Villes et systèmes productifs locaux dans l’Italie contemporaine (1950-2000)
p. 119-136
Texte intégral
1Les systèmes productifs locaux de l’Italie ont fait l’objet de nombreuses études qui ont profondément modifié la vision de l’industrialisation italienne en montrant l’importance de formes de développement économique apparemment mineures. L’intérêt porté au cas italien a donné une impulsion aux recherches sur les systèmes locaux d’autres pays européens. Ce vaste ensemble d’enquêtes et d’essais a contribué à définir une nouvelle réflexion théorique sur des modèles organisationnels, caractérisés par la prévalence de petites et moyennes entreprises spécialisées et concentrées dans un territoire déterminé.
2L’analyse de la littérature existante sur ces sujets a toutefois un aspect surprenant : dans ces recherches, on ne trouve presqu’aucune référence à l’intervention publique. Les enquêtes empiriques insistent plutôt sur le fait que la coordination des activités d’un système local est assurée par des mécanismes informels. Il semble ainsi que les économistes et les historiens italiens aient voulu réagir à la conception qui assignait à l’État un rôle décisif dans l’industrialisation italienne. Les systèmes productifs locaux nous raconteraient l’histoire d’un développement presque spontané, dont la logique échappe à toute tentative de direction extérieure.
3Dans ce papier, je me propose d’analyser cette perspective négligée de l’histoire des systèmes locaux, à savoir l’intervention publique au niveau local. Je le ferai en particulier en considérant certains systèmes urbains, puisque c’est surtout dans les villes qu’on trouve les expériences les plus significatives d’intervention publique. On peut dire que ce papier analyse la régulation politique locale des systèmes productifs.
4Cette analyse se fonde sur une idée essentielle. Dans l’ensemble, les institutions publiques des villes de l’Italie contemporaine n’ont certes pas joué un rôle déterminant dans la formation des systèmes productifs locaux. Leur naissance et leur formation s’inscrivent plutôt dans une perspective de longue durée. Toutefois, l’action des institutions urbaines a été décisive d’une autre façon puisque, à plusieurs occasions, elle a contribué à orienter et à renforcer le développement local, voire à le diriger, ou au moins à surmonter des obstacles imprévus.
5Cette idée est présentée à travers trois parties. Les première et deuxième parties visent à mieux définir les aspects théoriques et historiographiques de la question, en particulier la notion de système local et le rôle de l’intervention publique. La troisième partie prend en considération des cas spécifiques et propose quelques indications utiles pour une périodisation des interventions publiques dans les régions italiennes. Les conclusions montrent les problèmes ouverts et les perspectives de la recherche sur ce terrain.
Les aspects théoriques
6Le contexte théorique dans lequel s’insère l’analyse du développement local est très différencié. Il est difficile de définir des modèles forts et cohérents, ou d’y repérer des acquisitions théoriques qui ne soient pas contestées par la recherche ou par la discussion – notamment de la part des économistes. Mieux vaut, alors, préciser au moins quelques points essentiels : quatre, notamment, peuvent être considérés comme une base utile pour éviter toute ambiguïté.
7Le premier aspect à préciser concerne la notion même de système productif local qui, dans ce contexte, me semble plus adéquate que celle de district industriel. Il ne s’agit pas uniquement d’une question terminologique. La notion de district est assez rigoureuse. Elle implique un modèle organisationnel, fondé sur la coopération et l’interdépendance entre des entreprises enracinées dans un territoire déterminé1. Les entreprises tirent de ce territoire et de ses institutions les ressources décisives pour leur succès économique. Il y a presque une correspondance entre ces deux pôles, entreprises et territoire : si en Italie on dit Vigevano, on pense aux chaussures, et de la même façon on parle par exemple du textile à Prato ou de la confection à Carpi. Il n’est donc pas possible de dissocier l’histoire d’une ville – ou des villes et des régions qui composent le district – de l’histoire de ses entreprises.
8Mais il y a aussi d’autres systèmes d’entreprises qui se présentent différemment. Ce sont des entreprises qui tirent également leurs ressources d’une communauté locale, en général urbaine, mais dont les ensembles de firmes ne constituent qu’un aspect parmi beaucoup d’autres de la vie urbaine. Il est donc plus difficile de repérer la liaison entre les institutions urbaines et le succès économique.
9Un exemple significatif est offert par les producteurs de machines automatiques de Bologne. Ces producteurs forment un système industriel étroitement lié à la spécificité urbaine – à ses écoles techniques, par exemple, ou bien aux anciens entrepreneurs de la mécanique. Mais Bologne est une ville caractérisée par la présence de plusieurs activités productives, commerciales et culturelles, dont on ne peut réduire l’identité à un groupe d’entreprises – aussi important soit-il2 Cela ne signifie évidemment pas que la ville n’ait joué aucun rôle, mais que son action régulatrice doit être saisie d’une façon plus indirecte et nuancée. Dans tous les cas, la notion de système productif local semble plus efficace, bien qu’elle risque de paraître générique. Elle montre l’importance de la liaison entre firmes, territoire et communauté. Mais elle ne se limite pas à considérer les districts dans le sens propre du terme, permettant ainsi l’analyse d’une plus vaste famille de systèmes industriels3.
10La nature différenciée du développement local se retrouve dans la structure interne de ces systèmes d’entreprises. À plusieurs occasions on a remarqué que les systèmes productifs locaux se présentent sans un centre bien défini – sans une tête. Ils apparaissent ainsi comme des monstres « acéphales », dépourvus d’une structure de direction claire et forte – contrairement à ce que l’on trouve dans les systèmes économiques caractérisés par la présence dominante d’une grande entreprise, organisée d’une façon hiérarchique4.
11L’absence d’une structure centralisée pose donc la question de la régulation du système économique. Il s’agit de comprendre ce qui rend possible le fonctionnement et le succès de systèmes si fragmentés et à travers quels mécanismes on réussit à coordonner un ensemble si morcelé d’unités productives. Ces unités productives partagent des règles de conduite qui leur permettent un certain niveau de coopération, tout en gardant leur autonomie juridique et économique. La recherche historique doit donc étudier comment il a été possible de créer et de consolider les institutions capables de coordonner les systèmes productifs locaux – d’en assurer la régulation, pourrait-on dire, si l’on a recours à une notion sociologique5. Voici la raison pour laquelle il est si important de considérer l’activité des institutions urbaines et d’analyser le rôle qu’elles ont joué dans l’affermissement et le succès de certains systèmes locaux.
