Introduction
p. 7-21
Texte intégral
1 Au moment où de nombreuses interrogations se font jour au sujet de la discipline historique, et où s’affirme la nécessité d’écrire une réelle « histoire-monde », nous avons choisi de nous appuyer sur notre connaissance d’un terrain bien particulier, celui des historiens noirs américains victimes de la ségrégation aux États-Unis (1850-1950), pour élargir notre réflexion aux historiens qui ont écrit en situation de marginalité, géographique, sociale et économique, ou professionnelle. Instruits par l’exemple des historiens africains-américains, nous partons du postulat qu’une histoire globale vraiment inclusive doit aussi s’écrire à partir des marges, lieu d’innovation et de création, et non simplement de relégation. L’introduction qui suit présentera les éléments de notre réflexion théorique, puis les contributions des chercheuses et chercheurs qui nous ont accompagnés dans cette aventure, et dont les aires de spécialité vont bien au-delà des nôtres puisqu’elles incluent l’Inde, la Caraïbe, l’Europe et l’Afrique.
Défis historiographiques contemporains
2En 1996 paraissait le livre de Gérard Noiriel Sur la « crise » de l’histoire, qui critiquait le « tournant linguistique1 » ainsi qu’une certaine approche de l’histoire et de la discipline historique selon laquelle le récit historique était avant tout un « récit », une « fiction », révélant les choix idéologiques, subjectifs et politiques de l’auteur. Pour Noiriel et bien d’autres historiens français, comme Roger Chartier, ce type d’approche, alors en pleine expansion aux États-Unis, remettait en cause la tradition positiviste de l’histoire qui cherchait justement, depuis le xixe siècle, à la distinguer de la littérature pour l’imposer comme discipline scientifique. Après cette vague de publications, le débat théorique s’était quelque peu tari, mais il a repris récemment, de manière différente et semble-t-il plus apaisée. Dans Faiseurs d’histoire. Pour une histoire indisciplinée, des historiens rappellent aujourd’hui les liens entre leurs trajectoires personnelles et leurs recherches, tandis qu’Yvon Jablonka, dans L’histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales (2014), a souligné l’importance de la création littéraire dans l’intérêt même de la scientificité de la recherche historique2. La revue Écrire l’histoire, lancée en 2008, rassemble au sein de son comité de rédaction critiques littéraires et historiens, et ses rédactrices en chef, Claude Millet et Paule Petitier, déclarent vouloir créer, grâce à cette publication, « un espace de dialogues, de passages, et de traductions, pour se saisir de l’histoire dans son “incurable diversité” (K. Pomian), et dans son devenir3 ». Elles indiquent ainsi la nécessité d’une interrogation renouvelée du sens de l’histoire-discipline et de ses fonctions, questionnement dont on trouve de nombreux autres témoignages4.
3Parallèlement, des historiens et spécialistes en sciences sociales interrogent la tradition historiographique occidentale en signalant les limites de ses prétentions à l’universalité. Déjà les luttes pour leur indépendance des nations colonisées et les mouvements sociaux dans de nombreux pays dans les années 1960-1970 avaient contribué à remettre en cause la perspective euro-péocentriste dans les sciences sociales, à une époque où l’on demandait un changement d’optique pour prendre en compte les « points de vue », identités et revendications des opprimés, des « exclus », des « oubliés de l’histoire5 ». On songe également à l’historiographie postcoloniale, tout particulièrement aux subaltern studies nées en Inde au tournant des années 1980 sous l’impulsion d’historiens – dont Partha Chatterjee qui a contribué au présent ouvrage – regroupés autour de Ranajit Guha6. Contestant l’historiographie nationaliste-bourgeoise indienne de l’après-indépendance, dans la mesure où elle ne faisait que reproduire les présupposés « évolutionnistes » de l’historiographie coloniale, les subaltern studies ont substitué à l’idée du passage ou de la transition unilinéaire du féodalisme au capitalisme celle d’une multiplicité de moments de confrontation entre dominants et exploités irréductibles à la pure reproduction dans le monde non européen des étapes de développement parcourues par l’Occident. Il y a renversement de perspective, le changement provenant des insurgés, des « subalternes ». Cette perspective implique de repenser les catégories de la pensée occidentale, de déconstruire les mythes européocentristes de progrès et d’humanisme et de réhabiliter certains savoirs endogènes7. Après l’effondrement du bloc soviétique, on vit naître les global studies qui postulaient, d’abord d’un point de vue économique et politique, l’évidence d’un espace global, sans toujours s’interroger sur sa définition il est vrai. On souligne aujourd’hui davantage l’existence d’un espace globalisé avant même l’ère contemporaine, en fonction de représentations du monde différentes selon le point de vue de l’observateur, et dans lequel l’Europe n’est plus le seul pourvoyeur d’idées et d’idéologies8. L’histoire connectée, définie par Sanjay Subrahmanyam, ne considère pas un espace homogène, pensé artificiellement ; elle note, par l’observation, les mobilités des formes culturelles et des imaginaires politiques ainsi que leur circulation dans des espaces et des contextes changeants. Dans cette « histoire connectée », on envisage les processus qui produisent des changements et les bouleversements qu’ils induisent. Penser la circulation complexe des idées, des objets, des idéologies, les emprunts d’une culture à l’autre a permis