Les réformateurs africains-américains et la lutte contre la marginalisation raciale
p. 49-73
Texte intégral
1Au cours de l’hiver 1855, l’abolitionniste Henry Wagoner devint fou de rage lorsqu’il apprit que Joel Matteson, gouverneur de l’Illinois et membre du Parti démocrate, apportait son soutien aux actions de l’American Colonization Society (ACS), qui visait à établir la population de couleur libre au Liberia. Il adressa une lettre au Daily Tribune de Chicago pour dénoncer la logique défectueuse du projet. Originaire du Maryland, fils d’une mulâtresse libre et d’un planteur propriétaire d’esclaves, Wagoner contestait l’hypothèse selon laquelle les gens de couleur avaient leur place en Afrique car elle ne tenait pas compte de leur naissance sur le sol américain, qui faisait d’eux des citoyens américains. Il pensait de surcroît que l’objectif de « séparer les Noirs des Blancs » perpétuait le mythe de l’existence de différences fondamentales entre les êtres humains1. Wagoner écrivait que les gens de couleur faisaient partie de l’espèce humaine pour laquelle Dieu avait créé le monde entier. Il poursuivait en s’inspirant du monologue de Shylock, le Juif du Marchand de Venise de Shakespeare : « N’a-t-il pas des yeux, des organes, des proportions, des sens, des affections, des passions ? […] Si vous nous piquez, est-ce que nous ne saignons pas ? […] Si vous nous empoisonnez, est-ce-que nous ne mourons pas ? Et si vous nous outragez, est-ce que nous ne protestons pas2 ? » L’humanité commune aux gens de couleur et à tous les peuples du monde leur donnait le « droit naturel » de vivre où bon leur semblait3.
2Le projet de colonisation qui déclencha l’ire de Wagoner faisait partie d’un ensemble d’initiatives menées par des hommes d’État et réformateurs américains blancs pour freiner l’expansion de la liberté pour les Noirs. La population de couleur libre gagnait en nombre avant la guerre de Sécession et stimulait les velléités d’établir une fois pour toutes le lien évident entre origine africaine et servitude. La privation des droits civiques et la discrimination systématique dans les lieux publics, les écoles, les églises et au travail contribuèrent au développement des formes d’asservissement liées à une couleur de peau noire. De telles mesures visaient à s’assurer que les gens de couleur ne pussent être des citoyens à part entière même quand ils n’étaient pas des esclaves. Les partisans de la colonisation allèrent plus loin encore pour régler la question des Américains de couleur libres. Comme le souligne Thomas Jefferson dans ses Observations sur la Virginie, rédigées en 1784, une « différence de race » caractérisée par la couleur de peau des Noirs, la texture de leurs cheveux, leur beauté, leur transpiration, leur rythme de sommeil, la forme de leur corps, leurs émotions, leur résistance à la chaleur, leur aptitude à la poésie, leur odeur, leur désir sexuel et leur intelligence expliquait pourquoi les Noirs libres ne pouvaient être intégrés à la nation4. La création en 1816 de l’ACS donna une légitimité institutionnelle à l’idée que la population d’origine africaine était « une race distincte et inférieure ». Elle proposait une méthode pour empêcher l’avènement de la citoyenneté pour les Noirs qu’un grand nombre d’hommes politiques du Sud et du Nord, membres du clergé, esclavagistes et opposants à l’esclavage trouvaient « contradictoire avec […] les sentiments républicains et dangereuse pour […] les institutions républicaines5 ». Leur déplacement volontaire à grande échelle était à leurs yeux la seule manière de résoudre le problème.
3Des réactions hostiles à la liberté des Noirs apparurent de façon similaire durant la période qui suivit la Reconstruction6. Confrontés à une population africaine-américaine dont les membres étaient devenus des citoyens devant la loi, des groupements de citoyens blancs, les législatures et les tribunaux des États fédérés s’attachèrent à dévaloriser la vie des Noirs et à redéfinir la citoyenneté afin de réduire à néant leurs droits7. Les campagnes en faveur de la colonisation, qui avaient pourtant décliné au fil des ans, connurent même un regain momentané de popularité. L’exploitation économique, la violence incontrôlable de la populace blanche et les exclusions civiques et politiques constituaient un contexte malsain durant les dernières décennies du xixe siècle, qui furent dès lors désignées comme le nadir de l’histoire africaine-américaine8.
4Le réquisitoire de Wagoner ne constitue qu’un exemple parmi d’autres critiques énoncées contre les analyses racialistes par les réformateurs noirs. Au cours de chacune de ces périodes de liberté, ils combattirent la logique de race ainsi que l’idée selon laquelle les caractéristiques physiques étaient des critères valides d’obtention de la citoyenneté américaine et de droits inaliénables. La remise en question et la réinterprétation du concept de race étaient au cœur des revendications d’humanité et de citoyenneté des réformateurs noirs ; il s’agissait là d’éléments-clés pour faire tomber les obstacles à l’égalité.
5Cet essai présentera une esquisse des objections formulées par les hommes noirs réformateurs contre la logique de race au cours de deux périodes cruciales. D’une part, la lutte livrée durant la période qui précéda la guerre de Sécession permet de mieux comprendre l’esprit de réforme à l’œuvre pour la première génération de Noirs affranchis. D’autre part, les protestations qui suivirent la période de la Reconstruction donnent à voir la manière dont les réformateurs, au cours d’une nouvelle ère de liberté et de citoyenneté, tentèrent de réinterpréter la notion de race et se frayèrent un chemin au milieu de théories tenaces sur les différences et les similitudes entre les êtres humains. Les querelles autour du concept de race caractéristiques de ces deux périodes permettent de comprendre de quelle manière les réformateurs ont appréhendé et réfuté ce concept qui était au cœur des raisons invoquées par les Américains blancs pour justifier l’asservissement des Africains-Américains et les reléguer aux marges sociales, politiques et intellectuelles de la vie américaine.
La résistance au concept de race avant la guerre de Sécession
6Wagoner n’était pas le premier à critiquer les théories infondées qui établissaient des différences entre les êtres humains et des points communs entre les races. Il s’inscrivait dans la lignée d’opposants à l’ACS qui avaient cherché avant lui à éclairer les partisans de la colonisation sur la réalité de la nature humaine. Les premiers adversaires africains-américains des partisans de la colonisation réfutaient l’idée d’une différence de nature avec les Américains blancs qui justifierait leur retour en Afrique. Ils démontraient la présence de « différentes couleurs parmi les espèces vivantes de la création » tout en ajoutant qu’une « différence de couleur n’équivaut pas à une différence d’espèces9 ».
7Avant que Wagoner ne publiât sa diatribe au milieu du xixe siècle, les scientifiques avaient fait montre d’un zèle remarquable pour concevoir de nouvelles théories de la différence. La polygénèse et la craniologie furent deux innovations notables de l’American School of Ethnology (École américaine d’ethnologie). La théorie de la polygénèse attribuait à des processus de création multiples et inégaux les origines des êtres humains, tandis que la pratique de la craniologie offrait un mécanisme de mesure des compétences visant à prouver l’existence de différences essentielles et d’une hiérarchie naturelle parmi les êtres humains. Il s’agissait de deux projets phares de l’École américaine d’anthropologie, qui étaient issus d’une collaboration entre d’éminentes figures du monde scientifique dont Samuel Morton, le président de l’Académie des sciences naturelles de Philadelphie, Louis Agassiz, professeur à Harvard, l’égyptologue George Gliddon et Josiah Nott, esclavagiste et médecin de l’Alabama. Leur intention consistait à légitimer l’hypothèse selon laquelle la couleur noire constituait une barrière insurmontable à l’obtention de l’égalité des droits et de la citoyenneté états-unienne.
