« Dans son pays on l'appelait Jeannette », essai sur le discours et l'usage anthroponymiques dans les procès de Jeanne d'Arc1
p. 163-177
Texte intégral
1« Eadem Johanna per nos interrogata fuit de nomine et cognomine ipsius. Ad que respondit quod in partibus suis vocatur Johanneta et postquam venit in Franciam vocatur est Johanna. De cognomine autem suo dicebat se nescire... »2
2Cela se passait à Rouen, le mercredi 21 février 1431 (n.st.). Les interrogatoires du procès de celle que nous avons coutume de nommer Jeanne d'Arc commencèrent donc, comme c'est d'usage, par la demande faite à l'accusée de décliner son identité. La prisonnière s'appelait Jeannette, ou plutôt on l'appelait ainsi dans le petit monde où elle avait vécu sa première vie, puis on avait changé ce nom pour celui de Jeanne, dans son nouvel entourage, celui de France, le royaume de l'intérieur, un autre milieu plus relevé socialement où les noms étaient majoritairement « carrés », sans diminutif ou adjonction marquant la jeunesse ou l'affection3, et surtout un monde militaire où seule l'antinomie amenait de rudes soudards à être appelés « Robinet4 ». Cependant, longtemps avant cette confrontation, les juges savaient déjà comment désigner leur prisonnière : le vicaire général de l'Inquisition avait dès le 26 mai 1430 écrit au duc de Bourgogne à propos de « certaine femme nommee Jehanne, que les adversaires de ce royaume appellent « la Pucelle ». La jeune fille avait été capturée trois jours auparavant et il fallait l'amener au plus vite devant le tribunal inquisitorial5. Le royaume dont il est question était évidemment pour lui celui d'Henri VI, la France anglaise, et la Pucelle une ennemie enfin capturée.
3Jeanne, la Pucelle, voici déjà deux façons de la désigner, pourtant elle même a dit qu'elle n'avait pas de « surnom ». Mais si elle en a un ! Le samedi 24 mars 1431, on relit en sa présence le compte-rendu en français des interrogatoires des séances précédentes afin qu'elle puisse récuser certaines de ses réponses avant que celles-ci soient considérées comme vraies et confessées. Or la seule remarque transmise par les expéditions des procès-verbaux qui nous sont parvenus (et qui ne figure pas dans les manuscrits d'Orléans et d'Urfé, copies de la minute du procès en langue vulgaire6) porte sur le nom de l'inculpée : « dixit quod erat cognominata D'arc7 seu Rommee, et quod in partibus suis, filie portabant cognomen matris »8. Elle a donc enfin compris ce que signifiait ce cognomen ou surnom auquel elle n'avait su quoi répondre le 21 février. Maintenant, nous avons un éventail anthroponymique bien ouvert : les noms Jeanne et Jeannette, les surnoms D'arc et Rommée, le sobriquet la Pucelle. Il nous faudra voir comment ces cinq éléments figurent et sont utilisés au cours des procès. Mais avant il faut quand même essayer de comprendre les réponses de l'accusée.
4Le procès-verbal de nos textes n'est pas un enregistrement pur et simple des paroles, c'est un rapport. Les rédacteurs raccourcissent les dialogues, concentrent les questions et réponses et, en général, utilisent, comme on a pu le lire plus haut, le discours indirect : elle répond, elle dit (dicebat, respondit quod...), le témoin dépose que... Si nous revenons à l'interrogatoire d'identité, la véritable question était-elle : « quels sont tes noms et surnoms (interrogata fuit de nomine et cognomine) ? » ou simplement « quel est ton nom ? », ou encore « comment t'appelles-tu9 ? ». Dans le premier cas la réponse de Jeanne s'explique par l'ignorance du sens de « surnom », elle répond à la seule question du « nom », et son nom est : Jeannette, celui de la conversation ordinaire : « bonjour, Jeannette... » ou de l'interjection royale rapportée par Dunois : « rex ait : « Johanna, an placeat vobis declarare quod petit »10. Ce nom (Jeanne, Jeannette) était des plus répandus dans le royaume de France, porté par le tiers des filles de sa génération11. Ce fut sans doute le choix de ses parents, mais pour une fois nous pouvons aussi dire que ce nom était lié à son baptême. Lors du procès en nullité de la condamnation, l'enquête faite au pays des origines de Jeanne12 a interrogé deux Jeannette : de Jeannette Roze, femme de Thévenin Le Royer, et Jeannette, veuve de Thiesselin, toutes deux ses marraines, la seconde a rappelé fièrement qu'elle portait le même nom que l'héroïne13. Les témoignages prouvent également qu'elle eut quatre parrains tous nommés Jean : Jean Morel de Greux, Jean Le Langart (ou Lingué), Jean Barré (ou Barey) et Jean Rainguesson14. Pouvait-on nommer autrement cette enfant !
5La distinction qui semble s'établir aux yeux de l'accusée de Rouen entre Jeanne et Jeannette n'est pas anecdotique, les témoins de son pays n'utilisent pratiquement pas la forme courte, sauf parfois lorsqu'ils évoquent, selon les traducteurs en latin, Johanna « la Pucelle15 », c'est à dire la période de la vie publique qu'ils ne connaissent que par ouï-dire, ce temps où effectivement on l'appelait Jeanne et où elle était en quelque sorte une autre que la bonne, honnête et simple fille de Domremy. Ce nom de Jeanne, elle même le donnait volontiers aux enfants qu'on lui demandait de « lever » sur les fonts baptismaux16.
