L’exil, cet espace-temps de la traduction
p. 9-19
Texte intégral
1« Il n’est d’exil qu’au pluriel »1 : lucide, mais également douloureux constat de la part d’un écrivain turc arrivé en France voici une trentaine d’années, Nedim Gürsel, et qui nous invite à relativiser l’histoire des exilés allemands dans les années 1930 et 1940 tant il est vrai que le xxe siècle était, selon une expression d’Edward Saïd, le siècle « des réfugiés, des personnes déplacées, de l’immigration de masse »2 sans que présentement, d’ailleurs, nous ne puissions entrevoir la fin de ce phénomène. Qu’il s’agisse d’individus ou de groupes de populations entières fuyant persécutions politiques ou raciales, régimes autoritaires ou liberticides : dans notre monde globalisé, il y a bien une existence plurielle, et même une coïncidence d’exils. Engendré successivement à partir d’un même espace ou simultanément en plusieurs endroits du globe, chaque exil connaît ses causes particulières tributaires, à chaque fois, de contextes historiques et culturels spécifiques. Reste néanmoins un facteur en commun : celui de représenter un déplacement de personnes à travers l’espace et le temps, un mouvement effectué à un moment donné depuis un lieu de départ vers un ailleurs supposé provisoire en raison même du caractère involontaire, forcé du départ. L’exil est donc départ, mais aussi désir de retour : il correspond à l’accomplissement d’une sorte de mouvement circulaire qui le différencie, sur le plan typologique, des autres formes de migration, quel que soit le sens dans lequel elles ordonnent et hiérarchisent l’espace et le temps (émigration, rémigration, immigration). L’exil, du moins typologiquement, ne vise pas à la re-localisation dans un ailleurs, il est le temps et l’espace suspendus, entre les points de départ et d’arrivée supposés identiques et pourtant incompatibles car reliés à des temporalités distinctes.
2Cependant, la question de savoir s’il faut entendre la notion d’espace au sens premier, géographique, ou si elle peut, principalement ou sous certaines conditions, recouvrir aussi bien une dimension mentale mérite réflexion. Sans doute, pour y répondre, faut-il d’abord se référer aux origines historiques de l’exil. Dans la Grèce antique, l’exil faisait suite à une mesure de bannissement hors la patrie, en terre étrangère, sans que le condamné ne se vît nécessairement désigner une destination (seuls les Romains connaissaient aussi, avec la relégation, une forme d’assignation à un lieu fixe). L’exil joue donc sur une dichotomie « intérieur/extérieur » comprise d’abord au sens géographique, territorial, et basée sur l’existence, implicite, d’une frontière qu’il s’agit de franchir ; il laisse place à l’errance, aux pérégrinations sans but précis et aux privations d’un foyer qui constituent bien l’autre dimension de la sanction dont les effets ne se laissent guère atténuer, pas même dans le cas d’un exil volontaire. Car au caractère punitif de la sanction imposée se substitue une forme sacrificielle de l’exil choisi, lequel relève souvent de la stricte autoprotection afin d’écarter une menace. C’est pourquoi, y compris jusqu’à nos jours, l’exil implique aussi un mouvement de fuite, de mise à l’abri, et que la situation de l’exilé s’apparente à celle, classique, du proscrit victime de persécution politique comme à celle, plus contemporaine, du réfugié victime de menaces multiples (politiques, économiques, environnementales, etc.) pesant sur lui.
3Cependant, qu’il s’agisse d’un exil forcé ou choisi, la dichotomie « intérieur / extérieur » joue également sur le plan psychologique, dans la perception que nous avons du monde et de nous-mêmes. En pensant le bannissement comme une forme d’expulsion d’un individu hors d’un groupe ou d’une entité sociale, l’exil devient l’expérience quasi ontologique de l’être rejeté sur lui-même, il est sentiment de solitude et d’isolement. Isolement ressenti de manière subjective, mais qui correspond aussi à un état objectif puisqu’il s’accompagne d’une expérience de la différence entre soi-même et les autres, entre le « Je » et l’« Autre ». Expérience de l’altérité donc, et découverte de l’« inquiétante étrangeté » de l’Autre laquelle nous renvoie, selon Freud, à notre propre inconscient. Ainsi, de rencontre objective avec l’étranger, l’exil devient expérience subjective de l’Autre en nous-mêmes, de nous-mêmes en tant qu’autres. Par conséquent, il n’y a pas d’exil physique qui n’affecte aussi notre disposition psychique, ne nous oblige à recomposer notre propre espace mental et à repenser notre identité. C’est précisément pour cette propension à faire apparaître la dimension subjective de l’altérité que la notion d’exil est devenue une métaphore (parfois trop) fréquemment usitée pour désigner les sentiments de dépaysement et de déracinement caractéristiques de l’esprit moderne. Or, il faut bien souligner, comme l’a fait Julia Kristeva, que « [l]e “Je est un autre” de Rimbaud n’était pas seulement l’aveu du fantôme psychotique qui hante la poésie. Le mot annonçait l’exil, la possibilité ou la nécessité d’être étranger et de vivre à l’étranger, préfigurant ainsi l’art de vivre d’une ère moderne, le cosmopolitisme des écorchés »3.
