Introduction
p. 13-54
Texte intégral
1Quel est le rôle de la traduction de Shakespeare dans l’œuvre d’Yves Bonnefoy et de Paul Celan ? Ces deux poètes, qui sont parmi les écrivains européens les plus importants du dernier siècle, accordent tous deux une importance centrale à l’œuvre de Shakespeare. Shakespeare est l’auteur d’« une œuvre qui avait [pour Bonnefoy] un sens immédiat et profond, qui répondait à un besoin1 » ; quant à Celan, pourtant peu enclin à des louanges excessives, il écrit dans une lettre à sa femme : « […] Shakespeare – pour moi, il n’y a rien de plus beau et de plus grand que Shakespeare2. » À partir de cet intérêt capital pour Shakespeare affirmé par les auteurs eux-mêmes, l’objectif du présent travail consiste à situer les traductions de Shakespeare dans l’ensemble de l’œuvre des deux poètes.
2Les traductions d’Yves Bonnefoy (né en 1923) se concentrent surtout sur les pièces et, dans un passé plus récent, sur les sonnets de Shakespeare, mais Bonnefoy a également traduit d’autres auteurs, dont notamment John Donne, Keats et Yeats ainsi que Pétrarque et Leopardi. Paul Celan (1920-1970), quant à lui, a traduit vers l’allemand à partir de sept langues différentes3 ; parmi les nombreux auteurs traduits, il y a Valéry et Rimbaud, Michaux et Supervielle, Ungaretti, Khlebnikov et Mandelstam4. Bonnefoy et Celan sont des exemples particulièrement intéressants d’une figure-clé de l’histoire culturelle dont l’importance commence depuis peu seulement à être prise en compte par la réflexion critique : celle de l’écrivain-traducteur, c’est-à-dire de l’auteur qui, tout en créant une œuvre « originale », « propre », fait également œuvre de traducteur. Comme tout traducteur, l’écrivain-traducteur représente un carrefour entre les langues et les cultures ; en même temps, son œuvre à la fois enrichit et transcende le domaine de « sa » langue et de « sa » culture5. L’écrivain-traducteur est donc une figure tout à fait capitale pour comprendre l’échange interculturel tout comme l’établissement d’un espace transculturel.
3Bonnefoy et Celan font partie d’une longue liste de poètes européens également traducteurs, sur laquelle on trouve notamment les fondateurs de la modernité poétique en Europe6 : Hölderlin, figure tutélaire de la poésie moderne en Allemagne et au-delà, est également l’auteur de traductions radicalement novatrices. Baudelaire et Mallarmé, Valéry, Ezra Pound et T. S. Eliot, Stefan George et Rainer Maria Rilke sont également des poètes qui ont consacré une partie importante de leur énergie à la traduction. Dans la seconde moitié du xxe siècle, cette liste, qui pourrait facilement se prolonger, comporterait des poètes de langue française comme Saint-John Perse, André du Bouchet, Michel Deguy, Philippe Jaccottet, Gustave Roud ou encore Emmanuel Hocquard, ou des poètes de langue allemande comme Erich Fried, Ingeborg Bachmann, Hans Magnus Enzensberger ou Durs Grünbein.
4Étant donné cette riche tradition, il peut paraître assez surprenant que, jusqu’à présent, il n’y ait eu que peu d’études sur l’écrivain-traducteur. En vérité, l’intérêt approfondi pour cette figure n’a pris son essor que dans les quelques dernières années avant notre étude. Tout récemment, la première grande conférence internationale sur le sujet s’est tenue à Swansea, au Pays de Galles, fin mai 20107. Par ailleurs, le journal TTR, un des lieux les plus intéressants des débats traductologiques actuels, vient de lancer, en juillet 2010, un appel à contribution intitulé « La traduction à l’épreuve de l’écriture. Trajectoires d’écrivains-traducteurs », dans lequel les traductologues Louise Ladouceur et Sathya Rao soutiennent notamment :
École de rigueur pour certains ou laboratoire de l’écriture pour d’autres, la traduction a occupé dans l’œuvre d’auteurs comme Paul Claudel, Yves Bonnefoy, Valéry Larbaud ou encore Haroldo de Campos une place dont les critiques commencent à peine à mesurer l’importance.8
5De fait, cet intérêt récent a été préparé par un certain nombre de développements théoriques survenus ces dernières décennies, qui ont vu un essor spectaculaire de la pensée traductologique9. Tout d’abord, si le fait qu’il y ait des écarts entre l’original et le texte traduit avait été pris en compte depuis longtemps, ces différences ont le plus souvent été pensées comme l’expression d’une perte : selon cette position, le traducteur ne peut créer, en fin de compte, qu’une faible copie, dont les écarts par rapport au texte original sont autant de signes de faiblesse (structurelle, non individuelle). Or, cette façon de voir les choses a été complétée par une vision qui insiste beaucoup plus sur la possibilité de gains en traduction. Signe d’une dimension politique de la traduction, on notera que c’est surtout dans le contexte de la littérature et de la réflexion dites « postcoloniales » que ce nouveau point de vue a d’abord été exprimé. Ainsi, une des premières formulations (et en même temps une des plus célèbres) est une citation de Salman Rushdie, qui écrit dans son recueil d’essais intitulé Imaginary Homelands : « It is normally supposed that something always gets lost in translation ; I cling, obstinately, to the notion that something can also be gained10. »
6Ainsi, on assiste à une revalorisation du texte traduit et à une mise en doute de la traditionnelle hiérarchisation entre le texte original et le texte traduit. Antoine Berman résume l’ancienne position dans son livre capital, Pour une critique des traductions :
[…] le texte traduit paraît affecté d’une tare originaire, sa secondarité. Cette très ancienne accusation, n’être pas l’original, et être moins que l’original (on passe aisément d’une affirmation à l’autre), a été la plaie de la psyché traductive et la source de toutes ses culpabilités : ce labeur défectueux serait une faute (il ne faut pas traduire les œuvres, elles ne le désirent pas) et une impossibilité (on ne peut pas les traduire).11
7Par opposition à cette valorisation traditionnelle de l’original, la traductologie contemporaine a tendance à privilégier le texte traduit et la langue et culture « cibles ». Cette réorientation a été particulièrement sensible dans l’approche dite des « descriptive translation studies » défendue par le traductologue israélien Gidéon Toury12, qui s’inspire de la « théorie du polysystème » (« polysystem theory ») de son aîné et collègue Itamar Even-Zohar13 et qui a lui-même conduit à bien des travaux ultérieurs. Alors que les recherches de Even-Zohar et Toury se placent surtout au niveau de littératures et cultures entières et que l’approche de Toury vise à décrire et à expliquer le rôle de « normes », voire de « lois » en traduction14, l’approche herméneutique d’Antoine Berman – qui affirme qu’« en histoire de la traduction, il n’y a pas de loi15 » – se situe au niveau du traducteur, dont Berman cherche à comprendre la « position traductive », le « projet de traduction », et « l’horizon traductif »16. Malgré leurs différences, Toury et Berman ont pourtant en commun le fait qu’ils pensent la traduction en partant de la réception. C’est le texte traduit qui se trouve au centre de l’intérêt, et non pas le texte original, dont la traduction ne serait qu’une faible copie17. Pour l’analyse des œuvres d’un écrivain-traducteur, l’intérêt d’un tel développement est tout à fait considérable : regarder le texte traduit comme un objet esthétique à part entière permet de l’analyser non seulement dans son rapport au texte original – ce qui reste bien évidemment important – mais également dans ses rapports avec les autres volets de l’œuvre de l’écrivain-traducteur.
8De plus, en analogie avec la valorisation du texte original au détriment du texte traduit, la traduction a longtemps été caractérisée par l’« invisibilité » du traducteur18, par l’exigence normative selon laquelle le traducteur et son texte doivent se faire « transparents » par rapport à l’auteur et au texte original. Ainsi, la revalorisation et la concentration sur le texte traduit vont de pair avec une réévaluation du rôle fondamental de la créativité du traducteur. En 1970, Henri Meschonnic écrivait encore, de manière critique : « L’opposition entre créateur et traducteur semble généralement admise19. » Aujourd’hui, l’on s’accorde généralement à penser que toute traduction littéraire, et a fortiori la traduction de textes poétiques, contient une large part de créativité. De fait, les recherches sur le rapport entre traduction et créativité sont parmi les plus innovantes dans la discipline20. Ce développement permet à la recherche de se concentrer plus précisément sur la figure du traducteur et sur sa façon subjective de créer un texte. Meschonnic est parmi les premiers à avoir permis ce déplacement critique21. Dépassant par la mise en avant du rôle du sujet le paradigme structuraliste dont il emploie le vocabulaire, Meschonnic désigne la traduction comme une « aventure historique d’un sujet » ou encore une « interaction de deux poétiques22 ».
9Ainsi, le développement récent des recherches sur la traduction a en quelque sorte préparé le terrain pour une analyse plus poussée de la figure de l’écrivain-traducteur – ce qui ne signifie pas pour autant qu’une telle analyse soit chose facile. La raison de cette prise en compte tardive paraît en effet avant tout liée à la difficulté de trouver des approches théoriques et des outils méthodologiques adéquats23. Car s’il est vrai qu’il n’y a pour l’instant que peu d’études sur le sujet, la prise de conscience du phénomène en tant que tel est bien plus ancienne. Friedrich Beissner, par exemple, éditeur des œuvres de Hölderlin et auteur d’une thèse sur les traductions de Sophocle et de Pindare par ce dernier, affirme dès 1933 dans la préface de son ouvrage qu’il « serait nécessaire […] de démontrer » les « rapports multiples » de la traduction de Pindare et des poèmes de Hölderlin :
Das Ziel jedoch, das neben der objektiven Würdigung dieser Übersetzungen das Interesse für sie, vor allem für die aus dem Pindar, allein rechtfertigt, ist ihre festere Fundierung in den übrigen Schriften, wobei es gälte, die mannigfachen Beziehungen aufzuweisen, die – Ursachen und Folgen gleicherweise auf beiden Seiten, beide wirkend und betroffen – zwischen den Übersetzungen und der freien Dichtung bestehen.24
(Cependant, le but qui, hormis l’appréciation objective de ces traductions, justifie seul l’intérêt pour elles, surtout celles de textes de Pindare, est de montrer de manière plus solide leur étayage dans les autres écrits. En ce sens, il s’agirait de montrer les liens multiples qui existent – réciproquement en tant que cause et effet – entre les traductions et la poésie libre.)
10En vérité, l’ouvrage de Beissner ne traite pas de l’œuvre poétique de Hölderlin, mais il est intéressant de noter les deux arguments par lesquels il justifie son sujet. D’abord, Beissner affirme, un peu en passant, qu’il serait important d’apprécier ces traductions pour elles-mêmes (« objektive […] Würdigung dieser Übersetzungen ») : autrement dit, ces traductions sont elles-mêmes des objets esthétiques dignes d’être analysés. Ce point est pourtant clairement subordonné à l’« objectif » véritable qui « justifie seul l’intérêt » pour ces textes (« Das Ziel […], das […] das Interesse für [diese Übersetzungen] […] allein rechtfertigt »), à savoir l’objectif de les « placer plus fermement » (« festere Fundierung ») dans l’œuvre poétique (« in den übrigen Schriften »). Pour Beissner, une étude sur les traductions et les poèmes (« freie Dichtung ») devrait donc démontrer les « causes et conséquences » (« Ursachen und Folgen ») des rapports réciproques (« beide wirkend und betroffen ») entre les deux volets de l’œuvre hölderlinienne.
11Cette façon de poser le problème a le mérite de souligner l’importance de la traduction pour l’œuvre d’un grand poète. En revanche, malgré (ou même à cause de) son évidence apparente, la façon dont Beissner formule le sujet risque de créer de formidables difficultés méthodologiques. Car parler de « causes et conséquences » paraît imposer au critique la tâche de prouver des influences réciproques entre les traductions et l’œuvre poétique. C’est encore la manière dont Christine Lombez formule le problème dans sa thèse de doctorat sur Philippe Jaccottet, un des travaux les plus développés sur la question de l’écrivain-traducteur. Christine Lombez y écrit notamment :
[…] notre travail […] se proposera d’apporter certains éclairages sur un sujet resté jusqu’ici quelque peu dans l’ombre : il s’agira en effet, tout au long de notre étude, d’analyser, d’expliciter et de vérifier dans quelle mesure l’activité de traducteur menée par Ph[ilippe] Jaccottet dès la fin des années 40 a pu influencer sa démarche poétique.25
12À partir d’« […] un point de vue […] selon lequel la traduction serait une des sources de l’écriture jaccottéenne26 », Lombez se penche tout particulièrement sur les cas de Hölderlin et de Rilke, dont elle affirme qu’ils
occupent dans la vie et la sensibilité de Ph. Jaccottet […] une place prépondérante. Hölderlin et Rilke sont littéralement des auteurs « phares », des points de repère à partir desquels peut se dégager l’influence qu’ils ont exercée sur Jaccottet, des années de formation à la maturité, cette influence pouvant être à la fois d’ordre thématique, poétique, et proche de la pratique concrète de la traduction.27
13Christine Lombez, dans son étude, lit ensemble la poésie et les traductions de Jaccottet, en apportant des éclaircissements importants sur la poétique et l’œuvre de ce dernier. En revanche, poser le problème en termes de « sources » et d’« influences » crée des impasses sur le plan théorique et méthodologique que l’ouvrage de Lombez ne résout qu’en partie, en ayant recours, notamment, à la notion d’intertextualité28. Il est d’ailleurs probable que c’est à cause des difficultés liées à l’emploi des notions de « source » et d’« influence » que, dans la publication issue de sa thèse qui en présente les résultats sous forme condensée, Christine Lombez renonce désormais à l’emploi de ces termes, même si le remplacement du terme « influence » par celui d’« impact » peut d’abord sembler d’ordre rhétorique : « On a également peu interrogé l’impact que la traduction de poésie pouvait avoir sur l’œuvre de ceux qui ont mené durant des années cette double activité29. » Plus loin, Lombez emploie le terme de « lien » : « Nous avons cru nécessaire, également, de nous interroger sur les liens qui unissent la traduction et l’écriture poétique à partir justement des traductions de Rilke et de Hölderlin que le poète suisse a réalisées30. »
14Bien évidemment, le présent ouvrage partage tout à fait l’intérêt pour les rapports entre le volet traductif et le volet poétique de l’œuvre d’un poète-traducteur. Néanmoins, il ne formule pas le problème en termes de « sources » et d’« influences ». La difficulté d’une telle approche est bien résumée dans le compte rendu d’un livre tout à fait fondamental pour tout ouvrage traitant de Paul Celan traducteur, le livre de Leonard Olschner, issu de sa thèse de doctorat, qui prend en compte un large corpus parmi les textes traduits par Celan, et qui a le premier analysé de façon précise les traits stylistiques les plus importants des traductions celaniennes31. Le compte rendu, tout en soulignant les mérites de l’ouvrage de Olschner, pointe le problème fondamental qui vient d’être évoqué :
Leonard Moore Olschner’s book is to be welcomed as being the first full-length study of Paul Celan’s translations. The justification for the work is contained in the proposition “Celans Gedichte sind im Licht der Übertragungen, die Übertragungen im Licht seiner Gedichte zu lesen”. The reader will certainly concede the latter part of this statement, mindful of Walter Benjamin’s comment [...] that the translator of poetry must himself “dichten”. The first part, however, that a reading of the poems demands a knowledge of the translations, is altogether more contentious.32
(Le livre de Leonard Moore Olschner doit être salué comme la première étude d’envergure des traductions de Paul Celan. La justification de l’ouvrage se trouve dans l’affirmation que « les poèmes de Celan sont à lire à la lumière des traductions, et les traductions, à la lumière des poèmes ». Le lecteur concèdera certainement la dernière partie de cette déclaration, conscient du commentaire de Walter Benjamin selon lequel le traducteur d’un poème doit lui-même « faire poème ». La première partie, cependant, qu’une lecture des poèmes demande une connaissance des traductions, est beaucoup plus controversée.)
