Maxime Planude écrit-il des lettres polémiques ?
p. 123-139
Texte intégral
1Le recueil des cent vingt et une lettres conservées de Maxime Planude est, à l’évidence, une collection de lettres amicales, plus ou moins délibérément regroupées et ordonnées. À la première lecture, c’est l’éloquence de l’expression amicale qui impressionne. Le caractère amical de ces lettres doit-il être mis en rapport avec l’idiosyncrasie de l’auteur, avec les circonstances biographiques qui conditionnaient ses relations avec les destinataires des lettres conservées, avec le genre littéraire dont elles relèvent et avec ses conventions ? Bien entendu, l’ἦθος qui se construit et s’exprime dans ces lettres est celui d’un homme pacifique et affectueux, et ce sont ces qualités dont il crédite ses destinataires, louant leur propension à aimer et à donner et les incitant à vérifier ces éloges. Ayant peu de sources extérieures qui puissent confirmer ou infirmer cet ἦθος1, nous ne pouvons généralement pas nous prononcer sur la qualité réelle des relations entre Planude et ses correspondants. En revanche, nous pouvons reconnaître que, dans le genre épistolaire, la lettre amicale représente une sous-catégorie essentielle, qu’on se reporte au traité Du style (surtout le § 232) ou aux recueils de types épistolaires2, au point qu’on a pu rapprocher la théorie épistolaire elle-même de la théorie aristotélicienne de l’amitié3. Bien entendu, les répertoires de types épistolaires donnent aussi des catégories moins iréniques : dans la liste du Pseudo-Libanios les types 2 (μεμπτική), 9 (ἀπειλητική), 13 (ὀνειδιστική), 22 (ὑβριστική), 29 (διαβλητική), 30 (ἐπιτιμητική) ; et d’après la liste du Pseudo-Démétrios on peut ajouter ψεκτικός et κατηγορικός, voire νουθετητικός. De même, la théorie de l’éloquence épidictique présente, opposé à l’éloge, le blâme ; mais il est évident que cette symétrie est factice et que, s’il est normal d’opposer, dans l’éloquence judiciaire, ἀπολογία et κατηγορία, il est gratuit d’opposer à l’oraison funèbre un discours d’apparat qui blâmerait les soldats morts dans le camp adverse4. En tout cas, la lettre planudéenne est fondamentalement amicale. Planude lui-même répond ainsi à un correspondant qui, inquiet de la brièveté « laconique » de sa lettre, craignait qu’elle n’exprimât un changement de γνώμη (un affaiblissement de son amitié) : « mais s’il en était ainsi, moi, je n’aurais pas essayé de devenir laconien, mais j’aurais plutôt imité Pythagore5 en me taisant » (lettre 117, p. 193, 24-26). C’est le silence, non la polémique, qui convient à l’égard de celui qu’on n’aime pas. Il est normal que Planude puisse parler négativement de tiers, qu’il s’agisse de figures collectives comme le fisc ou les Turcs6, voire les Juifs7, ou d’un ennemi singulier commun à son correspondant et à lui, dans la lettre 5 où il évoque, anonymement, un adversaire qui persécute à la fois son correspondant et lui-même (p. 14, 24-15, 15), l’insistance sur cet ennemi commun étant une manière détournée d’illustrer l’amitié qui l’unit au destinataire de la lettre. Les lettres de sollicitation, qui visent toujours, sauf s’agissant de livres ou de renseignements scientifiques, à préserver les intérêts d’un ami, peuvent normalement évoquer négativement un tiers qui persécute l’ami en question : un percepteur indélicat (lettre 12), un adversaire non défini (lettre 31, p. 63, 25-28), Seliotis (lettre 27, p. 54, 26-55, 1 ; cf. PLP, no 25118), un gendre sans scrupule (lettre 62). On peut remarquer le cas de Maurikios, un méchant homme qui empêche Planude d’écrire au despote (lettre 43, p. 76, 6-15 : ἀνὴρ εἰρηνεύειν οὐδένα χρόνον εἰδώς), un menteur dont Planude souhaite se tenir éloigné (lettre 49, p. 82, 14-25), un calomniateur qui a détourné Planude d’écrire à son correspondant (lettre 52, p. 84, 19-85, 21), un homme qui dans sa direction du monastère de Volax a déçu les attentes de Planude (lettre 88, p. 135, 21-25)8. On peut attribuer à une forme d’irénisme la manière dont, s’adressant à Phacrasis qui a été disgracié par Andronic II, il prévoit un retour en grâce (lettre 19, p. 44, 10-21), ou s’adressant à Philanthropène, qui a été dépossédé d’une partie de sa charge au profit de Livadarios, il feint de voir là l’aboutissement heureux d’une expédition militaire qui permet qu’un autre puisse succéder au jeune général (lettre 98, p. 151, 22-152, 11)9. Dans la lettre 1, Planude célèbre l’accord conclu entre Andronic II et le kral des Serbes sans évoquer le mariage controversé de la petite Simonis.
2On aborde un point plus sensible en se demandant si, à l’égard du destinataire, Planude peut exprimer des sentiments hostiles. Il nous semble que les textes concernés peuvent se répartir en deux séries, selon qu’ils suggèrent un différend réel qui est formulé de manière amicale, ou qu’ils expriment de l’amitié par le détour d’une polémique qu’on peut considérer comme humoristique. Les codes de l’expression épistolaire font qu’on peut parfois hésiter entre l’une et l’autre des deux interprétations, et il n’est ni nécessaire ni suffisant que l’auteur dise qu’il plaisante pour qu’on puisse sûrement reconnaître de l’humour dans une formulation apparemment polémique, de sorte qu’il faut examiner séparément les diverses lettres où la question peut se poser.
