Chapitre 4. Mailler la France d’écoles
p. 157-202
Texte intégral
1Le débat sur la multiplication des écoles d’accouchement est tranché dans la première décennie du xixe siècle, lorsque le ministre de l’Intérieur renonce à l’unicité de l’Hospice de la Maternité de Paris. De cet assouplissement et de cet élargissement, la loi de ventôse et l’exemple parisien fixent en théorie chaque détail. Les cours éclosent cependant selon des rythmes propres, en fonction des héritages locaux, de l’action parfois individuelle d’un préfet ou d’un médecin, de la bonne ou mauvaise volonté ministérielle. Leur répartition géographique et surtout chronologique répond à des logiques diverses, qui font intervenir différents niveaux d’échelle et soulignent la souplesse d’un système en perpétuelle recomposition. Créations, suppressions, réformes sont le lot commun des cours d’accouchement de 1803 à 1893, et ces variations redessinent continuellement la carte de la formation obstétricale. Elles imposent de reconstruire, en fonction de facteurs pédagogiques, sociaux ou financiers, l’évolution des politiques locales et de déterminer les manières dont les départements remplissent leurs obligations budgétaires. L’établissement autorisé devient la cellule de base de la transmission du savoir obstétrical, sans qu’on puisse cependant en conclure à la complète victoire de l’officiel sur l’individuel et le spontané.
Les cours d’accouchement français au xixe siècle
L’éclosion des lieux d’enseignement, une évolution non linéaire
2Évoquer l’éclosion des cours d’accouchement implique certes de chercher un début suffisamment précis pour constituer une chronologie fiable1, mais c’est aussi bien renoncer à trouver des commencements univoques pour tirer les fils qui unissent les entreprises pédagogiques de la Révolution et des lendemains de 1803, de l’Ancien Régime et des recréations du xixe siècle. Évoquer cette éclosion, c’est surtout élargir la focale jusqu’à intégrer les proto-cours, voire les cours posthumes, ces extensions indissociables de la formation officielle, qui précèdent l’autorisation du ministre ou survivent au couperet du conseil général. La limite entre cours privés et cours publics est donc mouvante et la distinction entre une initiative pédagogique individuelle et un enseignement tacitement reconnu par les autorités administratives s’éclaire au moment charnière de l’officialisation. L’enquête se fait alors en amont de l’approbation ministérielle, dans l’espace de tolérance locale qui est aussi champ d’essai de la formation à enraciner.
3Un long catalogue des itinéraires de cours départementaux ne présente guère d’intérêt. Saisir la part des continuités et la rapidité des officialisations permet au contraire de peser les rôles des différents acteurs de la formation obstétricale. Mais, l’autorisation obtenue, cet enseignement ne se fige pas et c’est dans les péripéties qui scandent la vie des cours, dans le questionnement quasi permanent sur leur utilité ou leur maintien que s’élaborent les approches politiques de la transmission d’un savoir et de la formation d’une profession médicale.
4La création ex nihilo n’existe pas. L’instruction obstétricale du xixe siècle, quelle que soit sa forme, s’inscrit toujours dans une généalogie qui remonte à la seconde moitié du xviiie siècle, ou pour les plus récentes, à la période révolutionnaire. Peu importe que le cours perpignanais sous l’Ancien Régime n’ait jamais réuni que des élèves venues des alentours immédiats de la ville, il est présenté comme l’ancêtre direct et nécessaire du cours départemental des Pyrénées-Orientales au début du xixe siècle2.
5Ancrer les cours dans une origine géographiquement identique mais chronologiquement lointaine est un moyen de justifier la légitimité de l’enseignement vis-à-vis des prétentions parisiennes. Ce rappel est d’autant plus important lorsque l’interruption de la formation s’est prolongée plusieurs années voire décennies. Au moment où la possibilité de rouvrir un cours se profile dans le Gard en 1827, le préfet revient sur l’expérience d’enseignement qui a eu lieu au chef-lieu pendant la période révolutionnaire :
Une considération que je ne dois pas omettre non plus, c’est que ce cours avait déjà existé et avait obtenu des succès à Nismes, antérieurement à l’an xii. Il fut discontinué, à cette époque, à cause tant de la mort du professeur, frère du célèbre Larrey, que de l’établissement de l’école de la Maternité de Paris, etc.3
6Le cours passé n’a pas été supprimé, il s’est interrompu, faisant du projet porté par le préfet une simple reprise à l’image de la plupart des fondations/refondations qui ponctuent le siècle. Cette prégnance de la filiation des entreprises pédagogiques se nourrit de l’argumentaire aiguisé pendant la période révolutionnaire pour maintenir l’acquis. Tant de villes ont accueilli des démonstrateurs qu’il est toujours possible d’affirmer renouer avec une tradition4. La période révolutionnaire s’est saisie de ce foisonnement pour le circonscrire aux relais de l’administration territoriale : chefs-lieux d’arrondissement ou préfectures. L’après-ventôse an xi privilégie ce dernier niveau, à quelques exceptions qui méritent d’être signalées.
Ressort et siège du cours
7Le cours d’arrondissement est une survivance, la butte témoin d’une géographie administrative d’Ancien Régime et des méthodes pédagogiques d’avant l’Hospice de la Maternité de Paris et la loi de l’an xi. Il résiste plus ou moins longtemps, mais cède en général la place au monopole du chef-lieu de département dès les années 1830. Quatre départements mettent en place des cours à ce niveau d’échelle au long du siècle (Corrèze, Hérault, Mayenne et Var). En 1819, le conseil général de l’Hérault présente le cours d’arrondissement comme une résurgence du cours itinérant5. Cela rappelle les choix breton et alpin de la période révolutionnaire, sans que cette expérience ne se révèle plus pérenne. En 1824, le passage du cours d’accouchement de Montpellier au régime de l’internat met fin aux tournées du professeur dans le département, sans susciter la moindre protestation des conseillers généraux ou des administrateurs d’arrondissements6.
8Les autres départements pourvus de cours dans les sous-préfectures ne relèvent pas de ce modèle. Ils s’inscrivent au contraire dans une logique de fonctionnement autonome de chacune des initiatives de formation. Pour la Corrèze, l’étape « arrondissement » (Meymac, Brive-la-Gaillarde et Tulle) est une solution économique qui permet la réimplantation dans le département de structures d’enseignement obstétrical à partir de 1827 jusqu’à la fondation en 1834 d’une école départementale à Tulle7. La Mayenne fonde en 1809 trois cours, à Laval, Mayenne et Château-Gontier. Le premier s’enrichit en 1813 d’une annexe pratique lors de la création de l’hospice de la maternité, les deux autres restant purement théoriques, ce qui n’empêche pas leur maintien jusqu’assez tard dans les années 1830, en parallèle du cours officiel et autorisé qui se tient au chef-lieu. C’est ici un principe de complémentarité et de tolérance qui préside à la coexistence des trois lieux d’instruction pendant une trentaine d’années, durée étonnamment longue en comparaison d’autres exemples.
9Un seul et dernier exemple présente une physionomie comparable, quoiqu’encore plus exceptionnelle : le Var. Après deux vaines tentatives de créer un cours au début du siècle, le département du Var met en place en 1831 deux enseignements parallèles, à Draguignan, préfecture, et à Toulon, sous-préfecture cinq à neuf fois plus peuplée au cours du xixe siècle. Mise à part une interruption de ce fonctionnement double pendant la décennie 1870, la bicéphalie structure pendant tout le siècle la formation obstétricale varoise, s’expliquant par la répartition de l’audience potentielle des cours : à Draguignan la partie montagneuse du département, à Toulon la façade maritime.
10Quatre autres départements, le Morbihan, le Finistère, les Landes et les Hautes-Pyrénées, rompent complètement avec la primauté de la ville préfecture. Ce décentrage n’est que partiellement surprenant puisqu’il répond aux dispositions de la loi de ventôse qui demande l’établissement des cours « dans l’hospice le plus fréquenté du département ». Or, à l’instar du cas varois, les principaux centres de population des deux départements bretons ne coïncident pas avec leurs préfectures, ce qui explique le choix de Brest en 1816 et de Lorient en 1820 pour mettre en place l’instruction des sages-femmes. C’est une raison similaire qui explique le choix de Dax contre Mont-de-Marsan dès 1805 et de Bagnères-de-Bigorre contre Tarbes en 18188. Le souvenir d’un enseignement tarbais ne pèse pas suffisamment lourd face aux nécessités de la formation pratique. Le cours fonctionne donc à Bagnères-de-Bigorre de 1818 à 1892, date à laquelle il est supprimé et la maternité transférée à l’hospice de Tarbes.
11La localisation prédominante reste néanmoins l’implantation dans la ville préfecture, à proximité des centres de décision administratifs et politiques et au contact du pôle démographique principal d’un département. Ceci posé, s’ils font tous ou presque de la formation des accoucheuses un point fort de leur intérêt, les quatre-vingt-neuf départements ne suivent pas une voie uniforme dans la politique de diffusion du savoir obstétrical.
Typologie des créations de cours
12Trois groupes se dessinent, indépendamment des chronologies de créations ou de suppressions des cours9. Le premier, que je désignerai comme groupe A, compte vingt-quatre départements et se caractérise par un choix spécifique d’enseignement local corrélé à l’absence de politique d’envoi d’élèves sages-femmes à l’extérieur (carte 4)10.
13Dans ce groupe, il faut néanmoins isoler les départements savoyards (Alpes-Maritimes, Savoie et Haute-Savoie) dont le destin en matière de formation des accoucheuses dépend entre 1815 et 1860 des choix du royaume de Piémont-Sardaigne11. Dans les Alpes-Maritimes, l’encadrement obstétrical est défaillant tout au long du siècle. À l’exception d’un cours à Sospel entre l’an xii et l’an xiii12, et malgré l’insistance du ministre de l’Intérieur avant 181513, aucune formation n’est mise en place pendant les décennies suivantes. Après la réunion à la France, le conseil général ne prend jamais l’initiative de voter le moindre subside en ce sens ou pour l’envoi d’élèves sages-femmes dans une école voisine. Les départements alpins connaissent une évolution apparemment plus linéaire. Dans le droit fil de l’Ancien Régime, le département du Mont-Blanc, qui comprend sous la Révolution et l’Empire les territoires formant après 1860 la Savoie et la Haute-Savoie, fait renaître en 1808 un cours à Chambéry, la préfecture. En 1857, un généreux mécène, le comte Pillet-Will, fonde dans la même ville, en référence au cours gratuit du chevalier Rey en 1808, un internat pour l’instruction des futures sages-femmes destiné à rayonner sur toute la Savoie francophone14. La préexistence de cette structure au moment du rattachement à la France et son maintien ultérieur justifient le fonctionnement « en interne » des départements savoyards.
14Parmi les autres départements du groupe A, on retrouve des départements qui ont réussi à faire perdurer un cours d’accouchement pendant toute la période révolutionnaire (Seine, Rhône, Maine-et-Loire, Bas-Rhin, Gironde, Isère), et d’autres qui forment, avec les précédents, les bases de la carte de l’enseignement médical français au xixe siècle puisqu’y coexistent une faculté ou une école préparatoire de médecine et un cours d’accouchement (Côte-d’Or, Hérault, Meurthe, Marne, Loire-Inférieure, Haute-Garonne). La préférence accordée à la formation sur place s’explique aussi par un certain isolement géographique et linguistique : c’est le cas de la Corse, mais aussi du Bas-Rhin, des Pyrénées (Hautes-Pyrénées, Ariège et Pyrénées-Orientales) et du Vaucluse. S’ajoutent enfin trois départements aux traditions bien ancrées : l’Eure-et-Loir, la Haute-Marne et la Saône-et-Loire, que la proximité de grands centres de formation (Paris bien sûr, mais aussi Le Mans et Orléans dans un cas, Reims, Épinal, Nancy dans l’autre et Lyon, Bourg-en-Bresse, Dijon dans le dernier) semblent conforter dans leur préférence départementale, comme une revendication symbolique de petit Poucet. On touche là au cœur de l’instruction à échelle humaine, dans cet espace qui échappe obstinément à l’orbite parisienne pour exalter la qualité de ses professeurs et de ses capacités d’accueil pédagogique.
15Mais ce noyau ne résume pas à lui seul la dynamique des initiatives locales de formation, et un second groupe s’y adjoint, dit groupe B, qui rassemble 46 départements (carte 5)15. La caractéristique de ce deuxième pôle est de faire alterner ou coexister au fil du siècle enseignement sur place et envois d’élèves sages-femmes hors du département. La concomitance stricte de deux niveaux de formation, encouragée par le ministère qui souhaite faire de Paris une école de perfectionnement, n’est cependant pas si fréquente et ne concerne que six départements (Calvados, Corrèze, Nord, Puy-de-Dôme, Seine-Inférieure et Vienne). La durée de coexistence des deux modes d’instruction est variable – entre 10 et 43 ans – et son interruption correspond toujours à un repli sur la sphère locale16. Les départements en question sont dans la plupart des cas le siège d’une école de médecine, à l’exception de la Corrèze, et l’envoi d’élèves sages-femmes à l’Hospice de la Maternité de Paris, unique destination extérieure, perdure soit jusqu’à la mise en place dans le département d’une école au lieu d’un cours (Clermont-Ferrand, 1816 ; Poitiers, 1834), soit jusqu’au constat d’une amélioration (Tulle en 1844, Caen en 1852, Rouen en 1868) et d’une consolidation du niveau d’études de l’institution locale (intégration du cours d’accouchement dans le cursus de la faculté de médecine de Lille en 1876).
16L’alternance est en revanche infiniment plus fréquente : succession simple d’un cours extérieur à un cours local (ou vice-versa) ou alternance multiple entre formation locale et envois à l’extérieur. La succession simple lorsqu’elle aboutit à la pérennisation d’un cours au chef-lieu de département s’appuie quasi systématiquement sur une première étape parisienne, aux deux exceptions que sont la Loire (Paris puis Bourg-en-Bresse avant Saint-Étienne) et le Tarn (Paris puis Toulouse avant Albi). Sur les onze départements dans cette configuration, sept possèdent un cours d’accouchement pendant la période révolutionnaire ; il se poursuit parfois quelque temps sous le Consulat et l’Empire (Tours jusqu’en 1808), avant que le ministre de l’Intérieur n’en ordonne la suppression au profit de l’envoi d’élèves à Paris17. Le basculement de la capitale vers la province s’opère lorsque l’administration préfectorale réussit finalement à justifier la conformité de la formation souvent préexistante avec les exigences ministérielles. La reconnaissance illustrée par l’autorisation du règlement calqué sur celui de l’Hospice de la Maternité de Paris intervient entre les années 1810 et les années 1830 (hormis le Loiret, 1808, et la Loire, après 1890), dans un étalement tout à fait révélateur de l’opiniâtreté ministérielle mais aussi de la constance des volontés locales, couronnée par un maintien de presque tous ces cours jusqu’au début du xxe siècle.