6Deuxième nom, le nom de famille, surnom héréditaire, celui de son père17. Jeanne l'avait donné au cours de l'interrogatoire d'identité : « Respondit quod pater vocatur Jacotus Darc, mater vero Isabellis18. » « respondit que son pere estoit nommé Jacques Tart et sa mere Ysabeau19 ». Ce nom, on le sait, a été le sujet de controverses dans sa forme et son origine géographique et sociale, disputes qui ne sont pas éteintes quand bien même il n'y a plus d'exemption d'impôts ni de province lorraine perdue à la clef20. Le meilleur résumé reste celui du Père Doncoeur, étoffé par un solide dossier, qui conclut à Darc ou Dars, les variantes venant des greffiers notant diversement les accents des témoins21. L'important est que Jeanne donne spontanément pour son père ce que nous appelons ses noms et prénoms, de même qu'elle connaît les surnoms — sans peut-être savoir le sens technique du mot — de ses parrains et du curé, et qu'elle les transmet : « patrinorum vero unum vocabatur Iohannes Lingué, alter lohannes Barrey », et du curé qui la baptisa : « dominus Iohannes Minet, prout credit »22.
7Le nom Darc n'a pas été un anthroponyme accolé au nom de Jeanne sous la plume des divers greffiers du procès de condamnation, nous le verrons plus loin, et d'ailleurs ce n'était pas un usage répandu. Il n'en reste pas moins troublant que le procès-verbal en latin ait introduit une réflexion sur le surnom paternel. Vallet de Viriville a publié en 1854 une copie de la lettre patente de Charles VII anoblissant Jeanne et sa famille (Mehun-sur-Yèvre, décembre 1429), où figure en toute lettre la reconnaissance des services « puellæ Johannæ Darc de Dompremeyo, charæ et dilectæ tiostræ »23, mais on peut légitimement s'interroger sur la valeur déterminante, à la lettre près, d'une copie du XVIIe siècle, puisqu'aucun texte strictement contemporain ne donne cette forme24. Quant au surnom maternel passant aux filles, il laisse profondément perplexe. Là aussi, sans chercher à éclaircir l'origine de ce surnom de Rommée, il faut reconnaître que l'argument du 24 mars selon lesquelles les filles « dans son pays » portaient le surnom de leur mère est contredit par les formules même qu'elle pratiqua lors de l'interrogatoire d'identité, tout comme par celles qu'utilisèrent les témoins de Domremy lors des enquêtes du procès en nullité. Le 21 février, Jeanne n'a donné aucun surnom à sa mère : « vocatur [...] vero Ysabellis »25 ; quelques mots plus loin, elle n'en accorde pas non plus à ses marraines : « dicit quod una matrinarum vocabatur Agnes, altera Sibilla... »26. Au cours des interrogatoires du procès de Rouen il sera question de deux autres femmes : « La Rousse », l'hôtesse chez laquelle Jeanne habita quinze jours et dont elle ne donne ni le nom ni aucun surnom, « maternel » ou autre, mais le seul sobriquet personnel27, et Catherine de La Rochelle28 qui n'était pas de son pays. Enfin, si l'on considère les femmes de Domremy et ses environs rencontrées dans le texte du procès en nullité on doit se rendre à l'évidence que leur désignation ne répond guère à la remarque de Jeanne29 et que l'on est bien en peine de trouver un « matronyme » parmi ces noms. Bien au contraire, ces femmes sont toutes mises en rapport avec leur mari vivant ou mort, en tant qu'uxor ou vidua, à l'exception de « la Rousse », toujours un peu à part. Seule Jeannette, femme d'Étienne le Royer, charpentier, dispose à plusieurs reprises d'un surnom qui lui soit propre : « Roze » ou « de Roze », ces deux versions font que l'on ne sait s'il s'agit d'un nom de lieu, donc asexué, ou d'un sobriquet venu d'un teint particulièrement agréable ou d'un caractère épineux, hérité ou non d'une ancêtre. Dans tous les cas, ces femmes de Domremy, Greux et Vaucouleurs n'étant pas (vieille) fille ne nous apprennent rien sur le système de désignation que Jeanne tiendrait de sa mère. Plus encore, Isabelle elle même est dans son pays largement désignée par un diminutif : Ysabellette — en cela nous avons bien une des spécificités locales —, toujours à la suite de son mari Jacobus Darc, mais sans surnom d'aucune sorte ; une seule et unique mention particulière apparaît, celle de Vouthon, son village d'origine30, qui n'a pas de rapport avec le cognomen matrilinéaire « Rommée » évoqué par sa fille Jeanne au cours du procès de condamnation.
8Dernier élément de la désignation, le sobriquet Puella, « la Pucelle ». Les juges ont fait un procès « contra... quandam mulierem, Iohannam, vulgariter dictam « La Pucelle », telle est la rubrique par laquelle débutent deux des manuscrits des procès-verbaux. Le 12 mars 1431, alors que l'interrogatoire portait sur les voix et la façon dont celles-ci interpellaient Jeanne, les juges proposèrent quelques exemples : fille de Dieu, fille de l'Église, fille au grand cœur ? La réponse fut nette : « vocaverunt eam Johannam Puellam, filiam Dei »31. Cette appellation est réaffirmée le 27 mars, à semblable question, réponse identique32 : « la Pucelle » est le nom qu'elle entend dans ses révélations, que Dieu lui a donné. Comme Jeanne a remplacé Jeannette, elle a reçu pour sa mission un sobriquet qu'ont repris partisans et adversaires. Puella, c'est la fillette, la jeune fille et aussi la vierge consacrée à Dieu, dont tant de monastères « le Puellier / puellarum » conservent le souvenir. C'est dans ce dernier sens que Jeanne semble l'avoir entendu : « il pleust a Dieu ainsi faire par une simple pucelle pour rebouter les adversaires du roy »33.
