Chapitre 8. Savoirs et méthodes
p. 309-350
Texte intégral
1De la pratique des accouchements à la fin du xviiie siècle à l’apprentissage de l’obstétrique, la formation des sages-femmes subit une double évolution, quantitative par la transformation et l’allongement des cours, et qualitative par l’approfondissement et la diversification des savoirs. Il s’agira de considérer la transmutation de l’art des accouchements en obstétrique du point de vue des sages-femmes, comme réceptrices et usagères d’un changement dans la science : on suivra donc les effets de ce changement sur l’enseignement qu’elles reçoivent et on appréciera la manière dont elles s’en saisissent, dont elles l’infléchissent dans leur pratique mais aussi dans leur réflexion sur leur profession. Le discours politico-administratif retient de l’enseignement obstétrical l’organisation d’un sauvetage de masse des enfants à naître ; mais le programme en quatre points de cette instruction (art des accouchements, vaccination, saignée, botanique usuelle), précédé d’une nécessaire formation élémentaire, délimite un champ bien plus ambitieux qui place la sage-femme à la croisée des différentes catégories du corps médical : accoucheuse, gynécologue, puéricultrice ou pédiatre, pharmacienne « en herbes »… Passeuse de médecine, gardienne de santé, la sage-femme est autant réceptacle qu’adaptatrice d’un savoir en accroissement constant, de la révolution jennerienne à la révolution pastorienne.
Savoir lire et écrire : l’instruction primaire des élèves sages-femmes
2La liste des matières au programme des écoles d’accouchement, diffusée dès 1808 par le Mémoire historique et instructif, n’est pas exclusive de la transmission d’autres savoirs, au premier rang desquels, l’instruction primaire. Les exigences en la matière sont toutefois longues à se préciser. La loi du 19 ventôse an xi ne pose aucune obligation pour accéder à la formation obstétricale, et l’examen oral prévu par ce texte puis confirmé par l’arrêté du 20 prairial suivant n’impose pas concrètement l’acquisition de ces compétences. Les règlements successifs de l’Hospice de la Maternité de Paris corrèlent pourtant impérativement admission et capacité à lire et écrire. La qualité de l’enseignement dispensé dans cette école explique sans peine cette obligation. La capacité à prendre en notes les leçons du professeur et de la sage-femme en chef, l’aptitude à se reporter à tout instant aux ouvrages de référence sont des qualités indispensables à la future accoucheuse, le seul moyen de s’assurer que le savoir a bien été assimilé. De plus, le règlement de l’Hospice de la Maternité dans sa partie consacrée à l’instruction clinique requiert des élèves qu’elles tiennent « chaque jour une note exacte des accouchements qui se feront dans la salle de pratique1 ».
3Au-delà, les obligations sociales et légales de la sage-femme imposent de savoir signer et témoigner par écrit, c’est d’ailleurs ce que confirme le ministre de l’Instruction publique dans une circulaire du 19 mai 1845 pour rappeler aux préfets les critères de choix des élèves boursières à Port-Royal. La corrélation entre développement de l’enseignement public (loi de 1836 sur l’instruction primaire des filles) et montée des exigences de niveau pour les élèves accoucheuses intervient au bout d’une petite dizaine d’années2. En France c’est la précocité de la reconnaissance institutionnelle des sages-femmes par un diplôme qui rend d’autant plus inadmissible le retard pris dans le niveau d’instruction élémentaire des aspirantes. Car ce retard est grand, et les plaintes fusent dans tous les départements.
4Le tournant se prend pourtant pour la lecture dans les années 1820, pour l’écriture dans les années 1830, et pour l’orthographe et la grammaire entre les années 1850 et les années 1870 selon les régions3. Le retard persistant du midi et des zones très rurales se lit encore jusqu’aux années 1880. Le docteur Raymond de Limoges propose en 1880 « [d’]exiger des aspirantes le certificat d’études primaires4 », recoupant en cela une préoccupation nationale exprimée par la publication le 1er août 1879 d’un arrêté ministériel instaurant un examen préparatoire pour les aspirantes au titre d’élèves sages-femmes de première classe qui prévoit les épreuves suivantes : lecture, orthographe, problèmes d’arithmétique et notions sur le système métrique5. Cet examen correspond au certificat d’études primaires évoqué par le médecin limougeaud : il institutionnalise en fait une pratique qui émerge dans les années 1830-1840 : le concours d’entrée dans les cours d’accouchement. Ces concours (ou examens) ont à l’origine pour fonction de classer les élèves susceptibles de recevoir une bourse départementale. Au fil du siècle, ils servent de filtre pour écarter les candidates les plus faibles. En 1842, le préfet de l’Hérault publie ainsi un arrêté portant ouverture du concours pour les places d’élèves gratuites à l’école de Montpellier : « Art. 3. L’examen portera sur la lecture, l’écriture, le calcul et sur le degré d’intelligence et d’aptitude spéciale pour la profession de sage-femme6. »
5Mis à part le dernier point de l’examen, plutôt subjectif, les autres épreuves portent sur des notions censément acquises dans les écoles primaires. Le programme des concours d’entrée, qui concernent majoritairement des futures sages-femmes de seconde classe, est constant sur l’ensemble du territoire jusqu’aux années 18807.
6La décision de rendre le certificat d’études primaires obligatoire pour tous les enfants scolarisés modifie en 1882 les bases du savoir minimal. Les cours d’accouchement ne tardent pas à suivre cette évolution et font entrer, à titre subsidiaire ou facultatif, des questions d’histoire et géographie de la France au nombre des épreuves des concours d’entrée. Grâce à cet ensemble de prescriptions règlementaires et de systèmes d’examens locaux, s’amorce un rattrapage progressif de niveau entre les souhaits du début du siècle et les besoins scolaires et professionnels du métier. Il culmine en 1893 lors de la refonte du cursus de formation des sages-femmes :
9° Pour le diplôme de sage-femme de 1re classe, le brevet de capacité élémentaire de l’enseignement primaire ; pour le diplôme de sage-femme de 2e classe, le certificat obtenu à la suite de l’examen prévu par l’arrêté du 1er août 1879.8
7D’une part, le niveau requis pour accéder aux études de sage-femme de deuxième classe rejoint enfin la réalité de la pratique et de la généralisation de l’examen instauré en août 1879. D’autre part, les sages-femmes de première classe doivent désormais disposer d’une reconnaissance scolaire qui vaut qualification professionnelle avant de commencer leur formation, puisque le brevet de capacité élémentaire de l’enseignement primaire permet d’exercer les fonctions d’institutrice. Le brevet de capacité mentionné à l’article 9 prend la suite, par le décret du 4 janvier 1881, du brevet « du second ordre » de la loi Falloux9. Les aspirantes sages-femmes de première classe justifient donc, à partir de 1893, des mêmes titres que les élèves-maîtresses des écoles normales (loi du 18 janvier 1887). Ce critère constitue un brillant point d’arrivée pour la profession qui se débarrasse ainsi des soupçons de lacunes éducatives. Il consacre et réalise de surcroît un vieux souhait de rapprochement des métiers d’institutrice et de sage-femme qui circule dès les années 1810 et dont la mise en œuvre n’est tentée au cours du siècle que dans un nombre restreint de départements (Cher, Corrèze)10.
8Reste à savoir quelles réponses les établissements de formation obstétricale ont apporté à ces lacunes. La première est celle du renoncement. Le constat de l’analphabétisme débouche parfois sur son acceptation pure et simple. C’est le cas à Bordeaux où sous l’égide de Marguerite Coutanceau un « adjoint » fait aux élèves un « traité de grammaire » pour « leur expliquer tous les mots11 ». Ce qui n’empêche pas qu’on lise dans les procès-verbaux des examens des noms d’élèves suivis de la mention « ne sachant pas lire12 ». C’est encore le cas dans certains départements qui, conscients du retard de leur population en matière d’alphabétisation, font de cette exigence un élément facultatif : dans l’Aveyron où l’élève désignée saura lire « s’il est possible » (an vi), et dans le Tarn, où celles qui savent lire « seront, à mérite égal, préférées » (1823)13.
9Le renoncement n’est toutefois jamais définitif. La méthode retenue de préférence pour remédier aux lacunes primaires est l’inscription des apprentissages dans le cours d’accouchement. La place alors accordée à cette instruction est variable, à l’instar des intervenants qui délivrent ces savoirs : sages-femmes en chef (Aveyron) ; instituteurs ou institutrices laïcs extérieurs à l’établissement (Basses-Pyrénées, Corrèze) ; et enfin religieuses extérieures ou rattachées à l’institution (Aveyron, Ariège).
10L’entrée de l’instruction primaire dans les établissements de formation obstétricale a lieu pour compenser une lacune de l’enseignement élémentaire féminin. Elle modifie cependant la physionomie des études de sage-femme en liant indissolublement le savoir spécialisé au savoir primaire. La présence d’institutrices dans les cours d’accouchement élargit le champ des connaissances dispensées dans ces institutions et esquisse entre ce métier et celui d’accoucheuse un rapprochement bénéfique au prestige scientifique et social des sages-femmes à mesure de l’avancée du siècle et de l’accroissement des exigences scolaires.
Pour la mère, la femme et l’enfant
La science obstétricale : définitions, manuels et ouvrages de référence
Une science opératoire
11La formation des sages-femmes comporte dès l’origine une part livresque abordée ici pour ses usages effectifs. Le profil de la production obstétricale française prédispose à cette approche. En 1787, parmi les questions qui introduisent la première partie de la version augmentée des Principes sur l’art des accouchements, l’une porte sur la définition de l’art des accouchements :
Cet art, pris rigoureusement, n’est que celui d’aider la femme dans l’accouchement même, et d’écarter autant qu’il est possible tout ce qui pourroit alors influer sur ses jours et sur ceux de l’enfant. Considéré dans le sens le plus étendu, non seulement il a pour objet la conservation de la mère et de l’enfant dans le moment de l’accouchement, mais encore le traitement des maladies de l’un et de l’autre, soit pendant la grossesse, soit pendant le temps des couches.14
12Cinquante-trois ans plus tard, le dictionnaire de médecine d’Adelon est l’un des premiers à inclure une entrée « Obstétrique » qu’il désigne comme « l’une des trois divisions fondamentales15 » de la médecine.
13Pendant la seconde moitié du xviiie siècle un savoir-faire auparavant transmis oralement et fondé sur l’expérience sensible reçoit un contenu anatomique et médical. L’appropriation écrite par les chirurgiens du champ d’intervention des sages-femmes au tournant des xviie et xviiie siècles fait basculer un ensemble de connaissances construites dans le ressenti individuel et l’inter-transmission féminine vers le cadre conceptuel de ce qui fait science, par l’objectivation d’un savoir. L’érudition, mode universitaire et donc médical d’accès à la connaissance, se complète de la vue pour élaborer un discours concurrent d’une pratique, avant d’intégrer cette dernière au terme de presque un siècle d’exercice chirurgical des accouchements16. L’entrée de l’art des accouchements à l’université clôt la première étape de reformulation du savoir-faire en science. Les postes de professeurs extraordinaires de Strasbourg et Göttingen, tout comme la chaire de l’École de médecine de Paris, officialisent ce processus de naturalisation médicale des gestes de l’accoucheuse17. Cette naturalisation est sans conteste un détournement de techniques et d’observations18. Mais c’est surtout une sécularisation de la naissance, ramenée à un champ d’exploration. Le sacré est évacué au profit de la clinique, jetant les bases d’une obstétrique opératoire à l’efficacité croissante.
14S’ouvre alors une nouvelle étape de l’histoire des savoirs sur la naissance. Le discours inaugural de Johann Georg Roederer prononcé en 1752 devant l’université de Göttingen, De artis obstetriciae praestantia, quae omnino eruditum decet, quin imo requirit, constitue une défense et illustration de l’obstétrique autant qu’un programme d’études19. L’enjeu est désormais de percer définitivement les secrets de la génération et de comprendre les dynamiques à l’œuvre dans la parturition. C’est cet élargissement de la focale que l’obstétrique française laisse durablement de côté, prise dans la continuité d’un élan pédagogique qui maintient le primat de l’opératoire sur la recherche fondamentale. Cette tendance, durement critiquée par les obstétriciens allemands et déplorée par quelques accoucheurs français, semble s’expliquer par la forme même de l’enseignement de cette spécialité en France. Là où le professeur allemand de l’art des accouchements est toujours professeur d’université et enseigne à de futurs pairs, le professeur français est avant tout un professeur départemental d’accouchement en charge de l’instruction des sages-femmes. La production éditoriale est donc très fortement influencée par cette préoccupation, multipliant les ouvrages dont l’organisation repose sur une démarche d’exposition pédagogique (manuels, traités généraux). La réception d’ouvrages étrangers est faible, à moins que ceux-ci n’adoptent la forme du traité-manuel qui fait ainsi la fortune française des ouvrages de Franz-Carl et Hermann Franz Naegele à partir des années 185020.
Quels manuels pour quels usages ?
15Les archives des cours ne conservent malheureusement quasiment rien sur les supports et les modalités de l’enseignement. Les bibliothèques sont donc connues par la bande (inventaires de mobilier ou factures de libraire) tandis que les correspondances des enseignants avec l’administration ne les évoquent que de façon allusive.
16Le manuel privilégié pendant la première moitié du xixe siècle par la plupart des établissements est sans conteste le « petit » Baudelocque, dans sa version de 1787 ou dans son édition plus récente de 180621. L’Hospice de la Maternité de Paris l’intègre dans les frais que les élèves sages-femmes acquittent à leur admission dans l’école. En 1808, s’y adjoint le Mémoire historique et instructif, qui fait simultanément office de règlement intérieur de la maison et de rappel de son histoire. Le deuxième support d’études imposé aux élèves est, à partir de 1812, le Mémorial de l’art des accouchements de Marie-Anne Boivin sur proposition du préfet de la Seine au ministre de l’Intérieur22. Dans les établissements de province en revanche, le professeur limite à un seul le nombre de manuels, pour des raisons financières et de clarté du propos.