17Le cas inverse (clôture d’un établissement départemental pour envoi à l’extérieur) ne bénéficie pas systématiquement à l’Hospice de la Maternité de Paris. Les fermetures d’écoles permettent souvent à d’autres cours d’audience régionale d’attirer une partie de ce public désormais sans point de chute local. Cette situation pose la question non plus seulement des créations mais des suppressions et donc de la durée d’existence des institutions. La représentation cartographique des établissements de formation obstétricale français est à ce titre forcément trompeuse puisqu’elle omet la plasticité de ce réseau, où certains cours parfaitement constitués survivent deux ans (Auxerre, 1818-1819 ; Moulins, 1819-1821), tandis que d’autres, aberrants au vu des exigences de la loi de 1803, traversent gaillardement le siècle (Chartres). Nombre de fondations disparaissent avant même la réforme des études de 1893, et la décennie 1850 connaît une véritable hécatombe : Metz et Nîmes (1850) ; Angoulême (1852) ; Le Mans (1854) et Troyes (1859). Certains cours pourtant anciens comme Bagnères-de-Bigorre (1818-1892) ou La Rochelle (1806-1888) disparaissent à leur tour à la fin du siècle dans un contexte où le besoin de sages-femmes se fait moins pressant grâce aux résultats des écoles et où la condition sociale des aspirantes sages-femmes, légèrement améliorée, les rend mieux à même d’aller chercher leur formation dans d’autres établissements.
18Toute la complexité de ces processus de créations/réorganisations/suppressions se rassemble dans un cas : l’Aveyron, qui cumule en un seul département les aléas que l’on rencontre dispersés ailleurs. La capitale du Rouergue accueille dès les années 1780 un cours d’accouchement qui se poursuit jusqu’en 1792, puis est recréé par un arrêté du 7 pluviôse an vi. Il est probable que ce cours se perpétue, en semi-clandestinité, jusqu’à la réorganisation officielle de 1813, visée par le ministre de l’Intérieur. En 1846, le conseil général prend la décision de supprimer le cours à la rentrée suivante au profit d’un envoi d’élèves boursières à Montpellier. Douze ans plus tard, repentir général : le préfet, approuvé par l’assemblée départementale, remet en place une formation pour les sages-femmes à Rodez, en la confiant au même professeur, au motif que les élèves instruites à Montpellier et de ce fait reçues sages-femmes de première classe délaissent leur département de naissance. En 1867 cependant, le conseil général se trouve de nouveau devant le choix de maintenir ou supprimer le cours d’accouchement dont l’immeuble acquis récemment n’est pas encore complètement payé. Convaincu par les arguments développés sur la faiblesse de l’enseignement clinique, les conseillers acceptent une nouvelle suppression, définitive cette fois et choisissent alors d’envoyer leurs boursières à Lyon. En moins de soixante-dix ans, l’Aveyron a donc connu quatre créations officielles de cours d’accouchement, deux suppressions et expérimenté l’instruction dispensée dans deux établissements extérieurs, preuve, s’il en est, de l’attachement des instances locales à fournir à leurs administrées des accoucheuses compétentes.
19Résumons-nous (carte 7) : 24 départements qui forment exclusivement leurs sages-femmes à l’intérieur de leurs frontières, 46 qui tentent de manière plus ou moins continue cette aventure de l’enseignement au plus près. Cela signifie aussi 21 départements qui renoncent à organiser des cours et délèguent dès l’an x à l’école parisienne ou à leurs voisins la tâche de produire leurs propres sages-femmes18. Tel est le groupe C (carte 6)19. Parmi ces départements, certains ont pourtant accueilli des cours sous l’Ancien Régime – le Jura, la Lozère ou encore la Vendée – ou sous la Révolution – la Dordogne, l’Aude ou les Côtes-du-Nord – mais la continuité se rompt suite de la redistribution des pouvoirs de la province aux cadres nés de la Révolution, à cause aussi de l’exigence de formation pratique à laquelle la plupart sont incapables de répondre. Après 1870, le territoire de Belfort, ancien arrondissement du Haut-Rhin, n’a pas les moyens de former ses élèves sur place et choisit de les envoyer à Besançon et à Nancy.
20Le renoncement à la formation locale est tôt prononcé, dès la réponse à l’enquête de l’an xiv dans les Ardennes20. La Manche se résigne dans des intervalles similaires. En Seine-et-Marne et en Seine-et-Oise, la proposition d’une formation sur place n’est pas même évoquée tant le projet paraît vain, eu égard à la proximité parisienne. Ailleurs cependant, aussi nul qu’en soit le résultat, l’obstination à réclamer l’instauration d’un cours porte les déclarations des conseillers généraux, de session en session. En Vendée de l’an viii à l’an xiii, en Creuse de l’an x à 1807, en Lozère de l’an x à 1816, les délibérations et les votes de fonds se succèdent inlassablement, jusqu’au point d’abandon que sanctionne généralement la réorientation des sommes allouées vers le paiement d’une pension à l’Hospice de la Maternité de Paris. De loin en loin, dans les décennies suivantes, des projets restent sans suite (Ardèche, Creuse, Jura, Dordogne, Vendée ou Aude).
21Les départements dont l’histoire obstétricale est celle d’une longue délégation sont souvent pris dans l’inertie de leur profonde ruralité, qui bride leurs ambitions hospitalières et la mobilité spontanée de leurs élèves sages-femmes. Pauvres de fonds et de population, ces recoins de France manifestent cependant une ténacité remarquable à maintenir une ou plusieurs bourses, plutôt parisiennes pendant la première moitié du siècle, plus voisines passées les années 1840, malgré quelques cas de fidélité séculaire à Port-Royal comme le Tarn-et-Garonne.
Le rayonnement des centres d’enseignement
22Le destin contrarié de multiples cours, tout comme les velléités pédagogiques sans lendemain de nombreux départements supposent une nécessaire péréquation entre établissements pour permettre la formation des cohortes de sages-femmes indispensables à l’encadrement obstétrical du territoire français. La conséquence immédiate en est l’élargissement de l’audience de certains cours qui acquièrent de fait un rayonnement régional. Pour remonter aux sources de ce phénomène, il faut rappeler les réflexions qui suivent la fondation de l’Hospice de la Maternité sur la possibilité de créer d’autres pôles d’enseignement obstétrical régionaux. Le cours d’accouchement d’Amsterdam, sous l’Empire, est à cet égard l’Arlésienne de ce mouvement, perspective toujours poursuivie et toujours repoussée d’une institution susceptible de rayonner sur tous les départements néerlandophones. Le lien structurel établi par la loi de ventôse entre le cadre hospitalier et la formation des accoucheuses place au premier rang des projets de ce type les villes pourvues d’hospices très largement fréquentés. L’idée, partiellement acceptée par le ministère à partir de 1807, est d’envisager un système de circonscriptions sur lesquelles un nombre restreint d’écoles pourrait rayonner.
23L’exemple le plus documenté est celui de Bordeaux, dont l’hospice de la maternité fondé par le couple Coutanceau à la fin du xviiie siècle constitue un point d’appui remarquable pour un établissement de rang régional, hypothèse évoquée dès 1802 dans la correspondance entre le ministre de l’Intérieur et le préfet de la Gironde21. Les principaux arguments en faveur de cette création reposent sur la dimension clinique de la formation et, plus que tout, sur les qualités d’enseignante de Marguerite Coutanceau22. Celle-ci n’hésite d’ailleurs pas à prendre la plume en 1808 pour défendre la portée régionale de ses cours en proposant au ministre de faire de Bordeaux une succursale de Paris pour les départements du Gers, des Landes, des Basses-Pyrénées, de la Dordogne et de la Charente. L’année suivante, la direction de l’hospice de la maternité travaille à un agrandissement susceptible d’accueillir toutes les élèves du sud-ouest. En 1814 enfin, le conseil général pleinement convaincu des capacités bordelaises en la matière prend la délibération suivante :
1° Que le gouvernement devra être supplié […] de concéder les bâtiments de l’ancien monastère notre-Dame, situé à Bordeaux, rue Ségur, pour y établir l’hospice de la maternité et les cours d’accouchement ; d’ordonner les mesures convenables pour que la translation de cet établissement dans ce local ait lieu le plus tôt possible, et de faire de l’école d’accouchement de Bordeaux une institution centrale pour les départements de l’Ouest conformément aux vues du ministère de l’Intérieur.23
24Les effets de cette campagne pour un « Port-Royal » bordelais sont toutefois quasi inexistants. L’aura de l’école dirigée jusqu’en 1820 par la nièce d’Angélique du Coudray ne dépasse pas les limites du département de la Gironde, tout en conservant un prestige national réel.
25Au milieu du siècle, l’école de Marseille prétend à son tour à l’obtention d’une circonscription officielle (Var, Basses et Hautes-Alpes, Vaucluse, Corse, Algérie). Les raisons sont moins ici de justifier l’existence du cours que de garantir sa pérennité et son recrutement. C’est en ce sens que le conseil général des Bouches-du-Rhône, pourtant peu soucieux de l’entretien de cet établissement, forme deux vœux, en 1849 et 1850. Pas plus que les projets bordelais des années 1800-1810, les ambitions marseillaises n’ont de suite concrète. Le découpage territorial pourtant à l’honneur dans les années 1850 avec le décret impérial du 22 août 1854 sur l’organisation des académies et des établissements d’enseignement supérieur ne touche qu’à la marge le fonctionnement des cours d’accouchement24. L’horizon reste départemental et seule l’étape finale de la réception est soumise aux circonscriptions définies pour les facultés et écoles préparatoires de médecine par l’arrêté du 23 décembre 1854. Cette absence de politique nationale d’aménagement de l’espace pédagogique obstétrical se situe dans la droite ligne de l’acceptation au tournant des années 1810 de voir appliquées les prescriptions de ventôse an xi. Elle explique en grande partie le caractère non linéaire et non continu de l’élargissement du rayonnement de certaines écoles.
26La fondation ou refondation d’un cours d’accouchement donne très souvent lieu à un courrier circulaire à l’ensemble des préfets des départements alentour pour en signaler la date d’ouverture, les modalités d’admission et l’ouverture à des élèves extérieures au département. Ainsi en 1816, le préfet de l’Hérault écrit à son homologue de l’Aude pour lui signaler la tenue prochaine d’un cours d’accouchement au dépôt de mendicité de Montpellier : « Si votre département manque de sages-femmes, je me ferai un plaisir, Monsieur et cher collègue, de faire admettre aux cours une ou deux élèves que vous me désignerez25. » Plus qu’une simple information, la politique suivie par ces préfets est celle d’un recrutement d’emblée étendu aux départements les plus proches. La proposition de réserver des places à de futures élèves, accordant ainsi une importance particulière aux relations entre espaces limitrophes, est une constante des correspondances préfectorales ; on la retrouve chez le préfet des Bouches-du-Rhône auprès de son collègue des Basses-Alpes en 182626. Ces efforts pour attirer à soi des élèves d’origines diverses sont parfois couronnés de succès : c’est le cas des élèves cantaliennes envoyées en Corrèze dès 1834, soit l’année même de la création de l’école de Tulle. L’étude du rayonnement de quelques établissements particuliers souligne l’importance de la publicité menée par certains préfets autour de leur création.
27L’exemple du Cher est sur ce point révélateur des stratégies déployées pour faire connaître une institution naissante. Au terme de presque deux décennies d’incessantes réclamations auprès du gouvernement, le marquis de Villeneuve obtient en 1817 de pouvoir organiser un hospice de maternité et d’y accoler un cours d’accouchement. Le conseil général, déjà convaincu du bien-fondé de la chose, apporte avec enthousiasme son soutien et l’inauguration a lieu le 4 janvier 1818. Dès le mois de décembre 1817, le préfet a annoncé à ses collègues l’ouverture imminente de l’école. Un mois plus tard, il leur adresse le texte imprimé de son discours d’inauguration, accompagné du règlement de l’hospice de la maternité de Bourges27. Le résultat ne se fait pas attendre et dès la première rentrée, trois départements envoient des élèves boursières : l’Indre, la Corrèze et l’Ardèche. En 1823, la Creuse décide à son tour d’y faire admettre ses futures sages-femmes. Parmi ces différents départements, deux sont frontaliers du Cher, l’Indre et la Creuse, mais les deux autres sont beaucoup plus éloignés, la Corrèze bien sûr et plus encore l’Ardèche, située de l’autre côté du Massif Central. Ces choix révèlent d’une part la diffusion ambitieuse de l’information pratiquée par l’administration du Cher et d’autre part la faible importance de la distance comme critère d’élection d’un centre de formation. C’est la qualité supposée de l’enseignement, associée à la modestie de la pension exigée qui emportent la décision des conseils généraux. Toutefois, la constellation berruyère est instable et les départements pourvoyeurs d’élèves ne restent pas tous fidèles à l’école pendant sa durée d’existence (1818-1836). La Corrèze en 1820 et la Creuse en 1828 cessent d’envoyer leurs boursières pour privilégier, temporairement pour la première et plus durablement pour la seconde, l’admission à l’Hospice de la Maternité de Paris.
28Autre exemple, celui de l’école d’accouchement de l’Ain, fondée en 1819 et dirigée avec fermeté et persévérance par le docteur Pacoud28. Département marginal et assez pauvre, l’Ain n’est à tous égards pas le mieux placé pour susciter et maintenir une école d’accouchement florissante. Pourtant, dix ans après sa création, une lettre au ministre de l’Intérieur dresse du cours de Bourg-en-Bresse le portrait suivant :
Ici, peut-être seroit-ce le cas de faire observer à Son Excellence, le parti qu’on pourroit tirer d’un établissement tout formé, existant depuis dix ans et dont les succès ne sauroient être contestés, en l’étendant aux besoins des départements circonvoisins, qui déjà, spontanément, commencent à en profiter […].29
29Comme l’école de Bourges dont elle est quasiment contemporaine mais à laquelle elle survit très largement, l’école de Bourg-en-Bresse draine des élèves d’un département limitrophe, le Jura, mais aussi de départements plus lointains, la Loire et la Drôme. Cette extension est d’autant plus remarquable que l’établissement est cerné d’autres institutions anciennes et solidement implantées (Lyon, Grenoble et Mâcon). C’est ici paradoxalement la taille réduite de la ville d’implantation, contre les grands hospices lyonnais ou grenoblois, et surtout la rigueur extrême de l’encadrement des élèves qui justifient le choix des autres départements30. La réduction de la sphère d’influence est progressive et se fonde sur des considérations variées : économiques pour le Jura qui décide en 1876 d’envoyer désormais ses élèves à Besançon puisque c’est le siège de l’école où elles se font recevoir, indépendamment de leur lieu de formation31 ; économiques sans doute aussi pour la Loire qui fonde un cours à Saint-Étienne en 188932 ; de science et de conscience enfin pour la Drôme qui oriente à partir de 1892 ses boursières à Lyon pour préserver leur sensibilité protestante, malmenée par le catholicisme flamboyant des gestionnaires de l’école de Bourg33.
