La polémique contre les médecins imposteurs dans les Epistolae medicinales de Johann Lange*
p. 425-443
Texte intégral
1Après avoir étudié à l’Université de Leipzig, où il donna également ses premiers cours en philosophie naturelle et cosmographie, Johann (Johannes, Hans) Lange (1485-1565), né à Löwenberg, en Silésie, entreprit en 1515 un voyage en Italie dans le but de recevoir une formation médicale fondée sur les enseignements des humanistes. Lange étudia ainsi la langue grecque en suivant les cours sur les comédies d’Aristophane prodigués par Pietro Ipsilla1 à Bologne, où il suivit également les cours de médecine de Ludovico de Leonibus2 et les enseignements en philosophie de Pietro Pomponazzi (1462-1525)3. À Ferrare, Lange eut l’opportunité de connaître Niccolò Leoniceno (1428-1524)4, le médecin humaniste célèbre, entre autres, pour ses études sur Pline l’Ancien et ses traductions galéniques. Puis ses voyages l’amenèrent à Venise, Rome, Padoue et Pise. C’est à Pise que Lange devint docteur en médecine, en 1522 ou 1523. Rentré en Allemagne, à Heidelberg, Lange accepta le poste d’archiatre de l’Électeur du Palatinat, poste qu’il garda jusqu’à sa mort en 1565. Ce poste lui permit de voyager encore en Italie dans les années 1530 et en Espagne, et de participer à la campagne de son Prince contre les Turcs, en tant que médecin5. Les voyages en Italie et en Espagne, ainsi que les réseaux de connaissances au sein des communautés scientifique et philosophique de ces pays, et en particulier d’Italie, offrirent à Lange la possibilité de se confronter avec une culture médicale humaniste, ce dont témoignent le Medicum de republica symposium (1554) et deux volumes d’épîtres médicales (1554 et 1560). Cette culture contribua aux appels de Lange pour une réforme des études universitaires de médecine dans les pays germanophones, et notamment au Palatinat. D’ailleurs, la réforme des études ne peut pas être isolée des contextes culturel, social et religieux du Palatinat au milieu du xvie siècle. En effet, sur la base des compétences acquises tout au long de ses voyages, de son expérience de médecin et de la comparaison entre ce qu’il avait vu en Italie et ce qu’il pouvait constater en Allemagne, Lange entama, dans ses épîtres médicales, une vive polémique contre les médecins et les autres figures soignantes, qui, d’après lui, ne faisaient que tromper les patients. Comme nous le verrons, ces médecins imposteurs et ces figures soignantes étaient tous ceux qui n’avaient pas reçu une formation universitaire, telle que celle souhaitée par le médecin silésien. Le ton de la polémique monta quand il s’agit d’attaquer les chirurgiens, les moines, les empiriques, les femmes et les Juifs6. Dans cette contribution je me propose de parcourir les thématiques de l’attaque épistolaire de Lange et de réfléchir à la nature de cette polémique, car elle se situe dans une époque caractérisée par d’autres écrits contre la médecine et les médecins « imposteurs ».
2En 1589, le juriste Nicholas Reusner dédie au médecin Georg Wirth, médecin de l’empereur Charles V et de Philippe II d’Espagne7, le recueil d’Epistolae medicinales de Johann Lange, publié à Francfort chez les héritiers d’Andreas Wechel. Lange avait publié deux volumes d’épîtres en 1554 et 1560, à Bâle chez Johannes Oporinus8. Après sa mort, les membres de sa famille continuent à recueillir ses lettres et à les publier, en enrichissant les collections des années 15509. L’opération éditoriale de Reusner est telle que son édition s’impose comme l’édition qu’encore aujourd’hui utilisent les chercheurs afin d’étudier la pensée médicale de Lange, car Reusner insère dans ce volume des lettres et des opuscules qui manquaient dans la première édition et, surtout, rédige une préface qui nous informe sur la vie, les réseaux et l’activité de Lange. Dans cette préface, Reusner offre également au lecteur une brève histoire de la médecine pour mettre en lumière la dignité de cet art, don divin, comme les Égyptiens, les Grecs et la Bible l’ont montré10. La médecine est un art qui se transmet de père en fils et Hippocrate est l’exemple le plus haut de cette tradition que nous retrouvons chez les Arabes et dans l’Occident chrétien, comme l’atteste, d’après lui, la famille des médecins de Padoue dite Santa Sophia11.