9Les juges lui ont reproché toutes les façons dont ce sobriquet lui fut attribué : par elle même — et non par Dieu ou ses anges, évidemment — (« quam se esse dicit »)34 et plus particulièrement dans les lettres qu'elle envoyait35, par les adversaires du royaume (ceux qui luttaient contre Bedford et Philippe le Bon), et par le commun : « cujusdam femine quant puellam vulgus appellat », ainsi que le disait l'évêque de Lisieux36. Et finalement, quand ils lui ont imposé la lecture de son acte d'abjuration, ils lui firent dire le jeudi 24 mai, « Je, Jehanne37, communément appellée la Pucelle, misérable pécheresse... »
10Le nom de « la Pucelle » était bel et bien devenu une désignation, unique, personnelle à Jeanne comme on le voit dans le registre des délibérations de Reims38, en dépit du fait que c'était également un nom commun tout à fait usuel. Mais, pour qu'il devienne une véritable composante du nom, il faudrait qu'il ait été réellement de façon courante accolé au nom Jeanne et non entouré d'une circonlocution explicative du type « mulier illa que Puella vociferantur »39, or nous n'avons dans le texte du procès de Rouen qu'un seul et unique exemple de cette utilisation : « quadam mulier dictam Johanna « La Pucelle »40.
11Finalement, tous les discours sur la façon d'appeler Jeanne se heurtent à la pratique qui semble contredire les affirmations tout à la fois de la jeune fille et de ses juges : il y avait non une façon de la désigner mais plusieurs, dont certaines plus usuelles, lesquelles en réalité ? Et en quoi sont-elles, ou non, des anthroponymes ? D'autre part, de son vivant déjà, mais surtout après sa mort, apparaît le mythe. Comment a-t-on désigné sa personne, sujet et objet mythiques ?
12J'étais partie des procès, comme source particulière d'approche du discours anthroponymique à l'égard de Jeanne d'Arc, il était donc naturel d'y revenir comme source de l'usage des désignations, tout en demeurant consciente qu'il s'agit de ce que l'on peut tirer d'un type de source, ce qui est le propos de ce recueil, et non définir la seule vérité sur le sujet de ce nom. Il va sans dire également que je n'ai utilisé pour cette seconde partie, afin de ne pas doubler artificiellement les occurrences, qu'un seul des textes du procès de Rouen, le procès-verbal en latin plus disert et aisément confrontable avec le procès en nullité, en incluant pour les deux procès les lettres, avis et traités de l'édition de référence.
13D'abord compter... Il peut paraître assez étonnant qu'aucune étude sérieuse du vocabulaire des procès n'ait été faite à l'exception de celui de la prophétie41, et pas plus celle des noms propres. Le très savant travail d'édition (transcriptions et traductions), en particulier du procès en nullité, ne s'accompagne pas d'index utilisables pour notre propos anthroponymique42. Surtout, les tables ne font pas entrer une Jeanne considérée à juste titre comme omniprésente. Il a donc fallu compter les formes qui la désignent et d'abord les choisir. Faute de saisie globale informatique (1566 pages...) et d'un tri automatique, il peut y avoir quelques erreurs comptables qui ne doivent pas gravement obérer les conclusions que l'on peut tirer.
14Les rubriques choisies pour le tri sont au nombre de neuf en ce qui concerne les formes en rapport avec l'anthroponymie, et quatre formes « anonymes ». D'abord la forme complexe : « mulier ou femina [Johanna] vulgariter dictam la Pucelle », puis les formes à double termes : Johanna « d'Arc », Johanna dicta « la Pucelle », Johanna Puella noncupatur, Johanna « la Pucelle », Johanna Puella et Puella Johanna ; et les formes simples : Johanna et Johannetta (et « Jehanne » des lettres en langue vulgaire), la Pucelle, Puella... Viennent ensuite des désignations anonymes : [ista / dicta] mulier, femina, [icelle] « femme », enfin [ista, eadem] filia.
15Un tableau peut résumer la diversité des formules selon les textes (Tableau 1).
Tableau 1. Les désignations de Jeanne d’Arc dans les deux procès
Formes | P. de condamnation | % | P. en Nullité | % |
Dés. complexes | 38 | 10,8 | 21 | 0,9 |
Johanna d’Arc | 0 | 0 | 26 | 1,1 |
J. dicta « la Pucelle » | 9 | 2,5 | 35 | 15 |
Johanna Puella nuncupatur | 5 | 1,4 | 52 | 23 |
Johanna La Pucelle | 1 | 03 | 40 | 1,6 |
Johanna Puella ou Puella J. | 0 | 0 | 20 | 0,8 |
Johanna, Johannetta | 294 | 83,8 | 1970 | 82,2 |
Puella | 4 | 1,2 | 192 | 8 |
La Pucelle | 0 | 0 | 42 | 1,7 |
TOTAL I | 351 | 100 | 2398 | 100 |
Muller | 38 | |||
Femina, femme | 61 | |||
Filia | 14 | |||
TOTAL II | 99 | 14 |
16Point n'est besoin de grande science pour voir que de toutes les formes possibles, la seule véritablement usuelle dans nos sources (sur 2749 occurrences) fut le nom, simple et tout bête de Jeanne. Il est évident également que cette simplicité est liée au contexte et au texte : toute autre Jeanne que la victime du procès de Rouen devait être accompagnée d'une précision ôtant toute ambiguïté sur la personne, c'est ce que l’on constate pour les témoignages féminins de Domrémy et d'Orléans : « Iohanna uxor Egidius « de Saint Mesmin »43. En ce qui concerne notre héroïne, les deux mille deux cent soixante quatre monotones répétitions de ces dicta, eadem, ipsamet, predicta, quadam Johanna reflètent la lourdeur syntaxique de la phrase juridique et ce n'est sans doute pas le plus intéressant de cette analyse.
