1 « Ich habe in Paris die Vortheile kennen gelernt, welche der Unterricht und die Leitung eines einzigen Lehrmeisters den jungen Leuten gewähren. Ich beschloẞ daher, mein Atelier so einzurichten, dass ich in diesem Locale eine gewisse Anzahl Schüler vereinigen konnte, und ich hatte die Freude, bald die erste Schule sich bilden zu sehen, die Preuẞen nach Art derjenigen, welche ich in Frankreich kennen gelernt hatte, entstehen sah ». Cité par Baumewerd Stéphanie, « Wilhelm Wach », dans Pariser Lehrjahre – Ein biographisches Lexikon deutscher Maler in Paris, 1793-1843, éd. par F. Nerlich et B. Savoy, Berlin, Boston, De Gruyter Verlag, 2013, p. 299.
2 Voir Michel Christian, L’Académie royale de peinture et de sculpture 1648-1793). (La naissance de l’École française, Genève, Droz, 2012. Voir aussi Locquin Jean, La Peinture d’histoire en France de 1747 à 1783, Paris, Arthena, 1978 (Paris, Henri Laurens, 1912), en particulier le chapitre « L’enseignement de la peinture d’histoire à l’Académie royale de Paris », p. 71-95 ; Pevsner Nikolaus, Academies of Art. Past and Present, New York, Mac Millan, 1940 ; Rubin James H., Eighteenth Century French Life-Drawing : Seledionsfrom the Colledion of Mathias Polkavits, Princeton, University Art Museum, 1977 ; Boime Albert, The Academy and French Painting in the 19th Century, Londres, Phaidon, 1971 ; Benhamou Reed, Public and Private Art Education in France, 1648-1793, (Studies on Voltaire and the Eighteenth Century), no 308, The Voltaire Foundation, 1993.
3 Voir entre autres Heinich Nathalie, Du Peintre à l’artiste. Artisans et académiciens à l’âge classique, Paris, Éditions de Minuit, 1993.
4 La création de l’Académie incita la Communauté des maîtres peintres et sculpteurs à créer une école concurrente, l’académie de Saint-Luc, où furent également dispensés des cours de dessin à l’intention de tous les artistes et artisans (peintres et sculpteurs), membres de la corporation, selon des modalités très similaires à celles de l’enseignement académique. Interdite peu de temps après son ouverture, puis rétablie en 1705, elle ferma définitivement en 1776, lors des grandes réformes qui virent la suppression de la Maîtrise. Voir Vitet Ludovic, L’Académie royale de peinture et de sculpture, étude historique, Paris, 1880 ; Guiffrey Jules Marie Joseph, Histoire de l’Académie de Saint-Luc, Paris, Champion, 1915.
5 Piles Roger de, Premiers éléments de la peinture pratique, Paris, 1685 ; Piles Roger de, Cours de peinture par principes, Paris, 1708 ; Piles Roger de, Éléments de la peinture pratique, Paris, 1776 ; Lairesse Gérard de, Les Principes du Dessin ou Méthode courte et facile pour apprendre cet art en peu de temps,1re édition, Amsterdam, 1719 ;2e édition, Amsterdam et Leipzig, 1747 ;3e édition, Paris, 1787 ; Jombert Charles A., Méthode pour apprendre le dessin, Paris, 1740, réédité en 1755.
6 Charles-Nicolas Cochin, « Ecole de dessin », planche I, article « Dessein » dans Diderot Denis, d’Alembert Jean, Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, t. III, Paris, 1763.
7 Albert Boime a très précisément décrit les enjeux et le vocabulaire de cet apprentissage du dessin dans son ouvrage qui fait aujourd’hui encore office de référence sur la question de la formation académique. Boime A., The Academy, op. cit.
8 Vitet Ludovic, L’Académie royale, op. cit., p. 254-156, 261-271. Voir aussi Rubin J. H., Eighteenth Century French Life-Drawing, op. cit., p. 18 et 21-22 ; Rubin J. H., « Concepts and Consequences in Eighteenth-Century French Life Drawing », dans Drawing : masters and methods, Raphael to Redon, éd. par Diana Dethloff, London, P. Wilson, Royal Academy of Arts, 1992, p. 7-19 ; Brugerolles Emmanuelle (éd.), L’Académie mise à nu. L’École du modèle à l’Académie royale de Peinture et de Sculpture, Ecole nationale supérieure des beaux-arts, Paris, Beaux-arts de Paris les éditions, 2009.
9 Diderot Denis, d’Alembert Jean, Encyclopédie ou Didionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris, 1751t., I, p. 56. Dans la suite de l’article, les statuts et le fonctionnement de l’Académie royale de peinture et de sculpture sont expliqués. Sur l’enseignement, voir p. 57 : « L’Académie de Paris tient tous les jours après-midi pendant deux heures école publique, où les Peintres vont dessiner ou peindre, & les Sculpteurs modeler d’après un homme nud ; il y a douze Professeurs qui tiennent l’école chacun pendant un mois, & douze Adjoints pour les suppléer en cas de besoin ; le Professeur en exercice met l’homme nud, qu’on nomme modèle, dans la position qu’il juge convenable, & le pose en deux attitudes différentes par chaque semaine, c’est ce qu’on appelle poser le modèle ; dans l’une des semaines il pose deux modèles ensemble, c’est ce qu’on appelle poser le groupe : les desseins, peintures & modèles faits d’après cet homme, s’appellent Académies, ainsi que les copies faites d’après ces Académies. On ne se sert point dans les Ecoles publiques de femme pour modèle, comme plusieurs le croyent. On distribue tous les trois mois aux élèves trois prix de Dessein, & tous les ans deux prix de Peinture & deux de Sculpture ; ceux qui gagnent les prix de Peinture & de Sculpture sont envoyés à Rome aux dépens du Roi pour y étudier & s’y perfectionner. »
10 Montaiglon Anatole de, Procès-verbaux de l’Académie royale de peinture et de sculpture 1648-1793) Paris, 1875-1892, t. VIII, p. 97.
11 Locquin J., La Peinture d’histoire, op. cit., p. 78.
12 Félibien André, Conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture pendant l’année 1667, Paris, 1668. Pour une édition critique des conférences de l’Académie de 1648 à 1746, incluant nombre de textes inédits, voir Lichtenstein Jacqueline et Michel Christian (éd.), Conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture, Paris, Ecole nationale supérieure des beaux-arts, 4 tomes, 2007-2010.
13 Grunchec Philippe, Le Grand Prix de Peinture : les concours du Prix de Rome de 1797 à 1863, catalogue d’exposition, École nationale supérieure des beaux-arts, Paris, 1986.