3Georg Wirth, poursuit Reusner, est le dernier médecin d’une famille qui s’est consacrée aux études en médecine, théologie et droit (les noms des membres de la famille de Wirth et leurs œuvres sont rappelés), non seulement du côté paternel, mais aussi du côté de la famille maternelle, dont plusieurs membres se sont distingués justement dans les domaines de la médecine et du droit ; parmi eux figure Reusner lui-même. Et c’est par les liens familiaux maternels que nous découvrons que Johann Lange est le fils d’une tante de Wirth12. Dans la description de ces liens de parenté entre les familles Wirth et Lange, Reusner souligne que Johann Lange, archiatre du prince du Palatinat, est un véritable médecin philosophe, un iatros philosophos, voire, pour le dire avec Hippocrate, un isotheos, comme l’attestent abondamment les questions médicales et philosophiques adressées aux adversaires13. Le recueil d’Epistolae de 1589, traitant de matière médicale, est, d’après Reusner, une palingenèse de la pensée de Lange, car il permet de suivre l’œuvre de son auteur sous l’angle d’un genre de la littérature médicale qui a eu une vaste diffusion en Italie, mais qui ne semble pas avoir des précédents chez les écrivains germanophones. Reusner rappelle les auteurs italiens d’épîtres médicales qui, à son avis, ont donné du lustre au genre, conscient que quelques noms pourraient lui échapper : Giovanni Mainardi (1462-1536), Luigi Mondella († 1553), Giovanni Battista Teodosi (1475-1538), Pietro Andrea Mattioli (1501-1578), Nicolò Massa (1489-1569) et Vittore Trincavelli (1496 ?-1568)14. En Allemagne, continue Reusner, seul Lange a participé à la rédaction d’épîtres médicales, un genre d’autant préférable aux autres genres qu’il est plus ancien et éprouvé15. En effet, tous les auteurs mentionnés par Reusner avaient écrit des épîtres de médecine16, souvent publiées à plusieurs reprises et insérées dans des collections d’épîtres, parmi lesquelles nous ne pouvons passer sous silence le recueil publié en 1556, à Lyon : les Epistolae medicinales diuersorum authorum. Mainardi, Massa, Mondella et Teodosi sont bien présents, avec leurs épîtres, dans cette collection, et avec eux, 83 épîtres de Johann Lange sont publiées, correspondant au premier volume de ses epistolae (1554) : la référence aux auteurs mentionnés, chez Reusner, n’est peut-être donc pas un hasard17. Le choix du genre épistolaire en médecine correspond à une démarche épistémologique, comportant une construction du savoir médical par courtes discussions sur des thématiques précises, peu importe qu’elles soient des polémiques ou des histoires de patients ou encore des communications scientifiques. Comme Reusner lui-même l’indique concernant les lettres de Lange, elles sont très utiles et avantageuses non seulement pour la respublica literaria, mais également pour les studiosi medicinae et philosophiae, praesertim naturalis : la communauté littéraire, médicale et philosophique trouve son avantage dans la lecture d’un ouvrage dont les thématiques concernent enfin tout homme intéressé par la culture (totius literaturae politioris studiosis)18.
4À la lumière de ce bref panorama du contexte des publications épistolaires de Lange, la Praefatio de Reusner s’avère être un guide pour le lecteur qui veut comprendre l’impact que ces lettres eurent sur le milieu de la médecine universitaire européenne et, en particulier, allemande. Lange lui-même prend la parole dans une deuxième préface, adressée au lecteur, et c’est à partir de ces premières lignes que l’attaque contre les imposteurs de la médecine se développe. D’autre part, le titre de la praefatio de Lange annonce clairement qu’il est question d’expliquer la raison, l’occasio, de la rédaction des épîtres : Langius candido Lectori suam scribendi epistolas medicinales occasionem recenset19. Lange raconte qu’après s’être consacré à l’étude de la philosophie à Leipzig, il y a environ trente ans, il s’est tourné vers la médecine. Il a été surpris de constater que Galien avait du mépris pour les Allemands, Germani, exclus des enseignements de son De salubri uictus ratione. Galien soutient que les Allemands jettent les nouveau-nés encore chauds, car ils viennent de sortir de l’utérus de leur mère, dans les eaux froides des fleuves20. À la lecture de ces mots, continue Lange, il semblerait que Galien se réfère à une ancienne coutume, celle de jeter les nouveau-nés, bien emmaillotés, dans les eaux du Rhin : le fait de survivre était la preuve de la légitimité de l’enfant21. Néanmoins, de retour de Bologne, sacrum Musæum pour les études en médecine et droit, Lange a dû constater qu’en effet en Allemagne on ne peut pas encore dire que le niveau des médecins soit équivalent à celui des anciens Grecs. En Allemagne, explique Lange, il y a des médecins qui font ostentation de leur art et portent leur diagnostic et pronostic de mort ou de vie en se fondant sur la seule inspection des urines putrides (ex solius putridi lotii inspectione), comme le font les vieilles femmes, uatidicae anus, qui prophétisent par la boule de cristal22. Ces médecins ne savent rien sur les vraies causes des maladies : interrogés sur ces causes et sur ce que Galien et Hippocrate ont écrit à ce sujet, ils se montrent tellement aveugles et ignorants qu’ils ne font que commettre des erreurs. L’on dirait que, pour eux, Galien n’a jamais écrit ses enseignements sur la méthode médicale, en tout cas ces logiatri ne les ont pas lus23. Encore plus grave, les médecins ne sont pas les seuls ignorants de l’art de soigner en Allemagne. Lange s’engage à contester également l’activité des chirurgiens, aliud crudele Chirurgicorum uulgus, totalement ignorant des langues, analphabète (analphabeton) ; au lieu de réduire une fracture ou une luxation, ils ne font que tordre et déchirer les membres des patients, causant une douleur insupportable et faisant souvent sortir les acétabules de leur siège24.