30Mais l’extension d’une aura ne repose pas seulement sur le travail accompli par les administrateurs d’un département. Elle est aussi tributaire de l’évolution des institutions voisines, créations ou suppressions, qui affecte son aire de rayonnement. Ainsi, la mise en place du cours d’accouchement d’Albi en 1825 remet-elle en cause l’envoi des élèves sages-femmes du Tarn à Toulouse, tel qu’il était pratiqué depuis 182134. Les fondations d’écoles n’affectent cependant que peu les établissements non parisiens, c’est à l’inverse les suppressions de cours ou les renoncements aux envois à Port-Royal qui dessinent progressivement des zones de recrutement. L’institution angevine reçoit ainsi à partir de 1834 les boursières vendéennes qui fréquentaient avant cette date l’école niortaise, puis en 1865, les jeunes filles anciennement admises au cours du Mans (après quelques années d’envois à Paris), et à partir de 1876 les élèves de la Mayenne après la fermeture du cours de Laval35.
31Le rayonnement régional des centres de formation obstétricale est donc le fruit d’initiatives particulières, de regroupements aléatoires suscités par les évolutions propres à la politique de chaque département. L’étude des espaces d’influence respectifs déjoue les attentes de continuité territoriale stricte au profit de réseaux plus souples, fondés sur la réputation et les conditions de réception des élèves.
Les dynamiques interdépartementales
32L’absence de ligne directrice nationale dans le développement des établissements de formation obstétricale laisse, assez logiquement, une place importante aux relations interdépartementales et à l’action personnelle des administrateurs et des médecins dans le processus des créations ou des réorganisations de cours. La correspondance préfectorale est au cœur de la circulation de l’information et du partage des modèles d’établissements. L’itinéraire professionnel, les mobilités de la « carrière » des préfets ajoutent encore à cette facilité du recours au département voisin, voire à l’ensemble des départements français, pour informer une situation locale. Les dynamiques interdépartementales sont essentielles pour saisir les phénomènes de miroirs, d’émulation voire de rivalité qui traversent les entreprises pédagogiques à destination des sages-femmes. Il n’est plus dans ce cas question de rayonnement ou de circonscription d’un établissement supérieur, mais de coopération entre départements, de mise en commun d’un outil conçu comme une co-propriété. La logique de co-gestion d’une institution d’enseignement, rarement mise à l’étude et surtout quasiment jamais concrétisée, est toutefois révélatrice de l’intérêt bien pensé qu’il peut y avoir à réduire les frais d’entretien d’une école en multipliant ses élèves. Au cours du siècle, trois exemples permettent d’illustrer trois facettes de cette pratique.
33En 1851, le préfet de l’Isère propose à ses homologues des Hautes-Alpes et de la Drôme de partager « la dépense annuelle du professorat36 ». Cette démarche vise à élargir le champ de recrutement du cours grenoblois aux limites du Dauphiné d’Ancien Régime, et à rendre le cours annuel (au lieu de biennal). Si le préfet des Hautes-Alpes s’engage – vainement – à soumettre cette proposition au conseil général de son département, la Drôme n’y donne aucune suite. La tentative reste néanmoins intéressante puisqu’elle fait porter la participation collective sur une dépense symbolique, le traitement du professeur, et non sur les locaux ou les frais de fonctionnement généraux.
34Autre exemple : en 1877, le conseil général des Vosges met en débat la suppression de l’école d’Épinal (créée en 1802). Le préfet consulte alors ses collègues les plus proches sur les conditions de formation des sages-femmes dans leur département37. Le préfet de la Haute-Marne saisit la balle au bond pour proposer une gestion conjointe de son établissement départemental. Quelques semaines auparavant, il a donné communication au département de l’Aube de la disponibilité de l’école chaumontoise à recevoir des élèves boursières. C’est donc ici aussi un projet tripartite qui est envisagé sur des bases plus larges que celles précédemment évoquées pour le cas grenoblois :
Le département de la Haute-Marne est en négociation avec celui de l’Aube qui envoie ses élèves sages-femmes boursières à la clinique de Paris. Il admettrait probablement les élèves de l’Aube et même les élèves des Vosges, moyennant des bourses fixées à 400 francs par an et par élève ou bien des élèves boursières à 250 francs pour les deux années scolaires […] à la condition que le département des Vosges ou de l’Aube ou les deux prendraient dans les frais généraux de l’école une part correspondante au nombre de leurs élèves.
35La poursuite de la correspondance entre Chaumont et Épinal permet d’entrer dans le détail des prévisions budgétaires. Les dépenses communes concerneraient la location des bâtiments, les traitements du professeur, de la directrice et de la domestique, les frais de bouche, d’éclairage et de chauffage des résidentes dans l’école (directrice, domestique, élèves) ainsi que l’entretien de l’établissement et de son mobilier. Le projet du préfet de la Haute-Marne prévoit le doublement des effectifs de l’école (10 élèves de la Haute-Marne et 10 élèves des Vosges), permettant, sans modifier la localisation de l’institution ni les salaires de son personnel, de réaliser de substantielles économies (« 550 francs environ au lieu de 700, prix actuel de la dépense par élève »). La proposition n’est toutefois pas retenue par l’assemblée départementale vosgienne, qui décide finalement en 1879 d’envoyer ses élèves sages-femmes à Nancy38.
36Au bout du compte, le seul exemple réussi d’établissement co-géré par deux départements est l’école d’accouchement de Chambéry, dite Institut Pillet-Will, dont les statuts de fondation en 1857 prévoient un recrutement étendu à toute la Savoie francophone. La réussite ultérieure de cette école bidépartementale est d’ailleurs intimement liée à l’histoire de cette région non française et non départementalisée entre 1815 et 1860. Le siège de l’école se trouve en Savoie, mais la moitié des dix places d’élèves financées par les revenus de la fondation du comte Pillet-Wil est réservée à chacun des départements savoyards. Il en découle l’obligation pour la Savoie et la Haute-Savoie de pourvoir au traitement du professeur, soit 800 francs au total, puisque cette somme n’est pas couverte par le financement originel de l’établissement. Le caractère inhabituel de cette institution commune n’est pas immédiatement compris par les administrateurs français. Le préfet de Haute-Savoie propose ainsi en 1861 d’envoyer des élèves sages-femmes à Paris ou à Chambéry sans percevoir la compétence « omnisavoyarde » du deuxième établissement. L’année suivante néanmoins, l’erreur est « réparée » et le préfet s’enthousiasme alors de la complémentarité à l’œuvre : « Nous participons donc largement aux bénéfices de l’institution. Dans tous les cas, la moitié des places nous est assurée39. »
37La nature exceptionnelle de cette communauté scolaire constitue la pointe émergée de l’ensemble des intenses relations qu’entretiennent les préfets entre eux. La pratique de l’enquête circulaire, la demande plus spécifique d’informations, l’inspiration recherchée dans les réalisations du voisin sont autant de manifestations de la transversalité du réseau préfectoral.
38En 1865 et 1887, le département de la Haute-Marne adresse à l’ensemble des départements un questionnaire portant sur l’existence ou non d’une école d’accouchement sur leur territoire, sur le personnel, ses fonctions et sa rémunération, ainsi que sur le nombre d’élèves accueillies, l’organisation des locaux et plus généralement le coût d’entretien de l’établissement40. La première demande s’inscrit dans un contexte de réforme de cette école, et aboutit à l’arrêté de modification du règlement du 15 février 186641. La seconde s’insère probablement dans la suite des conclusions tirées au niveau national de l’enquête de 1885 sur les maternités et les écoles d’accouchement42.
39En 1892, le Puy-de-Dôme lance à son tour une consultation élargie43. Les préfets sont interrogés sur le régime d’admission des élèves, sur les locaux de l’école s’il en existe, sur la politique de subvention des boursières et sur les liens entre une éventuelle maternité et l’école d’accouchement. Du point de vue local, cette enquête correspond à l’ouverture d’un débat devant l’assemblée départementale lors de sa session d’octobre 1891 au sujet de l’insalubrité de l’école de sages-femmes et des moyens d’améliorer la situation. Lors de la session suivante, le préfet rend ainsi compte des résultats de ses recherches :
D’après l’enquête poursuivie à ce sujet au moyen d’un questionnaire appelant des réponses nettes et précises sur les divers éléments à grouper dans une étude de ce genre, très peu de départements possèdent, comme le Puy-de-Dôme, une école d’accouchement présentant une organisation complète, avec un personnel de professeurs, de sages-femmes, de préposés aux soins intérieurs de l’école et avec toutes les conséquences heureuses qui en découlent pour le succès des élèves dans leurs études.44
40Ces enquêtes sont la version systématique des échanges moins formels que l’on rencontre régulièrement entre préfets. Ces derniers se fondent sur la proximité géographique, comme dans le cas du Gers et des Landes à la fin des années 1820. Le préfet du Gers s’occupe à cette période de la rédaction du règlement du cours qui fonctionne à Auch depuis plus de vingt ans, il sollicite son collègue de Dax pour que celui-ci lui adresse un exemplaire du règlement de l’Hospice de la Maternité de Paris (1807) et lui signale les modifications apportées pour l’établissement du règlement du cours d’accouchement de Dax45. Le produit de ces contacts est remarquable : l’arrêté du 30 mai 1829 qui fixe le fonctionnement du cours d’Auch est démarqué mot à mot du règlement dacquois46.
41L’itinéraire personnel d’un préfet peut aussi mettre en lien des territoires distants. François-Emmanuel Camus du Martroy, préfet de l’Ain en 1819 lors de la fondation de l’école de Bourg-en-Bresse, préside à la réorganisation du cours d’accouchement de Clermont-Ferrand en 1821 après son arrivée dans le Puy-de-Dôme47. Des filiations se créent ainsi, par l’intermédiaire des agents itinérants de l’État qui transportent leur expérience et la renommée des établissements qu’ils ont contribué à fonder ou faire prospérer. En 1825, le docteur Pacoud, professeur de l’école d’accouchement de l’Ain, présente un résumé des travaux de l’institution pour l’année précédente :
Influence de l’école hors du département. Les bienfaits de notre école ne se bornent point aux limites de notre département. Plusieurs autres, à notre exemple, ont créées des institutions analogues. […]
L’école du Puys de Dôme qui nous a suivis de plus près traite la nature de l’école modèle et les professeurs s’empressent d’adopter toutes les améliorations que nous avons conçues et exécutées successivement. Nous avons nous même en passant à Dijon l’année dernière donné une heureuse impulsion à celle de la Côte-d’Or. Le département de la Meurthe reçut il y a deux ans tous les renseignements nécessaires et son école commence à marcher. Cette année, M. le préfet du Pas-de-Calais a également adressé à M. le préfet de l’Ain une demande pareille pour en instituer une à l’instar de la nôtre.48
42S’il y a un brin de vantardise chez ce médecin à s’attribuer le fonctionnement régulier des cours de la Côte-d’Or ou de la Meurthe, la réputation de l’établissement bressan n’est cependant pas à faire. Lors de la session du conseil général de la Vendée en 1833, cet établissement est d’ailleurs cité en exemple comme prélude à une proposition de création de cours à Bourbon-Vendée49. L’influence réelle de ce cours aboutit même à la mise en place d’un patronage assidu du cours voisin de Mâcon. La correspondance entre le docteur Carteron, en charge du cours mâconnais, et le docteur Pacoud de Bourg tisse une longue suite de conseils et de reproches bienveillants du second au premier. D’un ton éminemment directif, Pacoud dispense sur tous les sujets ses recommandations aux allures de prescriptions :
(Novembre 1836) Mon cher confrère et ami,
Vous vous donnez beaucoup de peine et de soucis, et vous n’obtiendrez que des résultats peu satisfaisants parce qu’il me semble que vous vous y prenez mal. Après votre logement assuré, vous auriez dû penser à une religieuse ou deux et même trois pour diriger l’économat de votre école. […] Avec une religieuse telle que j’aurai pu vous la fournir dans le temps où j’aurais pu la choisir sur plusieurs centaines, vous auroit épargné bien des peines et économisé de belles sommes […].50
43Cet attachement à exporter un modèle d’enseignement au-delà des frontières du département, particulièrement sensible chez les responsables de l’école de Bourg, souligne a contrario la variété d’un cours à l’autre. Le besoin récurrent de se référer aux pratiques des voisins, autant voire plus qu’à l’exemple parisien toujours trop lointain et trop corrélé aux inamovibles principes ministériels, est un moteur essentiel de la perpétuelle recomposition du paysage obstétrical, dans la redistribution de ces institutions et dans l’évolution continue de leur fonctionnement.
Le fonctionnement des cours : formes et financement
De la tolérance à l’autorisation
44L’histoire d’un cours d’accouchement est souvent celle d’une longue et progressive transmutation. Deux points de vue se côtoient alors : l’œil du national et l’œil du local. Regarder de Paris, c’est-à-dire du gouvernement, le paysage français de la formation obstétricale, c’est voir les fruits mûris ou avortés de la loi du 19 ventôse an xi. Regarder des préfectures, c’est voir, aux côtés des fruits, leurs fleurs et tous les rejetons sauvages qui les entourent. Peut se poser alors la question du stade à partir duquel un cours d’accouchement peut être considéré comme un « vrai » cours.
45La légitimité d’un cours est dans tous les cas tranchée par le choix national français de former des accoucheuses, puisque le besoin prime. Sa légalité censée constituer autour de lui une barrière puissante se révèle pendant les premières décennies du siècle d’autant plus inopérante que la référence législative de 1803 ne place en théorie hors-la-loi aucun mode d’acquisition du savoir obstétrical. Seul est passible de sanctions l’exercice illégal de l’art des accouchements. La menace de mise à l’écart par les jurys médicaux des élèves sages-femmes formées dans le cadre de cours non autorisés ne se rencontre guère avant la fin de la décennie 1810, ainsi dans l’Aube en 1816 lorsque le docteur Jacquier demande que son cours annuel dans l’hospice de la Maternité de Troyes soit reconnu car « sans cette formalité, les sages-femmes qui ont suivi le cours de la maternité ne pourroient se présenter aux examens du jury médical qui va s’assembler incessamment, et n’ayant pas de droits à un diplôme, elles perdroient le fruit de leurs peines et de leurs travaux51 ».
46Reste au bout du compte un critère peu officiel et difficilement quantifiable mais qui s’avère néanmoins le plus pertinent pour classer les différents types d’instruction des sages-femmes, le degré de publicité d’un cours. Par ce terme de publicité, j’entends d’une part, très concrètement, la diffusion de l’information autour d’un cours et, d’autre part, son caractère public plus ou moins reconnu ou revendiqué. C’est sur cette base mince mais solide que s’est appuyée ma présentation initiale de la carte des cours d’accouchement en France au xixe siècle.
