Chapitre 9. La résistance d’une profession
p. 351-388
Texte intégral
1L’officialisation de la profession de sage-femme consacrée par la loi en 1803 n’empêche pas les contestations de tous ordres. La reconnaissance institutionnelle des accoucheuses comme membres à part entière du corps médical sous le Consulat a fait le pari d’une scientificité justifiée par l’émergence d’une formation spécifique. Dépouillée des oripeaux de la matrone, la sage-femme apparaît comme une figure nouvelle, que ses professeurs modèlent selon une logique de contiguïté et de perméabilité des savoirs entourant le processus de transmission de la vie. Rien de ce qui tient à la naissance ne doit lui être étranger, ouvrant son champ d’exercice sur les besoins de la société (vœux des politiques sanitaires et attentes des populations) comme sur les chemins qu’emprunte la science médicale.
2Le siècle de formation issu de la loi de ventôse an xi produit, en réponse au laconisme législatif, variété scolaire et polyvalence professionnelle, deux caractéristiques que le monde médical et les autorités administratives s’attachent à réduire pendant la même période. Ce mouvement d’uniformisation et de délimitation touche au but au début des années 1890 alors que s’ouvre une nouvelle ère de réformes qui tire les meilleurs fruits de l’expérience séculaire et fait aboutir pour les sages-femmes la revendication désormais primordiale de l’unification de la profession.
De contestations en concurrence, une place à trouver
Réformer la loi de ventôse an xi : bilans et projets du milieu du siècle
3La loi du 19 ventôse an xi a fait entrer officiellement la sage-femme dans le corps médical, en organisant sa formation et le contrôle de son savoir. Le pas franchi est immense : la profession possède un cadre national et légal qui consacre la nécessité et la valeur des savoirs sur la naissance. Ne peut désormais être sage-femme que celle qui a appris à l’être. Le texte ne va pourtant pas plus loin. L’extension de la pratique autorisée à l’accoucheuse n’est pas définie, à moins de considérer l’article 32 (théorie et pratique des accouchements, accidents qui peuvent les précéder, les accompagner et les suivre, moyens d’y remédier) comme une délimitation suffisante de l’exercice professionnel. L’article 33, seul passage restrictif qui porte sur l’usage des instruments, se contente d’encadrer cet usage par la présence impérative d’un médecin. Il est cependant vite remis en cause par l’exception symbolique de l’Hospice de la Maternité où la sage-femme en chef applique seule les forceps, sans devoir en référer au chirurgien.
4S’ensuit une quarantaine d’années pendant lesquelles se mettent en place les structures de la formation. Le niveau des accoucheuses diplômées est variable, à la mesure de la diversité des cours. La sévérité du contrôle opéré par les jurys médicaux est, elle aussi, inégale et les appréciations sur le niveau des accoucheuses varient souvent. La fluctuation des jugements sur les compétences des sages-femmes ne plaide pas en faveur du métier. Dans un contexte où la seconde classe de médecins est de plus en plus décriée et où sa suppression est projetée, médecins et administrateurs s’interrogent aussi sur le sort à réserver aux accoucheuses1. L’unanimisme des années 1780-1800 sur l’incontestable nécessité de former des sages-femmes n’est plus de mise. Au cours de la décennie 1840 ressurgit la crainte exprimée trente-cinq ans plus tôt par le ministre de l’Intérieur du danger d’accoucheuses à demi instruites, rendues téméraires par leur savoir incomplet. Si en 1780 on affirme que les sages-femmes « ne savent exactement rien2 », on déplore avec presque autant d’inquiétude en 1840 qu’elles ne sachent pas assez.
5La préparation du congrès médical (1er-15 novembre 1845 à Paris), à l’initiative de la Gazette des hôpitaux, cristallise le malaise des médecins vis-à-vis de la place occupée dans l’exercice de leur science par les autres corps médicaux (officiers de santé et sages-femmes)3. Pendant une quinzaine de jours, dans les salons de l’Hôtel-de-Ville, plus de cinq cents praticiens suivent les séances de la section de médecine dont le programme porte sur les réformes à opérer dans l’ordre de l’enseignement, de la police et de l’organisation du corps médical4. Le temps réservé aux sages-femmes dans ces débats est modeste, surtout si on le compare aux heures de discussion sur l’avenir des officiers de santé. Elles font l’objet le 12 novembre d’un des derniers rapports présentés par la commission du congrès. L’institution des sages-femmes n’est pas initialement prévue au programme de la section de médecine. Son ajout montre toutefois l’extension des préoccupations des congressistes. Aux questions de savoir si la sage-femme est suffisamment formée et si sa suppression est possible, la réponse de la commission chargée du rapport est néanmoins sans appel :
Votre commission, messieurs, a été unanime à reconnaître l’impossibilité de supprimer l’institution des sages-femmes, mais elle a reconnu en même temps qu’on exige d’elles trop peu de garanties, et sous le rapport de la moralité, et sous le rapport de l’instruction première ; d’où il résulte que, manquant d’intelligence, elles n’arrivent souvent pas, même avec beaucoup de temps, à apprendre ce qu’elles doivent savoir, et sous le rapport des études obstétriques, surtout pour la pratique.5
6Les participants au congrès se prononcent à leur tour pour le maintien de la profession. Discuter l’utilité de cette profession et envisager, ne serait-ce que théoriquement, sa suppression est néanmoins révélateur d’un contexte scientifique et social : posséder les rudiments du savoir obstétrical ne suffit plus à satisfaire les attentes de l’État en matière de politique démographique et sanitaire.
7En 1851, le docteur Ignace Druhen fait paraître à Lille un opuscule d’une quarantaine de pages intitulé De l’institution des sages-femmes et de la réforme qu’elle réclame6. L’auteur est une figure médicale très insérée dans les instances de santé publique : inspecteur du travail des enfants dans les manufactures, membre du comité d’hygiène publique et de salubrité du Doubs, membre correspondant de la Société centrale de médecine du département du Nord. Le médecin déclare apporter sa contribution au travail législatif entamé au lendemain du congrès médical et encore en cours. Conscient de la faible place accordée aux sages-femmes dans les débats de 1845, Druhen s’attache à développer dans son texte ce qui n’a pu l’être en choisissant un même point de départ :
La suppression des sages-femmes est-elle possible ? Poser cette question, c’était mettre en doute l’utilité des sages-femmes, c’était du moins avouer implicitement que les services qu’elles rendent, actuellement, à la société ne sont point sans mélange. C’est ce qu’a fait le congrès médical dans le programme qui a servi de base à ses importants travaux.
J’ai examiné cette question sous ses différents aspects, et après avoir pesé scrupuleusement les raisons pour ou contre l’institution des sages-femmes, je partage l’avis du congrès, qui me paraît le plus sage, et je pense que cette institution doit être conservée. Toutefois, je l’ai dit, et je crois l’avoir démontré une réforme radicale et complète est urgente et le temps est venu de l’accomplir.7
8Même interrogation, même conclusion que le congrès, mais aussi mêmes critiques. L’opuscule donne un aperçu vraisemblable des données sur lesquelles se sont appuyés en 1845 les concepteurs du programme et les rapporteurs de la commission : instruction primaire défaillante, moralité peu et mal contrôlée, avec tout ce qui en découle aux yeux de l’auteur (avortements, aide aux abandons, etc.)8. Druhen cite le cas de prisonnières suivant les cours d’accouchement pendant leur détention, et celui d’une sage-femme ancienne prostituée. Il poursuit en présentant une longue statistique du revenu annuel moyen des accoucheuses, calculé à partir du nombre de naissances et de l’honoraire demandé par accouchement dans la plupart des grandes villes de France9. Des sommes qu’il évoque (dans 5 des 13 villes citées, le revenu moyen est inférieur à 200 francs par an), le médecin déduit l’impossibilité pour les sages-femmes de vivre de leur profession et les tentations d’avoir recours à d’autres ressources.
9Les impératifs légaux auxquels doit se soumettre la sage-femme (déclaration de naissance en particulier et refus de prêter assistance à un avortement) font peser sur elle la rigueur d’une société populationniste et moralisante. Le discours du docteur Druhen en est la preuve. À cet égard, le traditionnel rôle d’assistance joué par les accoucheuses auprès des filles-mères, dans tout ce qu’il implique, de l’accueil à la réparation du déshonneur qui passe effectivement par l’abandon de l’enfant illégitime, entre en contradiction flagrante avec les devoirs imposés par l’État.
10Les médecins prennent très tôt, en théorie du moins, le contrepied des actions qu’ils reprochent aux sages-femmes. Lorsqu’elles acceptent de taire le nom d’une mère ou d’aider à l’abandon d’un enfant, ce que le discours médico-administratif condamne comme de l’immoralité et de la cupidité, les sages-femmes ne font sans doute dans bien des cas qu’exprimer une sollicitude envers les patientes passant avant les obligations légales. Il reste que la tolérance se réduit à mesure que ferment les tours d’abandon et que sont redéfinis les secours publics aux enfants trouvés10. L’offensive contre la moralité « douteuse » des sages-femmes est contemporaine de la volonté de réduire le nombre d’enfants délaissés qui peuplent les hospices. L’existence de ces attaques ne dédouane pas les premières d’une participation effective à certains trafics (abandon puis reprise en nourrice par la mère), mais explique la virulence des propos qui condamnent leur implication11. Modifier le recrutement des sages-femmes et réformer leur formation sont deux voies de renforcement du contrôle exercé sur la profession d’accoucheuse par le corps médical et l’État, et, à travers cette profession, sur l’attitude des « classes dangereuses » (filles-mères, familles indigentes) envers leurs nouveau-nés. Cette nécessité d’une réforme morale du métier s’accentue encore à partir des années 1860 lorsqu’une enquête ministérielle révèle l’ampleur de la surmortalité des enfants en nourrice, désignant encore une fois les sages-femmes comme agent des abandons et des mises en nourrice meurtrières12.
11Le déplacement de la critique sur le terrain social est significatif de l’échec partiel d’un des objectifs de la politique de formation : mettre au service de l’État des surveillantes de la naissance. Il est toutefois remarquable que la seule réponse que propose le corps médical, entre 1845 et 1851, passe par le renforcement des exigences du choix et de l’instruction en amont des études, plutôt que par un contrôle de l’exercice professionnel. Les médecins expriment une forte méfiance envers la vocation individuelle des candidates qui réduit la part institutionnelle dans la sélection des élèves. Combinée à la facilité d’accès aux études offerte par le système des bourses, elle entraîne un surpeuplement de la profession avec les effets précédemment évoqués13. L’idée d’un trop grand nombre de sages-femmes est d’ailleurs à rapprocher de la dénonciation régulière de « l’encombrement » du corps médical sous la Restauration et la monarchie de Juillet, à cette différence près que les auteurs n’y voient pas seulement le terreau de la gêne pécuniaire mais du crime14.
12Les vœux du congrès médical puis le texte du projet de loi sur l’enseignement et l’exercice de la médecine voté par le Sénat en février 1847 expriment officiellement cette aspiration à une amélioration du savoir de base des candidates. On souhaite en 1845 que la future élève « justifie d’une instruction primaire suffisante », et deux ans plus tard, qu’elle sache « lire et écrire correctement ». Or, les établissements de formation des sages-femmes n’ont pas attendu ces préconisations pour tenter de pallier les lacunes de leurs élèves, comme le prouve, entre autres, l’examen sur la lecture, l’écriture et l’orthographe pour l’admission à l’Hospice de la Maternité de Paris instauré par une circulaire du 19 mai 1845, six mois avant le congrès médical. Les ambitions ne se limitent cependant pas à la maîtrise des savoirs primaires de base. L’opuscule du docteur Druhen prévoit en 1851 d’imposer à la première classe des sages-femmes l’obtention du brevet de capacité de l’enseignement primaire et à la seconde, l’examen mis en place en 1845 pour les élèves de Port-Royal, ce qui n’entre en vigueur qu’en 189315. Ces propositions sont justifiées par le rappel de l’évolution des titres nécessaires à la préparation du doctorat en médecine et en chirurgie (baccalauréat ès-lettres et ès-sciences physiques depuis 1837) et de la profession de pharmacien (baccalauréat ès-lettres depuis 1844)16. Au-delà, il en va pour Druhen de l’autorité sociale des sages-femmes :
« Dans l’état présent de la société française, l’instruction doit être la clé de voute de toutes les institutions médicales » [docteur Serres, président du congrès médical, 1845]. Celle des sages-femmes ne doit pas être plus longtemps déshéritée du rang qui lui revient dans les professions médicales, et auquel elle ne peut aspirer que par l’instruction.17
13Pourtant, à la différence de ce qui est envisagé pour les officiers de santé, ni le congrès médical, ni le projet législatif de 1847 n’abordent la question de l’unification du corps des sages-femmes. L’existence des deux classes d’accoucheuses pose pourtant les mêmes problèmes que l’existence de deux classes de médecins18. Mais, sans susciter d’argumentaire spécifique, le devenir de la deuxième classe et plus largement la division du corps professionnel des sages-femmes sont passés sous silence au profit d’un discours plus général sur les nécessités de l’instruction. À l’issue du débat, les vœux se contentent d’appeler à une amélioration générale de la formation (deux ans minimum, examens plus sévères, réception dans les facultés ou les écoles préparatoires)19. Ces recommandations sont résumées en 1847 par le projet de loi de Salvandy20 qui renvoie cependant encore à un futur règlement d’administration publique. Les propositions concernent l’ensemble des aspirantes au diplôme d’accoucheuse, anticipant peut-être une fusion des classes.