12Et pourtant, malgré toutes les précisions possibles, l’aspect le plus intéressant de cette recherche – le troisième point de notre contexte théorique-est le suivant : l’expérience variée des systèmes locaux échappe constamment à toute modélisation, voire à toute périodisation rigide. Les tentatives menées dans cette direction ne manquent pas. En particulier ces dernières années, les sociologues économistes – et avec eux les économistes les plus sensibles aux innovations de leur discipline – ont présenté des éléments utiles pour une synthèse qui serait capable de rendre compte de la grande variété des expériences locales6. Mais, en Italie, les recherches empiriques font apparaître constamment de nouveaux aspects, qui ne peuvent pas être insérés dans les schémas proposés7. Et les études sur d’autres cas européens et américains confirment la difficulté à arriver à une synthèse satisfaisante, voire presque chez certains auteurs le refus d’y parvenir8.
13Il est d’ailleurs possible que la difficulté de la modélisation dépende aussi des caractères mêmes de la théorie économique. Selon Giacomo Becattini – l’économiste italien auquel on doit les contributions les plus importantes sur l’analyse du développement local – « les économistes n’ont pas encore accompli la transition du paradigme fordiste à celui postfordiste »9. Et Sebastiano Brusco – l’autre « pionnier » de ce champ de recherche – concluait, il y a douze ans, son recueil d’essais sur les districts en proposant des « modèles partiels », considérés comme une condition stable de l’économie politique10. Il semble donc que l’analyse des systèmes productifs locaux souffre d’une sorte de surabondance de contributions – empiriques et théoriques – mais ne soit pas encore parvenue à une synthèse convaincante.
14Cette situation conditionne aussi le déroulement de la réflexion historiographique à propos de laquelle il suffit de remarquer un seul point essentiel, le dernier de cette partie générale. Sur la base de tout ce qui précède, il paraît évident que l’histoire des systèmes productifs locaux est caractérisée par une grande pluralité de parcours et de sujets.
15Plusieurs études ont certes insisté sur la présence et le rôle des villes et des institutions urbaines préindustrielles. On a fait référence, par exemple, aux corporations urbaines et aux règles commerciales imposées aux producteurs, ou encore aux rapports politiques et diplomatiques qui auraient favorisé l’entrée sur les marchés internationaux11. Et, dans les études plus récentes, l’accent a été mis sur les relations sociales de mutualité et de confiance permises par le contexte urbain – tout ce que les sociologues depuis quelque temps aiment définir comme le « social capital »12. Mais en réalité le rôle des villes n’est qu’une partie de l’histoire. La formation des systèmes productifs locaux a aussi été conditionnée par l’implantation rurale du travail à domicile et plus généralement par des expériences rurales qui n’étaient pas toujours et entièrement soumises au domaine des villes. Les recherches ont montré, par exemple, que la pluri-activité des salariés ou des métayers a favorisé la diffusion des activités artisanales et proto-industrielles, ou que les revenus agricoles familiaux ont parfois soutenu l’initiative des nouveaux entrepreneurs13. Il s’agit peut-être d’expériences limitées. Pourtant, elles ont été capables à un moment donné de saisir les opportunités offertes par l’essor des marchés.
16L’historiographie économique italienne confirme donc l’idée selon laquelle il est vain de proposer des modèles rigides et exclusifs pour expliquer la formation et le succès des systèmes locaux. Tout ce que l’on peut dire sur les villes – et tout ce que l’on va dire des institutions urbaines – ne doit pas occulter cette réalité fascinante d’un parcours fragmenté et tortueux. Ce parcours ne peut pas être réduit au résultat d’un projet et d’une direction bien déterminés. La conscience de cette situation est sous-jacente à notre analyse des institutions urbaines.
L’intervention publique centrale et locale
17Pour analyser le rôle des institutions urbaines dans le développement local, il faut rappeler tout d’abord que l’historiographie économique italienne attribue une place importante à l’intervention publique et surtout à l’État. Les historiens et les économistes ont souvent critiqué les formes de cette intervention. Aujourd’hui, on en vient à penser que le rôle de l’État n’a pas été aussi décisif dans le développement économique des dernières décennies14. Mais quel que soit le jugement historique, on ne peut pas ignorer le poids, la présence et la diffusion des institutions publiques dans l’évolution de l’économie italienne, et notamment de l’industrie – l’État entrepreneur, les sauvetages, les financements à fonds perdu, l’industrie à participation publique...
18Vu sous cet angle, les recherches historiques et les nombreuses enquêtes sur le développement local révèlent un aspect surprenant : dans ces contributions, on risque de ne trouver presqu’aucune référence à l’intervention publique. Les enquêtes journalistiques, en particulier, prennent en considération un espace qui semble dépourvu de toute référence institutionnelle. Il y a évidemment des exceptions. Quelques études ont mis en évidence que la législation italienne a favorisé – en particulier par la politique fiscale – le développement des petites entreprises, et notamment de l’artisanat15. D’autres ont souligné plutôt les spécificités de la culture industrielle italienne, traditionnellement réticente face aux risques de la grande industrie16. Mais, dans tous ces cas, il est facile d’objecter que ces formes de soutien public pourraient expliquer le développement de petites entreprises, et non pas la formation de véritables systèmes d’entreprises avec les caractères spécifiques que l’on a déjà remarqués, ou encore moins l’implantation de ces systèmes dans des régions déterminées (au détriment d’autres).
19On peut donc affirmer que les systèmes productifs locaux sont considérés en général comme l’aboutissement d’un procès endogène et presque « spontané ». Le développement local – voilà l’idée dominante – s’est affirmé non pas malgré l’absence d’intervention publique, mais plutôt grâce à cette absence. Ce qui a contribué – soit dit en passant – à développer l’intérêt et une « sympathie pohtique » envers ces formes de développement économique, qui seraient une sorte de preuve que la société est capable de se passer de la politique17. Les mots d’un entrepreneur de Vénétie – « heureusement qu’il n’y a pas de gouvernement » – résument parfaitement cet état d’âme. Mais il ne s’agit pas là que de boutades d’un petit patron. Cette idée est partagée aussi par l’un des meilleurs spécialistes de l’Italie des petites entreprises, le sociologue Ilvo Diamanti, selon lequel – toujours à propos de la Vénétie – « dans cette région il y une réalité économique forte parce qu’il y a toujours eu une politique faible »18. Et les recherches historiques sur ces sujets semblent confirmer cette vision. Ce qui apparaît dans certaines recherches, c’est justement l’absence de régulation politique ou du moins une sorte de non-intervention de l’État, prenant la forme d’une renonciation complice à mener de véritables contrôles administratifs ou fiscaux19.