8Les savants de cette école faisaient appel à « la race juive » pour ajouter foi au regroupement des populations en catégories diversement nommées « races », « types » et « espèces ». Le dernier terme symbolisait leur rêve de prouver que les races étaient des entités « organiques primordiales » qui reflétaient des dissemblances indépendantes des contraintes environnementales et indiquant par là l’existence d’origines distinctes. Josiah Nott découvrit que le « type » d’origine de la race juive était resté inchangé au cours de quatre mille années d’influences de toutes natures. La tête momifiée d’un « Israélite » constituait la preuve de la permanence des « traits juifs ». Il s’agissait selon lui d’un « spécimen typique » ; seul le « sang juif » pouvait en être la source10. La préservation des traits distinctifs de judéité était supposée démontrer l’existence d’origines multiples et d’espèces distinctes. Plus important encore, elle fournissait une assise scientifique pour interpréter les différences entre les Africains-Américains et la population blanche comme des indicateurs fixes de dissemblances raciales originelles. Elle ôtait donc tout fondement à l’idée d’une humanité commune.
9Nott élevait les Juifs au rang de race paradigmatique, « “l’autre” monolithique et constant », tandis que les réformateurs de couleur les percevaient comme un modèle type de l’espèce humaine11. L’identité juive constituait pour ces derniers un argument dans leur défense de l’unité des espèces et de leur propre humanité. Euthymus, auteur pseudonyme faisant partie des premiers opposants à la science de la race, était l’un de ceux qui désiraient répondre à l’École américaine d’anthropologie sur le terrain de la science, en dépit des « absurdités » qui caractérisaient leurs théories d’assimilation des gens de couleur à « l’espèce des orangs-outans12 ». Il puisait dans l’environnementalisme et l’histoire moderne pour séparer les variations physiques observables chez les êtres humains des proclamations de différences essentielles entre eux et de l’infériorité de certains. Euthymus fit appel aux caractéristiques physiques des Juifs comme exemple pour son analyse. Il expliqua dans une lettre au journal abolitionniste The Liberator que leurs différents teints de peau – blanc, olive, cuivré et basané – reflétaient une corrélation d’ores et déjà établie entre la couleur de la peau et la région d’origine. Ces nuances corroboraient les observations d’environnementalistes selon lesquelles le climat et le mode de vie « étaient à l’origine de la diversité des couleurs au sein de l’espèce humaine13 ». Puisque les différences de couleur chez les Juifs n’affaiblissaient pas leur identité commune de « peuple à part », l’apparence ne jouait de toute évidence aucun rôle. Elle ne pouvait donc servir de base solide pour catégoriser, diviser ou classer les êtres humains14.
10Ce type d’analyse, qui prévalut durant toute la période de l’esclavage, illustre la manière dont les réformateurs firent appel à l’identité juive pour conforter leurs arguments. Frederick Douglass, esclave fugitif et abolitionniste célèbre, développa une argumentation du même type pour s’opposer aux assertions de l’École américaine d’anthropologie dans les années 1850, alors qu’elle était au sommet de sa renommée. Il étendit le champ de l’analyse à l’ensemble des différences physiques. Dans le discours de remise des diplômes « The claims of the Negro ethnologically considered » (« Les revendications des Nègres à l’épreuve de l’ethnologie ») qu’il prononça au Western Reserve College, il déclarait que les Juifs illustraient le potentiel des « variations infinies », non seulement de la couleur de peau, mais du « corps [et] des traits » également15.
11L’existence d’une identité collective juive en dépit de la diversité phénotypique caractérisant ce peuple remettait en question l’argument selon lequel les différences corporelles, dont les écarts de taille entre les crânes, suggèrent des créations multiples. Les dissemblances ne constituaient pas la preuve de différences d’espèces ou d’origines. Elles ne permettaient donc pas d’invalider les revendications ethnologiques des Noirs quant à leur humanité.
12James McCune Smith, un médecin new-yorkais, s’étonnait de la place grandissante que prenaient les crânes dans les discours des savants au sujet des différences entre les êtres humains et il entreprit des recherches à ce sujet. L’objet de sa recherche ne lui était pas complètement étranger. L’étude des têtes avait façonné les premières années de son parcours de réformateur lorsque, de retour à New York après avoir étudié à la faculté de médecine de Glasgow, il avait activement pris part aux campagnes contre la phrénologie, « considérée à tort comme une science16 ». La craniologie se parait d’atours scientifiques, mais ne suscitait en lui pas plus de considération que les théories du « bossèlement » prônées par les phrénologistes qui prétendaient évaluer les capacités intellectuelles en examinant la forme de la tête chez les êtres humains17. Il exprima sur le ton de l’ironie son mépris à l’égard de cette pratique dans une série d’essais intitulés « Heads of the colored people » (« Les têtes des gens de couleur ») qui furent publiés dans le Frederick Douglass’ Paper. Il n’était sujet de crânes dans aucun des textes, mais chacun d’eux décrivait l’histoire d’un travailleur noir inconnu. Tour à tour poignants, amusants, subtils et acerbes, ces textes s’éloignaient souvent du thème principal pour évoquer des sujets sans lien apparent, par exemple celui sur la petite-fille de Thomas Jefferson, une « méthodiste hurlante18 » du Liberia, qui montrait à quel point la progéniture de « sang mêlé » de Jefferson était aussi répandue que ses idées19. Une telle digression dans un récit décrivant un cireur de chaussures new-yorkais apportait une légèreté de ton inhabituelle parmi les voix qui défendaient l’idée d’une origine humaine commune. En soulignant le caractère passionné des pratiques amoureuses de son héros, McCune Smith lui conférait de l’humanité : « l’étreinte intime de bras puissants autour de tailles robustes et le contact irréfutable de “lèvres qui sont des lèvres” ». Le récit enjoué d’un baiser symbolisait l’unité de l’espèce ; embrasser était « propre à l’espèce humaine » si l’on s’en référait au livre d’Orville Dewey, Problems of Human Destiny. Un tel passe-temps « dont se délectaient les personnes de couleur » était la preuve irréfutable « de l’unité de la race humaine20 ».
13Le ton n’était plus à l’humour lorsque McCune Smith interrogeait la nécessité de comparer les formes des crânes. Il soulignait que l’hypothèse des craniologistes selon laquelle l’angle facial était un indicateur de l’intelligence n’avait aucun fondement. Cet angle établissait uniquement « la position de la mâchoire supérieure par rapport à l’orifice de l’oreille », mais ne révélait rien de la taille, de la forme ou du fonctionnement du cerveau21. Cette mesure ne démontrait en rien les capacités mentales ou le degré d’intelligence. McCune Smith arguait du fait que les « meilleurs anatomistes » ne constataient aucune différence de taille, de poids, de consistance ou de couleur entre les cerveaux de personnes noires et ceux de personnes blanches22. De surcroît, d’autres évaluations scientifiques rigoureuses indiquaient l’uniformité de la structure osseuse du crâne au sein de populations variées. Au lieu de prouver l’existence de différences fondamentales, les crânes des êtres humains attestaient « l’unité de la race humaine23 ».
14Les réponses cinglantes aux allégations scientifiques faisant état de différences et d’une infériorité innées n’étaient pas les seules façons de s’opposer aux justifications raciales d’une soumission civile et politique des Noirs. Avant la guerre de Sécession, les réformateurs africains-américains cherchèrent également à définir pour leur propre compte la logique de discrimination et d’exclusion. William Whipper, un abolitionniste de Pennsylvanie et marchand de bois de construction qui participait à un grand nombre d’initiatives réformistes, fournit l’une des interprétations les plus pertinentes de cette question. Il associa les théories de la race à une longue liste d’injustices que subissaient les gens de couleur. Leurs conditions sociales, la discrimination et l’exclusion des églises, des écoles, des métiers, des élections, des transports publics, du système judiciaire, de l’arène législative les empêchaient d’être sur « un pied d’égalité avec les “personnes blanches”24 ». À l’origine du problème se trouvait une « mise à l’écart odieuse inscrite dans la langue, les principes et la pratique », qui garantissait des privilèges aux individus « regroupés sous la dénomination distincte de “peuple blanc”25 ».