14En 1851, Ignace Druhen, dans l’espoir de peser sur les futurs travaux législatifs, se prononce contre toute éventuelle fusion, distinguant pour des raisons pratiques le cas des médecins et des officiers de santé de celui des accoucheuses :
Ces considérations conduisent nécessairement à adopter deux degrés de sages-femmes : l’un, le degré supérieur à qui serait réservé le droit d’exercice dans les villes ; l’autre, le degré élémentaire, qui limiterait ce droit à la pratique rurale. […] La loi doit, avant tout, se préoccuper des besoins de l’époque à laquelle elle est faite.
15Les « besoins de l’époque » résident dans l’encadrement obstétrical encore défaillant des campagnes et dans l’impossibilité, selon Druhen, d’exiger des sages-femmes rurales la même instruction que pour leurs consœurs urbaines. Cette constatation n’empêche pas l’auteur d’envisager une réorganisation complète de la formation, touchant aussi le second degré, et d’appeler à une réduction du nombre de cours départementaux :
La scolarité serait de deux années pour les élèves des deux catégories, et les cours se feraient tous les jours, sans autre interruption que celle des jours de fête et des vacances. Les études seraient surtout pratiques ; elles seraient les mêmes pour les élèves des deux degrés pendant la première année, mais à la seconde, les aspirantes au brevet supérieur suivraient un cours spécial, où la théorie et le mécanisme des accouchements, aussi bien que les nombreuses difficultés de l’art obstétrical, recevraient tous les développements qu’un pareil sujet comporte. […] Les cours départementaux d’accouchements sont trop nombreux pour offrir les éléments nécessaires à un bon enseignement. […] Ces cours devraient être réservés aux villes où la maternité pourrait admettre un nombre suffisant de filles ou de femmes enceintes, aux chefs-lieux d’académie par exemple.21
16Malgré l’ampleur des travaux accumulés depuis les années 1830, la réforme de l’enseignement médical n’aboutit ni sous la Deuxième République, ni sous le Second Empire. La seule modification intervient en 1854 lors de la suppression des jurys médicaux. L’instauration de frais d’examen pour les sages-femmes de deuxième classe, si modérés soient-ils (25 francs), correspond à une timide tentative de limiter les candidatures et d’amorcer un changement du terreau social du recrutement. C’est aussi une manière de relever le prestige de la profession, à l’instar de ce qui est fait dans des proportions beaucoup plus importantes pour l’officiat de santé22. L’évolution des formes et du contenu de l’instruction des sages-femmes est laissée à l’appréciation des établissements, sans que les débats menés sur la limitation de leurs attributions et l’extension de leur savoir n’interfèrent véritablement avec le fonctionnement des cours.
Le médicament et l’instrument : aux portes de l’obstétrique complexe
17Les décennies centrales du xixe siècle ouvrent une période d’interrogations sur le champ d’exercice des sages-femmes. Alors que le discours sur la formation se concentre sur la faiblesse du savoir primaire, celui sur la pratique professionnelle désigne des points d’achoppement durables : le droit de prescription et le recours aux instruments.
18Les contestations qui s’élèvent dans les rangs du corps médical s’inscrivent dans un contexte renouvelé depuis les années 1830 par l’évolution de la formation obstétricale des médecins. L’inauguration à Paris de l’hôpital des cliniques de la Faculté de médecine le 1er décembre 1834 a profondément modifié le contenu des apprentissages des futurs médecins. La chaire de clinique obstétricale qui existe théoriquement depuis 1823 prend enfin sens. Les étudiants en médecine, exclus depuis toujours de Port-Royal, peuvent désormais découvrir l’obstétrique au lit des femmes en couches, sous la houlette d’un clinicien expérimenté, Paul Dubois, par ailleurs chirurgien de l’Hospice de la Maternité de Paris. L’introduction d’une dimension pratique dans la formation des futurs médecins compense les lacunes traditionnelles de l’enseignement obstétrical pour ce corps professionnel et leur permet de remplir plus facilement le rôle de recours dans les cas d’accouchements compliqués que leur confie la loi. La gynécologie plus strictement « médicale » prend une place croissante dans l’enseignement dispensé par le détenteur de la chaire d’accouchements à côté des questions purement obstétricales23 et permet aux médecins de revendiquer plus légitimement leur compétence dans le traitement des affections féminines et de se plaindre de l’intervention des accoucheuses dans ce domaine.
19Au-delà, la seconde moitié du siècle correspond à une montée en puissance de l’Académie de médecine comme instance de référence des savoirs et des pratiques. C’est à ce titre qu’elle est interpellée à plusieurs reprises au sujet des limites à poser au droit de prescription des sages-femmes et à leur usage des instruments, au premier rang desquels, le forceps.
20En avril 1845, le préfet du département de la Seine adresse à l’Académie un courrier appelant son attention sur « l’abus que l’on fait du seigle ergoté24 ». Après avoir rapporté quelques exemples d’avortements provoqués par l’ergot, le préfet pose la question suivante : « Quelle peut être l’influence du seigle ergoté sur la vie des enfants et sur la santé des mères ? ». Il attend de la future réponse des certitudes scientifiques aptes à justifier des mesures de police et émet le vœu que l’administration de cette substance soit interdite aux sages-femmes en l’absence d’un médecin25. Ce courrier ouvre un débat en deux temps (1850 et 1872), qui, bien plus que l’usage de l’ergot de seigle, interroge la reconnaissance des sages-femmes comme personnel médical capable de prescrire à l’égal des officiers de santé et des médecins.
21En octobre 1850, avec cinq ans de retard, Danyau, l’un des commissaires désignés par l’Académie de médecine pour répondre au préfet de la Seine, présente son rapport26. Après avoir fait le point des connaissances sur les avantages (lutte contre les hémorragies du post-partum) et les dangers (asphyxie fœtale, effet potentiellement abortif) du seigle ergoté en fonction du moment de son utilisation, il déclare, en conclusion, l’impossibilité d’interdire aux sages-femmes l’utilisation du seigle ergoté. Le droit de prescription des sages-femmes est réaffirmé au nom du devoir médical de secours à une personne en danger et Danyau voit dans l’approfondissement de l’instruction obstétricale la solution la plus simple au mauvais usage d’un produit comme le seigle ergoté27.
22Velpeau, autre grande figure de l’obstétrique, se montre bien moins confiant que son collègue dans les vertus de la formation et saisit l’occasion de ce débat pour dénoncer l’excessive latitude des sages-femmes dans le traitement des affections du post-partum et gynécologiques : « Il importerait qu’on pût spécifier les accidents qui cessent d’être de leur compétence, et distraire de leur pratique tout ce qui n’est pas suite immédiate de couches simples28. » Mais cette intervention ne suffit pas à remettre en cause les propositions de Danyau et les conclusions du rapport sont votées sans modification à l’issue de la discussion. Les remarques de Velpeau expriment cependant l’inquiétude des médecins quant au statut des sages-femmes. Dans un contexte où les docteurs en médecine travaillent à renforcer leur prestige en se délestant de leur second ordre29, une concurrence féminine dans une partie de leur activité apparaît comme un empiétement de moins en moins supportable.
23Vingt-deux ans plus tard, à la suite de la plainte d’une sage-femme qui s’est vue refuser la délivrance de seigle ergoté dans un cas d’hémorragie utérine, l’Académie de médecine est de nouveau saisie par le préfet de police de Paris30. Le débat débute par le rapport de Stéphane Tarnier et révèle un désaccord persistant sur l’usage thérapeutique du seigle ergoté et bien plus profond qu’en 1850 sur la marge de manœuvre des sages-femmes. Le rapport occupe quatre séances abordant des thèmes divers : avantages et inconvénients de l’ergot, droit de prescription des sages-femmes, rapport entre droit de prescription et droit aux instruments, niveau de qualification des sages-femmes et définition de leurs attributions31. La critique la plus régulière est que les sages-femmes ne sauraient pas identifier les circonstances qui nécessitent ou qui interdisent l’usage de l’ergot de seigle.
24Connaissances insuffisantes, impatience, incapacité à retenir, routine : le portrait de la sage-femme rappelle de façon troublante celui que dressaient médecins et administrateurs à la veille de la Révolution. Ces arguments ne font toutefois pas l’unanimité, mais ils témoignent une nouvelle fois d’un réel malaise du corps médical vis-à-vis de la profession d’accoucheuse. Il faut dans ce discours faire la part des abus constatés et des critiques proprement misogynes qui dénient indistinctement à ces femmes pourtant diplômées toute capacité d’analyse clinique et de sang-froid. En découlent une opposition entre corps médicaux et une revendication agressive du monopole des médecins sur toute difficulté obstétricale voire sur l’exercice complet de l’art des accouchements.
25Cette affirmation du pré carré médical sur l’obstétrique passe aussi par la contestation des empiètements, réels ou supposés, des sages-femmes sur l’exercice plus général de la médecine. Le refus aux accoucheuses du moindre droit de prescription est même affirmé au cours du débat :
(M. Poggiale) En effet, l’article 32 de la loi de germinal an xi dispose : « Les pharmaciens ne pourront livrer et débiter des préparations médicinales ou drogues quelconques que d’après la prescription qui en sera faite par des docteurs en médecine ou en chirurgie, ou par des officiers de santé et sur leur signature ». Ainsi, d’après cette loi, les sages-femmes ne sont pas autorisées à prescrire des médicaments quels qu’ils soient.32
26L’outrance de cette position heurte néanmoins quelques-uns des médecins présents pour qui le droit de prescription des sages-femmes, s’il mérite d’être redéfini, n’en est pas moins prouvé. Certains, comme Tarnier, le limitent à l’usage de l’ergot de seigle. Le médecin légiste Auguste Ambroise Tardieu, fort d’une connaissance précise des textes législatifs mais aussi de la jurisprudence afférente, développe pour sa part une vision très généreuse des possibilités accordées à la sage-femme :
Je prétends que lorsque la loi autorise le pharmacien à délivrer des médicaments ou des poisons aux seuls médecins, chirurgiens ou officiers de santé, ce dernier terme comprend les sages-femmes. […] En effet, la jurisprudence de la cour suprême en matière criminelle ayant décidé, dans les termes les plus explicites, que, sous la dénomination de médecins et autres officiers de santé, l’article 317 du Code pénal, dans la généralité de sa disposition, comprenait les sages-femmes, il est juste de poursuivre l’assimilation […].33
27L’assimilation sage-femme/officier de santé recoupe une réalité des enseignements et de la pratique34, mais, sensible aux possibles conséquences de son affirmation, Tardieu la retire avant la fin de la discussion. L’élargissement du spectre des produits utilisables par la sage-femme est inacceptable pour la plupart des Académiciens présents, même si Tarnier s’efforce de tempérer les craintes de ses collègues qui imaginent déjà des sages-femmes réclamant de prescrire « d’autres médicaments tels que l’extrait de belladone, l’atropine, le laudanum, etc.35 ». Il reste que sur la question du seigle ergoté, les médecins ont bien conscience de l’impossibilité concrète d’empêcher les sages-femmes de s’en procurer « dans les champs ou dans les granges, et par provisions de plusieurs centaines de grammes36 ».