15Le critique, A. O. Davis, touche à des difficultés réelles, même si son argumentation ne distingue pas assez clairement le côté de la production de l’œuvre (traductive et poétique) par l’écrivain-traducteur et le côté de la réception de l’œuvre par le lecteur. La fin du compte rendu revient vers le point central du rapport entre les traductions et l’œuvre poétique ; cette fois-ci, la problématique est clairement placée du côté de la production des textes :
To assert the dependence of Celan’s translations on his own poems seems to me a truism, and to prove the dependence of the poems on the translations to be an impossible task precisely in view of the fact that Celan was a highly proficient, professional translator and that he inevitably achieved this success through the activation of his own poetic style in the translation process. Thus we need look no further for an explanation of the many undoubted points of similarity between his original work and the translations.33
(Invoquer la dépendance des traductions de Celan de ses propres poèmes me paraît un truisme, et prouver la dépendance des poèmes des traductions me semble une tâche impossible, étant donné que Celan fut un traducteur professionnel extrêmement compétent et qu’inévitablement il parvint à ce succès grâce à l’activation de son propre style poétique dans le processus traductif. Par conséquent, nous n’avons pas besoin d’aller plus loin pour trouver une explication pour les nombreuses similarités entre ses propres poèmes et les traductions.)
16D’une certaine façon, dans la mesure où l’attitude de Davis révèle une réserve globale à l’égard du bien-fondé d’une étude méticuleuse des traductions, ce compte rendu témoigne tout simplement d’une importance institutionnelle moins grande de la traduction, ainsi que de la traductologie, il y a aujourd’hui vingt-cinq ans. Néanmoins, Davis a raison de souligner un certain nombre de points : d’abord, à partir du moment où la traduction prend une ampleur considérable dans l’œuvre d’un écrivain, il est tout à fait évident qu’il existe de nombreux points communs et passerelles entre ces traductions et l’œuvre « propre ». Ainsi, l’objectif d’une étude de l’écriture et de l’œuvre d’un écrivain-traducteur ne saurait être de démontrer la seule existence d’un lien entre traductions et poèmes. Cela est d’autant plus vrai que, si l’on se place du côté du développement chronologique et donc, en dernière analyse, de la biographie de l’écrivain-traducteur – comme la notion d’« influence » paraît l’imposer – le phénomène devient immaîtrisable à cause de la complexité même des rapports et contextes qui seraient à prendre en compte : comment prouver, par exemple, que tel élément dans un poème vient véritablement d’une traduction antérieure et non pas d’une simple lecture (d’autant plus que la traduction peut se comprendre tout d’abord comme une manière approfondie de lire) ou encore d’un autre contexte ?
17Le problème peut paraître moins grand dans le sens inverse, lorsqu’il s’agit de dire que, dans telle traduction l’on reconnaît des traits de l’œuvre « propre » de l’écrivain-traducteur, mais finalement une telle approche devrait le plus souvent se limiter à des arguments d’ordre biographique, du type : Hölderlin a d’abord traduit tel élément chez Pindare, et il a ensuite utilisé le même élément dans un poème ; ou, à l’inverse, Hölderlin a d’abord utilisé tel élément dans un poème et il l’a ensuite mis dans une traduction. Or, par là, on risquerait de faire de l’étude de l’œuvre d’écrivains-traducteurs une simple recherche de points communs dans différents textes d’un auteur et on passerait à côté des enjeux fondamentaux des processus de traduction, qui créent des objets transculturels à partir d’éléments hétérogènes.
18C’est pour ces raisons que le présent ouvrage se place clairement du côté de la réception, et ceci à deux égards : d’abord, si la perspective retenue met clairement au centre les traductions respectives de Shakespeare, l’acte critique s’intéresse néanmoins à l’œuvre de Bonnefoy et de Celan dans son ensemble : ce n’est que grâce à une telle perspective élargie qu’il est possible de cerner le rôle de la traduction pour la poétique d’un poète-traducteur. Il est, en revanche, impossible d’analyser, dans le cadre d’une monographie, la totalité de l’œuvre de Bonnefoy et de Celan. Par conséquent, l’étude s’arrête sur des moments particulièrement parlants de la réception de Shakespeare par Bonnefoy et par Celan, en privilégiant l’analyse de traductions mais en ayant recours également à d’autres formes de réception, dans l’œuvre poétique et ailleurs (essais, lettres, lectures). Autrement dit, plutôt que de saisir l’évolution chronologique du rapport à Shakespeare ou de dénombrer aussi exhaustivement que possible tous les éléments de la réception de Shakespeare par les deux auteurs, par exemple à travers une liste d’intertextes shakespeariens dans leurs œuvres poétiques respectives, il s’agit d’essayer d’en comprendre la logique.
19Pour ce faire, les différences entre les deux composantes du corpus nécessitent des approches dissemblables pour Bonnefoy et pour Celan. La réception celanienne de Shakespeare se manifeste en un nombre restreint de textes, et encore plus rarement de traductions et de poèmes publiés par Celan lui-même. Par conséquent, afin d’analyser au mieux la dimension shakespearienne de l’œuvre de Paul Celan, il était tout à fait nécessaire de travailler sur des matériaux non publiés par le poète et – pour certains – sur des textes inédits à ce jour, dont notamment la traduction de deux scènes d’Antony and Cleopatra, sur laquelle il n’y a pas encore de recherches, ainsi que les dossiers génétiques des traductions des sonnets par Celan. S’y ajoute la discussion d’une lettre au traducteur d’origine polonaise Paul Dedecius, un document fondamental pour comprendre la poétique de la traduction de Paul Celan34. La réception de Shakespeare par Bonnefoy, en revanche, s’illustre en un nombre de textes tout à fait considérable, publiés par Yves Bonnefoy lui-même. D’où le choix de travailler sur ces documents en question, au détriment d’une étude des documents non publiés qui certes permettraient de mieux comprendre la genèse des traductions de Bonnefoy : une analyse des manuscrits et dactylogrammes, qui sont conservés à la bibliothèque municipale de Tours, reste donc à faire.
20À l’instar de ces différences dans le corpus, il sera beaucoup question, dans le présent ouvrage, de différences entre Bonnefoy et Celan. Néanmoins, il convient de souligner dès à présent qu’il y a également un nombre considérable de points communs entre les deux poètes, dont le plus important concerne la qualité de leurs pratiques et de leurs réflexions traductives. D’autres points communs poétiques, mais également biographiques, touchent notamment à l’importance du surréalisme dans leurs œuvres de jeunesse respectives ; les échanges des deux poètes qui ont tous les deux vécu à Paris ; le rôle de Bonnefoy en tant qu’initiateur du rendez-vous entre Celan et Yvan Goll35 ; leurs lectures intensives de Léon Chestov, dont Bonnefoy a recommandé les écrits à Celan ; le travail en commun dans le cercle des éditeurs de la revue L’Éphémère36. Or, surtout, aussi bien Celan que Bonnefoy permettent de façon exemplaire de réfléchir aux enjeux de la traduction. En effet, l’un comme l’autre ont reconnu sans équivoque qu’ils considèrent leurs traductions comme une dimension tout à fait capitale de leur œuvre. De plus, Bonnefoy a quant à lui affirmé à plusieurs reprises qu’« il faudrait qu[’il se] demande en quoi [s] es traductions [l’]ont aidé37 ». Et dans l’« avant-propos » de La Communauté des traducteurs, ouvrage publié en 2000, Bonnefoy soutient :
[…] je rêve toujours d’écrire l’étude plus ambitieuse qui me permettrait de poser – sinon dans sa généralité du moins de mon point de vue, avec mes moyens – le problème de l’apport des traductions, en particulier de la poésie, à cette recherche en commun, d’une parole plus essentielle, que sont peut-être, sans trop le savoir encore, les langues du monde ; recherche qu’elles devraient être, en tout cas.38
21Bonnefoy pose la question du rapport de la traduction avec son propre projet poétique tout en inscrivant cette réflexion dans un cadre plus vaste :
D’une part, la traduction de la poésie est poésie elle-même, et y réfléchir peut éclairer l’activité poétique, qui concerne chacun de nous. Et d’autre part toute traduction pose le problème du rapport entre les cultures, autrement dit la question de ce qui a valeur, et peut-être même valeur universelle, dans le débat qui s’instaure entre ces cultures dès le moment où un traducteur les rapproche.39
22Ainsi, nous nous proposons de comparer deux poètes-traducteurs, tout en gardant à l’esprit que les implications de la traduction dépassent large ment le cadre de la seule poésie pour s’inscrire – à l’instar de ce qu’affirme Bonnefoy dans les passages qui viennent d’être cités – dans le contexte des échanges interculturels et, en fait, de la création d’un espace transculturel qui dépasse les langues et cultures dites « nationales ». C’est aussi la raison pour laquelle Shakespeare se prête particulièrement bien à ces analyses, puisque sa réception globale dépasse depuis longtemps le cadre anglais dont son œuvre est issue et que sa réception a été un facteur déterminant dans la construction de la littérature occidentale, voire mondiale. Il ne s’agit donc pas pour nous de cerner l’influence de l’œuvre traductive sur l’œuvre poétique, mais d’analyser l’œuvre dans son ensemble, et dans sa complexité et son hétérogénéité, autrement dit dans sa texture du propre et de l’autre : l’enjeu de cette étude sera donc, également, de tâcher de comprendre et d’analyser des processus d’échanges et de dynamiques culturels.
23Malgré le constat formulé plus haut, selon lequel les recherches sur la figure capitale de l’écrivain-traducteur ne font que commencer, il est évident que le présent volume peut – et doit – se fonder sur un nombre tout à fait considérable de recherches et d’études critiques. En vérité, les recherches à prendre en compte risquent vite de devenir immaîtrisables : la seule littérature sur la réception de Shakespeare est immense, et les ouvrages sur l’œuvre shakespearienne elle-même ne se comptent plus depuis bien longtemps. S’y ajoutent les recherches sur l’histoire et la théorie de la traduction qui, dans des contextes très divers et sous des appellations différentes (Übersetzungswissenschaft, translation studies, translatologie, traductologie, etc.40), comptent parmi les domaines les plus actifs des recherches en sciences humaines pendant les dernières décennies. Enfin, Paul Celan et Yves Bonnefoy font partie des poètes les plus analysés des xxe et xxie siècles, et toute tentative de prendre en compte la totalité des travaux sur leurs poésie et poétique serait vouée à l’échec41. En ce qui concerne Celan, son œuvre de traducteur a également été très amplement commentée, et ceci depuis les premiers travaux de Peter Szondi au début des années 1970 – de fait, il est significatif de l’importance de Shakespeare pour Celan que Szondi, son ami et l’un de ses meilleurs interprètes, ait inclus dans ses Celan-Studien une analyse de la traduction du sonnet 105 de Shakespeare42. En revanche, il y a pour l’instant beaucoup moins de travaux sur Bonnefoy traducteur, même si le nombre d’études critiques a sensiblement augmenté ces dernières années.
24Dans cette masse d’œuvres critiques susceptibles d’orienter notre travail mais également d’égarer notre réflexion, l’enjeu était de trouver les travaux qui puissent être vraiment utiles pour guider notre investigation. Nous prenons principalement appui sur les travaux déjà mentionnés d’Henri Meschonnic et d’Antoine Berman43, prolongés par le corpus toujours croissant des études sur la réception internationale de Shakespeare : nous nous référerons notamment aux études des chercheurs s’étant associés au sein de la European Shakespeare Research Association44 ainsi qu’à d’autres travaux portant plus particulièrement sur les réceptions allemande et française de l’œuvre shakespearienne45.