17La formulation complexe apparaît dans les deux procès, mais dans des proportions bien différentes : à Rouen quatorze de ces expressions se trouvent dans les rubriques (« Procès contre cette femme qui est appellée vulgairement la Pucelle ») et dans les correspondances intercalées au début des procès-verbaux : lettres de l'Université de Paris au roi Henry VI, à Philippe le Bon, à Jean de Luxembourg et à l'évêque Cauchon, lettres d'Henry VI à Cauchon (« une femme qui se fait appeller la Pucelle »)44. Puis on ne la retrouve que dans les textes des consultations demandées aux docteurs, dans l'avis de l'Université de Paris45 et les lettres du roi Henry rapportant la condamnation de « celle femme qui se fesoit appeller Jehanne la Pucelle, eronnee divineresse... »46. La longueur de la désignation est à la mesure de la distance à mettre entre les juges et cette personne qui leur cause une authentique répulsion.
18Dans le procès en nullité, la complexité revêt un autre sens : le premier terme n'est plus mulier ou femina, mais muliercula scilicet Johanne de Guillaume Bouillé47, filia, voire defuncte honeste virginis, innocens Johanna « la Pucelle »48 ; et que dire de la juvencula dicta Puella de Dunois ou de la bergereta vocata « la Pucelle » de Guillaume de Ricarville déjà entrée dans l'imagerie pastorale49 !
19En vérité, l'examen des appellations dans le procès en nullité de la condamnation amène à considérer de plus près la structure de la source et à faire une distinction entre les enquêtes et les traités suivis de la récapitulation de Jean Bréhal, donc entre les volumes I et II de l'édition de P. Duparc.
Tableau 2. Appellations johanniques selon le procès de nullité

20Outre l'apparition de « Jeanne d'Arc », deux choses sont particulièrement remarquables : la quasi exclusivité des formes Johanna dicta la Pucelle ou Johanna Puella nuncupatur ou Johanna « la Pucelle » (nom + sobriquet), et l'exclusivité totale de « La Pucelle » (sobriquet en Français seul) dans les enquêtes et en revanche les places importantes tenues par les termes Puella et filia dans les traités, en regard de l'absolue pauvreté de ces termes dans le procès de Rouen.
21Tout d'abord « Jeanne d'Arc ». La répétition de ce nom, qui apparaît dans les enquêtes en dépit de son usage réel presqu'inexistant, vient d'abord du rescrit du pape Callixte III50 à plusieurs reprises recopié dans les lettres de mission, puis des procurations données par les frères et la mère de Jeanne51, et enfin des assignations et citations qui réintroduisent le rescrit et les procurations, on peut donc dire que c'est un chiffre gonflé, mais il n'en n'a pas moins un sens. Les détours et circonlocutions très nettement hostiles (ista femina) ne sont plus de mise en 1455-56, la jeune fille est réinsérée dans sa famille puisque c'est celle-ci qui a officiellement introduit la demande d'annulation du procès et donc de réhabilitation. Dans ces conditions, il devenait nécessaire de dire et recopier ce surnom patronymique que Jeanne partage avec ses frères Jean et Pierre, ce qui est normal, mais également avec sa mère, ce qui l'est moins. La supplication qui précède le rescrit pontifical présente l'honesta vidua Ysabellis d'Arc, les assignations, les citations et l'ordonnance sur les enquêtes reprennent cette dénomination d'Isabelle que les témoins de son pays n'utilisent jamais. On notera qu'il n'est pas question de « Romée » pour Jeanne ce qui ne contribue pas à éclaircir la fameuse remarque de son procès, mais ce que le tableau ne dit pas, c'est qu'il n'en n'est pas non plus question pour Isabelle52… Que tous s'appellent d'Arc dans ces documents rend plus poignante la supplique de révision du procès de Rouen. À travers Jeanne c'est la famille entière qui retrouve l'honneur, pourtant à cette époque là, Pierre se faisait surtout appeler du Lis...
22Johanna La Pucelle ou Johanna dicta la Pucelle ou Johanna Puella nuncupata, désignations à double termes, ne sont que faiblement représentées, ce qui est assez inattendu. Le procès de condamnation a sans doute refusé la formule simple Johanna Puella à cause de cette épithète sans intermédiaire dont l'usage aurait abouti à l'acceptation d'une vierge consacrée, mais les traités ne la reprennent pas non plus. Finalement, ce sont une fois encore les démarches juridiques, assignations et notifications officielles, qui réitèrent les phrases formelles du type dicta et nuncupata. Cependant, il faut signaler une exception notable : dans le pays de Jeannette, la plupart des témoins ont repris l'expression soufflée par la lettre de mission des enquêteurs. Les douze questions y étaient en effet introduites par un chapeau évoquant la « patria originis defuncte Johannete, vulgariter la Pucelle », et elles étaient suivies de l'attestation des enquêteurs « deputatis et commissis super facto et causa defuncte Johannete, vulgariter nuncupate La Pucelle ». En écho, vingt-cinq des trente-quatre témoins répétèrent quarante fois ce qu'ils savaient de Jeanne la Pucelle. À titre de comparaison on ne trouve cet usage que six fois chez ceux d'Orléans et pas une seule fois à Rouen. À enquêteurs différents réponses diverses, c'est une leçon pour l'historienne.