3Dans la lettre 64, Planude réclame un livre à Autorianos10. Il n’est pas douteux que Planude soit attaché aux livres, sans les convoiter pour lui-même (lettre 67, p. 100, 8-14), et il peut exprimer de l’acrimonie envers un tiers qui tarde à lui rendre sa traduction de Boèce (lettre 5, p. 15, 22-27). S’agissant du livre prêté à Autorianos, les efforts qu’il a déployés pour le récupérer11 ne permettent pas de douter qu’il soit très mécontent de la désinvolture de l’emprunteur. En fait, la lettre 64 s’ouvre bien par un reproche : Autorianos, qui choisit d’être associé aux σοφοί12, ne vérifie pas ce titre en ne rendant pas le livre (p. 94, 1-9). Planude se dit soucieux de faire ce reproche sans être à charge (ἀνεπαχθῶς, l. 3). La plus grave conséquence de cette indélicatesse est que Planude, désormais, n’aura plus envie de prêter ses livres et risque de passer pour φειδωλός (l. 7)13. La suite du texte apporte un grief supplémentaire : Autorianos, qui a apparemment deux résidences et des livres à lui, a emporté d’une résidence à l’autre14 le livre de Planude, lui faisant courir le risque du voyage (p. 94, 9-15). Planude envisage, pour la rejeter aussitôt, l’hypothèse d’une tromperie délibérée (ἀπάτη, p. 94, 15-17). Il avait précisé qu’il voulait récupérer le livre rapidement, comme s’il prévoyait un problème (l. 17-21). Il est convaincu qu’Autorianos réagirait comme lui s’il était privé d’un livre si précieux (l. 22-25), car l’un et l’autre sont attachés à ce qui est l’œuvre de leurs mains (p. 95, 5-7). Il formule le souhait que sa démarche soit perçue comme amicale, conforme à la mesure et à la φειδώ (p. 95, 8-9), qui ici n’est pas la parcimonie, mais la clémence. Il demande, désignant le destinataire par la formule σου τὴν τιμιότητα, qu’il rende sans tarder le livre au grand personnage qu’il désigne15, et il tâche de flatter Autorianos qui pourra ainsi avoir affaire à ce grand personnage, alors qu’en faisant intervenir des tiers il rend publics le conflit et l’indélicatesse qu’il reproche à Autorianos. Il se défend du soupçon de mesquinerie (p. 95, 13-19). En conclusion il s’efface au profit du temps et des lois qui doivent persuader (προτρέπειν, πείθειν, l. 20) Autorianos, ici désigné par le pluriel ὑμᾶς, de respecter la justice.
4La lettre 66, adressée à Chalcomatopoulos16, est aussi une lettre de reproche irénique, puisqu’on comprend que Planude est mécontent de la manière dont ce professeur s’occupe de Jean, le serviteur de Planude : ce garçon plein d’intelligence et de zèle est négligé par le maître. Les nombreuses mentions de Jean dans les lettres de Planude, et ce que nous connaissons de Planude par sa correspondance et par le reste de ses travaux, ne permettent pas de douter de l’importance qu’il attache à ce que son protégé puisse bénéficier de la meilleure instruction, et de son mécontentement s’il n’en va pas ainsi. Or la lettre s’ouvre par un aphorisme qui invite à donner à boire à un bébé en fonction de sa soif (p. 96, 25-97, 2), dont l’application vient ensuite : Planude rappelle qu’il a jugé (ἔκρινα) que Jean, son serviteur (παῖς), avait quelque habileté (δεξιότης), habileté dont il donne le détail (âge, dons naturels, zèle et sérieux), pour acquérir des connaissances, et qu’il a préféré Chalcomatopoulos à tout autre maître, comme ami et comme didascale (p. 97, 4-13). Or, par rapport à ses aptitudes, Jean perd son temps ; mais Planude feint d’en attribuer la responsabilité, non au destinataire lui-même, mais à des répétiteurs (οἱ ἐφεστηκότες) qui ne font que se conformer à une habitude dominante (ἔθος κρατῆσαν) (p. 97, 13-19). Dès lors, récusant l’idée d’une réclamation (κἂν μὴ […] τὴν ἀξίωσιν ἐπάγω τῷ λόγῳ), Planude affirme savoir (οἶδα) que le destinataire s’occupera lui-même de Jean et donnera des indications appropriées à ses subordonnés (p. 97, 20-25). Après avoir rappelé les bonnes dispositions de l’élève (p. 97, 25-98, 4), Planude s’étend sur l’amitié qui l’unit au destinataire, amitié dont Jean doit profiter (p. 98, 4-9), et plus brièvement sur sa compétence (p. 98, 9-10), l’invitant à se montrer dans cette circonstance « bon ami et bon didascale » (p. 98, 10-11). Un rappel du diagnostic de Planude sur son serviteur (κρίνοντα) réintroduit l’image initiale de la soif (p. 98, 12-16), avec une remarque métatextuelle sur la cohérence de la lettre (« en effet je ne m’écarte pas de l’image de la personne écrasée par la soif de culture en envoyant ma lettre »). En conclusion, Planude évoque le salaire, passant hâtivement sur le salaire matériel (« celui que tous les didascales, en tout lieu, réclament ») et insistant davantage sur la réciprocité amicale. Cette lettre procède donc d’un effort constant pour présenter amicalement ce qui aurait pu être une réclamation, avec ce qu’il faut de protestations amicales, de flatterie, et d’humour17.
