Contentio et les noms latins de la polémique dans l’épistolaire
p. 33-49
Texte intégral
1Je ne proposerai pas ici une analyse sémantique de tous les noms latins pouvant se rapporter au champ de la polémique en général1, mais je centrerai l’étude sur contentio parce que ce terme, qui désigne la parole de combat, forme un couple célèbre avec sermo, nom utilisé par les Latins pour renvoyer, entre autres, à la forme de discours dont relève la lettre2. Évoquer « le conflit dans l’épistolaire », c’est poser le problème des rapports entre le sermo et la contentio : dans quelle mesure la contentio peut-elle entrer dans le sermo ? La question ne se réduit pas au domaine de la rhétorique, car, à la différence de controuersia qui s’est rapidement spécialisé dans le vocabulaire technique de l’affrontement judiciaire – ou encore de altercatio, la dispute oratoire où s’échangent attaques et ripostes3 –, contentio, qui n’est pas au départ un nom de la parole, ne s’est jamais enfermé dans un emploi technique.
Ἀγών et contentio
2Venus du domaine sémantique de la rivalité et de la lutte, la famille du grec ἀγών et le latin contentio s’appliquent métaphoriquement à la parole comme combat, et une filiation peut même être établie entre leurs emplois respectifs dans le champ restreint des types de style.
Rhétorique et combat
3L’image du combat, pour définir la rhétorique, est courante dans les textes grecs4, mais c’est surtout ἀγών et sa famille qui illustrent ce passage métaphorique de la lutte physique à la parole combative. Ἀγών signifie d’abord « assemblée pour des jeux », puis par extension « combat » et « procès »5 (autrement dit « combat par la parole »), et ses dérivés se sont spécialisés dans la désignation de la rhétorique comme combat : ἀγωνιστικὴ λέξις renvoie, chez Aristote, au style des débats, plus propre à l’action (ὑποκριτικωτάτη) que la λέξις γραφική (style de l’écrit)6 ; de la même façon, chez Démétrios, l’adjectif ἐναγώνιος « propre aux joutes oratoires » qualifie le style disjoint de l’oral (ἡ διαλελυμένη λέξις), par opposition au style soudé de l’écrit7. Chez Platon, la rhétorique est présentée par Gorgias comme une ἀγωνία :
Plat., Gorg. 456 c : δεῖ […] τῇ ῥητορικῇ χρῆσθαι ὥσπερ τῇ ἄλλῃ πάσῃ ἀγωνίᾳ.
Il faut user […] de cet art comme de tous les autres arts de combat.
4Or le terme latin qui correspond le mieux à cette famille grecque est certainement contentio, comme le suggère Cicéron :… contentionis quem ἀγῶνα uos appellatis (Att. I, 16)8. Usuel pour désigner le combat9, ce nom est utilisé en parallèle avec bellum : neque bello Allobrogum proximo […], neque […] in his contentionibus quas Haedui secum et cum Sequanis habuissent… (Caes., G. I, 44)10. Appliqué métaphoriquement au domaine de la parole, contentio en vient à désigner la joute verbale, parfois explicitement comparée aux combats de l’arène11 :
Cic., Phil. II, 7 (Cicéron assimile Antoine à un gladiateur) : tamquam mihi cum M. Crasso contentio est, quocum multae et magnae fuerunt, non cum uno gladiatore nequissimo.
comme si le conflit était entre moi et M. Crassus, avec qui j’en ai eu de si violents, et non entre moi et un gladiateur des plus vils.12
5Aussi contentio est-il régulièrement employé dans les images de la rhétorique comme combat :
Cic., De or. II, 72 (discours d’Antoine) : In causarum contentionibus magnum est quoddam opus […] ubi adest armatus aduersarius, qui sit et feriendus et repellendus.
Affronter les luttes du barreau est une terrible entreprise […]. Là se présente un adversaire armé, que vous devez frapper, repousser.13
6Le parallèle entre ἀγών et contentio, tout au moins dans ses grandes lignes14, est parfait : les deux termes sont d’abord employés dans le domaine de la lutte au sein d’une compétition ou d’un combat militaire, avant de s’appliquer à la parole et de devenir des termes de la rhétorique. C’est ainsi que certains développements sur la contentio militaire se retrouvent dans les traités de rhétorique. César oppose la contentio, affrontement direct des deux armées, au combat en terrain couvert avec de petites troupes, qui relève plus de la guérilla et de l’embuscade :
Caes., G. V, 19 : Casiuellaunus […] omni deposita spe contentionis dimissis amplioribus copiis, milibus circiter quattuor essedariorum relictis, […] locisque impeditis ac siluestribus sese occultabat…
Casivellaunos […] avait, désespérant de nous vaincre en bataille rangée, renvoyé le gros de ses troupes ; […] il se tenait à quelque distance de la route et se dissimulait dans des endroits peu praticables et couverts de bois…15
7À ces deux techniques militaires Quintilien compare deux formes de l’oratio :
Quint., I.O. XII, 9, 2 : Nam ut gerentibus bella non semper exercitus per plana et amoena deducendus est, sed adeundi plerumque asperi colles, expugnandae ciuitates quamlibet praecisis impositae rupibus aut operum mole difficiles, ita oratio gaudebit quidem occasione laetius decurrendi et aequo congressa campo totas uires populariter explicabit : at, si iuris anfractus aut eruendae ueritatis latebras adire cogetur, non obequitabit nec illis uibrantibus concitatisque sententiis uelut missilibus utetur, sed operibus et cuniculis et insidiis et occultis artibus rem geret.