28La conclusion à laquelle aboutissent les quatre séances de débat reflète ce décalage entre droit et pratique, mais gagne en précision par rapport à 1850. Le rapporteur, Tarnier, a énoncé clairement sa volonté de sortir d’un « modus vivendi […] qui suffirait à l’avenir comme il a suffi dans le passé37 ». « Pour faire cesser [la] contradiction » entre l’autorisation implicite de prescrire du seigle ergoté présente dans la loi de ventôse an xi et la législation sur la pharmacie, l’Académie de médecine prie « le ministre de l’agriculture et du commerce de prendre les mesures nécessaires pour que les pharmaciens soient autorisés à délivrer du seigle ergoté aux sages-femmes sur la présentation d’une prescription signée et datée par elles38 ». Le décret du 23 juin 1873 adopte les préconisations de l’Académie.
29La discussion sur les risques de l’ergot de seigle en 1872, la mise en balance de l’usage de ce produit avec le recours du forceps conduisent à réaffirmer l’interdit sur les instruments, unanimement partagé par les discutants. L’interdiction n’est pourtant pas absolue. Stéphane Tarnier, qui occupe depuis cinq ans le poste de chirurgien en chef de l’Hospice de la Maternité de Paris, est bien placé pour connaître les traditions de cette maison où la sage-femme en chef applique les forceps lorsqu’elle le juge nécessaire39. Au-delà, l’article 33 de la loi de ventôse an xi fait pendant très longtemps l’objet dans les écoles d’accouchement d’une interprétation partielle qui retient la possibilité pour la sage-femme d’user des instruments en « oubliant » l’impératif de la présence d’un médecin.
30L’apprentissage du maniement du forceps est en fait général dans les cours d’accouchement. Tous les inventaires de mobilier le signalent, avec ses différents modèles (forceps pour le détroit supérieur, à manche quadrillé, brisé, modèle Matthieu, de Moreau, de Dubois, de Flamand), mais on rencontre aussi d’autres objets a priori tout aussi interdits aux sages-femmes : levier de Baudelocque, perce-crâne de Smellie, ergotribe, pince à faux-germe de Levret, céphalotribe, perce-membrane de Dubois, ciseaux céphalotomes de Dubois, etc.40. L’habitude de voir forceps et levier entre les mains des sages-femmes est telle qu’au moment même où le débat sur l’emploi du seigle ergoté bat son plein et où les intervenants affirment tous l’interdiction des instruments, l’Académie reçoit
[…] une note sur l’emploi du seigle ergoté par les sages-femmes, proposant d’étendre aux sages-femmes le droit d’application du forceps, du levier et des appareils de tamponnement, par M. le docteur Amédée Paris (d’Angoulême).41
31Ce décalage entre les certitudes de l’Académie de médecine et les pratiques des écoles départementales semble indurer une distinction entre Paris et la province, entre l’abondance du personnel médical de la capitale (qui n’empêche pas les sages-femmes formées à Port-Royal d’user de l’ergot de seigle et des forceps) et les communes où la sage-femme est le seul recours. Il est source d’un certain fatalisme qui vaut pour les instruments comme il vaut pour l’utilisation du seigle ergoté.
L’usure du système napoléonien
La loi du 30 novembre 1892
32La réforme de la médecine attendue depuis plus d’un demi-siècle, tant de fois initiée, aboutit finalement en 1892. Elle a été confrontée, depuis les débuts de la Troisième République, à une multiplicité de questions qui ont encore ralenti le travail législatif : liberté de l’enseignement médical, création de nouvelles facultés, etc. Les commissions se succèdent et l’instabilité ministérielle de la seconde moitié des années 1880 n’aide pas à l’avancée de la réforme. En mars et avril 1892 encore, le texte provoque de très longues discussions au Sénat, avant de subir trois navettes entre les deux chambres, pour finalement être promulgué le 30 novembre suivant42. La loi est relativement courte (36 articles). Elle comporte six titres qui règlementent les conditions d’exercice des professions médicales (médecin, chirurgien-dentiste et sage-femme) (titres I à IV), la définition et la répression de l’exercice illégal (titre V) et les dispositions transitoires nécessaires à l’application de la loi (titre VI)43.
33Le texte du 30 novembre 1892 prend acte de quatre-vingt-dix ans d’évolution de la médecine et de son exercice. Il rejette une organisation du personnel médical héritée des lendemains de la Révolution. En 1803, la loi de ventôse initie, avec le duo docteur en médecine/officier de santé, la simplification d’un corps médical foisonnant, formé sous l’Ancien Régime et toujours en exercice pendant les premières décennies du xixe siècle44. La loi de 1892 marque une seconde étape de cette simplification avec la suppression de l’officiat de santé (art. 1) et avec celle du doctorat en chirurgie (art. 8)45. Elle renonce cependant à l’unification des deux classes de sages-femmes (art. 3) : « Les sages-femmes de première et de deuxième classe continueront à exercer leur profession dans les conditions antérieures46 ».
34À la différence de ce qui s’est passé pour les officiers de santé, il n’y a pas eu de véritable campagne pour la suppression de la deuxième classe de sages-femmes. Quelques voix ont bien sûr dénoncé le manque de connaissances de ces praticiennes mais les critiques ne font pas toujours la distinction entre les deux ordres. L’unification de la profession vient néanmoins en débat pendant les échanges entre la Chambre des Députés et le Sénat :
La question s’est agitée de savoir, s’il n’y avait pas lieu, pour les sages-femmes, comme pour les médecins, d’établir l’unité de grade. La commission de la chambre des députés avait supprimé les sages-femmes de deuxième classe (rapport Chevandier, p. 349) ; mais leur maintien fut voté par la chambre et par le sénat. Il fut reconnu en effet, que les sages-femmes de deuxième classe étaient beaucoup plus nombreuses que les sages-femmes de première classe, et qu’elles se fixaient de préférence dans les petites villes et les campagnes. Elles répondent ainsi au but pour lequel elles ont été créées.47
35C’est donc la limitation géographique du champ d’exercice des sages-femmes de deuxième classe qui emporte la décision. L’attachement à l’ancrage départemental, même si l’obligation de résidence pour les boursières est finalement rejetée par le Sénat comme « contraire à la liberté individuelle48 », reflète le poids des administrations départementales dans la formation des sages-femmes. Le département est l’échelon majeur de l’enseignement obstétrical, et supprimer les sages-femmes de deuxième classe signifie supprimer les établissements qui les forment, c’est-à-dire tout le réseau des écoles départementales d’accouchement, fierté des conseils généraux qui les financent. Or, les voix des conseillers généraux comptent dans ce processus législatif et ils se sont montrés soucieux de conserver tant leurs sages-femmes de bourgs et de campagne que leurs cours d’accouchement. La loi reste d’ailleurs évasive au sujet des établissements de formation et renvoie cette partie de la réforme à un arrêté « pris après avis du conseil supérieur de l’Instruction publique49 ».
36Mais l’enjeu n’est pas qu’institutionnel. Maintenir des accoucheuses en milieu rural répond au souci de ne pas affaiblir ni déséquilibrer l’encadrement obstétrical du territoire. La crainte d’un afflux des sages-femmes vers les grandes villes ou vers les départements les plus riches est un frein puissant à l’unification de la profession et rejoint l’argumentation ancienne selon laquelle une sage-femme de première classe est toujours tentée de choisir la résidence qui lui apportera la meilleure clientèle tandis qu’une sage-femme de deuxième classe reste dans le département pour lequel elle a été reçue, surtout depuis l’instauration de frais d’examen en 1854.
37Or, la défaite de 1870 a réveillé les hantises de la dépopulation. L’État veut compenser la perte des territoires alsaciens-lorrains annexés et voit dans le recul des naissances (pratiques contraceptives et abortives) et le maintien d’une mortinatalité et mortalité infantile élevées, un danger vis-à-vis du voisin allemand.
38Pendant les deux premières décennies de la Troisième République, les accoucheuses sont en première ligne des dénonciations d’avortement, tandis que procès et comparutions de sages-femmes se multiplient50. L’évolution des méthodes abortives n’est pas pour rien dans cette implication apparemment accrue des accoucheuses dans la pratique des avortements. Munies d’une trousse contenant seringue, canule et speculum, elles ont à leur disposition tout le matériel nécessaire pour provoquer un avortement. Formées en botanique, les sages-femmes connaissent les effets de certaines plantes. Elles savent et peuvent prescrire officiellement depuis 1873 l’ergot de seigle dont l’utilisation à cette fin est régulière.
39Revoir les limites légales de la profession de sage-femme constitue donc une réponse positive au déchaînement des accusations dont ce métier fait l’objet. L’article 4 de la loi du 30 novembre 1892 décrit les bornes désormais posées à l’activité des accoucheuses :
Il est interdit aux sages-femmes d’employer des instruments. Dans les cas d’accouchements laborieux, elles feront appeler un docteur en médecine ou un officier de santé. Il leur est également interdit de prescrire des médicaments, sauf le cas prévu par le décret du 23 juin 1873 et par les décrets qui pourraient être rendus dans les mêmes conditions, après avis de l’Académie de médecine. Les sages-femmes sont autorisées à pratiquer les vaccinations et les revaccinations antivarioliques.51
40La question des instruments est tranchée par la négative. La méconnaissance de leur usage par les médecins, l’insuffisance numérique et la mauvaise répartition du personnel médical qui justifient depuis 1803 une certaine tolérance sur cette question ne sont plus considérées comme des motifs valables. La volonté de dissocier clairement intervention manuelle et recours aux instruments pour en faire deux espaces de compétences distincts est en revanche bien présente.
41La définition du droit de prescription s’inscrit dans une même logique. La loi dénie ce droit aux sages-femmes, mais confirme les exceptions concernant l’ergot de seigle et implicitement le sublimé corrosif à usage antiseptique. L’objectif est de faire entrer dans le champ de l’exceptionnel tout ce qui ne relève pas de l’obstétrique physiologique, de manière à mettre sous le contrôle de l’Académie de médecine tout élargissement futur des attributions de la sage-femme. La précision sur l’autorisation de pratiquer la vaccination antivariolique, qui fait pourtant partie intégrante de la mission sanitaire des sages-femmes depuis le début du siècle, confirme bien cette démarche. N’est plus permis à compter de la loi de 1892 que ce qui est clairement exprimé.
42Le corollaire à cette délimitation des compétences de l’accoucheuse est la mise en place d’un vaste arsenal répressif contre l’exercice illégal de la médecine. La lutte contre le charlatanisme, contre les empiétements constants par les religieuses ou par d’autres membres du corps médical sur les attributions des docteurs en médecine ou des pharmaciens est l’un des buts les plus importants de la loi du 30 novembre 189252. Cette lutte passe par la surveillance stricte du personnel médical et de son mouvement. L’article 9 impose aux médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes de se faire enregistrer dans le département où ils s’installent ; l’obligation est réitérée en cas de changement de résidence ou en cas de cessation de l’exercice professionnel supérieure à deux ans. Associée à la constitution annuelle de listes départementales du personnel médical (art. 10), cette préconisation assure une connaissance plus fine des soignants en exercice dans les communes, en particulier à la campagne. Elle permet de réduire dans ces zones le nombre de guérisseurs se vantant d’être diplômés ; en ville où la population médicale est, à l’image de la population urbaine, plus nombreuse et plus mobile, son impact est moins fort53.
43Le titre V, le plus long de la loi (12 articles), est consacré à la répression de l’exercice illégal. Nouveauté complète, les sages-femmes sont désignées comme la catégorie du personnel médical la plus susceptible d’outrepasser ses fonctions. Le législateur définit ensuite les moyens de réprimer des pratiques qui ne donnaient auparavant que très rarement lieu à inculpation. L’article 17 attribue ainsi les cas aux juridictions correctionnelles et accorde aux membres du corps médical (individuellement ou collectivement) la possibilité d’en appeler directement à la justice dans les cas de non-respect des termes de la loi54. Les articles suivants (18, 19 et 22) fixent les peines prévues dans les différents cas d’exercice illégal ou de transgression des règles édictées par les titres précédents (usurpation de titre, non enregistrement de diplôme) :
Art. 18 : […] L’exercice illégal de l’art des accouchements est puni d’une amende de 50 à 100 francs et, en cas de récidive, d’une amende de 100 à 500 francs et d’un emprisonnement de six jours à un mois, ou de l’une de ces deux peines seulement.