25Plus spécifiquement encore, le présent ouvrage tient compte des études portant sur les traductions de Shakespeare par Bonnefoy et par Celan46. Il existe un certain nombre de travaux importants sur ce volet de l’œuvre de Bonnefoy, et s’il y a également des analyses portant sur d’autres auteurs traduits – dont notamment Yeats47, Keats48, T. S. Eliot49 et Leopardi50 –, les travaux sur les traductions de Shakespeare sont bien les plus nombreux. Il est vrai pourtant qu’ils concernent le plus souvent des aspects isolés de ces traductions51 ou que, au contraire, ils se contentent d’un nombre limité d’analyses de textes traduits afin d’en arriver à des conclusions générales sur le rapport de Bonnefoy à Shakespeare. Alors que le numéro du Magazine littéraire paru à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire de Bonnefoy contient entre autres de brefs articles sur Shakespeare52, d’éminents connaisseurs de l’œuvre poétique de Bonnefoy ont également souligné l’importance de Shakespeare pour Bonnefoy en des textes plus détaillés, dont notamment John Jackson53 et James Lawler54 ; certains textes réfléchissent par ailleurs aux liens entre la réception de Shakespeare et l’intérêt pour la peinture dans l’œuvre de Bonnefoy55. D’autres travaux ont paru assez tôt dans le contexte de la forte réception anglo-saxonne de l’œuvre de Bonnefoy56. Or, il y a eu au cours des dernières années une augmentation marquée des études littéraires françaises consacrées aux traductions de Bonnefoy : il s’agit notamment des textes rassemblés dans un volume de la revue Littérature consacré à l’œuvre de Bonnefoy57 ainsi que d’une étude monographique qui décrit la « fabrique de la traduction » de Bonnefoy, mais qui, malheureusement, se contente de citer sans toujours les analyser en profondeur les nombreux essais de Bonnefoy sur la traduction58. Un travail particulièrement intéressant dans notre perspective est la thèse de doctorat, non publiée à ce jour, de la poétesse Chouchanik Thamrazian, traductrice de Bonnefoy en arménien, qui établit le lien entre l’activité de traducteur et quelques notions centrales de la poétique de Bonnefoy, dont notamment celle du « carrefour » et, comme l’indique le titre de l’ouvrage, du « rêve59 ». En revanche, Thamrazian n’analyse pas les traductions de Bonnefoy elles-mêmes, contrairement à la thèse de Stéphanie Roesler, soutenue à Montréal en automne 2009, qui se concentre sur l’analyse d’une seule pièce – Hamlet –, ce qui permet à l’auteure d’examiner de près les constantes et les transformations des versions successives de Bonnefoy60. Le récent Cahier de l’Herne, enfin, contient également des textes sur Bonnefoy traducteur61, et une autre thèse de doctorat sur Bonnefoy traducteur de Shakespeare a été soutenue en Italie peu après la soutenance de notre thèse : dans son travail, Sara Amadori analyse, notamment, la genèse de certaines traductions de Bonnefoy, en examinant les manuscrits du poète conservés à la bibliothèque municipale de Tours62.
26Ces travaux constituent des points de départ très pertinents, et nous nous référerons régulièrement aux résultats mis en avant par d’autres critiques. En revanche, nous tâcherons d’éviter l’écueil, auquel un certain nombre d’études existantes n’ont pas pu échapper, de suivre de trop près les catégories tracées par le poète lui-même dans ses nombreux essais sur la traduction de Shakespeare et d’occulter quelque peu – souvent pour des contraintes d’espace dans les articles consacrés au sujet – l’analyse détaillée des traductions elles-mêmes. De fait, les essais de Bonnefoy sur la traduction sont encore trop souvent pris comme guides pour l’analyse de ses traductions, alors qu’elles doivent au contraire faire partie de l’objet d’étude.
27Dans le présent ouvrage, il s’agira donc de mettre en regard l’étude de ces essais avec une analyse attentive des traductions de Shakespeare elles-mêmes qui dépasse le commentaire de quelques exemples isolés.
28Comparativement aux travaux portant sur Bonnefoy traducteur, certes en expansion, les recherches sur Celan traducteur sont, elles, beaucoup plus développées63. Elles prennent généralement appui sur le livre déjà mentionné de Leonard Olschner, Der feste Buchstab64, ainsi que sur le catalogue d’une exposition sur Celan traducteur au Deutsches Literaturarchiv à Marbach am Neckar65. D’autres travaux récents se concentrent sur des cas plus particuliers, comme les traductions par Celan d’auteurs américains66 ou des symbolistes français67, alors qu’une récente monographie par un traductologue comprend toute l’œuvre de Celan à partir de la notion du « déplacement68 ».
29Les traductions de Shakespeare par Paul Celan ont fait l’objet d’un nombre considérable de travaux, depuis l’article fondateur de Peter Szondi déjà cité plus haut69. D’autres travaux éclairants ont été écrits par Rainer Lengeler70, Wolfgang Kaußen – dans la nouvelle édition des traductions des sonnets, publiée chez Insel en 200171 – ou encore Ludwig Lehnen, qui compare les traductions de George et de Celan du point de vue de leur projet de traduction respectif72. La dimension biographique d’un certain nombre de traductions a été soulignée par Barbara Wiedemann dans sa documentation de l’affaire de plagiat dite « affaire Goll73 ».
30Cependant, malgré le grand intérêt suscité par ces traductions, il manque encore un ouvrage monographique consacré à cette question, qui prenne en compte non seulement les versions publiées de sonnets, sur lesquelles les recherches des dernières décennies se sont penchées de façon trop exclusive, mais également leurs états antérieurs, ainsi que les traductions de sonnets non publiés ou des scènes d’Antony and Cleopatra choisies par Celan.
31Avant d’entamer nos analyses des textes des deux auteurs, les pages à suivre présentent encore un certain nombre de données indispensables à la compréhension du rapport des deux poètes à Shakespeare et du rôle de ces traductions pour leur poésie et poétique. Car en effet – et ceci relève encore du rejet d’un modèle trop simple qui reposerait sur la notion d’influence –, l’investigation de la figure de l’écrivain-traducteur nécessite la reconstruction d’un certain nombre de contextes, dans la mesure où ceux-ci jouent un rôle dans les choix qu’effectuent les écrivains-traducteurs (sans pour autant les causer au sens fort du terme). Deux contextes particulièrement importants sont présentés ici, à savoir les différentes origines des deux poètes – la Bucovine polyglotte et pluriculturelle pour Celan, la France profonde de Tours et du Lot pour Bonnefoy – ainsi que les différentes traditions de la réception de Shakespeare dans les cultures française et germanique. Ce sont des éléments connus pour la plupart dans les cercles consacrés à la recherche sur la réception de Shakespeare, sur Paul Celan et sur Yves Bonnefoy, mais rarement rassemblés et synthétisés.
32Comme on l’a souvent souligné74, le jeune Celan grandit dans une région où l’allemand, la langue de ses parents et la langue dont sa mère aime la poésie, coexiste avec de nombreuses autres langues, dont au premier chef le roumain : Czernowitz, centre traditionnel de la région de Bucovine qui appartenait à l’Empire austro-hongrois jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, est une ville roumaine lorsque Celan y naît en novembre 1920. Mais bien d’autres langues encore jouent un rôle pour Celan dès son enfance : dans les deux écoles primaires qu’il fréquente, l’hébreu et le français ; ensuite, au lycée, l’italien (brièvement), le latin, le grec, et, sur l’initiative personnelle de Celan, l’anglais75. Dans sa biographie de la jeunesse de Celan à Czernowitz, Israel Chalfen affirme en effet que Celan aurait appris « la langue de Shakespeare » lors de sa dernière année au lycée, afin de pouvoir lire la littérature anglaise dans le texte original76.
33Après une année passée à Tours (1938-1939)77 où il prépare des études de médecine, le début de la deuxième guerre mondiale oblige Celan à rester à Czernowitz. Il y entame des études de romanistique (qualifiées d’« apparemment très sérieuses » par un critique78) et, après l’invasion de l’Armée rouge, il commence à apprendre – et, très vite, à bien maîtriser – le russe, au point que les premières traductions publiées par Celan sont des traductions de romans russes en roumain, dont notamment Un héros de notre temps de Lermontov79.
34Dès son plus jeune âge, la présence simultanée de plusieurs langues et de plusieurs cultures structure le quotidien de Paul Celan. Le plurilinguisme, les échanges et les conflits interculturels marquent son enfance, et si le jeune Celan commence très tôt à traduire, c’est aussi une façon de refléter ce carrefour des cultures et des langues80.
35Or, la persécution par les Nazis et l’assassinat de ses parents transforment radicalement le rapport de Celan à sa langue maternelle. Theo Buck emploie la formule « Muttersprache – Mördersprache » (« langue maternelle » – « langue des bourreaux ») pour exprimer cette problématique81. La perversion de la langue allemande par les Nazis – étudiée dès 1947 par le romaniste Victor Klemperer dans LTI82 – ainsi que la question de savoir dans quelle mesure la tradition littéraire et culturelle allemande a pu contribuer à l’avènement du nazisme et à l’assassinat des Juifs d’Europe rendent impossible un rapport neutre à la langue allemande.
36Ainsi, l’objectif principal de la poésie de Celan devient la recherche d’une relation à la langue allemande qui tienne compte de ce qui s’est passé : Jean Bollack qualifie les crimes nazis de « référence unique » de l’œuvre celanienne83. Malgré et contre le nazisme, Celan continue à écrire en allemand, alors qu’il s’installe en France après la guerre : depuis 1948, Celan vit à Paris et il y épouse plus tard une Française. Pendant plus de vingt ans, Celan habite donc dans un environnement où le français est la langue dominante, une langue qu’il maîtrise par ailleurs parfaitement. Il lui serait donc réellement envisageable d’écrire en français, à l’image de nombreux écrivains qui ont produit une œuvre littéraire dans une langue autre que leur langue maternelle : Beckett – exemple le plus connu –, Nabokov, Conrad ou, aujourd’hui, une écrivaine comme Yoko Tawada84. Celan, pourtant, ne fait pas ce choix : on ne connaît qu’un seul poème français de sa main, publié après sa mort – il s’agit du poème « Ô les hâbleurs », écrit pour son fils Éric85 – ainsi que les versions de ses poèmes établies pour sa femme Gisèle de Lestrange : mais avec ces dernières, on est déjà dans le domaine de la traduction.
37En quelque sorte, en continuant à écrire en allemand tout en habitant dans un environnement français, Celan retrouve donc au moins un peu de cette diversité linguistique qui caractérisait son enfance en Bucovine. Mais surtout, Celan continue à écrire en allemand en vue d’une « réfection du langage poétique »86 et, plus largement, d’un renouvellement critique de la langue allemande. Ce travail sur la langue est surtout un travail de deuil et de mémoire pour les victimes de l’assassinat des Juifs d’Europe. En même temps, il s’inscrit dans des luttes politiques de son temps, en s’opposant notamment à des tendances perçues comme réactionnaires dans l’Allemagne d’après-194587. Dans une note écrite début janvier 1961, par exemple, Celan parle de ses lectures dans un allemand qui « se distingue de sa langue maternelle » et qu’il paraît comprendre comme l’expression de nouvelles tendances antisémites :
Ich lese Verschiedenes in einer neuen Sprache, die sich von meiner Muttersprache stark unterscheidet : Gesamtdeutsch. Nach Belieben von links nach rechts und von rechts nach links zu lesen und zu sprechen.88
(Je lis différentes choses dans une langue nouvelle qui se distingue fortement de ma langue maternelle : l’allemand de toute l’Allemagne (« Gesamtdeutsch »). À lire et à parler à volonté de gauche à droite et de droite à gauche.)
38Or, si l’on compare la jeunesse de Celan avec celle d’Yves Bonnefoy, l’on constate un contraste assez marqué89. Alors qu’à Czernowitz la culture allemande est en contact permanent avec d’autres langues et d’autres cultures, la ville de Tours, où Yves Bonnefoy naît en 1923, appartient à ce que d’aucuns nommeraient « la France profonde », peu perméable aux influences « autres ». Cet aspect « monoculturel » caractérise peut-être encore davantage l’endroit où l’enfant passe ses vacances d’été, chez ses grands-parents dans le Lot90. Dans cette perspective, les déclarations du narrateur du récit le plus connu de Bonnefoy, L’Arrière-pays, se lisent comme une évocation fictive de l’enfance de l’auteur :
[…] mon enfance a été marquée – structurée – par une dualité de lieux, dont un seul, longtemps, me parut valoir. J’aimais, je refusais, j’opposais deux régions de France l’une à l’autre. Et je faisais de cet affrontement un théâtre, qui employait toutes les bribes de sens dont je pouvais disposer.91
39Il s’agit donc bien d’une dualité de lieux français qui « structurent » l’enfance de Bonnefoy92. L’enracinement de Bonnefoy dans un contexte franco-français est renforcé par un rapport étroit à l’école républicaine : l’un de ses grands-pères et sa mère sont instituteurs93, Bonnefoy lui-même devient boursier94. Au moins depuis l’école primaire, Bonnefoy entretient donc un rapport très étroit à la langue française, rapport qui passe à la fois par la famille et par l’institution scolaire et qui est accentué par le fait que la langue française domine entièrement les lieux où vit le jeune Bonnefoy. À l’inverse, le jeune Celan change souvent d’école et, en même temps, de langue (les enseignements qu’il reçoit sont dispensés en hébreu, en allemand, ou encore en roumain).
40Ainsi, au regard de son passé, rien d’étonnant à ce que Bonnefoy désigne la langue maternelle comme un « facteur déterminant dans l’éveil des enfants à la sensibilité poétique » et à ce que, dans le même passage de l’entretien, il maintienne que les « années d’enfance […], ce sont celles où la langue maternelle, le plus souvent, règne seule dans un esprit95 ». Bien plus, Bonnefoy estime que l’écriture poétique n’est possible que dans la langue maternelle : il l’affirme dans un texte récent sur Paul Celan où il écrit que « la poésie ne permet pas de rompre avec la langue natale […]96 ».
41Certes, plus tard dans sa vie, Bonnefoy vivra, lui aussi, dans des contextes « étrangers », lors de séjours prolongés aux États-Unis notamment97, et il épousera une Américaine : la confrontation à une langue autre que le français est donc aussi très présente dans sa vie. Néanmoins, il convient de souligner ces premières empreintes monolinguistiques et monoculturelles qui conditionneront aussi une remise en question des limites de la langue française, constitutive de la poétique d’Yves Bonnefoy, comme nous le verrons plus loin.