23Venons-en au sobriquet en français utilisé seul : « la Pucelle ». Les tableaux montrent que ce sont les enquêtes qui ont l'exclusivité de l'expression, mais seule la lecture des textes permet de préciser que toutes les occurrences sortent d'un unique témoignage, celui de Jean d'Aulon53. Invité à dire ce qu'il sait du temps où il était l'intendant de « Johanna, quondam vulgari denominatione in hoc regno Francie « La Pucelle » nominata », dans son récit des mois qu'il passa près de Jeanne d'Arc, Jean d'Aulon n'utilise aucune autre désignation que « la Pucelle », considérée ici comme le vrai nom de celle dont il disait « que ses faits étaient plus divins et miraculeux que autrement », et son dernier mot fut : « ainsi comme il a veu et congneu estre en ladite Pucelle ». Nous constatons qu'un de ses proches compagnons n'use jamais du nom de baptême pour parler de Jeanne. Mais comment s'adressait-il à elle ? « Pucelle, dites moi » ? Je me permets d'en douter. Qu'en est-il des autres militaires dont les souvenirs furent sollicités et dont les témoignages furent transcrits en latin ? Jean de Metz utilise une fois Johannetta, une fois Johanna et huit fois ipsa, eadem [...] Puella54. Mais l'exemple le plus remarquable est le témoignage de Dunois : d'abord il parle de cette juvencula dicta Puella qui passa à Gien, puis pour toute la période où Jeanne est à Chinon et où il ne l'a jamais vue, c'est illa Puella six fois de suite, après qu'ait eu lieu la rencontre ce sont sept Johanna d'affilée. L'apparition de la jeune fille lui rend une personnalité anthroponymique usuelle. Le témoignage tout entier de ce compagnon de guerre penche néanmoins pour le sobriquet (vingt-deux occurrences) plutôt que vers le prénom (quinze), mais peut-on systématiquement y distinguer la Pucelle guerrière et la Jeanne amicale, rien n'est moins certain55.
24Cette Puella figure en abondance dans les traités, puisque elle y représente près du cinquième des appellations utilisées pour Jeanne (Cf. Annexe). Mais je dois avouer que je doute de la valeur anthroponymique d'un certain nombre de ces occurrences. La difficulté tient à la nature de ce surnom qui, au sens commun, est couramment employé dans toute la littérature pour la jeune fille non mariée, est surabondamment utilisé par les moralistes pour les variations sur la pureté des vierges, et qui se trouve ici promu au rang d'anthroponyme. Les risques de confusion sont multiples et les majuscules des éditeurs, malgré toute leur vigilance, n'aident pas toujours à éclaircir le rôle de ce mot. Je me suis amusée à imaginer ce qu'aurait donné un procès et les plaidoiries en latin dont le principal personnage serait un certain defunctus Leo Homo56, on y retrouverait toutes les ambiguïtés des textes johanniques. Ainsi le traité de Gerson Super facto Puelle57, qui ne donne jamais le nom de Johanna, emploie Puella dans des contextes tels qu'il semble bien s'agir d'un anthroponyme : hec Puella et ei adherentes militares, hors de toute argumentation opposant la faiblesse féminine à la rudesse militaire. Jean Bochard, évêque d'Avranches, n'utilise également que le sobriquet Puella dans sa démonstration de la nullité du jugement de Rouen. Il en va tout autrement des longues démonstrations de Marin Berruyer et d'Hélie de Bourdeilles et même de certains passages de Thomas Basin. Tous trois ont usé largement du nom de Jeanne : Berruyer soixante trois fois, Bourdeilles presque cent et Bazin près de cent-vingt, c'est-à-dire une moyenne de deux fois par page dans l'édition de P. Duparc, beaucoup plus que de son sobriquet qui chez chacun ne se trouve pas à plus de vingt reprises.
25Faut-il considérer puella comme anthroponyme et conserver la majuscule initiale quand Bourdeilles écrit : « nunc autem Puella in tali fragile sexu constituta et in etate tenera XIII annorum, ex infimus parentibus orta »58 ? Que l'usage du mot Puella soit ambivalent, nos docteurs le savent parfaitement et en jouent. Basin fait valoir la jeunesse de la Pucelle : « hoc autem Puella, ut dixi, simplex erat, minor annis et juris ignara »59, et quelques pages plus loin utilise le mot au sens commun : « magna injuria fiebat ipsi Johanne, puelle XIX annorum, quod... »60.
26Ce n'est pas le lieu de reprendre ligne à ligne les textes des traités en faveur de la requête de la famille de Jeanne, mais il est certain qu'en ce qui concerne la désignation anthroponymique de la jeune fille les traités entretiennent une confusion voulue entre nom commun et onomastique. L'accent est mis non pas sur le sobriquet d'une femme chef de guerre, mais sur l'enfance et sur la faiblesse qui découle de sa condition de jeune fille. Les juges de Rouen avaient stigmatisé la femme : ista mulier, insistant sur l'incongruité d'une attitude non conforme au rôle dévolu par Nature. Ils avaient même suggéré que le sobriquet pût être utilisé à contre-emploi. Surtout, ils avaient retrouvé la méfiance envers les filles d'Eve : quedam femina, ainsi débutait la liste des douze articles, chacun commençant par Item dicta femina, qui récapitulaient les assertions prêtées à Jeanne pour la condamner61. Lors du procès en nullité, c'est avec compassion que les hommes de loi évoquèrent le « faux procès » où l'on avait trouvé des docteurs « ad opinandum articuli, incipientes : « Quedam femina », a suis [Jeanne] confessionibus dissimulantes »62. « La Pucelle », Puella devint alors bien autre chose qu'une des façons de désigner Jeanne, c'était une profession de foi en la justesse de la nouvelle cause.
27L'intérêt en matière d'anthroponymie des textes de ces procès n'est donc pas seulement de nous apprendre ou de nous confirmer qu'à Rouen fut condamnée une certaine Jeanne dite la Pucelle, et qu'en 1456 fut annulé ce jugement de condamnation de Jeanne d'Arc, la Pucelle, mais surtout de faire naître des questions sur les choix, jamais innocents, qui furent faits pour la nommer63.