5Cette ignorance, ignorantia, devient un délit quand il est question de traiter un patient victime d’une fièvre ardente (causon), car des médicaments puants et abrasifs sont frottés à maintes reprises sur la langue du malade, médicaments préparés à base d’excréments de cheval ou de jus de crabe. Et si un patient présente des taches rouges sur le corps, la prescription médicale est de rester in perpetuum dans l’eau, sans se laver les cheveux, même si l’on n’a pas de fièvre25. Ne parlons pas des blessures du coude, du genou ou de n’importe quelle articulation du corps, continue Lange, que les chirurgiens traitent ou, mieux, ne traitent pas : souvent leurs emplâtres ne font qu’augmenter la putréfaction des membres, à tel point que, s’ils voient sortir de la blessure un fluide blanc ou de la sanie, ils disent que c’est le gliedwasser, l’eau de l’articulation, tout à fait naturelle26. Néanmoins, encore plus exécrable et dangereuse est la manière dont ils soignent les blessures du crâne, surtout en l’absence d’ouverture de la peau ou de fracture évidente, par exemple à la suite d’un jet de pierre ou d’un trait ou encore d’une chute. En cas de saignement entre le cerveau et ses membranes, il faut ouvrir la peau en traçant un X et perforer le crâne avec le trépan abaptistos, afin de faire sortir les humeurs qui autrement se putréfieraient, donnant lieu à des convulsions et à la mort27. L’ignorance enfin est aussi à l’origine de la mort de milliers de soldats sur les champs de bataille : combien d’épidémies de dysenterie ou de fièvre ne sont pas traitées correctement par ces médecins et chirurgiens ignorants ? Combien de morts sont dus à cette ignorance ? Lecteur, continue Lange, le nombre de morts est supérieur à toute imagination : la ville très populeuse de Paris n’en contient pas autant (urbs Parisiorum populosissima non tot alit incolas)28.
6L’avarice et l’ignorance des pseudo-médecins transforment la médecine, don sacré de Dieu, en un danger pour les hommes ; sycophantes, charlatans, vieilles femmes prophétesses, imposteurs et magiciens profanent cet art :
Quis non ab imo pectore ingemisceret, medicinam, tam sacrosanctum Dei donum, auaricia et ignorantia pseudomedicorum in hominum perniciem conuerti : salutare summi Dei donum anus uatidicas, sycophantas quoque, et agyrtas, suis imposturis, arte Magica et idololatriae superstitionibus ac incantamentis, ita prophanare et conspurcare, ut nulla sit artium, quae tot impiis scateat superstitionibus.29
Qui ne déplorerait de tout son cœur que la médecine, un tel don sacré de Dieu, soit tournée en un danger pour l’homme par l’avarice et l’ignorance des pseudo-médecins ? Et que les vieilles prophétesses, les sycophantes et les charlatans, avec leurs impostures, l’art magique et les superstitions et les incantations de l’idolâtrie ont tellement profané et souillé ce don salutaire du grand Dieu qu’il n’existe aucun art qui fourmille d’un aussi grand nombre d’impies impostures ?