4Néanmoins, le cosmopolitisme socialement marginal de ces « écorchés » de la modernité a, depuis, cédé la place aux exils et aux migrations de masse des xxe et xxie siècles et, plus que jamais, la stabilité et la sédentarité supposées être à l’origine de toute culture humaine se trouvent supplantées par des modes de vie dictés par le mouvement et le déplacement4. Dans ce cas, ne faudra-t-il pas reconsidérer la notion de déplacement et ce qu’elle implique ? Au xixe siècle encore, celui-ci pouvait être pensé comme une action propre à franchir frontières et espaces géographiques ou culturels autonomes, et donc à nous mouvoir successivement d’un contexte culturel à un autre. (C’est cette approche, méthodologiquement redevable au concept de « transfert culturel », qui a prévalu depuis une vingtaine d’années dans de nombreuses recherches sur l’exil, notamment en Allemagne, historiquement marquée par l’exil antinazi, et elle s’est montrée fructueuse pour l’analyse des échanges intellectuels, économiques, scientifiques initiés par les exilés dans leur pays d’accueil à partir de 19335.) Mais dans le cas – finalement assez fréquent – d’une multiplication d’étapes et de lieux d’exil se succédant sur plusieurs continents (comme ce fut le cas justement des exilés antinazis qui ont connu, pour la plupart, un « premier » exil, européen, après 1933, et un « second » exil, hors l’Europe, à partir de 1938-1939), le déplacement ne tendrait-il pas à devenir, comme le soutiennent certains théoriciens du post-colonialisme, un état quasi permanent marqué du sceau de l’instabilité et du déracinement simultanés dans deux, voire plusieurs cultures6 ? Ce qui reviendrait à aborder l’exil comme le mode d’existence du perpétuel déraciné, du nomade localisé dans un « troisième espace », immatériel, qui serait celui de la négociation permanente de cultures et d’identités hybrides ?
5C’est dans cette perspective que les Cultural Studies ont avancé la notion de « traduction » comme le véritable mode de production de significations culturelles ; dans un ouvrage très remarqué (The Location of Culture, 1994), l’un de leurs principaux théoriciens, Homi K. Bhabha, a abordé la traduction comme « la nature performative de la communication culturelle »7. L’attrait de cette approche permettant de redéfinir la situation de l’exilé en valorisant sa situation interculturelle et de penser l’hybridité comme une manière de faire mentir toute conception culturelle nationaliste, ethnocentrique ou hégémonique nous paraît indéniable, et nous y reviendrons un peu plus loin pour une analyse plus resserrée du cadre historique de cet ouvrage. Mais il n’en reste pas moins que si, chez Bhabha, la notion de « traduction » voire de « culture traductionnelle » occupe une place primordiale, le lien entretenu avec l’acte de traduction au sens propre d’une translation, orale ou écrite, d’un énoncé d’une langue dans une autre est avant tout analogique et la notion d’hybridité, pour pertinente qu’elle soit comme modèle de production culturelle contourne, en un certain sens, la question de l’altérité des langues.
