lane. C’est dans son église, rebaptisée Federal Street Church en 1789, que se tinrent les débats sur la ratification de la Constitution fédérale par le Massachusetts en janvier et février 178846. Belknap, désormais au cœur de la vie politique de sa ville, choisit de participer activement à la cause fédéraliste en publiant de nombreux articles et adresses dans les journaux du New Hampshire et du Massachusetts, comme la gazette de Boston, celle du New Hampshire et celle du Massachusetts, ainsi que des essais ou des extraits de ses livres dans les magazines culturels destinés aux élites intellectuelles de Boston, New York et Philadelphie, tels que le Columbian Sentinel, l’American Museum ou le Columbian Magazine47. Il s’agissait pour lui d’une part d’augmenter ses revenus, auxquels la publication de ses ouvrages ne contribuait pas réellement, et d’autre part de faire partie intégrante de cette République des Lettres dont il avait rêvé avant l’indépendance. Il publiait d’ailleurs dans la presse souvent anonymement ou sous des pseudonymes, comme le Plutarque américain ou l’Ami de la Patrie, car il tenait par-dessus tout à sa réputation scientifique qui lui valut d’être invité à rejoindre les académies des sciences de Philadelphie et de Boston48. Il n’était donc plus dans les marges géographiques et intellectuelles de la nation, mais bel et bien au centre de la vie intellectuelle du Nord des États-Unis.
24Il ne dévia cependant ni de sa méthode documentaire ni de sa conception expansionniste de l’histoire américaine inscrite tout entière dans le paysage américain. Pour le second volume de son Histoire du New Hampshire, publié en 1791, qui raconte les exploits militaires du New Hampshire depuis le début du xviiie siècle jusqu’à la lutte révolutionnaire, il mobilisa la même méthode que précédemment : il utilisa sa propre collection d’ouvrages, d’articles et de correspondance recueillis pendant les années de guerre et sollicita toutes ses relations, loyalistes comme patriotes, fédéralistes et républicains, pour l’obtention des sources institutionnelles ou personnelles qui pouvaient lui manquer49. Il transcrivit aussi un grand nombre de documents en appendice et insista sur le détail des faits décrits, comme si l’importance des événements et celle de la réputation de la jeune république nécessitaient un surcroît de rigueur et de transparence dans le récit. Il prit ouvertement position contre le loyalisme de George Chalmers et affirma sa fierté d’écrire en tant qu’Américain, employant les pronoms « je » et « nous » pour que le lecteur prenne la mesure de l’engagement de l’auteur afin de juger son œuvre à l’aulne de celui-ci, et non en le soupçonnant en permanence de manipuler les faits50.
25Aussi raconta-t-il comment la liberté bourgeoise née de l’expérience de colonisation fut de plus en plus ébranlée par la violence accrue des guerres indiennes de la première moitié du siècle, ce qui fit s’animer ainsi peu à peu « un vigoureux esprit d’auto-défense » contre la montée au pouvoir de certains membres de la société à « l’esprit aristocratique », qui souhaitaient, pour leur avancement personnel, « établir une noblesse américaine » au service d’une politique impériale inepte et de surcroît dangereuse51. Malgré leur soutien militaire à la Grande-Bretagne dans tous les conflits du siècle avec les Pays-Bas et la France, les colons furent lésés par la Couronne quand, après le traité de Paris qui mettait fin à la guerre de Sept Ans et confirmait la puissance et l’étendue de l’Empire britannique, la proclamation de 1763 interdit l’expansion des terres des colons au-delà des Appalaches. On les privait de « leurs conquêtes les plus précieuses » puisque la menace indienne demeurait et qu’ils avaient déjà conscience depuis longtemps que le pays « leur appartenait absolument ». La rébellion américaine de la révolution allait donc servir à rétablir leurs droits fondamentaux sur leurs terres propres et à chasser pour toujours un pouvoir vénal venu de la vieille Europe empiéter sur leurs précieuses possessions52.