5Les relations de Planude avec Melchisédech Acropolite sont remarquables par la fréquence de querelles qui semblent, en fait, entrer dans la logique d’une relation amicale. Ces querelles amicales sont très rares dans les lettres que Planude adresse à Philanthropène, un proche de Melchisédech, et l’on remarque que, quand Planude risque une plaisanterie sur le cheval que lui a offert Philanthropène, il désamorce en hâte tout ce qu’elle pourrait avoir de désobligeant (lettre 80, p. 124, 24-26). Quand il fait mine d’intenter un procès à Philanthropène pour paresse épistolaire (lettre 48, p. 80, 27-81, 2), il reprend un τόπος épistolaire18 qui ne peut être assimilé à une vraie querelle, même si l’on ne peut exclure que, à cette époque comme à la nôtre, le silence épistolaire puisse aboutir à de véritables brouilles : si Planude semble dispenser Jean Zaridis de lui écrire (lettre 30, p. 62, 17-18), l’accusation de paresse épistolaire peut aussi être dramatisée19 et, plutôt que de tenir ces reproches pour insignifiants, on peut supposer que les épistoliers byzantins aient été en effet très susceptibles sur ce point20.
6Le cas de Melchisédech, qui apparaît comme destinataire de quatorze lettres de Planude et qui est aussi mentionné dans plusieurs lettres adressées à Philanthropène, est assez différent. Dans la lettre 10921, adressée à Philanthropène, Planude lui reproche plaisamment de le brouiller avec Melchisédech, en affirmant que Melchisédech lui a bien envoyé des parchemins, qui ont été interceptés par les pirates parce qu’ils n’étaient pas envoyés avec une disposition d’esprit pure (p. 173, 15-17) : il s’agit explicitement d’une querelle plaisante (προσπαίζω, p. 173, 29) qui fait suite à une plaisanterie de Philanthropène (παιδιᾶς μέρος καὶ […] διάχυσις, p. 173, 12-15 ; χαριεντίσῃ, p. 174, 1), et les parchemins sont mentionnés dans la suite de la lettre avec désinvolture (p. 174, 13-14 ; p. 175, 12-14), même si l’on ne peut douter qu’il ait été important pour Planude de recevoir des parchemins pour copier les œuvres de Plutarque. La lettre 11722 s’ouvre sur une querelle amicale : Planude reproche à Melchisédech d’avoir attribué la brièveté de la lettre précédente à un manque d’amitié, mais il s’abstient de le blâmer à cause de l’expression heureuse qu’il a trouvée pour qualifier cette lettre (συνεσφιγμένον, p. 194, 10) et surtout parce qu’il attribue à l’amitié la susceptibilité de son correspondant (p. 194, 11-12). Dans la lettre 9523, l’introduction suggère que Melchisédech, qui se prétend philosophe, n’a pas supporté la lettre humoristique que lui avait adressée Planude24, mais il est clair que cette dispute ne doit inspirer à Planude (p. 146, 27) et à Melchisédech (p. 147, 9) que le rire et qu’elle fait partie d’une série de combats amicaux (p. 147, 9-11). La critique qui suit, sur la mauvaise qualité des parchemins que Planude a reçus de Melchisédech, doit seulement l’inciter à venir retrouver son ami (p. 147, 29-148, 4). La lettre 113, adressée à Philanthropène25, accuse apparemment le destinataire d’avoir fait de Melchisédech un homme pacifique (p. 183, 5) qui n’a pu spontanément se livrer à des polémiques (p. 185, 2-4), un adepte de l’éristique, et un long développement (p. 183, 7-185, 1) évoque cette pratique éristique : Melchisédech veut apparemment prouver que l’hiver est plus chaud que l’été, et il n’épargne pour ce faire aucun sophisme. Il faut probablement supposer que Planude a voulu reporter à la belle saison le voyage qui lui permettrait de rejoindre Melchisédech et Philanthropène et que Melchisédech a essayé de le presser en développant ces paradoxes. Dès lors, la querelle est purement amicale, et c’est par jeu que Planude demande à Philanthropène d’apaiser le dialecticien redoutable, comme il a su apaiser les Turcs par son éloquence autant que par les armes : c’est en revenant, accompagné de Melchisédech, auprès de Planude qu’il pourra apaiser le différend qui oppose Planude à Melchisédech (p. 185, 19-23). La lettre 11026, adressée à Philanthropène et peut-être portée par Melchisédech selon Beyer, commente les voyages erratiques de Melchisédech qui, allant vers le nord en hiver et vers le sud au printemps, suscite les remontrances des grues : Planude s’attend à ce que le discours de ces oiseaux migrateurs, qui le fait rire, suscite la colère de Melchisédech (p. 177, 19-23), mais il songe que les voyages de Melchisédech s’expliquent par son désir de suivre Philanthropène (p. 177, 25-178, 8) et que sa mauvaise humeur tient à sa crainte d’en être séparé (p. 178, 8-11), de sorte que Melchisédech pourra justement attribuer les critiques de Planude à la jalousie (p. 178, 11-17) ; c’est donc le retour de Philanthropène et de Melchisédech qui peut réunir les trois amis et apaiser la querelle (p. 177, 23-25 et p. 178, 17-18).