47Les désignations choisies pour les formations obstétricales sont souvent riches d’enseignements. Les formules « cours théorique et pratique », dans leurs différentes versions, que ce soit « cours gratuit théorique et pratique » ou « cours public théorique et pratique », voire « cours public et gratuit d’accouchement », signalent toutes un niveau élevé de reconnaissance sociale et administrative. L’enseignement dispensé par Jean-Marc Duclos, chirurgien toulousain, en l’an ix porte le nom de « cours public et gratuit d’accouchement ». À l’issue des leçons, le démonstrateur confirme le lien entre la formation et la municipalité toulousaine en remettant au corps de ville assemblé un manuscrit de son cours52. Les cours du docteur Delzeuzes à Évreux sont annoncés de la même façon53. La nuance qui distingue cours publics et cours publics autorisés passe en général dans la présence ou l’absence de l’adjectif « départemental » dans l’intitulé. Seul l’accord ministériel permet aux préfets de revendiquer ouvertement un cours d’accouchement comme partie des institutions départementales. Des tournures de substitution existent toutefois. En 1805, une affiche placardée sur les murs de Nancy et dans le département de la Meurthe place le cours du docteur Bonfils « sous les auspices de Monsieur le Préfet du département de la Meurthe54 ». Le soutien du préfet est renouvelé à la fin d’un prospectus par le texte d’un arrêté pris le 5 septembre 1806 encourageant les maires des communes rurales du département à envoyer leurs candidates au cours nancéen tout en annonçant le financement départemental de deux élèves. L’ensemble, affiches et prospectus, est d’ailleurs probablement imprimé et diffusé aux frais de la préfecture.
48Cette présence tutélaire de l’administration départementale n’empêche pas ces cours de se présenter comme des initiatives individuelles, nées de l’intérêt des médecins accoucheurs pour la sauvegarde des populations :
Aussi le Médecin de cet hospice [la maison de secours de Nancy], versé depuis longtemps dans la pratique et l’enseignement privé de l’art des accouchemens, a pensé qu’il était de son devoir d’utiliser des moyens aussi précieux pour l’instruction.55
49Les cours s’identifient donc à leurs enseignants, et avant que les instances départementales ne les institutionnalisent en obtenant pour eux l’aval du ministère, les préfets et leurs administrés parlent dans la Meurthe du cours du docteur Bonfils, dans l’Aube du cours du docteur Pigeotte ou Jacquier, dans les Landes de celui du docteur Durozier56. La personnalisation de l’enseignement est d’ailleurs telle que les conseillers généraux de l’Indre dans leur session de l’an xi parlent du « cours d’accouchement de la dame Lachapelle à Paris57 ».
50L’ambiguïté sur la nature réelle du cours est volontairement cultivée par les professeurs et les administrateurs, les premiers y trouvant un prestige particulier, les seconds un système a priori provisoire mais efficace qui leur fournit des sages-femmes sans imposer l’autorisation préalable de leur hiérarchie. D’un point de vue matériel, le coût de ces cours varie en fonction des exigences salariales des professeurs et des secours éventuellement apportés aux élèves. Dans la Meurthe, le préfet s’engage en 1806 à former deux bourses d’élèves, mais cette générosité n’a rien d’automatique et dans le Lot-et-Garonne, au moment de l’officialisation du cours, les élèves ne reçoivent « aucun secours du département58 ».
51Concernant les professeurs, il apparaît régulièrement que ces hommes remplissent déjà par ailleurs un certain nombre de fonctions rémunérées59. C’est le cas de Bonfils cité plus haut, de François Larrey, professeur du cours d’accouchement de Nîmes (chirurgien en chef des hospices de la ville60,) ou de Mérilhon à Angoulême (chirurgien de la salle d’accouchements des maisons d’arrêt et de détention61.) Ces ressources étrangères à la fonction strictement enseignante leur permettent pourtant de professer gratuitement ou de continuer à le faire après la suppression de leurs émoluments. La brève existence de chaires d’accouchements attachées aux écoles centrales sous la Révolution a laissé, après leur disparition, les titulaires dans une situation de vacance qu’ils ont souvent remplie en poursuivant leur tâche, à l’instar de François Larrey dans le Gard :
Depuis sa suppression, j’ai continué chaque année un cours gratuit d’accouchements, et il m’est permis de dire que c’est à lui que le département du Gard doit de nombreuses sages-femmes qui, à une routine meurtrière, ont fait succéder dans leurs contrées des connaissances précieuses pour leurs concitoyens.62
52La recherche d’une reconnaissance financière n’est pas le seul moteur de l’action pédagogique. Le discours sur la nécessité de former les accoucheuses est dans la bouche et sous la plume des médecins et des chirurgiens une conviction, qui justifie souvent leur désintéressement. La lenteur avec laquelle ils réclament leurs honoraires en est la preuve. Le docteur Prieur professe à Auch des cours à partir de 1807. Ce n’est que dix ans plus tard qu’il fait transmettre au ministre de l’Intérieur une pétition pour obtenir un traitement assis sur un brevet de professeur départemental d’accouchement63.
53Dans les Pyrénées-Orientales, on observe une situation semblable puisque c’est seulement en 1814, à la suite d’une demande de renseignements du préfet, que le docteur Bonafos, professeur du cours d’accouchement, rappelle dans un historique de cette formation les années d’enseignement sans rémunération :
L’école de la Maternité établie, le ministre raya du budget la dépense du cours d’accouchement […]. On nous pria en même instant de ne pas cesser ; nous assurant que nous recevrions le salaire y attaché. Notre zèle est connu. Nous continuâmes à faire comme par le passé ; nous ne fûmes pas payés. […] Nous osons espérer, le cours ayant été fait, que nous recevrons ce qui nous est dû.64
54Ces aléas, entre reconnaissance effective et fonctionnement souterrain, s’expliquent en partie par la politique équivoque du ministre de l’Intérieur. Entre approbation, autorisation exceptionnelle, et autorisation définitive, la frontière est mince et chaque bout de la chaîne administrative joue de l’interprétation possible selon son intérêt. Les exemples gersois et pyrénéen, comme celui de la Meurthe, sont révélateurs des hésitations et changements d’avis ministériels. Une lettre ambiguë, une absence de refus explicite d’organisation d’un cours suffisent en général à un préfet pour en déduire un accord, voire la promesse d’un soutien. Parfois, une forme d’autorisation existe, comme en 1807 dans ce courrier du ministre Champagny au préfet du Gers :
Monsieur le Préfet, d’après la demande que vous en avez faite, je consens que la somme de treize cent soixante-dix-sept francs restée en dépôt dans la caisse de l’hospice de la ville d’Auch, et provenant des réceptions d’officiers de santé en l’an xii et l’an xiii, soit consacrée aux frais d’un cours d’accouchemens dans ladite ville.65
55Une note attachée à cette lettre développe l’idée du récipiendaire : « Ne peut-on pas considérer comme une autorisation au moins implicite la lettre ci-jointe du ministre de l’Intérieur du 22 juillet 1807 ? ». Ou comment transformer une approbation ponctuelle en un blanc-seing définitif pour l’organisation d’un cours. Parfois, la reconnaissance passe par d’autres instances, plus révélatrices encore de l’ambivalence du rapport à ces enseignements semi-clandestins. Lorsque le docteur Durozier prend en charge le cours d’accouchement de Dax en l’an xiii, il manque de matériel pédagogique ; cette formation est censée se dérouler dans l’hospice de Dax, sans toutefois qu’aucune autorité gouvernementale n’ait donné son aval. Pourtant, très naturellement, le médecin professeur s’adresse, pour se procurer les objets nécessaires, à l’Hospice de la Maternité de Paris66. La disponibilité concrète de Baudelocque pour une initiative qui va à l’encontre des principes énoncés pour le recrutement de l’Hospice de la Maternité de Paris montre le respect d’un homme, nourri aux cours de démonstration de l’Ancien Régime, pour les efforts d’instruction d’un collègue qui tente de s’approcher au plus près des méthodes mises en œuvre à Paris.
56Le temps de latence entre cours localement public et cours officiel est variable. L’attente rochelaise dure huit ans, régulièrement ponctuée de refus ministériels, délai relativement court si on le compare aux vingt-deux ans du cours d’accouchement du Gers, dont la première approbation remonte en 1807 et qui ne voit son règlement autorisé qu’en 182967. Ces intervalles sont la réponse des départements à l’exclusivisme parisien du début de siècle. Instruisons, instruisons, il en restera toujours quelque chose : telle pourrait être la devise de ces professeurs et de ces administrateurs qui ont toujours plus de succès à défendre un acquis, aussi peu conforme soit-il, qu’à recréer du révolu.
57Et sans doute faudrait-il partager cette devise avec le groupe aux contours plus flous des professeurs de cours privés d’accouchement. La frontière avec les précédents est souple mais néanmoins plus clairement perceptible que celle entre cours public et cours autorisé. Là où les archives donnent à voir dans ces derniers cas une continuité d’hommes à la tête d’une formation qui ne change généralement ni de durée, ni de local, le cours privé est l’oublié omniprésent de l’histoire de l’obstétrique : oublié car son initiateur ne reçoit ni reconnaissance publique, ni rémunération, omniprésent car il se lit au détour des lettres de motivation des aspirantes sages-femmes. En 1812, Antoinette Desruols, accoucheuse à Annonay, demande au préfet une autorisation provisoire d’exercer, qu’elle justifie par ses 25 ans d’expérience et le fait « qu’à l’époque où j’ai commencé d’exercer mon état, il n’étoit point nécessaire d’avoir fait un cours théorique d’accouchement, que j’avois fait alors et que j’ai continué depuis un cours pratique sous les yeux de M. Soulières, chirurgien accoucheur distingué68 ».
58Trente ans plus tard, Élisabeth Carol de Tarascon-sur-Ariège, elle-même sage-femme, souligne qu’en plus de ses propres cours, sa fille aspirante accoucheuse, a « reçu les leçons particulières qui lui ont été données par un médecin recommandable du pays69 ». Des médecins prennent donc l’initiative, çà et là, de former les jeunes filles de leur voisinage. Il n’est guère possible de savoir s’ils font payer leur enseignement, s’ils organisent pour une ou deux élèves un véritable cours théorique ou s’ils se contentent de se faire accompagner dans leur pratique par les futures accoucheuses, comme cela semble le cas du docteur Soulières à Annonay70. Au tout début du xixe siècle, ils sont encore nombreux, à l’auditoire plus ou moins fourni. Dans le Haut-Rhin, la préfecture fait établir en 1802 un « état des communes […] dans lesquelles il existe des sages-femmes, avec indication si elles ont été instruites ou non […] et de qui elles ont reçu leur instruction71 ». La liste dressée pour l’arrondissement de Belfort fait apparaître un total de 153 accoucheuses, dont 78 ont eu accès à un enseignement obstétrical. Parmi celles-ci, 8 ont été formées par leur propre mère sage-femme, 21 par une autre sage-femme en exercice et 30 par un chirurgien de leur commune ou d’une commune proche. Les femmes instruites dans un cadre scolaire sont donc à cette date très largement minoritaires puisqu’elles ne sont que 19 (17 à Strasbourg, une à Colmar et une à Besançon) et on ne rencontre pas de cas de double formation (privée et publique). Les hommes de l’art qui accueillent des élèves semblent avoir des auditoires variables et le nom qui revient le plus fréquemment est celui du chirurgien Thaller de Masevaux (13 cas). Une lettre du maire de la commune de Lauw adressée au préfet du Haut-Rhin en vendémiaire an x complétée d’une copie de délibération municipale du 1er frimaire suivant précise que ce médecin « demande pour ses peines et soins que son instruction lui occasionnera, la somme modique de 48 francs, entendant que cette femme viendra tous les jours chez lui jusqu’à ce qu’elle soit au fait dans l’art en question72 ». Il s’agit donc là d’un véritable cours, quotidien, avec une dimension théorique, et l’aura du professeur est telle qu’il apparaît pour les magistrats municipaux alentour comme une référence comparable aux cours d’accouchement de Colmar ou de Strasbourg.
59L’exemple alsacien introduit par ailleurs à une autre réalité : celle de l’enseignement privé de l’obstétrique par les sages-femmes. La transmission mère-fille n’épuise pas ce mode d’instruction, et nombre d’accoucheuses allient à leur pratique une dimension pédagogique. Elles accueillent des élèves qui ne sont quasiment jamais désignées comme des apprenties, les logent souvent dans leur propre domicile, et leur dispensent un savoir mi-théorique, mi-pratique qui sert fréquemment de propédeutique à l’admission dans une école de sages-femmes. Certaines d’entre elles revendiquent même une reconnaissance publique de leur enseignement, sans pourtant prétendre se poser en professeurs officiels, au sens départemental. En 1837, le sous-préfet de Brest transmet au préfet du Finistère une demande d’information sur une requête déposée quelques mois plus tôt par une sage-femme de la ville, « la dame Perusquet qui a sollicité il y a huit mois l’autorisation d’ouvrir à Brest un cours particulier théorique et pratique d’accouchement73 ».
60Cette pétition présentée par une accoucheuse urbaine s’inscrit dans une prise en main par les praticiennes d’une filière parallèle d’enseignement de l’obstétrique, hors des institutions départementales. C’est surtout en milieu urbain et au cœur des villes importantes qu’on rencontre ces sages-femmes qui s’intitulent professeurs d’accouchement, jusqu’assez tard dans le siècle. À Paris, Siebold les cite lors de son voyage au début des années 1830, aux côtés de médecins et de chirurgiens, ouvrant leurs maisons pour pallier avant 1834 l’absence de clinique à destination des étudiants en médecine et des aspirantes sages-femmes de la faculté. On les retrouve plus tardivement encore dans les en-têtes des publications qu’elles produisent : la dame Bretonville, installée rue Neuve-des-Petits-Champs en 1843 s’intitule « professeur d’accouchement de la faculté de médecine de Paris », Virginie Messager, rue de Rivoli en 1859, se dit « professeur d’accouchement », à l’instar de la dame Menne-Vaulot, avenue de la Grande Armée, en 186974.