Ceux qui conduisent des guerres n’ont pas toujours à diriger leur armée à travers des plaines riantes ; il leur faut aborder la plupart du temps des collines escarpées, prendre d’assaut des villes, même perchées sur des rochers à pic ou rendues inaccessibles par des travaux de fortification ; de même l’orateur profitera certainement avec joie de l’occasion pour charger avec plus de bonheur et, rencontrant l’adversaire en terrain plat, pour déployer toutes ses forces pour le plaisir du public ; toutefois, s’il est contraint de pénétrer dans les défilés de la procédure et d’aller déterrer la vérité jusque dans ses retraites, il n’ira pas caracoler autour, et, en guise de projectiles, il n’emploiera pas de ces traits bien connus, acérés et rapides, mais il mènera la chose avec des ouvrages de fortification et des mines et des embuscades et des techniques secrètes.16
8Si le terme contentio n’apparaît pas ici, c’est certainement parce que Quintilien l’a utilisé au livre IX dans un sens technique, pour désigner une figure de pensée17 ou une figure de mots18. C’est aussi parce qu’il condamne cette attitude démonstrative de l’orateur qui recherche les applaudissements du public19, au détriment de la vérité. Or contentio était un terme trop positif pour figurer dans une telle critique, et surtout trop marqué dans une opposition traditionnelle avec sermo.
9Dans le domaine plus spécialisé des types de style, la filiation entre la famille de ἀγών et contentio est là encore évidente.
Les types de style
10Il n’y a pas, chez Aristote, de divisions du style en catégories distinctes comme on en trouvera plus tard, chez Théophraste, Panétius, Cicéron et Démétrios. Mais on voit apparaître chez lui une théorie à deux styles20, qui prend différentes formes : style simple, sans recherche, destiné à démontrer21 et tourné vers les πράγματα vs style plus travaillé, destiné à l’auditeur (πρὸς τὸν ἀκροατήν)22 ; mais aussi style écrit (γραφικὴ λέξις) vs style de combat (ἀγωνιστική)23. Cette dernière opposition se retrouve chez Démétrios, dans des termes quasi identiques : d’un côté le style écrit (γραφικὴ λέξις), de l’autre le style disjoint (διαλελυμένη), qualifié d’ἐναγώνιος, adapté aux combats oratoires24. Ce grand style de combat, d’abord condamné par l’ancien stoïcisme pour son caractère « gras » (ἁδρός)25, est ensuite réhabilité par Panétius qui en réoriente l’interprétation vers l’efficacité oratoire, en même temps qu’il transforme le style « maigre » (ἰσχνός) des Stoïciens26 en celui, simple, élégant et pur de la conversation philosophique. Dans le De officiis de Cicéron, ces deux grands pôles de la doctrine stylistique de Panétius sont représentés par les termes contentio et sermo, contentio apparaissant donc, malgré l’évolution conceptuelle vers la notion plus vaste d’éloquence27, comme l’héritier de la λέξις ἀγωνιστική ou ἐναγώνιος. En témoigne le passage suivant, où à l’idée de force oratoire (uis orationis) se joint celle de débat (disceptatio), d’affrontement de positions antagonistes (soulignée par le préverbe dis-)28 :
Cic., Off. I, 132 : Et quoniam magna uis orationis est eaque duplex, altera contentionis, altera sermonis, contentio disceptationibus tribuatur iudiciorum, contionum, senatus ; sermo in circulis, disputationibus, congressionibus familiarium uersetur, sequatur etiam conuiuia.
Grande est la portée de la parole, qui est de deux sortes : celle de l’éloquence et celle de la conversation. Le ton éloquent doit être réservé aux débats des tribunaux, des assemblées, du sénat ; celui de la conversation doit être employé dans les réunions, les discussions, les rencontres amicales, et aussi à la fin des banquets.
11Parce que le nom contentio recouvre les trois formes du discours public (iudicia, contiones, senatus), il peut être traduit ici, de manière contextuelle, par « éloquence ». Mais ce qui, dans le signifié du mot, rend possible cette application à différentes formes de paroles de combat, c’est l’idée, conforme au sémantisme du verbe contendere, de tension de forces opposées.
Contendere et le modèle de la compétition
Étymologie et sens premier
12Pour contendere, deux étymologies sont possibles. L’une par la racine *ten- « s’étendre, s’allonger », qui développe un sens factitif « étendre, tendre avec effort » apparu avec la formation de présent en nasale comme gr. hom. τιταίνω (sur *ti-tn-, refait ensuite en τείνω sur un thème secondaire en -e) ou latin tendo, qui peut s’expliquer par *tn-néw-/ nu-comme ved. tanóti (« il tend »)29. L’autre par la racine *tend-« fatiguer, s’affaiblir » (ved. tandate « s’affaiblir »), qui procède peut-être d’un élargissement de la précédente, le sens étant « s’étendre trop », d’où « se distendre, se relâcher, s’affaiblir ». Le latin tendo, toujours factitif, pourrait figurer là, selon H. Rix, par opposition de sens : non pas « rendre faible », mais « rendre tendu »30.
