Sources
p. 397-403
Texte intégral
Présenter les sources de cette étude dans le cadre d’une publication impose d’opter pour un choix distinct de celui qui avait été opéré dans la version originale de cette recherche. Les sources manuscrites ne seront donc point ici développées sous forme d’un état reprenant cote par cote l’ensemble des dossiers dépouillés au cours des années de doctorat, mais je m’attacherai à éclairer dans le cadre d’une présentation synthétique les modalités de collecte de ces sources, les caractéristiques de cette masse documentaire et leurs conséquences sur l’orientation de cette recherche.
L’odyssée des archives
À l’origine de l’étude nationale sur la formation des sages-femmes se trouvait l’étude départementale d’une école spécifique, celle de Tulle en Corrèze. Cette première recherche avait posé une méthode, celle du recours premier aux sources locales et plus précisément départementales pour l’élucidation du processus d’établissement de la formation obstétricale ainsi que pour la pesée des choix politiques en la matière. La monographie locale avait mis en lumière les lacunes et la modestie des sources nationales, conservées aux Archives du même nom, faiblesses qui se confirmèrent lors des dépouillements ultérieurs. Le passage de l’échelon local à l’échelle nationale ne pouvait donc s’appuyer sur les seules ressources centrales et impliqua de retrouver le chemin des archives départementales à travers leurs multiples incarnations.
65 dépôts (les Archives nationales, 63 archives départementales et deux archives municipales1) ont ouvert leurs portes à cette étude, quelques-uns indirectement grâce à la bienveillance de proches que ne rebutaient pas les heures passées entre mauvais papier xixe siècle et cartons Cauchard, pour l’essentiel arpentés à la faveur des vacances universitaires. Cette thèse est en ce sens le fruit de la qualité des réseaux routier et ferré français, de la générosité des quotas de consultation des archives départementales et de la révolution technologique que constitue pour l’historien du xxie siècle l’appareil photo numérique. Elle est née aussi de la bienveillance des conservateurs et des équipes de ces dépôts d’archives qui ont su accompagner de leur connaissance fine des fonds et de leur compréhension face aux impératifs matériels et calendaires tous ces séjours de recherche.
L’exploration en profondeur du territoire archivistique national est sans doute le meilleur observatoire qui soit pour apprécier la richesse et la précision des inventaires produits par les générations successives d’archivistes, culminant dans l’édition parfois in extenso des délibérations d’assemblées révolutionnaires au sein des inventaires de série L (Administration et tribunaux de l’époque révolutionnaire). Au-delà, on ne dira jamais assez les bienfaits des cadres de classement nationaux (archives départementales, communales et hospitalières) qui sont au chercheur autant de bornes familières et immanquablement retrouvées dans la progression de ses dépouillements, même si certaines séries ne comblent que progressivement leur retard de classement (série X, Assistance et prévoyance sociale en particulier), tandis que d’autres sont parfois sujettes à des reclassements (série M, Administration générale et économie du département). Le choix de la période, 1786-1917, est cependant favorable à la recherche car il s’inscrit dans le cadre des séries anciennes (avant 1790) et modernes (de 1790 à 1940) en général parfaitement circonscrites et inventoriées.
Le chemin a toutefois ses difficultés, le temps a pu manquer et des aléas matériels ont pu faire obstacle : fermeture annuelle des dépôts mal anticipée (Ariège, Vosges), mauvaise conservation des archives du xixe siècle. Les destructions des deux guerres mondiales ont ainsi justifié de renoncer à certaines visites faute de matière à collecter (Ardennes, Manche). L’objectif premier de mon étude était d’obtenir un panorama complet des politiques de formation des sages-femmes département par département, indépendamment du type de sources mobilisées dès lors qu’elles permettaient de restituer une évolution séculaire. L’exemple corrézien avait permis d’identifier très précocement les trois politiques possibles : la formation sur place, l’envoi à l’extérieur, et l’alternance ou la coexistence de ces deux pratiques. La formation sur place étant susceptible de produire beaucoup plus d’archives locales que l’envoi à l’extérieur, j’ai donc privilégié pour mes visites les départements où une école avait fonctionné au cours du xixe siècle. Les départements de la couronne parisienne (Seine-et-Oise et Seine-et-Marne) n’ont par exemple pas fait l’objet d’un séjour en raison de leur proximité à la capitale et de la dépendance de ces départements à l’Hospice de la Maternité pour la formation de leurs accoucheuses. Des sources complémentaires ont été mobilisées pour pallier ces manques (annuaires départementaux, publications locales, revues d’histoire régionale, etc.), et parmi elles, la collection des rapports de préfet et procès-verbaux des délibérations de conseils généraux de la Bibliothèque nationale de France a tenu une place essentielle. La numérisation de cette collection et sa mise en ligne progressive sur Gallica ont coïncidé avec le temps de mes dépouillements et ont parfois permis de limiter les consultations en archives aux seuls registres manuscrits de la série N (Conseil général) pour le premier tiers du xixe siècle, les procès-verbaux imprimés et numérisés prenant la suite à partir des années 1835-1840.