15Whipper avançait l’idée que les classifications raciales ne servaient pas uniquement à justifier la discrimination : elles la structuraient. Il s’agissait de mécanismes linguistiques, idéologiques et comportementaux qui inventaient l’identité blanche pour réguler l’accès à une multitude de ressources et de possibilités. Les partisans de la colonisation, les polygénistes, les législateurs et d’autres encore qui travaillaient à l’asservissement et l’exclusion des gens de couleur libres s’évertuaient à entretenir leur statut de caste blanche. Dès lors, l’inégalité et l’injustice étaient intrinsèques au discours sur « la couleur ». La classification des races ordonnait le pouvoir et le sens accordés aux « nuances incertaines de blanc » et à leur fluctuation. L’utilisation de catégories raciales revenait à proclamer une théorie reposant sur des divisions infondées au sein de l’espèce humaine et parmi les citoyens26.
16Whipper n’alla pas jusqu’à conclure que les gens de couleur devaient abandonner les catégories raciales pour les faire disparaître. Quoi qu’il en soit, la droiture érigée en principe chez les réformateurs leur imposait de ne pas agir autrement. L’adoption des catégories raciales ne les rendait « pas moins coupables » d’encourager l’oppression27. Aussi longtemps que les termes seraient utilisés dans le langage courant, il n’y aurait aucun espoir d’abolir l’injustice du code de couleur qu’ils structuraient. Ils perdureraient jusqu’à ce que « toutes les différentes nuances se fondent en une seule28 ».
L’opposition au concept de race après la période de la Reconstruction
17À la fin du xixe siècle, dans un contexte comparable aux événements d’avant-guerre ayant conduit à une restriction des droits et des libertés, les membres d’une nouvelle génération de réformateurs furent amenés à interroger le concept de race. Ils furent confrontés à une autre forme de pensée savante. Ils pensaient que la théorie de l’évolution de Darwin avait ôté tout fondement aux théories de l’École américaine d’anthropologie. Aux yeux des chefs de file de l’American Negro Academy (ANA), par exemple, la polygénie symbolisait un temps révolu. Alexander Crummel, ministre épiscopal et pionnier de la promotion du progrès noir, qualifia de passé de mode ce « soi-disant travail physiologique ». William Crogman, l’un de ses collègues en lettres classiques, déclarait que « l’idée grotesque » de la polygénie n’inspirait le respect d’aucun individu en harmonie avec les temps nouveaux29. On ne pouvait sérieusement en discuter que sous la forme d’artefact historique à présenter aux jeunes gens comme illustration de la situation qui prédominait avant l’émancipation30. Cette mise à distance ne signifiait pas que les analyses raciales avaient cessé d’être des instruments d’oppression. Toutefois, un grand nombre de réformateurs finirent par considérer que le concept de race était malléable. Il pouvait servir à différentes fins. Cette découverte incita certains d’entre eux à le redéfinir, de manière à l’utiliser comme tremplin à l’émancipation collective des Noirs.
18En 1897, W.E.B. Du Bois élabora cette perspective lorsqu’il prononça son discours inaugural à l’ANA, The Conservation of Races (La préservation des races). Il partageait l’inquiétude de Crummel à l’égard de la propagation d’interprétations erronées du concept de race, qui entravaient toute entreprise de valorisation des Noirs. Crummel affirmait que « l’homme noir moyen en Amérique pense que la création de la race fut un acte superflu de la part du Dieu Tout-Puissant ». Par conséquent, les réformateurs ne disposaient pas « d’une base solide d’opinions au sujet des races sur laquelle travailler31 ». Ils durent la créer. Du Bois entreprit dès lors de faire des catégorisations raciales le fondement de l’identité collective des Africains-Américains. Il avança l’idée que les races étaient les constituants fondamentaux de l’histoire humaine et les seuls véritables éléments-clés du progrès. Cette « loi naturelle » de l’évolution s’appliquait également aux États-Unis, en dépit de son individualisme notoire. En vérité, elle était compatible avec les idéaux de la République et, de fait, avec l’identité américaine. Pour émanciper ses membres, l’ANA devait promouvoir auprès d’eux l’idée que les êtres humains étaient « divisés en races32 ». Elle devait leur enseigner que les « anciens » outils de fierté, d’intégrité et de conscience de race étaient essentiels pour pouvoir réussir en Amérique.
19Du Bois n’ignorait pas que cette démarche était incompatible avec le combat mené de longue date par les réformateurs noirs contre le concept de race ; il aspirait à supplanter cette tradition. Il s’y référa au début de son discours à l’ANA comme pour faire l’éloge d’une position qui avait pu être noble, mais devenait in fine indéfendable. À l’instar de Crummel, il faisait le constat que les Noirs étaient depuis longtemps sceptiques concernant la portée des débats autour des races. Ils tendaient plutôt à « minimiser et réfuter les distinctions entre races » qui reflétaient des postulats inexacts à propos de leurs aptitudes morales, mentales et politiques33. Néanmoins, il estimait que l’utilisation d’un idéal de « fraternité humaine » pour orienter les réalités sociales et politiques de l’époque était une erreur34. Quiconque préconisait un tel cheminement ne saisissait vraisemblablement pas ce que signifiait être américain pour les Noirs.
20Du Bois était également convaincu que la théorie de Darwin confirmait l’unité de l’espèce (et discréditait ce faisant la polygénie). C’est pourquoi il ne craignait pas que l’adoption du concept de race pût légitimer les notions de différences fondamentales ou de hiérarchies naturelles. Il n’accordait que peu d’importance par ailleurs aux « seuls signes distinctifs corporels » comme éléments fondateurs d’une communauté de race car ils ne permettaient pas de comprendre les « différences plus profondes, telles que la cohésion et la continuité » des races au fil du temps35. Les races perduraient par le fait de sensibilités d’ordres spirituel et psychologique. Ces phénomènes, certes « insaisissables », avaient été en mesure de « rassembler » des populations variées au sein de races. Leur puissance était « infiniment » supérieure au pouvoir qui était attribué au sang, au teint et aux dimensions du crâne. Bien que les facteurs émotionnels ne puissent pas être mesurés par les instruments des sciences naturelles, ils « divisaient en différentes races les êtres humains… sans bruit mais en toute certitude », et ce de façon « parfaitement » identifiable pour les chercheurs en sciences humaines36.
21L’optimisme qui accompagnait cette orientation nouvelle du concept de race ne parvint pas à faire taire les doutes sur sa validité. Sa remise en question restait partie intégrante du discours de réforme. Certains réformateurs s’interrogeaient sur la logique de promotion d’une fierté identitaire collective de race et sur ses conséquences. D’autres demeuraient résolus à réfuter les théories scientifiques de classification des êtres humains et de différences entre eux qui considéraient les Noirs comme inférieurs par nature. Au seuil de sa vie, Frederick Douglass faisait partie de ceux qui doutaient du bien-fondé du concept de race. Il mourut deux ans avant la fondation de l’ANA, mais fut témoin du mouvement prônant la « fierté de la peau noire » qui avait conduit à sa création. Cette vogue le déconcertait, et il pensait que cela renforçait l’assujettissement des Africains-Américains. La décision de la Cour suprême déclarant le Civil Rights Act (loi sur les droits civiques) de 1875 inconstitutionnel, de même que les lois discriminatoires dites Jim Crow qui prospérèrent à la suite de cette décision finirent de le persuader que la fierté raciale était une menace. Il conseillait aux membres de couleur de ses audiences de la répudier.