7Cependant encore pires sont les gouverneurs et les magistrats (praefecti aut magistratus), qui, en échange du vil argent, soutiennent, autorisent et protègent ces monstres et les Juifs perfides, en mettant en danger les sujets : accepta turpi pecuniola, haec medicinae monstra, et Iudaeos perfidos, in perniciem subditorum alunt, fouent et tuentur30. C’est ainsi que les ignorants et les barbares sortis des villages et des monastères, ainsi que les Juifs venus des synagogues et les pseudo-médecins tuent les habitants d’Allemagne, Germania, ignorant les propriétés des médicaments, dans l’impunité qui leur est assurée par les magistrats (ita impune conniuente magistratu)31. C’est pour sauver les pauvres malades de ce carnage et de ces impostures que Lange a rédigé ses épîtres de médecine : l’entreprise vise à montrer la manière correcte de soigner, en corrigeant l’ars de ces médecins qui fondent leur profession sur les indices extraits des urines, ignorant la nature des maladies. De cette façon, Lange veut être utile, changer les études, les conditions de travail et la renommée de la médecine et des médecins. Le moment est venu, d’après Lange, de nettoyer la médecine des barbarorum et sophistarum nugae32.
8Le contenu de cette préface adressée au lecteur est un résumé de ce que nous lisons dans l’ensemble des épîtres médicales de Lange, dont la première, en forme de dialogue (Lange et Aristarque) pendant un symposium, est dirigée contre les pseudo-médecins qui souillent la médecine par leurs impostures. Les pseudo-médecins, dit Lange, sont souvent bien habillés avec leurs vêtements de soie, leurs anneaux et leurs bonnets rouges. Mais si l’on leur enlève ces vêtements, ostentation de leur art trompeur, ce qu’on découvre, c’est un Juif perfide, un moine infidèle, un paroissien ignorant de tout bon art, un charlatan, un goinfre, une vieille incantatrice ou ce genre de personnes. Celles-ci ne sont intéressées que par l’argent, pecunia, et pour cela sont prêtes à tout essayer sur les corps des malheureux malades33. Elles ne rougissent pas en prophétisant par les urines ou en prononçant des incantations, certaines ont même recours à la magie, à l’astrologie, aux démons : temerariis ex urina de morbis uaticiniis, ac nefariis superstitionum nugis et incantationibus ; ce sont ces erreurs et superstitions que Lange se doit de corriger34.
9C’est à ce moment de son discours que la deuxième épître du recueil dévoile les difficultés rencontrées par Lange dans sa tentative de délivrer la médecine des erreurs et des superstitions. Dans cette épître, les actions à accomplir sont au nombre de trois : la première, contre les opinions fausses des médecins barbares ; la deuxième, contre la corruption des mœurs ; la troisième, enfin, contre l’arrogance des médecins ignorants. Si, d’un côté, la barbarie de certains médecins est enracinée dans l’histoire de l’art médical et ne pourra être effacée que par la culture, de l’autre c’est la corruption des mœurs qui est à la base de la persistance de cette même barbarie, car l’absence de punition de cette ignorance est ce qui lui permet de proliférer. Si les magistrats et les nobles acceptent de l’argent tout en permettant aux pseudo-médecins de continuer à écorcher les patients, la conséquence ne peut qu’être la confirmation de ce que Pline l’Ancien dit dans le livre 29 de la Naturalis Historia, c’est-à-dire qu’aucune loi ne punit l’incapacité des médecins, medicorum inscitia :
Deinde cum magistratus et proceres, acceptam [sic : accepta] a Iudæis et reliquis Medicis doxosophois parua pecunia, libere in corpora subditorum grassari, eosque non tondere, sed deglubere permittant, hac magistratuum indulgentia effectum est, ut nulla sit lex (teste Plinio) quae capitalem medicorum inscitiam puniat solique medico hominem occidere et Iudaeis in corporibus Christianorum experimenta per mortes agere, impune liceat.35
Donc, puisque les magistrats et les nobles, après avoir accepté un peu d’argent de la part des Juifs et des autres médecins incompétents36, permettent que ces médecins ravagent librement sur les corps des sujets, non pas en les coupant, mais en les déchirant, l’effet de l’indulgence de ces magistrats est qu’aucune loi n’existe, comme l’atteste Pline, qui punisse la maladresse mortelle des médecins et qu’au médecin seul il est permis impunément de tuer un homme et aux Juifs d’expérimenter sur les corps des Chrétiens par leur mort.
10Encore plus grave, quand, comme l’explique Galien, l’ignorance se joint à l’arrogance. Les demi-savants Germains, dit Lange, sont aussi arrogants, parce qu’ils pensent avoir trouvé toujours le meilleur des remèdes et cachent leur manque de compétences par leur richesse. Ils ne savent pas qu’une personne savante et sage n’a pas honte d’avouer son erreur, comme Hippocrate l’a fait concernant une blessure de la tête. Mais cela ne doit pas surprendre le lecteur, car ces pseudo-médecins, élevés dans les écoles de la barbarie, ne se rendent pas compte qu’ils sont ignorants37.