Les sources manuscrites
Traits principaux (producteurs, répartition, variété)
Les sources nationales sont pauvres, en comparaison des sources locales d’une part, et intrinsèquement d’autre part. Elles offrent un tour d’horizon complet de la situation de l’enseignement obstétrical à destination des sages-femmes à travers des dossiers départementaux mais les documents qui composent ces liasses ne dépassent pas le milieu du xixe siècle. Au-delà, aucun carton ne fournit de récapitulatif des textes législatifs, règlementaires qui encadrent la formation et l’exercice professionnel des sages-femmes ou n’aborde les débats qui se sont élevés au cours du siècle. Il a fallu les chercher dans d’autres sources : recueils législatifs, périodiques médicaux, etc. L’information des liasses de la sous-série F17 des Archives nationales est répétitive et dispersée au sein de chaque sous-dossier départemental. Cette dispersion est néanmoins significative de l’échelle à laquelle tout se joue : le niveau déconcentré du département qui a formé la cellule de base de cette étude, dans la mesure où il forme la cellule de base de la formation des sages-femmes pendant cette période.
À l’échelle départementale, les sources varient peu et il s’agit pour leur immense majorité d’archives d’origine publique. Les fonds d’Ancien Régime, la série C (Administrations provinciales) en particulier, ont été sollicités pour établir le lien entre cette période et la Révolution et saisir les continuités de ces décennies dans les formes et le personnel de l’enseignement obstétrical. La série L (Administration et tribunaux de l’époque révolutionnaire) s’est révélée typologiquement riche et a permis de saisir les passages entre les décisions (procès-verbaux des assemblées départementales) et leur mise en application (dossiers d’administration départementale) à tous les niveaux des nouvelles circonscriptions (districts, cantons).
Pour le xixe siècle, les séries M (Administration générale et économique du département) et X (Assistance et prévoyance sociale) ont quasi systématiquement été complétées par les informations des séries N (Conseil général), éclairant là aussi les contrastes entre fonctionnement permanent et rythme politique des assemblées départementales. Les dynamiques d’émulation et de complémentarité entre les conseils généraux et les administrations préfectorales ont ainsi été au cœur de cette étude dans un permanent effet de miroir entre les sources. S’y ajoutent aussi, bien que moins fréquemment, les fonds des séries T (Enseignement, Culture) et Z (Sous-préfectures) qui apportent un éclairage administratif partiellement différent des sources précédentes : académie ou administration des établissements d’enseignement médical dans un cas, circonscription plus réduite dans l’autre.
Viennent enfin les sources communales (EDEP) ou hospitalières (H-Dép) qu’elles soient déposées dans les institutions départementales (AM de Bourg-en-Bresse) ou qu’elles aient conservé une indépendance de gestion (AM de Lyon). Ces dernières n’apportent cependant que des compléments mineurs au tableau que dessine l’administration préfectorale de l’action en faveur de la formation des accoucheuses. La seule exception véritable réside dans l’exemple lyonnais où les hospices civils de la ville ont la haute main sur l’instruction médicale, prédominance qu’ils conservent pour l’instruction des sages-femmes au détriment de la faculté de médecine au-delà même des réformes nationales de la fin du xixe siècle.
