1 Alban Gautier (Université du Littoral Côte d’Opale), Martin Aurell (Université de Poitiers), Catalina Girbea (Université de Bucarest), Xavier Hélary (Université de Lyon 3), Véronique Montembault (UA Saint-Denis), Laurence Moulinier (Université de Lyon III), Bruno Laurioux (Université de Tours) et Frédéric Raynaud (inrap) ont porté à notre connaissance des textes qui nous avaient échappé ou ont éclairé leur compréhension. Qu’ils trouvent ici l’expression de notre gratitude.
2 Faute de place, il n’a pas été possible d’insérer ici toutes les justifications nécessaires sur ce sujet controversé. On se reportera, pour le haut Moyen Âge, à Dierkens 2016 et Dierkens et Gautier 2017.
3 Sur la genèse et les raisons de ces interdits, voir surtout Soler 1973.
4 Nicolas Ier, Lettre 99, ch. 43, éd. Perels 1925, p. 583-584 : Quae animalia seu volatilia liceat manducare, quantum existimo> Dominus evidenter odendit, cum post Diluvium cuncta Noe tribuit et filiis eius edenda (suit un long passage exégétique sur cet extrait de Gen. 9, 2). Itaque omne animal, cuius cibus minime corpori nocivus esse probatur et societas hoc in cibum admittit Humana, comedi non prohibetur [...]). Porro eorum opinionem, qui quippiam in cibis immundum esseperhibent, per se Dominus destruit, dicens [... ].
5 Voisenet 1999 ; 2001, p. 147-148.
6 Bonnassie 2001, p. 149 ; Laurioux, à paraître.
7 De façon générale, Bonnassie 2001, p. 147 ; Flandrin 2008.
8 Par exemple Semmler 1958.
9 Montanari 1985, p. 629, n. 35 ; Sigaut 1992.
10 Bonnassie 2001, p. 151-152 ; la liste des pénitentiels dépouillés dans cette étude pionnière devrait évidemment être mise à jour et actualisée (éléments complémentaires dans diverses études de Rob Meens, de Raymund Kottje, de Michael Glatthaar ; voir Dierkens et Gautier 2017 et Dierkens 2016).
11 Bonnassie 2001, p. 147. Sur les raisons de ces positions rigoureuses, voire rigoristes, voir Dierkens et Gautier 2017.
12 André 2009, p. 134 ; Arbogast et al. 2002, p. 59-60.
13 Kolias 2012, p. 93. Des Byzantins comme le patriarche Michel Cérulaire au milieu du xie siècle ou comme le chroniqueur Nicétas Choniates à la fin du siècle suivant reprochent explicitement aux Occidentaux de consommer de la viande de cheval.
14 Lettre de Grégoire iii à Boniface, éd. Tangl 1916, no 28, p. 49-52 : inter ea agredem caballum aliquantos adiunxidi comedere plerosque et domesticum. Hoc nequaquam fieri deinceps sandissime sinas frater, sed, quibus potueris Chrido iuvante modis, per omnia conpesce et dignam eis interdicito paenitentiam ; inmundum enim ed atque exsecrabile (p. 50).
15 Sur le choix des animaux ainsi condamnés explicitement, voir notamment les idées de Poplin 1988, et surtout de Laurioux 1988 et 1989, reprises (avec quelques nuances) par Flandrin 2008.
16 Lettre de Zacharie à Boniface, éd. Tangl 1916, lettre 87, p. 194-201 : In primis de volatilibus, id edgraculis et corniculis atque ciconiis : quae omnino cavendae sunt ab esu christianorum. Etiam et fibri atque lepores et equi silvatici multo amplius vitandi (p. 196).
17 Dierkens et Gautier 2017.
18 Actes des conciles anglo-saxons de 786, envoyés au pape Hadrien 1er et conservés dans la correspondance d’Alcuin, éd. Dümmler 1895, lettre 3, p. 19-29 : Equos etiam vedros turpi consuetudine detruncatis, nares finditis, aures copulatis verum etiam et sur das redditis, caudas amputatis ; et quia illos inlaesos habere potedis, hoc nolentes, cunctis odibiles redditis. [...] Equos etiam plerique in vobis comedunt, quod nullus chridianorum in orientalibus facit. Quod etiam evitate. Contendite, ut omnia vedra honede et secundum Dominant fiant (ch. 19, p. 27). La fente des narines est également utilisée chez les Arabes, les Hongrois et les Byzantins, afin de donner plus de souffle aux animaux (cette coutume apparaît encore sur un dessin de Pisanello dans la première moitié du xve siècle). Le fait de couper la queue évite également que des crins signalent le passage de la troupe en restant accrochés aux broussailles (information de Véronique Montembault).