11Les médecins, comme nous le disions plus haut, ne sont pas seuls dans l’exercice de cette médecine néfaste pour la vie humaine, ils sont accompagnés des chirurgiens ignorants, incapables de traiter blessures, fièvres et plaies. La chirurgie, dit Lange, partie antique de la médecine, qui remonte à Esculape, Machaon et Podalire, est aujourd’hui en proie à l’ignorance des chirurgiens qui ne connaissent pas l’anatomie du corps humain. Mais comment réduire une fracture sans avoir connaissance de la structure du corps ? Hérophile et Érasistrate pratiquaient même la vivisection sur les prisonniers afin de connaître cette structure, continue Lange. Malheureusement les chirurgiens allemands, qui se limitent à la dissection des veaux et des cochons, sont pourtant devenus les tyrans du corps humain38. Dans les pages qui suivent, les maladresses dans le soin des blessures, des fièvres et des fractures du crâne sont placées sous les yeux des lecteurs, comme elles le sont déjà dans la vie quotidienne, d’après Lange39.
12Après ces premières lettres de dénonciation des erreurs et de l’ignorance du corps soignant, commence la pars construens des épîtres de Lange, avec l’analyse de maladies et de cas chirurgicaux, la recherche des causes des maladies, l’étude des signes, des symptômes et des thérapies concernant divers domaines médicaux, tels que les maladies des femmes, les maladies contagieuses, les maladies des reins. L’attitude polémique ne s’atténue pas dans plusieurs de ces épîtres, mais un panorama, même partiel, de ces contenus nous éloignerait du but de cet article, qui est l’appréhension des enjeux de l’attaque de Lange contre les pseudo-médecins allemands sous une forme épistolaire. En effet, pourquoi Lange ne s’est-il limité à écrire un recueil d’épîtres de médecine, comme ses collègues italiens le faisaient souvent, à savoir un recueil de cas médicaux ou de discussions même vives sur différents sujets de médecine et de philosophie naturelle ? Pourquoi a-t-il utilisé l’épître médicale pour plaider la réforme de la formation des professions médicales ?
13La préface de Reusner nous invite à considérer les épîtres de Lange comme utiles non seulement à la « République des Lettres » (respublica literaria), mais également aux médecins et aux philosophes : la stratégie éditoriale de la publication de Reusner et du recueil de Lange peut être saisie à la lumière de cette affirmation. Comme l’a montré Ian Maclean, l’expression respublica literaria apparaît pour la première fois en 1417, dans une lettre envoyée par Francesco Barbaro à Poggio Bracciolini (le Pogge) : Bracciolini est loué pour son travail de découverte des livres anciens, mis à la disposition des gens de lettres. Les liens des humanistes sont scellés par les échanges épistolaires, qui, au xvie siècle, seront pris pour modèle par les médecins humanistes40. En associant la respublica literaria aux medicinae et philosophiae studiosi, Reusner insère les lettres de Lange dans le réseau des échanges humanistes, conscient que ses mots ne font que confirmer une donnée objective : Lange avait déjà été accepté au sein de cette communauté, d’où l’impression de ses lettres dans le recueil de 155641. D’autre part, Lange participe à la culture des humanistes par ses polémiques contre les pseudo-médecins qui ouvrent son recueil d’épîtres, dans le sillage des médecins humanistes qui, à Ferrare, avaient montré comment la manière de pratiquer et de penser la médecine évolue par rapport aux époques précédentes grâce à la découverte des textes anciens, à la correction des erreurs des prédécesseurs par le retour aux langues anciennes et l’expérimentation, ainsi que grâce à la constitution de communautés organisées sur la base d’un corporatisme excluant tous ceux qui n’avaient pas reçu la même formation universitaire (Juifs, femmes, empiriques, etc.42) : Niccolò Leoniceno et Giovanni Mainardi43. Mainardi, en particulier, est le premier médecin qui publie un recueil d’épîtres médicales : un choix qui rompt avec la tradition de l’argumentation médicale par le genre du traité et qui choisit de corriger les erreurs des collègues, de discuter sur l’identification de res et uerba, d’analyser l’efficacité des remèdes par des textes courts44. Le genre de l’épître ne semble pas avoir été exploité par les médecins anciens, comme nous le rappelle V. Boudon-Millot, Galien étant même hostile aux diagnostics et aux thérapies dans le cadre des consultations épistolaires45. Pourtant, les médecins humanistes exploitent le genre, bien développé en philosophie46, dans une perspective double : polémiquer avec les collègues sur des erreurs et des attitudes qui mettent en danger la profession et la vie des patients, et adresser des diagnostics et des thérapies à des patients distants, souvent sur sollicitation d’un collègue (conseils, observations, consultations, etc.)47.