42C’est ici qu’il faut également mentionner l’apprentissage d’autres langues au lycée, à commencer par le latin. L’enseignement rigoureux du latin dans l’école républicaine, surtout à travers les exercices du thème et de la version, vise à former l’esprit des jeunes élèves et à structurer, par la même occasion, leur emploi de la langue française98 : autrement dit, cette langue étrangère est toujours perçue dans son rapport avec la langue maternelle (elle n’est pas vraiment « autre »). On peut d’ailleurs rappeler le rôle que Bonnefoy confère au latin dans son œuvre littéraire, et notamment dans L’Arrière-pays :
J’avais douze ans, à peu près, puisque j’apprenais les rudiments du latin, et tout de suite j’avais été fasciné par ces mots qui doublaient les miens d’une dimension imprévue, d’un secret peut-être, – mais surtout par l’admirable, la résonnante syntaxe. Ainsi, avec les cas, les déclinaisons, on pouvait se passer de prépositions pour les relations entre vocables. Avec les ablatifs absolus, les propositions infinitives, les participes futurs, on pouvait contracter dans un mot, ou une structure dense, second degré de l’esprit, ce que le français n’eût exprimé qu’en le dénouant. Loin de les affaiblir, ce resserrement me semblait aller plus intimement aux relations signifiantes ; et découvrir ainsi, bien que de façon voilée, quelque chose d’une intériorité inimaginée (d’une substance) du fait verbal.99
43Dans L’Arrière-pays, ce rapport intime à la langue latine donne lieu à un récit plaçant un archéologue moderne dans le cadre d’un vestige de la culture romaine, situé en Asie100 : en accord avec une longue tradition française et européenne, le latin nourrit en profondeur la création de Bonnefoy. Le rapport à la langue et à la littérature latine, et notamment aux Géorgiques de Virgile ainsi qu’à Ovide101, participe surtout de ses préoccupations ontologiques : « L’attrait pour une langue m’orientait en réalité vers un horizon, une terre102. » Par ailleurs, en ce qui concerne non pas le rapport aux langues et aux cultures étrangères en général, mais plus particulièrement le rapport à Shakespeare, on relève encore une différence assez marquée entre Yves Bonnefoy et Paul Celan. Selon les indications d’Israel Chalfen déjà citées, le premier contact de Celan avec Shakespeare s’établit à travers des lectures personnelles, notamment des lectures à voix haute avec des amis, et l’apprentissage de la langue anglaise ne paraît pas étranger à l’intérêt de Celan pour l’œuvre de Shakespeare103 : c’est donc le résultat d’une démarche personnelle qui s’inscrit dans le cadre d’échanges amicaux. Quant à Bonnefoy, comme il le précise lui-même dans un entretien, il découvre Shakespeare dès le lycée :
Je me souviens de la première rencontre, car ce fut un de ces événements qui sur le moment ne sont pas vécus de façon vraiment bouleversante mais par la suite ne cessent plus de revenir à l’esprit, et d’orienter beaucoup de nos pensées, de nos choix. C’était au lycée, et dans le volume de textes que nous avions pour l’étude de l’anglais, il y avait la scène la plus fameuse de Jules César, « Friends, Romans, countrymen, lend me your ears » et tout ce discours de Marc Antoine qui subjugue ses auditeurs, qui les retourne avec tant d’adresse cynique, mais parle aussi de façon si noble et avec tant d’émotion de la dépouille de César, un grand moment alors, non plus de la rhétorique, mais de la poésie, en son essence lyrique.104
44Il n’est certainement pas sans intérêt que cette « première rencontre » avec Shakespeare se soit faite dans le cadre de l’école républicaine si importante pour Bonnefoy. Il s’agirait là du premier maillon de toute une chaîne de moments institutionnels au sens large qui rythment le rapport de Bonnefoy à Shakespeare : les traductions pour le Club français du livre, dont il sera question plus loin105, les représentations des traductions de Bonnefoy dans des cadres prestigieux comme le festival d’Avignon ou celui du Théâtre de l’Odéon à Paris, ou encore les cours que Bonnefoy consacre à Shakespeare dans son enseignement au Collège de France106.
45Enfin, pour préciser le rapport des deux poètes-traducteurs à Shakespeare, il nous faut rappeler également la place, très différente, de la tradition shakespearienne dans les cultures allemande et française. Depuis longtemps, Shakespeare est une figure centrale de la culture allemande107. La traduction romantique d’August Wilhelm Schlegel, Ludwig Tieck, Wolf Graf Baudissin et Dorothea Tieck (qu’on a l’habitude de désigner, de façon quelque peu simplificatrice, comme « la traduction de Schlegel-Tieck ») est un monument, non seulement de la littérature traduite, mais de la littérature allemande tout court. Jusqu’à nos jours, ces traductions continuent à peser sur toute nouvelle tentative de traduire Shakespeare, surtout pour ses pièces de théâtre108.
46Au-delà, ces traductions et l’œuvre de Shakespeare en général ont marqué l’histoire de la littérature allemande. À partir de Lessing, Shakespeare incarne le contre-modèle à opposer au classicisme français, et le vers le plus employé par le théâtre allemand provient directement de son blank verse. Bien des œuvres allemandes revendiquent cet intertexte (pour ne nommer qu’un exemple, on peut penser au rôle d’Hamlet dans Wilhelm Meisters Lehrjahre de Goethe). L’emploi qui a été fait de Shakespeare est également politique : citons parmi d’autres exemples l’enthousiasme nourri pour Hamlet tout au long du xixe siècle109, passion qui se résume dans la sentence du poète-traducteur Ferdinand Freiligrath selon laquelle « l’Allemagne est Hamlet » :
Deutschland ist Hamlet ! Ernst und stumm
In seinen Toren jede Nacht
Geht die begrabne Freiheit um,
Und winkt den Männern auf der Wacht.110
(L’Allemagne est Hamlet ! Grave et taciturne / Chaque nuit à l’intérieur de ses portes/La liberté ensevelie fait le tour / Et salue les hommes de la garde.)
47L’impuissance politique de la bourgeoisie allemande s’identifie à celle qui est censée caractériser le prince mélancolique. L’affirmation d’un lien étroit de la culture allemande à Hamlet, et à Shakespeare en général, se traduit également dans l’idée selon laquelle la compréhension de Shakespeare serait plus profonde en Allemagne que partout ailleurs, y compris en Angleterre. Ainsi par exemple, pour Friedrich Theodor Vischer, professeur, homme politique et écrivain, « l’esprit allemand a reconnu le premier la nature de Shakespeare111 », thème repris par Friedrich Gundolf, disciple de Stefan George, dans sa célèbre thèse d’habilitation, Shakespeare und der deutsche Geist (1911)112.
48L’idée d’une relation privilégiée entre Shakespeare et l’Allemagne se manifeste également de manière institutionnelle avec la fondation de la Deutsche Shakespeare-Gesellschaft le 23 avril 1864, première organisation de ce genre en Allemagne (la Goethe-Gesellschaft n’est fondée qu’en 1885). C’est surtout au xxe siècle que la Shakespeare-Gesellschaft a joué un rôle non seulement esthétique, mais également politique, comme l’a montré Ruth von Ledebur dans Der Mythos vom deutschen Shakespeare113. Ainsi, l’histoire de la Shakespeare-Gesellschaft au xxe siècle est emblématique d’une histoire d’appropriation politique de Shakespeare en Allemagne, appropriation qui trouve son apogée lors du IIIe Reich114.
49En ce qui concerne les sonnets en particulier, il est vrai que leur traduction par Dorothea Tieck115 n’a pas la même visibilité culturelle que les traductions romantiques des drames, mais il existe un grand nombre d’autres traductions qui ont laissé des traces dans la vie littéraire et culturelle allemande : pour un traducteur comme Paul Celan qui travaille sur les sonnets au milieu du xxe siècle, le nombre de prédécesseurs est donc considérable, parmi lesquels des écrivains et critiques comme Stefan George et Karl Kraus116.
50En général, le contexte d’une réception qui fait de Shakespeare le « troisième classique allemand » ou qui l’utilise à des fins politiques peut paraître exiger de celui qui souhaite retraduire un texte shakespearien de se positionner non seulement vis-à-vis du texte original, mais également vis-à-vis de la tradition shakespearienne allemande. Et ce poids culturel énorme est d’autant plus important pour quelqu’un comme Paul Celan dont le travail met en cause la responsabilité de l’histoire allemande dans l’avènement du nazisme.
51La situation française est bien différente117. Depuis que Voltaire a introduit Shakespeare en France118, il s’est certes développé une longue tradition shakespearienne française et il est vrai aussi que le romantisme français a fait de Shakespeare son cheval de bataille anti-classiciste, la « bardolatrie » romantique succédant à la condamnation de Shakespeare au nom de ses « manquements » aux normes aristotéliciennes et à la bienséance119. Pour citer l’un des exemples les plus connus, « Shakespeare, c’est le Drame » pour Victor Hugo :
Nous voici parvenus à la sommité poétique des temps modernes. Shakespeare, c’est le Drame ; et le drame, qui fond sous un même souffle le grotesque et le sublime, le terrible et le bouffon, la tragédie et la comédie, le drame est le caractère propre de la troisième époque de poésie, de la littérature actuelle.120
52Mais, contrairement à la situation allemande, il n’y a pas eu en France une tradition interprétative liant Shakespeare à l’identité nationale. Bien au contraire, pendant très longtemps, on a insisté sur une certaine incompatibilité entre son œuvre et la culture française. Hippolyte Taine, par exemple, dès le début du long chapitre consacré à Shakespeare dans son Histoire de la littérature anglaise en cinq volumes, souligne tant le génie de l’auteur que son opposition supposée à l’esprit rationnel français :
Je vais décrire une nature d’esprit extraordinaire, choquante pour toutes nos habitudes françaises d’analyse et de logique, toute-puissante, excessive, également souveraine dans le sublime et dans l’ignoble, la plus créatrice qui fut jamais dans la copie exacte du réel minutieux, dans les caprices éblouissants du fantastique, dans les complications profondes des passions surhumaines, poétique, immorale, inspirée, supérieure à la raison par les révélations improvisées de sa folie clairvoyante, si extrême dans la douleur et dans la joie, d’une allure si brusque, d’une verve si tourmentée et si impétueuse que ce grand siècle seul a pu produire un tel enfant.121
53Et Taine d’affirmer que, chez Shakespeare, « à chaque instant les idées abstraites se changent […] en images » et que ces images « couvrent les raisonnements, elles offusquent de leur éclat la pure lumière de la logique122 ». Ce qui, pour Taine, met Shakespeare en porte-à-faux avec les écrivains français (« nos sobres écrivains123 ») et fait qu’un lecteur « habitué aux dissertations nettes de [la] poésie classique » française ne peut que s’« étonne[r]124 ». Pourtant, la différence incarnée par Shakespeare, qui a justifié les critiques du xviiie siècle français, est précisément devenue chez Stendhal, Hugo et bien d’autres, le signe distinctif de sa grandeur :
[…] Shakspeare [sic] est étrange et puissant, obscur et créateur par delà tous les poëtes de son siècle et de tous les siècles, le plus immodéré entre tous les violateurs du langage, […], le plus éloigné de la logique régulière et de la raison classique, le plus capable d’éveiller en nous un monde de formes, et de dresser en pied devant nous des personnages vivants.125
54Si, au milieu du xxe siècle, Shakespeare ne choque plus la sensibilité des écrivains et des intellectuels français, l’idée d’un fort contraste entre l’œuvre de Shakespeare et la culture française, se porte tout à fait bien. Voici, en guise d’exemple, l’affirmation d’un critique qui, en 1960, passe en revue quelques traductions récentes :
Écrire en français, si l’on veut demeurer intelligible et ne pas faire violence au génie de la langue, dans un style comparable à celui de Shakespeare, est une tâche d’une difficulté quasi insurmontable.126
55Ainsi, la situation d’un jeune traducteur de Shakespeare dans la France de l’après-guerre se caractérise par la possibilité de se fonder sur l’existence d’une importante tradition shakespearienne, dépourvue du poids étouffant que peut ressentir le traducteur de Shakespeare en Allemagne : bien au contraire, la traduction de Shakespeare peut constituer pour lui un espace de liberté. C’est en tout cas ce qu’affirme Yves Bonnefoy lorsqu’il écrit dans son essai « Shakespeare et le poète français », paru en 1959 :
[…] en un sens, il vaut sans doute mieux qu’il n’y ait pas eu trop tôt dans notre pays une traduction comparable à celle de Schlegel et Tieck, une traduction « classique » imposant par la force même de sa beauté une perspective à la fois indépassable et partielle.127
56En fin de compte, pour aborder le dialogue d’Yves Bonnefoy et de Paul Celan avec Shakespeare, il convient donc de tenir compte d’un certain nombre de facteurs qui peuvent se synthétiser ainsi : origines et expériences très différentes des deux poètes, d’un point de vue culturel et politique, traditions shakespeariennes distinctes dans les cultures française et allemande, première prise de contact avec Shakespeare dissemblable pour les deux auteurs. D’où, peut-être, une nécessité plus grande pour Celan de se positionner par rapport à Shakespeare, et ce, non seulement esthétiquement, mais aussi politiquement, alors que pour Bonnefoy, le dialogue avec Shakespeare paraît s’inscrire d’emblée dans un contexte culturel et littéraire interne à la France. De plus, nous pouvons formuler l’hypothèse que, pour Celan, l’hybridité de sa situation linguistique et culturelle lui a éventuellement permis d’aller à l’encontre du poids potentiellement oppressif de la tradition shakespearienne allemande et de faire de la traduction de Shakespeare un élément de son projet visant à une réfection de la langue allemande après le nazisme. Pour Bonnefoy, en revanche, il est légitime de se demander dans quelle mesure son enracinement dans la culture française (dont il devient, dès les années 1950, un acteur assez important) a joué un rôle déterminant dans son dialogue avec Shakespeare.
57Dans l’objectif de soumettre ces hypothèses de départ à l’analyse des textes et d’analyser le rôle de la traduction de Shakespeare dans l’œuvre de Bonnefoy et de Celan, le présent ouvrage se structure en trois parties.
58Dans la première, les analyses portent sur le noyau des traductions de Shakespeare par les deux poètes : pour Celan, les traductions des sonnets des années 1940 et des années 1960 ; pour Bonnefoy, le travail sur toute la gamme générique de l’œuvre de Shakespeare dans le cadre de l’édition des Œuvres complètes de Shakespeare au Club français du livre à partir du milieu des années 1950 et, par la suite, la concentration sur l’œuvre dramatique.
59Chez les deux poètes, ces traductions s’inscrivent dans une réflexion générale sur la nature de la traduction et sur une réception plus générale de l’œuvre de Shakespeare, même si celle-ci est toujours en lien étroit avec les traductions elles-mêmes. Ainsi la deuxième partie est-elle consacrée à la façon dont les deux auteurs conçoivent la traduction et lisent l’œuvre de Shakespeare. C’est dans cette deuxième partie que les différences entre les deux corpus respectifs se font voir le plus clairement : pour Bonnefoy, il s’agit d’étudier et d’interpréter le grand nombre d’essais consacrés à la traduction et à Shakespeare (et souvent aux deux en même temps) ; pour Celan, en revanche, il n’existe pas de texte publié dans lequel il s’exprimerait directement sur ses positions sur la traduction ou sur la manière dont il voit Shakespeare. En revanche, des lettres comme celle à Karl Dedecius permettent de reconstituer un certain nombre de points centraux de sa position sur la traduction. Pour la réception de Shakespeare en particulier, seront étudiées les traces de lecture de Celan dans les œuvres de Shakespeare, mais également un poème issu de ces lectures.