14 Bonnet Alain, L’Enseignement des arts au xixe siècle. La réforme de l’École des beaux-arts de 1863 et la fin du modèle académique, Rennes, PUR, 2006.
15 Quatremère de Quincy Antoine, Considérations sur les arts du dessin en France, Paris, 1791.
16 Voir entre autres Dictionnaire de la conversation et de la lecture, inventaire raisonné des notions générales les plus indispensables à tous, par une société de savants et de gens de lettres, sous la direction de M. W. Duckett, 2de édition, Paris, 1860, t. II, p. 159-160. Pour une analyse détaillée, voir l’article d’Alain Bonnet dans ce volume.
17 Delécluze Étienne-Jean, David, son école et son temps, Paris, Macula, 1983 (1855).
18 Amaury-Duval, L’atelier d’Ingres, Paris, Arthena, 1993 (1878).
19 Voir entre autres Tripier Le Franc Justin, Histoire de la vie et de la mort du Baron Gros, le grand peintre, Paris, chez Jules Martin, 1880, p. 603.
20 Kugler Franz, « Kunstreise im Jahr 1845. Über die Anstalten und Einrichtungen zur Förderung der bildenden Künste und der Conservation der Kunstdenkmäler in Frankreich und Belgien », dans Kleine Schriften, t. III, Stuttgart, Ebner und Seubert, 1854, p. 430-459.
21 Ibid., p. 433-438.
22 Franz Kugler débute son rapport par une description positive de l’École spéciale de dessin qui dispenserait un enseignement méthodique et sérieux et permettrait ainsi aux artisans français de présenter une vraie qualité artistique (ibid., p. 431). La formation aux arts appliqués, qui fait l’objet de nombreuses réflexions outre-Rhin à cette époque, suscite donc un commentaire élogieux qui tranche avec celui très négatif réservé à l’École des beaux-arts dans lequel s’exprime aussi un jugement général sur les capacités françaises en matière d’art. Les Français seraient de bons techniciens, de bons artisans, mais pas de vrais artistes parce que leur nature serait pervertie par la brutalité des mœurs ou la superficialité de l’entendement de l’art (Kunstverständnis). Cet arrière-plan idéologique est partagé par certains artistes allemands qui viennent alors étudier à Paris, mais il se trouve souvent nuancé par l’expérience vécue dans les ateliers. On peut noter qu’un peu plus tôt des réflexions de fond ont été menées en Angleterre sur l’éducation artistique en vue notamment d’une amélioration des arts appliqués. Les débats publics qui portent au début sur la légitimité et le rôle de la Royal Academy en tant qu’école, conduisent finalement à la création d’une école de design en 1837 et, plus tard, au développement des projets des Arts and Crafts. Voir entre autres Bell Quentin, The Schools of Design, Londres, 1963.
23 Ibid., p. 438 : « ’Privat-Ateliers’ sind dieselben aber kaum zu nennen, da nach den mir gewordenen Mittheilungen jenes vertraute Verhältniss des Schülers zum Lehrer, das wir in Deutschland gewohnt sind, und das bei uns sogar mit Glück auf die Verhältnisse öffentlicher Anstalten übergetragen ist, in Paris nur in den seltensten Fällen vorkommen dürfte. Die Privat-Schule ist in der Regel in gar keiner Verbindung mit dem Atelier des Meisters, mehr oder weniger von dem letzteren entlegen, und wird von dem Meister in der Regel nur zweimal wôchentlich auf einige Stunden besucht. Das Studium in diesen Schulen ist insgemein, wie wir es nennen, akademischer Art, nach der Antike, nach dem lebenden Modell, u. s. w. Zum Theil, wie gegenwärtig z. B. in der Schule des Malers Cogniet, der zu den besten jetzt lebenden Malern in Paris gehôrt, wird der Eifer der Schüler auch hier durch Concurrenzen und ausgesetzte Preise rege erhalten. Es liegt in der Natur der Sache, dass die subjectiven Ansichten des Meisters über die Erfordernisse des künstlerischen Bildungsganges in diesen Anstalten von bedingendem Einflusse sein müssen ; so hatte z. B. Delaroche die Uebung im Componiren nach Möglichkeit gefôrdert, Ingres derselben aus Principien möglichst entgegengearbeitet. Dass in diesen Schulen jenes, so wünschenswerthe nahere Verhältniss des Schülers zum Lehrer gar nicht zu Stande kommt, mag wesentlich in der sittlichen Entartungder französischen Jugend liegen ; von der Rohheit und Gemeinheit der künstlerischen Jugend in Paris hat man mir ein trauriges Bild entworfen. »
24 Voir par exemple Delestre Jean-Baptiste, Gros, sa vie et ses ouvrages,2e édition, Paris, Jules Renouard, 1867, p. 305-314 ; Tripier Le Franc Justin, Histoire de la vie et de la mort du Baron Gros, le grand peintre, rédigée sur de nouveaux documents et d’après des souvenirs inédits, Paris, chez Jules Martin, 1880, p. 593-607.
25 La description des qualités morales des maîtres s’inscrit dans la tradition vasarienne de la biographie d’artiste. Elle se retrouve non seulement dans les monographies, mais aussi dans nombre d’ouvrages critiques de l’époque à l’instar de celui d’Helmina de Chézy, La Vie et les arts à Paris depuis Napoléon Ier. Essai d’une vue d’ensemble de la nouvelle école française, (1805-1807), cité dans Plumes et pinceaux. Discours de femmes sur l’art en Europe (1750-1850). Anthologie, éd. par Anne Lafont avec la collaboration de C. Foucher et A. Gorse, Paris, Presses du Réel, 2012, p. 185 : « [Vincent] n’est pas moins digne d’éloge et d’estime que ce dernier [David] car il fut pour beaucoup d’artistes à la fois maître, père et protecteur ».
26 Le projet de recherche ArtTransForm, Formations artistiques transnationales, dirigé par Bénédicte Savoy et France Nerlich, porte sur les trajectoires de jeunes peintres germaniques en France entre 1797 et 1871. Il s’inscrit dans le programme franco-allemand de recherche en sciences humaines financé par l’Agence nationale de la recherche et la Deutsche Forschungsgemeinschaft. Ce projet réunit de jeunes chercheurs français et allemands, dont certains ont proposé des contributions à ce volume.
27 La vie dans les ateliers a fait l’objet de nombreux romans. Si les descriptions sont souvent pittoresques et réalistes, elles véhiculent aussi les clichés qui s’attachent alors à la vie d’artiste, comme dans l’évocation de l’atelier d’Édouard Picot par André Beaunier dans Souvenirs d’un peintre, Paris, E. Fasquelle, 1906.