14Lange trouve dans le genre épistolaire des avantages dont l’exemple vient de ses prédécesseurs, qui l’avaient utilisé afin de mener des attaques ad personam, ad hominem ou contre des catégories de personnes, comme Pétrarque l’avait montré par ses Inuectiue contra medicum et ses Familiares (V 19, 3)48, et Mainardi lui-même l’avait fait dans son recueil d’épîtres, par exemple dans la célèbre épître II 1 De erroribus Simonis Pistoris de Lipzg circa morbum gallicum49. Lange peut ainsi exploiter le genre épistolaire pour actualiser la critique des faux médecins (pseudo-medici) dont la tradition est ancienne – il suffit de penser à Pline l’Ancien50, dont les mots sur l’impunité des médecins ignorants, qui tuent leurs patients, sont cités, nous l’avons dit, par Lange. Par ailleurs, Lange place la citation plinienne dans le contexte de la corruption des mœurs (les magistrats acceptent l’argent et ne punissent pas les faux médecins, voire les médecins ignorants) et non pas dans le contexte originaire plinien, à savoir celui de la relation du médecin au patient. En effet, chez Pline, le passage conclut un paragraphe sur les professionnels de la santé, qui doivent nécessairement connaître et parler la langue grecque : ceux qui ne l’emploient pas ne sont pas retenus par la population comme étant de bons médecins. Les patients, même les plus ignorants, comme ils sont désespérés, font confiance aux médecins dont ils ne comprennent pas la langue, dans le seul espoir d’avoir la vie sauve : le patient est séduit par l’espoir de la guérison. Les médecins en profitent, même ceux qui se disent, eux-mêmes, médecins, d’autant plus que la loi ne les punit pas, dit Pline51.
15D’autres critiques auraient pu être introduites par Lange dans ses épîtres, que nous retrouvons chez Pline l’Ancien, chez Pétrarque, dans le De incertitudine et uanitate scientiarum (1526, paru en 1530) de Heinrich Cornelius Agrippa, et chez d’autres auteurs de la deuxième moitié du xvie siècle et du xviie siècle, comme l’ont montré, entre autres, A. Carlino et D. Gentilcore52. Si nous lisons cette littérature critique de la médecine, nous y trouverons l’avarice des médecins, leurs contacts quotidiens avec les excréments, leur saleté, leur état continuellement maladif, leur inventivité pour cacher leurs limites, leurs mensonges, etc. Lange se concentre uniquement sur l’ignorance, l’arrogance et la corruption des mœurs. Il est médecin et il sait que le contact quotidien avec les excréments pour poser un diagnostic et un pronostic, la proximité avec la maladie, le fait d’avoir des limites etc., toutes ces actions font partie de la pratique de la profession médicale au quotidien. En effet, ce n’est pas la satire en soi qui intéresse Lange, la lettre lui permet de dépasser les bornes du récit, de l’argumentation en prose, des vers, etc. Elle offre l’opportunité de concentrer l’attention du lecteur sur une perspective unique, celle de l’ignorance et des mauvaises mœurs qui mettent en danger la vie des patients et la profession médicale.
16Un mauvais médecin signifie la mort du patient et la ruine de la renommée des autres médecins, ceux qui ne sont pas ignorants. Un mauvais médecin est celui qui détruit le donum Dei qu’est la médecine. L’insistance de Lange sur l’image de la médecine en tant que don divin nous ramène au cœur de la question humaniste : la scientia est un don de Dieu que les hommes ne peuvent pas commercialiser, vendre53. C’est l’enjeu moral de la corruption des mœurs des médecins et des politiques, laissant triompher les incompétents, qui pousse Lange à entreprendre son œuvre en accord avec la tradition des médecins humanistes. Si la dénonciation du faux médecin donne à Lange une place dans le recueil d’Epistolae de 1556, unique étranger parmi les médecins humanistes italiens, c’est l’engagement politique de Lange pour une réforme des études et de la formation des médecins qui complète son portrait de médecin humaniste. Lange