Art. 19. […] L’usurpation du titre de sage-femme sera punie d’une amende de 100 à 500 francs et, en cas de récidive, d’une amende de 500 à 1 000 francs et d’un emprisonnement de un à deux mois, ou de l’une de ces deux peines seulement. […]
Art. 22. Quiconque exerce la médecine, l’art dentaire ou l’art des accouchements sans avoir fait enregistrer son diplôme dans les délais et conditions fixés à l’article 9 de la présente loi, est puni d’une amende de 25 à 100 francs.55
44La loi de 1892 sépare clairement le délit d’exercice illégal du délit d’usurpation de titre et punit le second plus durement que le premier. Si les sages-femmes risquent désormais à empiéter sur l’espace des médecins de lourdes amendes voire un emprisonnement, le texte du 30 novembre 1892 accorde à leur profession une réelle protection législative. En 1803, l’exercice illégal de l’art des accouchements était seul réprimé, théoriquement par une amende de 100 francs, dans les faits par des sommes très largement inférieures (art. 36). De plus, à la différence des médecins et des officiers de santé, la sage-femme était le seul membre du personnel médical pour qui l’usurpation de titre ne constituait pas explicitement un délit. Quatre-vingt-dix ans plus tard, l’amende pour exercice illégal de l’art des accouchements ne peut être inférieure à 50 francs en première condamnation et la récidive peut justifier une peine de prison. L’usurpation du titre de sage-femme est punie des mêmes types de peines que celle du titre de médecin et de chirurgien-dentiste. La sévérité de ces articles par rapport au régime en vigueur depuis le début du siècle est révélatrice de la place désormais occupée par les accoucheuses diplômées dans l’encadrement obstétrical du pays. Les matrones existent toujours, difficiles à quantifier car leur activité n’est plus aussi visible ni aussi fréquente que pendant les premières décennies du xixe siècle, mais incapables dorénavant de concurrencer pleinement les sages-femmes en titre56. Cette sévérité témoigne aussi d’une volonté politique et médicale de sauvegarder le métier de sage-femme. La loi de 1892 confirme sa légitimité en le comptant au nombre des trois professions médicales, et en lui confiant, à l’égal des médecins, une mission de surveillance épidémique (art. 15)57. Elle le protège des accoucheuses illégales en sanctuarisant sa pratique et son appellation. Elle lui accorde un moyen de défense professionnelle en lui reconnaissant le droit de se syndiquer (art. 13)58. Elle le spécialise enfin en réduisant son champ d’exercice mais en prévoyant le renforcement des études qui y conduisent.
Les décrets d’application et la mise en œuvre de la réforme
45Après le vote de novembre 1892, plusieurs décrets suivis de circulaires ministérielles développent la lettre de la loi entre 1893 et 1896. Ils portent sur le régime des études en fonction de la classe à laquelle aspire l’élève sage-femme, sur les prérequis imposés pour l’accès à ces études (diplômes, âge), les possibilités de passage entre la première et la deuxième classe ainsi que les évolutions institutionnelles générées par la modification des cursus obligatoires.
Date | Intitulé |
1893, 25 juillet | Décret relatif aux conditions d’études exigées des aspirantes aux diplômes de sage-femme. |
1893, 31 décembre | Décret relatif aux aspirantes aux diplômes de sage-femme de 1re classe et de pharmacien de 2e classe. |
1893, 31 décembre | Décret relatif aux aspirantes au diplôme de sage-femme de 1re classe élèves des maternités de Lyon et de Nancy. |
1894, 14 février | Décret relatif aux conditions d’âge et aux droits à percevoir des aspirantes aux diplômes de sage-femme. |
1894, 10 juillet | Circulaire relative aux élèves sages-femmes [organisation des examens et dispositions temporaires]. |
1894, 15 novembre | Circulaire relative à la limite d’âge imposée aux aspirantes élèves sages-femmes. |
1895, 2 mars | Circulaire concernant les sages-femmes de 2e classe aspirant au diplôme de 1re classe (régime de 1895). |
1896, 18 janvier | Décret relatif à l’inspection de l’enseignement donné dans les maternités. |
1896, 10 juillet | Circulaire relative aux brevet et certificats que doivent produire les aspirantes aux diplômes de sage-femme. |
1896, 25 juillet | Décret relatif aux élèves sages-femmes qui font leurs études dans la Maternité de Bordeaux. |
1896, 11 novembre | Circulaire concernant les aspirantes au diplôme de sage-femme de 1re classe. |
46En juillet 1893, le docteur Louis Lortet présente au Conseil supérieur de l’Instruction publique un projet de décret sur les études des aspirantes sages-femmes qui a déjà reçu l’aval de la commission préparatoire. Le principe adopté par Lortet puis par le Conseil supérieur de l’Instruction publique est celui d’une uniformisation des études. La durée, le lieu et le mode de contrôle de la formation sont définis pour l’ensemble de la France et de manière homogène pour chacune des classes de sages-femmes. Le programme de l’enseignement découle de celui des examens prévus au cours de la scolarité. Les articles 1 à 5 alignent l’instruction réformée des sages-femmes sur les cursus les plus exigeants : deux années d’études théoriques et pratiques, sanctionnées par un examen à chaque fin d’année (anatomie, physiologie et pathologie élémentaires ; théorie et pratique des accouchements). La préparation du diplôme de 2e classe peut se faire dans une faculté, une école de médecine (préparatoire ou de plein exercice) ou une maternité ; celle du diplôme de 1re classe impose que la deuxième année soit effectuée dans une faculté ou une école de médecine de plein exercice. Les examens se passent devant ces deux types d’établissements pour la 1re classe ainsi que devant les écoles préparatoires de médecine pour la 2e59.
47Le décret met sur le même plan de durée les deux classes de sages-femmes, puisque seul change l’établissement dans lequel elles sont formées. Le maintien de la deuxième classe, avec sa restriction géographique, ne justifie pas, aux yeux du rapporteur, que son instruction soit négligée60. Le but est, par cet alignement des cursus, de préparer à moyen ou long terme l’unification du corps.
48On retrouve sous la plume de Lortet une préoccupation déjà présente en 1854 : accroître la somme des droits de réception pour établir une barrière minimale à l’entrée de la profession. Le décret du 14 février 1894 répond à ce vœu61. Les droits de réception des sages-femmes de première classe restent fixés à leur niveau de 1854, 130 francs, tandis que ceux des sages-femmes de deuxième connaissent une hausse considérable : de 25 à 80 francs. Cet augmentation est une tentative de modifier le terreau social du recrutement et de combler en partie l’écart entre les deux classes, en reconnaissance du rapprochement des cursus.
49Les attentes en matière d’instruction primaire à l’admission sont revues et augmentées : brevet de capacité de l’enseignement primaire pour les aspirantes à la première classe, certificat de l’examen établi par décret du 1er août 1879 pour les aspirantes à la deuxième classe (art. 7)62. Prenant acte du développement de l’enseignement secondaire féminin, le décret du 31 décembre 1893 accepte que les élèves admises à la préparation du diplôme de première classe présentent le certificat d’études secondaires instauré par le décret du 14 janvier 1882 au même titre que le brevet de capacité de l’enseignement primaire63. La nécessaire élévation du niveau scolaire des futures sages-femmes explique la mise en place de dispositions transitoires. Les aspirantes à la deuxième classe ont dès la rentrée 1893 l’obligation de présenter le certificat lié à l’examen de 1879. Une période transitoire est fixée pour les jeunes femmes qui préparent le diplôme de première classe et qui ne disposeraient pas d’ores et déjà du brevet de capacité de l’enseignement primaire. Celui-ci ne devient impératif qu’à partir de la rentrée 1896 et le certificat de l’examen d’août 1879 peut y suppléer entre temps (art. 9)64. Cette même tolérance s’applique aux sages-femmes de deuxième classe qui souhaitent passer le diplôme de première classe, à condition qu’elles aient subi l’examen de fin de première année d’études et qu’elles aient suivi la deuxième année propre à la formation de première classe, ainsi que le précise la circulaire du 10 juillet 189465. En rapport avec l’élévation du niveau d’instruction primaire et/ou secondaire des postulantes et pour faire coïncider l’obtention du diplôme avec la majorité, l’âge minimal d’admission est fixé par le décret du 14 février 1894 à 19 ans66.
50Le passage de la deuxième vers la première classe est donc non seulement possible mais de plus en plus fréquemment souhaité par les meilleures élèves des établissements formant à la deuxième classe. Avant 1893, il suffisait pour prétendre à la première classe de se présenter aux examens devant un jury de Faculté et de payer les frais exigés67. Après cette date, les conditions nouvelles de passage d’une classe à l’autre, qui imposent la poursuite d’une scolarité pour les femmes déjà diplômées ou sa reprise pour les sages-femmes en exercice, soulignent la priorité accordée à l’instruction universitaire sur l’expérience professionnelle et l’auto-formation. Elles reflètent aussi la nouvelle orientation institutionnelle donnée à l’organisation des études, qui place beaucoup plus clairement les établissements d’enseignement supérieur au cœur du système. Car la réforme de 1893 est aussi, voire surtout, une réforme des lieux d’enseignement. Le tissu de l’enseignement supérieur médical s’est considérablement enrichi depuis 1803 et compte en plus des trois facultés de médecine (Paris, Montpellier, Nancy depuis 1872), quatre facultés mixtes de médecine et de pharmacie sur le territoire métropolitain (Bordeaux, Lille, Lyon et Toulouse), deux écoles de médecine et de pharmacie de plein exercice (Marseille et Nantes), et treize écoles préparatoires de médecine et de pharmacie68. Le décret du 25 juillet 1893 répartit la formation entre ces différents niveaux d’établissements. Les sages-femmes de deuxième classe peuvent être instruites indistinctement dans une faculté, une école de plein exercice, une école préparatoire ou une maternité. Il en est de même pour les sages-femmes de première classe pendant leur première année d’études, mais ces dernières doivent impérativement rejoindre une Faculté ou une école de plein exercice pour la seconde année.
51Le vocable de maternité désigne les cours départementaux et municipaux d’accouchement, ravalés du même coup au dernier rang des établissements d’enseignement, et seulement justifiés par la formation pratique qu’ils permettent d’acquérir. Très critiquées à cause du caractère inégal de l’instruction qui y est dispensée et de la taille parfois très réduite des maternités, les écoles départementales sont cependant maintenues. Le décret les place dans une position subalterne et multiplie en théorie les institutions concurrentes, alors qu’il n’existait auparavant qu’assez peu de formations à destination des sages-femmes dans les écoles préparatoires de médecine (Caen, Lille à partir de 1853).
52Pourtant, ces établissements résistent bien et il subsiste près de 36 écoles d’accouchement rattachées à des maternités en 1900 en France (carte 8)69. Cette persistance des cours d’accouchement s’explique par plusieurs facteurs. Dans les villes où un cours coexiste avec une école de médecine (préparatoire ou de plein exercice), le professeur du cours est en général le titulaire de la chaire d’obstétrique de l’école. Supprimer le cours pour le rattacher directement à l’école de médecine reviendrait à se priver des avantages de l’internat et à éloigner les élèves des lieux de leur formation pratique. De plus, nombre de ces établissements repose sur un principe de subvention départementale (pour les élèves ou le fonctionnement complet de l’école), principe qui soulage d’autant les finances de l’État et permet le maintien d’une politique sociale d’aide aux études obstétricales. Le décret du 25 juillet 1893 n’aboutit donc qu’exceptionnellement à la fermeture d’un de ces établissements, la politique du ministère de l’Instruction publique associant contrôle rigoureux de l’adéquation des maternités aux nécessités de l’enseignement et encouragements à la mise aux normes des établissements mal équipés.
53Les inspections commencent dès le printemps et l’été 1895 et sont effectuées par les professeurs d’obstétrique exerçant dans la faculté la plus proche : le docteur Morache de la faculté de Bordeaux à Tulle, le docteur Crouzat de Toulouse à Pamiers, etc.70. Le décret du 18 janvier 1896 fixe a posteriori le cadre de ces visites.