28 Philippe Grunchec, The Grand Prix de Rome : paintings from the École des Beaux-Arts, 1797-1863, Washington, D. C., International Exhibitions Foundation, 1984, p. 23 : « The term curriculum is used here in a very broad sense, for, apart from basic drawing instruction, drawing exercises, and always more drawing practice, there was no specifically delineated course of study to be followed and completed by the artists. In fact most of their painting instruction and practice was obtained in various private ateliers, often run by academicians and Beaux-Arts professors, which should not be confused with the ateliers that were finally established subsequent to the reforms of 1863. »
29 Boime Albert, The Academy and French Painting in the 19 th Century, Londres, Phaidon, 1971, voir en particulier les chapitres II et III, p. 22-78.
30 Ibid., p. 22 : « Few writers and artists of the period considered these practices deserving of posterity ; convinced of their banality, they took them for granted. […] we are as ignorant of nineteenth-century workshop practices as we are of those in the earlier periods. […] The historian is thus dependent on fragmented and indirect references to reconstruct the atelier practices of the last century. »
31 Voir entre autres Wine Humphrey, « Academy », dans Dictionary of Art, éd. par Jane Turner, Londres, New York, 1996, t. I, p. 106-107 ; Duro Paul, « France, § XV, 6 : Art Education : The Ecole des Beaux-Arts and teaching studios in the 19th century », dans ibid., t. XI, p. 671-672 ; Duro Paul, « Paris, § VI, 3. Académie des Beaux-Arts », dans op. cit., t. XXIV, p. 171-173.
32 Boime A., The Academy, op. cit., p. 58-65.
33 Quelques années après Boime, William Hauptman s’est intéressé au rôle de Charles Gleyre comme maître d’atelier : Hauptman William, « Delaroche’s and Gleyre’s teaching ateliers and their group portraits », Studies in the History of Art, vol. 18, 1985, p. 79-119 ; Hauptman William, Charles Gleyre, 1806-1874, t. I : Life and Works, Zurich-Princeton-Basel, Swiss Institute for Art Research-Princeton University Press-Wiese, 1996, p. 327-250. Hauptman se réfère lui aussi à Albert Boime quand il écrit (p. 328) : « In a very real sense, the private studios served as the backbone of the art educational system ; the Ecole then honed and refined the student’s skills to conform to specific standards, and artistic tastes », mais sa description de l’atelier de Gleyre montre un enseignement radicalement libéral qui attire des élèves très différents aux aspirations assez éloignées du modèle académique (p. 337338).
34 Boime Albert, Thomas Couture and the Ecledic Vision, New Haven-London, Yale University Press, 1980.
35 Couture Thomas, Méthode et entretiens d’atelier, Paris, 1867 ; Couture Thomas, Paysage : entretiens d’atelier, Paris, 1869.
36 La fin du xixe siècle a beaucoup plus retenu l’attention des chercheurs avec des études consacrées aux classes de peinture de l’Ecole des beaux-arts, aux classes libres comme l’académie Julian ou encore à la présence d’élèves étrangers à Paris.
37 Parmi les étrangers qui sont venus étudier à Paris, les artistes américains ont fait l’objet de recherches particulièrement nombreuses, surtout pour la seconde moitié du xixe siècle. Alors que la formation artistique était encore en cours de structuration outre-Atlantique, nombre de jeunes Américains sont venus étudier en Europe et en particulier à Paris. Cette étape joue donc un rôle essentiel pour l’histoire de l’art américain. Voir entre autres Landgren Marchai E., American Pupils of Thomas Couture, catalogue d’exposition, University of Maryland Art Gallery, 1970 ; Weinberg H. Barbara, « Nineteenth-Century American Painters at the Ecole des Beaux-Arts », American Art Journal, vol. 13, no 4, automne 1981, p. 66-84 ; Weinberg H. B., The American pupils of Jean-Léon Gérôme, Fort Worth, Amon Carter Museum, 1984 ; Weinberg H. B., The Lure of Paris : Nineteenth-Century American Painters and Their French Teachers, New York, Abbeville Press Publishers, 1991 ; Adler Kathleen, Hirshler Erica et Weinberg H. Barbara (éd.), Americans in Paris 1860-1900, catalogue d’exposition, Londres, National Gallery, 2006 ; Peck James F. (éd.), In the Studios of Paris. William Bouguereau & his American Students, catalogue d’exposition, New Haven, Yale University Press, 2006. Pour le cas des peintres suisses, voir Langer Laurent, « Formations et carrières des artistes suisses entre Paris et l’Allemagne 1793-1830 », dans Dialog und Differenzen : 1789-1870, éd. par I. Jansen et F. Kitschen, Berlin, Deutscher Kunstverlag, 2010, p. 31-42 ; Von Fellenberg Valentine, Langer Laurent, « La formation des articles suisses à l’Ecole des beaux-arts de Paris de 1793 à 1863 : enjeux et méthodes », dans Les artides étrangers à Paris : de la fin du Moyen Âge aux années 1920, éd. par M.-C. Chaudonneret, Berne, Lang, 2007, p. 177-192. Pour le cas des peintres allemands, voir Becker Wolfgang, Paris und die deutsche Malerei 1750-1840, (Studien zur Kunst des 19. Jahrhunderts, vol. 10), Munich, Prestel-Verlag, 1971 ; Savoy Bénédicte, « Les peintres berlinois à Paris 1800-1820 », dans Chaudonneret M.-C., op. cit., p. 157-175 ; Nerlich F. et Savoy B. (éd.), Pariser Lehrjahre, op. cit.
38 Bate Walter Jackson, The Burden of the Pad and the English Poet, Cambridge, Belknap Press, 1970 ; Bloom Harold, The Anxiety of Influence. A Theory of Poetry, 2e édition, New York, Oxford, Oxford University Press, 1997 (1973).
39 Crow Thomas, Emulation : David, Drouais and Girodet in the Art of Revolutionary France, New Haven, Yale University Press, 1995 (L’Atelier de David. Émulation et Révolution, Paris, Gallimard, 1997).