19 Il sera question plus loin d’un passage discutable du capitulaire De villis (vers 800).
20 Adalhard, Statuta, c. 5 (relatif à l’alimentation des pauvres à la porterie du monastère), éd. Semmler 1963, p. 373-374 : Similiter omnem quintam decimae depecudibus, id ed in vitulis, in berbicibus vel omnibus que dantur de gregibus portario, etiam in caballis. Passage relevé par Montanari 1985, p. 630.
21 Benediciones ad mensas d’Ekkehard IV de Saint-Gall (bénédictions probablement rédigées alors qu’Ekkehard était écolâtre au chapitre cathédral de Mayence, vers 1025) : Sit feralis equi caro dulcis in hac cruce Christi ; cfr le manuscrit unique conservé à Saint-Gall, Stiftsbibliothek, Cod. Sang. 393, p. 190 (http ://www.e-codices.unifr.ch/en/csg/0393/190). Texte mis en évidence par Laurioux 1989, p. 75, n. 24.
22 Hildegarde de Bingen, Physica, ch. 8, éd. et trad. Monat 1988, p. 251.
23 Giraud de Barri, Topographia Hibernica, III, 25, éd. Dimock ; trad. Boivin, p. 254.
24 Boivin 1993, p. 105.
25 Byrne 1973, p. 16-22.
26 Sur l’interprétation de ce passage, voir en particulier Byrne 1973, p. 16-18 ; Dillon 1973 ; Pontfarcy 1987 (et pour une contestation de son authenticité : Le Roux et Guyonvarc’h 1986, p. 76 et 365).
27 Snorri Sturluson, Heimskringla, saga d’Haakon le Bon, ch. 17, extrait cité d’après Oxenstierna 1962, p. 195.
28 Ibid., ch. 18, extrait cité par Hnefill Adalsteinsson 1998, p. 72-73. La même scène se déroule en Suède vers 1080, lorsque le roi Ingi est détrôné pour avoir refusé de conduire le sacrifice réunissant tous les peuples au temple d’Uppsala. Il est alors remplacé par son beau-frère Sveinn, qui n’a pas ces préventions : « alors on amena un cheval au thing, on le dépeça, on répartit les morceaux pour les manger et l’arbre du sacrifice fut rougi de son sang. Tous les Suédois abandonnèrent alors la religion chrétienne et reprirent les sacrifices » (Saga de Hervör et du roi Heidrekr, xiiie siècle, trad. BOYER, ch. 16, p. 79). Sur les sacrifices d’Uppsala, voir également le célèbre passage d’Adam de Brême, écrit à la fin du xie siècle (iv, 27, éd. Waitz, p. 175-176).
29 Hnefill Adalsteinsson 1998, p. 74. Sur ces événements, cf. aussi Wagner 2005, p. 404-407.
30 Ari Thorgilsson, Islendingabόk, ch. 7. La nouvelle législation fut mise par écrit en 1117 (ibid., ch. 10). Sur ce texte, voir Miller 1991.
31 Saga de Snorri le Godi, ch. 18, éd. Boyer 1987, p. 225 (abattage automnal de chevaux ayant pâturé l’été en montagne) ; Saga des gens du Val des Fumées (Reyksdoelasaga), citée par Wagner 2005, p. 462 (personnage ayant l’habitude de vendre des chevaux pour l’abattage).
32 Sturla Thordarson, Saga de la chridianisation (Kridnisaga), ch. 12, 26, passage cité par Wagner 2005, p. 473, dans une traduction de Claude Lecouteux.
33 Ibid.
34 Diericens et Gautier 2017.
35 Müller-wille 1970-1971, p. 180-185 ; Wagner 1995, p. 339-344.
36 Gladigow 1984, p. 31.
37 V, 11, 3, trad. Troadec, p. 216-218.
38 Joinville, Vie de saint Louis, § 487, trad. Monfrin, p. 240-241.
39 Ibid., § 497, trad. Monfrin, p. 246-247.
40 Guillaume de Rubrouck, Voyage dans l'Empire mongol, 1253-1255, ch. 8, trad. Kappler, p. 95.
41 Jean de Plan Carpin, Hidoire des Mongols, III, 12, trad. d’après l’éd. Daffinà et al., p. 241-242.
42 Boulc’h 1996.
43 Cibi eorum sunt omnia que mandi possunt : comedunt enim canes, lupos, vulpes et equos, et in necessitate carnes humanas manducant (Ibid., IV,7 ; éd. Daffinà et al., p. 248). Voir, en particulier, Vandenberg 2010.