L’une des erreurs que nous ne cessons indéfiniment de commettre… s’est forgée une place de premier plan ces derniers temps. Il s’agit de la culture et de la promotion d’un sentiment que nous sommes heureux de nommer fierté de race. Je la découvre dans tous nos livres, nos articles et nos discours… je ne vois découler aucun bénéfice de cette éternelle exhortation… elle se développe sur des fondations fallacieuses. Du reste, quelle est la chose contre laquelle nous nous battons… le lion sur le chemin de notre progrès ? Qu’est-elle, si ce n’est la fierté de race américaine ?37
22D’autres ne s’arrêtaient pas aux seules considérations stratégiques et se demandaient s’il était plausible de forger et d’alimenter une identité raciale à part entière. Ils ne croyaient pas en « l’intégrité raciale » visée par la conservation du concept de race. Les collègues de Du Bois au sein de l’ANA étaient parmi les plus sceptiques. Kelly Miller, sociologue de l’université noire Howard, estimait que le projet était plausible ; cependant, il questionnait son fondement. Il soutenait la thèse de Du Bois, soulignant que les Noirs, à l’instar des Juifs, devaient préserver leur identité particulière afin d’offrir à l’humanité leurs dons singuliers. Toutefois, leur existence en tant que race se fondait sur des caractéristiques qui restaient floues. Miller se demandait si les Noirs possédaient suffisamment de points communs entre eux pour se définir comme une race. Il dit : « Ceux qu’on nomme les Nègres américains ne constituent pas une race dans le sens d’un groupe ethnique compact, imprégné d’un esprit commun et animé d’un élan commun. Il n’y a pas de fondement physique solide… à l’émergence d’une conscience commune38. » Après mûre réflexion, il conclut que les dissemblances physiques n’étaient pas un obstacle insurmontable. Il remarqua que la race blanche opérait comme un « type homogène » alors même qu’elle intégrait en permanence des immigrants originaires de différents pays européens. De plus, la « race juive » s’était maintenue pendant des siècles comme peuple à part malgré les mélanges de sang avec un grand nombre de nationalités, ce qui interdisait d’établir la pureté comme fondement de l’unité de ce peuple. Les croyances religieuses conféraient de « l’objectivité » aux revendications du groupe à une « identité physique39 ». En résumé, les juifs constituaient une race en vertu des traditions et croyances qui façonnaient leur conscience de peuple. Miller estimait que les Africains-Américains partageaient la même forme d’hétérogénéité, et il constatait une progression lente mais essentielle d’une « solidarité ethnique » parmi eux. Cette évolution était un signe de leur capacité à opérer en tant que race et à s’identifier ainsi, à l’instar d’autres populations faisant face à des caractéristiques distinctes.
23William Scarborough, un humaniste reconnu comme l’un des chercheurs les plus prestigieux de l’époque, n’accordait pour sa part ni valeur ni logique à cette démarche. Président du Wilberforce College, une école financée par l’Église épiscopale méthodiste africaine, il vilipendait l’idée de conservation des races. Il agaça les membres éminents de l’ANA au cours de la réunion inaugurale du groupe lorsqu’il critiqua ce projet. Il affirma que « la “pureté de la race” n’existe pas ». Elle « n’existait pas dans le passé, n’existe pas aujourd’hui et n’existera pas dans le futur ». Il était convaincu que tous les partisans de ce « dogme stupide, abominable et intolérable » – un vaste agrégat comprenant des suprématistes blancs du Ku Klux Klan, des ségrégationnistes de bonne famille, des Juifs et des « hommes de race » – ingurgitaient et perpétuaient les mêmes raisonnements défectueux au sujet de la constitution des races. Ils ignoraient ou comprenaient de travers « l’unité de la race humaine » en dépit de recherches scientifiques prouvant que toutes les races étaient « identiques au sein de l’espèce40 ».
24La futilité des démarches de préservation de la race était illustrée par les Juifs. Ils constituaient le seul groupe qui eût des bases suffisamment solides pour prétendre à l’intégrité raciale et tenter de la conserver, puisque les préceptes religieux leur offraient un bouclier contre « le sang étranger ». Cependant, il était évident aux yeux de Scarborough que la portée des doctrines judaïques était limitée. Les écrits bibliques contenaient une « longue, longue liste d’unions avec des idolâtres ». Ce catalogue comprenait, entre autres, « les Jébuséens, les Amorrites, les Guirgasiens, les Hittites, les Hivvites et les Perizzites ». Les Juifs avaient des liens étroits avec de nombreuses tribus étrangères, et le « sang sémite » coulait dans les veines d’autres populations41. Si, en dépit des injonctions divines et des siècles de pratique, les Juifs n’étaient pas en mesure de revendiquer la pureté, sur quelles bases d’autres populations pouvaient-elles construire leur revendication d’intégrité raciale ? Abandonner le dogme de pureté raciale et affirmer l’existence d’une identité américaine devenaient la seule alternative viable.
25L’intégrité raciale était impossible à atteindre au-delà des échecs des efforts pour y parvenir. Les races étaient par définition impures et sans racines. Elles révélaient les effets des changements d’environnements sur les corps des populations migrantes et les métissages que ces migrations produisaient au sein de groupes de plus en plus variés. Selon Scarborough, les contraintes environnementales donnaient naissance aux différences de « couleur, forme et langue » à mesure que les hommes « primitifs » quittaient leur région d’origine. Le métissage parmi des populations qui ne cessaient de voyager et d’évoluer aboutissait aux races traditionnellement reconnues. L’évocation d’un cheminement imaginaire soulignait l’impossibilité de reconstruire la séquence des changements et des interactions. Il observa : « Chemin faisant, nous sommes emportés de manière inconsciente du centre vers la périphérie, incapables de repérer les différences dans les maillons de la chaîne qui unit tous ces peuples en un seul. Partout des races voisines se sont mélangées… aucune race n’est indigène sur une terre – non métissée, pure42. » Puisque les migrations et le métissage signifiaient qu’aucune race n’était autochtone, la corrélation entre race et lieu ne tenait pas. Par conséquent, la volonté de « renvoyer » les gens de couleur en Afrique et le projet sioniste de « reconstituer la personne » juive reposaient sur des interprétations erronées de l’histoire et de la terre natale. Les processus historiques de fabrication des races annulaient la perspective de pureté et démontraient que l’objectif de préservation de la race représentait « le summum de l’absurdité43 ».
26Paradoxalement, après la mort de Frederick Douglass, les membres de l’ANA jouèrent des rôles phares dans le combat mené contre le concept de race. En dépit du sentiment que les théories polygénistes étaient passées de mode, les Noirs continuaient à être dépeints dans les articles scientifiques comme une « espèce distincte », inférieure par nature à la population blanche. Il s’avérait donc nécessaire de s’attaquer à la validité du concept de race. L’étude Race Traits and Tendencies of the American Negro publiée en 1896 illustrait parfaitement l’attrait et le prestige qui auréolait toujours la science de la race inventée avant la guerre de Sécession44. Il s’agissait d’un travail mené par Frederick Hoffman, un statisticien autodidacte, pour la compagnie d’assurance Prudential Life Insurance Company. L’ouvrage était la preuve que les théories de la polygénèse hantaient toujours les imaginations des Américains, même si elles ne guidaient plus depuis longtemps les travaux des chercheurs en sciences naturelles. Les praticiens des nouvelles sciences sociales, les hommes d’Église, les personnages politiques et les intellectuels publics autoproclamés à l’instar d’Hoffman maintenaient en vie la vision polygéniste.