17Le cours théorique est adossé au manuel qui est choisi en fonction du niveau que l’enseignant suppose aux élèves. Cet ouvrage, remis aux futures sages-femmes au début de leur scolarité, est pour elles une sorte de bible à laquelle se reporter pendant tout le reste de leur carrière. Elles l’obtiennent soit en versant lors de l’admission au cours une somme qui équivaut à l’achat de l’ouvrage, soit grâce à la générosité de la dotation départementale. Dans ce dernier cas, la possibilité de conserver l’ouvrage, à l’issue de la formation, est soumise au bon vouloir de l’administration départementale. En mai 1852 à La Rochelle, le préfet remet en cause l’habitude en usage depuis 1813 de « faire l’abandon aux élèves, à la sortie du cours » du manuel23. Il exige désormais que les élèves sages-femmes diplômées rendent l’ouvrage qui leur a servi de base pour qu’il puisse « servir à celles qui seront appelées à prendre leur place dans le cours24 ». Une telle décision est lourde de conséquences puisque dès l’époque des cours de démonstration, la diffusion des manuels (Angélique du Coudray, Augier du Fot, Baudelocque ou Icart) est considérée comme un complément indispensable. La faible alphabétisation du public alors concerné n’est pas considérée comme un obstacle puisque la valeur des ouvrages réside dans les planches illustrées. À mesure que le siècle avance, l’amélioration du niveau d’instruction primaire des futures accoucheuses augmente encore l’importance de ces bréviaires.
18Le rôle assigné au manuel impose un choix éclairé et capable d’évolution. Les Principes de Baudelocque sont dépassés au cours des années 1830 par L’Art des accouchements du même auteur, ouvrage en deux volumes25. Certains établissements lui substituent des ouvrages plus récents comme le Cours d’accouchement de Capuron qui fait son apparition sur les tables des élèves tullistes à la fin des années 183026. Le souci de ne pas être à la traîne du savoir obstétrical impose ces changements de manuels. Toutefois, il faut parfois un peu de temps pour trouver l’ouvrage adapté à l’évolution de l’obstétrique et aux capacités des élèves. L’adoption à La Rochelle en 1850 du Traité pratique de l’art des accouchements de Chailly-Honoré ne correspond pas au niveau des jeunes femmes27 :
Je dois vous faire connaître, Monsieur le Préfet, qu’il m’a semblé que l’auteur (Chailly), que les élèves suivent depuis deux ans, est, en général, d’une portée scientifique trop élevée pour leur intelligence et leur instruction première.28
19Ces tâtonnements s’inscrivent dans la réforme du fonctionnement de l’école de la Rochelle. La comparaison du fonds de la bibliothèque connu grâce aux inventaires antérieurs à 1850 et des achats faits par le nouveau professeur dès sa prise de poste révèle le fossé scientifique entre deux générations d’accoucheurs et la profondeur du renouvellement opéré. En 1830, les ouvrages cités dans le récapitulatif du mobilier sont au nombre de neuf dont sept ont été publiés aux xviie et xviiie siècles, les plus récents étant le Mémorial de Marie-Anne Boivin et les Nouveaux éléments de la science et de l’art des accouchemens de Jacques-Pierre Maygrier (1814).
20Le décès d’Edme Romieux en 1848 et son remplacement par son fils entraînent un dépoussiérage complet de la bibliothèque. Font leur entrée Chailly-Honoré, déjà cité, mais aussi le Traité pratique des accouchements de François-Joseph Moreau (1838-1841), le manuel de Jean-Baptiste Pigné-Dupuytren, le Traité complet des manœuvres de tous les accouchements d’Adet de Roseville et Mercier (1836 ou 1837), la Pratique des accouchements de Marie-Louise Lachapelle (1821 ou 1828), le Manuel des accouchements de Jean-Marie Jacquemier (1846) et le Traité théorique et pratique de l’art des accouchements de Paulin Cazeaux (1840 pour la première édition)29. Ce dernier titre est placé dès 1841 « au rang des livres classiques destinés aux élèves sages-femmes de la Maternité de Paris » et remplace Baudelocque comme manuel de référence dans nombre d’écoles d’accouchement à partir des années 185030. Dans le même temps, le Manuel d’accouchements de Franz Carl Naegele, devenu en Allemagne un classique avec huit éditions successives et déjà adopté dans les écoles suisses, est traduit en français par Jean-Marie Jacquemier. Il est par la suite régulièrement réédité jusqu’aux années 1860.
21La liste des publications pédagogiques à destination des sages-femmes se confond en partie avec celles visant les étudiants en médecine (voir le Précis de Michel Chevreul dans le premier tiers du xixe siècle). L’arrivée aux affaires d’une nouvelle génération d’accoucheurs, celle qui emporte en 1882 la création du concours d’accoucheur des hôpitaux de Paris, prend le relais des auteurs du milieu du siècle. Stéphane Tarnier, lui-même chirurgien en chef de l’Hospice de la Maternité de Paris, réédite en 1867 avec des ajouts le Traité désormais classique de Paulin Cazeaux. La décennie 1880 est particulièrement féconde en auteurs de ce genre de guides ou manuels : citons de nouveau Tarnier en collaboration avec Chantreuil (1882), Lagarde (1882), Delore et Lutaud (1883), Gallois (1886), Crouzat et Budin (1891), ou encore Abelin et Pénard qui publient en 1889 la septième édition de leur Guide pratique de l’accoucheur et de la sage-femme.
22La participation des sages-femmes à la production des livres qui fondent leur instruction est beaucoup plus anecdotique, aux exceptions notables du Mémorial de Marie-Anne Boivin et de la Pratique des accouchements de Marie-Louise Lachapelle. Ces deux ouvrages sont aussi emblématiques qu’exceptionnels. Leur ancrage très fort dans la pratique et l’observation clinique en fait plus que des manuels, car leur valeur fondée sur les acquis de l’exercice professionnel est moins prompte à se périmer. Le prestige de leurs auteurs et le soutien apporté par l’administration à la diffusion du premier de ces deux livres expliquent leur postérité au-delà des frontières : le Mémorial est traduit en italien (1822), en allemand (1829), et la Pratique l’est en allemand (1825)31. L’ouvrage de Marie-Anne Boivin acquiert même le statut de manuel officiel des élèves sages-femmes de l’école de la maternité de Berlin32. Marguerite Coutanceau publie elle aussi mais avec un succès moindre et géographiquement plus limité (Élémens de l’art d’accoucher, en faveur des élèves sages-femmes de la généralité de Guienne en 1784 et Instructions sommaires, théoriques et pratiques sur les accouchemens, à l’usage des élèves de Mme Coutanceau en 1800).
23Les autres incursions des sages-femmes dans le champ de la littérature pédagogique se limitent à des cas de collaboration entre sages-femmes et médecins (Adet de Roseville et Jeanne Mercier en 183633), ou à des publications à diffusion locale, comme l’Abrégé de Marie Rose Coutal-Sol (Montpellier, 187734). Le temps des accoucheuses auteurs de manuels pour leurs consœurs correspond au premier tiers du xixe siècle. L’ouvrage de Marie-Rose Coutal-Sol est à cet égard un tard-venu, dont le contenu n’a absolument rien de comparable avec les productions de ses devancières35. Son principal intérêt est sans doute de concentrer les souvenirs des cours suivis par l’auteure à la maternité de Montpellier quatorze ans plus tôt.
Structures et renvois : la production d’une science normée
24Les publications pédagogiques à destination des sages-femmes reproduisent le déroulement des leçons. C’était déjà le cas des Principes de Baudelocque36, ça l’est encore un siècle plus tard37.
25Le manuel commence toujours par la présentation de l’anatomie féminine en rapport avec la reproduction et l’accouchement, et se poursuit par la description de la grossesse, puis de l’accouchement naturel et de ses suites (délivrance, soins à la femme et au nouveau-né). Il détaille ensuite les situations pathologiques pouvant se déclarer avant, pendant et après l’accouchement et nécessitant l’intervention de la sage-femme ou du médecin. La première moitié du siècle est marquée par une volonté de synthèse et de normalisation des publications antérieures. À partir des années 1850, l’obstétrique française s’enrichit de toute une série de découvertes et les intègre progressivement à ses manuels à l’occasion des rééditions (Cazeaux par Tarnier en 1867 où sont mis à l’honneur Depaul et Pajot38). Par ailleurs, les traductions d’ouvrages étrangers tendent à les rapprocher des modèles français (Jacquemier pour Naegele, 185339).
26L’attention à l’évolution bibliographique fait des manuels d’accouchements du xixe siècle les produits d’un réseau serré d’obstétriciens. La dette de reconnaissance envers les auteurs anciens se double d’un équivalent envers les pairs contemporains.
(Cazeaux, 1853) Si ce livre ressemble par la forme à ceux qui ont été publiés en France sur le même sujet, il en diffère essentiellement par le fond, car j’ai admis presque complètement les idées des professeurs Naegelé, P. Dubois, Stoltz, qu’on ne retrouve clairement exposées dans aucun de nos livres classiques. J’ai également emprunté au savant traité de M. le professeur Velpeau, dont la vaste érudition a beaucoup facilité les recherches bibliographiques ; aux leçons de M. le professeur Moreau, qui fut mon premier maître ; aux excellents articles de Désormeaux, de Dugès, de M. Guillemot ; aux ouvrages classiques, en Angleterre et en Amérique, de Burns, Campbell, Merriman, Rhamsbotham, Dewees, Meigs, Rigby ; aux traités de Peu, Delamotte, Levret, Smellie, Baudelocque, Gardien, Capuron. J’ai également consulté avec fruit le Manuel récemment publié par mon ami le docteur Jacquemier et les mémoires de MM. Simpson, Tyler-Smith, Depaul, Devilliers, etc. Enfin, on s’apercevra facilement combien j’apprécie les mémoires si éminemment pratiques de madame Lachapelle : en un mot, j’ai pris partout et tout ce qui m’a paru vrai.40
27L’ouverture vers les auteurs anglais et américains, qui vient compléter les liens déjà évoqués avec les obstétriciens allemands, signale les efforts de l’obstétrique française pour s’insérer dans une dynamique scientifique large, après quelques décennies de repli au tournant des xviiie et xixe siècles.
Le cours sans livre
28Il existe cependant une école où les élèves ne reçoivent aucun ouvrage et où le professeur ne transforme jamais son enseignement en livre, c’est l’établissement départemental de Bourg-en-Bresse. Les premiers mois d’existence de l’école sont pour le docteur Pacoud, son fondateur, un temps d’incertitudes et de déceptions : « Aucun ouvrage élémentaire ne remplissait mon but, l’expérience m’avait éclairé sur ce point41. » Il modifie alors sa méthode, l’appuyant sur des séries de questions dont il puise les réponses chez une multitude d’auteurs (Gardien, Boivin, Maygrier, Stein, Capuron). Ces séries manuscrites (« 450 à 500 pages in 8°42 ») sont recopiées par les élèves dans des cahiers et servent de base aux leçons. Cette habitude s’ancre si profondément dans la pratique pédagogique qu’elle est décrite à l’identique en 1880 par une élève boursière de la Drôme.
29Le recours à un manuscrit compilant les meilleurs auteurs ne semble pas a priori moins apte à former les élèves sages-femmes qu’un manuel imprimé conçu dans un esprit identique. Toutefois, les voies de circulation de ce manuscrit multiplient les obstacles à son utilité et en font le témoin périmé d’une pratique adaptée aux années 1820 mais incapable de répondre aux exigences de l’enseignement obstétrical des dernières décennies du siècle :
Généralement ces copies manuscrites sont fort mauvaises et comment se pourrait-il qu’il en fût autrement puisque le personnel des sages-femmes ne se recrute que dans des rangs fort peu instruits ? […] C’est indescriptible ! L’orthographe fait absolument défaut ; il s’y rencontre des phrases rédigées en un français impossible ; parfois la demande, d’autrefois la réponse n’ont point été traduites ; les expressions techniques surtout y sont tronquées, estropiées, illisibles, incompréhensibles, parce que le ou la copiste ne savaient pas ce qu’ils écrivaient et comment veut-on que l’élève qui aura lu et récité 120 fois au moins le mot par exemple de Ultérus au lieu du mot Utérus, ou bien celui d’Aponirose au lieu d’Aponévrose, ne dise pas toute sa vie Ultérus, Aponirose.43
30La réponse du docteur Pic, professeur de l’école bressane, à ces critiques, défend le principe du manuscrit par la volonté de ne pas limiter les élèves à un manuel et de les encourager à consulter toutes les références présentes dans la bibliothèque de l’établissement44. Le choix des textes spécialisés contre le manuel général se fait dès la fondation de l’école. Il reste toutefois unique et propre à cette institution.
Sage-femme, gynécologue, puéricultrice et pédiatre ?
31La formation des élèves sages-femmes intègre une dimension pathologique qui ouvre vers d’autres domaines médicaux : la gynécologie ainsi que la puériculture et la pédiatrie en cours de constitution. Cette extension du domaine de la sage-femme se fonde sur la nécessité de connaître pour reconnaître l’accouchement contre-nature ou laborieux et les risques afférents. Elle s’enracine dans l’association traditionnelle entre art des accouchements et maladies des femmes et des enfants. Le rassemblement en un même corps de doctrine de ce qui relève aujourd’hui de trois voire quatre spécialités médicales s’insère dans une compréhension de la physiologie féminine axée sur la fonction génératrice, le nouveau-né venant en prolongement de sa mère.
32Cette approche globale connaît néanmoins au cours du xviiie siècle des resserrements sur la pathologie féminine et sur les soins aux enfants, à l’origine de nos actuelles partitions. L’évolution des modes de construction du savoir sur le corps pose les bases d’une réorganisation complète du champ médical. Les savoirs se rapportent désormais à un organe, un âge ou un sexe45, tandis que la réforme des institutions hospitalières aboutit à la création d’espaces spécialisés dans l’accueil de populations particulières (vénériens, fous, enfants, etc.)46.
33Toutes ces évolutions créent les conditions d’un développement accéléré de la gynécologie, à partir des observations menées dans les hospices de maternité et les établissements réservés aux vénériennes (à Paris, Port-Royal et la Salpêtrière). Les résultats confortent les travaux d’un courant d’auteurs qui, dès la seconde moitié du xviiie siècle, ont orienté leurs écrits sur les femmes et leur statut d’éternelles malades (Traité des maladies des femmes de Jean Astruc réédité en 1771)47. Les publications sur la nature féminine et ses affections, en premier lieu l’hystérie, se multiplient en reprenant des théories déjà présentes dans les écrits hippocratiques. Leur influence ultérieure sur la place sociale et politique de la femme n’est pas négligeable48. Au début du siècle suivant, Capuron publie un autre Traité des maladies des femmes qui à son tour fait date sur le sujet49.
