L’expression du conflit entre rhétorique et philosophie dans la Correspondance de Fronton et les Lettres à Lucilius de Sénèque
p. 351-366
Texte intégral
1La Correspondance de Fronton, malgré l’état fragmentaire dans lequel elle nous est parvenue, reflète une diversité de destinataires parmi les plus en vue de l’époque antonine, d’Antonin le Pieux à Lucius Verus en passant par Appien ou Hérode Atticus. Mais c’est avec Marc Aurèle que Fronton échange le plus de lettres : il a en effet été nommé son précepteur, sans doute vers le milieu des années 130, afin de lui enseigner la rhétorique. Leur échange, tel qu’on l’a conservé, s’étend de 139 à 166, date des dernières lettres et époque présumée de la mort de Fronton1, bien après, donc, que ce dernier a cessé son activité professorale. Même si l’on ne peut s’y limiter, la valeur didactique de leur échange représente pourtant un axe majeur de la Correspondance. Même après l’accession au trône de Marc Aurèle, Fronton n’abandonne pas tout à fait ce rôle, donnant encore des conseils de lecture ou discutant des points doctrinaux.
2En particulier, la question des rapports entre rhétorique et philosophie représente un sujet important de la correspondance entre Fronton et Marc Aurèle. Une lecture rapide amène à un paradoxe évident, qui a longtemps constitué une opinion commune sur les rapports entre les deux hommes : Fronton serait un ardent défenseur de la rhétorique et lui donnerait la primauté au détriment de la philosophie, tandis que Marc Aurèle se serait détourné de la rhétorique au profit de la philosophie, rejet exprimé dans la lettre dite « de la conversion », adressée à Fronton en 146. Cette thèse de la conversion a récemment été remise en cause par Christoph Kasulke, qui, de manière parfois trop systématique, tend à nier l’existence de ce conflit2 – position certes un peu tranchée, mais qui a le mérite de mettre à mal cette dichotomie entre les deux disciplines.
3Or l’existence de ce supposé conflit entre rhétorique et philosophie avait déjà été exprimée dans un autre échange épistolaire, celui des Lettres à Lucilius de Sénèque. La visée est bien différente : le philosophe tente de persuader son correspondant de s’engager sur la voie de la sagesse en adoptant les principes stoïciens. Mais la démarche didactique qu’il adopte dans cette correspondance ainsi que sa réflexion sur la place de la rhétorique dans ce cheminement intérieur, qui a souvent été lue comme un rejet, permettent une comparaison avec la Correspondance de Fronton, d’autant plus féconde que les perspectives éditoriales des deux œuvres diffèrent entièrement : à la volonté de publication de Sénèque et au choix de supprimer les réponses de Lucilius s’oppose la transmission d’une correspondance pas ou peu retouchée entre deux correspondants qui ne cherchaient pas à léguer leurs lettres à la postérité. Il conviendra donc dans cette étude de s’interroger sur la réalité du conflit entre rhétorique et philosophie dans ces œuvres, mais surtout de voir en quoi les conditions épistolaires influent sur son expression, en étudiant successivement ces problèmes chez Fronton, chez Marc Aurèle et chez Sénèque.
Fronton : un rhéteur imprégné de philosophie
4Par sa fonction même, Fronton ne peut qu’être un ardent défenseur de la rhétorique. L’ensemble des lettres qu’il adresse à Marc Aurèle et à Lucius Verus témoigne de la prééminence qu’il accorde à cette discipline : savoir bien parler représente la qualité primordiale pour un futur chef d’État. L’apologie de la rhétorique s’exprime tout particulièrement dans une lettre adressée à Verus en 163, lors de son retour après sa campagne victorieuse en Arménie, mais aussi à Marc Aurèle : Igitur si uerum imperatorem generis humani quaeritis, eloquentia uestra imperat, eloquentia mentibus dominatur3. En attribuant à l’éloquence le titre d’imperator4, élément de la titulature impériale, en la qualifiant de uera, par un jeu de mots sur le nom de Lucius et le surnom de Marc (Verissimus), Fronton en fait l’élément-clé du pouvoir impérial. Il fait d’ailleurs suivre cette affirmation d’une recension historique des empereurs précédents, pour déterminer la qualité de leur règne en fonction de leurs capacités oratoires5. Bien plus, l’éloquence est mère de tous les arts :
Sed caput atque fons bonarum artium et studiorum ab eloquentiae disciplinis oritur, neque res militaris neque officii obseruantia, quam philosophiam uocant, perfecta gigni potest, nisi cum eloquentia creata sit.6
5La multiplication des termes désignant l’origine, avec une variété stylistique témoignant du travail oratoire de Fronton, confère à l’éloquence et à son apprentissage (eloquentiae disciplinis), c’est-à-dire à la rhétorique, un rôle primordial. Pour mieux apprécier la portée de ce passage, il convient de le rapprocher d’une lettre adressée à Marc Aurèle vers 140-143, où Fronton reprend la légende d’Orphée en lui attribuant un pouvoir civilisateur non grâce à sa musique, mais grâce à son talent oratoire7. On retrouve dans cette fable les éléments de la lettre à Lucius Verus : l’éloquence est fons bonorum studiorum parce que de ce principe civilisateur découlent tous les arts, la parole instituant les règles et créant l’ordre ; mais surtout, elle est fons bonarum artium parce qu’elle a apporté la civilisation, puisque Orphée, par son eximia eloquentia, sut amener les hommes à suivre le chemin de la vertu (uirtutem sectari). Or en concédant à l’éloquence la faculté de mener l’homme sur la voie de la sagesse, Fronton se fait iconoclaste, attribuant à l’éloquence ce qui est traditionnellement l’apanage de la philosophie. Il affirme ainsi la primauté de la première sur la seconde, son caractère souverain et va même jusqu’à soutenir, dans une lettre adressée à Marc en 1438, que sans la rhétorique, la philosophie ne produirait qu’un discours grossier, sauvage.