7La lettre 11427, à Melchisédech, confirme que ce moine susceptible a bien éprouvé de la colère en lisant la lettre 110 (qui ne lui était pas adressée) et qu’il a voulu affronter les grues dans un combat public, ce qui doit signifier qu’il a écrit à Planude une lettre, lue devant quelques amis28, où il réfutait les réprimandes des grues et justifiait ses voyages par quelques paradoxes ; mais Planude réaffirme la supériorité des grues et il conclut ce développement qui est conforme aux habitudes communes aux deux partenaires (ἡμῖν εἰωθότα), et sert à distraire dans l’éloignement (ψυχαγώγημα τῆς ἀπ᾽ ἀλλήλων ἡμῶν διαστάσεως), tenant lieu des nombreuses grâces dont, présents, ils auraient joui (ἀντὶ πολλῶν χαρίτων, ὧν ἀλλήλοις συνόντες ἂν ἀπηλαύσαμεν, p. 189, 1-3). La présence dans la lettre 114 d’un aphorisme hippocratique (p. 188, 10-11) rapproche cette lettre de la lettre 8629 dans laquelle Planude, citant le même aphorisme (p. 132, 8-9), voyait dans le dur hiver constantinopolitain une raison de partir pour l’Ionie où, justement, son correspondant Melchisédech l’invitait (p. 132, 19) : alors que, dans la lettre 86, l’observance hippocratique des saisons aurait dû inciter Planude à rejoindre Melchisédech en Ionie, dans la lettre 114 cette même observance, préconisée par les grues, devrait dissuader Melchisédech de quitter Planude et Constantinople au printemps. Mais Planude conclut la lettre 114 en exprimant le souhait que Melchisédech puisse l’attirer en Asie (p. 190, 21-23), et de fait Beyer considère que cette lettre précède immédiatement le séjour que Planude fit auprès de Philanthropène et de Melchisédech. Il semble donc que les querelles entre Melchisédech et Planude ne soient qu’un badinage amical, des variations sophistiquées sur le thème épistolaire du désir de mettre un terme à l’absence, que la lettre ne compense que partiellement.
8Néanmoins, on a peut-être d’autres arrière-pensées dans la lettre 9930, qui s’ouvre par une sorte de réquisitoire contre Melchisédech (p. 154, 2-157, 28) : alors que Philanthropène avait demandé à Planude de s’occuper de l’instruction de Cassianos (lettre 98, p. 153, 19-31), Melchisédech s’offense de ce que le jeune général, au détriment de son action militaire, s’occupe de culture, et Planude lui répond éloquemment. Il signale d’emblée le caractère plaisant de sa critique (μοι συγγνώμην ἔχοις πρὸς σὲ παρρησιαζομένῳ σὺν παιδιᾷ, p. 154, 4-5), et plus loin, supposant que Melchisédech préférerait que Philanthropène meublât ses loisirs par la gastronomie ou l’œnologie, il ajoute : ἐγέλασα, σπουδάζων, οὐ παίζων, εἰ ταῦτα τολμήσεις λέγειν (p. 156, 26), mais les mots παιδιᾷ et ἐγέλασα ne peuvent neutraliser παρρησιαζομένῳ et σπουδάζων, de sorte qu’il nous semble que la plaisanterie recouvre ici un différend réel, entre Melchisédech qui voudrait que Philanthropène profitât de ses succès militaires pour conspirer et Planude qui préfère le voir attentif à l’éducation intellectuelle de son jeune protégé31. La suite de la lettre (p. 157, 28-159, 7) évoque une dispute banale : Melchisédech reproche à Planude de rester à Constantinople au lieu de venir visiter ses amis, Melchisédech et Philanthropène, en Asie, ce qui serait plus « philosophique » que de rester attaché à sa demeure, et Planude pourrait aussi bien retourner le reproche, puisque Melchisédech, qui voyage beaucoup, ne vient jamais voir son ami à Constantinople (p. 157, 28-158, 3). Mais ensuite, de manière plus énigmatique, Planude explique qu’il s’abstient de quitter Constantinople, comme il en aurait envie, pour ménager les intérêts de celui que Melchisédech l’invite à rejoindre, donc probablement Philanthropène, sans dire en quoi il rend service à Philanthropène en s’abstenant d’aller le rejoindre, et il compare ce renoncement à celui de Paul dans la Lettre aux Philippiens : comme Paul reste avec les hommes d’ici-bas au lieu de rejoindre le Christ, Planude reste avec les Constantinopolitains au lieu de rejoindre Philanthropène. Il évoque ensuite un texte de l’Ecclésiaste32 qui distingue le temps pour être avec son ami et le temps d’en être séparé. Bien qu’énigmatique, du moins pour nous, ce développement doit avoir un autre enjeu que le regret topique de l’éloignement. En outre, la suite de la lettre formule deux autres querelles, numérotées, la première p. 159, 7-27 et la deuxième p. 159, 28-160, 15 (ἓν μὲν οὖν τοῦτο […] δεύτερον δέ, p. 159, 27-28). Le premier grief tient à ce que Melchisédech n’a pas lu avec attention la lettre de Planude33 et a posé au porteur des questions déplacées au lieu de le laisser donner les nouvelles dont il était chargé, un malentendu qui peut se rapporter au projet de conspiration. Le deuxième grief, plus grave, tient à une mauvaise interprétation de la lettre 85 où Planude priait Melchisédech de ne pas réclamer à Nicolas ce qu’il lui avait prêté (p. 129, 20-21), avec toute une argumentation (p. 129, 22-130, 10) qui culminait dans le risque que courrait la réputation de Melchisédech s’il réclamait son dû : c’est cet argument (p. 130, 4-6), pourtant formulé très prudemment, qui a fait croire à Melchisédech que Planude prenait à son compte les propos malveillants qu’il conseillait de prévenir. Planude se montre gravement blessé par ce soupçon (p. 160, 8-9), sans exclure que Melchisédech ait voulu plaisanter (p. 160, 13), et il développe sa plainte par le projet d’un concours d’accusations (ἀγών, p. 160, 24). Cette querelle aboutit à une déclaration très amicale :
Tout cela, ce sont des propos amicaux venant d’un ami. Si tu es affligé, nous serons affligé, et si tu ris, nous rirons. Tu te réjouiras, je le sais, car tu veux aussi que nous nous réjouissions. Et si à nouveau te vient l’impulsion d’accuser, exécute ton dessein. Nous ne serons nullement contrarié. Nous croirons être frappé de roses si nous sommes par vous frappé de pierres. De fait, nous avons plus de joie à être, nous, accusé par vous que d’autres n’en ont à être invités par d’autres à un dîner. Toi donc, tu ne t’offenseras pas de notre défense, mais comme tu te réjouis de nous accuser, tu ne trouveras pas non plus insupportable d’être accusé en retour34 (p. 160, 25-161, 3).