27L’ANA consacra sa première déclaration publique au travail d’Hoffman, reléguant au second plan l’objectif de conscience de race que Crummel et Du Bois avaient établi comme la priorité de leur programme. Le premier des 21 Occasional Papers publié par les membres de l’ANA fut une critique de l’ouvrage d’Hoffman. Le deuxième présenta le traité de Du Bois. Kelly Miller, qui avait obtenu un doctorat en mathématiques à l’université Howard après avoir abandonné ses études à l’université John Hopkins, fut chargé de l’évaluation de l’étude d’Hoffman. Sa longue critique du livre fut publiée peu après celle qu’avait écrite Du Bois pour les Annals of the American Academy of Political and Social Sciences45.
28Le sujet abordé par Hoffman dans son étude n’était pas nouveau. Il redonnait vie au thème récurrent de la disparition imminente des Noirs en raison de leur naturelle infériorité raciale. Du Bois et Miller considéraient l’ouvrage comme une analyse charnière parce qu’elle offrait une analyse statistique de la « question nègre ». Miller le décrivait comme le commentaire « le plus important » sur la question depuis la parution de La case de l’oncle Tom et estimait qu’il nourrirait l’intérêt pour d’autres « enquêtes rigoureuses et scientifiques46 ». Le point de vue d’Hoffman se nourrissait d’hypothèses évolutionnistes et polygénistes, même si l’historien George Frederickson le considérait comme la parfaite illustration du « darwinisme racial47 ». Les spéculations sociales et biologiques d’Hoffman à propos des Noirs et des mulâtres reposaient sur des théories polygénistes, comme le montra George Stocking dans son analyse historique de l’anthropologie48.
29Le livre était truffé d’inexactitudes patentes. Les écarts entre les données et les raisonnements de l’auteur étaient saisissants et Miller en déduisait dès les premières pages que des « présomptions initiales » avaient dû guider sa thèse. Il semblait que les faits n’y étaient relatés que pour appuyer une position entérinée. Néanmoins, Du Bois et Miller analysèrent les méthodes qu’utilisait Hoffman afin d’évaluer la validité de sa conclusion selon laquelle les traits de la race nègre la condamnaient à l’extinction. Hoffman utilisait les taux de mortalité urbaine issus du recensement de 1890 pour étayer sa conclusion. Du Bois et Miller remarquèrent d’après les données mêmes d’Hoffman que les Africains-Américains habitant dans les villes du Sud constituaient cette année-là « moins de onze pour cent » de la population noire totale. Cependant, 75 % de l’ensemble de la population des Noirs vivait en dehors des grandes villes. Dès lors, Hoffman aurait dû expliquer comment il pouvait tirer des conclusions à propos de l’ensemble d’une population en s’appuyant uniquement sur des données reflétant les conditions de vie d’une partie seulement d’entre elle. Ses données indiquaient également que les taux de mortalité urbaine de la population blanche avant 1890 étaient supérieurs à ceux des Noirs. De telles indications démontraient qu’il était impossible de conclure que les traits de la race noire prédisaient l’extinction de ses membres en se fondant uniquement sur l’exploitation de taux de mortalité récents et isolés. L’impact des conditions de vie sur la qualité et la durée de vie des personnes était de toute évidence ignoré. Hoffman rejetait le pouvoir explicatif de tels facteurs de contingence. « Les causes de cette mortalité excessive ne sont pas à chercher dans les conditions de vie, déclarait-il, mais dans les traits et prédispositions de la race49. » Les conditions d’existence n’avaient d’importance que dans la mesure où elles reflétaient « l’invraisemblable excès d’immoralité » à l’œuvre chez les Noirs ; cette immoralité était « la racine du mal » pour Hoffman. Il s’agissait d’un « trait de race50 ». Les deux lecteurs s’emparèrent tous deux de ce parti-pris pour mettre en évidence la logique défectueuse de Hoffman. Du Bois l’enjoignait d’expliquer comment, « après être tombés en désuétude pendant au moins un siècle », ces prétendus traits de race n’avaient eu d’impact qu’après 1880. De surcroît, dans l’hypothèse où l’on pourrait légitimement lier des traits de race aux taux de mortalité d’une population, les relecteurs faisaient remarquer que les taux de mortalité de l’année 1880 parmi les habitants noirs des villes étaient comparables et parfois même inférieurs à ceux observés dans certaines villes d’Allemagne, d’où Hoffman était originaire. Miller se demandait « quel pouvait être l’épouvantable agent de mort… à l’œuvre dans les villes de la patrie de l’auteur… là où les traits de race produisent de tels dégâts parmi les Nègres en Amérique51 » ? De la même manière, afin de riposter aux accusations de décadence condamnant la race noire à l’extinction dans les régions du Sud de la ceinture noire, il posait la question de savoir si la « dépravation » n’était pas également un trait de race parmi les Appalachiens blancs et pauvres.
30La pensée polygéniste attirait la foudre et le sarcasme de Miller, qu’elle apparût dans la culture populaire ou dans le milieu scientifique. Pour ne citer qu’un exemple, la diatribe de Thomas Dixon au sujet de l’infériorité et du métissage noirs dans The Leopard’s Spots52 suscita une réponse de 21 pages. Le roman constituait la première partie d’une trilogie en faveur du Ku Klux Klan écrite par l’ancien pasteur baptiste. L’œuvre inspira Naissance d’une nation à D.W. Griffith. Les descriptions avilissantes d’Africains-Américains qui composaient le récit exploitaient les peurs des lecteurs blancs de voir les Noirs obtenir les mêmes droits qu’eux. Le livre suggérait qu’une telle étape mènerait au mélange dangereux de « deux races ennemies53 ». Miller consacrait sa réponse à discréditer la logique sous-jacente aux inquiétudes à l’égard du métissage et aux affirmations sur l’inaptitude des Noirs. En disséquant l’anxiété, la haine et le dénigrement, il mettait à jour des visions trompeuses de l’espèce humaine.
31Cette harangue contre le métissage venait « un peu tard », compte tenu d’estimations selon lesquelles 60 % des Africains-Américains avaient un ancêtre blanc. Ce phénomène remettait en question les hypothèses de Dixon à propos des barrières prétendument naturelles entre les races. Le brassage avait été si vaste que les Afro-Américains, tels que Miller les nommait, comptaient « à peine » pour des « Nègres ». Malgré cela, il certifiait à Dixon que ces derniers ne nourrissaient aucun fantasme au sujet de mariages ou de relations sexuelles interraciales. Néanmoins, puisque les Africains-Américains possédaient les qualités qui caractérisaient tous les êtres humains, les relations interraciales n’étaient pas en désaccord avec les lois de la nature. Le climat social indiquait qu’un « mélange des races » à grande échelle avait une très faible probabilité de se réaliser au présent. Cependant, l’unité de l’espèce rendait la chose « ultimement possible54 ». Il ne concevait pas que les populations variées de l’espèce humaine pussent vivre ensemble sans « fusionner ».
32L’initiative de Dixon semblait essentiellement vouée à ressusciter la science esclavagiste de l’École américaine d’anthropologie, qui avait perdu tout crédit dans les débats universitaires sérieux. L’affirmation selon laquelle la « configuration céphalique » des Noirs limitait leur intelligence et les rendait « réfractaires » à la civilisation n’avait aucune validité scientifique55. Il n’y avait aucun bien-fondé à l’idée d’une taxonomie des races qui reflèterait des différences de capacité intellectuelle. La stupidité n’avait pas de frontière. Les gens intelligents devaient éprouver de l’embarras devant de telles notions sans fondement. Miller essayait de faire comprendre à ses lecteurs que le projet de Dixon, une fois écartée l’intolérance nauséabonde de son propos, reposait sur des arguments trompeurs. Il était impossible de concevoir une classification logique globale qui pût inclure avec précision tous les Blancs et exclure tous les Noirs.