6Il existerait donc, dans le discours frontonien, une nette supériorité de la rhétorique sur la philosophie. Cependant, ce n’est pas tant la philosophie que Fronton attaque qu’une de ses composantes, la dialectique. Cette condamnation se manifeste principalement dans la deuxième des cinq lettres réunies sous le titre De eloquentia et dans laquelle Fronton entreprend, dans les années 160, une défense musclée de la rhétorique contre la dialectique. Un passage directement adressé à Marc Aurèle en est particulièrement emblématique :
Tum si studium philosophiae in rebus esset solis occupatum, minus mirarer, quod tanto opere uerba contemneres. Discere te autem ceratinas et soritas et pseudomenus, uerba contorta et fidicularia, neglegere uero cultum orationis et grauitatem et maiestatem et gratiam et nitorem, hoc indicat loqui te quam eloqui malle, murmurare potius et friguttire quam clangere.9
7Dans cet assaut un peu vif, dû sans doute à une certaine amertume de l’ancien professeur devant les orientations de son élève, se fait jour une attaque directe contre la dialectique, considérée comme une rivale de la rhétorique. Elle s’intéresse en effet aux uerba, à l’expression : mais contrairement à la rhétorique, qui a pour objectif l’élocution la meilleure (comme le signale l’énumération de termes laudatifs), la dialectique n’aboutit qu’à des propos inaudibles, tant dans la force de leur émission (murmurare, friguttire) que dans leur intelligibilité – on notera l’utilisation de cinq termes qui témoignent d’une expression amphigourique. La dialectique représente un danger, empêchant toute communication et par conséquent tout échange, toute sociabilité, ce qui se traduit selon Fronton par l’impossibilité d’en retenir quoi que ce soit (§ 17).
8Il établit ainsi, dans le reste de cette lettre, une distinction entre dialecticiens et philosophes, accordant à ces derniers, comme le montre la proposition conditionnelle au début de l’extrait précédent, la capacité à traiter des res, des idées. Fronton ne dénie donc pas toute utilité à la philosophie, dont il était lui-même imprégné. Il faut en effet se souvenir que Fronton, dans sa jeunesse, a suivi les leçons d’Athénodote, disciple du stoïcien Musonius, et surtout qu’il vit à une époque, celle de la Seconde Sophistique, où la question des interactions entre rhétorique et philosophie se pose largement chez les intellectuels10. Dans son œuvre même, il confesse une réelle admiration pour un certain nombre de philosophes, notamment Platon, Musonius ou Dion de Pruse, qui ont su transmettre leurs idées sans en négliger l’expression11. Mais surtout, l’imprégnation philosophique de Fronton se remarque dans la manière dont il est capable de s’approprier les thèmes de la philosophie pour défendre la rhétorique, ce que C. Lévy a éminemment mis en valeur dans son analyse de la deuxième lettre du De eloquentia12. Il dévoile comment Fronton, en reprenant les catégories stoïciennes d’officia, qui permettent de distinguer le sage, qui agit selon la Raison universelle, du non-sage, puis en montrant, par le recours à la théorie panétienne des personae, que la nature de chacun et son rôle social doivent guider ses actions, en affirmant enfin que la rhétorique est un préférable, prouve à Marc Aurèle qu’en tant qu’empereur, il doit faire « usage de la rhétorique pour convaincre le sénat, le peuple ou les souverains étrangers » (p. 112).
9Les rapports entre rhétorique et philosophie dans la pensée frontonienne se révèlent donc plus compliqués que ce qu’on pouvait penser à première vue. Si conflit il y a, il est entre rhétorique et dialectique, art que Fronton rejette catégoriquement. Mais loin de se poser en opposant à la philosophie, le rhéteur l’intègre à son système de pensée et repousse la dichotomie traditionnelle entre res et uerba, en montrant combien la rhétorique est inséparable de la philosophie et permet son expression. Dans le cadre plus particulier de la correspondance avec l’empereur, la primauté est cependant donnée à l’éloquence, car elle représente le devoir le plus important du chef d’État. Reste à savoir si Marc Aurèle a entendu la leçon.