ANNEXE : Johanna et Puella (« La Pucelle ») dans les traités en faveur de Jeanne d’Arc et la récapitulation de Jean Bréhal (Procès en nullité de la condamnation de Jeanne d’Arc, éd. P. DUPARC, t. II)
Auteurs et pages | Johanna | Puella |
Jean Gerson, p. 34-39 | 19 | 10 |
Hélie de Bourdeilles, p. 40-150 | 98 | 19 |
Thomas Basin, p. 157-219 | 119 | 11 |
Martin Berruyer, p. 219-256 | 63 | 21 |
Jean Bochard, p. 257-265 | 1 | 16 |
Jean de Montigny, p. 266-316 | 1 | 36 |
Guillaume Bouillé, p. 317-348 | 54 | 17 |
Robert Ciboule, p. 348-403 | 58 | 7 |
Jean Bréhal, p. 403-600 | 160 | 11 |
Total | 573 | 148 |
Notes de bas de page
1 Les sources de ce travail ont été les publications les plus récentes des procès : Procès de condamnation de Jeanne d’Arc, texte établi et publié par P. TISSET, Paris, 1960-1971, 3 vol., (Société de l'Histoire de France), et Procès en nullité de la condamnation de Jeanne d’Arc, texte établi et publié par P. DUPARC, Paris, 1977-1988, 5 vol. (Société de l'Histoire de France), abrégés dans les notes en Procès... et Nullité.... Ma reconnaissance va à mes prédécesseurs et collaborateurs du Centre Jeanne d'Arc d'Orléans pour une documentation inestimable.
2 Procès..., I, p. 40. Texte en français, d'après le manuscrit d'Orléans (Ibid.) : « Ce jour mesme ladicte Jhenne interroguee de son nom et surnom : Respondit que, au lieu ou elle avoit esté nee, on Tappeloit Jhanette, et en France Jhenne ; et du surnom n'en scait riens. »
3 Les relevés des noms des seigneurs prêtant hommage dans les registres d'aveux contemporains de nos textes sont très éloquents à cet égard, cf. F. MICHAUD-FRÉJAVILLE, « Anthroponymie des dépendants des chanoines de la Sainte-Chapelle de Bourges dans la paroisse de Genouilly en 1467 », à paraître dans le volume V des Rencontres d'Azay-le-Ferron 1995.
4 André PLAISSE, Un chef de guerre au XVe siècle, Robert de Flocques, bailli royal d’Évreux, Évreux, 1984. Ce rude personnage était même appelé Robinet Floquet, le diminutif s'appliquant aux deux termes de son nom convenait assez mal à sa carrière d'« écorcheur ».
5 Procès..., I, p. 9.
6 P. DONCOEUR, La minute française des interrogatoires de Jeanne la Pucelle d'après le réquisitoire de Jean d'Estivet et les manuscrits de d'Urfé et d'Orléans, Melun, 1952.
7 J'utilise la forme transcrite par TISSET, qui est la même que celle qu'il a choisie pour transcrire le nom de Jacques d'Arc, le père de Jeanne (Procès..., I, p. 40), l'exactitude (Dart, Tart, Day etc.) n'a ici aucune espèce d'importance.
8 Procès..., I, p. 181. Cf. E. O'REILLY, Les deux procès de condamnation, les enquêtes et la sentence de réhabilitation de Jeanne d'Arc... Paris, 1868, t. I, p. 394 : « Jehannette Rommée : tel serait, en vérité absolue et en dernière analyse, le nom de la vierge de Dompremy », je n'irai pas si loin !
9 L'étude du « tu » et du « vous » dans les deux procès est en cours, je choisis ici le « tu » largement utilisé par le tribunal de Rouen.
10 Nullité..., I, p. 323. Il s'agit de l'entrevue de Jeanne et du roi à Loches.
11 P. BECK, « Anthroponymie et désignation des femmes en Bourgogne (Xe-XIVe siècles) » dans Genèse médiévale de l'Anthroponymie moderne, t. II-2, Persistances du nom unique, éd. M. BOURIN et P. CHAREILLE, Tours, 1992, p. 100 (tableau : entre 1351 et 1400, 34, 2 % des Bourguignonnes se prénommaient Jeanne).
12 Sans entrer dans la question du pays de Jeanne qui a fait l'objet de querelles héroïques entre Champagne et Lorraine, il vaut mieux donner le titre exact de l'enquête : Inquesta in loco originis Johanne (Nullité..., I, p. 244).
13 Nullité..., I, p. 264-265 : « Johanneta, relicta Thiesselini de Vitello, clerici in dicto Dompno Remigio... [dixit] ipsa testis que loquitur fuit matrina ejusdem Johanne, et habebat nomen suum ; erat etiam sua matrina Johanna, uxor Thovenini Rotarii, dicta ville ».
14 Sur les trente-quatre témoins auxquels on a demandé ce qu'ils savaient des parrains et marraines, seuls quatorze purent répondre. Quatre des parrains et marraines ne sont connus que par une seule citation, néanmoins trois d'entre eux sont assez sûrs dans la mesure où leur nom a été donné par un ou une de leurs compères ou commères : Jean Le Langart et Jean Rainguesson ont été cités par Béatrix veuve d'Estellin, une des marraines, elle-même connue par Jean Morel et Bertrand la Cloppe, et c'est Jeannette Roze, femme de Thevenin Le Royer, celle dont les quatorze témoins savent qu'elle fut la marraine de Jeanne, qui a donné (tout comme Jeanne d'Arc elle-même) le nom de Jean Barré. En revanche Edeta, veuve de Jean Barré, quatrième marraine, citée par Mengete, femme de Jean Joyart, présente moins de certitudes, bien que le témoin ait donné en même temps les indubitables noms de Jean Morel et de Jeanne (Roze) femme de Thévenin (Le Royer).
15 Jean Morel, par exemple, cite quatorze fois le nom de Jeanne, douze fois sous la forme Johannetta et deux sous celle de Johanna (Nullité..., I, p. 252-256). Sur les cinquante-huit formes Johannetta du procès en nullité, une seule est donnée par un témoignage hors du voisinage immédiat de Domremy, celui de Mauger Leparmentier, entendu à Rouen : « et erat vox communis quod [...] eidem Johannettafiebat magna injuria » (id., p. 457).