9La lettre 116 serait, dans ce recueil, la seule postérieure à l’échec de la conspiration suscitée par Melchisédech35. La première partie de la lettre est très amicale, puisque Planude commence par exprimer le désir réciproque qu’ont les deux amis de se rejoindre à Constantinople, mais il s’étonne de la lenteur de Melchisédech, due sans doute à ce qu’il n’a pas compris l’attente de Planude (p. 192, 21-22). La deuxième partie est différente puisque Planude s’étonne que Melchisédech ne l’ait pas devancé (p. 192, 28-30), et il suppose que Melchisédech lui en a voulu de ne pas l’avoir incité, « lui qui a choisi la philosophie, à prendre la direction des médecins de plantes et de drogues et à devenir parfumeur » (p. 192, 30-193, 1). Il faut sans doute, à la suite de Pascale36, prendre à la lettre ce projet pour lequel Melchisédech souhaitait l’approbation de Planude, bien qu’on ait peine à situer un tel projet au lendemain d’une conspiration manquée. Planude, quand il s’oppose à ce projet et invite son ami à s’en tenir à la philosophie et à venir vivre avec lui (p. 193, 11-13), songe-t-il aux autres projets, étrangers à la philosophie, qui ont pu être formés par Melchisédech ? Quoi qu’il en soit, on a bien l’impression que la relation entre Planude et Melchisédech est fondamentalement amicale, mais on remarque que, dans les lettres qu’il lui adresse, Planude pratique beaucoup plus la polémique humoristique que dans les lettres qu’il adresse à ses autres amis. On doit bien sûr considérer que, par rapport à l’empereur (lettre 1), ou au frère (lettre 2) ou à la cousine de l’empereur (lettre 68), ou même par rapport à Philanthropène, Planude n’est pas sur un pied d’égalité et qu’il ne peut se permettre avec eux l’humour enjoué qu’il pratique avec ses égaux. Cependant, les lettres qu’il adresse à ses élèves, Mercourios ou Jean Zaridis, ne présentent nullement les plaisanteries qui abondent dans les lettres à Melchisédech37. Il est tentant de mettre en rapport le projet de conspiration de Melchisédech, ses voyages surprenants, sa curiosité déplacée, son dédain pour les intérêts intellectuels de Philanthropène, et de penser que Planude prend sous une forme humoristique ses distances par rapport aux projets de son ami.
10Jean Vardalis38 est le destinataire de trois lettres de Planude. La lettre 10 s’ouvre par un développement vindicatif : Vardalis a cru pouvoir s’amuser en faisant à Planude des promesses qu’il n’avait pas l’intention de réaliser, mais il n’y gagnera rien et Planude n’aura rien perdu de ce qui lui appartenait, tandis que Planude se vengera en dépossédant Vardalis du bien le plus précieux, la vérité (p. 22, 17-23, 8). Il détaille la triste condition de l’homme déchu de la vérité (τῆς ἀληθείας ἐκπεπτωκώς, p. 23, 8), dont toutes les relations sociales sont falsifiées (p. 23, 8-15)39. Une phrase nous donne enfin une idée de l’objet de la promesse non tenue, une paire de bœufs, dont disposait, sans en être propriétaire, la communauté monastique de Planude (p. 23, 16-20), puis la lettre se conclut par une invitation pressante : que Vardalis change d’attitude et il recouvrera cette réputation de véracité qu’il a perdue. La lettre 20, elle aussi, formule une récrimination : Jean Vardalis a exécuté la menace qu’il avait formulée comme une plaisanterie, en infligeant à Constantin de Nicomédie, l’intendant chargé des domaines du frère de Planude, une peine disproportionnée, de sorte que cet homme épris de tranquillité (ἀπραγμονεστάτῳ, p. 46, 20) et de philosophie (p. 46, 17) est contraint à s’exiler et à affronter dangers et périls (p. 46, 6-10). La suite des récriminations de Planude semble évoquer autre chose qu’une pénalité consécutive à une fraude, puisqu’il dit à Vardalis : « un simple particulier, qui ne savait ni ne voulait se souiller avec vos finances publiques mais voulait garder son âme et ses mains pures de ces choses, tu l’as précipité tête la première et l’as mêlé aux travaux qui sont bannis des ateliers de la philosophie » (p. 46, 14-18), alors que d’autres ont beaucoup plus de compétence et de zèle pour tirer quelque chose de ce bourbier (p. 46, 18-20), la suite montrant que Vardalis a contraint Constantin à faire ce que d’autres font spontanément40. Il semble que Vardalis, par la menace, ait contraint Constantin à le servir dans des travaux non philosophiques, en vertu de sa fonction (ἐξουσία, δυναστείαν, p. 46, 4 et 28)41. Planude avait prié pour que cette fonction lui fût accordée (p. 46, 29-47, 1). Vient ensuite une menace dont le contenu précis nous échappe, mais il est clair que certains membres de l’entourage de Planude risquent de pleurer à cause de la réalisation de cette menace (p. 47, 5-6), de même que Constantin, cause de la lettre, a maintenant assez pleuré (p. 47, 6-7), et le dernier mot est une injonction à ne pas commettre d’injustice. La lettre 21 nous apprend d’abord que Constantin, au lieu de reprendre une vie tranquille (p. 47, 11-12), développe un zèle surprenant au service de Vardalis : il semble avoir, comme Vardalis, déserté la philosophie pour se consacrer aux δημόσια (p. 48, 3-6), de sorte que, ayant échoué, Planude n’a pas honte d’avoir essayé de priver Vardalis de son assistant (p. 47, 21-25). Planude accepte d’attribuer la conversion de Constantin à l’amitié (p. 48, 1-3 et 6-7) et au charme de Vardalis qui, même dans les δημόσια, reste philosophe (p. 48, 11-13), et il demande à Vardalis d’aider Constantin, en l’appuyant auprès d’un ἡγεμών (p. 48, 15-21) qui risque de lui réclamer plus qu’il ne peut payer.