61Tout un monde d’initiatives pédagogiques existe donc à côté des établissements autorisés. La taille modeste de ces formations, l’exigence incontournable pour une élève sage-femme après la suppression des jurys médicaux, et souvent même avant leur disparition, d’avoir suivi un cours organisé et reconnu par les autorités politiques, placent ces leçons particulières en position de préparation ou de complément à l’instruction officielle. Il n’en reste pas moins que pour un professeur privé d’accouchements, qu’il soit médecin ou sage-femme, l’intégration aux structures départementales d’enseignement est inenvisageable s’il ne bénéficie pas dès le début de la protection des autorités départementales. En septembre 1816, le docteur Molinier de Carcassonne adresse directement au ministre de l’Intérieur une proposition de créer un cours d’accouchement « à [ses] frais et dépens », rappelant qu’il a enseigné pendant deux ans l’obstétrique à la faculté de Montpellier75. Son interlocuteur balaie d’un revers de main le projet, en rappelant la nécessité de l’attacher à un hospice. C’est sans compter sur la ténacité du médecin qui se rappelle quelques jours plus tard à son bon souvenir en précisant sa pensée :
Sachant combien un cours d’accouchement simplement théorique serait peu avantageux, je me proposais aussi de le rendre pratique […]. Je voulais prendre pour modèle l’établissement de Montpellier : et à cet effet, j’aurais eu un local convenable (mais à mes frais) où les femmes de mon département auraient été reçues gratis, dès le cinquième mois de leur grossesse […].
62L’absence du préfet comme intermédiaire privilégié de la discussion autour de ce projet à ses débuts hypothèque lourdement l’avenir de la proposition, finalement reprise par l’administrateur départemental dans les mois et les années suivantes sous une forme réduite (cours seulement théorique) et élargie à d’autres médecins professeurs76. Rien n’aboutit en fin de compte, malgré le soutien financier affirmé du conseil général. La tentative ratée de création d’un cours audois n’a pas suivi les étapes nécessaires d’enracinement et de consolidation d’un enseignement, l’initiative individuelle ayant affaibli le processus en amont.
63Nombreuses au tout début du siècle alors que les cours départementaux sont encore en pleine phase d’organisation et de consolidation, ces structures d’enseignement privé tendent à s’effacer progressivement des sources passées les années 1820. Les exemples des sages-femmes parisiennes qui revendiquent d’enseigner l’art des accouchements ne rencontrent guère d’écho en dehors de la capitale. En déduire de manière univoque la disparition des cours privés d’obstétrique au-delà des années 1860 est sans doute excessif. Il est probable en revanche que ces formes d’enseignement aient intégré la prééminence réglementaire des écoles d’accouchement et qu’elles se soient pour cette raison contentées du modeste rôle d’appoint pédagogique à l’instruction officielle.
Les cadres officiels de la formation publique
64Du cours privé au cours semi-public puis au cours pleinement autorisé, la gradation qualitative est a priori évidente : le troisième est censé correspondre autant que possible aux préconisations du règlement de l’Hospice de la Maternité de Paris. Dans les faits, les nuances sont beaucoup moins nettes et il n’existe pas de cadre unique de la formation obstétricale publique au xixe siècle. Le contraste est d’ailleurs surprenant entre la volonté ministérielle d’homogénéisation de l’instruction des sages-femmes par l’alignement sur le modèle parisien et les réalisations pédagogiques concrètes dans les départements.
65L’observation des structures adoptées par les différentes institutions d’enseignement obstétrical au long du siècle révèle deux tendances de fond : la constante bonne volonté des autorités départementales vis-à-vis de la formation des sages-femmes et la tout aussi constante adaptation de ces mêmes autorités aux moyens du bord. Organiser l’instruction des accoucheuses suppose de trouver et d’entretenir un local et un personnel. Or cela suppose aussi d’accueillir élèves sages-femmes et femmes enceintes, plaçant l’entreprise pédagogique dans le champ du médical et compliquant de ce fait singulièrement la tâche des administrateurs. Le cours d’accouchement est, par la volonté du législateur, en relation organique avec les autres institutions de soin et d’assistance de la ville où il fonctionne. Savoir si cette relation implique ou non l’intégration de la formation obstétricale aux structures préexistantes et quelles conséquences doivent être tirées de l’une ou l’autre configuration résume au fond des décennies de débats dans les conseils généraux et d’ajustements permanents des administrations de tutelle.
66On peut distinguer deux formes principales d’organisation des cours d’accouchement : sans internat dispensé en hospice avec une formation clinique réduite ; avec internat attaché à un hospice ou correspondant à une école d’accouchement installée dans un établissement particulier. Les possibilités de réception des femmes en couches en parallèle de cet enseignement, de la simple infirmerie au service pérenne de maternité, ajoutent encore à la complexité et à la variété des situations locales. La difficulté lorsqu’on étudie ces grands ensembles d’institutions réside dans la souplesse avec laquelle les départements passent d’une forme à l’autre, et dans la variété des dénominations qui désignent parfois sous le terme « école d’accouchement » un enseignement sis dans un hospice, ou sous celui de « cours d’accouchement », une instruction parfaitement indépendante de toute structure hospitalière.
Hospices et cours d’accouchement
67La loi de ventôse an xi prévoit l’établissement des cours d’accouchement dans les hospices les plus fréquentés par les femmes en couches. Cela suppose concrètement qu’il existe au moins un service de maternité par département, et que l’établissement où il est installé, ait la place d’accueillir l’enseignement obstétrical dans ses locaux. L’enquête de l’an xiv a fourni au ministre de l’Intérieur une première carte des institutions de ce type77. Néanmoins, la présence d’un établissement recevant des accouchées ne suffit pas à toujours permettre l’implantation conjointe d’une structure de formation. À Metz à partir de 1843, la maison d’accouchement de la Société de Charité maternelle n’est pas accessible aux élèves sages-femmes pour préserver la sensibilité des parturientes78. À Laon, lorsque le préfet soumet en 1832 au maire et à la commission administrative des hospices son projet de créer un cours pour les sages-femmes, il se heurte à l’impossibilité pratique de le mener à bien :
Il existe à l’hôtel-Dieu une salle spécialement affectée aux femmes en couches, elle peut contenir 3 lits au plus. […] Il serait de toute impossibilité de fournir un emplacement pour le logement de 30 élèves sages-femmes à l’hôtel-Dieu. […] Quant à un emplacement pour la tenue du cours, il ne s’en trouve à l’hôtel-Dieu qu’un seul qui pourrait convenir à cette destination […] nous nous empresserions d’offrir ce local pour le cours d’accouchement, si nous ne savions qu’il est notre unique ressource comme salle de secours.79
68Entre fausse bonne volonté et franche hostilité, les administrateurs laonnois justifient leur refus par le manque d’espace. Ils soulignent aussi le risque de « confusion » dans le fonctionnement de l’hôtel-Dieu si son personnel devait faire face à la présence quotidienne d’une multitude d’élèves sages-femmes. Cette crainte d’un service entravé, d’une désorganisation matérielle susceptible de déboucher sur un désordre moral est présente dans nombre d’établissements. L’essai adressé par le docteur Pacoud au préfet de l’Ain en avril 1820 sur les premiers succès de l’école de Bourg-en-Bresse évoque des difficultés similaires lorsqu’il s’est agi de fonder le cours dans l’hôpital de Bourg :
D’après les dispositions de l’arrêté […] en date du cinq octobre 1819, relatif à l’établissement d’un cours annuel et gratuit d’accouchement, les élèves de l’école devoient être nourries, chauffées, éclairées et logées à l’hôpital de Bourg, aux frais du département, mais la crainte que deux établissemens dont le but n’est pas précisément le même, ne se nuisissent mutuellement, la difficulté du logement, l’impossibilité d’empêcher un contact dangereux des personnes du dehors, des employés de la maison et même des malades avec les élèves accoucheuses ; la facilité avec laquelle ces dernières auroient pu se soustraire à une surveillance active […] toutes ces considérations engagèrent Monsieur le Préfet à prendre une autre détermination.80
69Ces obstacles ne sont toutefois pas généraux. Nombre d’administrations départementales travaillent en bonne intelligence avec les commissions des hospices pour remplir les exigences législatives. Le cours d’accouchement de Laon trouve finalement place, après quelques mois de négociations, dans l’hôtel-Dieu, à l’instar des cours de Chartres, Reims, Bagnères-de-Bigorre, Angers ou Pamiers, entre autres.
70La collaboration entre le département et l’émanation hospitalière des municipalités se révèle souvent fructueuse et les deux autorités expérimentent des formules originales pour répondre aux nécessités de l’enseignement dans le cadre des possibilités immobilières des hospices. L’esprit de la loi de 1803 se dissout parfois dans les petits arrangements entre préfet et administrateurs municipaux et le lien entre admissions de femmes enceintes et fonctionnement des cours d’accouchement se distend par impossibilité de les associer concrètement. À l’automne 1813 à Rodez, le préfet est informé par le professeur que l’enseignement ne peut avoir lieu, comme à l’habitude, dans les deux salles de l’hôtel-Dieu réservées à cet usage (une pour les femmes en couches et une pour les leçons théoriques). En contrepartie, la commission des hospices propose sa translation dans une de ses maisons, rue Sainte-Marthe, qui doit être spécialement affectée au cours, à la grande satisfaction du professeur, le docteur Amiel81.
71Dans un contexte plus favorable, beaucoup de municipalités affectent au sein de leur patrimoine hospitalier un bâtiment complet à la formation des accoucheuses. En fonction des villes, ce bâtiment est entretenu sur les fonds municipaux (hospice de la Maternité de Marseille ou hospice de la Charité de Lyon82). Ailleurs, il peut être soumis à un loyer versé annuellement par le département : c’est le cas en Saône-et-Loire où le cours est installé en 1820 dans l’Hospice de la Providence de Mâcon. En plus du loyer, le département participe même pendant plusieurs années consécutives aux frais d’appropriation du local83. Le département du Puy-de-Dôme recourt à la même méthode lors de la construction au début des années 1890 de la nouvelle maternité à laquelle est jointe une annexe destinée à recevoir l’école d’accouchement. Le loyer prévu se monte alors à 4 500 francs84.
72Aux côtés des hospices, un certain nombre d’établissements d’assistance, d’administration municipale ou départementale, pallient l’absence de structures spécialisées dans l’accueil des femmes en couches. Dépôts de mendicité ou maisons de correction admettent ainsi filles-mères et prostituées en leurs murs, sous la garde de laïques moins promptes à refuser leurs secours à ce type de population que les congréganistes. Sans que cela ne constitue une finalité initiale de ces institutions, elles sont bien souvent au début du xixe siècle l’un des lieux où se déroulent le plus d’accouchements dans une ville et sont de ce fait mieux placées que bien des hôpitaux pour fournir le volet clinique de l’enseignement obstétrical. C’est là que se déroulent les cours de Metz jusqu’en 1811 et de Montpellier avant 181985. Dans ce dernier cas, la fermeture du dépôt de mendicité n’entraîne d’ailleurs pas le déplacement du cours puisque les locaux sont immédiatement réaffectés à l’hôpital général pour y maintenir la maternité.
73L’un des effets quasi immédiats des cours d’accouchement est d’ailleurs l’augmentation notable de la fréquentation des services de maternités dans les hospices. Un conflit surgit d’ailleurs à ce sujet entre les hospices de Laon et le département. Avant la création d’une formation pour les sages-femmes au sein de l’hôtel-Dieu laonnois en 1832, cette institution réservait six lits aux femmes en couches (pour une moyenne de 12 accouchements annuels). L’arrêté de fondation du cours impose l’entretien de dix lits. Au-delà, la volonté d’accroître l’instruction pratique des futures accoucheuses a justifié pour le département plusieurs mesures destinées à augmenter le nombre d’admissions à l’hôtel-Dieu qui sont passées « en termes moyens à 51 par année86 » à partir de 1833. La commission administrative des hospices exige d’être intégralement défrayée pour toutes les réceptions de ce genre, à peine de demander la translation du cours d’accouchement dans d’autres locaux et la remise en état par le département des salles utilisées. Un compromis est finalement trouvé en 1843, aux termes duquel le conseil général vote annuellement une allocation correspondant à quatre dixièmes des frais de journées des femmes enceintes, reconnaissant que l’instruction des sages-femmes a contribué à augmenter les dépenses des hospices. La somme est calculée au prorata des lits obligatoirement entretenus par l’hôtel-Dieu et de ceux prévus par l’arrêté du 27 septembre 1832. La mise en place d’un enseignement obstétrical a bien initié une multiplication de l’accouchement hospitalier.
Le choix de l’autonomie institutionnelle : l’école d’accouchement et sa maternité
74Il arrive par ailleurs que les autorités départementales privilégient une politique d’autonomie vis-à-vis des hospices et gèrent directement les questions immobilières afférentes aux cours. Ce choix prend alors deux formes, celui de la location d’une maison particulière ou celui de l’achat. La location correspond parfois à une étape préalable à l’achat. C’est le cas en Corrèze où l’école occupe deux maisons louées entre 1834 et 1848 avant de s’installer dans une troisième, acquise par le département en 184887 ; et en Haute-Marne où le préfet présente sa décision ainsi : « […] je me suis arrêté à celui d’établir l’école dans un local particulier, que louerait le département, en attendant qu’il pût en devenir propriétaire88 ». Mais la location peut aussi constituer une pratique pérenne, comme à Bordeaux dès le début du siècle89.
75La décision d’acheter coïncide parfois avec des refondations de cours. L’adjonction à la structure pédagogique d’un espace concret renforce alors l’école renaissante et lui donne une visibilité accrue dans l’espace urbain. La recréation du cours d’accouchement de Rodez en 1859 provoque très rapidement la décision du conseil général de faire l’acquisition d’une maison.
76Il y a à cette autonomie de l’école de sages-femmes un corollaire d’importance : l’obligation d’assurer l’admission de femmes enceintes auprès du cours, puisque celui-ci n’est pas intégré au fonctionnement préalable d’un service de maternité. Les administrations départementales désignent alors ces excroissances pratiques des cours sous la dénomination « salle d’accouchement » ou « infirmerie », et affirment leur but essentiellement pédagogique. Cependant, ces salles annexes de maternité reçoivent rapidement de manière régulière des filles-mères ou des indigentes mariées qui imposent progressivement une modification du statut originel de ces structures. Le premier règlement du cours de Bourg-en-Bresse prévoit dans ses articles 14 et 16 l’accueil des femmes et filles enceintes, conditionnant leur réception à l’autorisation du professeur90. Près de quarante ans plus tard, le conseil général est saisi du problème croissant qu’occasionne la limitation de l’admission des parturientes à la durée du cours d’accouchement (quatre mois de novembre à février) :
[…] aussi, les filles et femmes enceintes indigentes du département étaient-elles obligées pendant huit mois de l’année, de recourir aux établissements charitables des départements circonvoisins. Cet état de choses était depuis longtemps l’objet de réclamations fondées de la part des administrateurs de ces établissements, dans lesquels les filles indigentes du département affluaient […].91
77Sur proposition du préfet, l’assemblée départementale décide alors d’ouvrir l’infirmerie des femmes en couches pendant les huit autres mois de l’année. Ce changement entraîne le vote d’une subvention particulière, la réorganisation du service et le recrutement pendant cette période de sages-femmes supplémentaires pour pallier les lacunes de personnel. Il s’agit, les conseillers généraux en ont clairement conscience, de fonder l’ébauche d’une maternité départementale.