26À lire l’ensemble de son œuvre, on constate combien Belknap se pensait historien américain, nourri des sources sur la colonisation de sa région comme les écrits de John Winthrop, William Hubbard, ou même Thomas Hutchinson, que Belknap citait sans relâche, et chez qui la propriété terrienne comptait au moins autant que la liberté religieuse53. Il comprenait l’histoire de son pays comme la somme d’un ensemble de projets coloniaux au fondement desquels on trouvait un profond attachement à la terre, que les Américains s’appropriaient au fur et à mesure que grandissait leur population et se multipliaient les villages. Ainsi le dernier volume de l’Histoire du New Hampshire paru en 1794 consiste-t-il en une description de la géographie du New Hampshire (sa situation et ses frontières, sa faune, sa flore, son sous-sol, ses fleuves et ses rivières, autant d’atouts pour une conquête future), une description détaillée de sa population, des activités économiques et commerciales de celle-ci, des prix des terres et des biens, bref, un ensemble de statistiques compilées par Belknap grâce à l’étude des registres des cours et des églises, pour mettre en avant le potentiel des terres de l’Ouest d’un État certes jeune, mais en pleine expansion. Il y inclut aussi un chapitre presque entièrement au passé sur les « vestiges et monuments de la présence indienne », dans lequel la population amérindienne fait figure de civilisation disparue vouée à la recherche archéologique et au folklore, remplacée par la société américaine, qui ne manque pas de gratitude car elle a retenu les usages indiens les plus sophistiqués54. Ce dernier volume est une histoire sociale du New Hampshire sous la forme d’un bilan de la conquête passée afin que soient imaginés son expansion et son succès à venir. L’ouvrage est donc promotionnel, dans le prolongement des sources que Belknap avait collectionnées.
27Il s’y adressa d’ailleurs directement aux habitants de l’État dans lequel il ne résidait plus, pour les enjoindre à se sentir partie intégrante de la nouvelle nation55. Il encouragea ses compatriotes à être fiers de leurs usages linguistiques spécifiques, nés de leur confrontation au paysage américain qui les avait formés56, et à ne pas voir leurs conditions de vie difficiles et précaires comme un signe de marginalité ou d’infériorité sociale ou politique. Au contraire, l’avenir de la nation américaine résidait dans la force de leur courage et de leur industrie car depuis le début de la conquête coloniale, c’étaient bien le travail et l’effort des colons qui constituaient le moteur de l’histoire américaine57. Un siècle avant Turner, qui, dans son célèbre essai de 1893, associait rétrospectivement la conquête des terres de l’Ouest au développement américain58, Belknap écrivait dans ce troisième volet de son histoire de la colonisation que la transformation de la forêt en terre cultivée était le principal moyen par lequel les valeurs premières de la Nouvelle-Angleterre se transmettaient aux nouvelles générations : le travail, rendu nécessaire par la pauvreté et la précarité inhérentes à la société coloniale de la frontière, qui insufflait en retour aux jeunes hommes la fierté de la propriété individuelle gagnée à la sueur de leur front et, par conséquent, l’amour de l’indépendance politique et de l’autonomie financière, institutionnelle et sociale59. L’expansion était le moteur principal de la formation du caractère américain et, pourvu qu’on les éduque, les citoyens continueraient à tirer de leur expérience de colonisation la force et les principaux traits de leur identité.
28Cette éducation des masses républicaines par le biais de l’expérience des générations précédentes ne serait pas possible sans la préservation et la diffusion des textes dans lesquels l’expansion était contée. Harvard avait bien tenté de créer un fonds d’archives nationales, mais sans succès60. Il allait s’agir là de la dernière grande mission de Belknap ainsi que son legs le plus important à la postérité. Suite à la visite en août 1789 de John Pintard, qui avait fondé la Société historique de New York pour tempérer les « tendances aristocratiques de la ville » grâce à des « principes démocratiques61 », Belknap entreprit de fonder une société historique à Boston. Comme Pintard, il était convaincu que les sources du passé colonial de chacun des États devaient être diffusées parmi la population pour éduquer celle-ci aux leçons d’endurance, de sacrifice et d’esprit communautaire de la conquête passée. La MHS fut donc incorporée officiellement en 1794 dans le but déclaré de « rassembler, préserver et communiquer les documents nécessaires à une histoire complète de notre pays, ainsi que les récits de tous les précieux efforts d’ingénuité et d’industrie humaine depuis le début de la colonisation62 ». Il ne s’agissait pas d’une conception simplement politique du développement américain, mais bien d’une conception globale de la conquête comme phénomène économique, social et culturel.