d’éviter une analyse qui opposait de façon simpliste centre et périphérie et remis en cause les présupposés ethnocentriques qui sous-tendaient implicitement l’écriture historienne. Sanjay Subrahmanyam a par exemple donné à voir la présence de thématiques similaires dans un vaste espace à une même époque et a démontré la circulation de concepts transformés au fil des pérégrinations et des échanges. Dans cette approche, l’Europe est, elle aussi, transformée par l’apport des objets et concepts importés des pays visités, colonisés, étudiés (dans des expéditions scientifiques notamment9). Il s’agit alors « de décloisonner en articulant le social, l’économique, le culturel et le politique » ; ces aspects « se rejoignent dans le souci de restituer à la fois l’épaisseur du jeu social et la globalité des échanges qui l’animent10 ». Malgré ce qu’avancent certaines critiques pour qui on ne voit pas toujours les processus qui sous-tendent ces espaces11, on note que dans ce type d’approche on « décentre le regard » et on laisse aux différents acteurs leurs propres perceptions. Différentes optiques sont mises en correspondance12. Par ailleurs, il est devenu urgent pour beaucoup d’« écrire » une véritable histoire-monde dont l’Europe ne serait plus le cœur. En France, le géographe et historien Christian Grataloup a publié plusieurs ouvrages marquants sur le sujet, dont Faut-il penser autrement l’histoire du monde ? en 2011 ; Romain Bertrand a invité les historiens à pratiquer une histoire « à parts égales » qui dépasserait l’européocentrisme, toujours en 201113. Pour leur part, en 2014, Nathalie Kouamé et son équipe, dans Historiographies d’ailleurs. Comment écrit-on l’histoire en dehors du monde occidental ?, ont rappelé qu’il existait, en Afrique et en Asie en particulier, d’autres traditions d’« écriture historique », d’autres genres historiques, d’autres sources et d’autres méthodes d’écriture de l’histoire, qu’on ne pouvait continuer à ignorer14. Patrick Boucheron et Nicolas Delalande, dans Pour une histoire-monde, ont rassemblé les contributions d’un petit groupe d’historiens afin « d’expérimenter de nouvelles manières de penser et d’écrire l’histoire » contre « l’européocentrisme ou le repli national15 ». Récemment, Patrick Boucheron a dirigé l’ouvrage collectif Histoire mondiale de la France – véritable succès de librairie qui a suscité de nombreux débats et controverses bien au-delà de la discipline historique16 – dans lequel le but est d’écrire une « histoire qui ne s’embarrasse pas plus de la question des origines que de celle de l’identité, mais prend au large le destin d’un pays qui n’existe pas séparément du monde, même si parfois il prétend l’incarner tout entier17 ».
4C’est dans le sillage de ces études, avec la volonté de multiplier les points de vue, de « décentrer le regard » et de donner voix à ceux qui n’ont pas été toujours ou suffisamment pris en compte dans l’historiographie qu’a été élaboré cet ouvrage.
Le cas des Africains-Américains : écrire l’histoire des Noirs aux États-Unis depuis la marge
5Nous ne nous sommes pas intéressés à l’histoire-monde et, plus généralement, aux interrogations actuelles concernant la discipline historique, uniquement par souci théorique. Nous apportons à ce débat l’expérience d’un terrain de recherche bien particulier car les éditeurs/trices de cet ouvrage ont tous été impliqués ces dernières années dans une réflexion collective sur le travail d’écriture de l’histoire qu’ont effectué les Africains-Américains aux États-Unis, sous l’esclavage et la ségrégation, entre les années 1850 et 1950 (rédaction de récits d’esclaves ou d’ouvrages historiques, collecte de sources primaires et constitution d’archives18). La lecture de ces textes, la connaissance du travail de ces historiens noirs nous ont amenés à nous interroger sur ce que signifiait et ce qu’impliquait, en termes méthodologiques et épistémologiques mais aussi sociaux et politiques, le fait d’écrire l’histoire depuis une position de marginalité. En effet, les historiens africains-américains des années 1850 à 1950 constituent un point de départ tout à fait extraordinaire pour qui s’intéresse aux enjeux actuels de la discipline historique. Pour ces premiers historiens noirs états-uniens, « la marge » avait plusieurs sens possibles : comme les autres Africains-Américains, ils étaient tout d’abord mis à l’écart de la société en raison de la ségrégation – ségrégation légale mise en place dans les États du Sud quelques années après l’abolition de l’esclavage et la guerre de Sécession ; ségrégation dans les faits et pratiques au Nord, renforcée à partir du début du xxe siècle et l’arrivée massive de migrants noirs venus du Sud dans les centres urbains – et de discriminations variées. En dépit de leur éducation, ils étaient également en marge des organisations et des institutions professionnelles et universitaires, puisqu’ils étudiaient et enseignaient le plus souvent dans des établissements réservés aux Noirs et n’étaient pas admis dans les sociétés savantes blanches, voire dans les dépôts d’archives officiels des États du Sud. Dénonçant leur marginalité professionnelle et sociale, ces historiens refusèrent leur relégation en créant des sociétés historiques et des revues capables de rivaliser avec celles des Blancs19. Il n’est que de citer le redoutable Carter G. Woodson, fils d’esclaves et docteur en histoire d’Harvard, qui fonda en 1916 The Journal of Negro History dans le cadre de l’Association for the Study of Negro Life and History (ASNLH – Association pour l’étude de la vie et de l’histoire noires) qu’il avait participé à créer20.