13Cette dernière étymologie, d’abord curieuse, fonctionne assez bien pour tendo et contendo, car il s’agit de tendre en vue d’une détente : ce n’est pas une tension gratuite, mais une tension agressive, destinée à projeter par exemple une arme de jet, ou à se résoudre dans la défaite de l’ennemi. La notion de tension fait couple avec celle de détente : on tend quelque chose en vue de son relâchement, c’est-à-dire en vue de la perte de la tension. La notion de détente est une fin visée, si bien que le sens de tendo peut être défini comme : « tendre en vue d’un relâchement ».
14Ce sens est très clair dans des emplois concrets de contendere, en contexte militaire par exemple, où le préfixe con- a une valeur d’intensité ou d’achèvement, les deux notions étant souvent liées31. Contendo signifie alors « tendre avec force », c’est-à-dire jusqu’au moment où le ressort va se détendre : une tension complète est toujours destinée à céder, à s’affaiblir, à se transformer en détente par transfert d’énergie dans un mouvement, dans un lancer, dans une projection destinée à atteindre un objectif. L’autre, l’adversaire, l’ennemi, est donc contenu dans le signifié de contendo, comme but visé.
15C’est justement sur cette signification de contendo que Cicéron fonde une comparaison entre la tension d’une arme de jet par les balistes et la tension de la voix, de la course et des coups :
Cic., Tusc. II, 57 : Vt enim balistae lapidum et reliqua tormenta telorum eo grauiores emissiones habent, quo sunt contenta atque adducta uehementius, sic uox, sic cursus, sic plaga hoc grauior, quo est missa contentius.
De même que la portée des balistes pour les pierres, des autres machines pour les traits, s’accroît à mesure qu’on les tend et qu’on les bande plus fortement, ainsi la puissance de la voix, de la course, des coups dépend des ressorts qui les font jouer.32
16Quand le rapport avec l’adversaire est explicite, le verbe prend le sens de « lutter avec, lutter contre », et le préverbe con-porte plus nettement une valeur sociative exprimant la réciprocité33.
17Contentio suit un développement parallèle, et se distingue alors de intentio, qui dans la tension n’envisage pas la relation avec l’autre. Ainsi, les hommes qui ont la contentio nécessaire aux guerres, aux combats politiques et aux batailles juridiques n’ont pas forcément l’intentio pour supporter les souffrances, ennemi invisible et impossible à vaincre :
Cic., Tusc. II, 65 : Atque in primis meditemur illud, ut haec patientia dolorum quam saepe iam animi intentione dixi esse firmandam, in omni genere se aequabilem praebeat. Saepe enim multi qui aut propter uictoriae cupiditatem aut propter gloriae aut etiam, ut ius suum et libertatem tenerent, uolnera exceperunt fortiter et tulerunt, iidem omissa contentione dolorem morbi ferre non possunt.
Avant tout, avisons à ce que cette patience dans les souffrances, dont j’ai souvent dit qu’elle doit puiser sa force dans la tension de l’âme, se maintienne au même niveau quel qu’en soit l’objet. Bien des gens, à qui la passion de la victoire ou de la gloire ou encore la défense de leur droit et de leur liberté ont inspiré le courage d’affronter et de souffrir les blessures, sont néanmoins, quand la tension du combat a disparu, incapables de supporter la maladie.34
18Quant aux emplois de contentio où la dimension de l’autre est explicite, ils sont très nombreux et bien connus35.
19Contentio signifiant fondamentalement la tension d’un sujet destinée à se porter sur un adversaire, on peut considérer comme premiers ses emplois qui ont pour cadre une lutte où deux concurrents se mesurent l’un à l’autre.
Lutte de deux concurrents qui se mesurent l’un à l’autre
20Cette lutte est désignée par cursus, qui nous ramène au grec ἀγών :
Cic., Phil. XIV, 18 : Quodsi quis de contentione principatus laborat, quae nulla esse debet, stultissime facit, si uitiis cum uirtute contendit : ut enim cursu cursus, sic in uiris fortibus uirtus uirtute superatur.
Si quelqu’un se met en peine de disputer le premier rang, rivalité qui ne doit pas exister, il agit très sottement, si c’est par des vices qu’il rivalise avec la vertu ; comme les coureurs l’emportent en courant, entre hommes de cœur c’est par la vertu qu’on triomphe de la vertu.36
21Tous les éléments de la contentio sont là : course, rivalité, victoire37. Mais ce que disent d’autres textes, c’est que cette rivalité se joue entre deux personnes seulement (ou deux entités, en cas d’emploi figuré), et que la victoire est celle de l’un sur l’autre. Le conflit est une confrontation entre deux adversaires. Celle-ci est signalée par l’emploi régulier, autour de contentio (ou de contendere), de termes comme uter formés à l’aide de ce suffixe-ter oppositionnel, souvent associés à des comparatifs de supériorité, ou à comparatio. Ainsi :
Her. II, 21 : Cum ex comparatione quaeretur utrum satius fuerit facere id quod reus dicat se fecisse, an id quod accusator dicat opportuisse fieri, primum quaeri conueniet utrum fuerit utilius ex contentione, hoc est utrum honestius, facilius, conducibilius.