54Les conclusions présentées par les professeurs-inspecteurs s’attardent surtout sur les lacunes des établissements et insistent souvent sur le mauvais état matériel des bâtiments :
Des réparations urgentes s’imposent à la maternité de Pamiers. Il y aurait lieu de remplacer le pavé au premier étage ; de refaire les waterclosets, de changer les lits qui sont en bois de tous les styles et de toutes les époques, de supprimer les paillasses des lits des accouchées en y substituant des sommiers.
L’enseignement pratique est insuffisant ; le nombre des accouchements n’est que de dix en 1894 et il paraît difficile de maintenir une école d’accouchements auprès d’un établissement où les entrées sont si peu fréquentes.
Matériel insuffisant. Pas de bibliothèque.71
55Le maintien ou la fermeture de ces institutions reposent donc sur la capacité des établissements à pallier rapidement les manques signalés lors des inspections. Le ministère de l’Instruction se réserve en dernier ressort de décider de l’avenir des écoles.
56Le caractère souverain du choix ministériel ne doit pas faire perdre de vue qu’il est toujours le résultat d’une négociation : entre le ministère et les conseils généraux, mais aussi dans bien des villes entre les conseils généraux et les commissions des hospices. La position de principe du ministère vise d’ailleurs à conserver autant que possible les institutions en place. C’est le cas en Corrèze où l’avenir de l’école est discuté lors de la session d’août 1895 du conseil général. À la suite de l’inspection officielle, une commission départementale a été nommée pour juger de la possibilité d’adapter l’institution aux nouvelles exigences de la formation. Ses conclusions sont peu favorables : les sommes à débourser pour moderniser l’établissement (réparations et modifications dans la maison, achat de matériel, etc.) sont très importantes ; s’y ajoutent la nécessité de revoir l’organisation des cours qui duraient jusque-là trois ans, l’habitude des élèves corréziennes de postuler avec succès au diplôme de première classe et la perspective du déséquilibre produit dans le service de la maternité par leur départ à l’issue de la première (ou deuxième) année d’études. Ces différentes raisons convainquent l’assemblée départementale de supprimer l’école et de persister dans cette décision malgré les interventions réitérées du ministre de l’Intérieur pour obtenir le maintien de l’établissement72.
57L’exemple corrézien est cependant loin d’être représentatif. Les cours qui réussissent à perdurer jusqu’aux années 1880-1890 passent en général sans difficulté le cap de la réforme de 1893, et l’attachement à la structure locale justifie la plupart du temps de multiplier les efforts pour la conserver. À Pamiers dans l’Ariège, le préfet ne se saisit sérieusement de la question qu’en 1897 pour la soumettre au conseil général. La date limite du 1er novembre 1896 imposée par le ministre de l’Instruction publique pour avoir effectué tous les changements demandés à l’issue de l’inspection, déjà largement dépassée, justifie cette interpellation. Au cours des mois précédents, le préfet a œuvré pour maintenir le cours. Il a convaincu la commission des hospices de procéder à une amélioration des locaux, promise en décembre 1896 mais encore non réalisée. Les lacunes dans le matériel d’enseignement ont été inopinément comblées par le décès du professeur et le legs de sa bibliothèque et de ses instruments au cours. Le ministre donne son aval le 24 février 1897 sous réserve de « l’exécution des travaux de réparation projetés73 ».
58Comme en Corrèze, une commission est nommée par le conseil général pour examiner le sort à réserver au cours d’accouchement. Son rapport, confirmé par le vote de l’assemblée départementale, « conclut au maintien du cours à Pamiers74 ». Deux années sont encore néanmoins nécessaires pour que les hospices entament enfin les travaux demandés, et que la maternité soit en mai 1899 officiellement « autorisée par M. le ministre de l’Instruction publique à bénéficier des prérogatives concédées à ces établissements par le décret du 25 juillet 189375 ». Dans l’intervalle, les cours n’ont pourtant jamais cessé de fonctionner.
59Dans de nombreux départements, lorsque les inspections ne signalent pas trop de défauts à corriger, l’adaptation à la loi se fait sans soulever le moindre débat. À Mâcon en 1894, le préfet présente aux conseillers généraux pendant la session du mois d’août son projet d’augmentation du budget de l’école d’accouchement en le fondant sur les observations et les propositions du directeur, le docteur Jacquelot :
Il en résulte que nos élèves qui, sous l’empire de l’ancienne législation, ne restaient que cinq mois au cours chaque année, seront obligées d’accomplir la durée normale de l’année scolaire soit, en déduisant les vacances du premier de l’an et de Pâques, environ huit mois. De là, en comptant huit élèves, car deux restaient antérieurement pour l’infirmerie, un minimum de 720 journées pour trois mois, soit […] une augmentation de dépense de 1 152 francs. D’autre part, le personnel enseignant composé du directeur et de deux maîtresses sages-femmes sont astreints à augmenter leurs cours suivant les nouveaux programmes et à en étendre la durée de 5 à 8 mois. J’ai pensé qu’il convenait de tenir compte de ce surcroît de travail, […] soit de ce chef une augmentation de 1 100 francs.76
60Le conseil général vote ce budget sans discussion77. Le bilan de la mise en place du décret de juillet 1893 confirme bien cette déclaration du rapporteur ariégeois en 1897 : « il importe de remarquer que le gouvernement, s’inspirant des intentions du législateur, n’a pas l’intention de supprimer les maternités ». Le but du ministère de l’Instruction est en effet de s’appuyer sur le réseau d’institutions d’enseignement existantes, de l’uniformiser et de renforcer ses liens avec les établissements d’enseignement médical, en le soumettant au besoin à une possible concurrence. Ce souci repose sur la volonté affirmée et désormais mise en pratique d’élargir et d’approfondir le contenu de la formation des sages-femmes.
61La décision de placer la seconde année d’études des aspirantes à la première classe dans le cadre universitaire relève du même projet. Elle fait des facultés de médecine et des écoles de plein exercice le sommet du système de formation des sages-femmes dans la continuité de la loi de ventôse an xi. Des trois écoles de médecine de 1803, seule celle de Paris organise réellement un enseignement pour ses sages-femmes, Strasbourg et Montpellier se contentant d’examiner les élèves formées dans des maternités qui ne dépendent pas directement des deux facultés. Dans la seconde moitié du xixe siècle, la fondation de facultés mixtes de médecine et de pharmacie à Lille, Bordeaux ou Lyon entraîne la mise en place de cours spécifiquement destinés aux accoucheuses dans ces établissements. En 1882, deux arrêtés mettent successivement en place à la faculté de Bordeaux (22 mai) et à celle de Lyon (1er août) un enseignement spécial pour les élèves sages-femmes78. Ils préfigurent le décret du 25 juillet 1893 : la durée de l’enseignement est fixée à deux ans. Les élèves doivent présenter au moment de leur inscription le certificat obtenu à la suite de l’examen instauré par l’arrêté du 1er août 1879. La formation conduit aux deux classes de sages-femmes mais les élèves qui ont choisi de ne préparer que la deuxième classe doivent suivre une année de cours supplémentaire pour passer les examens de première classe, à l’instar des sages-femmes déjà diplômées de deuxième classe qui aspirent au diplôme supérieur.
62L’émergence de ces enseignements universitaires repose cependant sur une demande locale et sur la personnalité des professeurs d’obstétrique. Leur présence à Bordeaux et à Lyon, deux villes à forte tradition de formation en maternité, relève d’une stratégie d’affirmation de la Faculté vis-à-vis des structures plus anciennes d’enseignement obstétrical. Car si les plus petites institutions de ce type sont suspendues au bon vouloir de leurs autorités de tutelle et du ministre de l’Instruction publique, les plus importantes en termes numériques et d’ancienneté (Paris, Nancy, Lyon, Bordeaux) se retrouvent rapidement en position, non pas d’être concurrencées, mais de concurrencer les facultés qui les jouxtent.
63L’Hospice de la Maternité obtient dès la rédaction du décret de 1893 un statut exceptionnel qui lui conserve sa capacité à former en deux ans des sages-femmes de première classe (art. 9)79. Le règlement est toutefois réformé à cette occasion par l’arrêté du 20 juillet 1895. L’examen d’entrée se rapproche des attentes du brevet élémentaire80 et le programme des études est complété de notions de chimie « portant principalement sur les antiseptiques utilisés en accouchement » mais aussi de physique et d’urologie pour permettre le dépistage de l’albuminurie en cas de suspicion d’éclampsie81. Aucun examen de fin de première année n’est toutefois mis en place, seules les élèves « les plus mal notées [étant] soumises à un examen dit de passage, au seuil de la deuxième année82 ».
64Dès le mois de décembre suivant, un décret étend l’exception parisienne aux maternités de Nancy et de Lyon en reconnaissance de la qualité de l’instruction qui y est délivrée83. Le dernier établissement à bénéficier de cette prérogative est la maternité de Bordeaux, mais l’exception est ici le résultat de mois de négociations menées entre le conseil général de la Gironde et le ministère par l’intermédiaire du préfet. En 1895, les risques inhérents à la réforme pour l’école départementale d’accouchement qui forme essentiellement des sages-femmes de première classe sont évoqués en session du conseil général. Le débat tourne rapidement à l’aigre entre le président de la commission de surveillance de l’école et la commission d’administration théoriquement en charge de l’étude du dossier. Il s’avère, par-delà les inimitiés personnelles qui traversent le conseil général, que l’affaire est à cette date plutôt mal engagée selon les informations rapportées par le préfet : « […] à la date du 30 juin, M. le ministre m’a fait connaître que les conditions dans lesquelles l’enseignement était donné à l’école ne permettraient pas de la faire bénéficier du régime de faveur sollicité84 ».
65Le débat qui s’ensuit fait ressortir la rivalité entre l’école d’accouchement et la faculté de médecine. Certains conseillers se plaignent du comportement des jurys de la faculté qui ont écarté les élèves sages-femmes de l’école-maternité en leur attribuant une note éliminatoire sur un programme qu’elles n’avaient pas eu l’occasion d’étudier. D’autres dénoncent plus directement encore une volonté de détournement des élèves de la maternité vers l’université :
(M. Clouzet) […] Nous sommes en présence d’une prétention des professeurs de la Faculté qui veulent la suppression de notre école d’accouchement pour avoir nos élèves. Le département doit tenir avec la plus grande énergie au maintien de cette école. […] Ce que nous devons faire, c’est défendre notre œuvre qui remonte à un grand nombre d’années, qui a rendu des services considérables, dans tous les départements du sud-ouest. Il serait véritablement déplorable que, pour un caprice de messieurs de la Faculté, notre école dût être supprimée par une mesure arbitraire du ministre.85
66La discussion se termine sur une délibération un brin grandiloquente :
Invoquant son passé que des succès éclatants ont marqué, et se réclamant de la supériorité constante de ses élèves sur les étudiantes libres de la Faculté, l’école départementale d’accouchement de la Gironde semble pouvoir prétendre que son enseignement est aussi complet que possible et le conseil général paraît à votre commission d’administration devoir s’associer à M. le préfet pour réclamer énergiquement que l’administration supérieure accorde à la maternité de Pellegrin le traitement de faveur dont bénéficient déjà les maternités de Paris, Lyon et Nancy.86
67Le plaidoyer du conseil général et les négociations serrées menées par le préfet touchent finalement au but et permettent à la maternité de Bordeaux de continuer à former elle-même ses élèves sages-femmes aspirant à la première classe. L’exception est confirmée par un décret ministériel en date du 25 juillet 1896, après un rapport du docteur Albert Pitres, pourtant doyen à cette date de la faculté de médecine de Bordeaux87.
Le désir permanent de réforme
68Le 22 juillet 1897, F. de Ribier consacre à la condition des sages-femmes la thèse pour le doctorat en médecine qu’il présente devant la Faculté de médecine de Paris sous le titre, Les sages-femmes en France, ce qu’elles ont été, ce qu’elles sont, ce qu’elles pourraient être : essai historique et critique. Cette étude pose le bilan cumulé d’un siècle de formation et d’exercice de la profession, mêlant l’approche historique à la constatation des manques contemporains. Elle affirme l’insuffisance de la loi du 30 novembre 189288 et lui propose une réponse partagée par l’ensemble du monde médical, des sages-femmes elles-mêmes aux obstétriciens :
Le remède, le voici : élever plus haut, très haut le niveau des études des sages-femmes, non pas seulement le niveau des études techniques, mais encore celui des études premières. […] Que l’on exige le brevet supérieur ou le baccalauréat de l’enseignement moderne, et l’on verra bien vite quel avantage en résultera. […] Que ne porte-t-on à trois ans, la durée des études au lieu de deux années ? Les élèves sages-femmes seraient alors astreintes à des études plus approfondies de l’anatomie de la femme et de l’obstétrique, en même temps que de la pathologie de la grossesse.89
69Les propositions de F. de Ribier expriment une attente nouvelle qu’ont permise le vote de la loi de 1892 et la publication de ses décrets d’application. Quelques mois plus tard, la « ligue de protection des accoucheuses de France » dépose d’ailleurs au parlement une pétition concernant le droit à l’utilisation du forceps dont le second point demande « l’augmentation de durée des études professionnelles qui seraient portées de deux à trois ans, dans le but d’élever le niveau scientifique de la corporation90 ».
