Le juriste et le philologue. Enjeux et formes des rivalités entre André Alciat et Guillaume Budé à travers leurs correspondances
p. 467-483
Texte intégral
1En 1508, Guillaume Budé1 publie ses Annotationes in Pandectas, véritable manifeste humaniste qui s’attaque avec une ostentatoire virulence à l’enseignement et au commentaire scolastiques du droit romain. Le philologue parisien y critique notamment l’idolâtrie qui pousse les juristes contemporains à se préoccuper davantage des scholiastes et des glossateurs que du texte même des lois : à la clarté de la loi, ceux-ci préfèrent en effet les ténèbres de la glose ; à la belle langue d’Ulpien, la langue gothica et barbara d’Accurse et de ses successeurs. Tout en relevant les erreurs des glossateurs, Budé ne les condamne néanmoins pas en bloc et se propose même, d’une certaine façon, de revenir à leur propre méthode, c’est-à-dire de commenter le texte original et non sa glose, en faisant usage de toutes les ressources des techniques nouvelles de la philologie humaniste. Il s’attache également à rétablir scrupuleusement le texte original, multipliant corrections et conjectures, et fait œuvre de lexicographe, expliquant les mots mal compris ou mal interprétés par ses prédécesseurs, en se servant de sa connaissance encyclopédique des littératures latine et grecque ainsi que des ressources de l’étymologie. Mais son livre est avant tout celui d’un philologue tourné vers la connaissance de la littérature et du monde antiques : ses digressions sont nombreuses et parfois très longues, se détachant du texte juridique et cherchant à découvrir à travers le Corpus iuris ciuilis les realia de la vie publique et privée des Romains2.
2Que ces Annotationes, qui avaient de quoi révolutionner le monde juridique, aient été lues par le jeune érudit milanais André Alciat3, de vingt-cinq ans le cadet de Budé, est bien attesté par sa toute première publication, qui souligne à quel point celui-ci assume pleinement l’usage de cette nouvelle méthodologie4 : le Français y est cité à plusieurs reprises, et souvent de façon élogieuse. Mais c’est surtout dans son vaste recueil d’opuscules juridiques paru à Milan en 1518 qu’Alciat peut développer une véritable défense et illustration de ses propres vues. Le jeune homme, docteur in utroque iure depuis deux ans à peine, y expose des idées générales sur la méthode d’exégèse des textes juridiques auxquelles aurait pu souscrire Budé, prônant en effet une véritable fusion des studia humanitatis et des études juridiques. Il s’affirme ainsi comme un juriste humaniste en se proposant de se concentrer avant tout sur la bonne intelligence du texte de loi et en rejetant en marge les gloses, dont il réaffirme néanmoins l’utilité pratique tout en leur déniant la véritable auctoritas, qui doit revenir au texte. En outre, il clame la nécessité pour le commentateur d’adopter une perspective historiciste pour comprendre les textes originaux, en se fondant sur une connaissance approfondie de l’histoire ancienne, et notamment des historiens de l’Antiquité tardive, encore trop méconnus. Enfin, la maîtrise parfaite des litterae humaniores, du latin mais aussi du grec, y est présentée comme le fondement nécessaire de toute interprétation de la loi, en même temps que le commentateur doit tâcher de pratiquer lui-même un elegans sermo qui puisse enfin conférer le droit de cité romaine à la science juridique moderne.
3Tout cela pourrait faire apparaître Alciat comme un simple héritier de Budé et de ses Annotationes. Affleure pourtant de façon discrète un certain nombre d’éléments qui soulignent déjà quelques divergences entre les deux humanistes. Le juriste clame régulièrement son idéal de breuitas stylistique et s’engage à de nombreuses reprises à se concentrer exclusivement sur l’explication des textes de loi : cette préconisation vise à la fois les juristes scolastiques, accusés de consacrer plus de temps à commenter les gloses qu’à interpréter véritablement les lois, mais aussi les grammairiens et leurs longs commentaires périphériques sans intérêt immédiat pour la compréhension du texte ; sont ainsi condamnées de fait les vastes digressions budéennes, qui détournent le droit au profit des studia humanitatis. Alciat avait, pour sa part, fait le choix de se servir de sa profonde connaissance des langues anciennes et des méthodes nouvelles de la philologie non seulement pour corriger le corpus juridique romain, mais aussi pour en faciliter l’application pratique immédiate, par l’entremise d’explications faisant émerger la précise signification des mots et privilégiant la clarté et la brièveté. Pour mieux dire encore : si Budé considère les textes juridiques comme une aide précieuse pour le philologue désireux de reconstruire scientifiquement l’Antiquité, Alciat voit au contraire les studia humanitatis comme une science auxiliaire au service de la jurisprudence.
Premières escarmouches : la méthode et la persona
4En 1518, Claude Chansonnette, ancien élève du professeur de droit à Fribourg Ulrich Zasius, par ailleurs farouche critique de Budé5, forge, en adressant au Français les Lucubrationes de son maître, une image qui fera date, associant ces trois humanistes aux méthodes pourtant fort dissemblables dans un triumvirat destiné à restaurer l’étude des Pandectes. Mais c’est seulement en 1520, lorsque Budé fait imprimer un premier recueil épistolaire, que le nom d’Alciat apparaît pour la première fois sous la plume du grand philologue6 qui, à trois reprises, affirme sa volonté de ne pas poursuivre son entreprise de commentaire du corpus juridique romain : d’abord, pour répondre à Chansonnette, il refuse poliment sa place au sein du triumvirat, préférant laisser le champ libre à Alciat et à Zasius, avant de faire l’éloge du Milanais en se remémorant leur amicale rencontre à Avignon, où celui-ci enseigne alors7 ; à Juan Luis Vives et à Christophe de Longueil, il rappelle aussi sa volonté de ne pas donner de suite à ses Annotationes et désigne Alciat comme celui qui peut le mieux poursuivre son œuvre8. En réalité, à l’enjeu méthodologique, qui semble ne pas préoccuper Budé, se substitue désormais un enjeu symbolique : le Français tient avant tout à affirmer sa primauté dans la création d’une nouvelle méthode d’interprétation du droit, proprement humaniste, et ne peut souffrir de se voir rattacher à d’autres savants, qui ne font, selon lui, que poursuivre à leur manière ce qu’il a fait naître.