Quand on procédera par comparaison pour chercher s’il valait mieux agir comme l’accusé dit l’avoir fait ou comme l’accusateur dit qu’il aurait dû le faire, il conviendra d’abord de confronter les deux attitudes pour chercher la plus utile, c’est-à-dire la plus honorable, la plus facile, la plus avantageuse.38
22Contentio et comparatio peuvent sembler synonymes, comme dans le passage suivant où Cicéron évoque les conflits entre deux devoirs :
Cic., Off. I, 152 : Eorum autem ipsorum quae honesta sunt, potest incidere saepe contentio et comparatio, de duobus honestis utrum honestius…
Entre des comportements qui sont eux-mêmes beaux moralement, il peut survenir souvent rivalité et confrontation pour savoir de deux belles actions laquelle est la plus belle.39
23Mais comparatio est plus large, car il se rapporte à une confrontation dépourvue de violence : c’est une mise en parallèle, alors que de la contentio doit sortir un choix entre les deux concurrents :
Cic., De orat. III, 32 (Crassus, dans son discours sur l’éloquence, se compare à Antoine) : Ad nosmet ipsos iam reuertor, quoniam sic fuimus semper comparati, ut hominum sermonibus quasi in aliquod contentionis iudicium uocaremur.
Je reviens maintenant à nous deux, puisque notre destin est d’être mis en parallèle et que l’opinion publique nous cite pour ainsi dire devant son tribunal pour décider entre nous.40
24Aussi la comparatio est-elle présentée comme le moyen de la contentio à venir :
Cic., Part. 7 (il est question des arguments inhérents au sujet, à savoir la définition, le contraire, et ce qui y ressemble) : rerum contentiones, quid maius, quid par, quid minus sit, in quibus aut naturae rerum aut facultates comparantur.
Les confrontations entre plusieurs choses, ce qu’il y a de plus grand, d’égal ou de plus petit, où l’on met en parallèle, soit la nature des choses, soit leurs qualités.41
25On a d’un côté la confrontation sans choix, c’est-à-dire la simple mise en parallèle, et de l’autre celle qui désigne un vainqueur (quid maius)42, autrement dit la lutte, la compétition.
26Contentio est donc très souvent employé comme un équivalent de certamen. Par exemple :
Cic., Verr. II, 177 : Negas esse factum ? Placet ista mihi defensio, descendo ; aequa enim contentio, aequuum certamen proponitur.
Nies-tu le fait ? Cette manière de te défendre me plaît, je descends dans l’arène ; c’est une lutte où les forces sont égales, c’est un combat à forces égales qu’on me propose.43
27Mais autant contendere et contentio sont réservés à la rivalité de deux adversaires, dans la course aux honneurs par exemple, autant certare peut renvoyer à un affrontement plus large :
Cic., Off. I, 87 : Miserrima omnino est ambitio honorumque contentio de qua praeclare apud eundem est Platonem : « similiter facere eos qui inter se contenderent uter potius rem publicam administraret, ut si nautae certarent quis eorum potissimum gubernaret. »
Absolument lamentables sont l’ambition et la rivalité pour les honneurs ; à ce sujet on trouve excellemment exprimé, toujours chez Platon, que « ceux qui rivalisent entre eux pour savoir lequel des deux gouvernera l’État, agissent de la même façon que si des matelots se battaient pour savoir qui d’entre eux pilotera le mieux ».44
28Une fois posée cette notion fondamentale de lutte violente entre deux concurrents45, les rapports entretenus par contentio avec disputatio et sermo, et donc avec l’échange épistolaire, peuvent être envisagés.
Contentio, dispvtatio, sermo et la question de la contentio dans l’épistolaire
29Le sémantisme de contentio va de la tension au face à face de deux positions46. Il faut partir de cette notion de confrontation pour comprendre la différence avec disputatio.