Marc Aurèle : une conversion à la philosophie ?
10L’intérêt de Marc Aurèle pour la philosophie est aujourd’hui devenu un lieu commun ; même Fronton, dans une lettre qu’il adresse à l’empereur vers 16213, mentionne la ressemblance qu’il a trouvée entre lui et ses fils jumeaux, l’un passant pour « le fils d’un roi » (ut puer regius), l’autre pour « le descendant d’un père philosophe » (ut a patre philosopho prognatus), insistant de fait sur la double caractéristique de Marc comme empereur et philosophe. Cette allusion, de la part d’un professeur de rhétorique qui n’a de cesse de ramener son ancien élève dans son giron, semble accréditer la thèse d’une conversion de Marc Aurèle à la philosophie, au détriment de la rhétorique qu’il aurait abandonnée. Cette lecture se fonde en premier lieu sur la lettre dite « de la conversion », que Marc Aurèle adresse à son précepteur en 146 :
Tuus aduentus me cum bea<t> tum sollicitat ; cur beet, nemo quaerat, quamobrem sollicitet, ego me dius Fidius fatebor tibi. Nam quod scribendum dedisti, ne paululum quidem operae ei, quamuis otiosus, dedi. Aristonis libri me hac tempestate bene accipiunt atque idem habent male : cum docent meliora, tum scilicet bene accipiunt ; cum uero ostendunt, quantum ab his melioribus ingenium meum relictum sit, nimis quam saepe erubescit discipulus tuus sibique suscenset, quod uiginti quinque natus annos nihildum bonarum opinionum et puriorum rationum animo hauserim. Itaque poenas do, irascor, tristis sum, ζηλοτυπῶ, cibo careo. His nunc ego curis deuinctus obsequium scribendi cotidie in diem posterum protuli. Sed iam aliquid comminiscar ; et, quod orator quidam Atticus Atheniensium contionem monebat, “nonnumquam permittendum legibus dormire”, libris Aristonis propitiatis paulisper quiescere concedam meque ad istum histrionum poetam totum conuertam, lecteis prius oratiunculeis Tullianeis. Scribam autem alterutram partem, nam eadem de re diuersa tueri numquam prosus ita dormiet Aristo uti permittat.14
11Malgré le plaisir dû à la perspective de revoir son maître, Marc Aurèle exprime à son égard un certain malaise, parce qu’il a laissé de côté ses devoirs (quod scribendum dedisti) pour lire les ouvrages du philosophe stoïcien Ariston. Si l’on en croit la Vie de Diogène Laërce qui lui est consacrée, il s’agit d’un stoïcien du iiie siècle av. J.-C., qui a délaissé la logique et la physique pour ne s’intéresser qu’à l’éthique15. Ce qu’en dit Marc Aurèle penche en faveur de cette identification : grâce à Ariston, il apprend un meilleur mode de vie et l’utilisation du comparatif le met dans la position du proficiens sur la voie de la sagesse, qui cherche à s’améliorer pour prétendre au Bien ; de plus, comme le souligne H. Görgemanns, les bonae opiniones et puriores rationes correspondent à une transcription du grec καλὰ δόγματα καὶ καθαρώτεροι λόγοι, formulation qui appartient à l’éthique stoïcienne16. Quant à la concession finale à la rhétorique, avec l’image de la mise en sommeil de l’étude d’Ariston, elle est contre-balancée par la dernière phrase et surtout par la consécutive qui la clôture : l’étude de la rhétorique est dorénavant soumise, dans la pensée de Marc Aurèle, aux exigences du philosophe, d’où son refus de se livrer à une disputatio in utramque partem, qui s’apparenterait à une argumentation dialectique. Enfin, l’énumération des affects qui le touchent (honte, colère, chagrin, jalousie, perte d’appétit) pourrait être vue comme une explosion de sentiments contraire à l’ἀπαθεία que doit viser le sage stoïcien ; mais, comme l’a judicieusement montré H. Görgemanns, ces pathologies sont celles que connaît Achille lors de la guerre de Troie : il en conclut que Marc Aurèle se met en scène comme un nouvel Achille, figure souvent utilisée par les Stoïciens pour montrer le déchaînement des passions et ce, de manière caricaturale, avec une certaine ironie, pour annoncer en douceur à son maître sa décision d’embrasser la philosophie17. Tous ces éléments pourraient donc nous conduire à voir dans cette lettre le moment où Marc Aurèle décide définitivement de tourner le dos à la rhétorique pour se consacrer à la philosophie.