34L’accès des sages-femmes à ces savoirs passe cependant par une approche traditionnelle et généraliste. L’organisation des manuels fournit aux futures accoucheuses un savoir large sur le corps féminin. Une part importante de la formation porte ainsi sur la reconnaissance des signes de la grossesse et appelle donc l’attention sur toute interruption du cycle menstruel, quelle que soit l’origine qui lui est a posteriori imputée. Dans un autre domaine, l’influence des « vices des parties molles » (tumeur, polype, etc.) sur la grossesse, le terme de l’accouchement et les avortements spontanés impose de déterminer la nature de ces excroissances pour limiter leurs effets. Au-delà du manuel, l’instruction passe par la synthèse, au moment des cours, d’ouvrages plus précis souvent offerts aux élèves sages-femmes comme prix à la fin de leurs études. À l’école d’accouchement de Grenoble dans les années 1820, les élèves mettent par écrit l’enseignement à la fin de chaque cours. En 1825, l’élève des Hautes-Alpes chargée du chapitre sur les hémorragies utérines mentionne l’accoucheur anglais Edward Rigby (qu’elle écrit « Rigléi50 »), auteur d’un Traité sur les hémorragies de l’utérus, traduit par Marie-Anne Boivin en 181851, exemple significatif de la diversité des sources employées par les professeurs.
35Ces connaissances, acquises pour des usages obstétricaux, n’en sont pas moins adaptables à d’autres accidents ou pathologies. Leur diffusion auprès d’un personnel de sages-femmes en constante augmentation multiplie les circonstances où les femmes sont susceptibles de faire appel à ce savoir. L’accroissement et l’amélioration de l’encadrement obstétrical font que celles-ci sont désormais susceptibles de trouver un recours familier et compétent lorsqu’elles sont confrontées à des affections gynécologiques chroniques ou plus ponctuelles.
36De plus, le développement d’un discours sur la fragilité féminine, d’une forme d’éducation privilégiant la clôture, et d’une idéologie bourgeoise plaçant la mère au cœur du foyer accroît l’attention des femmes et de leur entourage à tous les symptômes immédiatement interprétés comme des troubles hystériques ou assimilés. Un public émerge donc pour des praticiens, très vite baptisés « médecins des dames », qui se constituent une clientèle spécifiquement féminine dans des milieux sociaux généralement assez aisés52. La pudeur féminine reste cependant un obstacle et les patientes demeurent réticentes à confier leur trouble à ces médecins. C’est alors que la sage-femme intervient. Sans que l’examen gynécologique lui soit plus aisé (il se pratique quel que soit le soignant à l’aveugle pendant toute la première partie du siècle), la sage-femme est mieux acceptée et peut alors jouer le rôle d’intermédiaire entre le médecin et la patiente53. Le savoir gynécologique des sages-femmes se constitue parallèlement à celui sur l’obstétrique, et le cadre hospitalier et urbain offre un terrain particulièrement riche pour toute sage-femme qui décide d’élargir son activité aux maladies des femmes.
37Le second volet non obstétrical recouvre les soins aux enfants. Situé à mi-chemin de la puériculture prônée par Rousseau et d’un intérêt plus précis pour les pathologies du premier âge, l’enseignement reçu par les sages-femmes s’étend de l’évaluation de la santé intra-utérine de l’enfant jusqu’à son sevrage, comme le rappelle en 1850 le docteur Teissier, professeur du cours d’accouchement de Troyes : « Le rôle de la sage-femme est loin d’être terminé par l’accouchement ; elle doit encore […] suivre le nouveau-né pendant l’allaitement, le sevrage et la dentition54 ».
38Les ouvrages pédagogiques comportent tous un ou plusieurs passages consacrés à ces questions. Premiers soins immédiatement consécutifs à la naissance et préalables à la délivrance maternelle, vêture et alimentation de l’enfant sont au cœur de ces chapitres. Les gestes correspondants de la ligature et de la coupe du cordon, de l’emmaillotement et de la mise au sein forment la base des savoirs de la sage-femme. Le cortège des interventions sur le corps du nouveau-né – coupe du filet de la langue, modelage du crâne, perforation de l’anus – apanage traditionnel des matrones, est évoqué pour être immédiatement confié aux chirurgiens et aux médecins55.
39L’emmaillotement perdure mais selon des modalités fortement influencées par les vitupérations de Rousseau contre ce saucissonnage des enfants. L’emmaillotement souple devient cependant rapidement la norme médicale, appuyée dans les cours aux sages-femmes sur des extraits de l’Émile. À Grenoble en 1820, une élève retranscrit la leçon suivante : « Rousseau dit : “l’homme nait et meurt dans l’esclavage, à sa naissance on le coud dans une bière”. L’auteur parle de la manière de tenir les enfants, qu’il faut tenir ni trop chaud ni trop froid56 ». Au fil de siècle, les passages consacrés à cette question, tout en maintenant le refus de l’emmaillotement serré, affichent un relativisme croissant, du moment que l’enfant soit mis à l’abri du froid et tenu propre (Maunoury, Salmon, 1861). Formées aux différentes méthodes d’habillement des enfants et sensibilisées à l’évolution des modes, les sages-femmes ont pour tâche de diffuser les unes et les autres parmi leur clientèle, avec une certaine fermeté pour imposer l’abandon de l’emmaillotement serré, surtout en milieu rural.
40Autre domaine essentiel : l’alimentation. Angélique du Coudray reprend dans son Abrégé les critères de choix d’une bonne nourrice, exigences qu’on retrouve dans l’ensemble des manuels jusqu’à la fin du xixe siècle. Très rapidement pourtant, l’encouragement en faveur de l’allaitement maternel occupe la première place dans les chapitres concernant l’alimentation de l’enfant, suivi de l’allaitement par une nourrice et de l’allaitement artificiel. Au tournant des années 1850, la place occupée par ce sujet dans les ouvrages pédagogiques s’accroît notablement. Paulin Cazeaux ajoute ainsi à la troisième édition de son Traité théorique et pratique des accouchements une sixième partie sur l’hygiène des enfants57. L’allaitement artificiel est sans doute celui qui suscite le plus d’interrogations chez les médecins mais aussi le plus d’initiatives de la part des sages-femmes. Il impose de recourir à une alimentation de substitution, le lait animal (chèvre, ânesse, vache), et à l’usage de récipients divers : gobelet, cuillère, biberon. Ce dernier fait l’objet au xixe siècle d’un marché florissant en particulier auprès des nourrices dont le lait se raréfie58. En 1828, la veuve Breton, sage-femme, publie toute une série d’opuscules pour vanter les mérites du biberon qu’elle vient d’inventer59. Paulin Cazeaux définit pourtant ce mode d’allaitement comme « le plus mauvais de tous les modes proposés pour nourrir un enfant » et souligne que très peu d’enfants survivent à ce régime60. À la fin du siècle, le principal combat des auteurs porte sur la nécessité de garder ces récipients parfaitement propres61. L’enseignement prend de plus en compte toutes les difficultés afférentes à l’allaitement et donne aux sages-femmes les moyens de soulager les jeunes mères ou les nourrices. Au-delà, la formation comprend généralement une partie consacrée à l’alimentation de complément (bouillies, panades, etc.) qui permet d’emmener l’enfant vers un sevrage progressif.
41Les compétences de la sage-femme s’élargissent aussi en amont de la naissance dans une connaissance de plus en plus fine des étapes d’évolution du fœtus. La mise au point des techniques d’auscultation obstétricale à l’aide du stéthoscope de Laennec au début des années 1820 par Jacques Alexandre Le Jumeau de Kergaradec bouleverse complètement le suivi ante partum et permet le contrôle de la santé fœtale à partir du quatrième mois de la grossesse62. Définir la taille de l’enfant à terme pour comparer ses mensurations avec celles du bassin dans ses différents axes reste un enjeu important mais s’insère désormais dans une approche approfondie du déroulement de la grossesse. La description du fœtus dans les manuels s’accroît considérablement, intégrant à partir des années 1820-1830 les avancées de l’ovologie, bientôt désignée comme embryogénie, et des chapitres sur les fonctions du fœtus (circulation et nutrition)63. Marie-Anne Boivin développe même dans le Mémorial toute une réflexion sur la faible sensibilité du fœtus au toucher et à la douleur64.
42La sage-femme contracte donc par l’augmentation de son savoir le devoir d’être présente pendant la grossesse : « Le rôle de l’accoucheuse commence en effet bien avant l’accouchement, et toute sage-femme qui attendrait les premières douleurs pour visiter sa malade serait coupable de négligence65 » (1886). Dans l’examen qui est alors pratiqué, la question des mouvements du fœtus, le toucher des parties fœtales lorsque la grossesse est suffisamment avancée et l’écoute des bruits utérins (cœur du fœtus et souffle placentaire) sont des éléments primordiaux d’information pour la sage-femme, car ils sont des signes certains de la grossesse et déterminent la conduite à tenir au moment du déclenchement de l’accouchement.
43Dernière circonstance où sont requises les capacités de la sage-femme : lorsque l’enfant naît en état de mort apparente66. Tous les manuels, d’Angélique du Coudray à la fin du xixe siècle, consacrent de substantiels passages à la description des différentes formes de détresse néonatale (asphyxie bleue ou violette et asphyxie blanche ou syncope67), dont l’étiologie se précise, permettant l’adaptation des thérapeutiques. Sur le terrain, les sages-femmes, qui ont toutes dans leur trousse un tube laryngien68, ne le cèdent en rien aux médecins dans leur mise en œuvre.
44L’accumulation des tâches qui reposent sur les épaules des sages-femmes et l’accroissement continu au cours du xixe siècle de leur champ d’intervention relèvent de l’évolution sans précédent des savoirs obstétricaux, gynécologiques et pédiatriques mais aussi du statut spécifique de l’accoucheuse comme agent médical multifonction, généralement indépendante dans l’exercice de sa profession69. Cette indépendance peut toutefois aussi signifier une forme de solitude de la sage-femme, puisque ses qualités d’accoucheuses ne sont qu’une part des attentes de la communauté dont elle doit gagner et conserver la confiance pour vivre de son métier. En l’absence encore fréquente d’un médecin dans la commune, voire le canton, le savoir de la sage-femme en fait souvent la seule interlocutrice médicale, susceptible d’être consultée bien au-delà de ses attributions.
Apprendre et retenir
La répétition au cœur des apprentissages
45La manière d’enseigner les accoucheuses suscite, dès la mise en place des formations au xviiie siècle, au moins autant de discussions que la nécessité de cet enseignement. Les obstacles à une instruction de qualité sont nombreux : brièveté des cours, analphabétisme, non francophonie ; et ne sont que très progressivement surmontés par l’allongement de la formation et les progrès de l’instruction primaire. Autant que le contenu, la méthode est donc primordiale pour atteindre les objectifs pédagogiques.
46Quelles conclusions tirer de la forme des manuels ? L’Abrégé de l’art des accouchements d’Angélique du Coudray ne se singularise ni par son plan ni par sa présentation des traités d’accouchement contemporains et ses qualités résident principalement dans sa taille restreinte et la simplicité des formulations. La publication en 1775 des Principes de Baudelocque et, quelques mois plus tôt, d’une version plagiée et raccourcie de cet ouvrage par Amable Augier du Fot, marque un tournant dans l’histoire de l’écriture obstétricale pédagogique. Les auteurs reprennent le principe classique du dialogue didactique70. Le modèle du dialogue est cependant simplifié à l’extrême dans une alternance non dramatisée de questions et réponses introduites par les lettres Q. et R.
47Au cœur des méthodes de formation des sages-femmes, se trouve donc l’apprentissage par cœur d’un dialogue figé dont la bonne compréhension et la mémorisation dépendent de son ordre et de sa complétude. Questions et réponses s’enchaînent et forment la trame serrée d’un savoir qui se construit d’abord à l’échelle de ces binômes, avant de le faire à l’échelle de la section, de l’article, du chapitre puis de la partie. Cette fragmentation des connaissances apparaît plus propre à un public incapable de lire ou relire de longs paragraphes explicatifs. Les élèves sages-femmes s’accrochent alors aux relances régulières de l’interrogateur, au risque de s’enfermer dans cette litanie et de ne pas réussir à l’adapter à la reformulation des questions, ou pire de perdre le lien entre théorie et réalité pratique. C’est d’ailleurs un reproche régulièrement adressé aux futures accoucheuses formées de cette manière.
48Le succès des Principes de Baudelocque justifie l’adoption de la méthode à l’Hospice de la Maternité de Paris où l’auteur applique son système à ses élèves. La place de l’exposé magistral est réduite à la moitié du temps d’enseignement, le reste étant consacré aux questions. Marie-Louise Lachapelle applique un rythme similaire à ses propres cours de théorie71. Les maîtresses sages-femmes qui lui succèdent accordent aussi une grande importance à cette manière de faire apprendre ; Clémentine Charrier la substitue même entièrement au cours magistral préalable72. La part prise dans l’enseignement de l’obstétrique par cette méthode influe tout d’abord sur les fonctions du personnel enseignant (répétitrices) et sur son abondance. Elle se lit ensuite dans la forme de certains manuels : au-delà des sept éditions des Principes de Baudelocque (1775-mi xixe siècle), certains professeurs s’en inspirent pour produire leur propre catéchisme comme le docteur Mespec à Pau en 183773. En 1853, Jean-Marie Jacquemier publie une nouvelle édition du Manuel d’accouchements à l’usage des sages-femmes de Franz-Carl Naegele, où il restitue en annexe le questionnaire supprimé par le premier traducteur. Quatre ans plus tard, l’ouvrage intègre le programme des élèves sages-femmes de l’Hospice de la Maternité de Paris. L’annexe au Manuel suit strictement l’ordre du texte qui le précède. Elle est composée au total de 647 groupes de questions de taille variable. Le maintien de la méthode catéchétique qu’elle permet, justifie la pérennisation d’une forme d’instruction qui a été entre temps quasiment abandonnée dans l’enseignement primaire : celle de l’enseignement mutuel.
49Né en Angleterre à la fin des années 1790, cet enseignement repose sur la division des élèves en petits groupes confiés à des moniteurs faiblement rémunérés ou choisis parmi les élèves les plus avancés de l’école74 et s’oppose à l’enseignement simultané dispensé à des classes d’âge. L’enthousiasme pour ce principe d’instruction est rapide en France75 et les fondations d’établissements se multiplient rapidement pendant la seconde moitié des années 1810, surtout en milieu urbain.