33D’autres membres de l’ANA remirent en cause le concept de race, démontrant plus encore l’aversion qu’inspiraient aux réformateurs ces relents d’une théorie des différences au sein de l’espèce humaine. C’est avec un mélange de dégoût et d’espoir que Theophilus Gould Steward, pasteur de l’Église épiscopale méthodiste africaine, chercha à prouver scientifiquement l’absurdité de plusieurs théories américaines de la race. En 1897, alors qu’il occupait la fonction d’aumônier militaire, il rejeta l’idée de « propension de la race à mourir et tomber malade » que le chef des services de santé de l’armée américaine associait aux Noirs. Steward s’appuya sur des faits et cita des données à long terme qui montraient des taux de maladie, d’infirmité et de mort comparables entre soldats noirs et blancs afin d’invalider « l’hypothèse d’une “propension” » et les conclusions à propos d’une « infériorité physiologique56 ». Cependant, les faits ne coupaient pas court aux accusations d’infériorité innée. Steward notait avec une certaine lassitude leur résurgence régulière à grand renfort de « lamentations » et de dénonciations de l’indolence des Noirs. Il les rencontrait sous des atours religieux ou médicaux dans les propos d’habitants du Sud effrayés de la « tendance » à l’immoralité des Noirs et de leur « disposition » aux maladies, la tuberculose pulmonaire en particulier. Sa réponse à de telles fables sinistres consistait en la simple observation que les Africains-Américains ne « disparaîtraient » pas. Les taux de mortalité urbaine élevés ne prouvaient en rien l’immoralité des Noirs ni ne constituaient une preuve de leur mort imminente. Steward s’empara d’indices révélés par les environnementalistes avant la guerre de Sécession et déclara que ces résultats reflétaient les conditions de vie misérables des anciens esclaves qui entamaient « avec rien » leur existence de personnes libres. Des sources empiriques, comme les prouesses de soldats noirs ou encore la réussite scolaire d’étudiants dans les universités de l’Ivy League, montraient de « nets progrès » au sein de cette population. Des données à l’échelle mondiale démontraient que les Africains-Américains n’étaient pas condamnés par nature à mourir dès lors qu’ils habitaient en ville. Steward fit l’hypothèse que les conditions de vie à Port-au-Prince, la capitale haïtienne, étaient sans nul doute moins favorables que le cadre social offert par Charleston. Néanmoins, la population de la nation insulaire avait doublé au cours des deux décennies précédentes. À l’opposé, la tuberculose pulmonaire était endémique à Charleston et Savannah, où des administrations gouvernées par des Blancs étaient responsables des conditions de santé publique57. De toute évidence, lorsque les Noirs s’émancipaient, ils étaient plus à même d’assurer leur propre bien-être.
34Steward recueillit ses propres données afin de démontrer qu’il n’existait aucun fondement à la séparation des êtres humains en races distinctes selon leur constitution physique. Il demanda à consulter, dans le cadre de ses recherches, les archives concernant les pointures des chaussures dans les régiments noirs et blancs afin de déterminer les écarts entre les deux58. Les résultats montraient que les chaussures des troupes blanches et noires étaient « exactement du même ordre », ce qui n’était pas de nature à surprendre un homme qui refusait de considérer la « ligne de couleur » comme un phénomène de nature physique. Il pensait que la pureté raciale dont les Américains étaient prétendument les porteurs n’existait que dans leurs allégations, non dans leur « sang », ce que confirmait la one-drop rule selon laquelle un seul ancêtre noir était une base suffisante pour classer un individu parmi les Noirs. Cette « règle d’une seule goutte de sang » montrait que la fabrication et la préservation des distinctions entre les races n’étaient possibles qu’à condition que les Noirs fussent « exclus de la race blanche à grand renfort de coups de pied, de menottes et de balles », au mépris de l’ascendance blanche dont un grand nombre d’entre eux pouvaient se prévaloir59. Steward savourait avec sarcasme cette conclusion et prévenait les créateurs de la ligne de séparation « ignoble » qu’elle risquait de se retourner contre eux un jour ou l’autre. Dès lors, il était plus sûr d’être du côté sombre de la frontière créée par le mythe de la goutte de sang.
35Les spéculations savantes au sujet de la mortalité des mulâtres ne suscitèrent pas une réaction moins sardonique de la part de Steward lorsqu’il lut les analyses de Nathaniel Southgate Shaler, un géologue de Harvard. Ce protégé de Louis Agassiz avançait l’idée que les traits distinctifs propres à chaque race étaient quasiment primordiaux. Shaler pensait comme Hoffman que « le troisième quelque chose » – la progéniture issue de l’union entre une personne noire et une personne blanche – était en moins bonne santé que l’un ou l’autre de ses parents. L’expérience voulait qu’il eût une carence en « énergie vitale » et en personnalité. Par conséquent, Shaler mettait en garde contre les « alliances de sang ». Des restrictions propres à la nature imposaient, selon lui, une obligation pour les deux races d’éviter de telles interactions. Steward passa sa démonstration au crible. Shaler avait fait appel à des médecins qui attestaient que la durée de vie des mulâtres dépassait rarement cinquante ans et remarquaient que de tels individus mouraient invariablement jeunes. Steward répliqua en envoyant à l’auteur les noms de mulâtres âgés de plus de soixante-dix ans pour contredire les affirmations selon lesquelles ils étaient voués à une mort prématurée60.
36De telles questions provoquèrent la colère de Steward jusqu’à sa mort. Plus de trente ans après sa découverte des écrits de Shaler, il s’en prit à un autre chercheur qui s’était appuyé sur les hypothèses du géologue. William McDougall, un psychologue de Harvard qui étudiait l’hérédité et l’eugénisme, déclarait que les mulâtres avaient des capacités mentales supérieures à celles des Noirs « purs ». Il partageait les conclusions de Shaler selon lesquelles, à l’exception d’une personne qui n’était pas nommée, « tous les Noirs » des États-Unis qui faisaient preuve de « compétences », quelles qu’elles soient, manifestaient en cela l’héritage intellectuel de leurs ancêtres blancs. Steward préfaça sa critique en se qualifiant lui-même d’homme de couleur qui avait identifié ses ancêtres « métissés » sur cinq générations. Il se targuait d’avoir deux fils qui avaient obtenu leur diplôme à « Fair Harvard61 ». Il était fier de l’héritage « remarquable » que lui et son frère décrivirent ensuite dans une histoire de leur communauté du New Jersey. Cependant, il ne tolérait pas la supposition faite par Shaler que ses ancêtres africains diminuaient ses propres capacités mentales et il tournait McDougall en ridicule pour avoir élevé au rang de connaissances scientifiques ses conjectures douteuses. Les faits avaient eu raison de Shaler en 1891. « Sont-ils aujourd’hui de son côté ? » demandait-il avec dérision62.
37Steward était convaincu que les Américains étaient voués à vivre « fraternellement » et il était dès lors d’autant plus critique à l’égard des facteurs qui faisaient obstacle à ce destin. Il considérait la « fable » des races comme l’une des barrières les plus redoutables, puisque les fondateurs de la nation en avaient fait l’un des piliers de la République. Steward estimait qu’en limitant dans leur projet les droits de l’homme aux seuls hommes blancs, ils avaient fait de la race un trait américain insurmontable. L’adoption de lois au coup par coup ne pourrait pas en venir à bout. Le sectarisme qui était au cœur de cet « américanisme obsolète » devait être éradiqué afin d’établir les « droits des êtres humains ». La violence de la foule venait à l’appui de son raisonnement. Elle illustrait avec force détails les « bases trompeuses » sur lesquelles la société américaine continuait de fonctionner après que l’État eut officiellement reconnu la citoyenneté des Noirs. Elle donnait à voir de façon cruelle la liberté de manœuvre que des idées sans fondement accordaient à la « race » qualifiée de manière erronée de « blanche » afin qu’elle perpétuât son abus de supériorité. Le night-mare63 de la race excluait les Africains-Américains de tout ce que les termes « américanisme et peuple américain » devraient impliquer. Les lynchages montraient à quel point « l’esprit de race » déshumanisait les citoyens64.