60La troisième partie revient, dans un premier temps, aux traductions elles-mêmes pour se pencher sur des textes qui peuvent paraître à la marge du rapport respectif à Shakespeare, mais qui, de fait, expriment d’une façon particulièrement claire les enjeux de la traduction de Shakespeare pour les deux poètes. Cette partie s’achève sur l’étude de deux poèmes exemplaires : d’un côté, le poème « Les nuées » du recueil Dans le leurre du seuil qui renvoie à la traduction de The Winter’s Tale par Bonnefoy ; de l’autre côté, le poème fragmentaire de Celan, « Paris, Jardin de Shakespeare ».
Notes de bas de page
1 « Entretien avec John Naughton à propos de Shakespeare », p. 137-151 in Yves Bonnefoy : l’amitié et la réflexion / coordonné par Daniel Lançon et Stephen Romer, Tours : Presses universitaires François-Rabelais, 2007 (ici p. 143). L’entretien en question a d’abord paru, en langue anglaise (« Interview with Yves Bonnefoy »), in Yves Bonnefoy, Shakespeare & the French poet / edited and with an introduction by John Naughton, Chicago ; London : University of Chicago Press, 2004, p. 257-270. La traduction anglaise de l’entretien paraît parfois assez libre, à moins que Bonnefoy n’ait profité de la publication française pour procéder à quelques changements dans le texte.
2 PC/GCL, tome 1, p. 288-289.
3 Les langues-sources les plus importantes sont le russe, le français et l’anglais, mais Celan traduit également à partir du roumain, de l’italien, de l’hébreu et du portugais.
4 En outre, le jeune Celan traduisait des textes de prose russe en roumain.
5 Louis G. Kelly résume l’apport en général de la traduction pour le développement culturel européen dans une phrase souvent citée : « Western Europe owes its civilization to translators. » (Louis G. Kelly, The true interpreter : a history of translation ; theory and practice in the West, Oxford : Blackwell, 1979, p. 1 ; « [l]’Europe de l’Ouest doit sa civilisation à des traducteurs. ») Sauf indication contraire, les traductions proposées dans ce livre sont personnelles. Sur ce point, voir également Europe et traduction /textes réunis par Michel Ballard, Arras : Artois Presses Université ; [Ottawa, Ont.] : Presses de l’université d’Ottawa, 1998. Pour une entrée en matière sur l’apport de la traduction au plan du développement des langues et littératures, voir Jörn Albrecht, « Bedeutung der Übersetzung für die Entwicklung der Kultursprachen », p. 1088-1108 in Übersetzung – Translation – Traduction : ein internationales Handbuch zur Übersetzungsforschung… / herausgegeben von Harald Kittel [et al.], Berlin ; New York : de Gruyter, tome 2, 2007, ainsi que La Traduction dans le développement des littératures − Translation in the development of literatures / responsables de la publication, José Lambert et André Lefevere, Bern [et al.] : Lang ; Leuven : Leuven University Press, 1993.
6 Cette formulation indique tout d’abord le contexte de la présente étude. Elle n’exclut aucunement d’autres époques ni d’autres régions du monde. Des exemples particulièrement intéressants sont les poètes-traducteurs brésiliens du mouvement d’Antropofagia autour de Oswald de Andrade et de Augusto et Haroldo de Campos. Sur Haroldo de Campos (qui a décrit la traduction en des termes suggestifs comme « transcréation », « transtextualisation » ou encore « réimagination »), voir notamment Else Ribeiro Pires Vieira, « Liberating Calibans : readings of Antropofagia and Haroldo de Campos’poetics of transcreation », p. 95-113 in Post-colonial translation : theory and practice / edited by Susan Bassnett and Harish Trivedi, London [et al.] : Routledge, 1999.
7 Voir Hilary Brown et Duncan Large, « Swansea Author-Translator Conference 2010 », en ligne, <http://www.author-translator.net/index.html> (consulté le 5 novembre 2012). Dans l’appel à contribution pour la conférence, les organisateurs avaient écrit : « This conference focuses on acts of translation by creative writers. Literary scholarship has tended to overlook this aspect of an author’s output, yet since the time of Cicero, authors across Europe have been engaged not only in composing their own works but in rendering texts from one language into another. Indeed, many of Europe’s greatest writers have devoted time to translation – from Chaucer to Heaney, from Diderot and Goethe to Seferis and Pasternak – and have produced some remarkable texts. » Hilary Brown et Duncan Large, « The author-translator in the European tradition », cité d’après <http://www.fabula.org/actualites/article33101.php> (consulté le 5 novembre 2012). (« Ce colloque se concentre sur des actes de traduction par des écrivains. Les recherches littéraires ont eu tendance à négliger cet aspect de la production d’un auteur, alors que, depuis l’époque de Cicéron, des auteurs à travers l’Europe s’occupent non seulement à écrire leurs propres œuvres mais également à traduire. En effet, beaucoup d’écrivains qui sont parmi les plus grands d’Europe ont consacré du temps à la traduction – de Chaucer à Heaney, de Diderot et Goethe à Seferis et Pasternak –, et ils ont créé des textes remarquables. »)
8 Louise Ladouceur et Sathya Rao, « La traduction à l’épreuve de l’écriture. Trajectoires d’écrivains-traducteurs ». Cité d’après <http://www.fabula.org/actualites/article39096.php> (consulté le 5 novembre 2012). La parution du numéro spécial est annoncée pour 2013.
9 Pour un résumé clair et concis des développements récents, voir notamment Mary Snell-Hornby, The turns of translation studies : new paradigms or shifting viewpoints ?, Amsterdam ; Philadelphia, PA : J. Benjamins, 2006. Les théories traductologiques contemporaines sont également résumées par Radegundis Stolze, Übersetzungstheorien : eine Einführung, 5., überarbeitete und erweiterte Auflage, Tübingen : G. Narr, 2008. Pour des mises en perspective historiques, voir Jörn Albrecht, Literarische Übersetzung : Geschichte, Theorie, kulturelle Wirkung, Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1998, et Michel Ballard, De Cicéron à Benjamin : traducteurs, traductions, réflexions, 3e édition, [Villeneuve-d’Ascq] : Presses universitaires du Septentrion, 2007. Enfin, les textes classiques de la réflexion sur la traduction sont rassemblés in Hans Joachim Störig, Das Problem des Übersetzens, Darmstadt : Wissenschaftliche Buchgesellschaft, 1973. Cette anthologie très influente se complète utilement, notamment pour des textes plus récents, par The Translation Studies Reader/edited by Lawrence Venuti, London ; New York : Routledge, 2000.
10 Salman Rushdie, Imaginary Homelands, London : Granta, 1991, p. 17. (« On suppose généralement que quelque chose est toujours perdu en traduction ; moi, je me raccroche, obstinément, à l’idée qu’il y a aussi quelque chose à gagner. »)
11 Antoine Berman, Pour une critique des traductions : John Donne, [Paris] : Gallimard, 1995, p. 42. (Berman souligne). Dans une note en bas de page de ce passage, Berman rappelle aussi l’historicité de cette manière de concevoir le rapport entre texte original et texte traduit : « Georges Mounin ouvre ses Belles infidèles par : “Tous les arguments contre la traduction se résument en un seul : elle n’est pas l’original” (Cahiers du Sud, 1955, p. 7). L’évidence de cette phrase commence à être ébranlée lorsque l’on se rappelle que le concept même d’“original” date seulement du XVIe siècle, et qu’il appartient à l’essence la plus intime de l’“original” de pouvoir, et devoir, être traduit. Si la traduction n’est pas l’original, elle n’est pas extérieure à celui-ci : elle en est une métamorphose. » (Ibid.). Outre le renvoi au livre classique de Georges Mounin, on reconnaîtra également celui à un célèbre essai de Walter Benjamin, auquel Berman a consacré une étude détaillée (Antoine Berman, « La tâche du traducteur » de Walter Benjamin : un commentaire / texte établi par Isabelle Berman…, Saint-Denis : Presses universitaires de Vincennes, 2008).
12 Voir notamment, Gideon Toury, « Translations as facts of a “target” culture », p. 21-39 in Id., Descriptive translation studies and beyond, Amsterdam ; Philadelphia, PA : J. Benjamins, 1995. Toury a d’abord marqué la recherche traductologique par son In search of a theory of translation (Tel Aviv : The Porter Institute for Poetics and Semiotics, Tel Aviv University, 1980).
13 Voir Itamar Even-Zohar, « The position of translated literature within the literary polysystem », p. 117-128 in Literature and translation : new perspectives in literary studies / edited by James S. Holmes, José Lambert and Raymond van den Broeck, Leuven : Acco, 1978. Des extraits de ce texte (tout comme des extraits de Descriptive translation studies and beyond) sont reproduits in The Translation Studies Reader / edited by Lawrence Venuti, op. cit.
14 Voir Gideon Toury, « The nature and role of norms in translation », p. 53-69, et « Beyond descriptive studies : towards laws of translational behaviour », p. 259-280 in Id., Descriptive translation studies and beyond, op. cit.
15 Antoine Berman, Pour une critique des traductions, op. cit., p. 55.
16 Ibid., p. 16. Pour le sens que Berman donne à ces notions, voir ibid., p. 73-83.
17 Alors que chez Toury et d’autres chercheurs qui s’inspirent d’une approche « descriptive », l’orientation du côté de la réception est la base théorique du travail, l’orientation de Berman vers le texte traduit est d’abord d’ordre méthodologique. Dans les différentes étapes de l’analyse d’une traduction qu’il propose, Berman souligne l’importance de se concentrer d’abord sur le seul texte traduit : « Telle est, telle sera la posture de base de l’acte critique : suspendre tout jugement hâtif, et s’engager dans un long, patient travail de lecture et de relecture de la traduction ou des traductions, en laissant entièrement de côté l’original. […] Laisser l’original, résister à la compulsion de comparaison, c’est là un point sur lequel on ne saurait trop insister. Car seule cette lecture de la traduction permet de pressentir si le texte traduit “tient”. » (Antoine Berman, Pour une critique des traductions, op. cit., p. 65 ; Berman souligne). Par la suite de l’analyse, Berman propose bien de revenir vers l’original et de travailler sur la comparaison : néanmoins, la concentration initiale sur le texte traduit pose ce texte sur un pied d’égalité avec le texte original : le texte traduit est donc libéré de son attache avec l’original, ce qui rend possible sa mise en rapport avec d’autres textes (et notamment d’autres textes « originaux » d’un écrivain-traducteur comme Bonnefoy ou Celan).
18 La formulation fait écho au titre de l’étude de Lawrence Venuti, The translator’s invisibility : a history of translation, 2nd edition, London ; New York : Routledge, 2008.
19 Henri Meschonnic, « Poétique de la traduction », p. 303-454 in Id., Pour la poétique II : Épistémologie de l’écriture ; Poétique de la traduction, [Paris] : Gallimard, 1973 (ici p. 353).
20 Voir notamment Jean Boase-Beier et Michael Holman (eds.), The practices of literary translation : constraints and creativity, Manchester : St. Jerome, 1999, et Eugenia Loffredo et Manuela Perteghella (eds.), Translation and creativity : perspectives on creative writing and translation studies, London ; New York : Continuum, 2006.
21 « Avec la “méthode” ou la “forme” créée par Meschonnic cesse l’incognito du traducteur infidèle et manipulateur. On ne saurait trop célébrer l’importance de l’événement. » (Antoine Berman, Pour une critique des traductions, op. cit., p. 48).
22 Henri Meschonnic, Pour la poétique II, op. cit., p. 307-308.
23 Pour une illustration récente de cette difficulté, voir l’intervention de Susan Bassnett lors de la conférence sur l’auteur-traducteur à Swansea. Bassnett, traductologue qui a beaucoup contribué à l’essor récent de la discipline (voir notamment son Translation Studies [1980], 3rd edition, London [et al.] : Routledge, 2002), mais également poétesse, réfléchit dans sa contribution à l’apport de la traduction à son propre œuvre poétique. En même temps, dans la discussion qui suit son exposé, Bassnett souligne qu’elle considère que, pour l’instant, la traductologie ne dispose pas des outils théoriques et méthodologiques nécessaires pour étudier l’apport de la traduction sur l’œuvre « propre » d’un écrivain. Un enregistrement vidéo de l’intervention est disponible en ligne, <http://www.author-translator.net/videos.html> (consulté le 5 novembre 2012). Pour d’autres écrivains-traducteurs s’exprimant sur la manière dont ils conçoivent les liens entre les différents volets de leur œuvre, voir, par exemple, les actes des Assises de la traduction littéraire en Arles en 2008, qui attestent également l’essor récent de l’intérêt pour ces questions : « Traduire, écrire : table ronde animée par Nathalie Crom, avec Silvia Baron-Supervielle, Florence Delay, Claire Malroux », p. 33-57 in Vingt-cinquièmes assises de la traduction littéraire (Arles, 2008), Arles : ATLAS ; Actes Sud, 2009, et « Traduire / écrire : rencontre animée par Natalie Levisalles, avec Agnès Desarthe, Mathias Enard, Rosie Pinhas-Delpuech, Cathy Ytak », p. 143-174 in ibid.
24 Friedrich Beissner, Hölderlins Übersetzungen aus dem Griechischen, Borna-Leipzig : Noske, 1933, p. 1.
25 Christine Lombez, Philippe Jaccottet poète et traducteur, Thèse : Lettres : Université de Rouen-Haute Normandie : 1998, p. 9-10.
26 Ibid., p. 9. Nous soulignons.
27 Ibid., p. 10-11. Nous soulignons.
28 Voir notamment le chapitre « Écriture, traduction, intertextualité chez Ph. Jaccottet », p. 326-376 in ibid.
29 Christine Lombez, Transactions secrètes : Philippe Jaccottet poète et traducteur de Rilke et Hölderlin, Arras : Artois Presses Université, 2003, p. 9.
30 Ibid., p. 11. En ce qui concerne Jaccottet, voir également la conférence de Jean-Louis Backès, « Philippe Jaccottet, poète et traducteur », p. 81-95 in Vingt et unièmes assises de la traduction littéraire (Arles 2004), Arles : Atlas ; Actes Sud, 2005.
31 Leonard Moore Olschner, Der feste Buchstab : Erläuterungen zu Paul Celans Gedichtübertragungen, Göttingen : Vandenhoek & Ruprecht, 1985.