50Ces créations et cette pédagogie rencontrent rapidement les besoins de la formation obstétricale. La taille des promotions d’élèves à l’Hospice de la Maternité de Paris et la coexistence assez rapide de deux niveaux d’instruction, avec la quasi-généralisation du doublement de l’année de cours, réunissent toutes les conditions nécessaires à sa mise en œuvre76. Dans les mêmes années, le cours d’accouchement de Bourg-en-Bresse adopte cette pratique, en faisant explicitement référence aux nouvelles écoles77. L’accent mis sur l’oralité dans le processus d’apprentissage vise à ancrer profondément les connaissances, de manière à « créer des automatismes78 ». C’est aussi, dans les écoles confrontées à l’analphabétisme de leurs élèves, un moyen de contourner, parfois avec succès, les lacunes de l’instruction primaire :
Marie Josèphe Mermet, veuve Maire, âgée de 45 ans, de la commune d’Échallon, douée d’une intelligence très ordinaire, mais pleine de bonne volonté, ne sachant ni lire ni écrire, fut reçue à l’école […]. Pendant deux mois et demi, elle ne répondait aux questions que je lui adressai, pour m’assurer si elle faisait quelques progrès, que par des larmes et en m’avouant son incapacité […] ; lorsque j’en vins à l’essai de la méthode dont je viens de rendre compte, un nouveau jour commença à luire pour elle, et à l’examen général, elle a répondu de manière à satisfaire les juges.79
51Quelle que soit la méthode employée, la formation obstétricale transforme l’enseignement en vaste interrogation, scandée par de multiples examens récapitulatifs. Le principe de contrôle perpétuel du savoir est à l’origine de la documentation sur le contenu des cours, puisque là où les cahiers d’élèves ou les notes des professeurs ne sont la plupart du temps pas conservés, restent les sujets d’examens, régulièrement transmis aux administrations de tutelle.
52L’interrogation orale constitue la meilleure préparation au passage devant le jury médical, puis, à partir de 1854, devant les écoles de médecine. C’est la forme donnée aux examens de fin de scolarité mis en place dans les cours d’accouchement. L’examen de fin d’études constitue à ce titre jusqu’en 1854 au moins, plus encore que l’examen officiel, le moment essentiel d’appréciation et de reconnaissance du savoir acquis par les élèves sages-femmes, le sésame vers l’exercice de la profession80. Les procès-verbaux rédigés à l’issue de quelques-unes de ces sessions expriment ce primat de l’oral et du questionnaire multiple :
(Brest, 1823) Le jury d’examen […] a d’abord arrêté une série de 30 questions principales, prises dans les diverses parties du cours complet d’accouchements et offrant le plus d’intérêt sous le rapport de la théorie appliquée à la pratique de l’art. Après avoir inscrit ces questions sur un tableau les élèves ont été appelées, l’une après l’autre, et y ont répondu successivement dans l’ordre désigné par le sort.81
53L’écrit est souvent absent des examens de fins d’études, tout comme il l’est des examens de réception jusqu’à la réforme de 1893. Dans la seconde moitié du siècle, après la dévolution des réceptions aux écoles de médecine, l’examen de fin d’études perd en solennité. Certains règlements de la seconde moitié du siècle ne font plus mention que de la nécessité d’avoir accompli la scolarité complète et de disposer de l’approbation du professeur pour pouvoir se présenter aux examens officiels (Pau)82. Cette disparition n’est probablement qu’apparente – les écoles maintiennent des examens de fin d’année ; mais elle correspond sans doute à une réévaluation de l’appréciation régulière du progrès des élèves au cours des années de formation qui fait à l’écrit une place nouvelle.
54La place tenue par les exercices écrits dans l’enseignement est indissociable du niveau d’instruction primaire des élèves sages-femmes. Les efforts des établissements pour compenser les lacunes initiales des jeunes femmes permettent toutefois une introduction relativement précoce de ce type d’exercices. L’école d’accouchement de l’Isère est sous ce rapport un modèle du genre. Les élèves admises se voient imposer dès les années 1820 la rédaction de résumés de cours, de procès-verbaux d’enseignement clinique et de comptes-rendus d’accouchements, qui constituent pour les administrations départementales qui envoient des boursières autant de preuves du sérieux des élèves :
Mardi 27 novembre. – Répétition de la leçon du jour.
La leçon a commencé par une observation que Madame Ciceron nous a donné, où l’enfant est venu mort.
L’on nous a fait l’explication de causes qui peuvent donner lieu à cet accident.
L’on nous a dit que, pour rappeler une enfant à la vie, il fallait lui souffler dans la bouche ou dans les narines.
Marie Michou nous a donné le mécanisme de la quatième espèce par la tête ; elle nous a dit qu’à la sortie de la vulve, il regardait le coté droit.
L’on lui a fait observer le contraire.
L’on a demandé à Mademoiselle Nougarede combien l’occiput présentait de positions au détroit abdominal ; elle a bien répondu. […]
La leçon s’est terminée.83
55On rencontre, au fil du siècle, ces répétitions écrites dans les emplois du temps d’autres établissements (deux heures par jour à La Rochelle et Pau)84. Elles pallient les lacunes synthétiques de l’enseignement oral et imposent aux futures sages-femmes de se remémorer tous les éléments liés au sujet et de les présenter avec méthode. Certaines institutions, comme l’école de Tulle, organisent des devoirs semestriels où les élèves (de deuxième puis de première année) disposent de six heures pour traiter par écrit une question tirée du programme d’obstétrique85. Il en va de même à l’école de Dijon où en 1870 une composition écrite succède aux épreuves orales86.
56Interrogations orales, interrogations écrites, les questions sont le fil conducteur de l’enseignement. La répétition réduit la timidité et l’émotion qui étreignent les futures accoucheuses au moment de se présenter devant un jury. Au-delà, la défiance continue des enseignants envers les capacités intellectuelles de leurs élèves, l’absence pendant une large première moitié du siècle de toute habitude scolaire antérieure à l’admission au cours expliquent pour une grande part l’insistance sur le contrôle perpétuel des connaissances.
57La difficulté à concevoir, tel est l’ennemi du professeur, que seul peut combattre le recours aux autres sens de l’élève sage-femme : la vue et le toucher. À cela deux raisons : un sens de l’abstraction pour partie déficient mais surtout le fait que l’obstétrique opératoire, à l’opposé d’un exercice spéculatif, nécessite d’être appuyée sur une approche concrète des réalités auxquelles elle se rapporte.
Passer de la théorie à la pratique
58L’acquisition du savoir anatomique, la compréhension des mécanismes de progression de l’accouchement et celle des obstacles qu’il peut rencontrer passent par des supports pédagogiques distincts du manuel. L’approche bidimensionnelle des organes de la génération est un complément de la description orale. Les manuels comportent très souvent un ensemble de figures intercalées dans le texte (Baudelocque, Naegele, Budin) ou de planches annexées au volume (Boivin, Chailly, Maunoury, Bonnet)87. Les auteurs y accordent une réelle importance, regrettant parfois à l’instar de Baudelocque d’avoir dû restreindre leur part pour des raisons de coût88. Marie-Anne Boivin consacre tout le second volume de son Mémorial à la publication de planches. C’est l’ouvrage de référence qui offre les ressources figurées les plus importantes.
59Il existe aussi des recueils spécialisés de planches. Les inventaires de mobilier des cours les mentionnent, comme celui de Rodez en 1862 qui évoque un « Atlas de planches coloriées par Moreau89 ». S’ajoutent à cette même catégorie les tableaux pour la démonstration qui reviennent d’inventaire en inventaire (15 à Mâcon en 1837 ; 12 à La Rochelle en 1845 ; 2 à Troyes en 1858)90. À la suite d’auteurs comme Charles-Nicolas Jenty ou surtout Jacques-Fabien Gautier d’Agoty91, le xixe siècle continue de produire de grands ensembles de planches anatomiques portant sur les organes de la génération, la grossesse et l’accouchement : l’Atlas de l’art des accouchements de Lange et Node en 1835, ou encore, en 1860-1865, l’Atlas complémentaire de tous les traités d’accouchements d’Adolphe Lenoir poursuivi par Stéphane Tarnier et Marc Sée, et réédité sous le titre d’Atlas de l’art des accouchements en 188192. Ces publications souvent de grande taille (l’Atlas de Lange et Node est un in-folio) coûtent assez cher (ill. 7). Elles sont donc acquises en un seul exemplaire et restent généralement en usage pendant plusieurs décennies, au point que les inventaires signalent souvent leur mauvais état.
60La représentation à plat est complétée à partir du xviiie siècle par les représentations tridimensionnelles. L’enseignement de l’obstétrique n’a, au xixe siècle, que modérément recours à l’étude par la dissection, pour des raisons de sensibilité des élèves93, mais aussi pour des raisons plus matérielles d’absence de cadavres sur lesquels la pratiquer. Les occasions de dissection se limitent aux décès de femmes en couches dans les établissements d’enseignement, ce qui n’arrive pas si souvent dans les petites écoles d’accouchement où le taux de mortalité maternelle est très en deçà de ce qu’on peut observer dans les hospices parisiens. De plus, les médecins des hospices rechignent à faciliter la tâche des professeurs d’accouchement sur ce point, comme le montrent en 1846 les plaintes du docteur Teissier de Troyes94 relayées par le ministre de l’Instruction publique :
[…] le professeur du cours éprouve les plus grandes difficultés à obtenir les cadavres qui lui sont indispensables pour faire les démonstrations qui doivent compléter ses leçons, et les rendre plus intelligibles et plus profitables aux élèves.95
61Ce courrier du ministre montre les limites de sa circulaire du 6 octobre 1837 qui pressait les préfets d’améliorer les possibilités de dissections des écoles secondaires de médecine96. Au-delà, le caractère ponctuel de la dissection impose de fonder sur d’autres supports l’étude de l’anatomie. Les cours disposent donc d’os préparés, de bocaux de formol, ou encore de pièces d’anatomie clastique. Les os préparés se retrouvent très fréquemment. Au début des années 1830 une liste de matériel pour l’école de Niort mentionne quatre bassins viciés, un bassin de fœtus vicié, un bassin d’adulte désarticulé, deux squelettes de fœtus et quatre têtes d’enfants97. À Troyes en 1859, l’inventaire signale un bassin naturel avec ses diamètres, mais aussi un squelette complet de femme98. Ces ensembles complets sont presque aussi fréquents que les petites pièces dans les armoires des écoles : à La Rochelle en 1845, on trouve « deux squelettes, un grand et un petit », dont l’état est décrit comme mauvais, et « trois bassins humains », deux en bon état et l’autre mauvais99. Les préparations en bocal sont moins fréquentes et concernent généralement des fœtus à différents stades de la grossesse (11 bocaux signalés à La Rochelle en 1845)100.
62Restent les modèles anatomiques en cire ou en papier mâché qui se multiplient sous forme d’anatomies clastiques à partir de la fin du xviiie siècle. L’anatomie démontable ou clastique reproduit l’approche de la dissection par l’emboîtement des différentes pièces de l’organe ou du corps figuré. L’utilisation des modèles en cire dans le cadre de l’enseignement obstétrical français à destination des sages-femmes n’est pas documentée à l’inverse de celle des anatomies clastiques en papier mâché produites à partir de la fin des années 1820 par le docteur Auzoux101. Avec un catalogue riche qui va de la maquette du corps humain entier aux organes isolés très agrandis, le docteur Auzoux fait connaître ses productions dans toute la France. De la fin des années 1830 au début des années 1850, préfets et médecins reçoivent les opuscules publicitaires qui vantent les mérites des différents modèles :
(Charente, 1842) Messieurs, Monsieur le professeur du cours d’accouchement demande les modèles d’anatomie du docteur Auzoux détaillés dans sa lettre ci-jointe pour la démonstration de ce cours. […] L’administration propose en conséquence au conseil général de voter : […] 3° pour l’acquisition des modèles demandés, 1 250 francs.102
63Les besoins de l’enseignement ne suffisent pourtant pas toujours à convaincre les conseils généraux de voter les sommes nécessaires. C’est le cas à Angoulême où la commission qui étudie la demande en 1842 considère qu’il n’y a pas utilité à faire cet achat. Même refus en 1843, cette fois en raison de la situation financière précaire du département103. Le prix élevé des modèles obstétricaux (3 200 francs pour le modèle grandeur nature) est un puissant frein, même si certains cours optent pour une acquisition progressive de la collection, ainsi à Dijon au début des années 1850104.
64La pièce maîtresse de l’enseignement reste cependant le mannequin (ill. 8 et 9). Sa centralité dans la formation des sages-femmes n’est jamais questionnée au cours du siècle. Parfait outil de la découverte des mécanismes de l’accouchement, il permet d’appréhender toutes les dystocies qui ne se présentent qu’exceptionnellement dans la formation clinique. Il est enfin le support de la répétition à l’infini des gestes qui forment la base de l’obstétrique pratique. Défendu par les auteurs, Baudelocque en tête, mais aussi par les professeurs départementaux (Romieux, Pacoud), le mannequin est omniprésent dans les inventaires de mobilier, et aucun conseil général n’ose remettre en cause les sommes consacrées à son renouvellement ou à sa réparation. Sa composition précise n’est jamais détaillée dans les récolements des cours (mis à part la présence du fœtus), mais les professeurs veillent attentivement à sa qualité. En 1818, le professeur du cours gersois s’enquiert auprès d’un collègue parisien, le docteur Bagnères, médecin de la garde royale, d’un fabricant pour se procurer un mannequin. Ce dernier lui répond s’être renseigné auprès de l’Hospice de la Maternité et se propose de « surveiller la fabrication avec tout le soin possible105 ». Il joint à son courrier la note suivante :
Mme Murat, sage-femme, demeurant rue Poupée, fait des phantômes pour des accouchements pour le prix de 150 francs. Il y a aussi un fabricateur nommé Verdier qui en fait de plus beaux et de mieux conditionnés pour le prix de 500 francs, mais les premiers suffisent aux démonstrations qui se font à l’Hospice de la Maternité. Mme Lachapelle n’en employe pas d’autres.106
65Exactement dans les mêmes intervalles, Marguerite Coutanceau, de passage à Paris, demande au préfet de la Gironde l’autorisation de se procurer un mannequin. Ses vœux la portent justement vers ce même chirurgien Verdier. La lettre que ce dernier lui adresse offre la seule description de mannequin rencontrée dans les sources administratives :
Il sera garni de peau grise en dedans, et couvert, en dessus, en peau noir. Les piqûres faites dans le bassin indiqueront : la forme des os, coccyx pubien, trous sacrés ovales, échancrures ischiatiques, ainsi que les vertèbres lombaires ; le coccyx rendu élastique, se déjettera en arrière d’un pouce à un pouce et demi pour augmenter d’autant le diamètre coccy-pubien lors du passage de la tête de l’enfant. Le périné (sic) de même élastique bombera quand l’occiput cherchera à s’engager sous l’arcade du pubis. Les grandes lèvres aussi élastiques, se distenderont pour laisser passer la tête, et, elles reviendront s’appliquer sur le col de l’enfant, quand l’occiput aura dépassé l’arcade pubienne.