30Sans racine indo-européenne certaine, putare signifie « nettoyer, purifier » et s’est spécialisé dans des acceptions techniques comme « émonder, élaguer » d’une part, « apurer un compte » de l’autre. C’est à ce deuxième signifié que se rattache disputare, employé chez Plaute avec le sens de « examiner dans tous ses articles un compte ». Le préverbe dis- en latin marque d’abord la séparation, l’écartement, ce qui justifie son emploi dans un terme qui signifie l’examen critique d’une notion. Avant de signifier le contraire, et même la négation (dissimilis), dis- marque la divergence. À la différence de con- (indéfini * kwi/kwo) qui suppose la relation à un autre et un seul (avec ou contre), dis- est indifférent au nombre des protagonistes du procès : la disputatio peut être faite par une, deux ou plusieurs personnes. Cette distinction apparaît clairement dans un passage du De oratore, où contentio renvoie au différend qui oppose Antoine et Sulpicius au sujet du sens à donner au mot maiestas (exemple de polémique), alors que disputari est présenté ensuite comme le fait des docti :
Cic., De or. II, 107 : Iam quid uocetur quaeritur, quom quo uerbo quid appellandum sit contenditur : ut mihi ipsi cum hoc Sulpicio fuit in Norbani causa summa contentio. Pleraque enim de eis quae ab isto obiciebantur quom confiterer, tamen ab illo maiestatem minutam negabam […]. Alia est enim, cum inter doctos homines de his ipsis rebus quae uersantur in artibus disputatur, uerborum definitio, ut quom quaeritur quid sit ars, quid sit lex, quid sit ciuitas.
On traite la question de la dénomination, lorsqu’on discute sur le nom qu’il convient de donner à un fait. C’est sur ce point que j’eus avec notre Sulpicius, dans le procès de Norbanus, une contestation si vive. J’avouais la plupart des faits que m’objectait l’adversaire ; mais je niais que Norbanus eût porté atteinte à la majesté du peuple […]. Nous n’avons pas besoin entre nous de définitions comme celles qu’emploient les savants, lorsqu’ils disputent sur des objets de spéculation théorique et qu’ils recherchent ce que c’est qu’un art ou une loi ou un État.47
31Disputare ne se construit pas, comme G. Zoll le fait remarquer48, avec cum aliquo : c’est bien le signe que ce verbe envisage essentiellement l’activité d’analyse, et nullement l’échange. L’analyse intellectuelle peut évidemment être menée à plusieurs, comme dans un dialogue philosophique, mais disputare ne le signifie pas. En cela, la disputatio relève bien du sermo : non pas seulement parce que le style des philosophes est mollis et dépourvu de toute violence49, mais aussi et surtout parce que sermo signifie, en conformité avec le sens de sa racine *ser- « enchaîner », le « discours suivi » : sermo s’applique à une pluralité synthétique de discours mis bout à bout, comme assemblage formel d’unités plus petites, considéré indépendamment de son énonciation (à la différence d’oratio, la parole prise dans son énonciation)50 ; le sens « dialogue » est secondaire, si bien qu’on peut proposer, pour définir la disputatio philosophique comme forme de sermo, la définition suivante : enchaînement de paroles examinant dans toutes ses parties une notion et produites par un ou plusieurs énonciateurs51.
32Mais, à la différence de sermo, il n’y a rien de formel dans disputatio : ce n’est pas un ensemble résultant d’un assemblage, mais bien une action intellectuelle (et son résultat) ; d’autre part, il n’y a rien d’abstrait : disputatio suppose forcément une énonciation. Aussi la disputatio, lorsqu’elle prend la forme d’un entretien à plusieurs, consiste-t-elle en une succession non pas de sermones mais d’orationes, c’est-à-dire de discours au sens de « positionnements » discursifs, politiques ou philosophiques52, de discours tenus à partir d’une instance d’énonciation53. Deux possibilités s’ouvrent alors : soit les différentes instances d’énonciation « coopèrent », pour reprendre une expression de R. Vion54, dans un cadre « symétrique » (amical, dirait Cicéron) et assez informel, et la disputatio relève du sermo ; soit l’interaction est « conflictuelle, compétitive »55, et la disputatio devient de la contentio, non plus linéaire mais contradictoire : ce n’est plus la mise bout à bout de discours formant un ensemble cohérent, mais le face à face de deux éléments hétérogènes.
33Cette disputatio, quittant le sermo pour la contentio dans laquelle une oratio continua fait face à une autre oratio continua, mène à une impasse : comme le dit C. Lévy, « le sermo philosophique devient contentio dès qu’il y a confrontation, impossibilité d’envisager une issue consensuelle à la contradiction. […] Les philosophies de la contentio sont les systèmes dogmatiques »56. C’est alors que Cicéron encadre disputatio des termes certamen et contentio :
Cic., Fin. II, 68 : Pugnant Stoici cum Peripateticis. Alteri negant quicquam esse bonum, nisi quod honestum sit, alteri plurimum se et longe longeque plurimum tribuere honestati, sed tamen et in corpore et extra esse quaedam bona. Et certamen honestum et disputatio splendida ! Omnis est enim de uirtutis dignitate contentio.