40 Jacques-Louis David, dans Mercure de France, 7 juin 1788, p. 40, cité par Crow, Emulation, op. cit., p. 1 : « Drouais m’échauffait, ses progrès augmentaient mon amour pour la Peinture. Il est mort ; c’en est fait, j’ai perdu mon émulation. »
41 Sur les représentations de la masculinité et de l’homosocialité autour de 1800, voir Potts Alex, Flesh and the Ideal, Winckelmann and the Origins of Art History, New Haven and London, Yale University Press, 1994 ; Solomon-Godeau Abigail, Male Trouble. A Crisis in Representation, Londres, Thames and Hudson, 1997. À la suite de ces travaux, Susan Waller a approfondi la question de la construction de la masculinité au sein des ateliers : Waller Susan, « Académie and Fraternité : Constructing Masculinities in the Education of French Artists », dans Artidic Brotherhoods in the Nineteenth Century, éd. par L. Morowitz, W. Vaughan, Aldershot, Ashgate, 2000, p. 137-154.
42 Crow T., Emulation, op. cit., p. 2,281 ss.
43 Le cas de l’atelier de Jacques-Louis David, véritable laboratoire d’expérimentation pédagogique sur plus d’une trentaine d’années, a sans doute le plus retenu l’attention des chercheurs. Il n’est donc guère étonnant que les thèses dirigées par Antoine Schnapper et Philippe Bordes, spécialistes du peintre français, eux-mêmes auteurs d’études sur la question, aient accordé une place particulière à la question de la transmission artistique dans le premier quart du xixe siècle.
44 Sells Christopher, Jean-Baptiste Regnault (1754-1829) : (Biography and Catalogue Raisonne’, thèse de doctorat, University of London, Courtauld Institute of Art, 1981.
45 Korchane Mehdi, Pierre-Narcisse Guérin (1774-1833) et l’art français de la Révolution à la monarchie de Juillet, thèse de doétorat, sous la direction de Philippe Bordes, Lyon II, 2005. Dans sa thèse, l’auteur revient sur certains résultats publiés peu avant sur cette question de l’enseignement : Korchane Mehdi, « L’enseignement artistique autour de 1820 : Guérin, Géricault, même combat », La Méduse, 1999, no 8, décembre, non paginé ; idem, « Guérin et ses élèves : paternité et filiation paradoxales ? », dans Paris 1820 : l’affirmation de la génération romantique, actes de la journée d’étude organisée par le Centre André Chastel, 24 mai 2004, éd. par S. Allard, Peter Lang, Berne-Berlin-Bruxelles, 2005, p. 85-99. De manière très éclairante, l’auteur indique que la découverte de nouvelles archives a profondément modifié son interprétation de l’atelier privé de Guérin.
46 Lafont Anne, Une jeunesse artistique sous la Révolution : Girodet avant 1800, thèse de doctorat, sous la direction d’Antoine Schnapper, Paris IV Sorbonne, 2001.
47 Voir entre autres Les Élèves d’Ingres, catalogue d’exposition, Montauban, musée Ingres, 1999 ; Ingres et ses élèves, aétes du colloque international, Montauban 8-10 octobre 1999, Montauban, Société des amis du musée Ingres, 2000.
48 Allard Sébastien, Chaudonneret Marie-Claude, Ingres – La réforme des principes : 1806-1834, Lyon, Fage éditions, 2006.
49 Allard Sébastien, Chaudonneret Marie-Claude, Le Suicide de Gros. Les peintres de l’Empire et la génération romantique, Montreuil, Gourcuff Gradenigo, 2010.
50 La question des ateliers privés n’est que très brièvement mentionnée dans l’ouvrage de White Harrison C., White Cynthia A., Canvases and Careers : Institutional Change in the French Painting World, New York, 1965. Ils sont évoqués à travers leurs représentations dans le catalogue de l’exposition-dossier du Louvre Technique de la peinture. L’Atelier, éd. par Jeannine Baticle et Pierre Georgel en 1976. D’autres ouvrages généraux sur la vie artistique au xixe siècle, plutôt destinés au grand public, livrent des synthèses, généralement succinétes et plutôt anecdotiques, sur les ateliers privés. Voir entre autres Lethève Jacques, La vie quotidienne des artistes français au xixe siècle, Paris, Hachette, 1968 ; Gaussen Frédéric, Les refuges de la création, Paris, xviie-xxe siècles, le peintre et son atelier, Paris, Parigramme, 2006 ; Martin-Fugier Anne, La Vie d’artiste au xixe siècle, Paris, Louis Audibert, 2007.
51 Bonnet Alain, L’Enseignement des arts au xixe siècle. La réforme de l’École des beaux-arts de 1863 et la fin du modèle académique, Rennes, PUR, 2006.
52 Ibid., p. 123-141. Alain Bonnet a par la suite dirigé des ouvrages collectifs sur l’enseignement artistique en France, comme le catalogue de l’exposition Devenir peintre au xixe siècle : Baudry, Bouguereau, Lenepveu, éd. avec Hélène Jagot, Lyon, Fage, 2007, et Bonnet Alain, Pire Jean-Miguel, Poulot Dominique (éd.), L’Éducation artistique en France : du modèle académique et scolaire aux pratiques actuelles, xviiie-xxie siècles, Rennes, PUR, 2010. Son ouvrage sur les portraits d’artistes en groupe rejoint également par certains points la question des ateliers privés puisqu’il y analyse les portraits collectifs d’élèves : Artistes en groupe – La représentation de la communauté des artistes dans la peinture du xixe siècle, Rennes, PUR, 2007, voir en particulier p. 66-68.
53 Sofio Séverine, « L’art ne s’apprend pas aux dépens des mœurs ! ». Construction du champ de l’art, genre et professionnalisation des artistes (1789-1848), thèse de doétorat, Ecole des hautes études en sciences sociales, 2009, p. 391-419.
54 Bonnet A., L’Enseignement des arts, op. cit., p. 49-50.
55 Sofio S., « L’art ne s’apprend pas aux dépens des mœurs ! », art. cit., p. 390.
56 Boime A., The Academy, op. cit., p. 51-52.
57 Les règles concernant les étrangers participant aux concours ont connu des fluctuations avec le temps. En 1800, le sculpteur Christian Friedrich Tieck est classé deuxième au Prix de Rome de sculpture et l’année suivante, le peintre Christian Gottlieb Schick talonne Ingres au Prix de Rome de peinture. Si les artistes étrangers sont alors autorisés à participer au concours, ils ne peuvent pas prétendre au prix lui-même, c’est-à-dire à la pension allouée par l’État pour les études à Rome. Dans l’ensemble, si les étudiants étrangers participèrent régulièrement aux divers concours d’émulation, ils ne furent pas très nombreux à suivre l’exemple de Tieck et de Schick qui se soumirent plusieurs fois aux épreuves du Prix de Rome.