Le tablier est élastique afin que l’opérateur suive avec la main placée sur le ventre artificiel les mouvements imprimés à l’enfant par son autre main, introduite dans l’utérus à dessein d’amener l’enfant dans une position plus convenable pour sa sortie. Mes mannequins sont disposés de manière à se fixer sur une table ordinaire ou un bureau, par un mécanisme très simple.
Le fœtus est fait avec le squelette d’un enfant mort-né, et recouvert en peau ; les sutures des différents os de la tête, ainsi que les fontanelles, sont figurées par des coutures, afin de faire reconnaître à la personne qui manœuvre quelle est la présentation de la tête. Un placenta avec son cordon et ses membranes en taffetas gommé. Le prix est de 500 francs107.
« Au lit des parturientes »
66L’opposition entre formation pratique sur le mannequin et formation clinique, « au lit des parturientes » constitue pendant la première décennie du xixe siècle un outil politique aux mains des ministres de l’Intérieur successifs. Les professeurs pour leur part ont conscience de l’erreur qu’il y a à opposer ces deux aspects de la formation par essence complémentaires. L’enjeu principal de l’instruction des sages-femmes réside dans l’accès des élèves à l’étude clinique, accès qui devient un critère discriminant pour l’organisation ou la reconnaissance des cours d’accouchement dès 1806. La fixation progressive d’un nombre minimal de lits (10 à 12) réservés aux femmes enceintes dans l’établissement qui reçoit les élèves aboutit à écarter dans un premier temps nombre de cours du processus d’officialisation des enseignements. Cette manière administrative d’évaluer ne présume ni de l’occupation de ces lits, ni de la durée des séjours ante- et postpartum. Elle ne prend pas non plus en compte les tentatives de diversification des origines du savoir clinique, tentées par les professeurs qui n’ont pas à leur disposition de salle spécifique pour accueillir des accouchées. Dans l’Ariège, le règlement du cours d’accouchement de Pamiers prévoit en 1809 :
Pour multiplier l’instruction, les élèves pourront obtenir l’agrément du professeur pour s’arranger de gré à gré avec les sages-femmes en exercice dans la ville, qu’elles suivront et aideront dans les accouchements.108
67Nonobstant ces initiatives ponctuelles, l’idée d’un seuil de réceptions hospitalières est progressivement reprise par le corps médical, qui tente alors de définir le nombre d’accouchements observés ou réalisés justifiant d’une « bonne » formation, sans jamais réussir à se mettre d’accord au cours du siècle.
68Les débats autour de ce nombre s’élèvent surtout à partir des années 1840, à un moment où le mouvement de fondation des écoles se ralentit et où les cours les moins bien dotés en matière d’instruction clinique ont déjà disparu (Dax en 1820109). Les exigences sont variables d’un établissement à l’autre. En 1848, le docteur Naigeon rappelle dans son rapport annuel sur le cours de Dijon les impératifs du règlement : « chaque élève doit avoir fait deux accouchements » et souligne que « chaque élève a fait seule, ou conjointement avec une autre, deux ou trois accouchements110 ». Ce chiffre correspond au nombre d’accouchements que pratiquent les élèves de l’école de La Rochelle (63 pour l’année 1852, soit 3 par élève), ce qui satisfait le professeur et l’administration départementale111. Quinze ans plus tard, un tel nombre est néanmoins défini comme « évidemment insuffisant » par le préfet de l’Aveyron112. Ce jugement se confirme à mesure qu’on avance dans le siècle, comme le prouve la proposition faite par une commission du conseil général de la Drôme en 1889 d’envoyer désormais les élèves sages-femmes, auparavant boursières dans l’Ain, à l’hospice de la Charité de Lyon :
[…] attendu qu’elles n’y séjournent que quatre mois par an pendant deux ans, et que, d’après la moyenne de douze années, elles ne peuvent profiter pour leur instruction pratique que de 109 accouchements par an, ce qui fait à peine deux accouchements pour chaque élève ; tandis qu’à la maternité de Lyon les élèves sont astreintes à deux années d’internat et qu’elles assistent à 1 200 accouchements […].113
69C’est le nombre d’accouchement opérés par les élèves elles-mêmes qui constitue dans ce cas la seule preuve valable de la future capacité des sages-femmes. Le nombre de naissances observées plaide à l’opposé en faveur des petites institutions. En 1858, le préfet de l’Aveyron défend auprès du conseil général la réouverture d’un cours à Rodez. Il rappelle alors les conditions dans lesquelles fonctionnait le cours supprimé en 1847 : « Le nombre moyen des accouchements était de 12 à 15 par an ; chaque élève était témoin d’une quarantaine pendant la durée du cours. C’était assez pour compléter son instruction114 ».
70Ce primat accordé à l’observation sur l’application directe ne convainc cependant pas les administrations de l’opportunité de conserver le cours lorsque le nombre d’accouchements annuels dans un établissement est inférieur à cinquante. Dans l’Aveyron, le docteur Viallet a beau dénoncer les mesures qui maintiennent la faiblesse du nombre d’admises à la salle d’accouchement (20 en 1863-1864 ; 35 en 1864-1865), et faire tout son possible pour augmenter la fréquentation du cours par les femmes enceintes, il ne réussit pas à justifier le maintien de la formation, supprimée en 1867115.
71L’Hospice de la Maternité de Paris a fait une grande part de sa réputation sur l’éventail très large des types d’accouchements qui s’y déroulent. Statistiquement parlant, certains types de naissances laborieuses ne se rencontrent qu’une fois sur plusieurs milliers d’accouchements. Les quelques dizaines d’accouchements annuels des maternités provinciales ne reçoivent donc qu’exceptionnellement ce genre de cas et admettent surtout des parturientes dont l’accouchement se déroule sans encombre. C’est cette constatation qui emporte en 1851 la décision de supprimer l’école d’Angoulême116.
72La qualité de l’enseignement clinique dépend donc du nombre et de la variété. Celle-ci ne se rencontre que dans les très grands établissements, parisien ou lyonnais. Entre les deux accouchements annuels d’une élève dijonnaise de la fin des années 1840 et la centaine pratiquée par les élèves lyonnaises à la fin des années 1860117, une moyenne acceptable se dessine pourtant, qui inclut les cours où se font entre quatre-vingts et cent accouchements par an. Les élèves y opèrent de douze à quinze naissances, suffisamment pour maîtriser les mécanismes de l’accouchement naturel et pour être confrontées au moins une fois à un accouchement nécessitant une intervention manuelle ou instrumentale.
73Au-delà de la maîtrise de la technique obstétricale, l’intérêt de la formation clinique réside dans les obligations qui incombent à l’élève sage-femme dès lors qu’elle se voit confier une patiente. Les articles du règlement de l’Hospice de la Maternité de Paris définissent les devoirs de l’élève envers les femmes en couches :
Art. 19. Les élèves de tour, dans les cas ordinaires, ne pourront quitter la femme qu’elles auront accouchée que deux heures après la délivrance. L’une d’elles restera constamment auprès de cette femme pour veiller à ce qu’il ne survienne pas d’accident, et pour faire appeler à propos la sage-femme en chef, si la circonstance l’exige. L’autre élève sera chargée de donner ses soins à l’enfant.
Art. 20. Les mêmes élèves seront tenues de visiter les femmes qu’elles auront accouchées deux fois le jour, le matin et le soir, afin de bien observer tout ce que présente l’état ordinaire de couche et de prévenir à temps la sage-femme des complications qu’elle pourrait offrir.
Art. 21. Elles multiplieront leurs visites auprès des femmes qui seront malades ; et, selon la gravité de la maladie, une d’elles sera constamment de garde, pour veiller à ce que le service se fasse ponctuellement, pour observer les variations qui auront lieu dans le cours de la journée et de la nuit et en rendre compte au médecin lors de la visite.
Art. 22. Une seule élève pourra exercer cette surveillance dans plusieurs salles ; elle sera relevée par une autre au bout de quatre heures : toutes feront ce service successivement et à tour de rôle.118
74Ces instructions sont reprises dans plusieurs règlements de cours départementaux (Marseille, Dijon, etc.) et se combinent avec l’élargissement de l’enseignement clinique en amont et en aval de l’accouchement. Le moment de la grossesse auquel les femmes enceintes peuvent être admises dans les maternités est souvent, pour des raisons d’économie, très proche du terme (dernier mois de la grossesse)119. Au-delà, il est plutôt rare en province que les patientes se présentent dans l’établissement avant les premières douleurs de l’enfantement, à moins d’être malades. L’entrée tardive à la maternité limite les possibilités d’étude clinique de l’évolution de la grossesse. Les propositions d’admissions plus précoces (sixième ou septième mois), même formulées par les commissions des assemblées départementales, se heurtent aux réticences des conseils généraux au moment de voter les budgets. Les professeurs tentent alors de compenser ce manque en payant des femmes enceintes pour qu’elles acceptent de se laisser examiner, recourant soit à des indigentes, soit à des femmes appartenant à leur clientèle personnelle120. Pour les admises dans les salles de maternité annexées aux cours, la durée du séjour total est variable, d’une dizaine de jours à un ou deux mois. L’allongement concerne plutôt la période du post-partum comme le décrit le docteur Armand Rey, directeur du cours d’accouchement et de la maternité de Grenoble en 1884 :
[…] d’après les règlements, ce séjour devrait être au maximum de quarante-cinq jours : soit le dernier mois trente jours, et quinze jours de suites de couches. La première période ne se trouve que très exceptionnellement prolongée, et peut être abrégée du tout au tout, quand les parturientes arrivent dans le service au moment du travail ou ayant déjà accouché ; tandis que la seconde période ne devrait être que très exceptionnellement abrégée. Elle est bien plus souvent prolongée, soit par des suites de couches défavorables, soit par des maladies intercurrentes.121
75Ce prolongement de la présence dans l’école après l’accouchement permet de développer l’apprentissage des soins aux accouchées et aux nouveau-nés. Au-delà des chiffres enfin, de la quantité d’accouchements vus ou faits, du nombre d’accouchées ou d’enfants soignés, la formation clinique offre une confrontation avec le vivant, son caractère imprévisible, sa vulnérabilité ou sa résistance. Elle fait entrer les futures sages-femmes de plein pied dans la réalité de leur profession.
Élargissement du savoir et progrès des soins
L’ancrage de l’obstétrique dans une approche physiologique élargie
76L’élargissement du programme des cours de l’Hospice de la Maternité de Paris est très précoce mais dans un premier temps, la vaccination, la saignée et les notions de botaniques s’inscrivent dans un prolongement de l’art des accouchements. Très rapidement cependant, la maîtrise de ces savoirs justifie leur application à des contextes sans lien avec la gestation ni la parturition. La concurrence des matrones se fonde très tôt dans le siècle sur leur double fonction d’accoucheuse et de garde-malade. C’est d’ailleurs cette deuxième épithète qui est mise en avant par les magistrats municipaux lorsqu’ils ne souhaitent pas sévir contre ces femmes122. La seule réponse possible pour les sages-femmes diplômées réside donc dans l’extension de leurs compétences. Leur capacité à susciter la confiance, et donc à introduire des pratiques prophylactiques telle que la vaccination dans les campagnes et plus généralement dans les milieux sociaux qui n’ont ni l’habitude ni les moyens de recourir au médecin, prépare naturellement le terrain à un exercice minimal mais néanmoins réel de la médecine123. Laïques, elles sont l’équivalent officiellement intégré au corps médical des religieuses soignantes étudiées par Jacques Léonard124.
77La formation de garde-malade combinée à l’instruction obstétricale rapproche fortement la sage-femme de l’officier de santé, au moins pendant la première moitié du xixe siècle. La sage-femme dispose toutefois d’un double avantage : scientifique par sa maîtrise de l’art des accouchements et social puisqu’elle doit gratuitement ses soins aux indigents. Cette formation s’ajoute explicitement aux programmes de nombreuses écoles au plus tard dans les années 1830. En 1835, le programme des examens de l’école de Bourg-en-Bresse consacre ses deux dernières pages aux interrogations sur les devoirs de la garde-malade125. Il définit son champ d’intervention (hygiène et soins généraux au malade) comprenant toute une série de médications dont la plupart relèvent de la petite chirurgie, certaines nécessitant en outre des qualifications en herboristerie, voire en pharmacie. Les questions relatives à l’enseignement « accessoire » de la saignée se contentent de développer les différents types de saignées à la lancette (du bras ou du pied) autorisées aux sages-femmes, sans préciser les motifs justifiant d’y avoir recours126. Suit un paragraphe consacré à la saignée locale ou capillaire qui décrit la manière d’appliquer sangsues, ventouses, vésicatoires, sinapismes et de faire les pansements.
78À la même période, l’école de Grenoble étend elle aussi son enseignement, comme le prouve une commande en 1836 de neuf Art de soigner les malades ou manuel des mères de familles, des garde-malades, des dames de charité, des curés de campagnes, etc., exemple parmi d’autres de la littérature de vulgarisation médicale qui fleurit au cours du siècle127. L’année précédente, l’école de Troyes, tout juste recréée, ajoute officiellement la formation des garde-malades à son intitulé. Dans un courrier au préfet, le docteur Teissier, professeur, la désigne comme le « seul établissement de ce genre que possède la France128 ». La formule, mensongère dans les faits, renvoie néanmoins à une particularité de l’institution troyenne : la remise d’un diplôme de garde-malade de haut niveau des décennies avant la fondation des premières écoles d’infirmières129. En 1850, le Manuel de Maunoury et Salmon comporte un « exposé sommaire des préparations pharmaceutiques et des opérations de petite chirurgie les plus usitées130 ». Après avoir rappelé le monopole des pharmaciens « là où existe une officine de pharmacie », les auteurs détaillent les différents types de médicaments (internes et externes), donnent quelques recettes (tisanes, potions, cérats, suppositoires) et précisent quels produits les sages-femmes peuvent prescrire (pilules d’opium, de fer). L’attention à la maîtrise du savoir de la garde-malade se maintient passé le début des années 1880, comme en témoigne cette remarque du docteur Armand Rey de Grenoble : « Toute accoucheuse doit être avant tout une bonne garde-malade131 ».