78On note en Corrèze un processus similaire qui bouleverse même la dénomination de l’établissement, créé sous l’intitulé « école d’accouchement » et désigné à partir de la seconde moitié des années 1840 comme « hospice de la maternité92 ». La maternité départementale survit en 1895 à la fermeture de l’école, comme c’est le cas presque à la même période du service transféré à Tarbes, après la suppression de l’école de sages-femmes de Bagnères-de-Bigorre.
79La formation obstétricale change donc profondément la donne de l’accouchement hospitalier. Cette tendance est visible à l’échelle nationale et transcende la distinction entre cours en hospice et école d’accouchement. Elle rencontre, malgré des objectifs de départ différents, les politiques départementales d’assistance aux mères indigentes et de lutte contre les abandons d’enfants93. Le but pédagogique initial ouvre aux hôpitaux un nouveau champ de compétences ; nouveau par son ampleur qui n’a plus rien à voir avec les salles de gésine du xviiie siècle ; nouveau par la spécialisation accrue de son personnel, précocement professionnalisé et laïcisé. Sa brusque remise en cause en 1858 par la dénonciation des risques d’infection puerpérale dans le cadre hospitalier est le signe paradoxal de cet élargissement de la fréquentation des maternités par les femmes enceintes94. Le basculement tardif de l’accouchement à domicile vers l’accouchement hospitalier au milieu du xxe siècle ne doit pas cacher la progression de la maternité comme espace de refuge pour les mères pauvres et/ou illégitimes et après 1880 pour les grossesses pathologiques95. Paris est à cet égard un exemple précoce et extrême de cette évolution96. Le développement d’un réseau d’établissements de formation clinique des sages-femmes accélère donc dans de nombreux départements la concrétisation d’une politique d’assistance aux femmes en couches.
La durée des cours d’accouchement : entre impératif pédagogique et contrainte pratique
80Ces différentes implantations de l’enseignement obstétrical impliquent des formes spécifiques de transmission du savoir. Les écoles directement louées ou possédées par les départements sont systématiquement corrélées à la présence d’un internat. Le cadre hospitalier est moins propice à l’accueil permanent des élèves sages-femmes et certains cours d’accouchement maintiennent un système d’externat tout au long du siècle (Chartres, Nîmes).
81La durée de la formation exerce aussi une forte influence sur la forme retenue. À Chartres, le cours dure trois mois au total sur l’année, réparti en deux cours de six semaines ; l’internat ne se justifie donc aucunement97. Il en est de même à Dijon où il faut attendre 1834 pour que le cours passe de deux sessions annuelles d’un mois à un bloc continu de cinq mois98, et 1845 pour que l’allongement à un semestre de la durée des leçons impose l’instauration d’un régime d’internat99.
82Le caractère extrêmement divers des durées de cours est à rapporter aux difficultés d’interprétation que pose l’article 31 de la loi de ventôse : deux cours consécutifs et neuf mois d’observation de la pratique ou six mois de pratique personnelle, autant de temps de formation qui se mélangent dans les arrêtés préfectoraux de création et d’organisation des cours. Le modèle parisien met un semblant d’ordre dans ces hésitations en proposant tout d’abord une formule semestrielle de cours, rapidement étendue en 1807 à une année obligatoire (soit deux cours consécutifs de six mois)100. Le format des six mois répétés est adopté par nombre de règlements : Ariège, Calvados en 1809, Doubs en 1812, Charente en 1813, Bouches-du-Rhône en 1818, Aisne en 1832, etc.101. Certains départements restent néanmoins durablement en dessous de cette durée : l’Eure-et-Loir déjà évoqué, l’Ain qui maintient jusqu’au bout du siècle un cours annuel de quatre mois102, ou encore le Gard qui prescrit en 1827 deux cours de trois mois et allonge en 1883 l’instruction à deux cours de trois mois et demi103. D’autres enfin la dépassent allègrement : six mois de cours pendant trois années consécutives dans l’Aveyron avant 1847104, ou en Corrèze avec deux cours de neuf mois en 1834, et trois cours de dix mois en 1887105.
Un enseignement médical en marge de l’enseignement de la médecine
83La variété des durées de cours est aussi révélatrice du fonctionnement très indépendant de ces établissements, y compris vis-à-vis des institutions qui pourraient en théorie leur servir de modèle : les écoles et les facultés de médecine. En théorie, le seul lien explicité par les textes législatifs intervient au niveau des examens de réception, à l’exception de la faculté de Paris où un cours est annuellement professé à destination des sages-femmes. Cette situation aurait dû être partagée par les facultés de Montpellier et Strasbourg mais dans les deux cas le choix est fait de séparer nettement la formation des accoucheuses du reste de l’enseignement : le 20 mars 1807, le décret dit d’Ostende supprime la chaire d’accouchements de l’école de médecine de Montpellier et transfère l’instruction à l’hôpital Saint-Éloi106. La chaire est cependant recréée en 1824 mais la formation des sages-femmes continue à fonctionner dans un établissement à part107. La réunion en 1859 de la formation des étudiants et des sages-femmes entre les mains du professeur de clinique obstétricale de la faculté n’entraîne pas la fusion des institutions108. À Strasbourg, l’ancienneté de l’école d’accouchement justifie son maintien comme une entité départementale indépendante, même si le professeur est commun avec la faculté de médecine109. La situation des écoles secondaires de médecine est moins nette, et le lien avec les cours d’accouchement passe rarement par une intégration de cette formation à l’école elle-même, hormis dans des établissements comme Caen ou Rouen. Il arrive fréquemment, en revanche, qu’à l’instar du cas strasbourgeois, l’enseignant fasse les cours aux étudiants pendant une partie de la semaine ou de l’année et aux élèves sages-femmes le reste du temps (Angers, Bordeaux). L’autonomie jusqu’en 1849 de l’établissement bordelais explique le caractère tardif de son évolution vers une mise en commun du professeur avec un autre établissement. En 1854, il est finalement rattaché à l’hospice de la maternité de Bordeaux, retrouvant d’une certaine manière son unité originelle, alors que l’enseignant cumule la charge de chirurgien et de professeur à l’école préparatoire de médecine110. Dans les villes sièges d’écoles de médecine, des liens avec l’école d’accouchement finissent toujours par s’établir au cours de la seconde moitié du xixe siècle. Les cours d’accouchement y perdent cependant rarement leur autonomie et la mise en commun du personnel enseignant permet d’éviter dans la mesure du possible les phénomènes de rivalité entre professeur de l’école de médecine et professeur du cours d’accouchement.
Contributeurs et allocations budgétaires
84Les postes budgétaires consacrés à l’enseignement obstétrical semblent, au vu du développement des dépenses annexes, s’alourdir au fil du siècle. La situation n’est cependant pas homogène. À la variété des politiques départementales de formation des sages-femmes répond une variété tout aussi grande des sommes votées par les conseils généraux. Pour remonter aux sources, il est utile de rappeler le mode de fonctionnement préconisé par la loi de 1803 : « Le traitement du professeur et les frais du cours seront pris sur la rétribution payée pour la réception des officiers de santé » (article 30). La situation semble donc parfaitement simple au premier abord : le financement des cours d’accouchement est assuré par les droits d’examen d’autres membres du corps médical. En théorie, la destination de ces sommes est immuable. Il est donc d’autant plus nécessaire d’éclairer les obstacles qui rendent très vite illusoire un tel financement.
85L’arrêté du 20 prairial an xi impose aux officiers de santé pour leur réception le versement d’une somme de 60 francs pour leur premier examen et 70 francs pour les deux suivants (article 41), mais sur ces sommes sont prélevés tous les frais de déplacements des jurys et de déroulement de la session. À supposer donc que le nombre de candidats soit suffisant pour justifier la tenue d’une session d’examens, encore faut-il que le paiement des différents frais laisse un reliquat à reverser dans les caisses départementales. Dès l’an xii, les préfets contestent cette méthode et demandent qu’on lui substitue un apport de fonds plus réguliers. Et le préfet de l’Allier de détailler l’exemple de son propre département :
Cette année, la portion prise sur la rétribution payée pour la réception des officiers de santé, et réservée aux frais du cours d’accouchement à ouvrir dans l’hospice le plus fréquenté du département, et au traitement du professeur, ne s’élève qu’à 2 175 francs, il est à présumer qu’elle sera inférieure à la session de l’an xiii et années suivantes. Il conviendroit donc que l’administration générale affectât spécialement pour cette dépense, infiniment utile, une somme fixe par chaque année.111
86Dès l’enquête de l’an xiv, l’espoir de s’appuyer sur ces fonds a quasiment disparu des réponses des préfets. À cela, deux raisons : d’une part, ces revenus sont aléatoires et très faibles dans les départements ruraux sans tradition d’enseignement médical ; d’autre part, l’habitude antérieure à l’an xi de voter des subsides pour le fonctionnement des cours d’accouchement sur les fonds départementaux est bien ancrée. Parmi les départements qui semblent encore compter sur cette ressource, se trouve l’Aveyron mais il est l’un des seuls112. Un usage restreint de ces droits de réception est néanmoins parfois envisagé dans les réponses à l’enquête, en complément d’autres ressources : ainsi dans l’Aude, le préfet propose de les consacrer à l’achat du matériel pédagogique du cours113, tandis que d’autres départements prévoient d’associer ces sommes à des subventions votées par les conseils généraux (Charente-Inférieure, Meuse)114.
87Les autorités départementales ne sont toutefois pas à court d’idées lorsqu’il s’agit d’appuyer leurs projets de cours. Les modes de financement proposés sont relativement variés, du classique financement par allocation du conseil général (Aude, Cher, Charente)115 au recours à la générosité des hospices ou des municipalités, entendus comme deux contributeurs différents, à égalité avec le département (Loire, Sarthe)116, ou en reportant sur eux l’intégralité des frais (Haute-Garonne)117, ou encore à l’appui sur les circonscriptions bénéficiaires de l’enseignement obstétrical comme les arrondissements et les communes (Nord)118. On rencontre aussi des formules originales comme les prêts municipaux du Finistère, solution temporaire mais potentiellement efficace que le préfet compte rembourser grâce aux futurs fonds accordés par le gouvernement119.
88Il arrive cependant que l’appréciation des ressources locales aboutisse à un constat d’incapacité, propre aux finances du département ou des hospices : « Il est démontré […] que les hospices ne peuvent subvenir à cette dépense extraordinaire » (Alpes-Maritimes)120. Ce constat peut correspondre à un certain désintérêt ou un certain fatalisme devant l’impossibilité d’organiser une formation à destination des accoucheuses, à moins qu’il ne débouche plus simplement sur un appel à la « munificence du gouvernement » (Nièvre)121.
89L’enquête de l’an xiv demeure toutefois un document ambigu : s’y mêlent à égalité des renseignements sur des pratiques locales déjà enracinées et des projets de ressources plus ou moins réalisables. L’appréciation des frais occasionnés par les cours d’accouchement dépend aussi en grande partie de l’expérience locale de la formation obstétricale122. Là où un enseignement a déjà lieu, les dépenses, hors traitement du professeur, promettent d’être extrêmement limitées. Dans le Rhône, le préfet considère que « les choses peuvent rester dans l’état où elles sont », à moins d’envisager un changement de lieu et d’échelle du cours123. En Charente-Inférieure et dans les Pyrénées-Orientales, les frais nécessaires ont déjà été faits124. Dans l’Ain et l’Eure-et-Loir enfin, le coût ne dépasse pas celui du chauffage et de la lumière125. Ailleurs, les préfets ne manquent pas d’ambitions et associent à la mise en place (ou à l’amélioration) du cours d’accouchement celle d’une salle d’accouchement. Les sommes en jeu sont alors bien plus importantes :
(Charente) Si la maison des ci-devant cordeliers était cédée à l’hospice, ces cours pourraient être mis en activité au moyen d’une somme de 8 000 francs.126
(Finistère) Les frais de premier établissement consistant en l’achat de 25 ou 30 lits ; car on peut faire coucher les élèves deux à deux et il resterait encore des lits pour celles qui seraient à l’infirmerie. Les dépenses nécessaires pour la confection de plusieurs portes, etc., l’ouverture d’une cheminée, l’acquisition de livres élémentaires, du mannequin, de quelques ustensiles, lits, meubles, tels que chaises, tables, chandeliers, vaisselle en terre cuite, cuillère et fourchettes en fer et autres menus objets. Les appointements d’une dame supérieure, d’une dame assistante et d’une portière, leur nourriture et celle des élèves.127
90De ces deux départements, seule la Charente a l’expérience d’un cours fixe : ses demandes n’ont donc pour objet que de le mettre en conformité avec les prescriptions de la loi de ventôse. Le Finistère n’a connu aucun cours depuis l’Ancien Régime et encore était-il itinérant. Ses propositions exigeantes et perfectionnistes ont le défaut des débutants, persuadés qu’il n’est point de salut en dehors d’une reprise minutieuse du modèle proposé par le ministre.
91L’organisation des cours d’accouchement aux lendemains de l’enquête de l’an xiv ne reprend que très partiellement certains projets ingénieux avancés par les préfets (recours aux taxes d’octroi, etc.). Aborder la question du financement et des parts respectives des contributeurs signifie définir les différents postes. Ceux-ci se répartissent en plusieurs catégories : traitements du personnel (enseignant et non enseignant) ; secours aux élèves sages-femmes ; frais matériels du cours et entretien des femmes admises pour faire leurs couches dans le cadre de l’instruction.
92Parmi ces différents éléments, deux sont officiellement à la charge de l’administration départementale : le mobilier du cours et le salaire du professeur d’accouchement128. Le mobilier des cours appartient, au regard de la loi, aux départements qui les instituent. Cependant, hors cette pétition de principe, aucun texte ne définit réellement son statut. L’obligation de traitement des professeurs d’accouchement se place dans la continuité des chaires d’accouchements dans les écoles centrales. Le paiement était déjà à la charge des départements avant le Consulat. Cette obligation perdure au cours du siècle mais de manière moins systématique que son caractère légal pourrait le faire supposer. Dès 1807, le règlement revu de l’Hospice de la Maternité de Paris modifie provisoirement cette obligation. L’article 1er, développé par la circulaire ministérielle attachée, alloue aux préfets des ressources spécifiques pour l’instruction des sages-femmes et leur impose d’user de toutes les sommes originellement destinées aux frais des cours locaux, et particulièrement au salaire d’un professeur, pour le paiement de pensions d’élèves sages-femmes à Port-Royal. L’assouplissement des exigences du ministère de l’Intérieur et les autorisations de plus en plus nombreuses accordées aux préfets pour instruire leurs accoucheuses sur place reviennent sur cette prescription de 1807 et permettent de nouveau aux conseils généraux d’imputer leurs fonds aux postes qu’ils souhaitent.