20Si toutefois on considère les institutions locales, il convient de nuancer ces propositions sur l’absence de régulation politique. Au niveau local, la faiblesse de la politique – loin d’être perçue comme une chance – est jugée comme une limite pour le développement industriel. Et, dans la presse économique, surtout celle d’orientation patronale, les municipalités sont présentes – bien qu’hélas elles soient souvent assises sur le banc des accusés. Les enquêtes journalistiques nous montrent ainsi un « gouvernement local en état d’accusation », se plaignent d’« un système public inadéquat » ou d’« une municipalité immobile », critiquent les « vieilles idéologies » et les « rivalités anachroniques » de la vie politique locale20. Pourtant, malgré tous ces reproches, on peut dire que ces enquêtes témoignent au moins d’une attention critique envers les institutions urbaines21.
21Depuis quelque temps, cet intérêt des journalistes et des entrepreneurs s’est étendu aussi aux économistes et aux sociologues, de plus en plus sensibles à ce qui a été défini comme la « dimension micro régulatrice de la politique industrielle »22. L’idée d’un développement spontané s’accompagne de plus en plus de l’analyse des « institutions de régulation ». Dans ce contexte, on réserve une attention particulière aux « institutions intermédiaires » entre l’État central et les sujets privés. Par cette expression – « institutions intermédiaires » – on n’indique pas seulement les municipalités et les autres organismes publics, on se réfère aussi (et surtout) aux associations professionnelles, aux banques locales, aux entreprises leaders, c’est-à-dire à tous les sujets, privés et publics, qui agissent dans une communauté locale auprès des entreprises et des travailleurs23.
22L’intérêt pour la régulation locale des systèmes économiques s’inspire de contextes théoriques très différents les uns des autres : on y trouve la référence à la tradition libérale autrichienne à côté de la conception réformiste du rôle des pouvoirs locaux24. Malgré leurs différences, il y a pourtant une idée implicite commune à ces approches théoriques. Cette idée a été présentée très clairement dans les études des économistes Arrighetti et Seravalli. Au fond – affirment-ils – il n’y a rien de surprenant à l’absence de l’État dans cette régulation. L’intervention des institutions centrales favorise plutôt les grandes entreprises, qui demandent des normes universelles, de grandes infrastructures, des systèmes de garantie et de respect des contrats qui réduisent les coûts de transaction. Mais tout cela n’apporte aucun avantage aux entreprises des systèmes locaux, ou pire, représente des coûts administratifs et des difficultés de gestion. Par contre, les systèmes locaux ont besoin d’institutions capables de fournir des biens publics spécifiques, adaptés en particulier aux exigences d’information concernant le marché et la technologie. Il est évident que seules des institutions locales ont la possibilité de saisir ces besoins et d’offrir les services vraiment adaptés25.
23Cette idée n’est certainement pas originale. D’autres économistes ont insisté sur l’importance des stratégies capables de fournir des services aux entreprises et sur la nécessité de tenir compte des spécificités du territoire (on le verra mieux dans les pages qui suivent). Et d’ailleurs, il est vrai aussi que les recherches sur ce sujet risquent de paraître trop « faciles » : il ne suffit pas de trouver simplement des interventions publiques de soutien aux systèmes locaux, le problème est plutôt de comprendre leur importance effective pour le développement local. Mais, malgré toutes ces précisions, la perspective de la régulation locale nous permet de considérer de façon différente l’histoire des systèmes productifs. Dans cette perspective, quelques découvertes intéressantes vont finalement être faites, au-delà des apparences. L’histoire contemporaine des systèmes locaux – cet ensemble vaste et différencié de petites histoires mineures et négligées – nous montrera plusieurs traces de l’action régulatrice des institutions urbaines.
Les institutions publiques urbaines
24Un exemple intéressant d’analyse de la régulation locale peut être présenté par le district de Castelgoffredo, en Lombardie – qui produit des bas de nylon –, étudié par Marco Belfanti. Il s’agit d’un cas classique de district formé dans les années 1950, à partir de la crise d’un grand établissement. Je le qualifie de « classique » car il peut être analysé selon le schéma fréquent d’une croissance presque « spontanée » et en quelque sorte « endogène » : un district rendu possible par la crise d’une entreprise certes déjà existante, mais qui a démarré grâce aux ressources spécifiques du territoire et de la communauté locale26. Et pourtant, la perspective de recherche de la régulation locale nous montre aussi le rôle joué par d’autres acteurs – tels que la municipalité et la Caisse Rurale. Ces acteurs interviennent en particulier après les années 1970, quand les petites entreprises se trouvent confrontées à une double menace : d’un côté la concurrence des pays à salaires plus bas ; et d’autre part la pression de la Communauté européenne, demandant le respect des règles concernant le travail et les prix de vente. Dans cette situation, l’administration municipale contribue à l’aménagement d’une zone réservée aux ateliers des artisans et à la mise en place d’une série d’initiatives qui offrent informations commerciales et services promotionnels aux entrepreneurs.
25Le cas de Castelgoffredo peut être accompagné d’autres exemples d’intervention publique locale tirés des petites histoires mineures qui caractérisent l’Italie et son économie. La recherche collective sur les institutions intermédiaires nous montre ainsi le cas du district de fabrication des chaises – dans le Nord-Est, près de Gorizia – soutenu par des centres de services partiellement financés par les institutions locales ; et la comparaison entre deux districts producteurs de chaussures – Vigevano et Fermo – montre que la différence de trajectoire s’explique justement par les différentes formes d’intervention publique locale27. En réalité, il ne s’agit pas de véritables recherches achevées mais plutôt d’impulsions et d’hypothèses utiles pour de futurs approfondissements. Les sources de ces études sont encore très minces – mémoires de maîtrise, journaux et enquêtes locales, brochures... Et on a parfois l’impression que la volonté de démontrer une thèse a poussé les auteurs à surestimer l’évidence empirique dont ils disposent. Un seul exemple, à propos du district des chaises : malgré toutes les considérations sur le rôle de la municipalité, il n’en reste pas moins que pendant longtemps le développement du district n’a été réglé par aucun plan d’aménagement du territoire municipal. Il est en somme difficile d’affirmer que ces institutions locales ont été particulièrement actives28. Pourtant, la perspective de recherche ouverte par ces essais constitue une innovation utile pour l’analyse des systèmes locaux. Et elle se révèle particulièrement utile dans l’analyse d’un cas régional – celui de l’Emilie Romagne – où on trouve plusieurs exemples d’interventions publiques locales.