32 A. O. Davis, « [Review of] Leonard M. Olschner, Der feste Buchstab. Erläuterungen zu Paul Celans Gedichtübertragungen », The Modern Language Review, vol. 81 (1986), p. 1046-1047 (ici p. 1046).
33 Ibid., p. 1047.
34 Les documents non publiés dont il est question dans le présent ouvrage sont reproduits dans les appendices.
35 Voir l’article de Bonnefoy intitulé « Paul Celan », Revue de Belles Lettres, no 2-3, 1972, p. 91-95, republié in La vérité de parole : et autres essais, [Paris] : Gallimard, 1995, p. 545-552. Pour une présentation détaillée de l’affaire Goll, voir Paul Celan – Die Goll-Affäre : Dokumente zu einer “Infamie” / zusammengestellt, herausgegeben und kommentiert von Barbara Wiedeman, Frankfurt am Main : Suhrkamp, 2000.
36 Pour le rôle de L’Éphémère dans la vie intellectuelle française, voir Alain Mascarou, Les Cahiers de « L’Éphémère » 1967-1972 : tracés interrompus, Paris : L’Harmattan, 1998, ainsi que Gabriele Bruckschlegel, L’Éphémère : eine französische Literaturzeitschrift und ihr poetisches Credo, Wilhelmsfeld : G. Egert, 1990. Pour les traductions de Celan de textes écrits par deux autres éditeurs de L’Éphémère, voir Sieghild Bogumil, « “Ortswechsel bei Substanzen” : Paul Celan als Übersetzer von André du Bouchet und Jacques Dupin », p. 163-192 in Stationen : Kontinuität und Entwicklung in Paul Celans Übersetzungswerk / hg. v. Jürgen Lehmann und Christine Ivanović, Heidelberg : Winter, 1997, et surtout Wiebke Amthor, Schneegespräche an gastlichen Tischen : wechselseitiges Übersetzen bei Paul Celan und André du Bouchet, Heidelberg : Winter, 2006.
37 « La traduction de la poésie », in Entretiens sur la poésie : 1972-1990, Paris : Mercure de France, 1990, p. 156.
38 Yves Bonnefoy, « Avant-propos », p. 7-15 in Id., La communauté des traducteurs, Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 2000 (ici, p. 7-8).
39 La communauté des traducteurs, op. cit., p. 19.
40 Dans le présent ouvrage, nous employons le terme « traductologie » comme désignation de toute recherche systématique sur l’histoire et la théorie de la traduction.
41 Parmi la très abondante littérature critique sur les œuvres de Bonnefoy et de Celan, les travaux de Jérôme Thélot, Michèle Finck, John Jackson et Dominique Combe, ainsi que ceux de Peter Szondi, Jean Bollack, Jürgen Wertheimer et Werner Wögerbauer nous furent particulièrement utiles pour l’élaboration du présent ouvrage.
42 Peter Szondi, « Poetry of constancy. Poetik der Beständigkeit : Celans Übertragungen von Shakespeares Sonett 105 », p. 13-45 in Id., Celan-Studien, Frankfurt am Main : Suhrkamp, 1972 (réimprimé p. 321-344 in Id., Schriften II, Frankfurt am Main : Suhrkamp, 1978). Une traduction française de ce texte fondamental a paru en 1982 : Peter Szondi, « Poésie et poétique de la constance : sur la traduction allemande de Paul Celan du sonnet 105 de Shakespeare », p. 145-164 in Id., Poésies et poétiques de la modernité : traduction française de textes de Peter Szondi sur Mallarmé, Paul Celan, Walter Benjamin, Bertolt Brecht / édité par Mayotte Bollack, Lille : Presses universitaires de Lille, 1982.
43 Outre Pour la poétique II et Poétique du traduire (Lagrasse : Verdier, 1999) de Meschonnic et Pour une critique des traductions de Berman, on ajoutera quelques autres ouvrages des mêmes auteurs : pour le contexte de la pensée traductologique d’Henri Meschonnic, voir H. M., Pour la poétique, [Paris] : Gallimard, 1970, et Id., Critique du rythme : anthropologie historique du langage, [Lagrasse] : Verdier, 1982, les positions meschonniciennes sur la notion de rythme étant exposées de manière plus didactique in Gérard Dessons et Henri Meschonnic, Traité du rythme : des vers et des proses, Paris : Dunod, 1998. Pour la suite de Poétique du traduire, enfin, voir H. M., Éthique et politique du traduire, Lagrasse : Verdier, 2007. Pour les sources de la pensée d’Antoine Berman – hormis les travaux de Meschonnic – voir surtout ses études sur le romantisme allemand et sur Walter Benjamin : A. B., L’épreuve de l’étranger : culture et traduction dans l’Allemagne romantique, [Paris] : Gallimard, 1984, et Id., « La tâche du traducteur » de Walter Benjamin : un commentaire, op. cit.
44 Voir Ton Hoenselaars, « ESRA Announcement », en ligne, <http://www.um.es/shakespeare/esra/> (consulté le 5 novembre 2012). Parmi ces travaux, on citera notamment trois volumes collectifs : A. Luis Pujante, Ton Hoenselaars (eds.), Four Hundred Years of Shakespeare in Europe, Newark, DE ; London : University of Delaware Press, 2003 ; Ton Hoenselaars (ed.), Shakespeare and the language of translation, London : Arden Shakespeare, 2004 ; Rui Carvalho Homem, Ton Hoenselaars (eds.), Translating Shakespeare for the twenty-first century, Amsterdam [et al.] : Rodopi, 2004.
45 Voir plus loin dans cette introduction, la section sur la réception de Shakespeare en France et en Allemagne.
46 Par ailleurs, une étude qui analyse Bonnefoy et Celan ensemble sous une perspective différente, mais par un critique qui a également beaucoup réfléchi sur le rapport des deux poètes à Shakespeare, est l’étude de John E. Jackson, La Question du moi : un aspect de la modernité poétique européenne : T. S. Eliot, Paul Celan, Yves Bonnefoy, Neuchâtel : À la Baconnière, 1978. Voir également Id., « Bonnefoy et Celan », p. 413-422 in Yves Bonnefoy et l’Europe du XXe siècle/textes réunis par Michèle Finck…, Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 2003.
47 Voir notamment deux textes de Mary Ann Caws : « Bonnefoy translates Yeats », Dalhousie French Studies, no 60, fall 2002, p. 53-57, et « Bonnefoy traduit Yeats », p. 423-430 in Yves Bonnefoy et l’Europe du XXe siècle, op. cit. Voir également Michael Edwards, « Yeats dans la traduction d’Yves Bonnefoy », Critique, no 535, décembre 1991, p. 915-930, Jacqueline Risset, « Le dialogue circulaire : Bonnefoy, traducteur de Yeats », p. 161-171 in La Traduction-poésie : à Antoine Berman / sous la direction de Martine Broda, Strasbourg : Presses universitaires de Strasbourg, 1999, et Michèle Finck, « Bonnefoy et Yeats : “The Lake of Innisfree” et la musique de paysage », p. 255-287 in Yves Bonnefoy et le XIXe siècle. Vocation et filiation / textes réunis par Daniel Lançon, Tours : Université François-Rabelais de Tours, 2001.
48 Michael Edwards, « Bonnefoy et Keats », p. 237-253 in Yves Bonnefoy et le XIXe siècle : vocation et filiation, op. cit.
49 Michèle Finck, « Bonnefoy et T. S. Eliot », Europe, no 890-891, juin-juillet 2003, p. 189-202.
50 Carlo Ossola, « Bonnefoy et Leopardi », p. 289-309 in Yves Bonnefoy et le XIXe siècle. Vocation et filiation, op. cit. ; Fabio Scotto, « Le son de l’autre : théorie et pratique de la traduction d’Yves Bonnefoy », p. 73-89 in Yves Bonnefoy : poésie, recherche et savoirs / actes du colloque de Cerisy-la-Salle publiés sous la direction de Daniel Lançon et Patrick Née…, Paris : Hermann, 2007 ; Id., « Bonnefoy traducteur de Leopardi et de Pétrarque », Littérature, no 150, juin 2008, p. 70-82 ; Antonio Prete, « Bonnefoy en dialogue avec Leopardi », p. 392-334 in Yves Bonnefoy : écrits récents (2000-2009) / actes du colloque réuni à l’Université de Zurich par Patrick Labarthe et Odile Bombarde…, Genève : Slatkine Érudition, 2011 ; Dagmar Wieser, « Poésie et mémoire : Yves Bonnefoy traducteur et exégète de Giacomo Leopardi », p. 309-328 in Yves Bonnefoy : écrits récents (2000-2009), op. cit.
51 La thèse de doctorat de Yoo-Jeung Kim, par exemple, dirigée par Henri Meschonnic, se concentre sur l’analyse micro-stylistique des traductions des Sonnets par Bonnefoy publiées dans les années 1990 (Yoo-Jeung Kim, La poétique et la théorie du langage d’Yves Bonnefoy, traducteur, Thèse : Littérature française : Paris 8 : 2002).
52 Pierre Brunel, « Traduire Shakespeare », Magazine littéraire, no 421, juin 2003, p. 60-62 ; André Green, « Le rêve de Cléopâtre », ibid., p. 62-64. Pour un texte encore plus bref, voir Jean Roudaut, « Bonnefoy, “une grande présence inépuisable” [Shakespeare] », Magazine littéraire, no 393, décembre 2000, p. 62.
53 John E. Jackson, « Traduire », p. 87-95 in Yves Bonnefoy / présentation par John E. Jackson ; choix de textes de Yves Bonnefoy, Paris : Seghers, 2002 ; Id., « Sous le signe de Mercutio : Bonnefoy et Shakespeare », Europe, no 890-891, juin-juillet 2003, p. 165-171 ; Id., « Conte d’hiver et compte de vie : Bonnefoy et Shakespeare », p. 49-77 in Yves Bonnefoy, Goya, Baudelaire et la poésie, Genève : La Dogana, 2004.
54 James R. Lawler, « Bonnefoy lecteur de Shakespeare », Critique, no 665, octobre 2002, p. 782-794.
55 Voir notamment Robert W. Greene, « Ever faithful to presence : Bonnefoy on Delacroix’s “Hamlet” and on Shakespeare », The French Review, vol. 74, no 3, février 2001, p. 506-517, et Roberto Mussapi, « Shakespeare, Rome, Douve : Bonnefoy et le visage du monde », p. 55-61 in Yves Bonnefoy et l’Europe du XXe siècle, op. cit.
56 Graham Dunstan Martin, « Bonnefoy’s Shakespeare translations », World Literature Today (Norman, OK), no 53, summer 1979, p. 465-470 ; Romy Heylen, « Translation as allegory : Yves Bonnefoy’s La Tragédie d’Hamlet », Comparative Literature Studies, vol. 29, no 4, 1992, p. 339-356. L’analyse de Romy Heylen, qui emprunte la figure centrale de la traduction comme « allégorie » à Walter Benjamin, est reprise sous le titre de « Yves Bonnefoy’s La tragédie d’Hamlet : an allegorical translation », p. 92-121 in Romy Heylen, Translation, poetics, and the stage : six French Hamlets, London ; New York : Routledge, 1993.
57 Littérature, no 150 (juin 2008). Cet ouvrage comporte notamment un article de Michael Edwards sur « Yves Bonnefoy et les Sonnets de Shakespeare », p. 25-39, ainsi qu’un texte sur l’intérêt récent de Bonnefoy pour les figures féminines dans l’œuvre de Shakespeare (Pascale Drouet, « “Elle prend vie, elle va parler” : Shakespeare et Bonnefoy à l’écoute des voix féminines », p. 40-55).
58 Giovanni Dotoli, Yves Bonnefoy dans la fabrique de la traduction, Paris : Hermann, 2008.
59 Chouchanik Thamrazian, Le rêve d’Yves Bonnefoy : une poétique de la traduction, Thèse : Littérature française : Montpellier 3 : 2006. Voir aussi Id., « La traduction littéraire : dans le leurre des mots », p. 228-234 in Yves Bonnefoy/cahier dirigé par Odile Bombarde et Jean-Paul Avice, Paris : Éditions de l’Herne, 2010.
60 Stéphanie Roesler, Yves Bonnefoy et Hamlet, Thèse : Université McGill : Département de langue et littérature françaises : 2009. Disponible en ligne : <http://digitool.library.mcgill.ca/R/-?func=dbin-jump-full&object_id=86507> (consulté le 5 novembre 2012). Voir également Id., « Au-delà les figures, les êtres : Shakespeare et Yeats traduits par Yves Bonnefoy », TTR 19.1 (2006), p. 97-121.
61 Voir notamment Henriette Michaud, « L’accent de Shakespeare », p. 223-227 in Yves Bonnefoy / cahier [de l’Herne] dirigé par Odile Bombarde et Jean-Paul Avice, op. cit.
62 Sara Amadori, Yves Bonnefoy traduttore di Shakespeare : il poeta e la prova del dialogo, Thèse : Università di Bologna : 2011. Malheureusement, nous n’avons pu consulter cette thèse avant l’achèvement de notre manuscrit ni, évidemment, dans le cadre de notre thèse de doctorat. Un résumé en langue française, disponsible en ligne, permet pourtant de se faire une idée de ce travail, dont certains résultats paraissent compléter de manière utile l’argumentation du présent ouvrage, notamment en ce qui concerne le lien étroit entre les différents volets de la réception de Shakespeare par Yves Bonnefoy. Voir Id., « Yves Bonnefoy et la traduction de Shakespeare : l’épreuve du dialogue », Ricerche Dottorali in Francesistica 16, décembre 2011. En ligne, <http://www.publifarum.farum.it/ezine_articles.php?art_id=218> (consulté le 5 novembre 2012). Voir également Id., « “L’arrière-pays” shakespearien dans l’œuvre d’Yves Bonnefoy », Shakespeare en devenir (Les Cahiers de la Licorne), no 4 (2010). En ligne, <http://shakespeare.edel.univ-poitiers.fr/index.php?id=395> (consulté le 5 novembre 2012).
63 Pour une présentation détaillée des recherches sur Celan traducteur de Shakespeare, voir également Ludwig Lehnen, « George und Celan als Übersetzer Shakespeares », p. 273-300 in Celan-Jahrbuch 9 (2003-2005)/hg. v. Hans-Michael Speier, Heidelberg : Winter, 2007 (ici p. 275-283). Cette présentation peut se compléter par celle de Markus May, même si l’accent de son travail est différent : Markus May, « “Mit wechselndem Schlüssel” : Celan als “Klassiker der Übersetzung” : ein forschungsgeschichtlicher Rückblick », p. 28-57 in Id., « Ein Klaffen, das mich sichtbar macht » : Untersuchungen zu Paul Celans Übersetzungen amerikanischer Lyrik, Heidelberg : Winter, 2004.