16 Procès..., I, p. 101 : « Et voulentiers mectoit le nom aux filz Charles, pour l'onneur de son roi, et aux filles Jehanne ; et aucune fois selon ce que les meres vouloient. »
17 « Le port du surnom est affaire d'hommes ; il est le signe de la responsabilité personnelle d'une gestion » (M. BOURIN, P. CHAREILLE, op. cit., p. 218).
18 Procès..., I, p. 37, le 21 février 1431 (n.st.).
19 Ibid., (manuscrit d'Orléans).
20 Depuis Charles DU LIS, Discours sommaire tant du nom et des armes que de la naissance et parenté de la Pucelle d'Orléans et de ses frères, Paris, 1612 (réédité par VALLET DE VIRIVILLE : Charles du Lis, Opuscules relatifs à Jeanne d'Arc, Paris, 1856), jusqu'à Charles SCHNEIDER, « La famille de Jeanne d'Arc et sa descendance », dans Généalogie Lorraine, Nancy, 1985, no 55, 56, 57, résumé dans Mémoire de l’Académie Nationale des Sciences, arts et belles-lettres de Caen, t. XXVI, 1988, p. 141-148, il y a eu des centaines d'ouvrages, articles et opuscules (soixante-dix-sept numéros de bibliographie depuis 1940).
21 P. DONCŒUR, « Jeanne d'Arc s'appelait-elle d'Arc ? », dans Les Nouvelles Littéraires, no 1198, 17 août 1950. Le dossier préparatoire se trouve au Centre Jeanne d'Arc à Orléans (T. 1.1.6).
22 Procès..., I, p. 40-41. La minute française d'Orléans ne connaît qu'un parrain, Jehan Bavent (« Barre » du procès en nullité) et appelle le curé : « Nynet » (Ibid.).
23 VALLET DE VIRIVILLE, « Lettres patentes de Charles VII portant anoblissement de la Pucelle et de sa famille », dans Bibliothèque de l'École des Chartes, t. V, janvier-février 1854, p. 277-278, d'après A. nat. K 63, no 9.
24 R. PERNOUD, M.-V. CLIN, Jeanne d'Arc, Paris, 1986, p. 313-314.
25 Procès..., I, p. 40. La minute française (Orléans) dit : « sa mère [était nommée] Ysabeau (ibid.) ».
26 Ibid., La minute française (Orléans) : « Interroguee que fut ses parrains et marraines : respondit que une femme nommee Agnetz et ung autre nommee Jhenne... ». Contradiction donc avec le texte latin et avec les témoins de 1456. Le peu de cas que semble faire Jeanne de ses nombreux parrains et marraines est-il de son fait, ou vient-il des greffiers qui n'avaient pas intérêt à noter qu'elle était pendant son enfance parfaitement insérée dans un réseau normal de relations sociales et religieuses ?
27 Procès..., I, p. 46 : « vivit in villam de Novocastro [...] penes quamdam mulierem cognominatam « La Rousse » ubi stetit quasi per quindecim dies ». Par la suite les juges diabolisèrent cette rousse — à la chevelure d'une couleur infernale — et son auberge « ubi morantur continue juvenes plures mulieres incontinentes et etiem hospitantur ut plurimum gentes guerre » (Id., p. 200). Les témoins du procès en nullité la qualifièrent, évidemment, d'« honnête » (Nullité..., I, p. 289).
28 Le texte latin la désigne par Katherina ou Katherina de Rupella cinq fois (Procès..., I, p. 103-116) et deux fois par Katherine de la Rochelle (Id., p. 256 et 266) mais quarante-quatre fois par son seul (pré)nom.
29 Voici les anthroponymes féminins relevés dans l'enquête faite en Lorraine (Nullité..., I, p. 245 et suiv.) :
Beatrix relicta Tiescelini / Beatrix relicta Thiecelini, clerici (p. 257) / Beatrix, relicta Estellini (p. 269) / Beatrix, uxor domini Petri de Bourlemont (p. 265) / domina uxor domini Petri de Bollemont (p. 272) / mater domini Petri (p. 272) / uxor que erat de Francie (p. 283)
Hauvieta, uxor Gerardi de Syna (p. 275)
Isabella uxor Gerardini (p. 282)
Johannetta (p. 258) uxor Thevenini Rotarii / Johannetta uxor Stephani Rotarii (p. 253) / Johannetta de Roze (p. 268, 273, 279) / Johannetta uxor Thevenini Carpentarii (p. 269) / Johanneta Roze (p. 282, 287) /
Johannetta relicta Thiescelini (p. 259, 264, 273) / Johannetta relicta Thiecelini de Vitello (p. 253, 270) / Johanna relicta Thiecelini clerici (p. 257) / Johannetta, relicta de Vitello, clerici (p. 263) / Johanna de Vitello (p. 277) / Johannetta de Vitello (p. 282)
Katharina uxor Henrici Rotarii, de Vallis Colore (p. 296) / Kathatrina de Rupe, uxor Johannis de Bourlement (p. 260) / La Rousse (p. 263, 274, 284, 301)
Mengeta, uxor Johannis Jogart (p. 284)
Ysabelletta (p. 253, 256, 257, 259, 264, 267, 268, 270, 273, 275, 277, 27, 280, 282, 284, 287, 295) / Ysabellis (p. 269) / Ysabelletta de Vaterno (p. 310).
30 Sur la famille de Jeanne, mise au point et bibliographie utile dans P. DUPARC, Procès en nullité de la condamnation de Jeanne d'Arc, t. V, Étude juridique des procès, contribution à la biographie de Jeanne d'Arc, Paris, 1988, en part. p. 134-142.
31 Procès..., I, p. 126, ibid., [manuscrit d'Urfé] : « l'ont plusieurs fois appellée Jehanne la Pucelle, fille de Dieu ».