6Sur ce dernier point, les réflexions que George Steiner a menées deux décennies auparavant, dans un ouvrage qui a également fait date (After Babel, 1975), méritent encore attention. Partant de la philosophie du langage et de la linguistique poststructuraliste, l’auteur y avait souligné l’identité fonctionnelle entre traduction et communication – « une opération de déchiffrage et d’interprétation, un relais d’encodage-décodage »8 – et stipulé que « la traduction est, formellement et pragmatiquement, implicite dans tout acte de communication »9. Mais en définitive, Steiner y admit l’absence d’une « traduction totale »10 et la prévalence, dans l’acte de traduction d’une langue à l’autre, ou entre « original » et « translat », d’une démarche d’extraction-incorporation basée sur la reconnaissance de « “l’altérité” hostile ou enchanteresse »11 de l’autre langue. En un sens, la traduction, chez George Steiner, est la rencontre matérielle, textuelle avec l’altérité résultant d’un polylinguisme respectueux de la singularité de chaque langue, de chaque univers culturel et mental qu’elle englobe. « La mise en œuvre d’une réciprocité qui recrée l’équilibre est au cœur de la technique et de l’éthique de la traduction »12, selon les mots de George Steiner.
7Loin de s’exclure mutuellement, les deux approches esquissées abordent donc la question de la traduction, l’une du point de vue de la négociation permanente entre constructions culturelles, l’autre du point de vue de la situation linguistique induite par celle-ci et qui, historiquement parlant, présente pour fait nouveau au xxe siècle d’être à son tour marquée par la perte de tout lien avec l’espace géographique originel. L’exilé de l’ère moderne est ce « Luftmensch » vivant y compris linguistiquement en situation d’« extraterritorialité »13, avec la langue pour seul lieu de vie.
8Partant de là, comment finalement envisager le rapport entre la traduction et les situations de déplacement et d’exil dans un contexte historique précis ? Comment aborder concrètement, à une période donnée, la difficulté ou la nécessité de « traduire l’exil » ? Cette interrogation a été au centre d’une journée d’étude que nous avons organisée à Tours, en novembre 2006, dans le cadre des activités du groupe de recherche TraHis (La Traduction dans l’Histoire), lequel s’était précédemment déjà intéressé aux phénomènes de la traduction liés aux facteurs de migration et d’exil dans les espaces francophone et germanophone dans un temps long allant du xviiie au xxe siècle14. Le choix de nous concentrer, dans le présent ouvrage, sur le temps court des années 1933 à 1945 correspond, d’une part, à la volonté d’étudier le rôle de la traduction dans une période qui a vu se modifier les espaces géographique et culturel de la France et de l’Allemagne sous le poids de dynamiques politiques et idéologiques – le national-socialisme allemand et la montée des fascismes en Europe – lesquelles ont fini par dominer directement ces deux territoires. Il s’inscrit, d’autre part, dans une suite de réflexions que nous avons menées en Allemagne, autour de la traduction culturelle comme figuration de l’exil, qu’il s’agisse de l’exil antinazi ou d’autres exils au xxe siècle15. Ce travail – à certains égards complémentaire à la présente étude – avait pour but de décloisonner le champ historique de l’« Exilforschung » allemande en comparant la situation d’exilés aussi différents que Heinrich Mann, Vladimir Nabokov, Jiří Gruša ou Walter Abish par exemple, pour lesquels la traduction et le plurilinguisme ont représenté ce « troisième espace » d’une existence entre les cultures.
9La particularité du présent ouvrage sera d’analyser les phénomènes de traduction engendrés par l’exil dans les deux sens de déplacement, et à partir des deux espaces, allemand et français, par le regard croisé de chercheurs des deux aires, qu’ils soient littéraires ou historiens. À cet égard, il convient de noter que si 1945 constitue bien, pour les deux espaces, une date butoir mettant du moins politiquement un terme à la situation d’exil, ses débuts ne s’inscrivent pas dans le même temps d’un pays à l’autre ; à des fins heuristiques, nous retiendrons ici les dates de 1933, marquant l’instauration du régime national-socialiste en Allemagne (et 1938 en Autriche), et de 1940, marquant le début de l’Occupation et d’une collaboration d’État en France. Notons aussi que, du fait de notre restriction volontaire, dans cette étude, aux espaces français et allemand des années 1933-1945, l’exil antinazi de Français se réfugiant dans d’autres pays – notamment les États-Unis – après l’Occupation, ne sera pas évoqué ici. En revanche, les déplacements, contraints ou volontaires, de Français dans les territoires allemands seront abordés et auraient sans doute mérité davantage de place encore que nous ne pouvions leur accorder dans le cadre d’une journée d’étude.