79L’association des soins aux malades au savoir obstétrical s’inscrit dans une progression constante de la part accordée à la connaissance de l’anatomie complète et des pathologies communes, lisible dans les manuels. Les ouvrages publiés avant les années 1840, et jusqu’au Traité théorique et pratique de Paulin Cazeaux132, limitent leur chapitre anatomique à la description des organes de la reproduction. Puis les choix éditoriaux évoluent. Le Manuel de Maunoury et Salmon est précédé d’une « description abrégée des fonctions et des organes du corps humain », tandis que la traduction du Manuel de Franz-Carl Naegele comporte une section entière intitulée « Du corps humain en général et de ses fonctions133 ». Ces chapitres introductifs sont révélateurs de la place acquise par une approche anatomique et physiologique globale dans l’instruction des sages-femmes. Leur absence dans certains manuels publiés ultérieurement ne signifie pas un recul mais bien que cette part de la formation est désormais conduite à partir d’ouvrages spécifiques. La consultation de quelques cahiers d’élèves sages-femmes rédigés à la fin du xixe siècle souligne l’importance de ce savoir qui fait, à partir de 1893, l’objet d’un examen de fin de première année portant sur « l’anatomie, la physiologie et la pathologie élémentaires134 ».
80Cet élargissement des compétences correspond au cours de la première moitié du siècle à une translation progressive des fonctions exercées par les chirurgiens d’Ancien Régime aux sages-femmes. Ces dernières occupent donc une part du terrain de la médicalisation dévolue par la loi du 19 ventôse an xi aux officiers de santé, successeurs théoriques des chirurgiens d’avant 1803.
81Se pose alors la question de la réaction du corps médical à ce qu’il pourrait considérer comme un empiétement. Les poursuites contre les accoucheuses pour exercice illégal de la médecine ne semblent pas si fréquentes. Dans le département de la Côte-d’Or, on ne relève que deux exemples parmi l’ensemble des dossiers d’instruction conservés pour le siècle. Le premier, en 1847, met en accusation une sage-femme de 24 ans, Jeanne Robert. Celle-ci ne semble pourtant pas sortir de ses attributions puisqu’elle se contente de saigner, d’apposer des sangsues, de prescrire des bains ou des tisanes135. Le fonds de l’affaire réside dans la mise en scène qui accompagne la réception des malades (la mère de l’accusée la « magnétise », et celle-ci rend ses diagnostics dans un état hypnotique) et dans l’appel d’air que créent ces consultations dans la clientèle du médecin local. L’année suivante, une autre sage-femme est appelée devant les juges pour avoir pratiqué une césarienne sur les instances du curé de la paroisse qui lui « dit qu’il était de [son] devoir d’ouvrir la mère pour tirer l’enfant de son sein ou au moins de lui donner le baptême », et qui lui promet de justifier son geste auprès du médecin injoignable136. L’issue de ces procès n’est pas connue mais il est peu probable qu’elle ait été défavorable aux accoucheuses.
82L’exercice de la gynécologie par les sages-femmes suscite en revanche plus de défiance de la part du corps médical, en particulier dans la seconde moitié du siècle alors que la formation des médecins s’améliore dans ce domaine. Ainsi, la dame Fournier, sage-femme à Chinon, fait paraître en 1862 une défense pour justifier sa pratique dans le cadre d’un procès pour exercice illégal de la médecine137. Les besoins en personnel médical de la population française et la faiblesse du sentiment hiérarchique dans l’exercice libéral justifient néanmoins la très lente détermination des limites du métier.
Quelle formation « continue » hors du cadre scolaire ?
83La durée de la formation des sages-femmes fait longtemps l’objet de débats avant de se fixer, dans la seconde moitié du xixe siècle, entre un et deux ans. La continuité de l’enseignement n’est pas acquise immédiatement et la suppression de l’intervalle entre les deux cours obligatoires impose de nombreuses réorganisations complètes de cours (en particulier pour les cours sans internat et accueillis dans des hospices). La continuité ou quasi continuité des leçons résout le risque d’oubli entre deux sessions, mais laisse pendant ce problème à l’issue de la formation.
84La jeunesse des praticiennes diplômées ouvre la voie à plusieurs décennies d’exercice professionnel, pendant lesquelles elles n’ont guère l’occasion de revenir aux sources de leur savoir, ni surtout d’en suivre les évolutions. Les remarques de Jacques Léonard sur l’isolement intellectuel et scientifique des médecins de campagne valent aussi, à plus forte raison, pour les sages-femmes138. Plusieurs éléments sont pourtant susceptibles de préserver un lien avec l’évolution du savoir médical. Leur association précoce à la lutte contre la variole les met en relation avec les comités départementaux de vaccination, en fait des conservatrices du vaccin et, à ce titre, les tient au fait des progrès dans ce domaine. Instruments de la politique de santé publique, elles en suivent de près les objets et les évolutions.
85La progression de l’instruction primaire réduit aussi les effets d’une certaine marginalisation. Le manuel devient dans ces conditions un véritable recours et l’accroissement de son contenu en fait un guide efficace pour raffermir les souvenirs des accoucheuses. La maîtrise de la lecture leur permet d’accéder, théoriquement du moins, aux publications nouvelles, même si le coût de ces dernières reste un obstacle important à leur diffusion, à l’exception des périodiques. Or, les journaux spécialisés à destination des sages-femmes n’apparaissent que tardivement. Une première tentative est menée en 1867, mais le Journal de la sage-femme, guide pratique des accouchements, des maladies des femmes et des nouveau-nés, bimensuel, ne dépasse pas les dix numéros dont le dernier paraît le 20 mai de la même année. En décembre 1873 naît un nouveau bimensuel, le Journal des sages-femmes, qui compte 8 pages (dont 2 de publicité) et paraît jusqu’en 1914. Le rédacteur en chef de ce journal, Hector Fontan, n’est pas médecin, mais rédige lui-même les chroniques des cliniques des grands professeurs parisiens (Depaul, Budin, Tarnier, etc.). Il sait aussi s’entourer de figures de l’obstétrique et de la pédiatrie de son temps : le docteur Louis Hamon de Fresnay, auteur de multiples écrits sur l’albuminurie ou l’utilisation du forceps asymétrique, le docteur Eugène Bouchut spécialiste des maladies de la petite enfance, etc.139. Le coût de l’abonnement n’est pas exorbitant (8 francs par an et 5 francs par semestre soit le prix d’un à deux accouchements), mais reste élevé pour des sages-femmes rurales qui peinent parfois à dépasser les 150 à 200 francs de revenu annuel140. Le public concerné est donc surtout celui des accoucheuses installées en ville, comme le prouvent les quelques réponses aux lectrices (sages-femmes de Bordeaux, Lille, Nantes et Paris) dont rend compte le numéro du 16 juillet 1874. C’est le lancement de La Sage-femme en décembre 1897, lui aussi bimensuel (12 pages) mais vendu à 15 centimes le numéro et 3 francs l’abonnement annuel, qui met véritablement à la portée des praticiennes la presse professionnelle. Il s’agit de l’organe officiel du syndicat général des sages-femmes de France. À ce titre, le journal ne se contente pas de diffuser des informations scientifiques (articles sur des thèmes spécifiques, comptes-rendus bibliographiques) mais accorde aussi une large place aux intérêts professionnels.
86Ces ressources ne reflètent néanmoins que la réalité professionnelle du dernier quart du xixe siècle. Avant cette date, il n’existe pour les sages-femmes qu’un seul moyen de rester en contact avec les évolutions de l’art : la correspondance avec l’ancien professeur, qui requiert une maîtrise suffisante de l’écriture. Les archives préfectorales conservent fréquemment des courriers d’accoucheuses sollicitant un secours ou une récompense à la suite d’un accouchement laborieux opéré avec succès, complétés de recommandations du médecin professeur, preuve du maintien de certains liens personnels. Mais le caractère individuel de ces relations ne suffit pas à établir un suivi méthodique des sages-femmes en exercice. Pour pallier ce manque, deux institutions au moins, Bourg-en-Bresse et Troyes, mettent en place un système de formation « continue » pour leurs anciennes élèves en leur imposant d’adresser à la sortie de l’école un compte rendu annuel d’activité au professeur du cours.
87L’école départementale d’accouchement de l’Ain est le premier établissement à exiger de ses anciennes élèves qu’elles fassent parvenir tous les ans une statistique des accouchements réalisés, une analyse des accouchements dystociques et une description des techniques mises en œuvre pour contourner ces difficultés. Le système est opérationnel très rapidement après la fondation de l’école : en 1824, le préfet de l’Ain envoie au ministre de l’Intérieur une copie du rapport fait par la commission d’examen sur la pratique des élèves sorties du cours de Bourg-en-Bresse141. Les sages-femmes en exercice rédigent un compte-rendu clinique sur chaque cas complexe et l’ensemble de ces textes soumis à la commission d’examen aboutit à une distribution de primes d’encouragement142. Dans la seconde moitié des années 1820, le docteur Pacoud fait connaître cette initiative au-delà du ressort départemental. Il sollicite en janvier 1827 l’appui du ministre de l’Intérieur pour un projet de Journal des sages-femmes de la campagne :
Le fonds de ce journal serait fourni par la correspondance et par la clinique de notre école, et alimenté par les immenses matériaux amassés dans le cours de huit ans. Chaque année, nous y ajouterions une table synoptique dans le genre de celle dont nous joignons ici le modèle, et qui pourra par la suite offrir un renseignement aussi sûr que précieux à la science de l’économie politique […].143
88Il poursuit en proposant que tous les conseils généraux votent, sur l’invitation du ministre, une somme destinée à l’abonnement de toutes les sages-femmes enregistrées sur les listes du personnel médical. Le ministre de l’Intérieur confie à l’Académie royale de médecine le soin de rédiger un rapport « qui, selon tout apparence, est encore à faire », comme le signale le docteur Pacoud un an plus tard. L’idée n’est toutefois pas abandonnée et c’est la Société d’émulation, d’agriculture, sciences et arts de Bourg-en-Bresse qui la relève en réservant une partie de son mensuel, le Journal d’Agriculture, Lettres et Arts, à la publication des observations obstétricales. Ce cahier est imprimé séparément et expédié aux frais de la Société d’émulation à toutes les sages-femmes du département. En 1828, le docteur Pacoud, pour saluer la première livraison de ce cahier, rédige dans le Journal d’Agriculture, Lettres et Arts un article intitulé « La pratique des élèves de l’école d’accouchement du département de l’Ain » où il détaille l’historique de cette publication. Cet article est alors expédié sous forme de tirés à part dans toutes les préfectures de France, pour encourager les autres départements à profiter de cette ressource en souscrivant pour recevoir un volume annuel. Malheureusement, il ne reste aucune trace d’une quelconque souscription. Les fonds de l’établissement ne conservent aucun exemplaire de la publication projetée, et la décision de la séparer du reste du Journal d’Agriculture empêche d’en suivre l’éventuelle réalisation.
89La pratique du retour d’observations se maintient néanmoins à Bourg-en-Bresse et inspire l’Aube lors de la réorganisation du cours d’accouchement de Troyes en 1835. Le règlement consacre un chapitre aux « élèves sorties de l’établissement après avoir complété leurs cours ». Les sept articles reprennent les dispositions en vigueur dans l’Ain, sans prévoir d’utilisation particulière pour les observations rendues par les anciennes élèves qui sont déposées « dans les archives de l’école pour y avoir recours au besoin144 ». L’Aube est le seul département où le règlement intègre ce suivi de l’exercice professionnel, sans que l’on puisse savoir si les sages-femmes s’y conforment. Dans l’Ain, le rapport du docteur Pacoud au préfet sur ce sujet signale en 1837 que les réponses concernent environ 40 % des accoucheuses sorties de l’école145. Pour maintenir l’émulation entre anciennes élèves, le professeur fait publier à la suite des noms des sages-femmes primées pour leurs succès et leur constance à envoyer des informations, ceux de celles qui ont négligé de le faire, tout en se plaignant d’une tentative maladroite des maires d’éviter la taxe sur les paquets d’observations qu’ils sont chargés d’expédier et qui aboutit à les retenir poste restante146.
90Cette méthode de suivi reste en usage pendant tout le professorat du docteur Pacoud. Il n’est en revanche pas certain qu’elle perdure après sa mort en 1848. L’initiative est, quoi qu’il en soit de sa pérennité ultérieure, remarquable. Elle associe un souci pédagogique de complément constant à la formation initiale à un souci médical plus large de surveillance de la pratique obstétricale dans le département. Cette « instruction à domicile » accompagne l’activité des sages-femmes pendant les années critiques où elles ont pour tâche de gagner la confiance d’une clientèle et de justifier la valeur de leur diplôme. La lourdeur pour les sages-femmes et pour le professeur explique sans doute sa faible diffusion hors du département, malgré une politique de communication particulièrement ambitieuse.
La révolution pasteurienne ou l’irruption conjointe du microbe et de l’asepsie
91La fin des années 1870 constitue dans l’histoire de la médecine, de l’enseignement médical et de la médicalisation un tournant fondamental. Les recherches sur l’origine de la contamination et de l’infection et sur les moyens de lutte contre ces phénomènes arrivent en quelques années à maturité.
92En 1858, un débat s’élève à l’Académie de médecine à la suite d’une communication du docteur Jules Guérard sur le traitement de la fièvre puerpérale147. Il se poursuit pendant six mois, nourri par les opinions contradictoires sur la nature de cette maladie et par la multiplicité des propositions de réforme voire de suppressions des maternités, après que les recherches de Stéphane Tarnier ont montré que la mortalité maternelle est dix-sept fois supérieure à l’Hospice de la Maternité de Paris qu’en ville. Les rapports sur l’estimation de cette mortalité à l’hôpital et en ville se succèdent, pour la France (rapport Malgaigne en 1864) et à l’échelle européenne (mémoire de Lefort en 1866)148. Le 30 juin 1866 parvient aux préfets une circulaire ministérielle transmettant un rapport rédigé par le docteur Devergie et décrivant « les mesures à prendre pour diminuer la mortalité des femmes en couche dans les maternités et les hôpitaux ». Prônant la dispersion des parturientes chez des sages-femmes de ville comme meilleure solution pour les hôpitaux qui n’ont pas de vocation enseignante, le rapport ne retient pas les propositions de Tarnier d’isolement des parturientes malades : « […] on est en présence d’un mal immédiat de tous les instants et auquel il faut s’empresser de parer ; aussi la Commission ne s’est-elle pas arrêtée à cette proposition149 ».