44 Digard 2009, p. 8 ; Digard 2012, p. 691. Pour les peuples des steppes, voir en particulier Ferret 2009.
45 Voir à ce propos les belles pages de François Poplin (1988, p. 167-169 et 1992).
46 Alberti, Le Cheval vivant, ch. 13, éd. et trad. Boriaud, p. 86-87.
47 Notons que certains contradicteurs de l’hippophagie au xixe siècle considèrent effectivement cette pratique comme une régression de civilisation et un premier pas vers l’anthropophagie (Pierre 2003, p. 19 ; Hubscher 2004).
48 Ermold le Noir, Poème sur Louis le Pieux, v. 270-275, éd. Faral, p. 24.
49 Folcuin, Geda abbatum Sithiensium, ch. 62, éd. Holder-Egger, p. 619 : Qui non longe pod tempore mortuus, cum canibus cibus esset appositus, a nullis illorum ed attadus. Et merito cadaver eius canes non poterant lacerare, super quem ymnidica cantica Chrido decantata erantsepissime. Quod videntes cives, eum humano more sepelierunt, quem nec bediae nec volucres tangere presumpserunt. Dans le même sens, Folcuin, Vita sandi Folcuini Morinorum episcopi, ch. 11, éd. Holder-Egger, p. 429. Sur ce passage, Dierkens 2015.
50 Ce topos se rencontre beaucoup plus tard, par exemple dans la chanson de geste Garin le Loherain (II, 17, trad. Paris, p. 119), lors du siège de Saint-Quentin : « nous n’avons qu’un moyen de sortir d’ici, c’est de faire la paix avec le roi. Si vous ne voulez demander un accord que pour le rompre, je vous déclare que je mangerai la chair de mon dernier roncin, et que je verrai mourir les trois quarts d’entre nous avant qu’un mauvais mot sorte de ma bouche » (on notera toutefois qu’Isoré est près à manger un roncin mais pas son destrier !).
51 Barthélemy 2007, p. 91.
52 Ermold le Noir, op. cit., v. 440-445 et 456-457, éd. Faral, p. 36-39.
53 Aspremont (Italie du Sud, années 1190), v. 1678, éd. Suart, p. 164 : « Muerent les bestes, li palefroi anblant » (dans le camp sarrazin). Le Siège de Barbadre (fin xiie-début xiiie siècles), éd. Guidot, V. 4699 : « Et fu chascuns montés sor.I. maigre destrier » ; v. 4928 : le cheval de Girart est allongé, incapable de faire quoi que ce soit (« Li destrier segisoit, qu’il ne se pot aidier »), etc.
54 Nous utilisons le manuscrit de Montpellier, édité par F. Castets.
55 La Gede des Danois, V, 7,7, trad. Troadec, p. 203. Un épisode du même type concerne une expédition menée par Hadingus (I, 8,7, p. 51).
56 Vandenberg 2010.
57 Orderic Vital, Historia Ecclesiastica, livre IV, éd. Chibnall, vol. 2, p. 172.
58 Bartolomeo di Neocastro, Historia Sicula, ch. 110, éd. Paladino, p. 98 : [... ] proper quod ad vitae novissimum venientes cladem et famis jugum, equos comedere, putretudinem suggere acfoetorem cadaverorum, cum haec nobis ignota non sint, amplius sudinere non possumus.
59 Racicham 1995, p. 169-174. Lors de crises moins aiguës, la viande équine pourrait simplement venir compenser une dégradation des autres ressources carnées, comme cela a été envisagé pour le Midi de la France à l’Âge du Fer (Columeau 2006-2007).
60 Chanson de la croisade albigeoise, laisse 166, v. 41-49 (trad. L. Bourgeois).
61 Guillaume de Poitiers, Histoire de Guillaume le Conquérant, éd. et trad. Foreville, p. 61-63.
62 Gervais de Tilbury, Otia Imperialia, c. 100, trad. Duchesne, p. 110-111.
63 Pierre 2003 ; Hubscher 2004 ; Digard 2012.
64 Réticences quant à l’existence de tels sacrifices dans Dierkens et Gautier 2017.
65 Dans ce cas, le sacrifice du cheval ne constituerait donc pas le rite de transgression d’un tabou, comme l’ont proposé certains chercheurs (cf. Wagner 2005, p. 458). Sur les tombes de chevaux, voir Dierkens et al. 2008.
66 Pour de nombreux auteurs (comme Bautier 1976, p. 216 ou Laurioux 1988 et 1989), il convient de distinguer le cheval sauvage, assimilé à du gibier et dont la consommation n’est guère problématique, et le cheval domestique.
67 Buko 2008, p. 32.
68 Wagner 2005, p. 459. Toutefois, lorsqu'Adam de Brême (Descriptio, ch. 23, éd. Waitz 1917, p. 253) relève la consommation de viande, de sang et de lait fermenté dans cet espace géographique, il est probablement influencé par les descriptions des Scythes dans les sources antiques.