Les Stoïciens combattent avec les Péripatéticiens. Les uns nient qu’il y ait un bien autre que ce qui est moral, les autres, tout en faisant à la moralité la part la plus belle, admettent cependant l’existence de certains autres biens, biens du corps et biens extérieurs. Le débat est beau et la discussion brillante : c’est que la dignité de la vertu fait tout l’objet de l’affrontement.57
34La polémique par lettres, quant à elle, est comparable à cette disputatio philosophique des écoles dogmatiques. Comme elle, elle ne relève plus du sermo, alors même que la correspondance épistolaire est habituellement présentée comme une de ses formes. Ce n’est pas seulement la question de l’amitié et du ton qui est en cause, mais plus profondément celle de la continuité, de la linéarité, de la « série » : les discours antithétiques ne sauraient former un tout cohérent. En revanche, ils s’opposent de manière frontale et irréductible, ne cherchent pas à construire une vérité mais à remporter une victoire définitive sur l’autre58. La polémique par lettres relève-t-elle pour autant de la contentio ? Pas absolument, car le face à face risque d’être indéfini. Dans l’épistolaire, le modèle de la lutte comme cursus est modifié, les deux adversaires ne s’opposant ni dans le même temps ni dans le même lieu. L’affrontement, doublement différé, risque de s’éterniser et de ne pas avoir vraiment lieu.
35La polémique épistolaire pose donc un problème difficile, car la relation par lettres quitte le champ du sermo, de même que la polémique n’y est pas de la pure contentio. La difficulté du genre a été signalée par Démétrios et par Cicéron. Pour le premier, le style disjoint (διαλελυμένη λέξις, qui est ἐναγώνιος) ne convient pas à l’écrit59. Ce sont des considérations essentiellement stylistiques, mais dans la contentio, la polémique et le conflit ne vont pas sans la violence du ton. Cicéron, lui, réfute l’usage polémique, c’est-à-dire public, d’une lettre privée ; la lettre ne doit pas quitter le sermo, entrer dans le domaine de la contentio dont le modèle est celui de la compétition en public : Quid est aliud tollere e uita uitae societatem, tollere amicorum colloquia absentium ? (Phil. II, 7)60. Autrement dit, la polémique épistolaire doit se faire par l’intermédiaire de lettres volontairement publiques, c’est-à-dire ne relevant pas du sermo. Mais même dans ces conditions, le face à face sera toujours décalé, dans l’espace et dans le temps, alors que la véritable contentio suppose une rivalité qui a lieu en co-présence.
36En définitive, le terme latin contentio correspond assez bien à notre concept de polémique. Comme lui, il envisage le face à face direct d’où l’un des deux adversaires ne peut sortir que vainqueur ou vaincu. Comme le mot français, il vient du vocabulaire militaire et se rapporte métaphoriquement à la parole.
37Mais dans la lettre, la contentio est particulière, car elle ne répond pas au modèle de la lutte : contentio faussée, elle risque de tourner à un face à face incapable d’aboutir. Ce sera alors un semblant du sermo, qui lui-même est parfois décrit comme un dialogue sans fin61.
Notes de bas de page
1 Voir pour cela Thomas Jean-François, « Le champ lexical du conflit en latin », dans La Pomme d’Éris. Le conflit et sa représentation en latin, éd. par H. Ménard, P. Sauzeau, J.-F. Thomas, Montpellier, PULM, 2012, p. 90-105.
2 Sur les rapports entre sermo et la lettre, cf. Gavoille Laurent, « Lettre et sermo », dans Epistulae antiquae III, Actes du IIIe colloque international L’épistolaire antique et ses prolongements européens (Tours, 25-27 sept. 2002), éd. par L. Nadjo & É. Gavoille, Louvain-Paris-Dudley (MA), Peeters, 2004, p. 33-52 ; sur le sémantisme de sermo (qui s’articule autour des grands sens « discours suivi » et « langage ») et ses rapports avec contentio et oratio, cf. « Sermo, nom du “texte” », dans Autour du lexique latin, Communications faites lors du XIIIe Colloque international de Linguistique latine (Bruxelles, 4-9 avril 2005), éd. par G. Viré, Bruxelles, Latomus vol. 316, 2008, p. 232-243, et aussi Oratio ou la parole persuasive. Étude sémantique et pragmatique, Louvain-Paris-Dudley (MA), Peeters, 2007, p. 223-234 et 386-390.
3 Cf. Gavoille L., Oratio ou la parole persuasive, op. cit., p. 281.
4 Voir par exemple l’usage, chez Aristote (Rhét. 1355 a 35), du verbe βοηθέω proprement militaire pour désigner la défense par la parole (λόγῳ).
5 Cf. Chantraine Pierre, Dictionnaire étymologique de la langue grecque. Histoire des mots, Paris, Klincksieck, 1968, s.u. ἄγω. Sur le sémantisme de ἀγών et ses rapports avec la notion de compétition, cf. Pinault Georges-Jean, « Compétition poétique et poétique de la compétition » dans La langue poétique indo-europénne. Actes du colloque de travail de la Société des Études Indo-Européennes, éd. par G.-J. Pinault et D. Petit, Louvain-Paris, Peeters, 2006, p. 367-407 (p. 369-370).
6 Rhét. 1413 b 9.
7 PH (Du style), § 193.
8 Cf. Pohlenz Maximilian, Antikes Führertum : Cicero De officiis und das Lebensideal des Panaitios, Neue Wege zur Antike, II Reihe, Leipzig, 1934, p. 77.