58 Les raisons qui poussent les artistes étrangers à s’inscrire dans les ateliers privés sont nombreuses et dépendent beaucoup des circonstances de leur séjour. Plus jeunes, ils sont souvent envoyés par leurs professeurs dans des ateliers recommandés par ces derniers ou par des intermédiaires ; plus avancés, ils choisissent le maître en fonction de leurs convictions, projets ou réseaux. Voir Nerlich F. et Savoy B. (éd.), Pariser Lehrjahre, op. cit.
59 Boime A., The Academy, op. cit., p. 51-51 : « The long French tradition of the artist-master was still firmly entrenched during the 19th century, and every second established artist seems to have been a practicing teacher. In a random sampling drawn from Gabet’s Didionnaire des artistes de l’école française, published in 1831, of 233 artists, 103 provided public or private art instruction. »
60 Le projet mené avec les étudiants de Master d’histoire de l’art de l’université François-Rabelais de Tours a permis d’établir un répertoire préliminaire des maîtres d’ateliers à Paris au xixe siècle à partir d’un dépouillement systématique des dictionnaires biographiques d’artistes du xixe siècle comme ceux de Gabet Charles, Dictionnaire des artistes de l’école française au xixe siècle, Paris, Vergne, 1831 ; Bellier de la Chavignerie Émile, Auvray Louis, Didionnaire général des artistes de l’École française depuis l’origine des arts du dessin jusqu’à nos jours, deux volumes et supplément, Paris, Librairie Renouard, 1882-1885. La première moisson de données a fait apparaître plus de 150 noms de maîtres d’atelier. De son côté, Séverine Sofio a repris le comptage proposé par Boime pour constater l’inflation du nombre d’enseignants dans la première moitié du xixe siècle. Sofio, « L’art ne s’apprend pas aux dépens des mœurs ! », art. cit., p. 391, note 339 : « Sur les 133 artistes recensés par Charles Gabet, dans son Dictionnaire des artistes (1831), 103 sont explicitement mentionnés comme enseignant-e-s. Si l’on ôte du total les artistes morts ou trop âgés pour continuer leur activité professionnelle au moment de la publication du dictionnaire, ce sont quasiment les deux tiers des artistes du Didionnaire qui offrent leurs services comme professeurs ».
61 Ce terme désigne l’élève de confiance qui s’occupe de la gestion de l’atelier en l’absence du maître. Il collecte entre autres la masse, c’est-à-dire l’argent payé par les apprentis.
62 Charpy Manuel, « Les ateliers d’artistes et leurs voisinages. Espaces et scènes urbaines des modes bourgeoises à Paris entre 1830-1914 », Revue d’histoire urbaine, no 26, octobre 2009, p. 43-68.
63 On peut cependant noter qu’ils ont trouvé leur entrée dans des dictionnaires biographiques d’artistes ce qui implique une reconnaissance, certes minimale, de leur activité à un moment donné.
64 Une étude sur la situation dans d’autres villes françaises serait aussi nécessaire pour comprendre le système de relais entre la capitale et la province. Nombre d’artistes connurent une première formation en dehors de Paris, beaucoup retournèrent en province pour s’y établir comme maîtres indépendants ou pour enseigner dans les écoles de dessin. Il y a donc tout un processus qu’il faudrait examiner plus précisément, afin de ne pas occulter les réseaux qui s’étendent à travers toute la France – comme le rappelle entre autres le tableau de Jean-François Gilibert, Ingres visitant la nouvelle école de dessin de Montauban sous la conduite de son ami Gilibert en 1826, 1826. L’importance prise par certaines écoles, à l’instar de celle de Lyon, mériterait d’être considérée dans cette analyse.
65 Bonnet A, L’Enseignement des arts, op. cit., p. 49-50.
66 Sofio S., « L’art ne s’apprend pas aux dépens des mœurs ! », op. cit., p. 387-390.
67 L’analyse de Pierre Bourdieu sur la ressemblance entre le fonctionnement de la formation artistique académique et la préparation aux concours des grandes écoles est étayée, mais aussi fortement nuancée par Séverine Sofio dans ibid., p. 377-380. Voir Bourdieu Pierre, « L’institutionnalisation de l’anomie », Cahiers du musée national d’Art moderne, no 19-20,1987, p. 6-19.
68 Thuillier Jacques, « L’artiste et l’institution : l’École des Beaux-Arts et le Prix de Rome », dans Philippe Grunchec, Le Grand Prix de Peinture. Les concours des Prix de Rome de 1797 à 1863, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, 1983, p. 74-75.
69 Aucun règlement n’interdit véritablement l’accès des femmes à l’École des beaux-arts comme le rappelle Séverine Sofio, mais il est convenu qu’elles n’y entrent pas. Les premières élèves entrent à l’École des beaux-arts à partir des années 1880. Voir Sauer Marina, L’Entrée des femmes à l’École des beaux-arts, 1880-1923, Paris, Ensba, 1990.
70 Séverine Sofio parle même d’une « parenthèse enchantée » qui aurait permis aux femmes de jouir d’une égalité presque totale dans le domaine des arts entre 1777 et la fin des années 1840. Voir Sofio Séverine, La Parenthèse enchantée. Genre et production des beaux-arts en France (1730-1830), Paris, CNRS éditions, 2013.
71 Voir entre autres Oppenheimer Margaret, Women Artists in Paris, 1789-1814, thèse de doctorat, New York, New York University, 1996.
72 Lajoix Anne, Marie-Victoire Jacquotot (1772-1855), Peintre sur porcelaine, Paris, Société de l’histoire de l’art français, coll. « Archives de l’Art français », 2006, t. XXXVIII, nouvelle période ; Lambertson John P., « Lizinka de Mirbel and French Romanticism », Woman’s Art Journal, vol. 18, no 2, Autumn, 1997 – Winter, 1998, p. 17-21.
73 Vollard Ambroise, Auguste Renoir, Paris, 1920, p. 26 : « L’École des Beaux-Arts était loin d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Il n’y avait que deux cours : l’un de dessin, le soir, de huit heures à dix heures, et un autre, d’anatomie, pour lequel l’École de Médecine, sa voisine, prêtait obligeamment un cadavre. J’allais quelquefois à ces deux cours, mais c’était chez Gleyre que j’apprenais le métier de peintre. » Voir aussi Hauptman W., Gleyre, op. cit., p. 344-345.