26L’Emilie Romagne est une région traditionnellement administrée par la gauche – communiste et socialiste, mais d’inspiration réformiste. Elle est située au centre-nord. Son chef-lieu, Bologne, une sorte de primus inter pares parmi les villes moyennes de la région, a longtemps été considérée comme la « ville rouge » par excellence. À côté de Bologne, les autres villes émiliennes ont connu un développement industriel remarquable, surtout dans les dernières décennies29. Sur cette région, on a une abondance d’études de cas parmi lesquels nombreux sont ceux qui concernent justement le rôle joué par les administrations locales. Il est difficile de savoir dans quelle mesure cette abondance dépend des intérêts spécifiques des chercheurs ou de l’importance effective de ces interventions par rapport à d’autres régions. Il n’en reste pas moins que plusieurs recherches nous montrent l’activisme des acteurs publics.
27Les premiers exemples se réfèrent à la période comprise entre l’après-guerre et les années 1970. Le cas le plus intéressant semble être celui de Modène. Dans cette ville, le développement économique local est favorisé par une municipalité très active qui, dès les années de la Reconstruction, est capable d’offrir de nombreux services aux initiatives des entreprises : zones urbaines équipées pour les ateliers des artisans, cours de formation professionnelle, infrastructures urbaines (en collaboration, dans ce cas, avec l’administration de la province)30. L’expérience des « villaggi artigiani » a été poursuivie aussi par la municipalité de Reggio Emilia, surtout dans les années 1960. Les deux villes avaient préparé des plans d’aménagement général du territoire urbain : bien que partiellement réalisés, ces plans étaient pourtant révélateurs d’une attention particulière aux exigences du développement local31. D’autres exemples concernent les écoles techniques de Bologne, fondées par la municipalité au xixe siècle, qui, dans les années 1950 encore, contribuent à la formation d’ouvriers spécialisés et des futurs entrepreneurs de l’industrie mécanique32.
28Dans les années 1970, et surtout dans la décennie suivante, l’intervention publique locale devient de plus en plus fréquente. Le tournant est offert par l’institution en Italie (1970) d’administrations régionales, déjà prévues par la Constitution de 1948 et jamais réalisées33. Dès son institution, la région Emilie Romagne poursuit une politique industrielle fondée sur l’activité de centres de services, souvent financés aussi par les chambres de commerce et par les associations patronales. Ces centres sont caractérisés par deux éléments essentiels. Tout d’abord, ils ne fournissent pas de ressources financières, mais des services réels : par exemple des informations sur les tendances du marché international, la connaissance des nouvelles technologies, des consultations sur les structures organisationnelles d’entreprise, ou la vérification et la certification des matériels (rendues nécessaires parfois par les règles européennes). La deuxième caractéristique est encore plus importante. Il ne s’agit pas de centres « universels », destinés de façon générique aux entreprises, mais de structures modelées sur les exigences spécifiques des districts et des systèmes locaux, et souvent situées dans les villes qui constituent le cœur d’un système productif. Cela permet au personnel du centre d’utiliser les ressources présentes dans la « capitale » du district – qu’il s’agisse par exemple des structures de l’université ou des laboratoires d’une école technique. Les buts de ces centres sont évidents : fournir aux systèmes locaux des services qui ne peuvent pas être aisément « achetés » sur le marché par des petites et moyennes entreprises, services que les entreprises intégrées doivent créer en leur sein34.
29L’expérience des centres régionaux est très différenciée ; il est donc difficile de tracer un bilan de synthèse. Les enthousiasmes de la décennie passée ont laissé la place à une évaluation plus pondérée. Il s’agit toutefois d’une réalité très intéressante qui, dans certains cas, a contribué à délivrer des informations stratégiques pour les entreprises, et parfois à orienter le district vers des marchés plus « sophistiqués » – puisque la compétition internationale et l’intégration européenne ne permettent plus une compétition fondée sur les bas prix. Mais, à côté des centres efficaces – le plus connu étant le centre d’information sur l’industrie textile et la confection, situé dans le district de Carpi – d’autres n’ont pas obtenu de résultats aussi significatifs. Le point essentiel – soulevé par une spécialiste des districts émiliens – est la capacité à considérer les relations sociales déjà existantes à l’intérieur d’un système local et à « renforcer les caractères d’une communauté ». Leur efficacité dépendrait de leur enracinement local. Il est donc évident qu’une reproduction mécanique de ces interventions est difficile et qu’« on ne peut pas facilement "modéliser" l’intervention locale ». Cela pourrait expliquer la difficulté à suivre les mêmes politiques dans d’autres régions, notamment dans le Sud35.
30Pour compléter cette analyse (très générale) de l’intervention publique locale, il faut faire référence à d’autres expériences dans lesquelles la présence des institutions a été moins évidente et qui, pourtant, nous offrent quelques indications utiles. Il est intéressant à ce propos de considérer le cas de Prato – en Toscane, tout près de Florence –, étudié par Becattini, comme une « histoire exemplaire de l’Italie des districts »36.
31Prato se présente comme un système local avec une longue histoire, qui a connu plusieurs transformations productives et qui a été largement étudié par les historiens et les économistes37. Il est intéressant de remarquer que, dans la synthèse historique dessinée par Becattini, il n’y pas beaucoup de place pour le rôle des institutions publiques. Au contraire, en ce qui concerne une période décisive pour le développement du véritable district – les années 1950 et 1960 – Becattini affirme que la municipalité n’a fait que suivre le développement économique, sans aucune intervention spécifique sur l’évolution et les difficultés du système productif. Il ajoute que cette absence aurait été positive, puisque les conceptions économiques des administrateurs – toujours confiants dans les vertus des grandes entreprises intégrées – auraient endommagé la vitalité du développement local38. Mais cette remarque ne signifie pas une adhésion aux conceptions « spontanéistes » du développement local. Dans son ouvrage, Becattini offre de nombreuses références aux formes de régulation du district. En particulier, il souligne l’importance des accords sur les tarifs et les salaires rendus possibles, à partir des années 1950, par l’entente de fond existante entre organisations patronales, syndicats et artisans. Et c’est justement dans ce contexte qu’on peut saisir – d’une façon plus indirecte – le rôle des institutions publiques locales, et notamment de la municipalité. Selon Becattini, elles ont contribué à créer une situation favorable aux ententes entre producteurs et, plus généralement, un soutien à celle qu’un dirigeant politique local définissait comme « la nostra industria »39.