9 E.g. Caes., G. VII, 48 : Erat Romanis nec loco nec numero aequa contentio.
10 Rapprochement ne signifie pas synonymie. Selon Georges Pinault, pour qui bellum appartient à la famille de bonus « brave », « la guerre n’est pas essentiellement l’affrontement, mais plutôt une démonstration de la force interne du guerrier », cf. « bellvm : la guerre et la beauté », dans De Virgile à Jacob Balde. Hommage à Mme Andrée Thill, Bulletin de la Faculté des Lettres de Mulhouse, fascicule XV, 1987, p. 151-156 (p. 155). Comme nous le verrons plus loin, la notion d’affrontement est plutôt portée, dans cette représentation archaïque, par contentio.
11 Cf. Quint., I.O. II, 17, 33 pour un parallèle entre l’ars de la rhétorique et celle des gladiateurs.
12 Trad. A. Boulanger et P. Wuilleumier, CUF.
13 Trad. E. Courbaud, CUF.
14 Tout n’est évidemment pas identique dans le détail. Ainsi, l’emploi de contentio dans un contexte de ludi est majoritairement chrétien. Mais il ne s’agit peut-être que de l’actualisation d’un sens déjà existant.
15 Trad. L.-A. Constans, CUF.
16 Trad. J. Cousin, CUF.
17 Celle de la confrontation (d’arguments) : I.O. IX, 1, 31 et 2, 2.
18 Celle de l’antithèse : I.O. IX, 3, 81.
19 Cf. Baratin Marc, « La polémique et les traités de rhétorique dans l’antiquité classique », dans La parole polémique, études réunies par G. Declercq, M. Murat et J. Dangel, Paris, Champion, 2003, p. 256-262 (p. 261).
20 À mettre en relation avec l’ancienne opposition isocratique entre le style simple (ἀφελῶς) des discours réels et le style panégyrique traité avec apparat (ἐπιδεικτικῶς), cf. Chiron Pierre, Un rhéteur méconnu : Démétrios (Ps.-Démétrios de Phalère), Paris, Vrin, 2001, p. 145.
21 Rhét. 1404 a 10 : πρὸς τὸ δηλῶσαι.
22 Rhét. 1404 a 11. Cette opposition devient chez Théophraste πρὸς τὰ πράγματα vs πρὸς τοὺς ἀκροωμένους « destiné aux auditeurs », cf. Chiron P., Un rhéteur méconnu…, op. cit. p. 147.
23 Rhét. 1413 b 3 et 9.
24 PH § 193. Cf. Chiron P., Un rhéteur méconnu…, op. cit., p. 132, et p. 297 sur la filiation avec Aristote.
25 L’ancien stoïcisme réprouvait un langage s’adressant au πάθος de l’auditoire, et totalement dépourvu des vertus de clarté et de brièveté (il est ἁδρός, « gras », donc superflu et gratuit). Voir là-dessus Chiron P., Un rhéteur méconnu…, op. cit., p. 154 sqq.
26 C’est ainsi que les rhéteurs qualifiaient le style des stoïciens, cf. Chiron P., Un rhéteur méconnu…, op. cit. p. 156. Pour des témoignages latins de cette polémique, cf. Cic. De or. III, 66 ; Brut. 114.
27 Voir le rapprochement entre contentio et eloquentia fait par Cicéron en Off. II, 48 : contentio orationis […] – ea est enim quam eloquentiam dicimus. Mais rapprochement ne signifie pas synonymie.
28 Disceptare « juger, débattre » est souvent employé comme diiudicare « trancher par un jugement », mais on trouve chez César (C. III, 107) la formule iure apud se potius quam inter se armis disceptare, où armis actualise l’idée d’un combat physique.
29 Cf. Rix Helmut, Lexicon der indogermanischen Verben (LIV2), Wiesbaden 20012, p. 626-627.
30 LIV2, p. 628.
31 Cf. Moussy Claude, « La polysémie du préverbe com- », dans Lingua Latina no 8, La composition et la préverbation en latin, Paris, PUPS, 2005, p. 243-262 (p. 254-257).
32 Trad. J. Humbert, CUF.
33 Cf. Moussy C., « La polysémie du préverbe com- », art. cit., p. 247-248.
34 Trad. J. Humbert, CUF, modifiée.
35 Par exemple Liv., V, 51 : Adeo mihi acerbae sunt, Quirites, contentiones cum tribunis plebis, ut nec tristissimi exilii solacium aliud habuerim, quoad Ardeae uixi, quam quod procul ab his certaminibus eram, et ob eadem haec non, si milies senatus consulto populique iussu reuocaretis, rediturus umquam fuerim.
36 Trad. P. Wuilleumier, CUF.
37 Voir aussi Tusc. II, 57 cité supra p. 40-41 et Part. orat. 104 : Ex rationis autem et ex firmamenti conflictione et quasi concursu quaestio quaedam exoritur […] prima aduersariorum contentio diffusam habet quaestionem.
38 Trad. G. Achard, CUF. Cf aussi Cic., Off. I, 87, où la formule honorum contentio est développée par qui inter se contenderent uter potius rem publicam administraret.