74 Ex negativo, cette idée renvoie à la crainte de la perte de l’art comme langue universelle d’une part, et de l’art comme expression d’une identité nationale d’autre part. La métaphore de la babélisation se retrouve entre autres chez Gros. Tripier Le Franc J., Gros, op. cit., p. 604 : « Gros cause, un jour, avec nous, des tableaux modernes : Maintenant, dit-il, en peinture nous ne parlons plus français : c’est la tour de Babel ; chacun a son patois. »
75 Boime A., The Academy, op. cit., p. 67.
76 Il est assez significatif que Couture donne au document qui annonce l’ouverture de son atelier l’apparence d’une enluminure. Les lettrines et le style même du texte font allusion à un passé idéalisé avec lequel le peintre veut renouer. Cette nostalgie se retrouve au même moment chez les Préraphaélites anglais. Elle est caractéristique d’une démarche romantique – dans le sens philosophique et non stylistique du terme – visant à faire revivre les structures sociales et morales d’un passé jugé préférable au présent. Les peintres nazaréens ont ainsi dès 1809 fondé une confrérie sur le modèle des guildes médiévales pour manifester leur rejet du système académique. Sur l’atelier de Couture, voir l’article de Margot Renard dans ce volume.
77 Couture T., Méthode, op. cit.
78 Amaury-Duval, Atelier d’Ingres, op. cit., p. 94 « “N’allez donc pas à l’École, s’écria M. Ingres, car je vous le dis, je le sais, c’est un endroit de perdition. Quand on ne peut pas faire autrement, il faut bien en passer par là ; mais on ne devrait y aller qu’en se bouchant les oreilles (et il en faisait le geste), et sans regarder à gauche et à droite”. Là-dessus, il me déroula toutes les inepties de cette éducation confiée à quatre ou cinq peintres, qui chaque mois venaient dire aux élèves exactement le contraire de ce qu’avait dit le professeur qui les avait précédés. Et puis le chic… la manière… tout, excepté la naïveté et la beauté… De l’adresse, pas autre chose… Il s’animait en parlant, et fut d’une violence extrême. »
79 Ibid., p. 98-99 : « L’État n’a rien à voir dans ces questions-là [d’enseignement artistique]. S’il a la prétention de conserver les bonnes traditions, il se rend ridicule, parce qu’il n’y a pas de traditions ; il y a des hommes de génie qui imposent au public leur façon de voir et de sentir. David renverse les traditions de ses prédécesseurs ; M. Ingres renverse celles de David. Et puis, quelles sont les traditions qu’on enseigne en ce moment à l’École ? Quel dessin ? Est-ce celui de Michel-Ange, qui ne ressemble pas au dessin de Raphaël ? ou bien le dessin de David, qui n’a aucun rapport avec celui de M. Ingres ? Quelle couleur ? Est-ce celle de Paul Véronèse, du Titien, ou bien celle de Rubens ? On n’apprend pas plus à être un grand dessinateur ou un grand coloriste qu’à être un grand poète. […] Jamais il n’a existé d’école des beaux-arts chez un peuple. »
80 Ibid.
81 Delacroix Eugène, Journal, t. III : 1855-1863, Paris, Librairie Plon, 1895, p. 220-221 : « Copies, copier. Ç’a a été l’éducation de presque tous les grands maîtres. On apprenait d’abord la manière de son maître, comme un apprenti s’instruit de la manière de faire un couteau sans chercher à montrer son originalité. On copiait ensuite tout ce qui tombait sous la main d’œuvres d’artistes contemporains ou antérieurs. La peinture a commencé par être un simple métier. On était imagier comme on était vitrier ou menuisier. Les peintres peignaient les boucliers, les selles, les bannières. Ces peintres primitifs étaient plus ouvriers que nous : ils apprenaient supérieurement le métier avant de penser à se donner carrière. C’est le contraire aujourd’hui. »
82 Cette nostalgie n’est pas uniquement française. Elle apparaît notamment sous la plume d’artistes et de savants allemands et anglais. Voir entre autres les débats soulevés autour de la Royal Academy de Londres en 1836. Interrogé en tant qu’expert lors de l’enquête publique sur cette institution, le directeur des musées de Berlin, Gustav Friedrich Waagen, se prononce contre les académies qui ne sont pour lui qu’un pauvre substitut aux ateliers médiévaux et aux anciennes corporations (Report from the Select Committee on Arts and their connexion with Manufadurer, 1836, p. 95, cité dans Bell Quentin, « Haydon versus Shee », Journal of the Warburg and Courtauld Institute, XXII, 1959, p. 351-352). La revalorisation de l’idée d’artisanat, et donc d’un mode de transmission plus direct et pragmatique, est dans ce contexte très forte. Voir entre autres William Dyce and Charles Wilson, Letter to Lord Meadowbank and the Committee of the Hon. Board of Trustees for the Encouragement of Arts and Manufadures, Edinburgh, 1837. Quelques années plus tôt, le peintre Benjamin Robert Haydon avait, en nette opposition avec l’Académie, fondé une école d’art (1815-1823) inspirée par ses lectures de Vasari.
83 Amaury-Duval, Atelier d’Ingres, op. cit., p. 98.
84 Vollard, Renoir, op. cit., p. 45-47 : « Dans l’art, comme dans la nature, ce que nous sommes tentés de prendre pour des nouveautés n’est, au fond, qu’une continuation plus ou moins modifiée. Mais tout cela n’empêche pas que la Révolution de 1789 ait eu pour effet de commencer à détruire toutes les traditions. La disparition des traditions en peinture, comme dans les autres arts, ne s’est opérée que lentement, par degrés insensibles, et les maîtres, en apparence les plus révolutionnaires de la première moitié du xixe siècle, Géricault, Ingres, Delacroix, Daumier, étaient encore imprégnés des traditions anciennes. Courbet lui-même, avec son dessin lourdaud… Tandis que, avec Manet et notre école, c’était l’avènement d’une génération de peintres à un moment où l’œuvre destructrice commencée en 1789 se trouvait achevée. Certes, quelques-uns de ces nouveaux venus auraient bien voulu renouer la chaîne d’une tradition dont ils sentaient, inconsciemment, les immenses bienfaits ; mais, pour cela, fallait-il, avant tout, apprendre le métier de peintre, et, quand on est livré à ses propres forces, on doit nécessairement partir du simple, pour arriver au compliqué, comme, pour lire un livre, il faut commencer par apprendre les lettres de l’alphabet. »
85 Voir entre autres Castagnary Jules-Antoine, « Courbet, son atelier, ses théories », Les Libres propos, Paris-Bruxelles-Leipzig-Livourne, A. Lacroix, Verboeckhoven & Cie, 1864, p. 186-187.