6Ces historiens africains-américains publièrent aussi bien des textes spécifiques sur les « héros noirs » – en particulier ceux de la révolution américaine ou des soldats de la guerre de Sécession – que sur l’histoire africaine-américaine en général21. Intellectuels parfois autodidactes dans les premières décennies (et donc dénigrés en tant qu’« amateurs »), ils évoluèrent dans leur pratique de l’histoire au même rythme que les historiens blancs, professionnalisant leurs méthodes au fil du xixe siècle. Pourtant, si attachés au positivisme occidental qu’eussent été ces historiens, ils se mirent rapidement, par nécessité, à renouveler les méthodes, les objets et les thématiques de cette histoire. Désireux d’écrire l’histoire de leur communauté pour la réinscrire au cœur de l’histoire nationale, il fallait qu’ils retrouvent et préservent les traces des plus humbles, nombreux alors au sein de la population noire et généralement ignorés : ainsi se mirent-ils à écrire des biographies collectives et des encyclopédies, collectant pour ce faire des archives d’histoire orale, des documents d’histoire familiale et autres sources d’histoire sociale, domaine où ils jouèrent un rôle pionnier et encore méconnu à ce jour par la communauté des historiens occidentaux, en dehors des cercles des spécialistes de l’histoire africaine-américaine22. Leurs sources, puisées directement dans des expériences et histoires personnelles très éloignées du modèle blanc en vigueur, leur permettaient de forger une histoire alternative vis-à-vis du récit dominant sur la nation américaine. Alors qu’aujourd’hui l’histoire des Africains-Américains constitue un domaine majeur des études d’histoire aux États-Unis, il convient de rappeler que ce champ fut ouvert dès le milieu du xixe siècle par les historiens noirs. Les thématiques abordées par ces historiens ne se restreignirent jamais à la simple communauté noire aux États-Unis – dont les origines africaines n’étaient pas oubliées – et elles embrassèrent à l’occasion d’autres populations de la diaspora noire. Un exemple important de cette façon d’appréhender l’histoire est celui de l’historien africain-américain Rayford Logan qui publia la première histoire des relations entre les États-Unis et Haïti, subvertissant à sa façon l’histoire diplomatique, dominante à cette époque, en l’ouvrant à une nation alors méprisée et pourtant pionnière sur le plan de la « liberté noire », après son indépendance et la création de la première République noire le 1er janvier 180423. Lui-même militant des droits civiques et anti-impérialiste, Logan avait dénoncé l’occupation d’Haïti par les États-Unis entre 1915 et 1933. Il parlait couramment français à la suite d’un long séjour en France après la première guerre mondiale et il avait pu lire les archives françaises et haïtiennes tout autant que nord-américaines pour écrire une histoire « à parts égales24 ». Il fallut attendre le début du xxie siècle pour que des ouvrages d’une qualité équivalente paraissent aux États-Unis sur ce sujet et qu’Haïti devienne l’une des thématiques les plus porteuses de la recherche en histoire et en littérature aux États-Unis25.
7Ainsi les historiens africains-américains ont-ils renouvelé l’histoire occidentale « blanche » en puisant dans leur marginalité. Ils ne se sont pas limités à écrire l’histoire de ceux qu’une société raciste positionnait « en marge », mais se sont constamment attachés à montrer que l’histoire des Africains-Américains était une partie intégrante de l’histoire nationale, la réinscrivant d’emblée dans une perspective transatlantique et mondiale. De manière très précoce, et en raison même de leur position liminale, décentrée, ils ont guidé l’histoire de leur communauté vers une histoire-monde.
Les marges de l’histoire-monde : de l’utilité d’une notion
8On reconnaît dans les approches mentionnées ci-dessus une démarche qu’on pourrait qualifier de militante, ces historiens cherchant à renverser le « récit » dominant, avant tout occidental et blanc, pour tenir compte du point de vue et de l’expérience des personnes écartées des lieux de pouvoir et de savoir par des pratiques de domination économique, politique et sociale. Les productions des historiens africains-américains nous semblent à ce sujet exemplaire par leur précocité ainsi que leur emploi de sources et de pratiques novatrices avant la lettre. Comme les historiens noirs à l’époque de la ségrégation aux États-Unis, les historiens des subaltern studies, parmi d’autres, ont d’abord émergé de la marge des anciens empires pour nous aider à repenser l’articulation entre centre et périphérie.
9La marge nous semble donc un outil et une perspective privilégiés pour comprendre la fabrique de cette histoire alternative. Le terme est difficile à cerner parfois, tant il est polysémique, en particulier selon la discipline qui le convoque, de l’histoire à la sociologie et à la géographie, parmi d’autres. On peut malgré tout considérer, avec d’autres spécialistes en sciences sociales, que la marginalité recouvre à la fois une position physique, géographique (par exemple un quartier défini par l’appartenance ethno-raciale de ses habitants ; une université réservée à un groupe minoritaire) et un état social : « Le marginal est dans un état d’isolement relationnel par suite de la réalité géographique [et physique] mais aussi dans un isolement social qui l’écartent des processus d’interaction26. » Les courant récents examinés plus haut ont en commun de repenser la vision longtemps dominante entre périphérie (les populations ostracisées, dominées) et centre (les nations colonisatrices, le groupe blanc dominant), inversant parfois même la relation, la périphérie devenant centrale27. La marge ne se résume pourtant pas à une simple opposition au centre, elle est plutôt l’expression d’une tension, entre appartenance et exclusion, inhérente au système qui la produit28, de relations hiérarchisées, de rapports de domination.