29Belknap légua une partie de sa collection à la Société, qui allait s’établir à Boston et se consacrer exclusivement à la recherche et la publication des sources américaines. Son fondateur imagina un sceau pour la corporation, où figureraient « un aigle en plein vol, un loup aux abois, et un requin, tous chassant leur proie63 » : on reconnaît là son obsession pour la découverte et la conservation des sources de son histoire ainsi que son sens aigu de l’importance de l’appropriation et de la propriété au fondement du pouvoir américain. La MHS grandit lentement, mais ses membres s’étaient engagés à poursuivre leur quête sans relâche, ce qui fit de cette société élitiste, privée et relativement secrète l’une des institutions phares du paysage intellectuel américain. Ses publications nombreuses ainsi que la liste prestigieuse de ses membres et sa très grande proximité avec l’université de Harvard, dont on ne saurait minimiser le pouvoir intellectuel et éditorial, sont autant de signes de l’importance de cette institution dans la préservation et la diffusion d’une certaine idée du rôle des États-Unis dans l’histoire de la modernité.
30La carrière de Jeremy Belknap des marges de l’Empire britannique au centre du rayonnement intellectuel états-unien montre la force de l’élan nationaliste de l’histoire américaine au moment où les États-Unis se donnèrent les moyens de formuler puis de préserver leur identité propre, non plus dans les marges de l’Empire britannique mais bel et bien au centre de leur propre empire expansionniste. Au cœur de la vision que Belknap entretenait de l’unicité de l’expérience américaine, qu’il tenait de la plume des colons de Nouvelle-Angleterre dont il avait peuplé son univers intellectuel et politique, on ne trouve pas de rupture entre un passé colonial monarchique et un présent démocratique et républicain. Son récit est celui d’une continuité, celle de l’expansion américaine par la transformation du paysage et la propriété individuelle depuis la fondation de la Nouvelle-Angleterre, une forme de domination coloniale qui sortit victorieuse du combat idéologique entre le Nord du travail libre et le Sud esclavagiste après la guerre de Sécession. Pourvu qu’on veuille bien les placer dans le contexte colonialiste de leur production, les sources de la conquête américaine ont encore beaucoup à nous apprendre sur les liens qui existent entre libéralisme et colonisation.
Notes de bas de page
1 Cité dans Kirsch George B., Jeremy Belknap. A Biography, New York, Arno Press, 1982, p. 105.
2 Belknap Jeremy, History of New Hampshire, vol. I, Philadelphia, R. Aitken, 1784, p. v-vi. Tous les extraits des trois volumes de cet ouvrage proviennent de la seconde édition publiée à Dover en 1812.
3 Kirsch G.B., Jeremy Belknap…, op. cit., p. 105.
4 Tocqueville Alexis de, De la démocratie en Amérique, Paris, Flammarion, 1981 (1re éd. 1835), vol. 1, p. 555 (note F p. 104).
5 Rev. Dr. Belknap’s Biographies of the Early Discoverers of America. A Reprint of the First Edition of 1798, New York, C. Collins & Co., 1812.
6 Saunt Claudio, « Go West : mapping early American historiography », William and Mary Quarterly, vol. 65, 2008, p. 745-778.
7 Kirsch G.B., Jeremy Belknap…, op. cit. ; Belknap Marcou Jane, Life of Jeremy Belknap, New York, Harper, 1847 ; Lawson Russell, The American Plutarch. Jeremy Belknap and the Historian’s Dialogue with the Past, Westport, Greenwood Press, 1998 ; Tucker Louis L., Clio’s Consort : Jeremy Belknap and the Founding of the Massachusetts Historical Society, Boston, MHS, 1990.