12L’on n’a pas conservé la réponse de Fronton à cette lettre ; mais ce revirement semble confirmé par un extrait de la lettre IV du De eloquentia, où le maître de rhétorique revient sur cet épisode de 146 :
Ibi tu mihi uidere mora temporali et laboris taedio defessus eloquentiae studium reliquisse, ad philosophiam deuertisse, ubi nullum prohoemium cum cura excolendum, nulla narratio breuiter et dilucide et callide collocanda, nullae quaestiones partiendae, nulla argumenta quaerenda, nihil exaggerandum aut ambigendum ; uere adhoc rectissimum e<st>.18
13À première vue, une quinzaine d’années plus tard, Fronton éprouve toujours un certain ressentiment (exprimé par la justification finale) face à ce qu’il pourrait appeler l’égarement de son ancien élève : il met en cause une certaine faiblesse psychologique chez ce dernier, qui se laisse aller à une lassitude (defessus) et à un dégoût (taedium) du labeur que représente l’éloquence ; à cet égard, l’anaphore de l’adjectif nullus souligne, dans les propos frontoniens, la négation par Marc Aurèle de toutes les techniques rhétoriques permettant l’élaboration d’un discours. Sous ces reproches perce une forme de dédain envers un élève qui recule devant la moindre difficulté. Le choix des verbes utilisés par Fronton pour montrer le bannissement par Marc Aurèle de l’éloquence au profit de la philosophie est à cet égard significatif : le préverbe de- dans deuertisse marque certes l’éloignement, mais on peut penser que Fronton lui adjoint également la nuance exprimant un mouvement descendant, faisant de l’étude philosophique une déchéance par rapport à celle de la rhétorique. Quant au verbe reliquisse, il suggère une rupture radicale, un abandon pur et net de la rhétorique. La lecture conjointe de ce passage et de la lettre dite « de la conversion » a donc amené un certain nombre de critiques à conclure à l’existence chez Marc Aurèle, autour de 146, d’un conflit irréductible entre rhétorique et philosophie débouchant sur le renoncement à la première au profit de la seconde.
14Pourtant, en rester là serait réducteur et consisterait surtout en une lecture sélective de ces deux lettres. Celle de Marc Aurèle à son maître fournit des éléments empêchant de conclure à un conflit entre rhétorique et philosophie chez le jeune prince. Au terme de son message, Marc Aurèle, malgré une légère réticence, informe Fronton de sa décision de laisser de côté les livres d’Ariston pour se livrer aux exercices demandés par son maître de rhétorique : l’étude d’un poète comique, sans doute Plaute, qui faisait partie du corpus frontonien, la lecture de discours de Cicéron, l’écriture d’une partie d’un plaidoyer. L’on pourrait multiplier les exemples de lettres postérieures, écrites avant et pendant le règne de Marc Aurèle, où ce dernier demande à son ancien professeur des conseils de lecture19. Quant à Fronton, il rappelle cet épisode de doute dans la jeunesse de Marc Aurèle ; mais il en tempère la portée par l’utilisation du modalisateur mihi uidere, qui questionne donc la réalité de cette prétendue conversion, et surtout par l’usage de l’adjectif temporalis, qui met en valeur le caractère éphémère de l’abandon de la rhétorique20. De plus, il faut replacer ce passage du De eloquentia dans le contexte de la lettre : malgré la lacune des paragraphes 6 et 7, on comprend que Fronton récapitule la relation de Marc Aurèle avec la rhétorique, revenant au commencement du paragraphe 5 sur le début de son apprentissage et développant dans les suivants ses rapports actuels avec cette discipline, concluant sur son eximia eloquentia21 (§ 7) avant de lui donner quelques conseils pour la mener à la perfection. Bien plus, dans une lettre contemporaine, il souligne tout l’avantage que Marc Aurèle a su tirer de cet éloignement passager :
Video te, Antonine, principem […] tam disertum quam ipse uoluisti. Nam ubi primum coepisti rursum uelle, nihil offuit interdum noluisse. Fieri etiam uos cotidie facundiores uideo et exulto quasi adhuc magister. […] Sed mihi crede amplissimum te iam tenere in eloquentia locum breuique summum eius cacumen aditurum et locuturumque inde nobiscum de loco superiore […]. Hoc enim distat summus orator a mediocribus.22
15À la fin 161, lorsque son ancien élève monte sur le trône, Fronton a achevé sa mission : Marc Aurèle est devenu disertus, capable de mettre à profit son art oratoire pour remplir son rôle de chef d’État ; bien plus, il ne cesse de progresser, comme le souligne l’emploi du comparatif facundiores, vers le rang de summus orator, c’est-à-dire de l’orateur idéal, faisant la synthèse de la rhétorique et de la philosophie, capable de s’exprimer sur tous les sujets de manière adéquate.