32Ces dernières remarques nous fournissent une autre perspective de l’intervention publique locale. Il ne s’agit plus de chercher – parfois sans succès – les traces d’une intervention explicite de soutien aux systèmes productifs. Il s’agit plutôt de saisir la capacité des institutions urbaines à créer une culture locale, favorable au développement économique coopératif. La capacité qu’ont les administrations locales à communiquer avec les réseaux d’associations présents dans le territoire contribue à créer un sentiment d’appartenance et d’identité locale. Et ce sentiment d’une identité et d’un destin commun peut être important dans le renforcement d’un système productif, surtout dans une période de crise40. Mais ces considérations nous poussent dans un domaine trop flou, peut-être nébuleux, en tout cas trop éloigné des questions spécifiques indiquées au début. Il est temps de s’arrêter et de tracer quelques conclusions provisoires.
Conclusions
33Une première conclusion concerne notre hypothèse initiale. Dans l’ensemble, ces cas si fragmentés nous montrent l’action de plusieurs institutions, profondément enracinées dans le milieu urbain. Cette action s’est révélée importante pour le renforcement des systèmes locaux. Mais il faut préciser aussi que le rôle des institutions publiques est apparu en particulier à l’occasion de certaines conjonctures décisives pour l’histoire des systèmes locaux : par exemple, dans les années 1970, faisant suite à la compétition internationale des pays d’industrialisation récente ; ou dans les décennies suivantes, pour répondre aux défis – à la fois économiques et organisationnels – posés par l’intégration européenne. L’intervention publique locale ne se présente pas d’une façon générique et non différenciée, mais comme une action mise en place dans certains tournants délicats pour soutenir, ou parfois pour orienter, le système des entreprises : une véritable régulation politique locale, pour reprendre l’expression liminaire. Il est même possible que cette action puisse expliquer parfois le succès de certains systèmes locaux et, inversement, que l’absence d’une action régulatrice puisse expliquer la disparition d’autres expériences apparemment aussi solides.
34Il est nécessaire, en deuxième lieu, de proposer une hypothèse de périodisation. En général – tout en considérant certaines exceptions – il semble que la régulation politique locale soit plutôt faible entre la Reconstruction et les années 1970. Les interventions plus significatives se présentent surtout après l’institution de l’administration régionale et deviennent plus fréquentes dans les années 1980. Quelques sociologues ont parlé à ce propos d’une sorte d’« ordre délibéré », opposé à l’« ordre spontané » qui aurait caractérisé les décennies précédentes41. Il s’agit peut-être d’une opposition excessive. Mais il est vrai que les difficultés de certains districts après 1985 ont poussé les institutions publiques à une présence plus forte sur la scène des systèmes locaux. Et d’ailleurs, il est significatif de remarquer qu’en 1982 la notion même de district – qui n’avait pas encore une place reconnue dans les études économiques et sociales – est insérée dans un texte officiel de la région de l’Emilie Romagne42. Et dix ans après, en 1991, le Parlement italien approuve une loi sur les petites entreprises, dans laquelle on reconnaissait pour la première fois l’existence juridique des districts industriels, dans le but de favoriser certaines formes de financement public43. Les institutions publiques accueillaient ainsi l’expérience du développement local et se préparaient à mener une politique industrielle plus sensible aux exigences spécifiques de ces systèmes productifs.
35Notre troisième hypothèse concerne la nécessité d’associer la périodisation avec les différences régionales. Pendant la période de l’ordre spontané que l’on vient de définir – les années qui préparent et qui mènent au « miracle économique » – on pouvait parler d’un modèle fondé sur une forte identité communautaire, qui ne connaissait pas de remarquables différences géographiques. Le sociologue Carlo Trigilia a montré à ce propos que les régions rouges et catholiques – malgré toutes leurs différences – avaient quand même en commun le fait de partager une culture politique d’opposition qui les poussait à refuser le développement économique fondé sur les grandes entreprises44. Mais, après les années 1970 – et c’est encore Trigilia qui le remarque –, ce modèle originaire se différencie. Dans les villes et dans les régions administrées par les partis de gauche – surtout l’Emilie Romagne et la Toscane – la présence des institutions publiques urbaines se renforce, permettant ainsi l’offre de services réels et sociaux aux systèmes locaux. Par contre, dans les régions administrées par les partis de centre et de droite, et à forte tradition catholique – notamment la Vénétie et les autres régions du Nord-Est – on relève la persistance de mécanismes informels et de mobilisation individuelle, modérés seulement par la régulation imposée par les plus grandes entreprises45. Il ne s’agit que d’hypothèses, bien entendu. Mais je crois qu’elles constituent une base utile pour une analyse plus approfondie des changements plus récents.
36On peut conclure notre analyse par une invitation à la prudence. On a défini quelques idées en ce qui concerne les institutions urbaines, une possible périodisation et quelques différences régionales, mais le parcours vers une théorisation rigoureuse du développement local est encore long – si on y arrive un jour. Concluons avec un grain de sagesse, emprunté à un économiste qui connaît bien le phénomène des districts et qui a été évoqué plusieurs fois dans ces pages. En 1986, Sebastiano Brusco achevait ainsi son analyse sur les institutions locales : « en Emilie, des administrations locales plus diligentes ont probablement accéléré le développement. Mais, pour comprendre et expliquer ce qui est arrivé, les principales références ne sont pas les experts de politique industrielle qui encouragent les investissements dans les zones sous-développées, mais plutôt Hirschman et Braudel »46, c’est-à-dire un économiste qui a voulu « compliquer » l’analyse économique en faisant référence aux autres sciences sociales et un historien qui a toujours insisté sur l’importance de la longue durée. Cette formule me semble être un appel à ne pas perdre de vue ces idées dans nos analyses de ces questions très spécifiques.