11Beyer, qui ne commente pas ces lettres dans l’article du PLP consacré à Jean Vardalis, mais à propos de Constantin (no 14235), donne une interprétation qui ne nous semble pas rendre compte de tous les détails de ces deux lettres42. On peut faire la part de l’humour, mais on doit remarquer qu’un tel humour est totalement absent des lettres 5 et 32 que Planude adresse au frère de Jean, Léon Vardalis (no 2183). Exceptionnellement, nous disposons d’un témoignage extérieur pour apprécier les relations entre Planude et les deux frères, la lettre 14 adressée à Phacrasis à la suite de l’assassinat de Jean Vardalis43 : Planude demande à Phacrasis de prendre soin de la maison (veuve, orphelins ?) du défunt (p. 37, 1-5) et il précise : « je pleure celui qui est tombé, car c’était pour moi un ami, à cause de lui-même, mais surtout à cause de son frère [Léon Vardalis], que je considère plus que tout autre comme la mesure de l’amitié » (p. 36, 10-13). Parlant d’un homme mort dans des circonstances tragiques et sollicitant pour ses proches survivants, Planude risque plus de gommer les différends passés et d’exagérer son amitié que de suggérer rétrospectivement des différends, et la manière dont il s’exprime ici montre que son amitié pour Jean Vardalis s’accommodait de beaucoup de réserves.
12Cette enquête nous amène à réfléchir aux restrictions qui, dans des lettres amicales, conditionnent l’expression d’un différend même grave. On ne peut expliquer par l’humour toutes les querelles qu’on repère dans ces textes. Lecteur de Plutarque, Planude sait bien que l’amitié ne se confond pas avec la flatterie (lettre 12, p. 34, 10-13), mais les différends s’expriment de manière sophistiquée, de sorte qu’il nous faut les deviner et en mesurer conjecturalement la gravité. Planude ne peut, dans les lettres qu’il adresse à Melchisédech et à Philanthropène, commenter explicitement leur projet de conspiration ; mais il se peut qu’il ait eu l’occasion de formuler oralement des réserves et, dans ses lettres, des allusions, forcément problématiques, suggèrent qu’il préfère que Philanthropène se consacre à l’activité intellectuelle et ne veut pas donner de renseignements confidentiels à Melchisédech. Plus généralement, il ne faut pas dénier aux épistoliers le droit à la complexité, et vouloir à tout prix simplifier les relations qu’ils entretiennent avec leurs correspondants.
Bibliographie
Des DOI sont automatiquement ajoutés aux références bibliographiques par Bilbo, l’outil d’annotation bibliographique d’OpenEdition. Ces références bibliographiques peuvent être téléchargées dans les formats APA, Chicago et MLA.
Format
- APA
- Chicago
- MLA
Bibliographie
Éditions et traductions
Maximi monachi Planudis Epistulae, ed. Petrus Aloisius M. Leone, Amsterdam, 1991.
Massimo Planude, Epistole a Melchisedek, ed. Giuseppe Pascale, Alessandria, 2007.
Georgii Lacapeni et Andronici Zaridae Epistulae XXXII cum epimerismis Lacapeni, ed. Sigfrid Lindstam, Gothoburgi, 1924.
Constantino Acropolita, Epistole, saggio introduttivo, testo critico, indici a cura di Roberto Romano, Napoli, 1991.
Demetrios, Du style, texte établi et traduit par Pierre Chiron, Paris, CUF, 1993.
Lettres pour toutes circonstances. Les traités épistolaires du Pseudo-Libanios et du Pseudo-Démétrios de Phalère, Introduction, traduction et commentaire par Pierre-Louis Malosse, Paris, 2004.
Synésios de Cyrène, II Correspondance, Lettres I-LXIII, texte établi par Antonio Garzya, traduit et commenté par Denis Roques, Paris, 2000.
Die Briefe des Eustathios von Thessalonike, Einleitung, Regesten, Text, Indizes von Foteini Kolovou, München-Leipzig, 2006.
Procopi Gazaei Epistulae et declamationes, éd. Antonius Garzya et Raymundus-J. Loenertz, Ettal, 1963.
The Letters of Ioannes Mauropous Metropolitan of Euchaita, Greek text, translation and commentary by Apostolos Karpozilos, Thessalonike, CFHB 34, 1990.
Die Sprichwörtersammlung des Maximos Planudes, éd. Eduard Kurtz, Leipzig, 1886.
10.3406/rebyz.1993.1872 :Prosopographisches Lexikon der Palaiologenzeit, erstellt von Erich Trapp unter Mitarbeit von Rainer Walther und Hans-Veit Beyer, Wien, 1976-1996 (= PLP).
Études
Beyer Hans-Veit, « Die Chronologie der Briefe des Maximos Planudes an Alexios Dukas Philanthropenos und dessen Umgebung », Revue des Études Byzantines, 51, 1993, p. 111-137.
Koskenniemi Heikki, Studien zur Idee und Phraseologie des griechischen Briefes bis 400 n. Chr., Helsinki-Wiesbaden, 1956.
Mondrain Brigitte, « La lecture et la copie de textes scientifiques à Byzance pendant l’époque paléologue », dans La produzione scritta tecnica e scientifica nel Medioevo, libro e documento tra scuole e professioni (Atti del Convegno internazionale di studio dell’Associazione italiana dei Paleografie Diplomatisti, Fisciano-Salerno, 28-30 settembre 2009), éd. par G. De Gregorio et M. Galante, Spoleto, 2012, p. 607-632.