64 Leonard Moore Olschner, Der feste Buchstab : Erläuterungen zu Paul Celans Gedichtübertragungen, op. cit.
65 « Fremde Nähe » : Celan als Übersetzer / herausgegeben von Axel Gellhaus…, Marbach : Deutsche Schillergesellschaft, 1997. Voir également Jürgen Lehmann ; Christine Ivanović (éd.), Stationen : Kontinuität und Entwicklung in Paul Celans Übersetzungswerk, Heidelberg : C. Winter, 1997.
66 Markus May, « Ein Klaffen, das mich sichtbar macht » : Untersuchungen zu Paul Celans Übersetzungen amerikanischer Lyrik, op. cit.
67 Ute Harbusch, Gegenübersetzungen : Paul Celans Übertragungen französischer Symbolisten, Göttingen : Wallstein, 2005. Pour des travaux sur les traductions celaniennes du français voir également Wiebke Amthor, Schneegespräche an gastlichen Tischen : wechselseitiges Übersetzen bei Paul Celan und André du Bouchet, op. cit., et Florence Pennone, Paul Celans Übersetzungspoetik : Entwicklungslinien in seinen Übertragungen französischer Lyrik, Tübingen : Niemeyer, 2007.
68 Alexis Nouss, Paul Celan : les lieux d’un déplacement, [Lormont (Gironde)] : Le Bord de l’Eau, 2010.
69 Peter Szondi, « Poetry of constancy. Poetik der Beständigkeit : Celans Übertragungen von Shakespeares Sonett 105 », art. cit. Ce texte tout à fait central a inspiré un grand nombre de travaux ultérieurs. Voir notamment Elizabeth Petuchowski, « A new examination of Paul Celan’s translation of Shakespeare’s Sonnet 105 », Jahrbuch der Deutschen Shakespeare-Gesellschaft West, 1985, p. 146-152, et Andreas Wittbrodt, « Metadiskursivität ? : Paul Celans Übersetzung von William Shakespeares “Sonnets” und deren Rezeption durch Peter Szondi », Literatur für Leser, no 4, 1996, p. 283-307. L’importance de Szondi est grande également pour l’orientation de la thèse de doctorat de Caroline Dobson, Paul Celan’s practice as poet and translator, D. Phil. Thesis : Faculty of Medieval and Modern Languages : University of Oxford : 1988.
70 Rainer Lengeler, « Shakespeares Sonette in Celans Übertragung », Shakespeare-Jahrbuch West, 1985, p. 132-145 ; Id., Shakespeares Sonette in deutscher Übersetzung : Stefan George und Paul Celan, Opladen : Westdeutscher Verlag, 1989. Lengeler est également l’un des rares critiques à avoir analysé de près les premières traductions des sonnets par Celan datant des années 1940, même si c’est surtout dans une optique qui cherche à montrer la supériorité des traductions des années 1960 (Rainer Lengeler, « Über die Schulter geschaut : Celan und Shakespeares Sonett 116 », p. 121-134 in Celan-Jahrbuch 3 / hg. v. Hans-Michael Speier, Heidelberg : Winter, 1989.
71 Wolfgang Kaußen, « “Ich verantworte Ich widerstehe Ich verweigere” : Celans Shakespeare », p. 49-92 in William Shakespeare, Einundzwanzig Sonette/deutsch von Paul Celan ; erweiterte Neuausgabe, Frankfurt am Main : Insel, 2001.
72 Ludwig Lehnen, « George und Celan als Übersetzer Shakespeares », art. cit.
73 Paul Celan – Die Goll-Affäre, op. cit.
74 Parmi les critiques qui insistent sur le rapport extrêmement étroit et difficile à la langue maternelle ainsi qu’à d’autres langues, voir notamment, pour la biographie : Israel Chalfen, Paul Celan : eine Biographie seiner Jugend, Frankfurt am Main : Suhrkamp, 1983 ; Wolfgang Emmerich, « Muttersprache – Mördersprache. Die Jahre 1941-1945 », p. 49-56 in Id., Paul Celan, Reinbek b. Hamburg : Rowohlt, 1999 ; John Felstiner, « Loss and the mother tongue (1920-1943) », p. 3-21 in Id., Paul Celan : poet, survivor, Jew, New Haven, CT ; London : Yale University Press, 1995. Pour des analyses de textes, voir Leonard Moore Olschner, « Sprachen und Muttersprache », p. 34-46 in Id., Der feste Buchstab : Erläuterungen zu Paul Celans Gedichtübertragungen, op. cit., et Theo Buck, Muttersprache, Mördersprache, Aachen : Rimbaud, 1993. Voir également les Marbacher Kataloge sur l’œuvre traductive de Celan ainsi que sur la jeunesse du poète : « Fremde Nähe » : Celan als Übersetzer, op. cit., et Paul’ Celan, Paul’ Ančel’ v Černivcjach – Paul Antschel, Paul Celan in Czernowitz / bearbeitet von Axel Gellhaus, Marbach : Deutsche Schillergesellschaft, 2000.
Enfin, pour un article qui étudie les deux poètes au centre de la présente thèse (et qui souligne un certain nombre de points qui sont également relevés ici), voir John E. Jackson, « Bonnefoy et Celan », p. 413-422 in Yves Bonnefoy et l’Europe du XXe siècle, op. cit.
75 Voir la chronologie in Paul’ Celan, Paul’ Ančel’ v Černivcjach – Paul Antschel, Paul Celan in Czernowitz, op. cit., p. 3-5.
76 Israel Chalfen, Paul Celan, op. cit., p. 71 : « Um […] auch bei der englischen Literatur nicht mehr auf Übersetzungen angewiesen zu sein, begann Paul [Celan] im Winter 1937/38 – in seinem letzten Schuljahr also – noch damit, die Sprache Shakespeares zu lernen. » (« Afin de ne plus avoir besoin de traductions pour la littérature anglaise, Paul [Celan] commença, dans l’hiver 1937/38 encore – et donc lors de sa dernière année de lycée – d’apprendre la langue de Shakespeare. »)
77 Voir Paul Celan : traduction, réception, interprétation / [textes issus d’une journée d’étude tenue à l’université François-Rabelais de Tours en 2003] ; suivi de Paul Antschel à Tours (1938-1939) / documents [et] textes réunis par Bernard Banoun et Jessica Wilker, Tours : Presses universitaires François-Rabelais, 2006.
78 Paul’ Celan, Paul’ Ančel’ v Černivcjach – Paul Antschel, Paul Celan in Czernowitz, op. cit., p. 5 : « Paul Celan schreibt sich an der Universität Czernowitz für Romanistik ein und beginnt ein offenbar sehr intensives Studium. » (« Paul Celan s’inscrit en Romanistik à l’Université de Czernowitz et commence des études apparemment très sérieuses. »)
79 Mikhail Lermontov, Un erou al timpului nostru, Bucureşti : Cartea Rusa, 1946 ; Anton Tchekhov, Taranii, Bucureşti : Cartea Rusa, 1946 ; Constantin Simonov, Chestiunea Rusa, Bucureşti : Cartea Rusa, 1947. Pour des informations concises sur ces traductions, voir « Fremde Nähe » : Celan als Übersetzer, op. cit., p. 61-65 ; pour une étude, voir Barbara Wiedemann, « Grischas Apfel und bitteres Staunen : Paul Celans Übertragungen ins Rumänische », p. 139-163 in Celan-Jahrbuch 4 (1991) / hg. v. Hans-Michael Speier, Heidelberg : Winter, 1992. Pour les traductions du russe en général, voir les chapitres de Christine Ivanović in « Fremde Nähe » : Celan als Übersetzer, op. cit., p. 287-378. Voir également Christine Ivanović, Das Gedicht im Geheimnis der Begegnung : Dichtung und Poetik Celans im Kontext seiner russischen Lektüren, Tübingen : Niemeyer, 1996, ainsi que « Kyrillisches, Freunde, auch das… » : die russische Bibliothek Paul Celans im Deutschen Literaturarchiv Marbach / aufgezeichnet, beschrieben u. kommentiert von Christine Ivanović, Marbach : Deutsche Schillergesellschaft, 1996.
80 Il ne faut pas négliger d’autres dimensions des débuts de Celan traducteur, en particulier la dimension économique. Cela vaut surtout pour les traductions du russe en roumain, puisque c’est entre autres grâce à elles que Celan gagne sa vie lors de son séjour à Bucarest au milieu des années 1940.
81 Theo Buck, Muttersprache, Mördersprache, op. cit.
82 Ouvrage très souvent réédité. Par exemple, Victor Klemperer, LTI : Notizbuch eines Philologen, 22. Auflage, Stuttgart : Reclam, 2007. Le sigle LTI désigne la lingua tertii imperii, la « langue du IIIe Reich ».
83 C’est le titre d’une section (« Une référence unique », p. 109-110) dans l’ouvrage de Jean Bollack, L’écrit : une poétique dans l’œuvre de Celan, Paris : Presses universitaires de France, 2003. Bollack y affirme notamment : « Considérer primordialement, sinon exclusivement, les crimes nazis de la dernière guerre comme la référence de la composition artistique, c’était choisir d’en faire un absolu, un en soi pour soi. Celan […] s’y réfère, au cœur de sa langue. » (p. 109).
84 Pour la littérature allemande contemporaine, voir Carmine Chiellino (éd.), Interkulturelle Literatur in Deutschland : ein Handbuch, Stuttgart : Metzler, 2007.
85 Voir KGA, p. 526-527 et p. 973. Il existe toutefois un nombre considérable de poèmes portant des titres français, dont notamment « Matière de Bretagne » (TCA / SG, p. 48-49 ; voir également le fac-similé in ibid., p. 130), « À la pointe acérée » (TCA / NR, p. 76-78 ; voir également le fac-similé in ibid., p. 160) et « Haut mal » (TCA / FS, p. 207) ou encore des poèmes dont le titre évoque des lieux français comme « La Contrescarpe » (TCA / NR, p. 128-131) ou « Hendaye » (TCA / FS, p. 26-27 ; voir également le fac-similé in ibid., p. 233).
86 C’est le titre de la thèse de doctorat de Werner Wögerbauer, La réfection du langage poétique dans l’œuvre de Paul Celan, Thèse : Études germaniques : Paris 4 : 1993.
87 La première étude approfondie de la dimension politique de l’œuvre celanienne est la thèse de doctorat de Marlies Janz, Vom Engagement absoluter Poesie : zur Lyrik und Ästhetik Paul Celans, Frankfurt am Main : Syndikat, 1976. Sur ce point, voir également Martine Broda, « Paul Celan, la politique d’un poète après Auschwitz », p. 215-227 in La politique des poètes : pourquoi des poètes en temps de détresse ? / sous la direction de Jacques Rancière, Paris : Albin Michel, 1992.
88 Paul Celan, Mikrolithen sinds, Steinchen : die Prosa aus dem Nachlaß / herausgegeben und kommentiert von Barbara Wiedemann und Bertrand Badiou, Frankfurt am Main : Suhrkamp, 2005, p. 28. Ce sont les éditeurs de Mikrolithen qui établissent le rapport à l’antisémitisme en affirmant que, par « Gesamtdeutsch », Celan désignerait « vielleicht weniger Äußerungen aus Ost-und Westdeutschland als vielmehr antisemitische Angriffe von rechts und von links » (ibid., p. 326-327 ; « peut-être moins des déclarations provenant d’Allemagne de l’Est ou d’Allemagne de l’Ouest, mais plutôt des attaques antisémites de la droite et de la gauche politiques »).
89 Voir surtout le chapitre en question du catalogue de l’exposition sur Yves Bonnefoy à la Bibliothèque nationale : « L’enfance, les origines », p. 25-37 in Yves Bonnefoy / catalogue de l’exposition [à la Bibliothèque nationale, Paris, du 9 octobre au 30 novembre 1992] par Florence de Lussy avec la collaboration d’Yves Bonnefoy, [Paris] : Bibliothèque nationale ; Mercure de France, 1992. Les développements qui suivent se basent également sur un cours magistral de Dominique Combe à l’Université d’Oxford, au trimestre de printemps 2009.
90 « L’enfance, les origines », art. cit., p. 25.
91 Le passage (également cité in « L’enfance, les origines », art. cit., p. 25) se trouve in Yves Bonnefoy, L’arrière-pays, [Paris] : Gallimard, 2002, p. 100-101. Un peu plus loin, et après avoir évoqué des études de mathématiques et le « théorème de Weierstrass, qui tend à préciser la notion de point », le narrateur affirme : « L’obsession du point de partage entre deux régions, deux influx m’a marqué dès l’enfance et à jamais. Et certes, parce qu’il s’agissait d’un espace mythique plus que terrestre, à l’articulation d’une transcendance » (ibid., p. 102). Ce sont des phrases très riches de sens quand il s’agit d’analyser la fonction de la traduction dans l’économie poétique de Bonnefoy – et il est intéressant de souligner une nouvelle fois qu’elles figurent dans un contexte où il n’est pas question du passage d’une culture à l’autre, mais plutôt d’une dualité à l’intérieur d’un espace français.
92 Par ailleurs, le terme « théâtre » est évocateur dans le contexte de la réception de Shakespeare.
93 « L’enfance, les origines », art. cit., p. 31.
94 « Repères biographiques », p. 17-21 in Yves Bonnefoy / catalogue de l’exposition [à la Bibliothèque Nationale], op. cit. (ici p. 17).
95 « “L’Europe, le XXe siècle, la poésie” : Michèle Finck, Daniel Lançon et Maryse Staiber s’entretiennent avec Yves Bonnefoy », p. 5-19 in Yves Bonnefoy et l’Europe du XXe siècle, op. cit. (ici p. 8).
96 Yves Bonnefoy, Ce qui alarma Paul Celan, Paris : Galilée, 2007, p. 30. Évidemment, la mise en rapport du rôle de la langue française pour le jeune Bonnefoy avec ses positions poétiques ne doit pas être comprise comme un argument causal : c’est tout au plus un des facteurs qui a façonné la sensibilité poétique de Bonnefoy. Par ailleurs, il convient de rappeler encore une fois que Celan aussi n’écrit des poèmes qu’en langue allemande et qu’il a affirmé, dans une phrase bien connue : « An Zweisprachigkeit in der Dichtung glaube ich nicht. […] Dichtung – das ist das schicksalhaft Einmalige der Sprache. » (« Antwort auf eine Umfrage der Librairie Flinker, Paris (1961) », GW III, p. 175). (« Le bilinguisme dans la poésie, je n’y crois pas. » ; Paul Celan, Le Méridien & autres proses : édition bilingue / traduit de l’allemand et annoté par Jean Launay, [Paris] : Seuil, 2002, p. 41).