Les limites de la documentation
L’abondance de la documentation ne met évidemment pas à l’abri des pièges de l’effet de source. Les sources qui m’ont renseignée sur les modalités et l’évolution de la formation des sages-femmes sont des sources publiques, administratives et départementales. Elles portent un discours et une politique : celle de la déconcentration plutôt réussie d’une des branches de l’enseignement médical au xixe siècle, contre le modèle centripète de l’école ou de la faculté de médecine. Leur omniprésence présente un risque : celui de réduire sans nuance la transmission du savoir obstétrical à la voie scolaire, la pauvreté et la rareté de fonds d’origine privée ne pouvant que renforcer cette interprétation (à quelques exceptions comme des manuscrits de Joseph-Alexis Stoltz dans le fonds 150 J aux AD du Bas-Rhin). La consultation des sources judiciaires apporte à cette tendance un contrepoint précieux en offrant de nombreux exemples de femmes accusées d’exercice illégal de l’art des accouchements. Le fossé qui se creuse à la lecture de ces dossiers d’instruction ou de procédure entre la figure de la matrone, émanation d’une certaine forme de solidarité populaire, et la sage-femme formée et diplômée souligne par contraste la domination en voie de devenir exclusive dès la seconde moitié du siècle d’un modèle institutionnel d’acquisition du savoir sur la naissance. Les archives de la formation des sages-femmes au xixe siècle sont publiques car telle est la dimension donnée par la loi à cette profession et à sa formation. Elles sont administratives par voie de conséquence et départementales par choix réfléchi d’un cadre géo-administratif (le département) adapté à une conception nouvelle de l’encadrement de la naissance.
Dépôts d’archives visités
Archives nationales.
Archives départementales : Aisne, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Alpes, Alpes-Maritimes, Ardèche, Aube, Aude, Aveyron, Bouches-du-Rhône, Calvados, Cantal, Charente, Charente-Maritime, Cher, Corrèze, Corse du Sud, Côte-d’Or, Côtes-d’Armor, Creuse, Dordogne, Doubs, Drôme, Eure-et-Loir, Finistère, Gard, Haute-Garonne, Gers, Gironde, Hérault, Ille-et-Vilaine, Indre, Indre-et-Loire, Isère, Landes, Haute-Loire, Loire-Atlantique, Lot, Lot-et-Garonne, Lozère, Maine-et-Loire, Marne, Haute-Marne, Morbihan, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Bas-Rhin, Haut-Rhin, Rhône, Saône-et-Loire, Sarthe, Savoie, Seine-Maritime, Deux-Sèvres, Tarn, Tarn-et-Garonne, Var, Vaucluse, Vendée, Vienne, Haute-Vienne, Yonne.
Archives communales : Bourg-en-Bresse (conservées aux archives départementales de l’Ain), Lyon.
Les sources imprimées
Des publications institutionnelles…
Si les sources manuscrites ont permis de restituer le fonctionnement de la formation obstétricale, ses processus de décision et ses évolutions, les sources imprimées ont permis de les ancrer dans l’histoire politique, institutionnelle et législative, des cahiers de doléances, édités dans la Collection des documents inédits pour l’histoire économique de la Révolution française ou dans les premiers volumes des Archives parlementaires de 1787 à 1860, aux débats des premières assemblées révolutionnaires (Archives parlementaires, recueil complet des débats législatifs et politiques des chambres françaises, première série, 1787 à 1799). Aux procès-verbaux des travaux des chambres, il faut ajouter ceux des commissions thématiques créées dans les années 1790 : comité de salubrité (Vues générales sur la restauration de l’art de guérir, lues à la séance publique de la Société de médecine, le 31 août 1790, et présentées au Comité de salubrité de l’Assemblée nationale, le 6 octobre ; suivies d’un Plan d’hospices ruraux pour le soulagement des campagnes de Jean-Gabriel Gallot) et comité d’instruction publique de la Convention nationale (édités par James Guillaume).
Les recueils de projets de loi et de textes effectivement votés ont été particulièrement précieux pour saisir la chronologie des intérêts politiques en matière d’instruction publique (La législation de l’instruction primaire en France depuis 1789 jusqu’à nos jours. Recueil des lois, décrets, ordonnances, arrêtés, règlements, éditée par Octave Gréard) et d’enseignement supérieur ; et la capacité d’adaptation aux terrains locaux dont ils témoignent. Le xixe siècle est éclairé sur ces questions par les considérables travaux d’Arthur Marais de Beauchamp, qu’il s’agisse des Enquêtes et documents relatifs à l’enseignement supérieur, XXVIII, Médecine et pharmacie, 1789-1803 ou des cinq volumes du Recueil des lois et règlements sur l’enseignement supérieur : comprenant les décisions de la jurisprudence et les avis des conseils de l’Instruction publique et du Conseil d’État. Moins systématiquement collecté, le champ de la législation sanitaire n’est toutefois pas en reste et la fin du xixe siècle a donné lieu à de multiples publications locales ou nationales sur les évolutions en matière d’assistance médicale comme le Petit manuel de l’assistance publique, des hospices, hôpitaux, bureaux de bienfaisance et des bureaux d’assistance médicale (exécution de la loi du 15 juillet 1893) : textes législatifs et réglementaires, instructions détaillées, commentaires et rapports officiels, statistiques générales, formules et modèles à adopter de Victor Turquan en 1894.