Pernot Laurent, La rhétorique de l’éloge dans le monde gréco-romain, Paris, Institut d’Études Augustiniennes, 1993.
10.4000/books.pufr.10688 :Schneider Jean, « Les références au théâtre antique dans les lettres de Maxime Planude », dans Φιλευριπίδης Phileuripidès. Mélanges offerts à François Jouan, textes réunis par D. Auger et J. Peigney, Presses universitaires de Paris-Ouest, 2008.
Schneider Jean, « Une correspondance érudite : les lettres de Maxime Planude », Eruditio Antiqua, I, 2009, p. 63-85.
Schneider Jean, « L’histoire dans les lettres de Maxime Planude », dans La présence de l’histoire dans l’épistolaire, éd. par F. Guillaumont et P. Laurence, Tours, PUFR, 2012, p. 55-68.
Sykutris Ioannes, « Probleme der byzantinischen Epistolographie », dans IIIe Congrès International des Études Byzantines, Athènes 1930, compte rendu par A. C. Orlandos, Athènes, 1932.
Tanaşoca Nicolae-Şerban, « Une mention inconnue des Vlaques à la fin du XIIIe siècle : Maximos Planude, Epistulae, XIV (édition Treu) », Revue des Études Sud-Est Européennes, XII, 1974, p. 577-582.
Thraede Klaus, Grundzüge griechisch-römischer Brieftopik, München, C. H. Beck Verlag, 1970.
Notes de bas de page
1 Planude a des ennemis dont il craint les calomnies (lettre 112, p. 182, 4-15 et lettre 114, p. 190, 14-17). L’empereur Andronic II, destinataire de la lettre 1, ne semble pas avoir été très conciliant. Il est question de Planude dans les lettres 9, 11 et 25 de Lacapène ; et les lettres de Constantin Acropolite évoquent deux correspondants habituels de Planude.
2 La lettre amicale est le septième type dans la liste du Pseudo-Libanios (Malosse, p. 22), et le premier type dans celle du Pseudo-Démétrios (p. 55), qui range dans ce type, non pas la lettre qu’écrivent les amis au sens propre, mais celle qui semble écrite par un ami à un ami. Bien entendu, cette apparence d’amitié ne se comprend qu’en référence avec des lettres écrites par un ami à un ami, qui ne correspondaient guère au propos de ce petit traité (cf. Malosse, p. 72-73).
3 Koskenniemi H., 1956, p. 37. Ce rapprochement est repris par Roques dans l’édition de Synésios (p. liii et note 126). K. Thraede, 1970, p. 19-21, le critique, mais il montre bien que ce rapprochement repose sur une conjecture, non que cette conjecture soit fausse, et la place de l’amitié dans la pratique épistolaire ne peut guère être contestée. C’est comme principal représentant de la théorie de l’amitié qu’Aristote est cité dans les lettres d’Eustathe (dans l’édition de Kolovou, p. 32*).
4 Cf. Pernot L., 1993, p. 481-490.
5 Pythagore peut désigner le silence épistolaire (Procope de Gaza, lettre 160, 5, p. 77, Garzya-Loenertz).
6 Sur le fisc, voir la lettre 3 (cf. Schneider J., 2012, p. 56, note 2). Sur les Turcs, il s’exprime négativement quand il écrit à Philanthropène qui est chargé de guerroyer contre eux, et l’on peut être surpris, voire choqué, par la formulation de la lettre 78 où Planude, après avoir rappelé que Philanthropène a prévu de lui envoyer des peaux de moutons prélevées dans le butin, écrit : « mais en moi s’est répandu un désir insatiable de ton butin, si grand que je voudrais voir expédier ici non seulement des peaux de moutons, mais aussi des peaux et des têtes de barbares, si ta clémence ne s’y opposait » (p. 120, 2-5) ; cependant, dans la lettre 102, il peut demander au même d’accepter l’échange d’un captif turc contre un captif milésien : « aussi le barbare, relâché, t’aura autant de reconnaissance que le Milésien : tu sais ainsi aussi bien mettre à mal les barbares et les rendre redevables de reconnaissance à ton égard » (p. 164, 11-13).
7 Dans la lettre 31, une formulation hostile aux Juifs est atténuée ( ?) par la remarque : ἵνα τι λέξω σὺν παιδιᾷ (p. 64, 13-21).
8 Les destinataires des lettres 49, 52 et 88 ne sont pas nommés (sur la lettre 88, cf. Beyer H.-V., 1993, p. 122). Maurikios n’est connu que par Planude (no 17426 dans PLP).
9 Cf. Beyer H.-V., 1993, p. 125. La disgrâce de Phacrasis est postérieure à la répression par l’empereur de la conspiration ourdie par Melchisédech et Philanthropène, dont Planude a bien dû être informé.
10 PLP, no 1693.
11 Schneider J., 2009, p. 75-76.
12 On remarque aussi φιλοσοφία à la ligne 15, mais il est difficile de savoir si ce mot désigne ici l’état monastique ou s’il a un sens plus large.
13 L’Éthique à Nicomaque (IV, 1, § 38-43, 1121 b 17 - 1122 a 13) répartit les ἀνελεύθεροι en deux catégories, ceux qui sont trop réticents à donner (dont les φειδωλοί) et ceux qui sont trop désireux d’acquérir.
14 L’expression οἴκοθεν οἴκαδε (Pindare, Ol. 7, v. 4) se retrouve dans la lettre 9 de Jean Mauropous (l. 18).
15 La formule τῷ δεῖνι devait, dans l’exemplaire remis à Autorianos, être remplacée par le nom d’un grand personnage (lettre 65, p. 96, 10-15).