5De fait, sous les apparents éloges, sa lettre à Longueil recèle de franches critiques à l’égard d’Alciat : Budé souhaite d’abord que le jeune juriste reconnaisse avec plus de bonne foi sa dette envers ses propres travaux9 ; il le critique ensuite pour avoir osé affirmer avec orgueil qu’en ajoutant une unique citation de Tite-Live à celles qu’il avait lui-même accumulées dans son De asse (1515) pour expliquer le sens de l’expression decies sestertium, il avait offert une colonne d’airain à son propre édifice qui, sinon, risquait de s’écrouler10 ; enfin, relevant une erreur manifeste, il l’accuse de n’avoir pas lu le De asse avec toute l’attention nécessaire11. Certaines formules reflètent à merveille le ton ambivalent de la lettre et mettent en valeur le principal reproche qu’il adresse à Alciat, son manque d’aequitas et de bona fides :
Homo alioquin egregie doctus stilique facultate et intelligentia rerum praeditus, dignusque mea sententia, quam hic consignatam uolui, cui publico consensu emendatio Pandectarum eiusque disciplinae constitutio mandetur et in integrum restitutio, ut quidem fieri potest ; usqueadeo doctrinam mihi industriamque probauit, non etiam magnopere aequitatem in pauculis locis a me ante animaduersis et explicatis (Ep., fo 32 ro).
Du reste, c’est un homme remarquablement savant, une belle plume douée d’une intelligence certaine ; à mon avis, que j’ai souhaité mentionner ici, il est digne – c’est aussi l’opinion de tous – qu’on lui confie l’émendation des Pandectes et l’organisation de sa discipline, ainsi que leur rétablissement dans leur état primitif, en tout cas dans la mesure du possible ; il m’a jusqu’ici donné la preuve de son érudition et de son industrie, mais pas encore vraiment de son esprit d’équité dans quelques menus passages que j’ai relevés et expliqués auparavant.
6La conclusion de la lettre, qui s’efforce de généraliser le propos pour dépasser la simple attaque ad hominem, assimile d’ailleurs l’attitude d’Alciat à celle de la plupart des érudits et réaffirme l’intention du philologue d’éviter toute polémique en se tenant à l’écart de ces publications susceptibles de générer l’hostilité de certains, entendez : du monde des juristes.
7La réaction d’Alciat à la publication de cette lettre, qui étalait devant les yeux des savants du monde entier à la fois les éloges et les griefs de l’humaniste parisien, nous est connue par deux lettres datées du même jour12 : dans la première, lettre privée adressée à l’ami Francesco Calvo, il annonce avoir pris connaissance du recueil épistolaire en question, mais, tout en rapportant, non sans une certaine fierté, que Budé déclare lui laisser le champ libre, repère fort bien que celui-ci exprime implicitement le sentiment qu’Alciat a voulu lui « retirer sa palme13 ». Sa conclusion quant à ces accusations est sans appel : omnia futilia sunt nec uera. Ce faisant, il signale son intention d’écrire à Budé, à la fois pour le remercier de son hommage et pour « détruire » les accusations qui l’ont blessé. Cette seconde lettre14, qui a été publiée au cœur d’une nouvelle édition de son recueil de 1518, trois ans après sa rédaction, reflète à la perfection le projet annoncé à Calvo. Une première partie (l. 1-71) répond à l’éloge par l’éloge : Alciat y rappelle leur rencontre en 1519, justifie le fait qu’il ne lui ait jamais écrit par son admiration profonde, faisant sans cesse usage de la topique de l’humiliation volontaire en contrepoint de l’éloge du destinataire, avant d’amorcer une transition vers la seconde partie de sa lettre en remerciant finalement Budé d’avoir mêlé à ses louanges des critiques, non seulement quia nullus absque dolore risus nec sine aculeo sint opes, mais aussi parce qu’il lui donne ainsi l’occasion de le faire changer d’avis à son propos. La persona que choisit Alciat dans sa lettre est radicalement opposée à celle de Budé : quoiqu’il soit l’offensé et ne manque pas de le rappeler, il fait néanmoins montre d’humilité et tend la main à son censeur au nom de l’amitié.