86 Hauptman W., Gleyre, op. cit., p. 336-337.
87 Ibid., p. 332.
88 Waller, Susan S., The Invention of the Model. Artists and Models in Paris, 1830-1870, Aldershot, Ashgate, 2006.
89 Ibid., p. 4-5.
90 Berlin, Preufiische Akademie der Künste, 15Z, f° Z35, August Theodor Kaselowsky an die Berliner Akademie, 1. Oktober 1837 : « ich kam mir vor, wie ein Mensch, der in seinem ganzen Leben noch keinen einzigen Versuch in der Kunst gemacht hatte. Was ich mir an technischer Fertigkeit angeeignet hatte, das schien mir wie etwas in der Schule erlerntes, während die hiesigen Künstler, füßend auf eine gründliche Vorbildung, die aus einem ununterbrochenen Studium des Nackten hervorging, rasch und sicher dasjenige vollführen, was die Phantasie erschafft. Dies ist es, was mich so niederschlug, indem ich hierdurch erst auf meine Schwachen aufmerksam gemacht wurde. Ich erkannte, wie sehr ich ernster Vorstudien bedürfe, um jene Sicherheit zu erlangen, mit welcher die hiesigen Künstler ihre Ideen ausführen. » Voir Falckenberg Jennifer, « August Theodor Kaselowsky », dans Nerlich F. et Savoy B. (éd.), Pariser Lehrjahre, op. cit., p. 136-139.
91 Alphons von Klinkowström, Friedrich August von Klinkowström und seine Nachkommen, Wien 1877, p. 94 : « Man verstattet es einem nicht, seiner Phantasie zu folgen, noch dem Begriff und der Wissenschaft, um etwas, das man sieht, schön oder verständig nachzuzeichnen. Sie haben weiter nichts, als das Auffassen des Vorbildes, und bestehen auf charakterloses Nachahmen. » Klinkowström étudie chez David entre 1808 et 1810. Voir Struckmeyer Nina, « Friedrich August von KlinkowStrôm », dans Nerlich F. et Savoy B. (éd.), Pariser Lehrjahre, op. cit., p. 143-146.
92 Berlin, Preufiische Akademie der Künste, PrAdK 132, Michael Beer’sche Stiftung 1835, f° 22-25, premier rapport de Moser, Paris, zo décembre 1837 : « Dabei herrschte durchaus nicht der Zwang einer & derselben Kolorierung, […], sondern jeder macht seine eigenen Erfahrungen u[nd] aus seiner individuellen Anschauung giebt er die Natur wider, so daß von einem Modelle jedes Mal eine mannigfaltige Auffassungsweise erscheint. » Voir Falckenberg Jennifer, « Julius Moser », dans Nerlich F. et Savoy B. (éd.), Pariser Lehrjahre, op. cit., p. 204-206.
93 Sans doute avait-il en tête l’exemple de l’académie de Düsseldorf, dirigée comme un phalanstère par Wilhelm Schadow, les ateliers à la fois publics et privés y servant, bien au-delà du temps de la formation, de lieu de travail, de vie, de sociabilité dans un esprit d’humble Gemüthlichkeit. Quelques années plus tard, alors que les œuvres de l’école de Düsseldorf étaient critiquées pour leur uniformité, l’historien d’art Anton Springer fustigea cette vie en vase clos et la « déclaration de permanence de la dépendance » (« Permanenzerklärung der Unselbständigkeit ») des master-class inventées par Schadow. Springer Anton, Geschichte der bildenden Kunst im neunzehnten Jahrhundert, Leipzig, Brockhaus, 1858, p. 88.
94 Voir entre autres Larue Anne, « Delacroix et ses élèves d’après un manuscrit inédit », Romantisme, vol. 26, no 93 1996), (p. 7-20.
95 Tripier Le Franc J., Gros, op. cit., p. 603.
96 Cette position est certes précédée par les nombreuses réflexions sur la prédisposition des artistes, également discutée au sein de l’Académie comme en témoigne entre autres la conférence de Jean-Baptiste Massé du 4 avril 1750, « Examen qu’il faut faire pour connaître ses dispositions », mais elle s’articule alors avant tout en lien avec la hiérarchie des genres. Elle prend un sens nouveau dans le contexte des ateliers privés. Je remercie Anne Perrin-Khelissa de m’avoir indiqué la conférence de Jean-Baptiste Massé qui sera reproduite dans Lichtenstein Jacqueline et Michel Christian, Conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture, Paris, École nationale supérieure des beaux-arts, t. V, à paraître.
97 C’est encore ce que l’on retrouve dans les descriptions de l’enseignement de William Bouguereau, voir Bartoli Damien, « William Bouguereau The Teacher », dans Peck J. F. (éd.), In the Studios of Paris, op. cit., p. 47-56.
98 Couture T., Méthode, op. cit., p. 106 : « Lorsque je revis mon maître [Gros], il me dit : “Mon cher enfant, laissez-vous aller à votre sentiment, j’ai remarqué que c’était votre meilleur guide, et que je vous troublais par mes conseils”. Ces paroles sensées qui auraient dû me rassurer m’épouvantèrent, je crus que le Patron désespérait de moi et ne voulait plus me diriger. »
99 Tripier Le Franc J., Gros, op. cit., p. 605 : « N’adorez jamais aucun maître ; admirez-les ; profitez de leurs exemples, de la vue de leurs ouvrages : mais restez toujours vous. » Amaury-Duval, Atelier d’Ingres, op. cit., p. 80 : « Les copies du reste étaient peu de son goût. “Faites de simples croquis d’après les maîtres, nous disait-il ; c’est un moyen de les regarder avec soin, de les bien étudier. Mais à quoi bon perdre son temps à reproduire un tableau, ce qui peut se faire avec de la patience. Pendant que vous cherchez le procédé, vous perdez de vue l’important, ce qui constitue en un mot le chef-d’œuvre.” ». Hauptman W., Gleyre, op. cif., p. 337 : « One of Gleyre’s most distinctive qualifies as a teacher was his refusai to impose blindly any specific system on his students once they had developed their base in drawing. […] Hamon went further in noting that throughout the teaching process, Gleyre instilled a true horror of imitation ; great art, he taught, was a resuit of experience and imagination, not stylistic mimicry. »
100 Voir Gotlieb Marc, « The Pedagogy of Emancipation : Teachers and Students in Nineteenth-Century France », Memory & Oblivion : Proceedings of the XXXIXth International Congress of the History of Art, éd. par W. Reinink, Dordrecht, Kluwer Academic Publishers, 1999, p. 847-853.