16Il semble donc difficile de conclure, là encore, à l’existence d’un antagonisme entre rhétorique et philosophie chez Marc Aurèle. On ne peut accepter l’idée d’une « conversion à la philosophie » de ce dernier en 146 : s’il a bien été tenté de se détourner de l’éloquence et si la suite de sa vie montre un net penchant de Marc Aurèle en faveur de la philosophie, ce désir ne fut que temporaire ; il n’a jamais cessé de se livrer à la pratique oratoire, en partie sans doute par respect des convictions de son vieux maître et de l’influence qu’il a pu avoir sur lui.
17La part des rapports établis entre le maître et son élève paraît ainsi prépondérante dans le refus d’une radicalisation en faveur de l’une ou l’autre discipline. Il convient donc d’examiner si cette modération peut malgré tout s’exercer dans une correspondance unilatérale, celle des Lettres à Lucilius, où l’opinion d’un des interlocuteurs a disparu lors de la publication.
L’exemple des Lettres à Lucilius : une expression plus directe du conflit ?
18Comme chez Marc Aurèle, le thème du conflit entre rhétorique et philosophie chez Sénèque et son choix en faveur de la seconde sont traditionnels, ne serait-ce que pour le différencier de son père. De fait, plusieurs passages des Lettres à Lucilius interrogent la place et le rôle de la rhétorique et laissent à penser que Sénèque cultive un certain antagonisme entre celle-ci et la philosophie, au détriment de la première, ce qui se manifeste en premier lieu dans la lettre 88, consacrée plus largement aux arts libéraux23. Il faut noter que Sénèque dans cette lettre passe sous silence, de manière assez surprenante, la rhétorique, qui n’est pas explicitement citée ; mais la définition, dès le premier paragraphe, des artes liberales comme des études « dont on bat monnaie24 » et la référence même à ces études sous leur vocable traditionnel incluent de fait cette discipline dans ce champ. Au début de cette lettre, Sénèque confère à l’adjectif liberalis un sens restreint :
Quare liberalia studia dicta sint, uides : quia homine libero digna sunt. Ceterum unum studium uere liberale est, quod liberum facit : hoc est sapientiae, sublime, forte, magnanimum. Cetera pusilla et puerilia sunt : an tu quicquam in istis esse credis boni, quorum professores turpissimos omnium ac flagitiosissimos cernis ? Non discere debemus ista, sed didicisse.25
19La définition communément admise de liberalis signifie « digne d’un homme libre » et désigne, appliquée à studia, les études fournissant à l’homme libre les fondements d’une culture générale – l’ἐγκύκλιος παιδεία grecque. Sénèque s’en éloigne pour glisser vers celle d’une étude « qui rend libre26 », et qui ne peut convenir, dans son système de pensée, qu’à la philosophie, seule discipline apte à conduire à la vertu et donc à libérer l’homme – ce qu’il exprime, au § 23, par une précision lexicale, remplaçant l’expression artes liberales par artes liberae. Il en exclut la rhétorique, réduite au rang d’ars puerilis, c’est-à-dire digne seulement des enfants. Or dans la conception sénéquienne, l’enfance représente le statut du néophyte, de celui qui ne s’est pas encore livré à la philosophie27. Par conséquent, le proficiens auquel Sénèque s’adresse ne perdra pas son temps à cette étude. La phrase finale de notre extrait souligne cette hiérarchie : la rhétorique est un art auquel l’apprenti philosophe ne doit pas se consacrer, mais s’être consacré. Le jeu sur les temps verbaux souligne le caractère propédeutique de cette étude : son apprentissage prépare à celui de la philosophie. Mais parce qu’elle vise à l’acquisition d’un savoir encyclopédique et à un faste de l’expression, elle ne peut prétendre viser le même but que la philosophie, à savoir la vertu28 ; elle constitue donc une étude inférieure dont doit se détacher celui qui prétend devenir philosophe.
20Sénèque manifeste ici une condescendance envers la rhétorique dont il ne se départ pas dans le reste de l’œuvre : il signale ainsi dans la lettre 36 qu’elle est une étude « dont il suffit de recevoir une teinture », au contraire de la philosophie « dont il faut s’imprégner l’âme29 ». Il s’en prend également à ceux qui l’enseignent ainsi qu’à ceux qui la pratiquent : il leur reproche d’être sans cesse dans l’apparat, tant dans leur manière de déclamer, marquée par l’utilisation d’une gestuelle forte (taper du pied, faire des moulinets, hausser la voix30), que dans leurs propos, caractérisés par un éclat qui apporte à l’orateur des applaudissements, mais ne fait que masquer leur inanité31. Or, ce point de vue tranché doit sans doute être mis en relation avec ce que Sénèque nous laisse voir de Lucilius ; ce dernier semble attiré par toutes les questions touchant au style et être favorable à un certain apprêt dans l’expression. Dans les Lettres, Sénèque lutte à plusieurs reprises contre ce penchant manifesté par son correspondant, en lui reprochant, notamment, de mettre en cause le style des philosophes qu’il lit – que ce soit lui-même ou Fabianus32. Il reprend la distinction traditionnelle entre res et uerba, affirmant pour le philosophe la primauté des premières sur les secondes33. Pour Sénèque, comme l’a montré récemment G. Laudizi34, le philosophe ne doit guère se soucier de son style, tant qu’il s’exprime de manière claire et mesurée. L’expression reflète le caractère et des propos modérés témoignent d’une sérénité intérieure. Par conséquent, pour Sénèque, l’éloquence n’est pas une fin en soi ; il convient avant tout de s’attacher au perfectionnement moral. Il ne refuse pas une certaine afféterie dans le langage ; mais elle doit être mise au service des idées morales.