8La seconde partie (l. 73-198), de loin la plus longue, répond point par point aux accusations de Budé avec une très grande habileté, en quatre mouvements successifs. La première accusation dont se défend Alciat est celle de mala fides, c’est-à-dire à la fois d’avoir critiqué certaines des propositions de l’humaniste et de ne pas l’avoir suffisamment cité malgré tous les emprunts qu’il avait pu faire à son œuvre : pour les critiques, il répond qu’elles étaient négligeables (tam modica, uel tam paucula) en regard des éloges qu’il lui adressait dans d’autres passages ; quant aux emprunts, il laisse entendre que Budé ne peut souffrir l’idée que d’autres que lui pourraient parvenir aux mêmes résultats15. Plus particulièrement, sa stratégie de réponse à l’accusation d’orgueil que l’humaniste parisien avait dessinée en creux à propos de sa citation de Tite-Live destinée à appuyer l’interprétation budéenne de quindecies sestertium, est encore plus habile, puisqu’il affirme avoir voulu non seulement aller dans le sens de Budé, mais encore le soutenir face aux critiques du Vénitien Leonardo Porzio16. Le discours de l’offensé prend alors une autre tournure et insiste sur le grief de nationalisme, qui n’était mentionné que de façon très allusive dans la lettre de Budé17, en un très long développement qui signale l’importance de cette thématique dans les rivalités entre les deux hommes. Alciat, soucieux de plaire à Budé comme à son lectorat français, alors nettement plus large que son public italien, insiste de fait sur son choix de venir enseigner en France tout en soulignant son audience européenne déjà large :
Tu nihilominus reum me iniquitatis et cuiusdam in Francum nomen inuidiae agis. Qua nota nescio quid grauius, quid me indignius potuisses tum excogitare ; maluissem certe maleuolentiam obiecisses. Illud enim delictum facile et benedicendo et nomen tuum ubique locorum laudibus ferendo deleuissem ; at hoc quacumque circumspiciam, non uideo qua ratione tollam, cum tamen nullum a me hoc ipso alienius sit. Non ita me Germania nouit. […] Non ita Gallia tua quotidie experitur, in qua non aliam ob causam profiteor, quam ut doctrina mea, si qua est, quamplurimi peritiores melioresque efficiantur. […] Potes mihi imperitiam, potes negligentiam, potes etiam totius decempedae lapsum obiicere, idque illaeso illabefactoque amicitiae foedere ; inuidiam, factiones inque alienigenas iniquitatem non potes.18
Tu ne m’en accuses pas moins de partialité et d’une certaine haine de ce qui est français. J’ignore quel grief plus désagréable, plus indigne de moi tu aurais pu inventer ; j’aurais assurément préféré que tu me taxes de malveillance. Car cette faute, je l’aurais aisément effacée en disant du bien de toi et en tressant en tous lieux des louanges à ton nom ; mais, de quelque côté que je porte mes regards, je ne vois pas pourquoi je la reconnaîtrais, alors que rien ne m’est plus étranger que cela. Ce n’est pas sous ce jour que me connaît l’Allemagne. […] Ce n’est pas là ce dont ton pays, la France, fait chaque jour l’expérience : j’y enseigne dans le seul et unique but de rendre plus habiles et meilleurs le plus de gens possible à l’aide de mon savoir, si tant est que j’en aie. […] Tu peux me taxer d’ignorance, tu peux me taxer de négligence, tu peux même me taxer de m’être trompé dans les grandes largeurs sans endommager ni briser en rien les lois de l’amitié ; mais tu ne peux me taxer de haine, d’intrigues et de partialité à l’égard des étrangers.
9La réponse de Budé, publiée dans son recueil épistolaire suivant19, est conforme à sa volonté affichée dans la lettre à Longueil de ne pas entrer en conflit avec Alciat : il se refuse à répondre à la partie polémique de sa lettre pour éviter que leurs rapports ne dégénèrent en animosité et tente de reporter la faute sur son correspondant, en le rendant finalement responsable de l’agression20. Pour se dédouaner de toute velléité polémique, il affirme surtout qu’il visait moins dans sa lettre le juriste lui-même que ceux qui cherchent à capter l’haereditas des Annotationes in Pandectas, d’autant qu’il a désormais d’autres ambitions que d’appliquer la philologie aux textes juridiques. Contrairement à Alciat, qui avait cherché à répliquer méthodiquement à chacune de ses accusations, Budé choisit d’adopter une stratégie d’évitement, en affirmant solennellement que, s’il a mentionné nominatim le Milanais dans sa lettre, ce n’était en aucun cas dans une intention malveillante, mais plutôt pour le désigner officiellement comme celui qui était le plus digne de prendre sa succession21.
10Cette première escarmouche entre les deux humanistes révèle en tout cas plusieurs traits caractéristiques de leur pratique de la communication épistolaire, qui relègue délibérément au second plan les enjeux méthodologiques et scientifiques de leurs approches différentes du Corpus iuris ciuilis. Ce qui préoccupe véritablement les deux hommes est, bien plus que toute autre considération, leur propre fama. Dans cet échange, le support imprimé joue un rôle non négligeable en ce que leur rivalité s’affiche au grand jour et s’étale sous les yeux du public lettré qui est indubitablement le véritable destinataire de ces lettres. À une rivalité qui aurait pu être purement méthodologique s’est de fait substituée une querelle « personnelle », au sens où Alciat comme Budé cherchent à construire à travers la diffusion imprimée de leurs lettres leur propre image symbolique, leur propre persona rhétorique : pour l’humaniste parisien, celle du défricheur, du véritable père fondateur de la philologie juridique qui observe de très loin la jeune génération se disputer son héritage, soucieux de ne pas se mêler de polémiques qui ne le regardent plus ; pour le juriste milanais, celle du jeune bretteur dont la réputation a déjà acquis une dimension européenne et qui se retrouve, du fait de son approche originale, victime de la jalousie et des accusations infondées de l’ensemble de ses rivaux.