… à la bibliographie médicale et obstétricale
L’approche institutionnelle et sociale de cette recherche ne pouvait laisser de côté la dimension scientifique propre à l’essor de la formation obstétricale entre les années 1780 et le début du xxe siècle. Les sources ont été variées : des périodiques médicaux qui se multiplient au cours du xixe siècle (Bulletin général de thérapeutique médicale et chirurgicale, Bulletin de l’Académie de médecine, Gazette obstétricale, etc.), aux dictionnaires spécialisées et encyclopédies (Encyclopédie méthodique. Médecine, 1787-1830 ; Dictionnaire de médecine, de chirurgie, de pharmacie, des sciences accessoires et de l’art vétérinaire dirigé par Pierre-Hubert Nysten en 1833 et souvent réédité ; Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales dirigé par Amédée Dechambre de 1874 à 1889, entre autres), en passant par la masse des manuels d’obstétrique, et plus originaux, les récits biographiques qui mettent à l’honneur les grandes figures du siècle en obstétrique (Accoucheurs et sages-femmes célèbres, esquisses biographiques de Gustave Witkowski en 1891 qui clôt le xixe siècle ouvert par la Notice sur la vie et les écrits de Mme Lachapelle de François Chaussier en 1823). Constitué en troisième branche de la médecine aux côtés de la chirurgie dès la fin du xviiie siècle, l’art des accouchements y gagne ses historiens dès le siècle suivant avec l’Essai sur l’histoire de l’obstétricie d’Eduard Caspar Jacob von Siebold (1839-1845) et les Lettres obstétricales du même, présentées en français en 1866 par Joseph-Alexis Stoltz, qui, confrontées à la grande enquête sur les maternités européennes menée la même année par Léon Lefort (Des Maternités, étude sur les maternités et les principales institutions charitables d’accouchement à domicile dans les principaux pays états de l’Europe), ouvrent sur l’évolution de la formation obstétricale à l’échelle européenne.
Cette recherche a enfin été l’occasion de recenser aussi exhaustivement que possible les publications émanées des sages-femmes françaises tout au long du xixe siècle. Cet inventaire fait l’objet de l’annexe 2 de cet ouvrage (voir infra p. 433).
Notes de bas de page
1 Les archives municipales de Bourg-en-Bresse étaient temporairement déposées aux archives départementales de l’Ain à l’époque de mes recherches.
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Divertissements et loisirs dans les sociétés urbaines à l’époque moderne et contemporaine
Robert Beck et Anna Madœuf (dir.)
2005
Les Cités grecques et la guerre en Asie mineure à l’époque hellénistique
Jean-Christophe Couvenhes et Henri-Louis Fernoux (dir.)
2004
Les entreprises de biens de consommation sous l’Occupation
Sabine Effosse, Marc de Ferrière le Vayer et Hervé Joly (dir.)
2010
La Galicie au temps des Habsbourg (1772-1918)
Histoire, société, cultures en contact
Jacques Le Rider et Heinz Raschel (dir.)
2010
Saint François de Paule et les Minimes en France de la fin du XVe au XVIIIe siècle
André Vauchez et Pierre Benoist (dir.)
2010
Un espace rural à la loupe
Paysage, peuplement et territoires en Berry de la préhistoire à nos jours
Nicolas Poirier
2010
Individus, groupes et politique à Athènes de Solon à Mithridate
Jean-Christophe Couvenhes et Silvia Milanezi (dir.)
2007
Une administration royale d'Ancien Régime : le bureau des finances de Tours
2 volumes
François Caillou (dir.)
2005
Le statut de l'acteur dans l'Antiquité grecque et romaine
Christophe Hugoniot, Frédéric Hurlet et Silvia Milanezi (dir.)
2004