38L’histoire offrait une échappatoire. D’après Steward, les fondateurs de la nation avaient imaginé que le concept de race propre à la nation devait être en cohérence avec les représentants de sa politique. Ils avaient par conséquent créé un nouveau modèle de classification des races en fonction de la couleur afin d’unir les races européennes inégales et variées qui composaient la République à son origine. Le résultat fut une « race composite » d’Européens représentant « différentes races antagonistes – inférieures et supérieures, subordonnées et dominantes65 ». Ensemble, elles constituaient « une grande race blanche ». Puisque les lois promulguant la Reconstruction – en particulier les quatorzième et quinzième amendements – incorporaient les peuples qui n’étaient pas blancs dans le régime politique, « l’idée de race blanche » n’était plus en phase avec la réalité politique. La situation n’était pas viable ; un gouvernement populaire ne pouvait outrepasser son « fondement racial » et deux versions de la citoyenneté ne pouvaient gouverner la République. Un nouvel « esprit de race » qui serait cohérent avec les paramètres légaux de la citoyenneté nationale devenait nécessaire66. Les théories de la classification par couleur devaient engendrer la formation d’une race américaine.
39À l’aube d’un siècle nouveau, Steward était convaincu qu’il n’était pas permis de renoncer à instituer le changement. Si le sens moral ne forçait pas la nation à tenir compte des faits anthropologiques et de la vérité théologique « d’une seule race humaine », une révolution entraînerait l’adhésion. Le concept de race prédominant opérait une distorsion si profonde de la réalité qu’il ne pouvait être maintenu. Lui donner foi équivalait à affirmer que la nature s’était trompée sur ce que cela signifiait d’être humain67.
La politique des marges raciales
40Les remises en question du concept de race décrites dans cet essai font partie d’une large tradition réformatrice du xixe siècle qui donne plus de complexité aux idées populaires concernant la race parmi les Africains-Américains. Elles montrent que la race ne s’imposait pas de soi comme espace d’une identité marginalisée, mais représentait une catégorie contestée de différences, de points communs et de stratifications. Une cartographie de la pensée populaire au sujet du postulat affirmant l’existence de races marginales révèle également la politique de marge raciale elle-même. Elle remet en question sa stabilité et l’évidence indéniable de son utilité comme prisme d’analyse pour l’interprétation des identités africaines-américaines.
Notes de bas de page
1 Frederick Douglass’ Paper, 2 mars 1855.
2 Ibid. ; William Shakespeare, Œuvres complètes de W. Shakespeare, t. VIII : Les Amis, traduction de F.-V. Hugo, Paris, Pagnerre, 1872, Le Marchand de Venise, scène XIII, p. 224.
3 Frederick Douglass’ Paper, 2 mars 1855.
4 Jefferson Thomas, Observations sur l’État de Virginie, traduction, annotations et postface de F. Specq, Paris, Éditions Rue d’Ulm, 2015, p. 168-176.
5 Les partisans de la colonisation établirent des alliances locales et nationales dans leur croisade pour éradiquer sans résistance la population de couleur libre des États-Unis. Staudenraus P.J., The African Colonization Movement, 1816-1865, New York, Columbia University Press, 1961, p. 1-3 ; Garrison William Lloyd, Thoughts on African Colonization ; Or an Impartial Exhibition of the Doctrines, Principles and Purposes of the American Colonization Society. Together with the Resolutions, Addresses, and Remonstrances of the Free People of Color, Boston, Mathew Carey, 1832, p. 135 et 137-138. Sur le mouvement de colonisation de l’Afrique, voir également Burin Eric, Slavery and the Peculiar Solution : A History of the American Colonization Society, Gainesville, University Press of Florida, 2005.
6 N.D.E. (note de l’éditeur) : lors de la période de la Reconstruction (1865-1877), l’armée fédérale américaine fut envoyée dans le Sud pour s’assurer que les anciens confédérés acceptent leur défaite aussi bien que la réintégration complète des anciens États sécessionnistes dans l’Union et également pour faire en sorte que les anciens esclaves ne fussent pas mal traités par leurs anciens propriétaires. Dans les décennies qui suivirent, les États du Sud reprirent peu à peu le contrôle de leur destinée et de celle des habitants noirs.
7 Foner Eric, Reconstruction : America’s Unfinished Revolution, 1863-1877, New York, Harper & Row, 1988, p. 504-505, 529 et 530-533.
8 Meier August, Negro Thought in America, 1881-1915 : Racial Ideologies in the Age of Booker T. Washington, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1963, p. 19-21 ; Logan Rayford, The Negro in American Life and Thought : The Nadir, 1877-1901, New York, Dial Press, 1954.
9 Garrison W.L., Thoughts on African Colonization…, op. cit., partie II, p. 14-15 et 30.
10 Nott Josiah C., « Physical history of the Jewish race », Southern Quarterly, vol. 1, juillet 1850, p. 429, 432-434, 436 et 446-449.
11 Goldstein Eric L., The Price of Whiteness : Jews, Race, and American Identity, Princeton, Princeton University Press, 2006, p. 239.
12 The Liberator, 26 décembre 1835, 27 août 1831.
13 The Liberator, 27 août 1831.
14 Loc. cit.
15 Douglass Frederick, « The claims of the Negro ethnologically considered : an address before the literary societies of Western Reserve College, July 12, 1854 », in Blassingame John W. (éd.), The Frederick Douglass Papers. Series One : Speeches, Debates, and Interviews, vol. II, New Haven, Yale University Press, 1982, p. 502, 520 et 522.
16 McCune Smith étudia à l’université de Glasgow entre 1832 et 1837 et obtint un baccalauréat, une maîtrise universitaire ainsi qu’un doctorat en médecine. The Colored American, 23 et 30 septembre 1837.
17 New-York Spectator, 21 septembre 1837 ; The Philanthropist, 17 octobre 1837.
18 N.D.T. (note du traducteur) : les méthodistes et leurs prédicateurs étaient réputés pour leurs hurlements et plus généralement le « bruit » (pleurs, applaudissements, gémissements…) qu’ils produisaient lors des sermons et qu’eux-mêmes prenaient pour un gage de foi, comme l’atteste un livre de chants de 1807, « The methodists were preaching like thunder all about », ou encore « Shout, shout, we’re gaining ground, Hallelujah ! ». Mead Stith. A General Selection of the Newest and Most Admired Hymns and Spiritual Songs Now in Use, Richmond, Seaton Grantland, 1807.
19 Frederick Douglass’ Paper, 25 mars 1852, 15 avril 1852, 24 décembre 1852, 9 septembre 1853.
20 Frederick Douglass’ Paper, 15 avril 1852.
21 McCune Smith James, « On the fourteenth query of Thomas Jefferson’s notes on Virginia », Anglo-African Magazine, vol. 1, août 1859, p. 225, 238, en particulier p. 225-227.
22 Loc. cit.
23 McCune Smith J., « On the fourteenth query… », art. cit., p. 229.
24 The Colored American, 16 septembre 1837.
25 Loc. cit.
26 The Liberator, 14 avril 1832 ; Aptheker Herbert, A Documentary History of the Negro People in the United States, vol. 1, New York, Citadel Press, 1990, p. 126-130.
27 The Colored American, 10 février 1838, 29 mars 1838 et 16 septembre 1837.
28 National Reformer, novembre 1838.
29 Kletzing Henry F. et Crogman William H., Progress of a Race or the Remarkable Advancement of the Afro-American Negro, Atlanta, J.L. Nichols & Co., 1900, p. 18-19.