Jeux de masques et nouvelles stratégies polémiques
11Un an après ce premier différend, qui s’était soldé par un évident statu quo, Alciat quitte Avignon pour Milan et n’y retournera pas avant 1527. Mais voilà qu’en 1526, contrairement à ce qu’il affirmait encore quelques années plus tôt, Budé publie finalement un nouveau volume d’Annotationes in Pandectas, qui marque le début d’une nouvelle période de tension entre les deux hommes, comme en témoigne une lettre du juriste milanais à l’ami Bonifacius Amerbach :
Budaei nuper in XIII libros ultimos ff. Annotationes exierunt, quod opus et laudo et lectu dignum iudico, tametsi inde subodorauerim eum non omnino ex fide in gratiam mecum rediisse, nam et non legisse eum meas annotationes ex eo depraendi, quod aduersus meam sententiam et ea quae in Thuscorum Pandectis leguntur multa restituit. […] A quibus eum erroribus mea scripta uendicassent, si modo ea inspicere non fuisset auersatus. Continere me nequeo quin aperto pectore tecum agam ; quid credis iuris Quiritum pariter dicere, cum uident eum libere de nostratibus doctoribus sententiam ferre, cum ipse etiam in arena propria, uocabulorum dico interpretationem, ἀπ᾽ὄνου cadat ? […] Sed quid ego haec ? Nisi quod spero haec omnia in sinu te habiturum ; nec enim cum eo homine amplius tricis opus est, qui manum de tabula nescit tollere, et maximam mihi conflauit inuidiam quasi argumentum illi suum praeripuerim, et non honestius sit de iure iurisconsultum scribere quam libellorum (ut tum erat) magistrum, praesertim in his quae legum nodos respiciunt, non satis exercitum.22
Budé vient de faire paraître des Annotations aux treize derniers livres des Pandectes ; j’approuve cet ouvrage et le juge digne d’être lu, bien que j’y aie décelé que ce n’était pas en toute bonne foi qu’il s’était à nouveau montré amical à mon égard ; de fait, je me suis également rendu compte qu’il n’avait pas lu mes annotations parce qu’il a proposé bon nombre d’émendations qui vont à l’encontre de mon avis et des leçons que l’on trouve dans les Pandectes florentines. […] Mes écrits l’auraient bien empêché de commettre ces erreurs, si seulement il ne s’était pas interdit de les regarder. Je ne peux m’empêcher de te parler à cœur ouvert : à ton avis, est-ce avec équité qu’il explique le droit romain, quand on le voit ouvertement prendre position contre nos docteurs, lors même que, sur son propre terrain, c’est-à-dire l’interprétation des mots, il se fourvoie totalement23 ? […] Mais pourquoi m’épancher ainsi ? J’espère simplement que tu garderas tout cela secret : en effet, je n’ai vraiment pas besoin de me quereller davantage avec un homme qui est incapable de cesser de travailler à son tableau24, et qui a excité la haine la plus vive contre moi comme si je lui avais dérobé son sujet, comme s’il ne convenait pas davantage à un juriste d’écrire des livres de droit qu’à un secrétaire royal (ce qu’il était alors), surtout que, pour ce qui concerne les difficultés juridiques, il n’était pas assez compétent.
12Ces réflexions amères et mordantes soulignent à quel point la nouvelle amitié affichée entre les deux humanistes n’était qu’un fragile vernis, et révèlent les véritables motivations d’Alciat : chez son rival, il critique le choix de poursuivre seul ses travaux de philologie juridique, sans tenir compte des travaux des autres, notamment des siens, et sans avoir les véritables compétences pour le faire. C’est selon lui aux juristes et non aux philologues qu’il convient de réformer le droit et, plus qu’à une simple querelle de préséance, de jalousie ou de captation d’héritage, l’on voit bien que c’est aussi la méthode qui sépare les deux hommes. À peine Alciat est-il donc revenu en France qu’il se retrouve à nouveau face à Budé, mais, cette fois, c’est lui qui va ouvrir les hostilités sur plusieurs fronts.
13D’une part, il ne peut s’empêcher de voir la main de son adversaire derrière certaines attaques dont il est victime depuis son retour en France et dans lesquelles plusieurs de ses correspondants pointent d’ailleurs la responsabilité plus ou moins directe de Budé25 : un opuscule du juriste orléanais Pierre de l’Estoile, dont Amerbach lui assure qu’il a été écrit en réalité par Nicolas Bérault, un proche de l’humaniste français, et surtout un libelle de l’avocat parisien Jean Longueval lui reprochent, entre autres choses, de s’être inspiré de son œuvre sans l’avoir nommément cité. Alciat rédige alors un bref dialogue pseudo-allographe qu’il attribue à son ami Aurelio Albuzzi et dans lequel il réfute une nouvelle fois cette accusation de plagiat. Si Budé n’est pas directement visé par cet opuscule de combat, il n’est pas non plus épargné par certaines piques mêlées à des éloges appuyés26. D’autre part, Alciat pense à se venger plus franchement encore de son rival en s’attaquant à son plus bel édifice, le De asse : il décide de faire imprimer son bref traité De ponderibus et mensuris, rédigé avant 1527 alors qu’il résidait encore à Milan, en y adjoignant une épître dédicatoire signée une nouvelle fois par son ami et prête-nom Albuzzi. Cette dédicace, que nous avons étudiée et publiée ailleurs27, contient – fait rare – une mention explicite de Budé et de son adversaire vénitien Porzio, contre lesquels Alciat affirme avoir rédigé son petit opuscule.