93Le récapitulatif des sommes votées par les départements pour l’enseignement obstétrical en 1809 montre bien le basculement en cours. Si 57 départements allouent des subventions pour les envois d’élèves à Paris, 32 consacrent une somme à la mise en place de cours locaux, 7 d’entre eux cumulant les deux objets129. Par la suite, le contexte institutionnel joue un rôle non négligeable dans le paiement du professeur par le département : dans les villes sièges d’écoles de médecine, le titulaire de la chaire d’accouchements pour les élèves officiers de santé est souvent le professeur du cours départemental. Cette double charge ne donne pas toujours lieu à une double rémunération et l’enseignant ne reçoit alors que son traitement de l’école de médecine sans supplément du département (Loire-Inférieure jusqu’en 1863, Calvados, Seine-Inférieure). À l’inverse, dans le Nord, le département paie à partir des années 1840 et au moins jusqu’aux années 1880 le salaire du professeur d’accouchement attaché à l’école secondaire puis à la faculté de médecine de Lille130.
94Aux différents types de postes correspondent différents contributeurs dans la mesure où le financement se répartit fréquemment entre plusieurs payeurs institutionnels. Seule exception partielle : l’école savoyarde qui fonctionne sur les revenus d’une fondation privée (Pillet-Will) mais dont le professeur est payé sur des fonds départementaux. L’implication des départements est a priori la plus repérable et la plus évidente puisque c’est celle que la législation met en avant. Néanmoins, les formes variées d’organisation des cours correspondent à des combinaisons aussi variées de formes de financement.
95Les écoles strictement départementales, installées dans des bâtiments spécifiques, sont intégralement subventionnées par les conseils généraux, qui déboursent alors des sommes importantes au regard de leurs ressources. L’Ain vote ainsi 6 000 francs en 1848, 6 300 en 1854 et 7 050 en 1856, qui se ventilent de la manière suivante : traitements, nourriture et entretien des résidents dans l’école (élèves, religieuses, enseignantes, femmes enceintes) et « dépenses diverses131 ». La Charente-Inférieure fait de même en allouant en moyenne 5 000 francs pour son école d’accouchement dans les années 1840-1850, avant de doubler cette somme dans les années 1860-1870132. Le détail du budget accordé à l’école d’accouchement fait apparaître des postes similaires à ceux de Bourg-en-Bresse mais précise ce que le préfet de l’Ain désignait sous la formule « dépenses diverses ». Entre donc dans cette catégorie tout ce qui constitue le budget spécial de l’établissement : l’achat de livres pour les études des élèves, pour les remises de prix et pour la bibliothèque, de pièces anatomiques, d’instruments et l’entretien des instruments mais aussi les frais d’imprimés et de bureau ainsi que l’entretien du mobilier et des ustensiles de ménage. Le total en est variable selon les années de 194 à 566 francs dans les années 1850. S’ajoute enfin un poste essentiel en fonction de la période de l’année à laquelle se déroule le cours : le chauffage et l’éclairage.
96L’ensemble de ces dépenses pèse sur le budget du département (environ 4 % des recettes de la 2e section du budget de l’Ain en 1848). Le choix d’y pourvoir complètement s’inscrit toutefois dans une revendication particulière du rôle de cet échelon territorial dans la formation des sages-femmes. Le département peut dès lors pleinement s’approprier les succès de l’école d’accouchement. Le choix de la subvention intégrale concerne fréquemment des départements sans pôle urbain important et sans tradition hospitalière prestigieuse. Leurs conseillers généraux voient dans l’institution de formation obstétricale une forme de compensation à une certaine marginalité économique et sociale, tout comme ils ont logiquement conscience d’être la seule institution susceptible de porter matériellement ce type de projet.
97À l’inverse, l’inscription de l’instruction à destination des sages-femmes dans un cadre urbain très structuré, tendant à polariser fortement l’espace départemental, limite l’implication financière du conseil général. Là où les commissions administratives des hospices s’appuient sur des patrimoines considérables et sur une solide histoire de leurs établissements, le département peut se contenter de remplir ses seules obligations légales (voire ne pas les remplir !), en laissant à la charge de l’institution d’accueil des cours d’accouchement les frais de fonctionnement. Toulouse, Marseille, Lille ou Lyon comptent ainsi des hospices nombreux et pourvus d’abondantes ressources comme l’hospice Saint-Jacques et l’hospice de la Grave à Toulouse, ou l’hospice de la Charité de Lyon : leur administration forme quasiment un État dans l’État à l’intérieur des instances municipales133. La conséquence immédiate de ce poids particulier de la commission des hospices est la modicité de la contribution départementale. Dans le Rhône, en Haute-Garonne ou dans les Bouches-du-Rhône, le conseil général restreint au vote de quelques bourses en faveur des élèves sages-femmes sa participation au fonctionnement de l’école d’accouchement, soit quelques centaines ou à peine plus d’un millier de francs.
98Le contraste avec les allocations de plusieurs milliers de francs qu’on rencontre dans certains départements est particulièrement accusé. Plutôt généreux dans les années 1830, le conseil général des Bouches-du-Rhône réduit en 1843 sa subvention aux boursières de l’école de Marseille de moitié, passant de 3 000 à 1 500 francs. En 1848, la somme est tombée à 900 francs, équivalant à deux bourses entières dans l’établissement. Il faut attendre 1873 pour qu’à la suite d’une demande de revalorisation du prix de la pension par la commission des hospices, le conseil général augmente l’allocation de 300 francs, passant de 900 à 1 200 francs134. Pire encore, dans la Haute-Garonne, aucune bourse n’est votée pour une élève du cours toulousain avant 1858135. Le chiffre de l’allocation se monte finalement à 1 600 francs annuels, ce qui ne constitue pas un effort démesuré de la part du département et le place à la même date et pour la même dépense derrière ses voisins du Gers (2 000 francs), du Tarn (1 800 francs), et des Hautes-Pyrénées (1 800 francs). Ces écarts de générosité soulignent a contrario la richesse de la région de Toulouse par rapport aux départements alentour. Si le conseil général limite à quatre bourses son encouragement à l’encadrement obstétrical de son territoire, c’est que les aspirantes capables de payer leur scolarité sont en règle générale suffisamment nombreuses pour faire tourner l’école d’une part et pourvoir les communes en accoucheuses compétentes d’autre part.
99Les choix financiers des départements présentent des nuances. Pour les saisir dans une approche plus générale, je présenterai leur distribution en ayant recours à deux coupes chronologiques au cours du siècle. Le récapitulatif ministériel de 1809 fournit une première coupe, à une date précoce où l’enseignement local n’a pas encore atteint son plein développement136. Cette source intègre toutefois un nombre non négligeable de sommes votées mais jamais dépensées, faute d’autorisation d’ouverture d’un cours, ce qui constitue un biais susceptible d’accroître artificiellement la place des cours locaux. Cette coupe du début du siècle est complétée du montant des allocations votées par les conseils généraux pour le même objet en 1860. Les résultats tirés de cette comparaison correspondent donc à une base géographique identique, les données concernant les départements du Grand Empire pour 1809 ayant été écartées des calculs :
Départements | 1809137 | 1860 |
Non renseignés | 20 | 9138 |
Aucun vote de crédit | 0 | 10 |
Bourses d’élèves envoyées hors du département | 42 | 29 |
Cours local | 18 | 41 |
Envoi de boursières et cours local | 8 | 0 |
Total | 88 | 89 |
100Le tableau récapitulatif des financements en 1809 et 1860 pose une difficulté qui tient à la présence de départements pour lesquels on ne dispose d’aucune information. Si dans le cas de l’année 1860, la part des « non renseignés » s’élève à 10 % de l’effectif total des départements, en 1809, l’absence de renseignements concerne 20 départements sur 88. Le récapitulatif ministériel omet tout bonnement de les mentionner, or, l’ampleur des lacunes rend peu probable un oubli des services ministériels. Ces absences d’informations peuvent en revanche refléter la négligence des administrations départementales qui n’ont pas fourni en temps voulu les éléments nécessaires ou une absence de délibération du conseil général sur cet objet. Les données de l’année 1860 sont d’une nature différente puisqu’il s’agit de données reconstituées où les départements « non renseignés » signalent en fait des manques dans la documentation de base. Il est toutefois possible d’associer ces départements à un profil particulier de politique de formation : cours locaux pour la Seine bien sûr mais aussi la Meurthe, la Somme et la Meuse ; envois à l’extérieur pour les Ardennes, le Cher, la Drôme, l’Oise et la Seine-et-Oise. La modification du paysage de l’enseignement obstétrical apparaît clairement entre les deux dates. La pratique de la double politique d’envois extérieurs et de cours locaux disparaît et les cours départementaux sont désormais largement majoritaires. Intéressons-nous aux sommes votées par les départements à ces deux dates :
101Dans un siècle où la valeur du franc germinal n’évolue quasiment pas, la comparaison des sommes votées souligne d’une part la permanence de l’importance accordée à la formation des sages-femmes et la progression globale des montants consacrés à cet objet. Les allocations pour l’envoi d’élèves sages-femmes dans une école extérieure ou pour les cours d’accouchement locaux représentent souvent le poste le plus important du chapitre « Encouragements et secours », dans la deuxième section des dépenses variables du budget départemental où elles sont associées à d’autres dépenses de même type (bourses d’élèves à l’école des arts et métiers d’Aix ou d’Angers ; d’élèves vétérinaires à Alfort, Lyon ou Loudun, etc.). Cette partie du budget départemental est financée par les centimes additionnels aux contributions directes votés par les conseils généraux pour leurs dépenses facultatives. Indispensables dès le début du siècle au bon fonctionnement de l’administration centrale, des départements et des communes, ces impositions complémentaires connaissent une diversification et une augmentation constantes pour subvenir aux besoins croissants des administrations140. La courbe des dépenses pour la formation des sages-femmes suit donc une courbe générale d’accroissement des dépenses facultatives dans les départements et d’accroissement de la pression fiscale141.
102Une première constante se dégage cependant : les sommes destinées à l’envoi extérieur de boursières sont en moyenne plus basses que celles votées pour l’entretien de cours départementaux. La différence entre les deux types de moyenne est relativement faible en 1809, la différence entre les médianes correspondantes atteint plus de 300 francs. Elle est encore plus significative en 1860 puisqu’elle se monte à près de 2 400 francs dans le premier cas et 1 675 francs dans l’autre. Ces chiffres donnent au premier abord raison à l’argumentaire ministériel, développé dès les lendemains de l’an xi sur l’économie évidente qu’il y a à faire instruire les sages-femmes dans un établissement extra-départemental. Les fonds consacrés par les départements à l’entretien de leurs cours sur place sont en effet largement supérieurs à ceux votés pour un envoi extérieur. La ligne de défense précoce des préfets vient toutefois nuancer cette constatation, dans la mesure où le nombre d’accoucheuses formées par l’une ou l’autre de ces politiques est radicalement différent, régulier mais faible pour les boursières extérieures, beaucoup plus important dans le cadre des cours locaux. Le calcul de la dépense par élève vient alors à la rescousse du choix de l’instruction sur place : la bourse toulousaine coûte 400 francs tandis que celle de l’Hospice de la Maternité de Paris en coûte 750 dans les années 1860.
103Seconde constante : le chiffre médian des sommes votées par les différents départements. Indépendamment de la politique suivie entre le début et la seconde moitié du siècle, celui-ci s’établit à 1 800 francs. Cette régularité de la médiane éclaire a contrario l’explosion d’un petit nombre de budgets dont les hauts niveaux expliquent l’augmentation de la moyenne des allocations pour les cours départementaux en 1860. Dans les années 1860, aucun département ne dépense ainsi plus de 3 600 francs pour envoyer ses futures sages-femmes se former dans une école voisine, le plus généreux étant la Moselle dont la politique d’envois spécialisés en fonction de la langue augmente le nombre de boursières. Au contraire, 16 départements sur les 41 à entretenir une formation locale dépensent plus de 3 850 francs pour cet objet. Parmi les plus généreux, qui dépassent les 6 000 francs d’allocation annuelle, on rencontre les collectivités suivantes : Aveyron, Côte-d’Or, Corrèze, Vienne, Haute-Marne, Isère, Saône-et-Loire, Ain, Haut-Rhin, Puy-de-Dôme et Charente-Inférieure. En 1809, aucune subvention n’atteint un tel niveau et les plus prodigues sont ceux qui votent de 3 000 à 5 000 francs par an, soit le Cher, la Côte-d’Or, l’Isère, la Saône-et-Loire et la Gironde. Il n’est pas impossible que les possibilités financières des départements se soient ressenties de la guerre contre la cinquième coalition qui prend fin après la bataille de Wagram en juillet de cette année-là.
104La liste des départements qui votent les plus grosses sommes correspond logiquement à celle des départements qui s’impliquent le plus dans le fonctionnement et la gestion de leur école d’accouchement. Leur profil est partiellement redondant : départements ruraux et parfois enclavés (Massif central et ses abords), départements pauvres aussi, dans l’ombre de grandes villes voisines (Bordeaux, Lyon). L’accumulation des notations confirme donc l’idée d’un attachement spécifique des petits départements (Ain, Corrèze, Charente-Inférieure) à leur institution de formation obstétricale, établissement d’enseignement médical dont la réussite fait la gloire d’espaces oubliés de la carte des écoles de médecine. Les sommes dépensées pour la pérennité de ces cours départementaux d’accouchement révèlent ainsi une volonté affirmée de hisser l’instruction délivrée dans ce cadre à la hauteur, voire au-dessus de celle dispensée dans les grandes villes auprès des grands hospices.
105La formation des sages-femmes apparaît donc nettement dans toute une série de départements comme un enjeu de poids. L’importance des subventions, leur durée et leur régulière augmentation sont autant de signes d’une appropriation très forte des cours par leur environnement institutionnel et géographique. Le sort de ces petites écoles, qui s’organisent et se maintiennent malgré la pression parisienne, gouvernementale et scientifique, malgré aussi la multiplication d’établissements fortement liés au réseau de l’enseignement médical et à la frange supérieure du réseau hospitalier, apporte une preuve supplémentaire de la spécificité de l’échelle départementale au xixe siècle. Dans l’histoire complexe et foisonnante de la fondation des cours d’accouchement pendant cette période, la transversalité des événements politiques nationaux compte sans doute moins que la trajectoire individuelle des départements. Certes, en 1815, parfois 1830 et souvent 1870, les conseils généraux ne siègent pas, ou extraordinairement, peu soucieux alors de l’instruction des accoucheuses. Seule la Révolution de 1848 ne fait pas de « trou » dans la chronologie des sessions. Ces interruptions dans le cours des histoires départementales ne sont pourtant que temporaires. L’intérêt renaît, les votes reprennent dès que la structure porteuse retrouve son rythme ordinaire. Sécuriser la naissance est un choix partagé, de régime en régime. La forme donnée à l’instruction des auxiliaires de la naissance, de la centralisation exclusive à la dispersion locale, des bienfaits modestes d’un savoir seulement théorique à l’indispensable clinique, éveille bien sûr des débats. Passées les années 1810 toutefois, la question perd son caractère national pour se discuter au cas par cas, entre les murs des assemblées départementales. L’attention se concentre alors, au-delà des questions de fonds, sur le personnel que forment ces politiques d’instruction des sages-femmes.