10L’instauration du régime national-socialiste en Allemagne, entre janvier et mars 1933, a provoqué, jusqu’à sa chute en mai 1945, l’exil de plus d’un demi-million de personnes, sans compter les vagues d’exilés provenant de pays limitrophes, tombés successivement sous son joug. En raison de sa proximité géographique et de sa tradition d’accueil depuis la Révolution de 1789, la France fut la première destination pour environ 100 000 exilés allemands et quelque 40 000 Autrichiens, dont une petite partie seulement réussit à s’installer légalement et pour un séjour prolongé, avant 1940. Ces nouveaux arrivants étaient juifs dans leur large majorité et victimes, à ce titre, de persécutions raciales dans le « Troisième Reich », mais aussi opposants au régime nazi ou militants politiques de tous bords. Il tient à la structure sociale de la population juive assimilée vivant alors en Allemagne et en Autriche que ces exilés furent, pour une grande part, issus de professions libérales, fonctionnaires, scientifiques, artistes et intellectuels. Cependant, tous ne maîtrisaient pas cette langue à leur arrivée en France ; seule une minorité d’entre eux avaient pu tisser, bien avant l’exil, des liens intellectuels, culturels avec ce pays. C’est donc que le besoin de traduction – au propre comme au figuré – se fait ressentir et engendre des comportements individuels ou collectifs révélateurs de cette situation entre les cultures, allant des différentes attitudes linguistiques observables dans la vie quotidienne (l’amalgame linguistique, si justement qualifié d’« Emigranto »16, le plurilinguisme, voire le changement de langue) à la production de translats textuels témoignant de la richesse artistique, scientifique et politique de cette époque.
11Pour nous rendre compte de l’ampleur et de la diversité de l’activité traductologique, nous pouvons, pour commencer, nous reporter au travail d’Albrecht Betz qui a dressé l’inventaire des publications d’exilés allemands parues en français17. Sa bibliographie permet d’illustrer l’articulation entre l’espace culturel et le champ, compris dans la dimension sociologique définie par P. Bourdieu, avec ses structures et polarités internes, mais aussi avec ses relais de transmission entre production intellectuelle et matérielle. Ainsi peut-on, notamment, recouper des circuits éditoriaux, des traducteurs ou bien des catégories d’ouvrages et d’auteurs qui ont été publiés en français au fil des années et des conjonctures intellectuelles ou mercantiles. Force est d’abord de constater que les auteurs exilés les plus traduits en français n’étaient pas les grandes figures de la littérature de Weimar dont certaines avaient trouvé refuge en France – Heinrich Mann ou Alfred Döblin par exemple – mais des auteurs populaires tels que Vicki Baum ou Emil Ludwig, ce qui s’explique autant par la nature de leurs œuvres que par l’efficacité de certains réseaux éditoriaux. Il se confirme ainsi que la traduction est d’abord une activité économique soumettant auteurs et traducteurs aux lois d’un marché dont ils sont à la fois les acteurs et les objets.
12Mais sur un autre plan, l’activité traductologique permet également de mesurer les liens intellectuels, culturels, existant entre les auteurs exilés et les personnes, nombreuses, côté français, concourant à leur publication : traducteurs, lecteurs de maisons d’édition, journalistes, etc. Les traductions réalisées témoignent ainsi de convergences artistiques et intellectuelles, et de solidarités politiques ou humaines entre les exilés et leurs partenaires français facilitant à ces premiers le passage dans le champ culturel français. C’est pourquoi il sera également question, dans cet ouvrage, de l’activité de traduction à l’épreuve de l’exil, en ce qu’il a modifié des amitiés ou des coopérations artistiques existant auparavant18, ou fait naître de nouveaux besoins, notamment celui de communiquer sur la nature réelle du régime national-socialiste et d’alerter l’opinion française sur le danger qu’il représente (ce qui nécessitera parfois d’adapter les traductions en fonction du public visé19).
13La deuxième date charnière considérée dans cet ouvrage – celle de 1939-1940 marquant le début de la guerre et de l’Occupation – nous amène à inverser le regard et à nous interroger sur la situation de nombreux Français qui, en tant que juifs et/ou opposants au régime de Vichy engagé dans la collaboration avec l’Allemagne nationale-socialiste, seront à leur tour concernés par la situation d’exil. À partir du moment où la vie publique française est soumise aux instances de contrôle nationales-socialistes, quelle signification revêt la volonté – ou le refus – de traduire vers la langue de l’Autre ? Cette question s’avère particulièrement cruciale lorsque les déplacements, volontaires ou forcés, se font en sens inverse (dans le cas de Français déplacés en Allemagne notamment20) et que la pratique individuelle de la traduction se heurte à des représentations collectives ou à des solidarités de groupe forgées par l’Histoire (entre militants et résistants, par exemple21).