14Cet habile jeu de masques devait bien entendu lui permettre d’affronter le puissant Français sans pour autant se lancer dans une attaque ad hominem, mais, alors qu’il se prépare à publier les deux œuvres à Bâle, voilà que la situation change, car il est sur le point d’obtenir une chaire à l’Université de Bourges. Il explique ainsi à Amerbach qu’il ne doit pas faire imprimer, en cette période de délicates négociations, le De ponderibus et mensuris, qui pourrait lui aliéner l’amitié de Budé, alors que celle-ci pourrait au contraire lui servir, étant donné son influence au plus haut sommet de l’État28. Quelques jours plus tard, sur la route qui le mène à Bourges, où il a finalement obtenu le poste tant convoité, il interdit la publication des deux œuvres, afin de ne pas susciter de nouvelles controverses avec des personnalités françaises29. S’il réussit à surseoir à temps à l’impression du De ponderibus et mensuris, il arrive en revanche trop tard pour celle de l’Apologia Albucii, qui paraît en avril 1529. Dès lors, même s’il peut se réjouir de sa prudence d’avoir attribué l’œuvre à Albuzzi, contre qui les haines pourront se déchaîner sans qu’il soit directement touché, il préfère néanmoins adopter une stratégie plus prudente pour l’opuscule dont il a retardé la publication : s’il n’y a pas moyen d’en annuler l’impression, dit-il, alors il faudra en ôter l’épître dédicatoire du pseudo-Albuzzi pour lui substituer une autre épître, publiée sous le nom de l’imprimeur ou de n’importe qui d’autre, qui expliquera que la parution s’est faite sans le consentement de l’auteur, le manuscrit ayant été dérobé à sa bibliothèque milanaise à son insu30.
15Prenant les devants en écrivant le premier, geste évident de respect et de déférence, désireux qu’il est de ne pas être accusé publiquement d’ἀντιϐουδαίζειν, pour reprendre le verbe grec qu’il avait forgé pour l’occasion, il écrit le 3 juillet à Budé une lettre que nous n’avons pas conservée, mais à laquelle ce dernier répond au mois de septembre : cette réponse, qui permet de conjecturer qu’Alciat s’était probablement justifié dans sa propre lettre de la publication de l’Apologia31, est toute à l’apaisement avec lui et annonce même que le nouveau professeur de Bourges a été couvert d’éloges devant le roi de France en personne32. Il n’en fallait pas plus au Milanais pour choisir d’enterrer définitivement son petit traité métrologique : au mois de décembre, il insiste une nouvelle fois auprès d’Amerbach pour interdire l’impression du De ponderibus, rappelant à son ami, sans toutefois mentionner l’échange épistolaire avec Budé, que le Français l’a élogieusement mentionné dans la quatrième édition du De asse (1527) et dans ses tout récents Commentarii linguae Graecae (1529)33. Tout aurait pu s’arrêter là si, par malchance pour Alciat, une édition pirate de son petit traité n’avait vu le jour en mars 1530, à Haguenau, à partir d’un manuscrit qui avait, lui, réellement été subtilisé dans sa bibliothèque milanaise vers 1527 par un certain Leopold Dick, qui avait en outre osé réécrire l’épître dédicatoire en la signant du nom même d’Alciat. En tout cas, à peine est-il informé de cette publication que le juriste adresse à Budé une nouvelle lettre, aujourd’hui perdue, mais dans laquelle il devait faire amende honorable et semble avoir usé de la fameuse excuse, polie de longue date, du manuscrit égaré. Dans sa réponse, demeurée inédite jusqu’en 196834, Budé fait pourtant preuve d’une exemplaire magnanimité et continue imperturbablement à sculpter pour lui-même l’image d’un homme sage qui se refuse à toute polémique, réaffirmant à Alciat son amitié, sa confiance et sa détermination à se consacrer désormais à d’autres tâches plus élevées35. Rassuré sur ses rapports avec l’un des plus importants personnages du royaume, le juriste pouvait désormais clamer à Érasme comme à tous ses correspondants que ses relations avec Budé ne sauraient être meilleures36.
Derniers feux polémiques : le retour du triumvirat
16Après Zasius en novembre 1535, Budé meurt en août 1540, laissant Alciat seul en scène. Mais, quelques mois avant la mort de l’humaniste français, son nom réapparaît pour la dernière fois dans la correspondance du Milanais. Cette mention, plus de dix ans après leur dernier conflit et sept ans après le retour définitif d’Alciat en Italie, aurait de quoi surprendre si elle ne prenait tout son sens dans un tout nouveau contexte polémique. En 1540, le jeune grammairien Francesco Florido fait en effet imprimer à Bâle une nouvelle édition d’un recueil de ses opuscules, incluant une version revue et augmentée de son De iuris ciuilis interpretibus, paru pour la première fois en 153737, et s’attaque directement au juriste, alors en poste à Bologne, pour prendre la défense de Lorenzo Valla contre les attaques dont il était victime dans le De uerborum significatione d’Alciat. Au livre IV de cet ouvrage, ce dernier s’était en effet employé à ruiner point par point les derniers chapitres du livre VI des Elegantiae (35-64). Sur une soixantaine de pages au ton fortement polémique (p. 140-202), Florido prend ainsi à son tour la défense du grand philologue contre Alciat. Les quatre dernières pages du De iuris ciuilis interpretibus sont quant à elles consacrées avec plus de virulence encore à Zasius, non seulement taxé d’impudence et d’immodestie, comme du reste le Milanais, mais également accusé d’écrire un latin barbare et de n’avoir aucune notion d’élégance.
17Informé par Amerbach de la prochaine publication de l’ouvrage, Alciat livre sa réaction dans une lettre datée du 11 février 1540, soit le mois précédant l’impression du volume de Florido, dont il n’a alors connaissance que par ouï-dire38 :
Est hic Floridus ille de quo scribis, agit enim παιδευτήν in nobilis cuiusdam uiri aedibus, relatumque mihi fuerat in me eum scripsisse, nec quicquam id mihi curae fuerat. Nunc cum intellexerim etiam in Zasium saeuiisse, incipio hominem odio habere, speroque facturum ut impune id non ferat, non quidem mea causa, sed Zasiana. Misserat scribligines suas ad Gryphium ut eas Lugduni excuderet, at ille, ubi uidit Zasium ipsum et Budaeum meque tam male indigneque haberi, remissit librum negauitque se eo modo impressurum. Arbitror nunc istuc mississe ad aliquem typographum indeque coepisse eius nomen tibi cognitum esse. Sed haec ego susque deque fero. Non potui tamen abstinere quin ulciscer rabulam epigrammate, quod ad te mitto.