invite son prince, l’Électeur du Palatinat, à faire venir d’ailleurs des enseignants, des théologiens, etc., et à fonder une grande bibliothèque, comme l’ont fait les papes et les rois de France54. En même temps, il demande à son Prince une réforme des études universitaires, fondée sur quatre chaires de médecine (médecine arabo-latine, chirurgie, médecine galénique, médecine hippocratique)55. Ce plan, rédigé en 1545 pour l’Électeur Frédéric II, n’est adopté que partiellement par l’Électeur Otteinrich en 1558 : les trois chaires de physiologie, pathologie et thérapeutique doivent former les futurs médecins, et les chirurgiens ont enfin droit à une lectio chirurgica et à des dissections de corps humains56. Dans cette réforme, ce qui est principalement retenu de l’appel de Lange, c’est que seuls les médecins sortis des universités pourront exercer la profession médicale : femmes, Juifs, charlatans, etc. en sont exclus, dans un climat culturel de plus en plus hostile, comme Siraisi l’a montré, aux Juifs et aux non-universitaires57. Le message humaniste de Lange s’adapte aux exigences de la politique, donc, mais les échos culturels de son appel à une médecine et une chirurgie réformées dans les contenus et les mœurs ne passent pas inaperçus chez les autres médecins humanistes de langue allemande. Dans son De chirurgia, un recueil de textes chirurgicaux anciens et modernes publié à Zurich en 1555, le médecin zurichois Conrad Gessner (1516-1565) insère une seule section d’un auteur allemand, c’est-à-dire un choix d’épîtres de Lange58 : le retour aux Anciens et la réforme de la formation universitaire des figures soignantes ne pouvaient être ignorés par un médecin humaniste et philologue comme Gessner59.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Pietro Ipsilla remplaça Paolo Bombace, tombé malade, dans l’enseignement du grec à l’Université de Bologne en 1510, comme Bombace lui-même le raconte à Érasme dans une lettre de 1511. Ipsilla, qui garda la chaire de grec à Bologne jusqu’en 1526, fut le professeur de grec de Jean de Médicis (le pape Léon X). Cf. Mioni E., 1969 ; Siraisi N., 2013, p. 41 ; Albicini C., 1877.
2 Nous n’avons que très peu de renseignements sur Ludovico de Leonibus, professeur de médecine à Bologne du moins entre 1504 et 1526. Cf. Busacchi V., 1956.
3 Au vu de la riche littérature sur Pietro Pomponazzi, je me borne à citer l’un des derniers ouvrages portant sur sa pensée : Sgarbi M. (éd.), 2010.
4 Sur Niccolò Leoniceno, cf. Pellegrini P., 2013, auquel il faudra ajouter Fortuna S., 2006.
5 Sur la vie et l’œuvre de Johann Lange, cf. Siraisi N., 2013, p. 40-41 ; Gunnoe C. D., 2011, p. 57 ; Nutton V., 1985, p. 92-93.
6 Le contexte de ces attaques a été analysé par Nancy Siraisi, 2013, p. 56-60. Elle montre que dans les épîtres de Lange, le nom de pseudomedici attribué aux moines, aux empiriques et aux Juifs est justifié par l’auteur sur la base de leur méconnaissance des causes naturelles des maladies, au vu de leur ignorance de la philosophie naturelle aristotélicienne et de la médecine hippocratico-galénique universitaire.
7 Cf. Siraisi N., 2013, p. 39.
8 Lange J., 1554 ; Id., 1560.
9 Sur les éditions des épîtres médicales de Lange, cf. Siraisi N., 2013, p. 42, 115-116.
10 Lange J., 1589, Praefatio (Reusner), fo a2 ro-vo.
11 Ibid., fos a2 vo-4 ro.
12 Ibid., fo a7 ro.
13 Ibid., fo a8 ro-vo.
14 Ibid., fo a8 vo.
15 Ibid., fos a8 vo-b1 ro.
16 Mainardi G., 1521 ; Id., 1528 ; Id., 1529 (pour un panorama des éditions des épîtres de Mainardi, cf. Mugnai Carrara D., 2005, p. 363-382) ; Mondella L., 1538 (pour les éditions successives, cf. Siraisi N., 2013, p. 92-93) ; Teodosi G. B., 1553 ; Mattioli P. A., 1561 (sur les éditions des épîtres de Mattioli, cf. Siraisi N., 2013, p. 98 ; Maclean I., 2008, p. 29) ; Massa N., 1550 (sur les épîtres de Massa, cf. Siraisi N., 2013, p. 17-20) ; Trincavelli V., 1586 (cf. Siraisi N., 2013, p. 10 ; Stolberg M., 2013, p. 8-10).