70Le signal d’une rénovation des études obstétricales est lancé et la faculté de Paris est l’une des premières à revoir l’organisation en 1898 de son cursus destiné aux sages-femmes. Avant cette date, l’enseignement était calqué sur celui des étudiants en médecine et se déroulait pendant le semestre d’été avec un stage de 43 jours et nuits à la clinique d’accouchement de la Faculté, rue d’Assas. Le nombre réduit de naissances dans cet établissement (600 par an) et la restriction aux gardes de nuit de l’accès des élèves sages-femmes aux parturientes sont autant d’obstacles à une formation clinique suffisante91. Après 1893, le doyen de la Faculté demande à l’Assistance publique l’ouverture d’une clinique obstétricale propre aux sages-femmes qui lui est accordée en 1898. Celle-ci prend alors place à l’hôpital Beaujon dans le service du professeur Ribemont-Dessaignes92, déjà titulaire du cours théorique. Cet enseignement est officiellement transformé en « chaire obstétricale en faveur des élèves sages-femmes » en 1908.
71La proposition d’allonger la scolarité des sages-femmes est reprise en 1906 par Félicité Henry, ancienne sage-femme en chef de l’Hospice de la Maternité de Paris : « La troisième année serait consacrée à l’étude théorique et clinique du diagnostic des maladies syphilitiques et tuberculeuses chez la mère et l’enfant et de la prophylaxie de ces deux maladies. De plus, les élèves suivraient des cours théoriques et cliniques sur le forceps93. » Le souci que les élèves soient instruites du maniement du forceps est toujours présent, tandis que le premier argument, moins polémique, vise avant tout à répondre à l’obligation de veille épidémique établie par l’article 15 de la loi de 1892 et confirmée par la loi relative à la protection de la santé publique du 15 février 1902.
72Au cours des années suivantes, les voix continuent de s’élever, réclamant a minima l’application stricte de la règlementation des années 1890 et plus généralement la refonte de l’enseignement en vue d’une unification des deux classes de sages-femmes par le haut. En 1908, le statut dérogatoire de l’Hospice de la Maternité de Paris est aboli par le décret présidentiel du 23 décembre, sans que cela n’occasionne de grands bouleversements puisque les modalités d’admission avaient déjà été réformées en 1895 (examen pour les candidates n’ayant pas le brevet élémentaire)94. Les élèves sont désormais soumises à l’examen en fin de première année. Cet aménagement mineur se double cependant d’une réflexion sur le contenu des enseignements confiée au Comité de perfectionnement de la Maternité et mise en œuvre à la rentrée 1910. Un cours spécifique d’anatomie et de physiologie est créé pour les élèves de première année ainsi qu’un cours de clinique obstétricale et de puériculture pour les deux années ; l’enseignement d’hygiène privée, publique et sociale est réparti entre le cours du médecin et celui du pharmacien ; les conférences des internes sont consacrées à la pathologie élémentaire, la petite chirurgie et aux répétitions d’anatomie tandis que le cours à l’amphithéâtre d’anatomie de Clamart est supprimé tout comme celui du chef de laboratoire qui redistribue ses interventions dans les cours d’anatomie, de pathologie et d’hygiène95. Les évolutions respectives des deux phares de l’enseignement obstétrical français (Hospice de la Maternité et Faculté de médecine de Paris) ouvrent la voie au chantier majeur de la décennie 1910 : l’unification de la profession par la suppression de la deuxième classe.
Le bilan d’un siècle de formation obstétricale
Combien de sages-femmes ?
73Compter les sages-femmes formées au cours du xixe siècle est un exercice périlleux96. Les sources statistiques existent mais elles sont très variées et diffèrent entre la première et la seconde moitié du siècle. De plus, l’existence de deux catégories d’accoucheuses brouille un peu plus les calculs du nombre total de sages-femmes instruites au xixe siècle. Les années 1800-1875 sont marquées par un éparpillement extrême des sources, avant que la série des Annuaires statistiques de la France récapitule pour la période 1875-1900 les données annuelles du personnel médical diplômé.
74Les sages-femmes de première classe sont les plus aisément comptabilisables, car elles sont reçues dans des établissements dont le fonctionnement est sous la tutelle directe du ministère de l’Intérieur puis de l’Instruction publique. Les bureaux de ce dernier ministère publient en 1864, à partir des archives des trois facultés de médecine, l’État numérique des docteurs en médecine, docteurs en chirurgie, officiers de santé, sages-femmes de 1re classe, sages-femmes de 2e classe, etc. reçus entre 1794 et 1863, compilé à partir des archives des facultés97. Ce tableau donne annuellement, établissement par établissement (facultés de Paris, Strasbourg, Montpellier et Hospice de la Maternité de Paris), les effectifs des accoucheuses diplômées, à partir de 1801. Il aboutit à un total de 5 555 sages-femmes de première classe pour la période. Les années 1864-1874 sont en revanche mal documentées. Il faut alors se contenter d’une estimation fondée sur le maintien pendant ces onze années d’une moyenne annuelle constante pour les quatre établissements formateurs : une cinquantaine d’élèves par an pour l’Hospice de la Maternité, une quarantaine pour la faculté de médecine de Paris, entre 25 et 30 pour celle de Montpellier et entre 3 et 5 pour celle de Strasbourg, soit au total 1 300 à 1 350 sages-femmes de première classe. Le dernier quart du siècle, a priori le mieux renseigné, pose toutefois d’importants problèmes de concordance des données fournies par l’Annuaire statistique de la France98. Entre 1875 et 1898, on comptabilise donc entre 6 063 (chiffre plancher) et 6 587 (chiffre plafond) réceptions de ce type.
75Entre 13 000 et 13 500 sages-femmes obtiennent donc un diplôme de première classe pendant le siècle. Le chiffre est tout à fait remarquable, surtout si l’on considère qu’il est pendant les trois premiers quarts du siècle essentiellement le produit des formations parisienne et montpelliéraine, Strasbourg ne délivrant qu’un nombre extrêmement réduit de diplômes. Il reste néanmoins que la rareté des établissements qui dispensent cette instruction et le coût de la réception pour la première classe la rendent inaccessible à la majeure partie des élèves sages-femmes99. Même parmi les jeunes femmes qui ont la possibilité de se former à Paris, Montpellier ou Strasbourg et donc de passer leurs examens devant les facultés, certaines se contentent, faute de moyens, d’être reçues sages-femmes de deuxième classe.
76L’État numérique de 1864 recense 4 390 d’accoucheuses de deuxième classe diplômées de faculté réparties de manière inégale (Paris, 1 854 ; Strasbourg, 1 444 ; Montpellier, 1 092). Ces chiffres sont très inférieurs à la réalité de la formation des sages-femmes de deuxième classe, puisqu’ils laissent de côté les réceptions devant les jurys médicaux puis celles devant les écoles de médecine à partir de 1855. Comme pour la première classe, il faut attendre la publication de l’Annuaire statistique de la France pour avoir des données synthétiques nationales. Les manques restent toutefois importants et une estimation globale de l’effectif des sages-femmes de deuxième classe ne peut donc résulter que d’une extrapolation de données particulières.
77Les écoles qui forment plus de dix élèves par an sont rares et se situent en général dans de très grandes villes. Le jury médical du Rhône reçoit pendant ses cinq décennies d’existence 915 sages-femmes, soit une moyenne de 17,5 par an100. Entre 1862 et 1903, 469 élèves achèvent leur scolarité à l’hospice de la Charité, soit environ 11 par an101. Autre exemple d’école à forte recrutement : Bourg-en-Bresse. Cette école, fondée en 1819, accueille 870 élèves entre 1821 et 1893, soit une moyenne de 12 par an102. C’est cependant une exception parmi les gros bataillons de la formation obstétricale au xixe siècle et les établissements installés dans les départements ruraux admettent en général un nombre limité d’élèves.
78Derrière les quelques établissements forts pourvoyeurs de sages-femmes, un grand nombre d’écoles produit une moyenne de 7 à 9 élèves annuellement (Chaumont, Angers ou Laon). Les effectifs ne sont cependant pas forcément stables sur le siècle et on observe une baisse des réceptions à mettre en relation avec la stabilité des financements départementaux et l’allongement des cursus.
79Ces estimations aboutissent au chiffre considérable de près de 45 000 accoucheuses de deuxième classe diplômées au cours du xixe siècle.
80Ces résultats cumulés (13 000 sages-femmes de 1re classe et 45 000 de 2e) viennent confirmer l’intuition d’Olivier Faure d’un « recrutement massif et complexe103 ». La politique d’instruction des accoucheuses impulsée par le gouvernement et par les départements est objectivement un succès. Elle permet d’accroître au fil du siècle la présence des praticiennes dans les campagnes.
81Dans les années 1880-1890, le ratio sage-femme/habitants oscille entre 1 pour 2 770 et 1 pour 2 950. Les sages-femmes égalent quasiment le nombre cumulé des médecins et des officiers de santé (14 343 sages-femmes en 1891 pour 14 919 médecins et officiers de santé). La confirmation du statut de la profession d’accoucheuse qu’entérine la loi du 30 novembre 1892 se fonde sur un personnel omniprésent qui complète voire supplée l’action des médecins sur l’ensemble du territoire français et plus particulièrement dans les zones rurales. L’objectif d’une sage-femme par canton est atteint dès la moitié du siècle dans la plupart des départements, et lorsque ce n’est pas le cas, ces absences constituent un motif d’inquiétude et justifient une modification de la politique locale de formation. En 1858, dans l’Aveyron, le préfet déclare que seize cantons sur quarante-deux sont dépourvus d’accoucheuses104. Ce manque est très rapidement corrélé à l’insuffisance des envois d’élèves sages-femmes à Montpellier qui ne comblent pas les besoins départementaux ; il entraîne à court terme la réouverture du cours d’accouchement de Rodez. En Vendée, le recensement de 1851 permet d’identifier 130 sages-femmes, réparties dans 99 communes, soit une sage-femme pour trois communes et une sage-femme pour 2 928 habitants105. Seules 46 résident dans des chefs-lieux de canton, signe de leur ancrage profond dans le territoire. Dans le Doubs, les listes du personnel médical pour les années 1877, 1888 et 1894 montrent le maillage du département par les sages-femmes qui sont deux fois plus nombreuses (entre 173 et 231) que médecins et officiers de santé réunis (entre 91 et 104)106.
82Toutefois, dans les départements où est privilégiée la formation de sages-femmes de deuxième classe, c’est souvent dans les villes qu’elles sont proportionnellement les moins nombreuses. La-Roche-sur-Yon n’en compte aucune en 1851. L’installation dans les villes et particulièrement dans les préfectures est davantage le fait des sages-femmes de première classe, beaucoup moins nombreuses que leurs consœurs de deuxième classe, à l’exception des départements qui choisissent de former leurs accoucheuses exclusivement à Paris (Dordogne jusqu’en 1873, Tarn-et-Garonne, Nièvre, Orne, etc.). Mais la différence entre les deux catégories, évidente en termes d’effectifs cumulés, évolue cependant au cours du siècle.
Première et deuxième classes : vers l’unification du corps
8320 % des accoucheuses formées au cours du xixe siècle obtiennent un diplôme de première classe et les 80 % restantes sont limitées dans leur exercice professionnel au cadre départemental. La part respective des deux catégories n’est cependant pas constante au fil du siècle. Entre 1875 et 1898, il est reçu autant de sages-femmes de première classe que de sages-femmes de deuxième classe. Au-delà, à l’échelle du siècle, ces vingt-cinq dernières années sont celles pendant lesquelles sont formées entre 47 et 49 % des accoucheuses de première classe.