10Si la marge est le plus souvent associée à des valeurs négatives (pauvreté, précarité, exclusion, isolement, etc.), par exemple en études urbaines et péri-urbaines, notre expérience du cas des historiens et intellectuels africains-américains « marginalisés » prouve qu’elle est également source d’innovation (ouverture de la notion d’archives à des sources orales, nouvelles pratiques d’immersion en sociologie dont Du Bois fut un pionnier à Philadelphie). La marge peut alors produire ses propres normes susceptibles de remettre en cause les codes dominants : l’histoire américaine a progressivement adopté certaines des pratiques courantes pour les historiens noirs de la seconde moitié du xixe siècle, en particulier l’élargissement à des sources non officielles, et non plus seulement politiques et économiques (venant « d’en haut ») pour privilégier, à partir des années 1970 surtout, celles des ouvriers, des minorités ethno-raciales, des femmes, incluant alors plus fréquemment des documents non écrits, des sources orales, audio et visuelles, la culture matérielle29. Indéniablement, ces acteurs à la marge ont contribué à la transformation de l’écriture de l’histoire. Leur innovation exprimait une certaine résistance, non pas tant pour réfuter l’histoire – celle des États-Unis comme la discipline elle-même – mais plutôt pour s’y insérer et inscrire les contributions des Africains-Américains et des Africains au cœur de la construction de la nation américaine, en en changeant bien évidemment le sens : d’une histoire nationale héroïque à une histoire complexe, ouverte au monde et consciente des conflits du passé, soucieuse d’une « vérité » sans concession30.
11Porter son attention sur les trajectoires et publications des praticiens de l’histoire « depuis les marges » conduit effectivement à une meilleure compréhension d’un système complexe avec ses contradictions et ses formes de contestation31. Grâce à l’accumulation de leurs productions individuelles, les historiens africains-américains ont créé un élan collectif dont les enjeux ne sont pas sans rappeler ceux d’autres professionnels (et amateurs) de l’histoire, parmi d’autres populations ostracisées, dans des pays et territoires colonisés, ou encore au sein même des groupes dominants, dans le cas d’objets et d’approches de recherche méprisés ou critiqués. Il devient ainsi possible de saisir les paroles et les formes d’une histoire depuis différents espaces, temporalités et points de vue et sa contribution à une histoire-monde, y compris en dehors de la profession des historiens.
12Il nous semble que, dans une autre acception du terme « marge », ce renouveau doit en effet se traduire également par une ouverture à tous ceux qui écrivent l’histoire « depuis les marges » de la profession (professionnels amateurs), pour des raisons diverses liées à des contextes souvent marqués par la discrimination institutionnalisée et la mise à l’écart systématique de certains groupes considérés inférieurs ainsi que par des pratiques situées en dehors des départements d’histoire, et ce afin d’esquisser un paysage élargi de la discipline, des travaux qui en relèvent et de la manière dont elle se constitue. Ainsi, au-delà de l’histoire comme discipline professionnelle, plusieurs chapitres de notre ouvrage seront consacrés à ceux et celles qui, dans divers pays et à différentes époques, furent impliqués dans la production de la discipline historienne en leur capacité d’archivistes, bibliothécaires, collectionneurs ou d’historiens amateurs, et qui travaillaient « en marge » de la discipline « officielle » pour mieux la faire évoluer : les archivistes et biographes d’origine portoricaine Arthur Schomburg et Sotero Figueroa (Nicolás Kanellos), la bibliothécaire africaine-américaine Dorothy Porter Wesley (Cheryl Knott), l’éducatrice et militante Mary McLeod Bethune (Fatma Ramdani), qui tous et toutes, par leur effort pour encourager l’éducation des Africains-Américains ainsi que rassembler et collecter leurs productions diverses, contribuèrent largement à l’écriture de l’histoire aux États-Unis, africaine-américaine d’abord, mais aussi états-unienne plus largement. Nous verrons aussi le cas du pasteur, et accessoirement, historien Jeremy Belknap (Agnès Delahaye), dont l’histoire du New Hampshire, en trois volumes publiés entre 1784 à 1792, célébrée plus tard par Alexis de Tocqueville, initia en grande partie l’identification minutieuse d’archives et la séparation de l’énumération des faits de l’analyse. Il contribua à la création de la Massachussetts Historical Society (Société d’histoire du Massachussetts).
13D’autres chapitres seront consacrés à certains historiens professionnels « marginaux » comme l’Américain blanc Howard Zinn (Christiane Vollaire) ou non professionnels tel l’Afro-Trinidadien C.L.R. James (Matthieu Renault), dont les problématiques et conclusions les distinguaient par rapport au consensus disciplinaire de leur époque. Sera également abordée la question de la fiction historique par le biais du best-seller historique La catedral del mar, publié en 2006 par l’auteur et avocat Idelfonso Falcones (Clara Dauler) : ce récit très engagé de la construction de la basilique de Santa Maria del Mar à Barcelone au Moyen Âge utilise la forme romanesque pour mieux rappeler les origines de l’indépendance catalane. Dans le cadre de ce volume, il nous permet d’indiquer que les enjeux de l’histoire et du politique sont proches et se jouent souvent en dehors de la discipline historique, en particulier dans le domaine des représentations.