21Il est donc manifeste que Sénèque établit une hiérarchie entre rhétorique et philosophie, sans toutefois rejeter totalement la première, qui constitue un préambule à l’apprentissage de la seconde. On voit que les conditions épistolaires influent sur le traitement de cet antagonisme : Sénèque adopte envers Lucilius un ton plus dogmatique que Fronton envers Marc Aurèle, faisant peu de cas de ses intérêts pour les questions de style. Mais il me semble que le conflit le plus important se situe en fin de compte au cœur même de la philosophie, entre éthique et dialectique. Sénèque exprime en effet dans les Lettres à Lucilius tout le mépris qu’il éprouve pour ce pan de la philosophie. Ses critiques sont, de son point de vue, d’autant plus fondées qu’elles s’adressent à des philosophes ; il leur reproche d’avoir embrassé cette voie non pour tendre à la sagesse, mais pour se livrer à l’exégèse sémantique et grammaticale :
Ipsi quoque ad syllabarum distinctiones et coniunctionum ac praepositionum proprietates descenderunt et inuidere grammaticis, inuidere geometris : quicquid in illorum artibus superuacuum erat, transtulere in suam. Sic effectum est, ut diligentius loqui scirent quam uiuere.35
22Le choix du verbe descendere traduit leur déchéance aux yeux de Sénèque : loin de pratiquer l’ars libera qu’est la philosophie morale, seule étude digne d’intérêt selon lui, ils s’abaissent à un travail semblable à celui des grammairiens ou des géomètres, réduisant ainsi leur discipline à une ars puerilis, ce que confirme l’expression de pueriles ineptiae36, utilisée à plusieurs reprises dans les Lettres pour caractériser les syllogismes et les sophismes auxquels ils recourent. La conjonction de ces deux termes résume d’ailleurs parfaitement l’opinion de Sénèque au sujet des dialecticiens : non seulement leurs réflexions grammaticales sont inutiles (superuacua), mais elles remettent en cause, par cet aspect même, leur appartenance à la philosophie.
23La question du conflit entre rhétorique et philosophie représente donc un thème important de la Correspondance de Fronton et des Lettres à Lucilius de Sénèque. Mais son traitement dans ces deux échanges épistolaires diffère : dans le premier, il est difficile de parler de conflit, car si Marc Aurèle a été tenté de se tourner vers la philosophie et d’abandonner la rhétorique, ce désir ne fut que temporaire. De plus, en raison de l’amitié qui unit le maître de rhétorique et son élève, en raison aussi du rang du second, ils ne manifestent pas un rejet de la discipline qui est privilégiée par l’autre mais tentent au contraire de concilier les deux. Mais là où Fronton, parce qu’il assigne un but vertueux à la rhétorique, peut concilier son étude avec celle de la philosophie, Sénèque établit une hiérarchie nette entre les deux disciplines et affirme la supériorité de la philosophie sur la rhétorique, car elle est la seule étude qui mène à la sagesse : s’il ne condamne pas totalement la rhétorique et ceux qui la pratiquent, c’est uniquement parce qu’elle constitue une propédeutique à l’apprentissage de la philosophie. Le point d’achoppement réside donc dans les buts assignés à chaque discipline : mais que ce soit par la philosophie ou par la rhétorique, la fin ultime est la pratique de la vertu. En fin de compte, c’est dans la critique unanime des dialecticiens qu’on peut trouver l’expression d’un assentiment général entre Fronton, Marc Aurèle et Sénèque : le véritable conflit se situe au cœur même de la philosophie et oppose tenants de l’éthique et partisans de la dialectique.
Notes de bas de page
1 Sur la question de la datation, cf. Fleury Pascale, Introduction à Fronton, Correspondance, Paris, Les Belles Lettres, 2003, p. 13-16.
2 Cf. Kasulke Christoph, Fronto, Marc Aurel und kein Konflikt zwischen Rhetorik und Philosophie im 2. Jh. n. Chr., München, Saur, 2005.
3 Fronton, Ad V. II, 1, 9 : « Si tu recherches le véritable général du genre humain, c’est votre éloquence qui commande, c’est l’éloquence qui domine les esprits. » Nous utilisons pour la Correspondance de Fronton les abréviations utilisées par P. Fleury dans son édition. Cf. Fronton, Correspondance, op. cit., p. 38‑39.