69 Dans une bibliographie copieuse sur ce site exceptionnel, voir par exemple Janicuhn 1976.
70 Capitulare De villis, § 18 (éd. Boretius, p. 85) : Et habeant quando servierint ad canes [carnes ?] dandum, boves cloppos non languidos et vaccas sive caballos non scabiosos [...].
71 C’est la leçon carnes, explicitement préférée à canes (qui serait une « erreur de copiste »), que l’on trouve sous la plume d’Elisabeth Magnou-Nortier 1998, p. 643-644 (n. 3) et 657. Dans le même sens, Montanari 1985, p. 629-630, n. 35 et 41.
72 Pour le début du ixe siècle, le capitulaire De villis (§ 13-15, éd. Boretius, p. 84) et les Brevium exempla (§ 25, éd. Boretius, p. 254) attestent que les poulains des domaines royaux sont dressés à partir de l’âge de deux ans alors que les juments sont considérées comme adultes à l’âge de trois ans.
73 Yvinec 1996, p. 34 ; ID. 2008, p. 316-317.
74 Informations dues à Véronique Montembault.
75 Liber miraculorum sancti Fidis, livre I, 3, éd. Robertini, p. 91-92 ; trad. Servières, p. 33.
76 Ibid., livre I,4, éd. Robertini, p. 92-93 ; trad. Servières, p. 33-34.
77 Ibid., livre IV, 20, éd. Robertini, p. 253-254 ; trad. Servières, p. 90. Les deux premiers miracles ont été rédigés en 1013 par Bernard d’Angers ; le dernier a été écrit par son continuateur, peut-être l’abbé de Conques Odolric, vers 1040-1045 (Bonnassie et de Gournay 1995).
78 Roman de Renart, XVI [1195-1200 ou 1235-1240], v. 1196-1201, éd. Strubel et al., p. 592 : « Ou carreton n’ot que doloir,/Son cheval vit mort estendu/ Et si vit son vin espandu./Grant duel en ot, son cotel trait,/ Tout belement et tout a trait,/Si a son cheval escorchié. »
79 Wipo, Gesta Chuonradi imperatoris, ch. 30, éd. Bresslau, p. 49-50, trad. fr. A. Leduc, p. 30.
80 Contamine 1972, p. 104, citant Paris, BnF, collection Clairambault, t. 29, no 11 (1356).
81 Caple 2007, p. 289. De même, en 1317-1324, John of Redmere, garde des chevaux royaux au sud de la Trent, achète les dépouilles des chevaux royaux qui sont morts de la même maladie (Davis 1989, p. 93).
82 Walter de Henley, Le Dite de Hosebondrie, éd. Lamond.
83 En 1304, le prieur de Saint-Augustin porte plainte contre Richard de Houndeslowe, qui avait abattu et enterré des chevaux à proximité de cette maison religieuse ; le tanneur promet qu’il « n’écorchera jamais plus de chevaux dans la Cité, et n’enfouira plus les carcasses dans ses murs ou ne les jettera dans les fossés » (Thomas 1924, p. 161). Deux mois plus tard, John le Wyttawyere (qui, d’après son nom, tanne les peaux à l’alun pour produire des cuirs blancs) est convoqué devant le maire pour « avoir écorché un cheval noir » (ibid., p. 164).
84 [...] et artificiose equino corio obvoluta : Gerbert d’Aurillac, Correspondance, éd. Riché et Callu, t. 2, no 148, p. 362-363. À l’occasion du présent colloque, Philippe Vénot nous a fait profiter de son expérience de sellier en indiquant que la souplesse du cuir d’équidés lui permettait effectivement d’épouser des surfaces courbes et complexes.
85 Inde cooperiantur corio crudo equi, sive asini, sive bovis : Théophile, ch. 17, éd. L’Escalopier, p. 31-32. Le moine poursuit : « après l’avoir mouillé et en avoir raclé les poils, on en exprimera un peu l’eau : dans cet état d’humidité, on l’appliquera avec la colle de fromage ». Ces peaux, transformées en rognures et associées à de la poudre de bois de cerf, peuvent également entrer dans la composition de colles (ch. 17, p. 32-33).
86 Par exemple McGregor 1985, p. 31.
87 Voir aussi supra, n. 49 (sur le sort initialement réservé au cheval de l’arrière-grand-oncle de Folcuin).
88 Compte de Philippe de Courguilleroy, cité par Cummins 1988, p. 257. Ils sont achetés à Nemours et transportés à Fontainebleau. Les chiens étaient usuellement nourris de céréales et dressés à ne considérer la viande que comme la récompense d’une chasse fructueuse (ibid., p. 26-27). Sur cette tendance au Moyen Âge, voir Vandenberg 2010.
89 Caple 2007, p. 289.
90 2010, p. 1.
91 Aubaile-Sallenave 2004, p. 129.