93Des évolutions sont néanmoins en cours depuis les années 1840. Parmi les précurseurs, le pharmacien de l’Hospice de la Maternité de Paris, Frigerio, rédige en vain en 1832 un rapport sur les causes de la fièvre puerpérale et propose une série de mesures d’hygiène élémentaires (lavage des mains avant tout examen, etc.) pour limiter les épidémies150. La première initiative concrète en ce sens est menée à Vienne par Ignacz Semmelweis. Ce dernier observe en quelques mois l’augmentation brutale de la mortalité maternelle dans la clinique des étudiants en médecine et la chute parallèle de cette mortalité dans celle tenue par les sages-femmes151. Faisant le lien entre la pratique des autopsies par les étudiants et la contamination quasi immédiate des accouchées, il impose le lavage des mains au savon et au chlorure de chaux et réussit à faire baisser très significativement la mortalité dans le service. Dans les mêmes années, un chirurgien écossais, Joseph Lister, s’inspirant des travaux de Pasteur sur la dissémination des germes, décide de mettre en place des pratiques antiseptiques dans son service de l’hôpital royal de Glasgow. Les résultats sont, à l’instar des expériences de Semmelweis, à la hauteur des espérances, mais l’initiative reste isolée152.
94Au début des années 1870, la connaissance des méthodes de Lister se diffuse en Europe et plus précisément en Allemagne. En France, Guérin, chirurgien de l’hôpital Saint-Louis à Paris, impressionné par les recherches de Pasteur, suit sans le savoir les traces de son prédécesseur d’outre-Manche, avant que l’antisepsie ne soit progressivement complétée par l’asepsie, le corps médical opérant désormais en milieu stérile153. Cet ensemble d’expériences, qui repose aussi sur la multiplication entre 1850 et 1875 des « antiputrides » (alcool camphré, glycérine, lotions chlorurées, acide phénique), se conjoint dans la défense des théories pastoriennes des germes pathogènes, qui triomphent définitivement à l’Académie de médecine en 1879154. La thérapeutique a accompagné dans ce processus les recherches chimiques et biologiques, ce qui explique la diffusion extrêmement rapide des pratiques d’asepsie à partir de la reconnaissance officielle. La généralisation du recours à ces méthodes se fait alors en quelques années, la conversion du corps médical progressant à rythme soutenu, malgré les difficultés qu’occasionnent les techniques d’asepsie155.
95Les établissements hospitaliers de province adoptent avec enthousiasme le duo antisepsie/asepsie avec des effets immédiats sur les taux de mortalité156. Le docteur Monprofit, fait organiser une salle aseptique à la maternité d’Angers en 1889157. En 1884, le rapport du docteur Armand Rey sur la maternité de Grenoble souligne lui aussi l’adoption des habitudes désinfectantes tout en pointant leurs limites dans l’état matériel de l’établissement et compte tenu du manque de personnel :
Les pansements, injections et autres soins désinfectants ont pu encore être administrés assez régulièrement pendant le semestre d’hiver, grâce au concours des élèves accoucheuses ; mais privés de leurs secours pendant le semestre d’été, pourra-t-il en être de même ?158
96Les élèves sages-femmes sont donc immédiatement associées à la mise en œuvre des méthodes antiseptiques. Les manuels d’obstétrique des années 1880 consacrent tous une place importante à ces questions. Les auteurs détaillent les précautions à prendre avant un accouchement pour éviter toute transmission de germes d’une patiente à une autre. Ils décrivent longuement les gestes de propreté indispensables pour l’accoucheur ou la sage-femme et les produits désinfectants à utiliser, que ce soit en en milieu hospitalier ou dans la pratique privée :
Les mains des accoucheurs et des sages-femmes doivent être l’objet de soins particuliers : toutes les fois qu’elles auront été en contact avec une matière suspecte, putride ou purulente, il faut procéder à un lavage prolongé à l’eau chaude et au savon, se brosser les doigts avec attention, de manière qu’il ne reste aucune particule organique, soit dans l’interstice qui existe entre l’ongle et la pulpe du doigt, soit dans le sillon qui entoure la base et les côtés de l’ongle. Il faut en outre plonger les mains à plusieurs reprises dans un liquide antiseptique, soit dans une solution phéniquée au 40e, soit dans une solution de sublimé corrosif au 1 000e (liqueur de Van Swieten). Ces précautions sont habituellement suffisantes […].159
97Le Traité de Tarnier et Chantreuil accorde aussi une place importante à la description de l’application des méthodes antiseptiques dans une maternité, avant, pendant et après les accouchements160. Son seul défaut est sans doute d’envisager l’accouchement dans un cadre essentiellement hospitalier, alors que médecins et sages-femmes doivent procéder avec les moyens du bord lorsqu’ils se déplacent chez des patientes. De surcroît, l’autorisation d’employer le sublimé corrosif n’est officiellement accordée qu’en 1890 aux accoucheuses161. À compter de cette date néanmoins, il devient l’élément indispensable de leurs trousses professionnelles. Jeanne Négrerie, élève sage-femme de l’école de Montpellier en 1895 décrit ainsi son contenu dans son cahier de cours :
Pour se rendre auprès d’une cliente, la sage-femme doit avoir une trousse contenant : une brosse à ongles en chiendent qui doit occuper la première place, des paquets de sublimé colorés de 25 centilitres l’un ; […] de la gaze iodoformée, un petit pot hermétiquement fermé de vaseline au sublimé […]. Tous ces instruments doivent être enveloppés dans de la gaze iodoformée et renfermés dans une boîte ; elle devra également emporter une blouse très propre ou tout au moins une camisole, un tablier et des manches blanches.162
98Dans la foulée de l’adaptation des manuels, la décennie 1890 confirme les principes de l’antisepsie obstétricale et pose les bases de son application généralisée. Stéphane Tarnier publie, en 1894, une synthèse de toutes les recherches et de toutes les expériences accumulées dans ce domaine, sous le titre De l’asepsie et de l’antisepsie en obstétrique163. À sa suite, d’autres médecins sont à l’origine de travaux sur l’utilisation des méthodes désinfectantes par le corps médical et les sages-femmes en particulier. Sébastien Rémy, chef de clinique obstétricale à la faculté de Nancy, rédige en 1896 un essai sur l’antisepsie et les sages-femmes, publié dans la Revue médicale de l’Est164. Ce texte inspire les « Instructions pour les sages-femmes de Meurthe-et-Moselle », parues dans la même revue en mai 1896165. La qualité de cette publication justifie sa reprise à peine modifiée par la direction du service départemental des épidémies de la Meurthe-et-Moselle en 1909. La multiplicité de ces initiatives prouve les efforts faits en direction des accoucheuses qui n’ont pu être formées à ces techniques pendant leurs études et à qui il faut désormais inculquer ces gestes comme autant de principes nécessaires et préalables à l’exercice de leur profession.
99Le bouleversement provoqué par l’adoption des théories de Pasteur est immédiatement répercuté dans les principes de la formation obstétricale. Les sages-femmes diplômées dès le début des années 1880 sont donc des pasteuriennes, chargées d’apporter l’asepsie au lit de leurs patientes comme elles ont été, en d’autres temps, chargées d’imposer la vaccination dans les campagnes. Le contenu de l’instruction des accoucheuses suit ainsi de près, à partir de la seconde moitié du xixe siècle, les progrès de l’observation clinique et de la thérapeutique. Parfois pessimistes devant les capacités intellectuelles et mnémoniques de leurs élèves, les professeurs d’accouchement n’ont toutefois eu de cesse d’élargir leur savoir. L’augmentation continue de la taille des manuels de référence est révélatrice de cet accroissement objectif des connaissances des praticiennes. Leur champ d’exercice y gagne en profondeur par la maîtrise de toutes les techniques manuelles et instrumentales de l’accouchement et de la petite chirurgie. Il y gagne en largeur, s’étendant aux deux spécialités en cours de constitution que sont la gynécologie et la puériculture. Cette polyvalence place les sages-femmes dans une position privilégiée : elles sont en milieu rural les interlocutrices essentielles et souvent uniques d’une population, à la fois objet et sujet du processus de médicalisation.
Notes de bas de page
1 AD Corrèze, 1 X 161.
2 On retrouve ce décalage dans le Valais suisse. L’obligation scolaire y est décidée en 1844, tandis que le département de l’Intérieur valaisan ne fait de l’écriture une nécessité qu’en 1850, voir Vouilloz-Burnier M.-F., L’accouchement entre tradition et modernité …, op. cit., p. 257.
3 Sur cette progression, voir la mise au point d’A. Chervel, « L’école républicaine et la réforme de l’orthographe (1879-1891) », Mots, 1991, no 28, p. 35-37.
4 AD Haute-Vienne, RD CG Haute-Vienne, 1880.
5 RLRES 3, p. 270.
6 AD Hérault, 1 X 794.
7 S’y ajoute souvent avant cette date une épreuve d’instruction morale et religieuse.
8 RLRES 5, p. 266 : décret relatif aux conditions d’études exigées des aspirantes aux diplômes de sage-femme, 25 juillet 1893.
9 Gréard O., La législation de l’instruction primaire …, tome V, op. cit., p. 230-231.
10 Voir là-dessus Sage Pranchère N., Mettre au monde …, op. cit., p. 417-424 et dans le cadre colonial pour le xxe siècle, Barthélémy P. dans Africaines et diplômées à l’époque coloniale (1918-1957), op. cit.
11 AN, F17/2461, Gironde.
12 AD Gironde, 5 M 550.
13 AD Aveyron, 3 X 47 ; AD Haute-Marne, 118 T 1.
14 Baudelocque J.-L., Principes sur l’art des accouchements [1787], op. cit., p. 4.
15 Adelon, Béclard, Bérard (et al.), Dictionnaire de médecine ou répertoire général des sciences médicales considérées sous le rapport théorique et pratique, 2e édition, t. 21, Paris, Béchet jeune, 1840, article « Obstétrique ».
16 Pulz W., « Aux origines de l’obstétrique moderne… », art. cit., p. 595-597 ; 602.
17 Schlumbohm J., « Comment l’obstétrique… », art. cit., p. 19 ; A. Carol, « Sage-femme ou gynécologue ? », art. cit., p. 237.
18 Pulz W., « Aux origines de l’obstétrique moderne », art. cit., p. 611-615.
19 Schlumbohm J., « Comment l’obstétrique… », art. cit., p. 19.
20 Naegele F. C., Manuel d’accouchements à l’usage des élèves sages-femmes, nouvelle traduction de l’allemand par le Dr Schlesinger-Rahier, augmentée et annotée par J. Jacquemier, suivi d’un appendice contenant la saignée, les ventouses et la vaccine et d’un questionnaire complet, Paris, G. Baillière, 1853, 3e édition en 1857, ce manuel est mis au programme des élèves de l’Hospice de la Maternité de Paris, dès sa première traduction française ; Naegele H. F.., Traité pratique de l’art des accouchements, traduit par G. Aubenas sur la sixième et dernière édition allemande, Paris, 1869, 2e édition en 1880.
21 Le succès du manuel de Baudelocque est tel qu’en 1825 paraît une adaptation de cet ouvrage par N. Lebeaud, pharmacien militaire, sous le titre Le Baudelocque des campagnes. Guide pratique des sages-femmes, Paris, A. Eymery.
22 Boivin M.-A., Mémorial de l’art des accouchements, ou principes fondés sur la pratique de l’Hospice de la Maternité de Paris et sur celles des plus célèbres praticiens nationaux et étrangers suivi des aphorismes de Mauriceau, Paris, Méquignon l’aîné père, 1812.
23 AD Charente-Maritime, 3 X 296.
24 Ibid.
25 Baudelocque J.-L., L’Art des accouchements, op. cit. ; Beauvalet-Boutouyrie S., Naître à l’hôpital…, op. cit., p. 120.
26 Capuron J., Cours théorique et pratique d’accouchement, Paris, Croullebois, 1823, voir Sage Pranchère N., Mettre au monde…, op. cit., p. 426.
27 Chailly-Honoré C., Traité pratique de l’art des accouchements, Paris, J.-B. Baillière, 1842 (2e édition de 1845) ; AD Charente-Maritime, 3 X 296.
28 AD Charente-Maritime, 3 X 297.
29 AD Charente-Maritime, 3 X 296.
30 Sage Pranchère N., Mettre au monde …, op. cit., p. 426.
31 Carol A., « Sage-femme ou gynécologue ?… », art. cit., p. 254.
32 Delacoux A., Biographie des sages-femmes célèbres …, op. cit., p. 42.
33 Adet de Roseville E., Mercier J., Traité complet des manœuvres de tous les accouchements …, op. cit.
34 Coutal M.-R., veuve Sol, Abrégé. Traité pratique d’accouchement, par Mme C. S., sage-femme de 1re classe, Montpellier, impr. de Monnet, 1877.
35 L’Abrégé de Marie-Rose Coutal-Sol compte seulement 151 pages, et sa deuxième partie est enrichie d’observations personnelles tirées de la pratique de l’auteur.
36 Baudelocque J.-L., Principes sur l’art des accouchements [1806], op. cit., p. xi.
37 Crouzat E., Budin P., La pratique des accouchements …, op. cit., avant-propos.
38 Cazeaux P., Traité théorique et pratique … [1867], op. cit., p. xi.
39 Naegele F. C., Manuel d’accouchements …, op. cit., p. iii.
40 Cazeaux P., Traité théorique et pratique … [1853], op. cit., p. ix-x.
41 AN, F17/2456, Ain.
42 AD Drôme, 5 M 20.
43 Ibid.
44 Ibid.
45 Pinell P., « Champ médical et processus de spécialisation », Actes de la recherche en sciences sociales, 2005/1, no 156-157, p. 4-36 et 10-11 sur l’individualisation de l’obstétrique comme spécialité.
46 Pinell P., « La genèse du champ médical… », art. cit., p. 322-323.
47 Knibiehler Y., « Les médecins et la “nature féminine”… », art. cit., p. 839.
48 Ibid., p. 839-840.
49 Capuron J., Traité des maladies des femmes depuis la puberté jusqu’à l’âge critique inclusivement, Paris, Croullebois, 1812.