14Plus largement, l’« écriture de l’histoire » à laquelle ce volume est consacré s’ancre dans une certaine conception de l’entreprise historique qui remettrait les « marges » (certains praticiens de l’histoire, les « marginaux », mais aussi les « oubliés » de l’histoire) au centre. D’où la présence de plusieurs chapitres consacrés aux femmes, en tant qu’historiennes, mais également militantes et actrices de leur histoire (voir ceux de Claire Delahaye sur la construction, dans les années 1920 et 1930, de la mémoire de leur propre mouvement par les suffragettes américaines ; de Cheryl Knott et Fatma Ramdani sur Dorothy Porter Wesley et Mary McLeod Bethune qui donnent à voir le rôle de ces Africaines-Américaines dans l’élaboration d’une histoire noire). Cette perspective qui s’apparente à une histoire vue d’en bas (« from the bottom up »), promue et illustrée en particulier par l’historien anglais E.P. Thompson dans les années 1950 et 196032, fait écho aux problématiques postcoloniales tout en s’inspirant également des études culturelles qui, en particulier, remettent en question les notions de « marge » et de « centre33 ». Ce sont les auteurs des études postcoloniales (postcolonial studies) qui les premiers ont appelé à une « provincialisation de l’Europe » impliquant de décentrer le regard historien, de réécrire l’histoire depuis les « marges » des ex-empires coloniaux34.
15Outre les chapitres plus théoriques de Matthieu Renault (sur C.L.R. James) et Partha Chatterjee (sur la marginalité de l’histoire non occidentale), notre ouvrage fait la part belle à cette perspective décentrée, en intégrant un chapitre consacré à un historien sierra-léonais de la fin du xixe siècle, A.B.C. Sibthorpe (Odile Georg), un chapitre portant sur l’utilisation que les Noirs aux États-Unis firent de la catégorie « Juifs » pour mieux subvertir leur propre marginalité (Joan Bryant) et deux chapitres sur des intellectuels haïtiens du xixe siècle (Délide Joseph et Pauline Vermeren). Nous avons également inclus un chapitre de l’anthropologue Ary Gordien, spécialiste d’une communauté « en marge », celle des Blancs de la Guadeloupe. Ce terrain lui donne l’occasion d’opposer deux pratiques historiennes divergentes, d’un côté celle des cercles blancs créoles, de l’autre celle de l’historien communiste Henri Bangou, qui chacune positionnent différemment le centre et la marge. Une place importante est ainsi accordée à la Caraïbe dont l’histoire, depuis les débuts de la traite négrière, a d’emblée été partie prenante de la constitution d’un espace globalisé en constituant un pivot de la rencontre entre le monde occidental et l’Afrique. Les questions de couleur, de « race », de rencontres des mondes et de subalternité sont bien au cœur de cette exploration des enjeux nouveaux de la discipline historique.
16Le volume s’organise en trois parties qui reflètent les interrogations et problématiques que nous venons d’évoquer et réunissent les contributions d’historiens, mais également d’autres spécialistes des sciences humaines et sociales : la première partie traite du « Récit historique en question » et comprend les contributions du philosophe Partha Chatterjee, de l’anthropologue Ary Gordien, de l’historienne Joan Bryant, de la civilisationniste Clara Dauler et de la philosophe Christiane Vollaire ; la seconde, sur les « Marges intérieures : aux confins de la discipline et de ses normes », réunit les contributions des historiennes et civilisationnistes Agnès Delahaye, Claire Delahaye, Cheryl Knott et Fatma Ramdani ; la dernière s’intéresse aux « Historiens aux marges de l’Occident » et regroupera les contributions des historiens Nicolás Kanellos, Odile Goerg et Délide Joseph ainsi que celle des philosophes Matthieu Renault et Pauline Vermeren.
17Nous tenons à remercier Laurent Vannini, le traducteur des textes rédigés à l’origine en anglais.
Notes de bas de page
1 Le « tournant linguistique », associé à la philosophie, s’est opéré en lien avec le développement de l’approche post-structuraliste issue de la réinterprétation états-unienne des écrits de Derrida, Foucault et d’autres. Il a connu un succès particulier et pris une tournure spécifique dans le champ de l’histoire. Voir notamment Guilhaumou Jacques, « À propos de l’analyse du discours : les historiens et le “tournant linguistique” », Langage et société, vol. 65, no 1, 1993, p. 5-38 ; Clark Elizabeth A., History, Theory, Text : Historians and the Linguistic Turn, Cambridge, Harvard University Press, 2004.
2 Noiriel Gérard, Sur la « crise » de l’histoire, Paris, Belin, 1996 ; Chartier Roger, Au bord de la falaise. L’histoire entre certitudes et incertitudes, Paris, Albin Michel, 1998 ; Gérard Noiriel réagissait en particulier à l’ouvrage de Novick Peter, That Noble Dream : The « Objectivity Question » and the American Historical Profession, New York, Cambridge University Press, 1988 ; Gumplowicz Philippe et al., Faiseurs d’histoire. Pour une histoire indisciplinée, Paris, PUF, 2016 : Jablonka Yvon, L’histoire est une littérature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales, Paris, Seuil, 2014.