Le Florido dont tu parles dans ta lettre est ici [i.e. à Bologne] : il travaille comme précepteur dans la maison d’un noble et l’on m’avait déjà rapporté qu’il avait écrit contre moi, mais je n’en avais rien à faire. Maintenant que j’ai appris qu’il s’était même attaqué à Zasius, je commence à éprouver de la haine pour cet homme et j’espère que son méfait ne restera pas impuni, pas tant pour moi que pour Zasius. Il avait adressé ses gribouillis à Gryphe pour qu’il les publie à Lyon, mais celui-ci, lorsqu’il s’est rendu compte que Zasius en personne, Budé et moi étions traités de si mauvaise et si indigne manière, a renvoyé le livre et affirmé qu’il ne l’imprimerait en aucune façon. Je pense à présent qu’il l’a adressé à un imprimeur de chez toi [i.e. de Bâle] et que, dès lors, son nom a commencé à être connu de toi. Mais c’est le cadet de mes soucis. Je n’ai pas pu m’empêcher néanmoins de me venger du criailleur dans une épigramme que je t’adresse.
18Avant d’en venir à cette épigramme vengeresse d’Alciat, il convient de noter préalablement l’habileté de sa stratégie rhétorique : feignant d’afficher à trois reprises dans ces quelques lignes son indifférence totale à l’égard des pages polémiques de Florido, rabaissé au rang de simple précepteur, il affirme prendre la plume pour défendre la mémoire de Zasius, choisissant ainsi d’entrer à son tour dans la polémique non tant pour lui-même qu’au nom de l’amitié. Plus curieux encore, apparaît ici le nom de Budé, tout juste évoqué dans l’opuscule du grammairien consacré aux exégètes du droit romain et à peine égratigné dans quelques passages d’un autre texte recueilli dans le même volume. L’épigramme jointe à la lettre à Bonifacius Amerbach, qui avait clairement vocation à être diffusée, au moins dans le milieu de l’humanisme allemand, porte en outre pour titre « [Épigramme] apologétique pour Zasius, Budé et Alciat contre “Ranci Puant” » (Zasii Budaei Alciati apologeticum in Ranciscum Olidum)39. Elle passera d’ailleurs dans le nouveau recueil d’Emblemata qu’Alciat fera paraître six ans plus tard, au prix d’un changement de titre – l’emblème s’y intitule In detractores – et de quelques modifications textuelles, qui évacueront cette fois la mention des deux autres membres du triumvirat :
Audent flagriferi matulae stupidique magistri
Bilem in nos olidi pectoris euomere.
Reddemusne uicem opprobriis ? Sed nonne cicadam
Ala una obstreperam corripere istud erit ?
Quid prodest muscas operosis pellere flabris ?
Negligere est satius, quod nequeas regere.
Des fouettards ahuris, de sots maîtres d’école,
Osent vomir sur nous leur bile répugnante.
Rendrons-nous coup pour coup ? Ne sera-ce pas là
Par une aile saisir la cigale criarde ?
À quoi bon s’échiner à éventer les mouches ?
Il vaut mieux dédaigner ce qu’on ne peut soumettre.
19Il paraît en tout cas évident qu’à travers Florido, c’est l’ensemble des grammairiens, rabaissés dans le premier vers au rang de maîtres d’école fouetteurs, que vise Alciat en les comparant à des cigales aux cris désagréables et à des mouches importunes40. Mais cette fois, il rattache à sa propre cause l’image de Budé pour réhabiliter dans cette épigramme polémique, face aux attaques de Florido, l’image du triumvirat de l’humanisme juridique jadis forgée par Chansonnette. En joignant sous une même bannière son propre nom et ceux de ses illustres rivaux, le juriste scellait de fait pour la postérité le mythe encore vivace d’une naissance de l’humanisme juridique sous les amicaux auspices de Budé, de Zasius et d’Alciat.
Notes de bas de page
1 Pour une première approche et de plus amples références, voir La Garanderie (de) M.-M., « Budé (Guillaume) », dans Nativel C. (dir.), Centuriae Latinae. Cent une figures humanistes de la Renaissance aux Lumières offertes à J. Chomarat, Genève, 1997, p. 221-231.
2 Annotationes in quatuor et uiginti Pandectarum libros, [Paris], 1508. Sur la méthode de Budé, voir notamment Maffei D., Gli inizi dell’umanesimo giuridico, Milano, 1956 ; Piano Mortari V., « Studia humanitatis e scientia iuris in Guglielmo Budeo », Studia Gratiana, 14, 1967, p. 437-458 ; Kelley D. R., « G. Budé and the First Historical School of Law », The American Historical Review, 72, 1967, p. 807-834 ; Osler D. J., « Budaeus and Roman Law », Ius commune, 13, 1985, p. 195-212.
3 Voir Viard P.-É., André Alciat (1492-1550), Paris, 1926, et Abbondanza R., « Alciato (Alciati), Andrea », Dizionario biografico degli Italiani, vol. 2, Roma, 1960, p. 69-77.