Notes de bas de page
1 Voir pour une première tentative de cartographie des créations de cours d’accouchement au xixe siècle, Beauvalet-Boutouyrie S., Naître à l’hôpital…, op. cit., p. 207.
2 AD Pyrénées-Orientales, 5 M 29.
3 AN, F17/2460, Gard.
4 J. Gélis évalue la « postérité » d’Angélique du Coudray à quelques deux cents démonstrateurs dans toute la France, soit au moins autant de cours et sans doute bien plus dans le cas des cours itinérants, voir La Sage-femme ou le médecin…, op. cit., p. 123 et 126.
5 AD Hérault, 1 N 2.
6 Delmas P., Sept siècles d’obstétrique à la faculté de médecine de Montpellier, Montpellier, Coulet-Dubois et Poulain, 1927, p. 52.
7 Sage Pranchère N., Mettre au monde…, op. cit., p. 173-197.
8 Quartararo-Vinas A., Médecins et médecine dans les Hautes-Pyrénées au xixe siècle, Tarbes, Sources et travaux d’histoire haut-pyrénéenne, 1982, p. 41-42.
9 Voir Cartes 4 à 6. Ces cartes rassemblent les données présentées dans les pages suivantes sur la base d’une carte de France telle qu’elle se présente avant 1870 (sans le territoire de Belfort).
10 Alpes-Maritimes ; Ariège ; Corse ; Côte-d’Or ; Eure-et-Loir ; Haute-Garonne ; Gironde ; Hérault ; Isère ; Loire-Inférieure ; Maine-et-Loire ; Marne ; Haute-Marne ; Meurthe ; Hautes-Pyrénées ; Pyrénées-Orientales ; Bas-Rhin ; Haut-Rhin ; Rhône ; Saône-et-Loire ; Savoie ; Haute-Savoie ; Seine ; Vaucluse. Voir carte 4.
11 Pancino C., Il bambino e l’acqua sporca…, op. cit., p. 161-167 ; Filippini N. M., « Sous le voile… », art. cit.
12 AD Alpes-Maritimes, CE M 0257.
13 AN, F17/2456, Alpes-Maritimes.
14 Messiez M., « Frédéric-Michel Pillet-Will, mécène de la Savoie, 1787-1860 », étude publiée sur le site internet de la Société Savoisienne d’Histoire et d’Archéologie, décembre 2006, p. 14-15.
15 Ain, Aisne, Allier, Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Aube, Aveyron, Bouches-du-Rhône, Calvados, Charente, Charente-Inférieure, Cher, Corrèze, Doubs, Eure, Finistère, Gard, Gers, Ille-et-Vilaine, Indre, Indre-et-Loire, Landes, Loir-et-Cher, Loire, Loiret, Lot, Lot-et-Garonne, Mayenne, Meuse, Morbihan, Moselle, Nord, Oise, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Basses-Pyrénées, Sarthe, Seine-Inférieure, Deux-Sèvres, Somme, Tarn, Var, Vienne, Haute-Vienne, Vosges, Yonne. Voir carte 5.
16 Les périodes de concomitance sont les suivantes : 1809 à 1852 pour le Calvados ; 1827 à 1844 pour la Corrèze ; 1860 à 1882 pour le Nord ; 1807 à 1817 pour le Puy-de-Dôme ; 1830 à 1851 puis 1862 à 1868 pour la Seine-Inférieure ; 1807 à 1834 pour la Vienne.
17 Les onze départements concernés sont l’Ain, l’Aisne, les Bouches-du-Rhône, le Doubs, le Gard, l’Ille-et-Vilaine, l’Indre-et-Loire, la Loire, le Loiret, les Basses-Pyrénées et le Tarn. À l’exception des Bouches-du-Rhône et des Basses-Pyrénées, ils disposent tous d’un enseignement de l’art des accouchements pendant la période révolutionnaire.
18 Ardèche ; Ardennes ; Aude ; Cantal ; Côtes-du-Nord ; Creuse ; Dordogne ; Drôme ; Indre ; Jura ; Haute-Loire ; Lozère ; Manche ; Nièvre ; Orne ; Seine-et-Marne ; Seine-et-Oise ; Haute-Saône ; Tarn-et-Garonne ; Vendée ; Territoire de Belfort.
19 Voir carte 6.
20 AN, F17/2457, Ardennes.
21 Béchir F., Accoucheuses, matrones, sages-femmes à Bordeaux au xviiie siècle, maîtrise d’histoire, Bordeaux III, 1999 ; Penot C., L’école d’accouchement de Bordeaux au xixe siècle, maîtrise d’histoire, Bordeaux III, 2003. AN, F17/2461, Gironde.
22 Ibid.
23 AD Gironde, 1 N 2*.
24 Mayeur F., Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France …, op. cit., p. 467 et 735.
25 AD Aude, 5 MD 16.
26 AD Alpes-de-Haute-Provence, 5 M 6.
27 AD Corrèze, 1 X 162.
28 Jeans., L’école des sages-femmes de l’Ain au xixe siècle, maîtrise d’histoire, Lyon III, 1996.
29 AN, F17/2456, Ain.
30 RD CG Ain, 1848.
31 RD CG Jura, 1876.
32 RD CG Loire, 1906, p. 431 ; Dubesset M., Zancarini-Fournel M., Parcours de femmes, op. cit., p. 189-201.
33 AD Drôme, 5 M 20.
34 AD Tarn, 1 N 12*.
35 AD Vendée, 1 N 7 ; AD Sarthe ; RD CG Mayenne, avril 1876.
36 AD Drôme, 5 M 19.
37 AD Haute-Marne, 117 T 1.
38 RD CG Vosges, 1877, 1878 et 1879.
39 RD CG Haute-Savoie, 1862.
40 AD Haute-Marne, 118 T 1.
41 Ibid., 4 N 126.
42 La Haute-Marne n’est pas le seul département à ouvrir une enquête dans cette période, voir aussi le cas de la Corrèze en 1880 (AD Loire-Atlantique, 127 T 1) et celui de la Saône-et-Loire avec la circulaire du 15 juin 1889 (AD Saône-et-Loire, M 2085). Après 1893, on note de nouveau le recours à ces questionnaires diffusés nationalement : enquêtes du préfet du Gard en date du 31 mai 1898 et du préfet de la Somme le 18 juin suivant (AD Maine-et-Loire, 47 M 21).
43 AD Vaucluse, 5 M 17.
44 AD Puy-de-Dôme, 2 BIB 2527/37.
45 AD Gers, 5 M 6.
46 Ibid.
47 AD Puy-de-Dôme, 3 BIB 457/3.
48 AN, F17/2456, Ain.
49 AD Vendée, 1 N 5.
50 AD Saône-et-Loire, M 2085.
51 AD Aube, 5 M 27.
52 Barbot J., Les chroniques de la faculté de médecine de Toulouse du xiiie au xxe siècle, Toulouse, Librairie Charles Dirion, 1905, p. 50-51.
53 AD Eure-et-Loir, 3 X 43.
54 AN, F17/2463, Meurthe.
55 Ibid.
56 AD Landes, H Dép 1 G 17.
57 AD Indre, N 9*.
58 AD Lot-et-Garonne, Recueil des actes administratifs, département du Lot-et-Garonne, no 54.
59 À partir de l’exemple du médecin des prisons au xixe siècle, J. Léonard souligne ce phénomène d’accumulation des charges officielles, voir « Les médecins des prisons », dans Médecins, malades et société dans la France du xixe siècle, Paris, Sciences en situation, 1992, p. 100.
60 AD Gard, 5 M 23.
61 AN, F17/2458, Charente.
62 AN, F17/2460, Gard.
63 AD Gers, 5 M 6.
64 AD Pyrénées-Orientales, 5 M 29.
65 AD Gers, 5 M 6.
66 AD Landes, H Dép 1 G 17.
67 AD Gers, 5 M 6.
68 AD Ardèche, 5 M 30.
69 AN, F17/2457, Ariège.
70 AD Ardèche, 5 M 30.
71 AD Haut-Rhin, 5 M 15.
72 Ibid.
73 AD Finistère, 5 M 22.
74 Bretonville (Mme), Confidence aux femmes, Paris, chez l’auteur, 1843 ; Messager V., Guide pratique de l’âge critique ou conseils aux femmes, Paris, chez l’auteur, 1859 ; Menne-Vaulot (Mme), Mesdames enceintes, malades ou infécondes, Paris, chez l’auteur, 1869.
75 AN, F17/2457, Aude.
76 Ibid.
77 Beauvalet-Boutouyrie S., Naître à l’hôpital …, op. cit., p. 201-203.
78 AN, F17/2464, Moselle.
79 AD Aisne, E Dép 0401 5 I 2.
80 AN, F17/2456, Ain.
81 AD Aveyron, 3 X 47.
82 Faure O., Genèse de l’hôpital moderne. Les hospices civils de Lyon de 1802 à 1845, Paris, Éditions du CNRS, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1981, p. 238.
83 AD Saône-et-Loire, N 84.
84 AD Puy-de-Dôme, N 469.
85 AN, F17/2464, Moselle ; AD Hérault, 1 N2*.
86 AD Aisne, RD CG Aisne, 1842.
87 N. Sage Pranchère, Mettre au monde …, op. cit., p. 323-332.
88 AD Haute-Marne, 117 T 1.
89 AN, F17/2461, Gironde.
90 AD Saône-et-Loire, M 2088.
91 RD CG Ain, 1855.
92 Sage Pranchère N., Mettre au monde…, op. cit., p. 214.
93 Sur ces sujets, voir Enfance abandonnée et société en Europe, xive-xxe siècle. Actes du colloque international de Rome (30 et 31 janvier 1987), Rome, École française de Rome, 1991 ; et Fuchs R. G., Mock L. P., « Pregnant, Single and Far from Home. Migrant Women in Nineteenth Century Paris », The American Historical Review, 1990, t. 95, no 4, p. 1007-1031 ; Fuchs R. G., Poor and Pregnant in Paris. Strategies for Survival in the Nineteenth Century, New Brunswick, New Jersey, Rutgers University Press, 1992 ; Rollet-Échallier C., La politique à l’égard de la petite enfance sous la IIIe République, Paris, INED, 1990 ; Cova A., Maternité et droits des femmes en France (xixe et xxe siècles), Paris, Anthropos-Economica, 1997 ; De Luca V., Rollet C., La pouponnière de Porchefontaine. L’expérience d’une institution sanitaire et sociale, Paris, L’Harmattan, 1999.
94 Beauvalet S., « Faut-il supprimer les maternités ? », dans « L’heureux événement » : une histoire de l’accouchement, Musée de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, 1995, p. 64-73.
95 Knibiehler Y., Accoucher. Femmes, sages-femmes et médecins …, op. cit., p. 32.
96 Beauvalet-Boutouyrie S., Naître à l’hôpital …, op. cit., p. 142-156 ; 319 sq. ; Lefaucheur N., « La création des services de maternité et des accoucheurs des hôpitaux parisiens », dans « L’heureux événement »…, op. cit., p. 75-84.
97 AD Eure-et-Loir, 3 X 44.
98 AN, F17/2458, Côte-d’Or.
99 AD Côte-d’Or, M 7 n I/2.
100 Beauvalet-Boutouyrie S., Naître à l’hôpital …, op. cit., p. 119.
101 AN, F17 /2457, Ariège ; AN, F17 /2457, Calvados ; AN, F17 /2459, Doubs ; AN, F17/2458, Charente ; AD Alpes-de-Haute-Provence, 5 M 6 ; AD Aisne, RD CG Aisne, 1842.
102 AD Drôme, 5 M 20.
103 AD Gard, H Dépôt 12 297 ; 5 M 25.
104 AD Aveyron, Per 545.
105 AN, F17/2458, Corrèze ; AD Corrèze, 1 X 177.
106 Delmas P., Sept siècles d’obstétrique à la faculté de médecine de Montpellier, op. cit., p. 38-41.
107 Ibid., p. 45.
108 Ibid., p. 56-57.
109 AD Bas-Rhin, 1 N 301 *.
110 AD Bordeaux, 5 M 556 ; 1 N 48*.
111 AN, F17/2456, Allier.
112 AD Aveyron, 3 X 45.
113 AN, F17/2457, Aude.
114 AN, F17 /2458, Charente-Inférieure ; AN, F17/2464, Meuse.
115 AN, F17 /2457, Aude ; AN, F17/2458, Cher et Charente.
116 AN, F17 /2462, Loire ; AN, F17/2467, Sarthe.
117 AN, F17/2460, Haute-Garonne.
118 AN, F17/2464, Nord.
119 AN, F17/2460, Finistère.
120 AD Alpes-Maritimes, CE M 257.
121 AN, F17/2464, Nièvre.
122 Voir la question 8 de l’enquête : « Quelles seraient les autres dépenses que pourrait occasionner dans l’hospice l’établissement de ces cours ? ».
123 AN, F17/2466, Rhône.
124 AN, F17 /2458, Charente-Inférieure ; AN, F17/2466, Pyrénées-Orientales.
125 AN, F17 /2456, Ain ; AN, F17/2460, Eure-et-Loir.
126 AN, F17/2458, Charente.
127 AN, F17/2460, Finistère.
128 Macarel L.-A., Boulatignier J., De la fortune publique en France, et de son administration, vol. 2, Paris, Pourchet, 1840, p. 333.
129 AN, F17/2468, Seine.
130 RD CG Nord, décennies 1850 à 1880.
131 RD CG Ain, 1848.
132 AD Charente-Maritime, 1 N.
133 Monroziès M., Au service des femmes : les services de gynécologie et d’obstétrique de l’Hôpital de la Grave à Toulouse : 250 ans d’histoire, 1729-1979, Toulouse, Privat, 1980 ; Faure O., Genèse de l’hôpital…, op. cit.
134 RD CG Bouches-du-Rhône, 1843, 1848 et 1873.
135 AD Haute-Garonne, 1 N 83*.
136 AN, F17/2468, Seine.
137 Le total des départements en 1809 est de 88 car la Savoie ne correspond alors qu’à un seul département (Mont-Blanc). En 1860, elle est divisée en Savoie et Haute-Savoie.
138 Ces neuf non renseignés ne sont en fait que huit puisque parmi eux est compté pour plus de commodité le département de la Seine qui est géré directement par l’État.
139 Les départements « non renseignés » sont exclus des calculs présentés dans ce tableau.
140 Vignes É., Traité élémentaire des impôts en France, Paris, P. Dupont, 1868, p. 48-50.
141 Barge-Meschenmoser É., L’administration préfectorale en Corrèze (1800-1848) : limites et effets de la centralisation, Limoges, PULIM, 2000, p. 365-372.
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