84Les sages-femmes autorisées à exercer dans l’ensemble du pays augmentent donc en part absolue et en part relative à partir de 1875. Cette croissance relève de facteurs institutionnels, scientifiques et sociaux. Elle reflète en premier lieu la multiplication des institutions de délivrance du diplôme de première classe avant 1893 et de formation spécialisée pour ce diplôme après cette date. Les facultés se rapprochent des élèves à une période où les moyens de transport s’améliorent et se diversifient, réduisant le coût et la pénibilité de la distance. En second lieu, la réforme des études médicales fait l’unanimité et accélère la prise de conscience dans tous les établissements de formation obstétricale de la nécessité d’exiger plus des élèves sages-femmes, tant sur le plan de l’instruction primaire que sur celui de l’instruction scientifique. L’élévation du niveau scientifique de l’enseignement rencontre l’intérêt croissant des élèves qui n’hésitent plus, poussées par leurs professeurs et souvent défrayées de leurs frais de voyage par les assemblées départementales, à briguer, après leur diplôme de deuxième classe, celui de première classe. À partir de la fin des années 1870 et jusqu’aux années 1890, les promotions du cours d’accouchement de Laon comptent au moins moitié d’élèves présentant le diplôme de première classe, après avoir obtenu celui de deuxième classe. Il est donc probable que l’augmentation du nombre de réceptions de première classe soit en partie liée à ce phénomène de double diplôme qui peut concerner jusqu’à 30 voire 50 % des effectifs de certaines écoles départementales. La contrepartie de cette tendance est de réduire de quelques centaines le nombre réel de sages-femmes de deuxième classe puisqu’une partie de celles-ci s’échappent presque immédiatement vers l’exercice national, et de réduire d’autant l’estimation du nombre total d’accoucheuses formées au cours de cette période.
85Le rapprochement des deux corps est révélateur du rapprochement des formations. Si avant 1893 des élèves issues des cours départementaux, réussissent avec les honneurs les examens de sage-femme de première classe, c’est que leur instruction est au diapason des exigences manifestées par les jurys. Après cette date, l’homogénéisation de la durée des cours et des programmes accentue encore la proximité entre les deux catégories. Au-delà, les scolarités communes, dans leur intégralité avant la réforme de juillet 1893, ou pour une année seulement après cette date, jouent un rôle important dans la constitution d’une conscience professionnelle qui transcende en partie les différences entre sages-femmes de deuxième classe et sages-femmes de première classe.
86L’essor des premières associations mutuelles d’accoucheuses à partir des années 1880 marque l’intégration des deux catégories dans un seul système de solidarité sociale107. Tardif mais unitaire, le mouvement mutualiste des sages-femmes se différencie des médecins qui refusent aux officiers de santé l’accès à leur société centrale de secours mutuels, l’Association générale de prévoyance et de secours mutuels des médecins de France (AGMF)108. L’associationnisme des sages-femmes s’inscrit dans une chronologie plus lente et, dans sa dimension syndicale, ne devance en aucune façon les prescriptions législatives109. Il se construit d’ailleurs probablement en réponse à l’essor du syndicalisme médical dès le début des années 1880110 pour préserver l’espace professionnel des accoucheuses.
87En juin 1896, l’Association mutuelle des sages-femmes de la Seine donne naissance au premier syndicat de sages-femmes en application de l’article 13 de la loi du 30 novembre 1892 : le Syndicat des sages-femmes de la Seine. La transformation, lors d’une réunion générale du 20 mai 1897, de ce syndicat en Syndicat général des sages-femmes de France crée la première organisation nationale de défense professionnelle des accoucheuses, indépendamment du type de diplôme dont elles disposent (art. 3)111.
88La devise du syndicat reproduite dans la manchette du journal La Sage-femme, fondé en décembre 1897 pour être l’organe officiel du syndicat, est : « Science, Solidarité, Dévouement ». L’article 2 des statuts souligne d’ailleurs le premier objectif qui est « d’apprendre aux sages-femmes à se connaître, à se protéger et à resserrer entre elles les liens de confraternité et de bonne harmonie112 ». Si les premières revendications (fixation d’honoraires minimaux, droit au forceps, accès des sages-femmes aux postes féminins de l’Assistance publique, caisse de retraite) ne portent pas sur l’unification des diplômes, ce sujet surgit dès novembre 1902 dans une chronique de Marie Bocquillet, directrice du journal La Sage-femme et présidente du syndicat. La demande est entourée de précautions sur la nécessité d’uniformiser complètement les enseignements délivrés aux sages-femmes et de les approfondir plus encore et insiste sur la légitimité d’exiger des futures praticiennes la possession du brevet élémentaire voire d’un diplôme supérieur. Plutôt confiante dans le succès de cette revendication, déposée sous forme de pétition auprès du ministère de l’Instruction publique113, Marie Bocquillet demande néanmoins, avant toute réforme, l’extension du droit d’exercice des sages-femmes de deuxième classe à l’ensemble de la France114.
89La revendication de l’unification n’est pas propre aux accoucheuses, et sa légitimité est reconnue par le corps médical et les parlementaires. Au cours de l’année 1910, Marie Bocquillet est conviée, avec d’autres sages-femmes, à participer aux travaux de la commission de réforme des études médicales. Cette commission émet le vœu unanime de supprimer la deuxième classe, Paul Strauss relaie ce souhait lors d’un débat au Sénat en février 1913 pour une loi visant à lutter contre la dépopulation115. Le 3 février 1914, le député Louis Marin dépose devant la chambre une proposition de loi en ce sens116. Le rapporteur, Gilbert Laurent, conclut à son adoption en soulignant qu’il faut « uniformiser le titre, le niveler, non en l’abaissant, mais en le relevant117 », alors que les pétitions syndicales affluent à la Chambre pour soutenir la proposition118. Celle-ci est votée le 2 avril suivant par les députés, puis au Sénat le 29 juillet sur le rapport de Paul Strauss119. La déclaration de guerre interrompt le processus législatif et ce n’est qu’en juin 1916 qu’un nouveau rapport est présenté devant le Sénat par le même Paul Strauss en vue d’un nouveau vote qui a lieu en urgence le 28 juillet120. Le 5 août, la publication de la loi consacre enfin l’unification des deux classes :
Article unique. Désormais, il ne sera plus délivré qu’un seul diplôme de sage-femme et qu’un seul diplôme d’herboriste, correspondant l’un et l’autre pour chacune de ces deux professions au diplôme de première classe existant lors de la promulgation de la présente loi. La présente loi, délibérée et adoptée par le sénat et la chambre des députés, sera exécutée comme loi de l’État.121
90L’avènement d’une seule catégorie de sages-femmes débouche immédiatement sur une réforme complémentaire des études (décret présidentiel du 9 janvier 1917) destinée à aligner l’enseignement sur les exigences de l’ancienne première classe. L’arrêté du 11 janvier 1917 vient préciser le programme des examens : notions élémentaires d’anatomie, de physiologie et de pathologie pour la première année ; examens théorique (anatomie spécialisée, obstétrique, puériculture avant et après la naissance, prophylaxie, obligations légales) et clinique (examen d’une femme enceinte) pour la deuxième année. L’évolution législative double ses conséquences scientifiques de conséquences institutionnelles : preuve de leur résistance et de leur qualité, les maternités retrouvent leur pleine légitimité dans le dispositif pédagogique. Mises à l’écart avant 1917 du cursus de première classe à quelques exceptions près, elles obtiennent à l’issue d’une inspection ministérielle l’autorisation d’accueillir la deuxième année (art. 2 et 3). Le 24 juillet 1917, un arrêté fixe la liste des 29 établissements autorisés dont 27 fonctionnaient déjà en 1900 (carte 8), montrant la grande stabilité du réseau des maternités-écoles (carte 9)122. Dans l’intervalle, neuf établissements ont disparu (Laon, Pamiers, Grenoble, Angers, Reims, Pau, Perpignan, Albi, Draguignan), dont trois dans des villes sièges d’écoles préparatoires de médecine (Grenoble, Angers, Reims), tandis que Rodez regagne son droit d’enseignement. Le bilan est sans appel : c’est bien l’école-maternité départementale qui reste l’institution prédominante d’instruction des accoucheuses en France, plus d’un siècle après que la loi de 1803 l’a définie comme brique essentielle de la politique de formation obstétricale française.
91Le régime médical instauré par la loi de 1803 s’achève donc en deux temps : par la loi du 30 novembre 1892 qui permet la réforme des études organisée par le décret du 25 juillet 1893, puis, beaucoup plus tardivement, par la loi du 5 août 1916 et les règlements de 1917 qui effacent les dernières traces de la dichotomie sur laquelle a reposé pendant un siècle l’exercice de la médecine. Le véritable tournant se prend néanmoins dans les années 1890 à une période où se conjoignent trois dynamiques. La première dynamique est législative et s’inscrit dans l’histoire longue de la réforme des études médicales en France. Elle s’appuie intelligemment sur les acquis d’un siècle d’inventivité pédagogique pour poser les bases d’une formation nationale homogène, adaptant sans les supprimer les institutions qui ont porté jusqu’à cette date l’instruction des sages-femmes françaises. La seconde dynamique est démographique. Les sages-femmes ne sont jamais aussi nombreuses au cours du siècle que pendant sa dernière décennie. Au moment où disparaît le corps intermédiaire des officiers de santé, elles sont alors la seule profession médicale à pouvoir rivaliser en termes numériques avec les médecins. De ce nombre et de la reconnaissance officielle que renouvelle la loi de 1892 à ce corps de métier, naît une troisième et dernière dynamique : celle des intérêts communs de la profession et de ses praticiennes. L’unification de 1916, aboutissement nécessaire du texte précédent, couronne aussi une évolution interne à la profession qui a su se saisir des outils politiques (pétitions, journaux, syndicats) pour obtenir sa réunion dans un même corps. À la différence du couple clairement dissymétrique docteurs en médecine/officiers de santé, les sages-femmes de première et deuxième classes manifestent dans le dernier quart du xixe siècle leur conscience d’appartenir à un seul et même corps professionnel. Première ou deuxième classe, c’est parce qu’elles sont formées sur les mêmes bases et souvent aux mêmes écoles, tout comme critiquées à même enseigne, que les sages-femmes réclament leur unification, non pour amputer un membre malade de la profession mais pour faire reconnaître l’équivalence de leur savoir et de leurs compétences.
Notes de bas de page
1 Léonard J., Les médecins de l’Ouest…, op. cit., p. 735 sq.
2 Bib. Acad. de Méd., srm, cart. 85, voir aussi Sage Pranchère N., « Étude comparée de deux projets de cours d’accouchements… », art. cit.
3 Bourquelot L., « Le congrès médical de France : défense d’une profession libérale sous la Monarchie de Juillet », Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest, 1979, vol. 86, no 2, p. 301-312.
4 Compte rendu du Congrès médical de Paris, 1er -15 novembre 1845, Bulletin général de thérapeutique médicale et chirurgicale, Paris, chez le rédacteur en chef, 1845, no 29, p. 322-323.
5 Ibid.
6 Druhen I., De l’institution des sages-femmes et de la réforme qu’elle réclame, Lille, impr. de Lefebvre-Ducrocq, 1851.
7 Ibid., p. 29-30.
8 Ibid., p. 11-12.
9 Ibid., p. 12-13 et 18-23. Citons entre autres Paris (39 accouchements ; 585 francs), Lyon (43 accouchements, 344 francs), Marseille (66 accouchements, 528 francs), Bordeaux (30 accouchements, 240 francs), Nantes (64 accouchements, 512 francs), Strasbourg (22 accouchements, 176 francs).
10 Voir sur le sujet : Enfance abandonnée et société en Europe…, op. cit., et particulièrement l’article de M. Jeorger, « L’évolution des courbes de l’abandon de la Restauration à la première Guerre mondiale (1815-1913) », p. 703-740.
11 Jorland G., Une société à soigner …, op. cit., p. 141-147.
12 Ibid., p. 129-135. Sur l’histoire des nourrices, voir aussi Fay-Sallois F., Les nourrices à Paris au xixe siècle, Paris, Payot, 1980.