Notes de bas de page
1 Les références classiques restent encore BECATTINI G. (ed.), Mercato e forze locali : il distretto industriale, Bologne, Il Mulino, 1987 ; BRUSCO S., Piccole imprese e distretti industriali, Turin, Rosenberg e Sellier, 1989. (Mais il faut tenir compte qu’en réalité ces livres comprennent plusieurs essais déjà publiés dans les années précédentes).
2 Voir ZANGHERI R. (ed.), Bologna, Rome et Bari, Laterza, 1986 ; sur l’industrie des machines automatiques, cf. ALAIMO A., CAPECCHI V., « L’industria delle macchine automatiche a Bologna : un caso di specializzazione flessibile », in D’ATTORRE P.P., ZAMAGNI V. (eds), Distretti, imprese, classe operaia, Milan, Franco Angeli, 1992, p. 191-238.
3 Pour une analyse plus détaillée de la question et les références bibliographiques, je renvoie à ALAIMO A., « Small Manufacturing Firms and Local Productive Systems in Modem Italy », in ODAKA K., SAWAI M. (eds), Small Firms, Large Concerns, Oxford, Oxford University Press, 1999, en particulier p. 170-174.
4 La structure acéphale des systèmes locaux est une image fréquente ou implicite dans la littérature sur ce sujet. En ce qui concerne par contre la structure hiérarchique des grandes entreprises, on renvoie évidemment à CHANDLER A.D. Jr., The Visible Hand, Cambridge (USA), The Belknap Press of Harvard University Press, 1977.
5 Sur la notion de régulation, voir par exemple BAGNASCO A., « La città come società locale », in idem, Tracce di comunità, Bologne, Il Mulino, 1999, p. 141 ; pour une analyse plus générale de la régulation des systèmes locaux, voir ALAIMO A., « Le regole del gioco : il governo dei sistemi locali in una prospettiva storica », in AMATORI F., COLLI A. (eds), Comunità di imprese. Sistemi locali in Italia tra Otto e Novecento, Bologna, Il Mulino, 2001, p. 695-721.
6 Des indications utiles sur ce sujet, par exemple, dans BAGNASCO A., « L’istruttiva vicenda dei distretti industriali », in Tracce di comunità, op. cit., p. 87-120 ; et, de façon plus fragmentaire, BELFANTI C.M., MACCABELLI T. (eds), Un paradigma per i distretti industriali, Brescia, Grafo, 1997.
7 Parmi les contributions les plus récentes, voir par exemple CRESTANELLO P., « Le trasformazioni in dieci distretti industriali durante gli anni ’80 », in VARALDO R., FERRUCCI L. (eds), R distretto industriale tra logiche di impresa e logiche di sistema, Milan, Franco Angeli, 1997, p. 243-274 ; VIESTI G., « Perché le regioni crescono ? Sviluppo locale e distretti industriali nel Mezzogiorno », in Stato e mercato, 59, août 2000, p. 239-270.
8 Voir surtout SCRANTON P., Endless Novelty. Specialty Production and American Industrialization, 1865-1925, Princeton, Princeton University Press, 1997. Plus contradictoires, et pourtant très utiles pour leur vision comparative, les indications du volume collectif de SABEL G, ZEITLIN J. (eds), Worlds of Possibilities. Flexibility and Mass Production in Western Industrialization, Cambridge, Cambridge University Press, 1997.
9 BECATTINI G., Dal distretto industriale allo sviluppo locale, Turin, Bollati Boringhieri, 2000, p. 198 (article originel de 1999).
10 Ces modèles partiels – affirmait Brusco – auraient été la manière la plus adéquate pour tenir compte de la pluralité de traditions et cultures locales, et des « nombreuses, et différentes “rationalités de groupe” » ; BRUSCO S., « Postfazione », in Piccole imprese..., op. cit., p. 497 ; voir aussi les remarques sur cette affirmation par BECATTINI G., Distretti industriali e made in Italy, Turin, Bollati Boringhieri, 1998, p. 20-22 (article de 1989).
11 Voir par exemple GUENZI A., « Istituzioni intermedie e sviluppo locale : un approccio di storia economica », in BELFANTI C.M., MACCABELLI T. (eds), Un paradigma...., op. cit., p. 67-92 ; BAGNASCO A., « L’istruttiva vicenda dei distretti industriali », in op. cit., p. 93 ss. Pour une recherche désormais « classique » sur un district urbain, voir PONI C, « Per la storia del distretto industriale serico di Bologna (secoli XVI-XIX) », in Quaderni storici, 1990, 73, p. 93-167.
12 Voir surtout PUTNAM R., Making democracy Work, Princeton, Princeton University Press, 1993 (cf. le chapitre VI pour la discussion et les références sur le social capital), un ouvrage sur les régions italiennes qui a suscité de nombreuses discussions ; mais aussi BAGNASCO A., Teorìa del capitale sociale, in Tracce..., op. cit., p. 65-86.
13 Voir par exemple les cas du coton et de la soie de la province de Milan, étudiés, entre autres, par CENTO BULL A., « Proto-industrialization, Small-scale Capital Accumulation and Diffused Entrepreneurship : The Case of the Brianza in Lombardy (1860-1950) », in Social History, 1989, 2, p. 177-200 ; CORNER P.R., Contadini e industrializzazione. Società rurale e impresa in Italia dal 1840 al 1940, Rome et Bari, Laterza, 1993 ; ainsi que tous les travaux à domicile parsemés dans les campagnes jusqu’au début du xxe siècle – voir par exemple BIAGIOLI G., « Dall’Italia della mezzadria all’Italia dell’industria diffusa : percorsi economici e demografici di un mutamento » et PESCAROLO A., « Le trecciaiole della campagna fiorentina tra Ottocento e Novecento : una protoindustria marginale che prepara l’industrializzazione diffusa », in VILLANI P. (éd.), La pluriattività negli spazi rurali : ricerche a confronto, Bologne, Istituto Alcide Cervi, 1990, respectivement p. 113-122, 179-186 ; CIGOGNETTI L., PEZZINI M., « Dalle paglie alle maglie. Carpi : la nascita di un sistema produttivo » in DATTORRE P.P., ZAMAGNI V. (eds), Distretti op. cit., p. 157-189 ; un essai de synthèse – le développement local naissant de la rencontre entre artisans urbains et main d’œuvre rurale – est proposé (parmi beaucoup d’autres...) par SABBATUCCI SEVERINI P., « Il mezzadro pluriattivo dell’Italia centrale », in Continuità e mutamento. Studi sull’economia marchigiana tra Ottocento e Novecento, Ancona, Proposte e ricerche, 1996, p. 169-211 (article de 1990).