101 Pour un peintre comme le nazaréen allemand Johann Friedrich Overbeck, la relation aux maîtres anciens est avant tout spirituelle : il rejette la copie factuelle et incite à une identification morale avec le modèle. Voir Pietsch Ulrich, « Italien als Vorbild. Johann Friedrich Overbeck und Raffael », dans Johann Friedrich Overbeck, 1789-1869, éd. par A. Blühm, G. Gerkens, catalogue d’exposition, Lübeck, Behnhaus, 1989, p. 51-52. Pour une réflexion plus théorique sur la question de l’émulation chez les peintres nazaréens, voir Grewe Cordula, « Repenser l’émulation : entre réenchantement et modernité, le projet nazaréen », Histoire de l’art, no 64,2009, p. 27-36.
102 Flick Gert-Rudolf, Masters & Pupils : The Artistic Succession from Perugino to Manet (1480-1880), Londres, Hogarth Arts, 2008.
103 Eduard Magnus, Berichte über die allgemeine Ausstellung zu Paris im Jahre 1867, no 1, p. 5 : « Hier in diesem lebendigen Treiben findet jede Leistung alsbald auch Ermuthigung. Hier hat der jüngere Künstler am besten Gelegenheit, sich zu versuchen, seiner eigentlichen und individuelleren Kunstbestimmung sich bewußt, und klar über sich selbst und über dasjenige zu werden, was er als Vorbild fur seine Ausbildung nachher aufzusuchen und zu benutzen bedacht sein muß. » Voir Blankenstein David, « Eduard Magnus », dans Nerlich F. et Savoy B. (éd.), Pariser Lehrjahre, op. cit., p. 188-190.
104 Sur ces portraits, voir entre autres Hauptmann W., Gleyre, op. cit., p. 340-345 ; Bonnet A., Artistes en groupe, op. cit., p. 67-68.
105 Allard Sébastien, « Paris 1820. Du “chef d’école” au grand artiste, l’art à l’épreuve de la modernité », dans S. Allard (éd.), Paris 1820, op. cit., 2005, p. 1-28, en particulier p. 15-16.
106 Ackerman Gerald M., The Life and Work of Jean-Léon Gérôme, Londres, Sotheby’s, 1986.
107 Le succès croissant de l’académie Julian, qui, inaugurée en 1868, s’organise comme une sorte de fédération d’ateliers privés, consacre la fusion entre le système organisé d’une école collective et le fonctionnement individuel de l’atelier privé.
108 Garb Tamar, « The Forbidden Gaze : Women Artists and the Male Nude in Late Nineteenth Century France », dans The Body Imaged : The Human Form and Visual Culture since the Renaissance, éd. par K. Adler et M. Pointon, Cambridge, Cambridge University Press, 1993 ; Garb T., Sisters of the Brush : Women s Artistic Culture in Late Nineteenth-Century Paris, New Haven, Yale University Press, 1994 ; Dawkins Heather, The Nude in French Art and Culture, 1870-1910, Cambridge, Cambridge University Press, 2002, p. 115-133.
109 C’était l’un des arguments centraux de l’histoire de l’art féministe pour expliquer l’absence de peintres d’histoire femmes. Voir en particulier Nochlin Linda, « Why Have There Been No Great Women Artists ? » dans ART news, janvier 1971, p. 22-39 et p. 67-71 (« Pourquoi n’y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? » dans Nochlin Linda, Femmes, art et pouvoir, Paris, Jacqueline Chambon, 1993, p. 201-245). Voir aussi le texte de Séverine Sofio dans ce volume.
110 Voir entre autres l’attitude de Gleyre demandant à un modèle masculin de se rhabiller en raison de la présence de ses élèves féminines – dont l’une, Anglaise, lui objecte qu’elle a un amant français et que la vue d’un homme nu ne peut donc la choquer. Hauptman W., Gleyre, op. cit., p. 333 ; Renoir Jean, Renoir, Paris, 1962, p. 102.
111 Les femmes faisaient subir elles aussi des bizutages féroces aux modèles féminins. Voir entre autres Elisabeth Finley Thomas, Ladies, Lovers and Other People, New York, 1935, p. 88-89. Cité par Waller S., The Invention, op. cit., p. 46.
112 Waller S., op. cit.
113 Nerlich France, « Latinité vs. Germanité : un fantasme identitaire de l’histoire de l’art allemande », Lendemains. Zeitschrift für Frankreichforschung, no 133-1, mars 2009, p. 162-176 ; « David, peintre révolutionnaire. Le regard allemand », Annales historiques de la Révolution Française, no 340, avril-juin 2005, p. 23-47.
114 Johann David Passavant à H. A. Cornill, 11 novembre 1815, cité dans H. Bauereisen (éd.), Von Kunst und Kennerschaft : die Graphische Sammlung im Stadelschen Kunstinstitut unter Johann David Passavant 1840 bis 1861, catalogue d’exposition, Städelsches Kunstinstitut und Städtische Galerie, Francfort-Main, 1994, p. 17 : « Zuerst will ich nach Paris, wo nach meiner Einsicht jetzt diejenigen Künstler sind, welche in dem Materiellen Theil der Kunst am geschicktesten sind […]. Wenn ich in den nöthigen Kenntnissen des Materiellen in der Kunst einigermaßen ausgerüstet bin, gedenke ich nach Rom zu gehen, dort mit einem Freunde in der Einsamkeit zu leben, um das gesammelte zu ordnen und in Anwendung zu bringen. » Voir Struckmeyer Nina, « Johann David Passavant » dans Nerlich F. et Savoy B. (éd.), Pariser Lehrjahre, op. cit., p. 222-225.
115 Voir entre autres Büttner Frank, « Overbecks Ansichten von der Ausbildung zum Künstler », dans Johann Friedrich Overbeck, 1789-1869, éd. par A Blühm, G. Gerkens, catalogue d’exposition, Lübeck, Behnhaus, 1989, p. 20-33 ; Vignau-Wilberg Peter, « Rom 1820. Johann David Passavants Vorschläge zur Reform der Kunstakademie », Rondo (Veroffentlichungen des Zentralinstituts für Kunilgeschichte in München, 25), 2010, p. 179-182 ; Mai Ekkehard, Die deutschen Kunstakademien im 19. Jahrhundert. Künstlerausbildung zwischen Tradition und Avantgarde,, Cologne-Weimar-Vienne, Böhlau Verlag, 2010 ; Mai Ekkehard, « Schadows Erfolgsmodell. Die Düsseldorfer Kunstakademie im Vergleich », dans B. Baumgartel, Die Düsseldorfer Malerschule und ihre internationale Ausstrahlung, t. I, Düsseldorf, Museum Kunst Palast, 2011, p. 50-61.
116 Springer A., Geschichte, op. cit., p. 7-9.