39 Trad. M. Testard, CUF.
40 Trad. E. Courbaud et H. Bornecque, CUF.
41 Trad. H. Bornecque, CUF, modifiée.
42 Cette victoire de l’un sur l’autre peut être explicitée par des verbes comme superare (Cic., Phil. XIV, 18, cf. supra p. 42) ou praestare (Cic., Mur. 22).
43 Trad. H. de la Ville de Mirmont, CUF.
44 Trad. M. Testard, CUF. Cf. Plat., Rsp. VI, 488b : τοὺς δὲ ναύτας στασιάζοντας πρὸς ἀλλήλους, « des matelots en discorde les uns contre les autres ».
45 Les rapprochements fréquents avec comparatio, dont la racine est d’abord juridicoreligieuse (les sens « compenser, expier » apparaissent clairement en indo-iranien), et avec certamen, dérivé de certare qui est un terme de droit (« chercher à obtenir une décision »), sont susceptibles d’enrichir considérablement l’analyse de contentio : il est possible de reconstruire un modèle primitif de compétition entre deux adversaires, pourvue d’une dimension religieuse et/ou juridique, en s’appuyant sur des hymnes védiques comme celui dit de Mudgala, rendu célèbre par Dumézil, où apparaissent tous les éléments de la contentio : une course (ājí–, correspondant du gr. ἀγών), deux concurrents, la victoire de l’un sur l’autre obtenue grâce à une pratique magico-religieuse qui vient, justement, compenser la faiblesse de départ du protagoniste finalement vainqueur. Sur la conception du « concours » ritualisé dans l’antiquité indo-européenne, cf. Pinault G.-J., « Compétition poétique… », art. cit.
46 Le développement ultime de ce sémantisme conduit contentio à désigner une figure de mots qui correspond au grec ἀντίθεσις (cf. Her. IV, 21). Ce n’est évidemment pas le lieu ici de développer l’intégralité de ce sémantisme.
47 Trad. E. Courbaud, CUF.
48 Cf. Zoll Gallus, Cicero Platonis aemulus : Untersuchung über die Form von Ciceros Dialogen besonders von “De oratore”, Zürich, Juris-Verlag, 1962, p. 56, note 33.
49 Cic., Orat. 64 : Mollis est enim oratio philosophorum et umbratilis […]. Itaque sermo potius quam oratio dicitur.
50 Cf. Gavoille L., « Sermo, nom du “texte” », art. cit., p. 231-243.
51 Cf. e. g. Off. III, 73 : disputatione philosophorum.
52 Cf. Gavoille L., Oratio ou la parole persuasive…, op. cit., p. 322-330.
53 Cela correspond à l’analyse de G. Zoll selon laquelle avec disputare, à la différence de disserere et disceptare, les personnes sont mises au premier plan, cf. Cicero Platonis aemulus…, op. cit., p. 5.
54 Cf. Vion Robert, La communication verbale. Analyse des interactions, Paris, Hachette Université, 1992, p. 125-126.
55 Cf. Vion R., La communication verbale, op. cit., p. 135-137.
56 Cf. Lévy Carlos, « La conversation à Rome à la fin de la République : des pratiques sans théorie ? », Rhetorica, vol. XI, no 4, 1993, p. 399-414 (p. 402-403).
57 Trad. J. Martha, CUF, modifiée.
58 À la différence de la disputatio in utramque partem de la méthode dialectique, sorte de moyen terme qui consiste à plaider le pour et le contre, chaque interlocuteur exposant longuement une doctrine, cf. Lévy C., « La conversation à Rome… », art. cit., p. 408. Il s’agit d’une discussion (disputatio) sans conflit (contentio), où chacun respecte la position de l’autre, cf. Auvray-Assayas Clara, « La polémique dans les dialogues philosophiques de Cicéron », dans La parole polémique…, op. cit., p. 47-56 (p. 50).
59 PH 226 : Καὶ λύσεις συχναὶ ὁποῖαι <αἱ τοῦ διαλόγου> οὐ πρέπουσιν ἐπιστολαῖς· ἀσαφὲς γὰρ ἐν γραφῇ ἡ λύσις, καὶ τὸ μιμητικὸν οὐ γραφῆς οὕτως οἰκεῖον ὡς ἀγώνος… « Les fréquentes disjonctions comme <celles du dialogue> ne conviennent pas aux lettres, car, à l’écrit, la disjonction est cause d’obscurité ; l’imitation d’une parole, d’autre part, est moins adaptée à l’écrit qu’à la joute oratoire. » (Trad. P. Chiron, CUF.)
60 « N’est-ce pas supprimer de la vie l’esprit de société, supprimer toute conversation entre les amis séparés ? » (Trad. A. Boulanger et P. Wuilleumier, CUF.)
61 Cf. Lévy C., « La conversation à Rome… », art. cit., p. 403. Pour l’opposition avec oratio, discussion à finalité externe, cf. Gavoille L., Oratio ou la parole persuasive, op. cit., p. 227-233 et 236.
Auteur
Université Bordeaux 3 Centre Alfred Ernout, Paris-IV (E.A. 4080)
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Les écritures de la douleur dans l’épistolaire de l’Antiquité à nos jours
Patrick Laurence et François Guillaumont (dir.)
2010