8 Bailyn Bernard, Intellectual Origins of the American Revolution, Cambridge, Harvard University Press, 1967, p. 157 ; Kammen Michael, A Season of Youth. The American Revolution and the Historical Imagination, New York, Knopf, 1978, p. 19 et 147 ; Belknap est comparé à ses pairs dans Cohen Lester, The Revolutionary Histories. Contemporary Narratives of the American Revolution, Ithaca, Cornell University Press, 1980 ; Messer Peter C., Stories of Independence. Identity, Ideology and History in Eighteenth-Century America, DeKalb, Northern Illinois University Press, 2005 ; Ka-May Cheng Eileen, The Plain and Noble Garb of Truth. Nationalism and Impartiality in American Historical Writing, 1784-1860, Athens, University of Georgia Press, 2008. Sur sa méthode, lire Kaplan Sidney, « The history of New Hampshire : Jeremy Belknap as literary craftsman », William and Mary Quarterly, vol. 21, 1964, p. 18-39 ; et David Lawrimore, « Conflict management. Jeremy Belknap’s committed literature », Early American Literature, vol. 50, no 2, 2015, p. 359-384.
9 Furstenberg François, In the Name of the Father. Washington’s Legacy, Slavery, and the Making of a Nation, New York, Penguin Press, 2006, p. 20.
10 Ramsay David, The History of the American Revolution, éd. Lester H. Cohen, 2 vol., Indianapolis, Liberty Fund, 1990 (1re éd. 1789) ; Otis Warren Mercy, History of the Rise, Progress and Termination of the American Revolution, Indianapolis, Liberty Classics, 1988 (1re éd. 1805).
11 Le filiopiétisme est un discours historique qui mêle foi religieuse et culte des ancêtres. Transmis et diffusé par les pasteurs formés à Harvard, il faisait de la carrière pastorale le service le plus illustre rendu à la communauté, aux ancêtres et aux autorités.
12 Cité dans Belknap Marcou J., Life of Jeremy Belknap, op. cit., p. 47.
13 Jeremy Belknap Papers, MHS, 5e série, vol. 2, 1877, p. 2.
14 Voir Belknap Marcou J., Life of Jeremy Belknap, op. cit., p. 42-44.
15 Belknap Jeremy, Sacred Poetry, Boston, Apollo Press, 1795.
16 A Sermon on Military Duty, Nov. 10, 1772 ; On Commiserating, Nov. 6, 1774 ; An Election Sermon, Preached Before the General Court of New Hampshire, June 2, 1785 ; A Sermon, Delivered on the 9th of May 1798, the day of the National Fast, In Boston, 1798.
17 Bercovitch Sacvan, The American Jeremiad, Madison, University of Wisconsin Press, 1978.
18 « On commiserating », cité dans Spalding George B., The Dover Pulpit during the Revolutionary War, Dover, Morning Star Steam Job Print, 1876, p. 20.
19 Kirsch G.B., Jeremy Belknap…, op. cit., p. 55-59.
20 Jeremy Belknap Papers, MHS, 5e série, vol. 2, 1877, p. 22 et 98.
21 Kirsch George B., « Jeremy Belknap : man of letters in the young republic », New England Quarterly, vol. 54, 1981, p. 33-53, ici p. 34.
22 Hazard Ebenezer, Historical Collections : Consisting of State Papers and Other Authentic Documents ; Intended as Materials for an History of the United States of America, 2 vol., Philadelphia, Dobson, 1792.
23 Jeremy Belknap Papers, MHS, 5e série, vol. 2, 1877, p. 122 ; ou 6e série, vol. 4, 1891, p. 474-475.
24 Jeremy Belknap Papers, MHS, 5e série, vol. 2, 1877, p. 5.
25 « The Belknap donation », in Proceedings of the MHS, vol. 3, Boston, MHS, 1859, p. 284-328.
26 Prince Thomas, A Chronological History of New England in the form of Annals, Boston, Kneeland & Green, 1736.
27 Belknap J., History of New Hampshire, op. cit., vol. I, p. iv.
28 Ibid., vol. III, p. 63.
29 Ibid., vol. II, p. 172.
30 Hutchinson Thomas, History of the Colony and Province of Massachusetts Bay, 2 vol., Boston, Thomas & John Fleet, 1764 et 1767 ; Chalmers George, Political Annals of the Present United Colonies, from their Settlement to the Peace of 1763, London, Printed for the author, 1780.