4 Sur l’analogie entre orateur et général, cf. Fleury Pascale, « La flûte, le général et l’esclave : analyse de certaines métaphores rhétoriques chez Fronton », Phoenix, 55 (1/2), 2000, p. 115‑117.
5 Fronton, Ad V. II, 1, 10.
6 Fronton, Ad V. II, 1, 22 : « Mais la source et l’origine de toutes les vertus et de toutes les études résultent de l’apprentissage de l’éloquence et ni l’art de la guerre, ni le respect du devoir, que l’on appelle philosophie, ne peuvent naître achevés à moins d’avoir été engendrés avec l’éloquence. »
7 Fronton, Ad M. IV, 1, 1-2. Pour une analyse de cette fable, cf. Fleury Pascale, « L’éloge paradoxal, entre virtuosité et construction idéologique : le cas de L’éloge de la négligence de Fronton », Rhetorica, 20 (2), 2002, p. 124-126.
8 Fronton, Ad M. III, 16, 1.
9 Fronton, De el. II, 13 : « Si l’étude de la philosophie s’occupait seulement du fond, je m’étonnerais moins de ce que tu méprises à ce point la forme. Mais apprendre les arguments cornus, les sorites et l’argument du menteur, des mots entortillés et tordus comme une corde, négliger la culture, la dignité, la majesté, le charme et l’éclat de l’éloquence, cela montre que tu préfères bavarder que bien parler, murmurer et bredouiller plutôt que faire sonner la trompette » (trad. P. Fleury remaniée).
10 Sur les rapports entre rhétorique et philosophie à cette époque chez différents rhéteurs et philosophes, cf. Michel Alain, « Rhétorique et philosophie au second siècle apr. J.-C. », dans Aufstieg und Niedergang der römischen Welt, II 34, 1, Berlin-New York, 1993, p. 3-78.
11 Fronton, Ad M. III, 16 ; De el. I, 4 ; II, 13 ; L. f. 4. Sur l’influence de Platon, cf. Grimal Pierre, « La philosophie de M. Cornelius Fronto », dans Au miroir de la culture antique. Mélanges offerts au président René Marache par ses collègues, ses étudiants et ses amis, Rennes, PUR, 1992, p. 251-257.
12 Lévy Carlos, « Philosophie et rhétorique à Rome : à propos de la dialectique de Fronton », Euphrosyne, 30, 2000, p. 101-114.
13 Fronton, Ad Ant. I, 3, 2.
14 Fronton, Ad M. IV, 13, 2-3 : « Ta venue me rend heureux mais surtout elle m’inquiète. Pourquoi elle me rend heureux, nul besoin de le demander ; mais pourquoi elle m’inquiète, par ma foi, je vais te l’avouer. Le travail que tu m’as donné à rédiger, alors que j’avais du loisir, je n’y ai même pas consacré un peu de temps. Les livres d’Ariston en ce moment me font du bien, et dans le même temps me font du mal : quand ils m’apprennent une meilleure manière d’être, ils me font du bien, évidemment ; mais quand ils me montrent combien ma nature est éloignée de cette meilleure manière d’être, très souvent ton élève rougit et s’en veut de n’avoir encore, à vingt-cinq ans, rien absorbé des bonnes opinions et des principes plus purs. C’est pourquoi je me punis, je suis en colère, je suis triste, j’envie autrui, je me prive de nourriture. Jusque là, enchaîné par ces soucis, j’ai reporté au lendemain mon devoir d’écrire chaque jour. Mais maintenant, je vais imaginer quelque chose ; et suivant l’avertissement donné par un orateur à l’assemblée de ses compatriotes, selon lequel « il faut parfois laisser les lois en sommeil », je vais permettre aux livres d’Ariston, après les avoir apaisés, de prendre un peu de repos ; quant à moi, je vais me tourner tout entier vers ton poète de comédies, après avoir lu quelques petits discours de Cicéron. Mais je n’écrirai que le pour ou le contre, car défendre les deux parties d’une même affaire, jamais, c’est sûr, Ariston ne dormira assez pour me le permettre. »
15 D. L. VII, 2, 160-161.
16 Görgemanns Herwig, « Der Bekehrungsbrief Marc Aurels », Rheinisches Museum für Philologie, 134, 1991, p. 101.
17 Ibid., p. 106-108.
18 Fronton, De el. IV, 5 : « Toi alors, épuisé par un obstacle temporaire et un dégoût pour le travail, tu me sembles avoir abandonné l’étude de l’éloquence et t’être tourné vers la philosophie, où il n’y a nul exorde à polir avec soin, nulle narration à arranger avec brièveté, éclat et adresse, nul problème à diviser, nulle preuve à rechercher, nul propos à amplifier ou à porter à controverse ; vraiment, c’est jusqu’ici la plus stricte vérité. »