3 https://elh.revues.org/693, consulté le 23 août 2017. Millet et Petitier citent le philosophe et historien Krzysztof Pomian, auteur notamment de Sur l’histoire (Paris, Gallimard, coll. « Folio histoire », no 97, 1999).
4 Gruzinski Serge, L’histoire, pour quoi faire ?, Paris, Fayard, 2016.
5 Inspirés par l’histoire sociale nord-américaine en particulier, Elise Marienstras et Bernard Vincent publièrent en 1991 un ouvrage collectif intitulé Les oubliés de la révolution américaine. Femmes, Indiens, Noirs, quakers, franc-maçons dans la guerre d’indépendance (Nancy, Presses universitaires de Nancy, 1991).
6 Entre autres publications, il a édité les premiers volumes de subaltern studies publiés chez Oxford University Press dans les années 1980. Il a plus récemment publié History at the Limit of World-History (New York, Columbia University Press, 2002), ouvrage dans lequel il critique une conception hégélienne de l’histoire, européenne et impérialiste, pour mettre en avant l’expérience quotidienne des peuples indigènes.
7 Spivak Gayatri Chakravorty (dir.), Selected Subaltern Studies, New Delhi, Oxford University Press, 1988 ; Parta Chatterjee, « After subaltern studies », Economic and Political Weekly, vol. XLVII, no 35, 1er septembre 2012, p. 44-49 ; Diouf Mamadou (dir.), L’historiographie indienne en débat : colonialisme, nationalisme et sociétés postcoloniales, Paris, Karthala, 1999 ; Hadj-Moussa Ratiba, « Des pauvres de la politique à la politique des pauvres », SociologieS, 2012, en ligne : https://sociologies.revues.org/3884, consulté le 18 juillet 2017.
8 Zuniga Jacques, « L’histoire impériale à l’heure de l’“histoire globale”. Une perspective atlantique », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 5, no 54-4bis, 2007, p. 54-68.
9 Subrahmanyam Sanjay, « Du Tage au xve siècle : une conjoncture millénariste à l’échelle eurasiatique », Annales. Histoire, sciences sociales, no 56, 2011, p. 51-84.
10 Doukin Caroline et Minard Philippe, « Histoire globale, histoires connectées : un changement d’échelle historiographique ? », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 5, no 54-4bis, 2007, p. 7-21.
11 Zuniga J., « L’histoire impériale… », art. cit.
12 Voir par exemple Gruzinski Serge, Quelle heure est-il là-bas ? Amérique et islam à l’orée des temps modernes, Paris, Seuil, 2008 ; et L’aigle et le dragon. Démesure européenne et mondialisation au xvie siècle Paris, Fayard, 2012.
13 Parmi les ouvrages de Christian Grataloup, voir Géohistoire de la mondialisation : le temps long du monde, Paris, Armand Colin, 2007 ; et Faut-il penser autrement l’histoire du monde, Paris, Armand Colin, 2011. Parmi ceux de Romain Bertrand, voir L’histoire à parts égales. Récits d’une rencontre, Orient-Occident (xvie-xviie siècle), Paris, Seuil, 2011.
14 Kouamé Nathalie et al., Historiographies d’ailleurs. Comment écrit-on l’histoire en dehors du monde occidental ?, Paris, Karthala, 2014.
15 Paris, PUF, 2013 ; voir la présentation de l’ouvrage sur le site La vie des idées : http://www.laviedesidees.fr/Pour-une-histoire-monde.html, consulté le 23 août 2017.
16 Certains, comme Alain Finkielkraut, sont allés jusqu’à qualifier les auteurs de « fossoyeurs du grand héritage français ». Voir « La charge d’Alain Finkielkraut contre les “fossoyeurs du grand héritage français” », 2017, en ligne : http://www.lefigaro.fr/vox/histoire/2017/01/25/31005-20170125ARTFIG00282-la-charge-d-alain-finkielkraut-contre-les-fossoyeurs-du-grand-heritage-francais.php, consulté le 23 août 2017.
17 Boucheron Patrick (dir.), Une histoire mondiale de la France, Paris, Seuil, 2017. La citation est tirée du site de l’éditeur, http://www.seuil.com/ouvrage/histoire-mondiale-de-la-france-collectif/9782021336290 (consulté le 17 juillet 2017). Sur la notion d’histoire mondiale, voir également Manning Patrick, World History : Local and Global Interactions, Princeton, Marcus Wiener Publishers, 2005. Pour un panorama des études en histoire mondiale, qui souligne aussi bien l’apport de publications récentes qu’il offre une réflexion sur leurs limites, on pourra consulter Grosser Pierre, « L’histoire mondiale/globale, une jeunesse exubérante mais difficile », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, vol. 110, no 2, 2011, p. 3-18.