30 Crummell Alexander, Africa and America : Addresses and Discourses, New York, Negro Universities Press, 1969 (1re éd. 1891), préface, p. iii-iv ; Id., Civilization, the Primal Need of the Race, Inaugural Address, 5 mars 1897, et The Attitude of the American Mind toward the Negro Intellect, First Annual Address, 28 décembre 1897, Washington, D.C., Occasional Papers of the American Negro Academy, 1898, p. 10.
31 Lettre d’Alexander Crummell à John Wesley Cromwell, 5 octobre 1897, citée dans Oldfield J.R. (éd.), Civilization and Black Progress : Selected Writings of Alexander Crummell on the South, Charlottesville, University Press of Virginia, 1995, p. 19.
32 Lettre d’Alexander Crummell à John Wesley Cromwell, 5 octobre 1897, citée dans Oldfield J.R. (éd.), Civilization and Black Progress…, op. cit., 1995, p. 19 ; Du Bois W.E.B., The Conservation of Races, Washington, D.C., Occasional Papers of the American Negro Academy, 1897, p. 5-7 et 10-11.
33 Ibid., p. 5.
34 Ibid., p. 1-3 ; W.E.B. Du Bois, « Strivings of the Negro people », Atlantic Monthly, no 80, août 1897, p. 197.
35 Id., The Conservation of Races, op. cit., p. 6-8 et 10-11.
36 Ibid., p. 7.
37 Douglass Frederick, « The nation’s problem : an address delivered in Washington, D.C., on 16 April 1889 », in Blassingame John W. et McKivigan John R. (éd.), The Frederick Douglass Papers. Series One : Speeches, Debates, and Interviews, vol. V, New Haven, Yale University Press, 1992, p. 411-413.
38 Miller Kelly, Out of the House of Bondage, New York, Schocken Books, 1971 (1re éd. 1914), p. 47 et 49-50.
39 Loc. cit.
40 Scarborough William, « Race integrity », Voice of the Negro, vol. 4, no 4, 1907, p. 197 et 200-202 ; Du Bois W.E.B., « Marrying of Black folk », The Independent, no 69, 13 octobre 1910, p. 813 ; Moss Alfred A., The American Negro Academy : Voice of the Talented Tenth, Baton Rouge, Louisiana State University, 1981, p. 50-51.
41 Scarborough W., « Race integrity », art. cit., p. 199 ; Id., « Introduction », in Tanner Benjamin T., The Color of Solomon-What ? « My Beloved is White and Ruddy ». A Monograph, Philadelphia, A.M.E. Books, 1895, p. vi-viii.
42 Scarborough W., « Race integrity », art. cit., p. 198-200 ; Ronnick Michele Valerie (éd.), The Autobiography of William Sanders Scarborough : An American Journey from Slavery to Scholarship, Detroit, Wayne State University, 2005, p. 158.
43 Scarborough W., « Race integrity », art. cit., p. 199-200 ; Kallen Horace, « The ethics of zionism », Maccabaean, no 11, août 1906, p. 71.
44 Hoffman Frederick, Race Traits and Tendencies of the American Negro, New York, Macmillan, 1896.
45 Moss A.A., The American Negro Academy…, op. cit., p. 51-52 et 290 ; Miller Kelly, A Review of Hoffman’s Race Traits and Tendencies of the American Negro, Washington, D.C., Occasional Papers of the American Negro Academy, 1897 ; Du Bois W.E.B., « Review of race traits and tendencies of the American Negro », Annals of the American Academy of Political and Social Science, IX, janvier 1897, p. 127-133.
46 Miller K., A Review of Hoffman’s Race Traits and Tendencies…, op. cit., p. 1 ; Du Bois W.E.B., « Review of race traits and tendencies… », art. cit., p. 127. N.D.E. : La case de l’oncle Tom, célèbre roman de l’écrivaine blanche Harriet Beecher Stowe, parut en 1852.
47 Frederickson George M., The Black Image in the White Mind : The Debate of Afro-American Character and Destiny, 1817-1914, New York, Harper & Row, 1971, p. 250-251.
48 Stocking George, Race, Culture, and Evolution : Essays in the History of Anthropology, New York, The Free Press, 1968, p. 52-53 ; Miller K., A Review of Hoffman’s Race Traits and Tendencies…, op. cit., p. 3 ; Moss A.A., The American Negro Academy…, op. cit., p. 93-94.
49 Miller K., A Review of Hoffman’s Race Traits and Tendencies…, op. cit., p. 4 ; Hoffman Frederick, Race Traits and Tendencies…, op. cit., p. 95.
50 Loc. cit.
51 Miller K., A Review of Hoffman’s Race Traits and Tendencies…, op. cit., p. 4, 10 et 13 ; Du Bois W.E.B., « Review of race traits and tendencies… », art. cit., p. 129-130.
52 N.D.E.: le romancier Thomas Dixon, un démocrate défenseur de la ségrégation des Noirs, publia une trilogie comprenant The Leopard’s Spot : A Romance of the White Man’s Burden, 1865-1900 (1902), The Clansman (1905) et The Traitor (1907). D.W. Griffith s’inspira particulièrement de The Clansman pour écrire le scénario de son film Birth of a Nation (Naissance d’une nation) sorti en 1915.
53 Dixon Thomas, Jr., The Leopard’s Spots, New York, Doubleday, 1902, p. 201 passim.
54 Miller Kelly, As to The Leopard’s Spots : An Open Letter to Thomas Dixon, Jr., Washington, D.C., Hayworth Publishing House, 1905, p. 16-17.
55 Ibid., p. 5 et 7.
56 The Christian Recorder, 21 janvier 1897.
57 Steward Theophilus Gould, « Negro mortality », Social Economist, no 9, octobre 1895, p. 204-207.
58 T.G. Steward s’adresse au quartier-maître général, 12 septembre 1902, T.G. Steward Papers ; The Colored American Magazine, no 2, avril 1901, pages liminaires, n.p.
59 T.G. Steward s’adresse au quartier-maître général, 12 septembre 1902, T.G. Steward Papers.
60 Theophilus Steward s’adresse à William McDougall, 23 février 1923, T.G. Steward Papers ; Williamson Joel, « W.E.B. Du Bois as a Hegelian », in Sansing David (dir.), What Was Freedom’s Price ?, Jackson, University Press of Mississippi, p. 38.
61 N.D.T.: Fair Harvard (Harvard la juste) est le nom de l’hymne de l’université.
62 Steward s’adresse à William Mc Dougall, Theophilus Steward s’adresse à Frank Steward, 3 mars 1923, T.G. Steward Papers ; Steward William et Steward Theophilus Gould, Gouldtown, a Very Remarkable Settlement of Ancient Date, Philadelphia, J.P. Lippincott, 1913.
63 N.D.T.: le « cauche-mar », soit entre autres étymologies « le fantôme oppressant ».
64 Steward Theophilus Gould, Our Civilization, Ohio, Wilberforce, 1919, p. 5-6, 10, 13-14, 17-19 et 23-28 ; The Christian Recorder, 19 mars 1870, 30 juillet 1870, 20 août 1870, 10 mai 1900 ; Steward Theophilus Gould, « The race issue, so-called, a social matter only », Competitor, mars 1920, p. 6-7.
65 The Christian Recorder, 26 avril 1883.
66 Loc. cit.
67 Steward T.G., « The race issue… », art. cit., p. 6-7.
Auteur
Enseigne à l’université de Syracuse (état de New York) les études africaines-américaines, l’histoire des femmes, l’histoire religieuse et l’histoire du concept de race. Elle travaille sur la signification de la race, de la citoyenneté, de la liberté et de la mort. En 2015, elle a publié Reluctant Race Men. Black Opposition to the Practice of Race in Nineteenth-Century America.
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