4 Sur la méthodologie d’Alciat, voir notamment Abbondanza R., « Premières considérations sur la méthodologie d’Alciat », dans Pédagogues et juristes, Paris, 1963, p. 107-118 ; Belloni A., « Contributi dell’Alciato all’interpretazione del Diritto Romano e alla sua storia », dans Gargan L. et Mussini Sacchi M. P. (dir.), I classici e l’Università umanistica, Messina, 2006, p. 113-160 ; Rossi G., « Andrea Alciato », Enciclopedia Italiana. Il contributo italiano alla storia del pensiero. Ottava appendice : Diritto, Roma, 2012, p. 106-109.
5 Cf. Rowan S. W., Ulrich Zasius : A Jurist in the German Renaissance (1461-1535), Frankfurt am Main, 1987.
6 Epistolae Gulielmi Budaei Regii Secretarii, [Paris], 1520. Pour la correspondance de Budé, nous renvoyons aux indispensables répertoires de L. Delaruelle, Répertoire analytique et chronologique de la correspondance de G. Budé, Toulouse-Paris, 1907, et de G. Gueudet, L’art de la lettre humaniste, Paris, 2004, p. 577-636. Par commodité, nous citons ici les lettres de Budé d’après G. Budaei […] Epistolarum Latinarum lib. V…, [Paris], 1531 (abrégé en Ep.).
7 Pour son refus du triumvirat, voir la lettre à C. Chansonnette (17 juillet 1519), dans Ep., fo 20 vo ; et, sur sa rencontre avec Alciat, fo 21 ro.
8 Voir les lettres à C. de Longueil (21 février 1520), dans Ep., fo 30 vo, et à J. L. Vives (2 mai 1520), dans Ep., fo 58 ro -vo.
9 Ep., fo 30 vo : Abunde est mihi si bona fide mecum egerit, de iis quidem certe quae a me inchoata utcumque erant, si tamen illa quadrare possunt operi ab eo instituto, id quod mihi uidetur ipse existimasse. Quod si quibus in locis in speciem opus ipse ex rediuiuo, quasi nouum extruxit, bona fides hoc poscit, ut mea rediuiua sint.
10 Ep., fo 31 vo : Me miserum si ita est, nec uenia certe dignum, nec misericordia, qui tantam operis fiduciam prae me toto in opere tulerim, quod tibicinibus multis atque impeditis tam leuiter fultum sit, ut unica columnella ab Alziato aut alio forte reperta omnibusque obuia, instar eius fulturae non modo praestare, sed etiam luculenter superare uideatur.
11 Ep., fo 31 vo : Quas omneis sane uereor ut ipsi Alziato satis ociose percensere arbitrarique uacauerit, oculis quidem propriis, non uicariis.
12 Les lettres d’Alciat sont citées d’après Le Lettere di A. Alciato giureconsulto, éd. G. Barni, Firenze, 1953 (abrégé en Barni).
13 Barni, no 6 (31 décembre 1520), l. 11-27 : Abrenuntiat omnem annotationum in iure ciuili amplius prouinciam et in me tanquam aptiorem onus omne delegat, profertque testimonium de me sane quam egregium : tacite tamen conqueritur praereptam eam sibi palmam.
14 Barni, no 7 (31 décembre 1520). Elle est publiée pour la première fois dans la seconde édition des Dispunctiones, au sein du chapitre consacré au sens de decies sestertium (III, i), dans ses Paradoxorum ad Pratum Lib. VI…, ex secunda authoris recognitione, Basileae, 1523, p. 171-175, et sera réimprimée dans toutes les éditions suivantes de ce recueil jusqu’en 1531, date à laquelle elle disparaît définitivement.
15 Barni, no 7, l. 83-87.
16 Sur les polémiques autour du De asse et de l’entreprise rivale de Porzio, voir l’excellente mise au point de Gueudet G., « Une lettre inédite de Budé à Alciat », Moreanea, 19-20, 1968, p. 70-90, seule étude disponible sur les rapports épistolaires d’Alciat et Budé.
17 Ep., fo 32 vo : Annotationum loca non pauca (ut opinor) ad reprehensionem arripere speciosius, sed cum in Liuii auctoritatem incidisset a me intactam, et laudem eam maiorem nomine et Franci hominis et Budaei esse duceret, huius quoque partem uendicare in transcursu uoluisse. Vsqueadeo rara sunt exempla candoris atque aequitatis inter homines gloriae amantissimos paucosque reperias innocentes et integros in aliena laude contrectanda.
18 Barni, no 7, l. 138-144, 147-149, 174-177.
19 Epistolae Gullielmi Budaei Secretarii Regii Posteriores, [Paris], 1522.
20 Lettre du 17 mars 1521, dans Ep., fo 66 vo : Cui rei accedit etiam nunc, quo minus tecum uelitari argutando sustineam pugnaeque simulachrum tentare et inceptare, quod tu impetum quendam certum et compositum ad certamen, producere magis (ut opinor) uoluisti, copias ut ostenderes et explicares tuas, sane instructas et compositas apte, quae impressionem atrocem cruoremue edituram, facere aut experiri.
21 Ep., fo 67 ro-vo : At enim nominatim Alciati memini in epistola mea ; hoc enim uideo te dicturum ; id igitur ne te conturbet, accipe quod sequitur et puta a iurato homine esse dictum et scriptum, qui ne iniuratus quidem fallere aut mentiri solitus sit : τὸ ὀνομαστὶ σοῦ μεμνῆσθαι, οὐκ ἐπὶ κακῷ ἐπῆλθέ μοι, οὐδὲ καθάπτεσθαι τοῦ ὀνόματος τοῦ σοῦ ἕνεκα ἀτιμωτικῶς, ἀλλὰ πρῶτον μὲν ἵνα παρὰ τοῖς τε πολλοῖς καὶ τοῖς τῶν μετρίων προσημμένοῖς τὴν δόξαν σώζοιμι, ἥν ὁποίαν δή ποτ᾽ οὗν εὑρόμην ἐκ τῶν ὑπομνημάτων, εἶθ᾽ ὅπως ἐπιδειξαίμην πάντων τῶν διαδεξαμένων τὸ ἐμὸν ἐκεῖνο ἐπιτήδευμα, μάλιστά σε δοκεῖν εἶναι μοι ἀξιομνημόνευτον.