18 De 2013 à 2016, nous avons mené un projet de recherche, porté par Claire Parfait (université Paris 13), Marie-Jeanne Rossignol (université Paris-Diderot) et Hélène Le Dantec-Lowry (université Sorbonne Nouvelle) – l’organisation était assurée par deux post-doctorants, Matthieu Renault et Pauline Vermeren –, en réponse à un appel d’offre de l’IDEX (Sorbonne Paris Cité), intitulé « Écrire l’histoire depuis les marges : le cas des Africains-Américains » et consacré aux historiens noirs des années de la ségrégation aux États-Unis (les générations d’historiens professionnels et amateurs travaillant entre 1850 et 1950). Dès le début, nous avons voulu ouvrir notre réflexion sur cette communauté d’acteurs à des questions d’historiographie contemporaine bien plus larges (et transnationales) qui se sont déployées lors d’un colloque international en 2015, La marge et les historiens : de l’Amérique du Nord aux anciens empires, dont nous avons retenu les meilleures communications, auxquelles ont été ajoutés de nouveaux chapitres (http://hdlm.hypotheses.org/).
19 Avant même la guerre de Sécession, un nombre non négligeable de Noirs, historiens amateurs, réussirent à écrire, publier et vendre (à compte d’auteur, par le porte-à-porte ou grâce à quelques maisons d’édition) des ouvrages sur l’histoire de leur population aux États-Unis et dans la diaspora noire. Pour une histoire de ce mouvement, voir Ernest John, Liberation Historiography : African-American Writers and the Challenge of History, 1794-1861, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2004 ; Dagbovie Pero Gaglo, African American History Reconsidered, Urbana, University of Illinois Press, 2010 ; et également Parfait Claire, Le Dantec-Lowry Hélène et Bourhis-Mariotti Claire (dir.), Writing History from the Margins. African Americans and the Quest for Freedom, New York, Routledge, 2017, premier ouvrage issu du projet « Écrire l’histoire depuis les marges ».
20 Cette association s’appelle désormais « Association for the Study of African American Life and History ». Pour une biographie de Carter G. Woodson, voir Jacqueline Goggin, Carter G. Woodson : A Life in Black History, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1997 ; et Dagbovie Pero Gaglo, Carter G. Woodson in Washington, D.C.: The Father of Black History, Mount Pleasant, Arcadia Publishing, 2014.
21 Parmi les premières publications des ces historiens, on peut citer Nell William Cooper, The Colored Patriots of the American Revolution, with Sketches of Several Distinguished Colored Persons : To Which is Added a Brief Survey of the Condition and Prospect of Colored Americans, Boston, Robert F. Wallcut, 1855 ; Washington Williams George, History of Negro Troops in the War of Rebellion, 1861-1865, New York, Harper & Brothers ; Id., History of the Negro Race in America from 1619 to 1880 : Negroes as Slaves, as Soldiers, and as Citizens, New York, G.P. Putnam’s Sons, 1882 ; Brawley Benjamin Griffith, A Short History of the American Negro, New York, Macmillan, 1913 ; Woodson Carter G., The Negro in our History, New York, Associated Publishers, 1922.
22 W.E.B. Du Bois, historien et sociologue, est sans doute la personnalité la mieux connue mais son rôle pionnier en matière de méthode sociologique reste sous-estimé (voir Morris Aldon, The Scholar Denied : W.E.B. Du Bois and the Birth of Modern Sociology, Los Angeles, University of California Press, 2017). Quant aux autres historiens de cette génération, ils n’ont pas fait l’objet d’une historiographie conséquente à ce jour. On doit cependant noter les ouvrages récents de Dagbovie Pero Gaglo, The Early Black History Movement, Carter G. Woodson, and Lorenzo Johnston Greene, Urbana, University of Illinois Press, 2007 ; Hall Stephen G., A Faithful Account of the Race : African American Historical Writing in Nineteenth-Century America, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2009 ; et aussi Parfait C., Le Dantec-Lowry H. et Bourhis-Mariotti C. (dir.), Writing History from the Margins…, op. cit.
23 Logan Rayford W., The Diplomatic Relations of the United States with Haiti, 1776- 1891, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 1941.
24 Voir l’ouvrage récent de Bertrand R., L’histoire à parts égales…, op. cit.
25 Voir par exemple, parmi une désormais très large littérature, les travaux de Laurent Dubois dont son récent ouvrage Haiti : The Aftershocks of History, New York, Metropolitan Books, 2012. On notera également un intérêt pour l’histoire haïtienne chez les américanistes francophones : voir notamment Bourhis-Mariotti Claire, L’union fait la force. Les Noirs américains et Haïti, 1804-1893, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2016.
26 Bailly Antoine Sylvain et al., « La marginalité : réflexions conceptuelles et perspectives en géographie, sociologie et économie », Géotopiques, no 1, 1983, p. 73-115, « Introduction », ici p. 75, en ligne : https://archive-ouverte.unige.ch/unige:4332, consulté le 13 juillet 2017.
27 Ibid.
28 Voir par exemple Lautier Bruno, « Notes d’un sociologue sur l’usage de la notion de « marge » dans les sciences sociales du développement », Revue Tiers Monde, vol. 1, no 185, 2006, p. 17-20.
29 Passeuses françaises de cette évolution de la discipline historique et des autres sciences sociales aux États-Unis, Rachel Ertel, Geneviève Fabre et Elise Marientras éditèrent en 1971 En marge. Les minorités aux États-Unis chez Maspéro.
30 Pour cette définition de l’histoire, voir Du Bois W.E.B., Black Reconstruction in America, 1860-1880, Cleveland, Meridian Books, 1969 (1re éd. 1935), p. 714-715.