97 Le poème « Hopkins Forest », par exemple, traduit des expériences américaines de Bonnefoy (« Hopkins Forest », p. 131-135 in Yves Bonnefoy, Ce qui fut sans lumière suivi de Début et fin de la neige et de Là où retombe la flèche, [Paris] : Gallimard, 1995). De même, dans L’arrière-pays, le narrateur évoque « les highways de l’Amérique, ses trains lents et comme sans but, les zones saccagées qu’ils ont étendues devant eux » et il continue : « M’enfonçant par le train, cette année encore, dans la Pennsylvanie de l’Ouest, sous la neige, je vis soudain, sur de tristes usines, mais dans les arbres d’une forêt démembrée, les mots contradictoires, Bethlehem Steel, et ce fut à nouveau l’espoir, mais cette fois aux dépens de la vérité de la terre » (op. cit., p. 20). Pour la dimension américaine de l’œuvre de Bonnefoy, voir Daniel Lançon, « L’expérience des États-Unis », p. 204-209 in Yves Bonnefoy / cahier [de l’Herne] dirigé par Odile Bombarde et Jean-Paul Avice, op. cit.
98 Pour une vue globale sur le développement de l’enseignement en France des deux derniers siècles, voir Pierre Albertini, L’école en France XIXe - XXe siècle, Paris : Hachette, 2000.
99 Yves Bonnefoy, L’arrière-pays, op. cit., p. 109-110. Pour l’analogie entre ces affirmations du narrateur et une description de l’enfance du poète certainement très influencée par Bonnefoy lui-même, voir « L’enfance, les origines », art. cit., p. 26 : « […] pour cet enfant […], l’école et quelques maîtres furent sources de grandes joies. L’apprentissage du latin, en particulier, langue à la structure si dense qu’elle lui donnait l’impression d’exposer l’intériorité de l’esprit, fut même parfois cause d’éblouissement, et la terre où vécut Virgile lui apparut de ce fait sous l’aspect d’un centre du monde ».
100 Cf., par exemple, ce passage : « On conduit les archéologues là où le préfet siège, entouré de ses officiers. Ils apprennent de lui qu’ils ont pénétré dans ce qui avait été là-haut, sous le ciel, un des avant-postes de l’expansion impériale, puis, quand Rome affaiblie avait renoncé à cette marche, une colonie isolée, menacée, qui n’avait trouvé son salut qu’en s’enfonçant dans la terre. Ainsi ces Latins ont-ils survécu, en Asie, à travers des siècles qu’ils ont cessé de compter. » (L’arrière-pays, op. cit., p. 40).
101 Bonnefoy évoque ces auteurs dans L’arrière-pays : le narrateur y parle (ibid, p. 114) de « Virgile [qui] évoquait des bergers quasi divins » et il cite « un vers des Fastes, d’Ovide, [… :] Amne perenne latens Anna Perenna vocor » (p. 118 ; le vers est traduit à la page 157 : « cachée dans un fleuve éternel, je m’appelle Anna Perenna »).
102 Ibid., p. 115.
103 Israel Chalfen, Paul Celan, op. cit., p. 70 : « Im “Lesekreis” aber, der bisher der Lyrik vorbehalten war, kam eine andere Neigung Paul [Celan] s zum Vorschein : er wollte Theater spielen ! Er hatte begonnen, Shakespeare in deutscher Übersetzung zu lesen, und da er dies laut tat, brauchte er wieder ein Publikum. So versuchte er es im “Lesekreis” zuerst mit verteilten Rollen, wozu er auch männliche Freunde heranzog. Da sich jedoch diese Teilnehmer als unbrauchbar erwiesen, las er selbst alle männlichen und weiblichen Rollen. » Sur ce point, voir aussi les précisions d’Edith Silbermann, une amie de jeunesse de Celan qui est à la source des affirmations de Chalfen et qui publie plus tard ses propres souvenirs de Celan (Edith Silbermann, Begegnung mit Paul Celan : Erinnerung und Interpretation, Aachen : Rimbaud, 1993 ; sur Shakespeare, voir surtout p. 44 : « Er kannte auch viele Szenen aus Shakespeares Dramen auswendig und rezitierte merkwürdigerweise mit Vorliebe den Part der Frauen, z. B. die Ophelia oder die Julia. ») Voir également Amy-Diana Colin, Edith Silbermann (éds.), Paul Celan – Edith Silbermann : Zeugnisse einer Freundschaft ; Gedichte, Briefwechsel, Erinnerungen, München [et al.] : Fink, 2010.
104 Yves Bonnefoy, « Entretien avec John Naughton à propos de Shakespeare », art. cit., p. 137.
105 « Ce qui approfondit son rapport avec la langue anglaise, ce fut tout de même en effet la poésie, celle de Donne, de Keats, plus tard de Yeats. Et en 1954 Pierre Leyris, sur la recommandation de Pierre Jean Jouve, lui avait proposé de traduire les pièces de Shakespeare pour l’édition des œuvres complètes en préparation (bilingue, avec en regard le texte, récent, du New Cambridge) – ce qu’il avait tout de suite accepté, confiant dans l’apport des diverses éditions critiques dont le New Cambridge était la plus récente. » (« Traductions », p. 177-188 in Yves Bonnefoy / catalogue de l’exposition [à la Bibliothèque Nationale] ; op. cit. [ici p. 177]).
106 Cours rassemblés in Yves Bonnefoy, Théâtre et poésie : Shakespeare et Yeats, Paris : Mercure de France, 1998.
107 « In keinem anderen Land auf dem Kontinent hat Shakespeare eine so paradigmatische Bedeutung erlangt wie in Deutschland, und kein ausländischer Dichter ist hier so sehr zum Anreger, Leitbild und Mythos geworden wie Shakespeare. » Günther Erken, « Die Rezeption in Literatur und Kultur : Deutschland », p. 635-660 in Shakespeare-Handbuch /hg. v. Ina Schabert, 4. Auflage, Stuttgart : Kröner, 2000 (ici p. 635). (« Dans aucun autre pays sur le continent, Shakespeare n’a acquis une importance si paradigmatique qu’en Allemagne, et aucun écrivain étranger n’y est devenu à ce point un stimulateur, un modèle et un mythe que Shakespeare. ») Voir aussi Id., « Die deutschen Übersetzungen », p. 832-854 in ibid. Pour une vue d’ensemble concise de la réception allemande de Shakespeare avec des indications bibliographiques, voir également Hansjürgen Blinn et Wolf Gerhard Schmidt, « Einleitung : Zur Geschichte der Shakespeare-Übersetzung in Deutschland », p. 9-14 in Id., Shakespeare-deutsch : Bibliographie der Übersetzungen und Bearbeitungen, Weimar ; Berlin : Schmidt, 2003. Voir aussi Hansjürgen Blinn, The German Shakespeare – Der deutsche Shakespeare : an annotated bibliography of the Shakespeare reception in Germanspeaking countries…, Berlin : Schmidt, 1993, ainsi que Ingeborg Boltz, « Deutsche Shakespeare-Übersetzungen im 20. Jahrhundert », p. 2468-2479 in Übersetzung – Translation – Traduction : ein internationales Handbuch zur Übersetzungsforschung / hg. v. Harald Kittel…, Berlin [et al.] : de Gruyter, tome 3, 2011.
108 Bien évidemment, il y a eu beaucoup d’autres traductions, notamment tout au long du XIXe siècle. Mais la traduction de Schlegel-Tieck reste la référence culturelle majeure, d’autant plus que des efforts ont été entrepris pour renouveler son influence au tournant des XIXe et XXe siècles. Sur ce point, voir Günther Erken, « Die deutschen Übersetzungen », art. cit., p. 845-846.
109 Pour un résumé, voir notamment Franz Loquai, « “Deutschland ist Hamlet” als Gleichung des 19. Jahrhunderts », p. 3-10 in Id., Hamlet und Deutschland : zur literarischen Shakespeare-Rezeption im 20. Jahrhundert, Stuttgart ; Weimar : Metzler, 1993.
110 Ferdinand Freiligrath, Hamlet [1844], in Gedichte / Auswahl und Nachwort von Dietrich Bode, Stuttgart : Reclam, 1975, p. 55. Cité d’après Franz Loquai, Hamlet und Deutschland, op. cit., p. 5.
111 « […] dass der deutsche Geist zuerst Shakespeares Wesen tiefer erkannte ». Cité d’après Shakespeare-Handbuch, op. cit., p. 653.
112 Voir Eckhard Heftrich, « Friedrich Gundolfs Shakespeare-Apotheose », Shakespeare-Jahrbuch West, 1988, p. 85-102.
113 Voir Ruth von Ledebur, Der Mythos vom deutschen Shakespeare : Die Deutsche Shakespeare-Gesellschaft zwischen Politik und Wissenschaft 1918-1945, Köln ; Weimar ; Wien : Böhlau, 2000.
114 Voir par exemple Werner Habicht, « Shakespeare und der deutsche Shakespeare-Mythus im Dritten Reich », p. 79-111 et Ruth von Ledebur, « William Shakespeare im “Dritten Reich” », p. 61-78 in Anglistik – Research Paradigms and Institutional Policies 1930-2000 / edited by Stephan Kohl, Trier : Wissenschaftlicher Verlag Trier, 2005.
115 Shakespeares Sonette in der Übersetzung Dorothea Tiecks / kritisch herausgegeben von Christa Jansohn, Tübingen : Francke, 1992.
116 Günther Erken, « Die deutschen Übersetzungen », art. cit., p. 848 : « Die Übertragung der Sonette hatte kein Muster hervorgebracht, das Schlegel-Tieck vergleichbar wäre ; die exemplarische Diskrepanz George – Kraus zeigte vielmehr eine Aporie auf, die eine Entscheidung zwischen möglichst originalgetreuer Übersetzung und freier Nachdichtung unaufschiebbar machte. » (« La traduction des sonnets n’a pas produit de modèle qui serait comparable à la version de Schlegel et Tieck ; l’écart entre George et Kraus pointait, plutôt, une aporie, qui rendait incontournable le choix entre une traduction qui serait aussi fidèle à l’original que possible et une libre adaptation poétique. ») Pour des traductions des sonnets au moment où Paul Celan commence à aborder Shakespeare, voir Christa Jansohn, « Deutsche Sonettübersetzungen aus den Jahren 1933 bis 1945 », p. IX-XVII in William Shakespeare, Cupido lag im Schlummer einst : drei neue Übersetzungen von Shakespeares Sonetten/englisch-deutsche Ausgabe ; kritisch herausgegeben und eingeleitet von Christa Jansohn, Tübingen : Narr, 2001.
117 Voir Shakespeare et la France / études réunies par Patricia Dorval, Paris : Société Française Shakespeare, 2000, et notamment George Steiner, « L’inadvertance du docteur Cottard », p. 231-238 in ibid. Voir également Shakespeare and France / edited by H. Klein and J.-M. Maguin, Lewiston, NY : The Edwin Mellen Press, 1995 (= Shakespeare Yearbook, vol. 5), Klaus Hempfer et Pia-Elisabeth Leuschner, « Die Romania », p. 660-675 in Shakespeare-Handbuch, op. cit., et Dirk Delabastita, « Shakespeare translation in Romance-language countries in the 19th and 20th centuries », p. 2479-2503 in Übersetzung – Translation – Traduction : ein internationales Handbuch zur Übersetzungsforschung / hg. v. Harald Kittel… Berlin [et al.] : de Gruyter, tome 3, 2011.
Pour des indications bibliographiques sur des traductions jusqu’au milieu du XXe siècle, voir Marie Horn-Monval, Les traductions françaises de Shakespeare : à l’occasion du quatrième centenaire de sa naissance 1564-1964, Paris : Centre national de la recherche scientifique, 1963, ainsi que Id., Répertoire bibliographique des traductions et adaptations françaises du théâtre étranger du XVe siècle à nos jours, vol. V (Théâtre anglais ; Théâtre américain), Paris : Centre national de la recherche scientifique, 1963. Pour des travaux plus récents, voir Gilles Monsarrat, « Shakespeare in French translation (1963-2003) : a bibliography », Cahiers Élisabéthains, no 65, spring 2004, p. 99-107.
118 Les textes de Voltaire sur Shakespeare sont rassemblés dans Voltaire on Shakespeare / edited by Theodore Besterman, Genève : Institut et musée Voltaire, 1967.
119 Klaus Hempfer et Pia-Elisabeth Leuschner, « Die Romania », art. cit., p. 664 : « Noch innerhalb des klassizistischen Verständnishorizonts wird eine Umakzentuierung der genannten Argumente erkennbar, die Shakespeares Rehabilitierung bedeutet und die Auseinandersetzung mit ihm insgesamt zu einem Forum werden lässt, auf dem sich ein neues Literaturverständnis ausbildet. » (« À l’intérieur de l’horizon classiciste, on reconnaît un changement d’accentuation de ces arguments, qui revient à réhabiliter Shakespeare et à transformer le débat le concernant dans son ensemble en un forum dans lequel s’élabore une nouvelle compréhension de la littérature. »)
120 Victor Hugo, « Préface de Cromwell », p. 409-454 in Id., Théâtre complet, tome 1 / éd. établie et annotée par Jean-Jacques Thierry et Josette Mélèze, [Paris] : Gallimard, 1963 (Bibliothèque de la Pléiade ; 166), p. 422.
121 H[ippolyte] Taine, Histoire de la littérature anglaise, tome 2, 10e édition, Paris : Hachette, 1899, p. 164.
122 Ibid., p. 185.
123 Ibid.
124 Ibid., p. 186.
125 Ibid., p. 193.
126 René Pruvost, « Traductions récentes de Shakespeare », p. 132-140 in Études Anglaises, vol. 13, no 2, 1960 (ici p. 138).
127 Cité d’après Yves Bonnefoy, Théâtre et poésie : Shakespeare et Yeats, op. cit., p. 173. Voir également Pierre Leyris, « Pourquoi retraduire Shakespeare », p. [I-V] in Œuvres complètes de Shakespeare, Paris : Formes et Reflets (le Club français du livre), vol. 1.
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