14 Voir par exemple la synthèse proposée par AMATORI F., COLLI A, Impresa e industria in Italia, Venezia, Marsilio, 1999, p. 281-291.
15 Voir surtout WEISS L., Creating capitalism. The State and Small Business since 1945, Oxford, Basil Blackwell, 1988. Voir aussi ARRIGHETTI A., SERA VALLI G., « Istituzioni e dualismo dimensionale dell’industria italiana », in BARCA F. (ed.), Storia del capitalismo italiano dal dopoguerra a oggi, Rome, Donzelli, 1997, en particulier p. 345-353 ; et, pour une analyse spécifique d’une intervention de politique industrielle en faveur des petites entreprises – à partir de 1965 -SABA A., Il modello italiano, Milan, Franco Angeli, 1995, p. 97-109.
16 Voir HUNECKE V., « Cultura liberale e industrialismo nell’Italia dell’Ottocento », in Studi storici, 1977, 3 (un article souvent critiqué, mais qui a eu une certame influence dans les années 1980) ; une vision d’ensemble sur la notion de petite entreprise entre le xixe et le xxe siècle in BORRUSO E., « Dal laboratorio artigiano alla piccola impresa urbana », in BELFANTI C.M., MACCABELLI, T. (eds), Un paradigma op. cit., p. 71-93.
17 BAGNASCO A., « L’istruttiva vicenda ... », op. cit., p. 100-103 ; voir aussi BECATTINI G, Dal distretto industriale..., op. cit., qui définit « la formule italienne » comme une forme de « stratégie adoptée de façon inconsciente » (p. 54 ; article de 1992).
18 Les deux citations sont tirées de STELLA G.A., Schei. Dal boom alla rivolta : il mitico Nordest, Milan, Mondadori, 2000 (1996), p. 240 (« schei » dans le dialecte de la Vénétie signifie « argent »).
19 Voir par exemple MORONI M., « Da protoindustria urbana a sistema produttivo locale : il distretto calzaturiero marchigiano » et SABBATUCCI SEVERINI P., « Il distretto calzaturiero marchigiano. 1910-1960 », in AMATORI F., COLLI A. (eds), Comunità di imprese..., op. cit, p. 327-360 et 361-412.
20 Je me réfère à une série d’enquêtes, sur une ville ou un secteur industriel, parues entre 1995 et 1997 dans Mondo economico, qui était alors l’hebdomadaire de la principale association patronale (Confindustria) ; les citations sont tirées respectivement des numéros des 23 décembre 1996 (sur Bergamo), 11 mars 1996 (Reggio Emilia), 24 juin 1996 et 18 septembre 1995 (Bologne).
21 On relève cette attention dans les articles parus fréquemment dans Il Sole 24 ore, l’influent quotidien de la Confindustria (dont d’ailleurs Becattini est lui-même un collaborateur) ; un recueil très intéressant d’articles sur les districts (plutôt centré, à vrai dire, sur les capacités individuelles des self made men), in MOUSSANET M., PAOLAZZI L. (eds), Gioielli, bambole, coltelli, Milano, Il Sole 24 ore, 1992.
22 CORO G., « Competenze contestuali e regolazione economica locale », in BELFANTI C.M, MACCABELLI T. (eds), Un paradigma op. cit., p. 127.
23 ARRIGHETTI A., SERAVALLI G. (eds), Istituzioni intermedie e sviluppo locale, Rome, Donzelli, 1999. D’autres indications dans la même direction dans les essais recueillis in BELFANTI C.M., MACCABELLI T. (eds), Un paradigma…, op. cit. ; voir aussi DEI OTTATI G., « Cooperazione e concorrenza nel distretto industriale come modello organizzativo », in VARALDO R., FERRUCCI L. (eds), Il distretto industriale op. cit., p. 214-242.
24 À la tradition de Hayek et de l’école autrichienne se réfère de façon explicite PARRI L., « Risultati di azione umana ma non di progetto umano », in BELFANTI C.M., MACCABELLI T. (eds), Un paradigma op. cit., p. 175-189 ; voir dans le même volume la « table ronde », avec différentes positions sur les politiques industrielles locales, p. 225-258.
25 ARRIGHETTI A., SERAVALLI G., « Istituzioni e dualismo dimensionale... », op. cit., en particulier p. 337-340.
26 BELFANTI C.M., « Istituzioni intermedie e sviluppo locale in prospettiva storica », in ARRIGHETTI A., SERAVALLI G. (eds), Istituzioni intermedie..., op. cit., p. 124-144. La naissance d’un système local à la suite du spin off d’une grande entreprise préexistante constitue l’un des parcours les plus intéressants et les plus fréquents surtout dans la construction mécanique ; voir par exemple ALAIMO A., « La ricerca della specializzazione : l’industria meccanica in Emilia (1850-1950) », in D’ATTORRE P.P., PEDROCCO G. (eds), Archeologia industriale in Emilia Romagna Marche, Milano, Pizzi, 1991, p. 133-152 ; ALAIMO A., CAPECCHI V., « L’industria delle macchine automatiche... », op. cit. ; SOLINAS G., « Competenze, grandi imprese e distretti industriali. Il caso della Magneti Marelli », in Rivista di storia economica, 1993,10, p. 79-111.
27 Voir GUENZI A., « Istituzioni intermedie e sviluppo locale : un approccio di storia economica » et SABBATUCCI SEVERINI P., « Ambiente industriale e istituzioni : Vigevano e i paesi del Fermano », in ARRIGHETTI A., SERAVALLI G., Istituzioni intermedie..., op. cit., respectivement p. 67-92 et 93-121.
28 GUENZI A., « Istituzioni intermedie ... », op. cit., p. 76-80.
29 Le nom de la région indique en réalité la présence de deux zones distinctes : les considérations suivantes se réfèrent principalement aux provinces de l’Emilie (du Sud au Nord-Ouest : Bologne, Modène, Reggio Emilia, Parme, Plaisance). Pour une vision d’ensemble voir ZAMAGNI V., « Una vocazione industriale diffusa », in FINZI R. (éd)., Storia d’Italia. Le regioni dall’Unità ad oggi. L’Emilia Romagna, Turin, Einaudi, 1997, p. 127-161.