19 Cf. Fronton, Ad Ant. III, 8 ; Ad Ant. IV, 1 ; De f. a. III, 1.
20 Il est aussi possible qu’un problème d’édition ait conduit à une lecture un peu étroite de cette lettre. Avant l’édition proposée par M. Van den Hout en 1988, l’édition de référence, renouvelant l’édition princeps de A. Mai qui datait de 1823, était celle de C. R. Haines parue en 1919-1920 dans la collection Loeb. Or, le passage que nous étudions est quelque peu corrompu et Haines s’éloigne du texte établi par Mai (que reprendra Van den Hout) pour substituer à l’expression mora temporali le groupe more iuuenali. Faisant de l’attitude de Marc Aurèle un trait caractéristique de sa jeunesse, il supprime par la même occasion toute référence à un retrait temporaire vis-à-vis de la rhétorique, favorisant ainsi l’idée d’une conversion à la philosophie.
21 Fronton utilise ici la même expression que celle utilisée pour qualifier Orphée dans la lettre Ad M. IV, 1. Le rapprochement souligne ainsi le caractère civilisateur de la parole de Marc Aurèle, à mettre en relation avec son rôle d’empereur. Il n’existe qu’une seule autre occurrence de cette expression dans la Correspondance, qui sert à définir l’écriture cicéronienne (Ad Am. I, 14, 2). Là encore, le réseau tissé met en valeur le caractère exceptionnel de l’éloquence de Marc Aurèle.
22 Fronton, Ad Ant. I, 2, 2 et 7 : « Je vois, Antonin, que tu es un prince aussi disert que tu l’as voulu toi-même. En effet, dès que tu as commencé à vouloir revenir à cette étude, il ne fut en rien nuisible d’y avoir parfois renoncé. Je vous vois même devenir chaque jour plus éloquents et je m’en réjouis comme si j’étais encore votre maître. […] Mais, crois-moi, tu occupes une place très considérable dans l’éloquence et bientôt tu atteindras son faîte et tu nous parleras alors d’un lieu supérieur. En effet, c’est en cela que l’orateur le plus éminent diffère des orateurs ordinaires. » Vos désigne Marc Aurèle et Lucius Verus.
23 Voir dans ce volume la contribution d’Élisabeth Gavoille.
24 Sénèque, Epist. 88, 1 : quod ad aes exit.
25 Sénèque, Epist. 88, 2 : « Pourquoi ces études ont-elles été appelées “libérales”, tu le vois : parce qu’elles sont dignes d’un homme libre. Du reste, une seule étude est véritablement libérale, parce qu’elle rend libre : c’est la sagesse, étude sublime, courageuse, noble. Les autres sont minuscules et puériles : crois-tu vraiment qu’il existe quelque bien dans ces disciplines, dont les professeurs, tu le vois, sont les plus indignes et les plus infâmes entre tous ? Nous devons non les apprendre, mais les avoir apprises. »
26 Définition que l’on peut rapprocher de celle d’Aristote dans la Métaphysique, cf. Arist., Met. I, 982 b.
27 Cf. Sénèque, Epist. 4, 2.
28 Cf. Sénèque, Epist. 88, 20 : [Artes liberales] non uirtutem dare possunt, sed animum ad accipiendam uirtutem praeparant. « [Les arts libéraux] ne peuvent donner la vertu, mais ils préparent l’âme à recevoir la vertu. »
29 Sénèque, Epist. 36, 3 : Liberalia studia non illa quibus perfundi satis est, sed haec quibus tingendus est animus.
30 Sénèque, Epist. 75, 2.
31 Sénèque, Epist. 59, 15.
32 Cf. Sénèque, Epist. 75, 1 ; 100, 1.
33 Sénèque, Epist. 115, 1 : Nimis anxium esse te circa uerba et compositionem, mi Lucili, nolo : habeo maiora quae cures. Quaere quid scribas, non quemadmodum. « Je ne veux pas que tu t’inquiètes trop des mots et de la composition, mon cher Lucilius : j’ai mieux à te faire faire. Cherche quoi écrire, non comment. »
34 Laudizi Giovanni, « Mores ille, non uerba composuit (Sen., Ep. 100, 2) », Bollettino di Studi Latini, 35 (1), 2005, p. 50-69.
35 Sénèque, Epist. 88, 42 : « Eux-mêmes se sont également abaissés à distinguer les syllabes, à chercher les propriétés des conjonctions et des propositions, à envier les grammairiens et les géomètres : tout ce qui était superflu dans leurs arts, ils l’ont transféré dans le leur, au point qu’ils savent plus volontiers parler que vivre. »
36 Sénèque, Epist. 48, 7 ; 49, 9 ; 82, 8 ; 113, 21 et 26. Aux yeux de Sénèque, les dialecticiens sont eux-mêmes inepti (49, 5).
Auteur
ENS de Lyon & Université Lyon III/HiSoMA (UMR 5189)
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Les écritures de la douleur dans l’épistolaire de l’Antiquité à nos jours
Patrick Laurence et François Guillaumont (dir.)
2010