50 AD Hautes-Alpes, 5 M 15.
51 Boivin M.-A. (traductrice), Rigby E., Nouveau traité sur les hémorrhagies de l’utérus d’Edouard Rigby et de Stewart Duncan… traduit de l’anglais, accompagné de notes, par Mme Vve Boivin, précédé d’une notice historique sur le traitement des hémorrhagies utérines, et suivi d’une lettre de M. Chaussier sur la structure de l’utérus, Paris, Méquignon l’aîné père, 1818.
52 Voir à ce propos Delamotte I., Médecin des dames, Paris, Éditions de la Différence, 2003.
53 Carol A., « L’examen gynécologique… », art. cit.
54 AD Aube, 5 M 36.
55 Baudelocque J.-L., Principes sur l’art des accouchements [1787], op. cit., p. 545-547. Voir Loux F., Le jeune enfant et son corps dans la médecine traditionnelle, Paris, Flammarion, 1978, p. 126-129.
56 AD Hautes-Alpes, 5 M 15.
57 Cazeaux P., Traité théorique et pratique … [1853], op. cit., p. xi-xii.
58 Voir Lett D., Morel M.-F., Une histoire de l’allaitement, Paris, Éditions de la Martinière, 2006, p. 131-148.
59 Ratier F.-S., Recueil de pièces de Mme veuve Breton, sage-femme, relatives à l’allaitement artificiel et à l’usage du biberon inventé par elle, Paris, l’auteur, 1826-1828.
60 Cazeaux P., Traité théorique et pratique … [1853], op. cit., p. 1055.
61 Sur le recours aux sages-femmes pour la lutte contre certaines formes de biberon, voir De Luca V., Rollet C., « Nouvelles pratiques de puériculture… », art. cit.
62 Lejumeau de Kergaradec J.-A., Mémoire sur l’auscultation appliquée à l’étude de la grossesse, ou Recherches sur deux nouveaux signes propres à faire reconnaître plusieurs circonstances de l’état de gestation, lu à l’Académie royale de médecine, dans sa séance générale du 26 décembre 1821, Paris, Méquignon-Marvis, 1822.
63 AD Aisne, RD CG Aisne, 1859.
64 Boivin M.-A., Mémorial… [1836], op. cit., p. 151.
65 Gallois E., Manuel de la sage-femme…, op. cit., p. 88.
66 Pour plus de détails, voir Sage Pranchère N., « La mort apparente du nouveau-né dans la littérature médicale (France, 1760-1900) », ADH, 2012-1, p. 127-148.
67 Gallois E., Manuel de la sage-femme…, op. cit., p. 254.
68 Stofft H., « La mort apparente du nouveau-né en 1781 et 1806, l’œuvre de François Chaussier », Histoire des sciences médicales, 1997, t. 31, no 3-4, p. 341-349.
69 Faure O., « Les sages-femmes en France au xixe siècle… », art. cit., p. 167-168.
70 Sur la tradition du dialogue didactique, voir Cazanave C., Le dialogue à l’âge classique. Étude de la littérature dialogique en France au xviie siècle, Paris, H. Champion, 2007.
71 Beauvalet-Boutouyrie S., Naître à l’hôpital …, op. cit., p. 162.
72 Ibid., p. 162-163.
73 Mespec J., Obstétrique ou cours élémentaire d’accouchements sous forme de catéchisme, à l’usage des élèves sages-femmes, Pau, impr. de E. Vignancour, 1837.
74 Mayeur F., Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France…, op. cit., p. 403-404.
75 Ibid., p. 405-408.
76 Beauvalet-Boutouyrie S., Naître à l’hôpital …, op. cit., p. 163.
77 L’école de Bourg se pose par la suite en référence, adressant aux départements alentour copie du programme d’examen qui renferme tous les thèmes abordés dans les cours, AD Saône-et-Loire, M 2088.
78 Beauvalet-Boutouyrie S., Naître à l’hôpital …, op. cit., p. 163.
79 AN, F17/2456, Ain.
80 Belhoste B., « L’examen, une institution sociale », Histoire de l’éducation, 2002, no 94, p. 5-16.
81 AD Finistère, 5 M 22.
82 AD Haute-Marne, 118 T 1.
83 AD Hautes-Alpes, 5 M 15.
84 AD Charente-Maritime, 3 X 299 ; AD Haute-Marne, 118 T 1.
85 Sage Pranchère N., Mettre au monde …, op. cit., p. 438-440.
86 AD Côte-d’Or, M 7 n I/3.
87 Pour les figures intercalées dans le texte des manuels : Baudelocque J.-L., Principes sur l’art des accouchements [1787], op. cit. ; Naegele F. C., Manuel d’accouchements… [1853], op. cit. ; Crouzat E., Budin P., La pratique des accouchements…, op. cit. ; et pour les planches annexées à la fin du texte : Boivin M.-A., Mémorial… [1836], op. cit. ; Chailly-Honoré C., Traité pratique…, op. cit. ; Maunoury C.-M.-A., Salmon P.-A., Manuel de l’art des accouchements… [1850], op. cit. ; Bonnet D.-N., Cours d’accouchement…, op. cit.
88 Baudelocque J.-L., Principes sur l’art des accouchements [1787], op. cit., p. x-xii.
89 AD Aveyron, 3 X 51 ; Moreau F.-J., Beau É., Traité pratique des accouchements : atlas, Paris, Germer Baillière, 1837, 60 pl.
90 AD Saône-et-Loire, M 2085 ; AD Charente-Maritime, 3 X 295 ; AD Aube, 5 M 36.
91 Jenty C.-N., Démonstration de la matrice d’une femme grosse et de son enfant à terme, Paris, Charpentier, 1759 ; Gautier d’Agoty J.-F., L’anatomie des parties de la génération de l’homme et de la femme avec ce qui concerne la grossesse et l’accouchement, jointe à l’angéologie de tout le corps humain, Paris, Demonville, 1778.
92 Lange A., Node C., Atlas de l’art des accouchements et précis pratique de cette science, Paris, G. Baillière, 1835 ; Lenoir A., Atlas complémentaire de tous les traités d’accouchements, continué par M. Sée et S. Tarnier, Paris, V. Masson et fils, 1860-1865 ; Tarnier S., Lenoir A., Sée M., Atlas de l’art des accouchements, Paris, G. Masson, 1881.
93 Gélis J., « La formation des accoucheurs et des sages-femmes… », art. cit., p. 168 ; et pour une étude diachronique du rapport au corps mort dans l’enseignement médical, voir Godeau E., « “Dans un amphithéâtre…” La fréquentation des morts dans la formation des médecins », Terrain, 1993, no 20, p. 82-96.
94 AD Aube, 5 M 35.
95 AD Aube, 5 M 35.
96 Circulaire du ministre de l’Instruction publique sur les améliorations à introduire dans les écoles secondaires de médecine, 6 octobre 1837, Gazette médicale de Paris, vol. 5, 14 octobre 1837, p. 655-656.
97 AD Deux-Sèvres, 6 M 10b.
98 AD Aube, 5 M 36.
99 AD Charente-Maritime, 3 X 295.
100 Ibid.
101 Degueurce C., Ruiz G., « Les modèles d’anatomie clastique du docteur Auzoux au musée de l’école vétérinaire d’Alfort », Bulletin de la Société d’histoire de la médecine et des sciences vétérinaires, 2009, no 9, p. 35-49 ; Une thèse pour le doctorat vétérinaire a été consacrée en 2010 à cette collection du musée d’Alfort par G. Ruiz : Les modèles en papier mâché du docteur Auzoux au Musée de l’École Nationale Vétérinaire d’Alfort (http://theses.vet-alfort.fr/telecharger.php?id=1211).
102 AD Charente, 1 N 7*.
103 AD Charente, 1 N 7* et 1 N 32*.
104 AD Côte-d’Or, M 7 n I/3.
105 AD Gers, 5 M 6. Le milieu de l’obstétrique et des cours d’accouchement est suffisamment petit pour que le porteur de ce courrier soit le docteur Coutanceau, fils de Marguerite Coutanceau.
106 AD Gers, 5 M 6.
107 AD Gironde, 5 M 552.
108 AN, F17/2457, Ariège.
109 AD Landes, 1 N 5*.
110 AD Côte-d’Or, M 7 n I/3.
111 AD Charente-Maritime, 1 N 22*.
112 AD Aveyron, Per 545, RD CG Aveyron, 1867.
113 AD Drôme, 5 M 20.
114 AD Aveyron, Per 545, RD CG Aveyron, 1858.
115 AD Aveyron, Per 545, RD CG Aveyron, 1864 à 1867.
116 AD Charente, 1 N 39*, RD CG Charente, 1851.
117 AD Aveyron, Per 545, RD CG Aveyron, 1868.
118 RLRES 1, p. 88-89.
119 Beauvalet-Boutouyrie S., Naître à l’hôpital…, op. cit., p. 76.
120 AD Saône-et-Loire, M 2088, lettre du docteur Pacoud au docteur Carteron, 11 mai 1837 : « Je donne ici de 30 à 40 sols par séance à chaque femme et je n’en ai jamais moins de six. J’en ai toujours une qui n’a pas fait d’enfant, une qui en a fait mais qui n’est pas enceinte, et les quatre autres à diverses époques de la grossesse ».
121 AD Drôme, 5 M 20.
122 Sage Pranchère N., Mettre au monde …, op. cit., p. 504-505.
123 Faure O., « Les sages-femmes en France au xixe siècle… », art. cit., p. 165-166.
124 Léonard J., « Femmes, religion et médecine… », art. cit., p. 902-904.
125 AD Saône-et-Loire, M 2088.
126 Voir Léonard J., « À propos de l’histoire de la saignée », dans Médecins, malades et société…, op. cit., p. 119-123.
127 Lebeaud N., Art de soigner les malades ou manuel des mères de familles, des garde-malades, des dames de charité, des curés de campagnes, etc., Paris, A. Eymery, 1825 ; sur la diffusion de cette littérature de vulgarisation médicale, voir Léonard J., « Femmes, religion et médecine… », art. cit, p. 900-901, et « Les guérisseurs », dans Médecins, malades et société…, op. cit., p. 77-78.
128 AD Aube, 5 M 34.
129 Sur l’émergence du métier d’infirmière et de leur formation, voir Knibiehler Y., Leroux-Hugon V., Dupont-Hess O., Tastayre Y., Cornettes et blouses blanches…, op. cit. et Leroux-Hugon V., Des saintes laïques…, op. cit.
130 Maunoury C.-M.-A., Salmon P.-A., Manuel de l’art des accouchements… [1850], op. cit., p. 393-431. Ce complément au manuel proprement dit est reproduit à l’identique dans les éditions de 1861 et de 1874.
131 AD Drôme, 5 M 20.
132 Cazeaux P., Traité théorique et pratique… [1840], op. cit.
133 Maunoury C.-M.-A., Salmon P.-A., Manuel de l’art des accouchements… [1850], op. cit., p. 1-15 ; Naegele F. C., Manuel d’accouchements… [1853], op. cit., p. 1-19.
134 RLRES 5, op. cit., p. 265 : Décret relatif aux conditions d’études exigées des aspirantes aux diplômes de sage-femme, art. 4.
135 AD Côte-d’Or, U IX ce 175.
136 AD Côte-d’Or, U IX ce 178.
137 Fournier (Mme), Une sage-femme devant ses juges, défense présentée par Mme Fournier, maîtresse sage-femme devant le tribunal de Chinon, Tours, impr. Ladevèze, 1862.
138 Léonard J., La vie quotidienne…, op. cit., p. 66.
139 AD Tarn-et-Garonne, 5 M 613, Journal des sages-femmes, 2e année, no 14, 16 juillet 1874 ; AM Bourg-en-Bresse, dossier no 3 sur l’école de sages-femmes (1889-1896).
140 Sur le revenu des sages-femmes, voir Faure O., « Les sages-femmes en France au xixe siècle… », art. cit., p. 169.
141 AN, F17/2456, Ain.
142 AD Ille-et-Vilaine, 5 M 30.
143 Ibid.
144 AD Aube, 5 M 33.
145 AM Bourg-en-Bresse, dossier no 3.
146 AM Bourg-en-Bresse, dossier no 6 sur l’école d’accouchement de Bourg-en-Bresse.
147 Sur ce débat, voir Beauvalet-Boutouyrie S., « Faut-il supprimer les maternités ? », art. cit., p. 65 sq.
148 Bulletin officiel du Ministère de l’Intérieur, Rapport de M. Malgaigne ; Lefort L., Des maternités …, op. cit.
149 AD Savoie, 20 X 3.
150 Beauvalet-Boutouyrie S., Naître à l’hôpital …, op. cit., p. 249-252.
151 Dormandy T., Four Creators of Modern Medicine, Moments of Truth, Chichester, John Wiley and sons, 2003, p. 176-178.
152 Ibid., p. 256-259.
153 Ibid., p. 264-268.
154 Ibid., p. 262-263 ; Léonard J., « Comment peut-on être pasteurien ? », dans Salomon-Bayet C., Pasteur et la révolution pastorienne, Paris, Payot, 1986, p. 150-151.
155 Ibid., p. 168-171.
156 Rollet-Échallier C., La politique à l’égard de la petite enfance…, op. cit., p. 157-162.
157 Léonard J., « Comment peut-on être pasteurien ? », art. cit., p. 170.
158 AD Drôme, 5 M 20.
159 Tarnier S., Chantreuil G., Traité de l’art des accouchements, tome 1, Paris, H. Lauwereyns, 1882, p. 703.
160 Ibid., p. 805-807.
161 Coulon-Arpin M., La Maternité et les sages-femmes de la Préhistoire au xxe siècle, Paris, R. Dacosta, 1981, t. 2, p. 84-85.
162 AD Corrèze, 1 J 87/10.
163 Tarnier S., De l’asepsie et de l’antisepsie en obstétrique, Paris, G. Steinheil, 1894.
164 Hacquin F., Histoire de l’art des accouchements en Lorraine, op. cit., p. 223-224.
165 Lettre de la direction du service départemental des épidémies de la Meurthe-et-Moselle au préfet de la Meurthe-et-Moselle, 15 octobre 1909, citée dans Hacquin F., Histoire de l’art des accouchements en Lorraine, op. cit., p. 234.
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