31 Jeremy Belknap Papers, MHS, 5e série, vol. 2, 1877, p. 17, 120-121 et 124 ; et 6e série, vol. 4, 1891, p. 62-63 et 85-87.
32 Bassett John Spencer, The Middle Group of American Historians, New York, Macmillan, 1917, p. 24.
33 Ka-May Cheng Eileen, The Plain and Noble Garb of Truth…, op. cit., p. 104-152.
34 Jeremy Belknap Papers, MHS, 6e série, vol. 4, 1891, p. 483-485.
35 Belknap J., History of New Hampshire, op. cit., vol. II, p. 244.
36 Woodward Walter W., « Captain John Smith and the campaign for New England : a study of early modern promotion », New England Quarterly, vol. 81, 2008, p. 91-125.
37 Quinn David B. et Quinn Alison M. (éd.), Discourse of Western Planting, vol. 45, London, Hakluyt Society, 1993. Dans les écrits coloniaux anglais, la « vraie religion » désignait le protestantisme, par opposition au catholicisme des Espagnols, grands rivaux des Britanniques dans l’Atlantique du xviie siècle.
38 Belknap J., History of New Hampshire, op. cit., vol. I, p. 10.
39 Ibid., vol. I, p. 18.
40 Ibid., vol. I, p. 17-19 et 64.
41 Jeremy Belknap Papers, MHS, 5e série, vol. 2, 1877, p. 22-23.
42 Rev. Dr. Belknap’s Biographies…, op. cit., p. 17-36.
43 Belknap J., History of New Hampshire, op. cit., vol. I, p. 145.
44 Sur Belknap et l’esclavage, lire Ka-May Cheng Eileen, The Plain and Noble Garb of Truth…, op. cit., p. 153-207.
45 Jeremy Belknap Papers, MHS, 5e série, vol. 3, 1882, p. 301-302.
46 Ibid., p. 6.
47 Voir entre autres The Foresters, An American Tale, Boston, I. Thomas et E.T. Andrews, 1792 ; « Sketches of law and manners of early planters of New England », American Museum, or, Universal Magazine, vol. 6, no 6, 1789, p. 466-468 ; et sa biographie du gouverneur John Winthrop dans Columbian Magazine, vol. II, nos 1-3, 1788, p. 3-5, 55-57 et 121-123.
48 O’Donnell Kaplan Catherine, Men of Letters in the Early Republic : Cultivating Forums of Citizenship, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2008.
49 Jeremy Belknap Papers, MHS, 6e série, vol. 4, 1891, p. 437-439 et 442-444.
50 Belknap J., History of New Hampshire, op. cit., vol. II, p. ix, xii et 246.
51 Ibid., p. 244 et 246-247.
52 Ibid., p. 249 et 310.
53 Belknap Jeremy, « Introductory address from the Historical Society to the public », Collections of the Massachusetts Historical Society, 1re série, vol. I, 1792.
54 Belknap J., History of New Hampshire, op. cit., vol. III, p. 63-73.
55 Ibid., p. 246-251.
56 Ibid., p. v-vi.
57 Ibid., p. 194.
58 Turner Frederick Jackson, The Significance of the Frontier in American History, New York, Penguin Press, 2008 (1re éd. 1893).
59 Ibid., p. 195-196.
60 Tucker L.L., Clio’s Consort…, op. cit., p. 70-73.
61 Jeremy Belknap Papers, MHS, 6e série, vol. 4, 1891, p. 470.
62 Cité dans Tucker L.L., Clio’s Consort…, op. cit., p. 99.
63 Cité dans Id., The Massachusetts Historical Society. A Bicentennial History, 1791-1991, Boston, MHS, 1996, p. 59.
Auteur
Maître de conférences en civilisation américaine, spécialiste de l’histoire de la colonisation anglaise en Nouvelle-Angleterre au xviie siècle. Elle prépare actuellement une monographie sur la gouvernance et la promotion coloniale du Massachusetts intitulée The Good Land : Settler Colonialism and the Political Thought of John Winthrop. Elle publie en 2018 un autre article sur Jeremy Belknap, « Jeremy Belknap’s history of New Hampshire in context : settler colonialism and the historiography of New England », dans le Journal of Early American History (vol. 8, no 1, 2018, p. 1-32).
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