17 Epistolae, 1556. Sur ce recueil, cf. Siraisi N., 2013, p. 9.
18 Lange J., 1589, fo bi ro. Sur ce passage, cf. Maclean I., 2008, p. 21.
19 Cette Praefatio est une réimpression de celle déjà publiée dans le premier volume d’épîtres de 1554.
20 Lange J., 1589, p. 1-2. Cf. Galenus, 1823, I 10, p. 51.
21 Lange J., 1589, Praefatio, p. 2.
22 Ibid., p. 2-3.
23 Ibid., p. 3.
24 Ibid.
25 Ibid., p. 3-4.
26 Ibid., p. 5.
27 Ibid., p. 6.
28 Ibid., p. 6-7.
29 Ibid., p. 7.
30 Ibid.
31 Ibid., p. 8.
32 Ibid.
33 Ibid., I 1, p. 10-11.
34 Ibid., p. 12.
35 Ibid., I 2, p. 14. Pline, XXIX, 8, (CUF, p. 26) : Nulla praeterea lex quae puniat inscitiam capitalem, nullum exemplum uindictae. D’après A. Carlino, 2006, p. 301, on peut mettre en relation cette affirmation de Pline avec un passage des Lois de Platon, dont néanmoins je me permets de signaler une prise de position en faveur des médecins qui ne sont pas responsables de la mort de leurs patients. Cf. Platon, Lois, IX, 865b (CUF, p. 116) : « Quant aux médecins en général, celui dont le patient mourra sans qu’il y ait de sa faute (akontôn), sera pur selon la loi ».
36 Doxosophoi : qui fondent leur savoir sur les opinions et non pas sur la science.
37 Lange J., 1589, I 2, p. 15-16. Cf. Celse, De la médecine, VIII 4 (Daremberg, 1859, p. 333) ; Hippocrate, Épidémies, V, 27, (Littré, 1846, p. 226-227 ; Jouanna, CUF, p. 16-17) ; id., Des plaies de la tête, chap. 12 (Littré, 1841, p. 222-229).
38 Lange J., 1589, I 3, p. 16-17.
39 Ibid., p. 18-20.
40 Maclean I., 2008, p. 17. Sur le genre épistolaire à la Renaissance, cf. aussi Henderson Rice J., 1983, p. 89-105 ; Fumaroli M., 1978, p. 886-905.
41 Cf. supra, note 17.
42 Concernant l’exclusion de ces figures soignantes des réseaux européens des professionnels de la santé, cf. l’exemple de la France dans Lingo A. K., 1986, p. 583-604.
43 Cf. Maclean I., 2008, p. 18.
44 Nous n’avons pas la possibilité d’analyser ici l’épistolaire de Mainardi et les enjeux de son choix épistémologique, mais nous renvoyons à Maclean I., 2008, p. 19.
45 Boudon-Millot V., 2010, p. 113-132. Pour un panorama des épîtres médicales et scientifiques dans l’Antiquité, cf. Langslow D. R., 2007, p. 211-234.
46 Cf. Maclean I., 2008, p. 17-18 et ses références en particulier à Érasme, sur lequel cf. aussi Bénévent C., 2010, p. 167-186 ; Wolff É., 2010, p. 357-365.
47 Sur les genres des épîtres, observations, consultations médicales, histoires de patients, etc. à la Renaissance et dans la première modernité, cf. Pomata G., 2011, p. 45-80 ; ead., 2011 ; ead., 2010.
48 Cf. Carlino A., 2006, p. 306. Voir aussi dans ce volume la contribution de V. Abbruzzetti.
49 Cf. Zambelli P., 1965.
50 Cf. supra, note 35.
51 Pline, XXIX, 8 (CUF, p. 25-26).
52 Cf. Carlino A., 2006 ; Id., 2002 ; Gentilcore D., 2006.
53 Cf. Maclean I., 2008, p. 18.
54 Cf. Nutton V., 1985, p. 95.
55 Cf. Siraisi N., 2013, p. 50.
56 Cf. ibid. ; Nutton V., 1985, p. 95-96 ; Gunnoe C. D., 2011, p. 58.
57 Cf. Siraisi N., 2013, p. 59.
58 Cf. Nutton V., 1985, p. 91. Je rappelle que Gessner est protagoniste de plusieurs échanges épistolaires avec ses collègues : cf. Delisle C., 2008, p. 35-58 ; ead., 2004, p. 161-176. Par rapport à la médecine populaire, Lange rétablit le rapport vertical entre médecine universitaire et médecine non-universitaire que la diffusion des remèdes populaires et des figures soignantes non issues des universités avaient transformé en un rapport horizontal. Cf. Gentilcore D., 2004, p. 162 ; Pomata G., 1994, p. 256-258.
59 De chirurgia scriptores, 1555, fos 311 ro-320 ro. Gessner imprime aussi les lettres de Lange qui polémiquent contre les erreurs des chirurgiens.
Notes de fin
* Je tiens à remercier Nancy Siraisi pour ses conseils dans la rédaction de cet article et Anna Schmitt pour sa relecture. Je remercie également Ian MacLean pour avoir partagé avec moi ses réflexions sur la question des échanges épistolaires entre médecins humanistes.
Auteur
Université de Tours/CESR (UMR 7323)
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Les écritures de la douleur dans l’épistolaire de l’Antiquité à nos jours
Patrick Laurence et François Guillaumont (dir.)
2010