16 PLP, no 30525.
17 Il se peut que les lettres 29 (p. 60, 5-7), 67 (p. 99, 25-26), 68 (p. 103, 11-12) répondent à des lettres de réclamation, mais là encore toutes les aspérités de la réclamation sont adoucies par l’exubérance de l’expression amicale.
18 Cf. lettres 36, p. 68, 18-19 ; 37, p. 69, 22-26 ; 49, p. 82, 3-11.
19 Dans la lettre 49, la mention d’un proverbe populaire (p. 82, 10-11 : proverbe 60, p. 21, Kurtz), contraire aux habitudes des épistoliers byzantins qui utilisent normalement des proverbes savants, peut contribuer à dramatiser l’accusation.
20 Cf. Sykutris I., 1932, p. 300 : « obzwar wir nicht vergessen dürfen, dass zu dieser Zeit die Uebertreibungen mehr in den Gefühlen, als im Stil lagen ».
21 Début de 1294 (Beyer H.-V., 1993, p. 118-119).
22 Début de 1294 (Beyer H.-V., 1993, p. 122).
23 Été ou automne 1294 (Beyer H.-V., 1993, p. 129).
24 G. Pascale (2007, p. 57, note 76) suppose que c’est la lettre 113 qui a suscité la colère de Melchisédech dont fait état la lettre 95 ; mais la lettre 113, adressée à Philanthropène, est, selon Beyer, postérieure à la lettre 95.
25 Hiver 1294-1295 (Beyer H.-V., 1993, p. 130-131).
26 Beyer, 1993, p. 131, la range juste après la lettre 113 et la situe à la fin de l’hiver 1295, donc à un moment où les oiseaux migrateurs remontent vers le nord tandis que Melchisédech rejoint Philanthropène en Ionie. Dans la lettre 51, les grues, quittant l’Égypte pour la Thrace, doivent inciter le destinataire non nommé à rejoindre Planude à Constantinople.
27 Début d’avril 1295 (Beyer, 1993, p. 132-133). Il faut rapprocher l’aiguillon de Melchisédech (p. 188, 30) de la citation des Guêpes (p. 186, 24, cf. Schneider J., 2008, p. 746).
28 Pascale (2007, p. 78, note 113) pense qu’ici le « théâtre » est fictif, même si une lettre peut bien être lue devant une assemblée.
29 Début de 1294 (Beyer, 1993, p. 119-120). Le voyage projeté alors (déjà dans la lettre 74 entre le 25 décembre 1293 et le 6 janvier 1294, p. 113, 6-10), sans doute pour la belle saison de 1294, n’eut pas lieu (lettre 115, p. 191, 7-8) et c’est seulement l’année d’après que Planude séjourna auprès de ses amis.
30 Été 1294 (Beyer, 1993, p. 128).
31 Schneider J., 2009, p. 78-79. Cependant, alors que l’empereur a peut-être reproché à Philanthropène de laisser le butin aux soldats (Beyer, 1993, p. 135 et p. 137), Planude l’approuve vivement dans les lettres 77 et 105.
32 Le « sage roi » (p. 158, 23) n’est pas Andronic II comme le suggère Leone, mais Salomon (Pascale G., 2007, p. 68, note 100). Ce texte de l’Ecclésiaste est évoqué dans la lettre 85 (p. 128, 6-7).
33 Dans la lettre 85 (début de 1294, Beyer, 1993, p. 125), Planude disait que le porteur de la lettre devrait donner les nouvelles que la lettre elle-même ne pouvait contenir (p. 128, 21-129, 1), un passage que Melchisédech a apparemment mal interprété.
34 Le Pseudo-Libanios connaît la lettre de contre-accusation (Malosse, p. 22).
35 Beyer, p. 136. Melchisédech mourut lors du tremblement de terre qui secoua Constantinople en juin 1296 (lettres 56-57 de Constantin Acropolite et, dans l’introduction de Romano, p. 42-46 ; Pascale, p. 8).
36 Pascale G., 2007, p. 90, note 135. On connaît aussi un Nicolas Myrepse (Mondrain B., 2012, p. 626).
37 On peut comparer la lettre 28, où il demande à Théodore Xanthopoulos de lui prêter un livre avec tout un développement humoristique, et la lettre 33 où il sollicite le même service de Bryennios de manière beaucoup plus sobre : le choix de l’humour ne s’explique pas seulement par le statut social du destinataire ni par l’objet de la lettre.
38 PLP, no 2182.
39 Ce développement rappelle celui, clairement humoristique, de la lettre 28 (p. 57, 30-58, 13).
40 On peut évoquer la lettre 3, adressée à Phacrasis, où Planude sollicite pour un homme qui, par un égarement passager, s’est engagé dans la perception des impôts et ne peut verser la somme qui est exigée de lui.
41 Il a le titre de δούξ (lettre 21, p. 47, 17). La lettre 14 nous montre que Jean Vardalis s’occupait de la perception des impôts.
42 « Verwaltete die Güter des Bruders des Πλανούδης Μάξιμος. Der neu bestellte Dux Βαρδαλῆς Ἰωάννης verdächtigte ihn offenbar, sich an Staatsgut zu bereichern, und drohte ihm mit der Verbannung. Planudes schrieb an den mit ihm befreundeten Beamten einen Protestbrief, in welchem er die untadelige, philosophische Lebensweise des Verwalters hervorhebt. Der Protest hatte Erfolg, wie ein zweiter Brief an denselben Beamten zeigt. »
43 Tanaşoca N.-Ş., 1974.
Auteur
Université Lyon 2 Lumière/HiSoMA (UMR 5189)
Le texte seul est utilisable sous licence Licence OpenEdition Books. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Les écritures de la douleur dans l’épistolaire de l’Antiquité à nos jours
Patrick Laurence et François Guillaumont (dir.)
2010