31 Hugon Phillipe, « Avant-propos : remarques sur la notion de “marge” », Revue Tiers Monde, vol. 1, no 185, 2006, p. 8 (dossier « Marges au cœur de la ville ») ; Wieviorka Michel, « Ce que sont les marges aux sciences sociales », conférence inaugurale du colloque international La reconnaissance des marges, au cœur des dynamiques sociales en France et au Japon, 1er juillet 2016, en ligne : https://wieviorka.hypotheses.org/706, consulté le 13 juillet 2017.
32 Thompson Edward Palmer, The Making of the English Working Class, New York, Vintage Books, 1963.
33 On pense ici au rôle fondateur de Stuart Hall. En français, voir notamment Identités et cultures. Politiques des cultural studies, articles réunis par Maxime Cerville, Paris, Éditions Amsterdam, 2007 ; et Identités et cultures 2. Politique des différences, Paris, Éditions Amsterdam, 2013. Voir aussi Kaenel André, Lejeune Catherine et Rossignol Marie-Jeanne (dir.), Cultural studies. Études culturelles, Nancy, Presses universitaires de Nancy, 2003 ; ainsi que Neveu Erik et Mattelart Armand, Introduction aux cultural studies, Paris, La Découverte, 2003.
34 Voir le désormais célèbre ouvrage de Chakrabarty Dipesh, Provincialiser l’Europe. La pensée postcoloniale et la différence historique, Paris, Éditions Amsterdam, 2009.
Auteurs
Spécialiste de l’histoire culturelle et sociale des Noirs et des femmes aux États-Unis, est professeure de civilisation américaine à l’université Sorbonne Nouvelle où elle dirige le Centre de recherche sur l’Amérique du Nord de l’équipe de recherche en civilisation CREW (EA 4399). Elle est également rédactrice en chef (pour la civilisation) de la Revue française d’études américaines. Ses publications incluent Writing History from the Margins. African Americans and the Quest for Freedom (Routledge, 2016), codirigé avec Claire Parfait et Claire Bourhis-Mariotti ; Generations of Social Movements. Remembering the Left in the US and France (Routledge, 2015), codirigé avec Ambre Ivol ; De l’esclave au président. Discours sur les familles noires aux États-Unis (CNRS Éditions, 2010).
Maître de conférences en philosophie à l’université Paris 8 et chercheur associé au laboratoire Les Afriques dans le monde (CNRS, Sciences Po Bordeaux). Il est l’auteur de Frantz Fanon. De l’anticolonialisme à la critique postcoloniale (Éditions Amsterdam, 2011) ; de L’Amérique de John Locke. L’expansion coloniale de la philosophie européenne (Éditions Amsterdam, 2014) ; de C.L.R. James. La vie révolutionnaire d’un « Platon noir » (La Découverte, 2016) ; L’empire de la révolution. Lénine et les musulmans de Russie (Syllepse, 2017). Il a été postdoctorant dans le cadre du projet EHDLM et a postfacé la réédition de Douze ans d’esclavage de Solomon Northup (Éditions Entremonde, 2013).
Professeure d’études américaines à l’université Paris Diderot. Elle a édité en 2017 (avec Myriam Cottias) Distant Ripples of the British Abolitionist Wave : Africa, Asia and the Americas, et en 2018 (avec Michaël Roy et Claire Parfait) Undoing Slavery : American Abolitionism in Transnational Perspective (1776-1865). Elle prépare également un ouvrage sur l’anti-esclavagisme en Amérique du Nord avant 1830. Elle dirige avec Claire Parfait la collection « Récits d’esclaves » aux PURH (trois volumes parus pour le moment, un à paraître) et a publié en 2018 dans le cadre du projet EHDLM une anthologie des historiens africains américains (avec Claire Parfait, Hélène Le Dantec-Lowry, Matthieu Renault et Pauline Vermeren) Écrire l’histoire depuis les marges : une anthologie d’historiens africains-américains, 1855-1965.
Chercheuse en philosophie et sciences politiques et docteure en philosophie et sciences politiques au Laboratoire de changement social et politique (LCSP) de l’université Paris Diderot. Docteure en philosophie, elle a été postdoctorante pour le projet Sorbonne Paris Cité « Écrire l’histoire depuis les marges » (EHDLM). Rattachée au Centre Marc Bloch à Berlin et à l’université européenne Viadrina, elle a bénéficié d’une bourse de recherche doctorale dans le cadre du projet européen Tolerace. Sa thèse est actuellement en cours de publication aux éditions du CNRS. Elle porte sur la « question noire » en France et sur une critique politique et phénoménologique des catégories de l’identité et de la race. Elle aborde également ces questions à partir d’une perspective transatlantique depuis Haïti. Elle a notamment publié « Être présent au monde. Prise de parole et “subjectivation politique noire” en France » (Raisons politiques, no 68, 2017) ; le numéro 15, Politique du corps (post) colonial. Perspectives croisées Europe-Afrique-Amérique, codirigé avec Malcom Ferdinand, de la revue Asylon(s) en 2018 ; « Migration et insularité haïtienne : les enjeux de L’autre face de la mer de Louis-Philippe Dalembert », dans un ouvrage dirigé par Buata Malela à paraître aux Éditions du Cerf.
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