14Ce dernier aspect démontre avec acuité toute la problématique pour qui veut « traduire l’exil » à partir des deux espaces français et allemand, entre 1933 et 1945. Il fait comprendre la grande sélectivité de l’activité traductologique, voire l’absence de traduction lorsqu’elle est conditionnée à des représentations collectives faisant le lien entre identité et territoire à recouvrer (la France Libre, l’Autre Allemagne22). Mais inversement, comme nous avons eu l’occasion de le constater également, la traduction constitue une réponse positive à la situation de dé-localisation géographique et culturelle de l’exil. Elle est le signe d’une prise en compte de l’altérité culturelle et linguistique et, de pratique individuelle, elle devient une pratique sociale. L’activité traductologique aboutit à des constructions identitaires composites en même temps qu’elle fait naître une production textuelle portant en elle-même la marque de l’hybridation23. Ainsi, si l’exil représente bien cette douloureuse expérience de la différence entre le « Je » et l’« Autre », entre « intérieur » et « extérieur », la traduction correspond à un positionnement dans un « troisième espace » permettant de déjouer ces antinomies. Ne serait-ce pas le sens précis du message délivré par Max Ernst qui, en exil, s’est souvenu de l’espoir autrefois déjà exprimé d’atteindre ce point de l’esprit « ... d’où le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement »24 ?
Notes de bas de page
1 Nedim Gürsel, « Écriture de l’exil, exil de l’écriture », Le Monde, 16 nov. 2002, p. 19.
2 Edward Saïd, « Reflections on Exile », Granta 13 (1984), p. 159-172, repris dans : Reflections on Exile and Other Literary and Cultural Essays, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 2000, p. 173-184, ici p. 174 : « the difference between earlier exiles and those of our time is […] : our age – with its modern warfare, imperialism, and the quasi-theological ambitions of totalitarian rulers – is indeed the age of the refugee, the displaced person, mass immigration. »
3 Julia Kristeva, Étrangers à nous-mêmes, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1988, citée ici dans l’édition Gallimard, coll. « folio », 2004, p. 25.
4 « Dwelling was understood to be the local ground of collective life, travel a supplement ; roots always precede routes. But what would happen, I began to ask, if travel were untethered, seen as a complex and pervasive spectrum of human experiences ? Practices of displacement might emerge as constitutive of cultural meanings rather than as their simple transfer or extension. » James Clifford, Routes : Travel and Translation in the Late 20th Century, Cambridge (Mass.), London (England), Harvard University Press, 1997, p. 3.
5 Les publications annuelles de la Gesellschaft für Exilforschung permettent de suivre les tendances de la recherche sur l’exil en Allemagne ; pour la discussion méthodologique des transferts culturels, voir notamment Exilforschung. Ein internationales Jahrbuch. Vol. 13 : Kulturtransfer im Exil, édité par Claus-Dieter Krohn, Erwin Rotermund, Lutz Winckler und Wulf Koepke, Munich, edition text+kritik, 1995.
6 Cf. encore Edward Saïd, « Reflections on Exile » (note 2), p. 186 : « Most people are principally aware of one culture, one setting, one home ; exiles are aware of at least two, and this plurality of vision gives rise to an awareness of simultaneous dimensions, an awareness that – to borrow a phrase from music – is contrapuntal. » Cf. aussi : « Exile is life led outside habitual order. It is nomadic, decentred, contrapuntal ; but no sooner does one get accustomed to it than its unsettling force erupts anew. » (Ibid.)
7 Homi K. Bhabha, Les Lieux de la culture, traduit par Françoise Bouillot, Paris, Payot, 2007, p. 345 (éd. originale : The Location of Culture, New York / London, Routledge, 1994).