22 Barni, no 40 (26 décembre 1527), l. 83-88, 93-98 et 115-121.
23 Cf. Érasme, Adages, éd. dir. J.-C. Saladin, Paris, 2011, 630a (Ab asino delapsu) : In eos dicitur qui inconsulte quippiam agunt et imperite, aut in eos qui a praesentibus commodis, quibus ob inscitiam uti nesciunt, excidunt.
24 Cf. Érasme, Adages, op. cit., 219 (Manum de tabula) : Peculiariter autem conueniet in quosdam scriptores plus satis accuratos et morosae cuiusdam diligentiae, qui sine fine premunt suas lucubrationes semper aliquid addentes, adimentes, immutantes, et hoc ipso maxime peccantes, quod nihil peccare conantur.
25 Pour les accusations d’Amerbach contre Bérault, voir Die Amerbachkorrespondenz, éd. A. Hartmann, t. III, Basel, 1947, no 1306, l. 40-45 et no 1317, l. 122-126. Pour celles d’Érasme contre Budé, voir Opus epistolarum Des. Erasmi, éd. P. S. Allen, t. VIII (1529-1530), Oxford, 1934, no 2209, l. 100-105 et no 2223, l. 6-10.
26 Cf. Andreae Alciati Iurisconsulti in Stellam et Longouallium Defensio, Aurelio Albucio auctore, Basileae, 1529, fo b4 ro -b5 ro.
27 Voir notre article « Allégeances politiques et stratégies polémiques dans les épîtres dédicatoires d’André Alciat », dans Julhe J.-C. (dir.), Pratiques latines de la dédicace. Permanence et mutations, de l’Antiquité à la Renaissance, Paris, 2014, p. 467-501.
28 Barni, no 49 (1er mars 1529), l. 28-41.
29 Barni, no 50 (28 mars 1519), l. 9-14.
30 Barni, no 51 (7 mai 1529), l. 34-44 et l. 90-104. La demande d’annuler l’impression est réitérée le 27 août 1529 : cf. no 54, l. 36-38.
31 Lettre de Budé à Alciat (24 septembre 1529), dans Ep., fo 139 vo : Illud uero etiam agnoscere non ausim, ut quod tu in literis addidisti, auspiciis meis tandem multorum pertinaciam uiceris, praeiudiciique mei exceptione contradicentes propuleris. Neque enim ego sum, neque quisquam est alius, cuius auctoritatem laudare tute debeas, in iis rebus asserendis, quas tu claris editis pridem probatisque lucubrationibus mancipii tui fecisti aut muneris.
32 Ibid., fo 140 ro : Ibi (ut paucis absoluam) doctrina tua et industria in lucem clarissimam tam commode prolatae sunt, ut inde nomini tuo splendor non mediocris accesserit, eorum testimonio quibus hisce de rebus Princeps ingeniosissimus fidem habere solet.
33 Barni, no 56 (31 décembre 1529), l. 18-24.
34 Lettre du 21 juin 1530, conservée à Paris, Collège de France, Archives, H II. a. 2. G. Gueudet, « Une lettre inédite… », op. cit., en offre une édition amplement introduite et commentée et, en se fondant sur le papier utilisé, avance l’hypothèse qu’il s’agirait d’une copie faite à la demande d’Alciat lui-même pour la diffuser à des amis.
35 De libelli tui aeditione nihil est quamobrem, quod quidem ad me pertinet, magnopere angare. Lectis autem literis tuis quas nuper accepi, librum mihi nunquam uisum, tametsi non inauditum legi, triduo aut quadriduo perquisitum. De quo animi mei aequitatem ut intelligas, nosse te oportet quae subiiciam. […] Ob libri igitur supradicti aeditionem mea quidem causa, non minus aequo posthac me, amicoque utere si usus ita uenerit.
36 Barni, no 64 (7 octobre 1530), l. 107-119.
37 Francisci Floridi Sabini in M. Actii Plauti […] calumniatores Apologia […]. Eiusdem de Iuris Ciuilis interpretibus Liber, itidem auctus atque recognitus…, Basileae, 1540.
38 Barni, no 114, l. 11-22.
39 Le calembour injurieux formé sur le nom latin du jeune grammairien est à peu près intraduisible : Ranciscus est un mot forgé par Alciat sur le verbe rancescere (« rancir ») tandis qu’Olidus est bien attesté au sens de « puant », « infect ».
40 Voir Érasme, Adages, op. cit., 828 (Cicadam ala corripuisti), où le Rotterdamois explique que l’expression, empruntée à Lucien, Pseudol., 1, s’applique in eos, qui quempiam prouocant minime ex usu suo et précise que, lorsqu’on saisit ses ailes, la cigale émet un son plus fort. La comparaison proverbiale avec les mouches provient quant à elle d’Adages, 2660 (Muscas depellere), où Érasme rappelle que l’expression s’utilise uulgato ioco pour désigner quelqu’un qui accomplit une tâche inutile, se fondant cette fois sur Aristophane, Vesp., 597.
Auteur
Université de Bretagne Occidentale/HCTI (E.A. 4249)
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Les écritures de la douleur dans l’épistolaire de l’Antiquité à nos jours
Patrick Laurence et François Guillaumont (dir.)
2010