13 Druhen I., De l’institution des sages-femmes …, op. cit., p. 15-16.
14 Léonard J., Les médecins de l’Ouest …, op. cit., p. 530.
15 Ibid.
16 Druhen I., De l’institution des sages-femmes …, op. cit., p. 10-11.
17 Ibid., p. 30-31.
18 Compte-rendu du Congrès médical de Paris, 1er-15 novembre 1845, art. cit., p. 457.
19 Ibid., p. 460.
20 Druhen I., De l’institution des sages-femmes …, op. cit., p. 5.
21 Ibid., p. 32 et 34.
22 Les frais d’examen pour les officiers de santé s’élèvent en 1803 à 200 francs. Ils sont fortement augmentés en 1854 et passent à 720 francs dans les Écoles préparatoires de médecine et à 840 francs dans les Facultés, Léonard J., Les médecins de l’Ouest…, op. cit., p. 946-947.
23 Carol A., « L’examen gynécologique en France, xviiie-xixe siècle : techniques et usages », dans Bourdelais P., Faure O. (dir.), Les nouvelles pratiques de santé…, op. cit., p. 51-66.
24 Académie nationale de médecine, Bulletin de l’Académie nationale de médecine, Paris, J.-B. Baillière, Masson, 1844-1845, tome 10, séance du 22 avril 1845, p. 565. Le seigle ergoté est utilisé pour accélérer les contractions utérines (pour hâter le déroulement de l’accouchement ou à des fins hémostatiques en cas d’hémorragies).
25 Ibid., p. 567.
26 Académie nationale de médecine, Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 1850-1851, tome 16, séance du 1er octobre 1850, p. 6-30.
27 Ibid., p. 17.
28 Ibid., p. 22.
29 Pinell P., « La genèse du champ médical… », art. cit., p. 327-328 ; Léonard J., Les médecins de l’Ouest…, op. cit., p. 735 sq. ; Guillaume P., Le rôle social du médecin depuis deux siècles (1800-1945), Paris, Comité d’Histoire de la Sécurité Sociale, 1996, p. 125.
30 Académie nationale de médecine, Bulletin de l’Académie nationale de médecine, 1872, tome 1, p. 1136-1147 ; 1155-1170 ; 1185-1189 ; 1200-1228.
31 Séances du 26 novembre, 3, 10 et 17 décembre 1872.
32 Académie nationale de médecine, Bulletin de l’Académie nationale de médecine… [1872], p. 1158-1159.
33 Ibid., p. 1164-1165.
34 Voir Hatin J., Petit traité de médecine opératoire ou recueil de formules à l’usage des sages-femmes et des officiers de santé, Paris, Boisjolin et cie, Germer Baillière, 1831.
35 Académie nationale de médecine, Bulletin de l’Académie nationale de médecine… [1872], p. 1160.
36 Ibid., p. 1209-1210.
37 Ibid., p. 1222.
38 Ibid., p. 1228.
39 La latitude d’action de la sage-femme en chef se réduit à la fin du xixe siècle, jusqu’à la mise sous tutelle que constitue la réforme de 1895, voir Beauvalet-Boutouyrie S., Naître à l’hôpital …, op. cit., p. 132-133.
40 AD Charente-Maritime, 3 X 295 ; AD Aube, 5 M 36 ; AD Aveyron, 3 X 51.
41 Académie nationale de médecine, Bulletin de l’Académie nationale de médecine… [1872], p. 1173.
42 Léonard J., Les Médecins de l’Ouest …, op. cit., p. 1094-1111.
43 RLRES 5, p. 233-240.
44 Voir Léonard J., Les Médecins de l’Ouest …, op. cit., p. 124 sq. ; Rabier C., « Une révolution médicale ?… », art. cit., p. 141-148.
45 RLRES 5, p. 233 et 235.
46 RLRES 5, p. 234.
47 Société de législation comparée, Annuaire de législation française, Paris, A. Cotillon, 1893, notice de M. Edouard Delalande, docteur en droit, substitut du procureur de la République au Havre, sur la loi du 30 novembre 1892, p. 197-198.
48 Ibid., p. 197.
49 RLRES 5, p. 234.
50 Sohn A.-M., Chrysalides : femmes dans la vie privée (xixe-xxe siècles), Paris, Publications de la Sorbonne, 1996, p. 866-869 ; Le Naour J.-Y., Valenti C., Histoire de l’avortement, xixe-xxe siècles, Paris, Seuil, 2003, p. 129-131 ; Cahen F., Gouverner les mœurs. La lutte contre l’avortement en France, 1890-1950, Paris, INED Éditions, 2016, p. 35-37, 44-45.
51 RLRES 5, p. 234.
52 Sur la multiplicité des formes et des acteurs de la médecine illégale, voir Léonard J., « Les guérisseurs en France au xixe siècle », RHMC, 1980, p. 501-516 ; sur la répression de l’exercice illégal dans la loi de 1892, voir Léonard J., Les Médecins de l’Ouest…, op. cit., p. 1117-1120.
53 Léonard J., Les Médecins de l’Ouest …, op. cit., p. 1118.
54 RLRES 5, p. 237.
55 Ibid., p. 237-238.
56 Sage Pranchère N., « Bébés sans diplôme… », art. cit.
57 RLRES 5, p. 236. Voir aussi Faure O., Histoire sociale de la médecine …, op. cit., p. 189.
58 RLRES 5, p. 236.
59 RLRES 5, p. 265-266.
60 Ibid., p. 265.
61 Ibid., p. 381-382.
62 Ibid., p. 266.
63 RLRES 5, p. 377. Le certificat d’études secondaires peut être obtenu à l’issue des trois premières années de l’enseignement secondaire féminin institué en 1880, voir Prost A., « Inférieur ou novateur ? L’enseignement secondaire des jeunes filles (1880-1887) », Histoire de l’éducation, 2007, no 115-116, p. 157.
64 RLRES 5, p. 266. La fin de la période de tolérance est rappelée par une circulaire en date du 10 juillet 1896, RLRES 5, p. 605.
65 Ibid., p. 392.
66 RLRES 5, p. 381. Le 15 novembre 1894, une circulaire précise que toute dispense d’âge sera dorénavant refusée et que les élèves boursières des départements qui entreraient dans les écoles d’accouchement avant l’âge de 19 ans, ne verraient leur scolarité débuter officiellement qu’en atteignant cet âge, voir RLRES 5, p. 419.
67 AD Corrèze, RD CG Corrèze, 1887.
68 La cinquième faculté mixte est à Alger. Les écoles préparatoires sont : Amiens, Angers, Besançon, Caen, Clermont-Ferrand, Dijon, Toulouse, Grenoble, Limoges, Poitiers, Reims, Rennes, Rouen, Tours.
69 Il s’agit des écoles de Bourg-en-Bresse, Laon, Pamiers, Marseille, Caen, Dijon, Besançon, Chartres, Brest, Nîmes, Bordeaux, Montpellier, Rennes, Tours, Grenoble, Blois, Nantes, Orléans, Angers, Reims, Chaumont, Nancy, Lorient, Clermont-Ferrand, Pau, Perpignan, Lyon, Mâcon, Chambéry, Rouen, Albi, Toulon, Draguignan, Avignon, Poitiers et Limoges.
70 AD Corrèze, 1 X 176 ; RD CG Ariège, 1897.
71 RD CG Ariège, 1897.
72 Sage Pranchère N., Mettre au monde …, op. cit., p. 657-658.
73 RD CG Ariège, 1897.
74 Ibid.
75 RD CG Ariège, 1899.
76 RD CG Saône-et-Loire, 1894.
77 Ibid.
78 RLRES 3, p. 618-619 et 669-670.
79 RLRES 5, p. 266.
80 Administration générale de l’Assistance publique à Paris, L’Assistance publique en 1900, Paris, 1900, p. 122.
81 Ibid., p. 119 ; Tucat D., Les sages-femmes parisiennes …, op. cit., p. 136.
82 Delaunay P., « Les réformes scolaires à l’École de la Maternité de Paris », France médicale, 1910, p. 64.
83 RLRES 5, p. 377, décret du 31 décembre 1893.
84 AD Gironde, 1 N 111*.
85 AD Gironde, 1 N 111*.
86 Ibid.
87 RLRES 5, p. 616.
88 Ribier F. (de), Les Sages-femmes en France …, op. cit., p. 37.
89 Ibid., p. 45-46.
90 La Presse médicale, 1er décembre 1897, no 100, p. CLXXVIII.
91 Tucat D., Les sages-femmes parisiennes…, op. cit., p. 27.
92 Ibid., p. 135.
93 « Mme Henry », article paru dans Berthod P. (dir.), La Médecine sociale et professionnelle, Paris, 1905, repris dans La Sage-Femme, 5 septembre 1906, no 202, p. 130-131.
94 JORF, Lois et décrets, 27 décembre 1908, p. 9047.
95 La Sage-Femme, avril 1910, no 245, p. 54-56.
96 O. Faure évalue leur nombre à 30 000 entre 1800 et 1850, Les Français et leur médecine …, op. cit., p. 25.
97 AD Maine-et-Loire, 392 T 193.
98 L’écart entre les données détaillées et les données synthétiques est parfois considérable.
99 Les droits de réception d’une sage-femme de première classe (droits d’examen et de visa) s’élèvent à 120 francs avant 1854 et à 130 francs après cette date.
100 Faure O., Les Français et leur médecine …, op. cit., p. 25.
101 AM Lyon, archives de l’hospice de la Charité, 1 K 2.
102 AD Ain, liste alphabétique des élèves sages-femmes de l’école d’accouchement de l’Ain, 1821-1893, par M. Gauge (Recherche et études généalogiques de l’Ain).
103 Faure O., « Les sages-femmes en France… », art. cit., p. 158.
104 AD Aveyron, Per 545.
105 AD Vendée, sous-série 6 M.
106 AD Doubs, M 1514.
107 Sur l’histoire de la mutualité, voir Gibaud B., Mutualité, assurances, 1850-1914. Les enjeux, Paris, Economica, 1998 ; Dreyfus M., Les Femmes et la mutualité, de la Révolution française à nos jours, Paris, Éditions Pascal, 2006.
108 Léonard J., Les Médecins de l’Ouest…, op. cit., p. 1004-1007.
109 Sage Pranchère N., « “Sciences, solidarité, dévouement”. Les débuts de la syndicalisation des sages-femmes en France (1896-1914) », à paraître dans Bugnon F., Carribon C., Dussert-Galinat D., Lachaise B., Picco D. (dir.), Femmes et réseaux dans les sociétés modernes et contemporaines, Bordeaux, Presses Universitaires de Bordeaux, 2017.
110 Léonard J., Les Médecins de l’Ouest…, op. cit., p. 1055-1060 ; Vergez-Chaignon B., « Le syndicalisme médical français de sa naissance à sa refondation : intérêts et morale au pays de l’individualisme (1892-1945) », RHMC, 1996, 43-3, p. 709-710.
111 « Statuts du Syndicat général des sages-femmes de France », La Sage-femme, 20 décembre 1897, no 1, p. 6.
112 Ibid.
113 « Bulletin officiel du syndicat général des sages-femmes de France. Procès-verbal de la réunion du 7 novembre 1902 », La Sage-femme, 5 décembre 1902, p. 353.
114 « Sages-femmes de première et de deuxième classe », La Sage-femme, 20 novembre 1902, no 117, p. 306.
115 JORF, débats parlementaires, sénat, 6 février 1913, p. 41.
116 JORF, débats parlementaires, chambre des députés, 3 février 1914, p. 446.
117 La Presse médicale, 4 juin 1917, E. Bonnaire, « La suppression des sages-femmes de deuxième classe », p. 324.
118 La Sage-femme, mai 1914, p. 52.
119 La Presse médicale, 4 juin 1917, art. cit.
120 JORF, débats parlementaires, sénat, 28 juillet 1916, p. 764.
121 « Unification des diplômes », dans La Sage-femme, octobre 1916, no 300, p. 1.
122 Il s’agit des maternités de Bourg-en-Bresse, Rodez, Marseille, Caen, Dijon, Besançon, Chartres, Brest, Nîmes, Bordeaux (école départementale et maternité annexée aux hospices civils), Montpellier, Rennes, Tours, Blois, Nantes, Orléans, Chaumont, Nancy, Lorient, Clermont-Ferrand, Lyon, Mâcon, Chambéry, Rouen, Toulon, Avignon, Poitiers, Limoges.
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