32 Id., p. 205.
33 Procès..., I, p. 139 (manuscrit d'Urfé).
34 Id., p. 325, avis donné par Raoul Silvestre sur les douze articles : que Dieu ait recommandé les habits d'hommes « hoc non est verissimile, sed mugis scandalosum, indecens et inhonestum, maxime mulieri et puelle quam se esse dicit ».
35 La plupart des lettres sont connues par des mentions, des inclusions dans des œuvres historiques ou des copies ; mais trois d'entre elles, originales, portent la signature de Jeanne. Celle envoyée à Riom (9 novembre 1429) et celle du 28 mars 1430 aux habitants de Reims ne comportent pas le nom de « la Pucelle » ; en revanche, la missive envoyée aux gens de Reims le 16 mars 1430 est au nom de « Jehenne la Pucelle » (cf.Cte de MALLEISSYE-MELUN, Les lettres de Jeanne d'Arc, Paris, 1911, fac-similés). Jeanne a contesté au cours du procès le terme « rendez à la Pucelle » de la lettre aux Anglais envoyée à la fin du mois de mars 1429 (Procès..., I, p. 51). On trouvera la lettre dans Procès..., I, p. 185, et dans PERNOUD et CLIN, op. cit., p. 379, avec les références.
36 Procès..., I, p. 319.
37 Procès..., I, p. 389.
38 « Registre de délibérations du conseil de ville de Reims », édité par S. GUILBERT, dans Travaux de l'Académie Nationale de Reims, vol. 169, 1990-1991, p. 141 : « A esté deliberé de paier les despenses au pere de la pucelle et de lui bailler un cheval pour s'en aler ». (Arch. mun. Reims, fond ancien, reg. 30, fol. 126v., 5 septembre 1429). On notera que la transcription de S. Guilbert ne comporte pas de majuscule à « pucelle », choisissant une forme non anthroponymique mais commune du terme.
39 Procès..., I, p. 357 : lettre de l'Université de Paris à l'évêque Cauchon, 14 mai 1431.
40 C'est la formule de la « lettre des promoteurs » du procès de condamnation, inspirée des lettres royales d'Henry VI « une femme qui se fait appeller Jehanne la Pucelle », et reprise telle quelle par les notaires, le conseiller, les mandataires (Procès..., I, p. 14, 18, 20, 21, 22), qui fournit le cas unique de Johanna « La Pucelle » du tableau qui suit.
41 V. HAZEBROUCK, Le statut de la prophétie dans l'église du XVe siècle, d'après le procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc, Mémoire de maîtrise d'histoire, Nanterre, 1990, dact., résumé sous le même titre dans Bulletin de l'Association des amis du Centre Jeanne d’Arc, 1990, no 14, p. 53.
42 Il ne s'agit en aucune façon d'une remarque qui se voudrait désobligeante ou critique envers P. DUPARC : ses sept tables ou index du tome V sont remarquables et utiles pour la grande majorité des lecteurs, mais le choix qui a été fait du français pour l'onomastique complique si sérieusement la tâche du médiéviste que ce dernier a plus vite fait de reprendre le texte.
43 Nullité..., I, p. 339.
44 Procès..., I, p. 1-35.
45 Procès..., I, p. 358, délibération de l'Université de Paris sur le procès « cuiusdam mulieris nomine Iohannae vulgariter dicte la Pucelle ».
46 Id., p. 426.
47 Nullité..., n, p. 322.
48 Nullité..., I, p. 57.
49 Id., p. 329.
50 Nullité..., I, p. 18 : « ... licet quondam Johanna d'Arc, soror Petri et johannis ac filia Ysabellis eorumdem matris... »
51 Id., p. 28 et 33 : « quondam Jehanne d'Arc, vulgariter dicte la Pucelle de Dompremy sur Meize » (cette expression très particulière n'a pas été comptée dans les formes complexes).
52 Isabelle est citée soixante et une fois dans les deux volumes du procès en nullité, mais seulement six fois dans le second : elle n'est pas du tout intéressante pour les docteurs et théologiens. Nous la trouvons dix-huit fois comme Isabelle d'Arc, quarante fois sous le nom d'Isabellette ou d'Ysabelette (dans son pays), enfin c'est Jean Jaquard (Johannes Jaquardi) de Greux qui nous signale que la femme de Jacques d'Arc est Ysabelleta de Vaterno.
53 Nullité..., I, p. 475-487.
54 Id., p. 289-291.
55 Id., I, p. 316-325. On peut cependant noter que dans toute l'évocation du voyage vers Reims il l'appelle dicta/ipsa Puella, la Pucelle.
56 Que l'ombre de l'auteur du Haut-Empire romain de la collection Glotz me pardonne !
57 Nullité..., n, p. 34-39.
58 Id., II, p. 61.
59 Id., p. 168, et au cours du même développement : « Huic autem Puelle que, ut dictum est, erat simplex et juris penitus inscia... » (ibid.).
60 Id., p. 172. Jean de Montigny cultive également ce double registre : « se recte gubernandum, velut bonam puellam » (Id., p. 274).
61 Procès..., p. 290-296.
62 Id., I, p. 27. Les XII articles litigieux sont aussi évoqués dans la demande écrite de reprise du procès (8 décembre 1455), p. 83, et p. 93 : « dolosis articula no duodecim incipiens : « quesdam femina ». Je n'ai pas, bien sûr, compté ces femina ou mulier, citations mot à mot du procès de Rouen, au nombre des termes du procès en nullité.
63 Bien des pistes m'ont été ouvertes par A. CHALANSET et C. DANZIGER, « Nom, prénom, la règle et le jeu », dans Autrement, série Mutations, no 147, Paris, septembre 1994.
Auteur
Université d'Orléans
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