30 Voir MAGAGNOLI S., « Autorevolezza municipale e architettura istituzionale », in ARRIGHETTI A., SERAVALLI G. (eds), Istituzioni intermedie…, op. cit., p. 199-260 ; RINALDI A., Distretti ma non solo. L’industrializzazione della provincia di Modena (1945-1995), Milan, Franco Angeli, 2000, p. 189-218 ; BRUSCO S., RIGHI E., « Enti locali, politica per l’industria e consenso sociale : l’esperienza di Modena », in BRUSCO S., Piccole imprese…, op. cit., p. 435-460.
31 Voir RINALDI A., « La sinistra e l’industria diffusa : il ruolo delle istituzioni locali », in D’ATTORRE P.P., ZAMAGNI V. (eds), Distretti…, op. cit., en particulier p. 134-137.
32 Voir COMUNE DI BOLOGNA, Macchine, scuola, industria, Bologne, Il Mulino, 1980 ; CAPECCHI V., « L’industrializzazione a Bologna nel Novecento », in TEGA W. (ed.), Storia illustrata di Bologna, 18/4, p. 348-350.
33 Voir PUTNAM R., Making ...,op. cit., chap. 2.
34 Sur les caractères spécialisés des centres émiliens, voir les remarques (en 1989) de BRUSCO S., Piccole imprese…, op. cit., p. 414, qui oppose cette expérience au modèle « universel » de la boutique d’innovation française. Sur l’expérience des centres de service, en particulier émiliens, voir par exemple : BELLINI N, GIORDANI M.G., PASQULNI F., « La politica industriale della Regione Emilia Romagna : i centri di servizi alle imprese », in LEONARDI R., NANETTI R.Y. (eds), Le regioni e l’integrazion europea : il caso Emilia Romagna, Milan, Franco Angeli, 1991, p. 221-238 ; BELLINI N., « Distretti e sistemi locali di piccole imprese : problemi di politica », in VARALDO R., FERRUCCI L., eds, Il distretto industriale..., op. cit., p. 298-320 ; NANETTI R.Y., Growth and Territorial Policies : The Italian Model of Social Capitalism, London et New York, Pinter Publishers, 1988, chap. 6 ; BRUSCO S., « Servizi reali, formazione professionale e competenze : una prospettiva », in BELLANDI M., RUSSO M. (eds), Distretti industriali e cambiamento economico locale, Turin, Rosenberg e Sellier, 1994, p. 223-234.
35 Les deux citations sont tirées de RUSSO M., « Le unità di indagine per le politiche del cambiamento economico e sociale », in BELLANDI M., RUSSO M. (eds), Distretti industriali op. cit., p. 50 ; sur l’importance des liens sociaux pour l’efficacité de l’action des centres, voir aussi BRUSCO S., RIGHI E., « Enti locali... », op. cit. ; BELLINI N., « Distretti e sistemi locali... », op. cit., p. 97 ; sur la difficulté à reproduire cette expérience dans les régions du Sud, voir les remarques conclusives de VIESTI G., « Perché le regioni... », op. cit., p. 264-268.
36 BECATTINI G., Il bruco e la farfalla. Prato : una storia esemplare dei distretti, Florence, Le Monnier, 2000 (il s’agit de la publication séparée d’un essai déjà paru dans le dernier volume d’un ouvrage collectif sur Prato ; voir la note suivante).
37 Des indications très utiles peuvent être trouvées dans les quatre volumes de l’ouvrage collectif dont la direction générale avait été confiée à Femand BRAUDEL : Prato storia di una città, Florence, Le Monnier, 1986-1997. Parmi les nombreux essais de synthèse, voir les interprétations proposées par LUNGONELLI M., « Sulle origini del distretto industriale pratese », in BELFANTI C.M., MACCABELLI, T. (eds), Un paradigma op. cit. ; MAITTE C, « Prato nei secoli XVII e XIX : un modello di modernizzazione originale ? », in FONTANA G.L. (ed.), Le vie dell’industrializzazione europea : sistemi a confronto, Bologne, Il Mulino, 1997 ; FERRUCCI L., « Il distretto tessile pratese : processi evolutivi, path dependence e logiche di cambiamento », in Annali di storia dell’impresa, 1999,10, p. 187-223.
38 BECATTINI G., Il bruco op. cit., p. 84.
39 Ibidem, p. 51-56, 142, 148, 185 (avec plusieurs indications sur les initiatives promotionnelles et sur les services sociaux fournis aux travailleurs du district). D’autres indications sur le soutien indirect des institutions (et la citation sur la « nostra industria ») in DEI OTTATI G, « Metamorfosi di un’industria localizzata : la nascita del distretto industriale pratese », in BELLANDI M., RUSSO M. (eds), Distretti industriali…, op. cit., en particulier p. 100-101.
40 Pour ces remarques, j’utilise quelques suggestions d’une intervention orale de Patrizia Messina, que je remercie, à un séminaire organisé par l’Institut Gramsci de Bologne en mars 2001. Malgré toutes les différences, une inspiration importante pour ce type de considérations a été fournie par TRIGILIA C, Grandi partiti e piccole imprese, Bologne, Il Mulino, 1986, en particulier p. 180-186.
41 PARRI L., « Risultati... », op. cit.
42 RINALDI A., « La sinistra ... », op. cit., p. 144.
43 Voir Il Sole 24 ore, 26 mai 1993 ; des considérations sur l’application de la loi in BELLINI N., « Distretti e sistemi... », op. cit., p. 298-305 ; le cas spécifique de la Lombardie est analysé par LASSINI A., « Istituzioni locali e promozione dei distretti », in Impresa e Stato, novembre 1996, 35, p. 17-21.
44 TRIGILIA C., Grandi partiti…, op. cit.
45 Voir l’intervention de TRIGILIA C. à la table ronde conclusive in BELFANTI M.C, MACCABELLI T. (eds), Un paradigma op. cit, p. 242-247.
46 BRUSCO S., « Piccole imprese e distretti industriali : l’esperienza italiana », in idem, Piccole imprese op. cit., p. 486 (article de 1986s).
Auteur
Istituto Gramsci, Bologne
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Recherche et développement régional durable
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