8 George Steiner, After Babel. Aspects of Language and Translation, Oxford University Press, 1975, cité dans l’édition française Après Babel. Une poétique du dire et de la traduction. Traduit de l’anglais par Lucienne Lotringer et Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Albin Michel, 1998, p. 88-89 : « Le schéma “émetteur-récepteur” de tout processus sémiologique ou sémantique est, par nature, l’équivalent du modèle “lange-source, langue-cible” qu’utilise la théorie de la traduction. Tous deux comportent “à mi-chemin” une opération de déchiffrage et d’interprétation, un relais d’encodage-décodage. Quand deux ou plusieurs langues s’articulent, les obstacles sont manifestement plus importants […]. Mais les “démarches de l’esprit”, pour reprendre l’expression de Dante, sont rigoureusement semblables. […] En deux mots : à l’intérieur d’une langue, ou d’une langue à l’autre, la communication est une traduction. »
9 Ibid., p. 17 (préface de la deuxième édition).
10 Ibid., p. 400.
11 Ibid., p. 405.
12 Ibid., p. 408.
13 Dans un autre essai, George Steiner a introduit le terme d’extraterritorialité en s’appuyant sur l’exemple de Vladimir Nabokov : « Aucun exil n’est plus radical, aucun tour de force d’adaptation et de vie nouvelle plus exigeant. Il paraît normal que les créateurs, dans une civilisation de quasi-barbarie qui a fait tant d’apatrides, qui a déraciné les langues et les peuples, soient des poètes délogés qui errent à travers la langue. Si excentrique, hautain, nostalgique et délibérément intempestif qu’il aspire à être et qu’il soit si souvent, Nabokov, du fait de son extraterritorialité, demeure profondément de notre temps. Il en est l’un des porte-parole. » George Steiner, Extraterritorialité. Essais sur la littérature et la révolution du langage. Traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat, Paris, Calmann-Lévy, 2002, p. 25 (éd. originale : Extraterritorial. Papers on Literature and the Language Revolution, London, Faber and Faber, 1968).
14 Bernard Banoun, Michaela Enderle-Ristori, Sylvie Le Moël (dir.), Migration, exil et traduction – Migration, Exil und Übersetzung. Espaces francophone et germanophone xviiie-xxe siècles, Tours, PUFR, 2011.
15 Exilforschung. Ein internationales Jahrbuch, vol. 25 : Übersetzung als transkultureller Prozess, éd. par Claus-Dieter Krohn et alii, en collaboration avec Michaela Enderle-Ristori (direction et préface), Munich, edition text+kritik, 2007.
16 Cf. Inge Deutschkron, Emigranto. Vom Überleben in fremden Sprachen, Berlin, Transit, 2001.
17 Albrecht Betz, Exil und Engagement. Deutsche Schriftsteller im Frankreich der dreißiger Jahre, München, edition text+kritik, 1986 ; édition française : Les Intellectuels allemands et la France 1930-1940, traduit par Pierre Rusch, Gallimard, 1991.
18 Voir par exemple les cas d’Alfred Kerr et de Carl Einstein, présentés ici par Deborah Viëtor-Engländer et par Marianne Kröger.
19 Cf. la comparaison des éditions allemande et française de B. Zuckerkandl proposée ici par Sigurd P. Scheichl.
20 Voir sur cette question notamment la contribution de Patrice Arnaud, qui analyse l’attitude linguistique de travailleurs français requis au STO.
21 C’est le cas notamment de quelques figures de traducteurs comme par exemple Jacques Decour analysé dans les contributions d’Isabelle Kalinowski et de Sylvie Aprile. Un autre cas d’espèce représente cependant le refus de la traduction par Lion Feuchtwanger, décrit ici par Fréderic Teinturier.
22 Cf. M. Enderle-Ristori, « Vorwort », in Übersetzung als transkultureller Prozess (note 15), p. ix, où nous avons pointé l’ambiguïté du concept de l’Autre Allemagne : « Mehr vergangenheits-als zukunftsorientiert, mehr statisch als dynamisch, verschrieb es sich dem Erhalt des Eigenen anstatt der Konfrontation mit dem Neuen, Fremden und relegierte die Austragung unvermeidlich entstehender Kulturkonflikte in den individuellen Bereich. Das ‘Andere Deutschland’ repräsentierte die genuine deutsche Kultur, frei von allen nationalsozialistischen Auswüchsen, gleichzeitig aber ethnozentrisch und selbst-reflexiv. »
23 Voir sur cette question notamment la lecture contrastée de deux traductions d’un texte d’Anna Seghers, proposée par Hélène Roussel et Klaus Schulte.
24 Le titre de l’œuvre de Max Ernst proposée en page de couverture du présent ouvrage est une citation extraite du « Second manifeste du surréalisme » d’André Breton (La Révolution surréaliste no 12 du 15 décembre 1929, p. 1).
Auteur
Maître de conférences en littérature allemande à l’université François-Rabelais de Tours
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