Chapitre I. Évolution des programmes d’enseignement du calcul mental à l’école élémentaire
p. 23-34
Texte intégral
1Dès la création de l’école publique, les programmes et instructions officielles prescrivent un enseignement spécifique de calcul mental à l’école élémentaire. L’analyse de ces textes institutionnels comme celle de ressources pédagogiques mises à la disposition des enseignants fait apparaître trois périodes1.
2La première période est comprise entre 1883 et 1970. La deuxième période 1970-1980 recouvre les dix années relevant de la réforme dite des “mathématiques modernes”. Enfin, une troisième période commence avec les programmes de 1980 et se poursuit actuellement.
1. 1883-1970 : mémorisation et automaticité
3Les programmes (cours élémentaire, cours moyen et cours supérieur) de 1883 distinguent le calcul mental du calcul écrit :
Cours élémentaire (7-9 ans) :
Calcul mental : Les quatre règles2 appliquées intuitivement d’abord à des nombres de 1 à 10 ; puis de 1 à 20 ; puis de 1 à 100
Étude de la table d’addition et de la table de multiplication
Calcul écrit :
L’addition, la soustraction, la multiplication ; règles générales des trois opérations sur les nombres entiers. La division avec des nombres de chiffres au diviseur. Petits problèmes : etc.
4Le programme du cours supérieur met l’accent sur la recherche de « procédures rapides » de calcul écrites ou mentales.
5Toutefois, il ne s’agit pas à l’époque de justifier ces règles et procédures mais de les faire acquérir comme le montre l’extrait ci-dessous des Pages choisies de Pédagogie (Delagrave) rédigé par Savard (1904). L’accent est mis sur la mise en place d’automatismes pour le calcul écrit mais aussi pour le calcul mental.
Et pourquoi donc le maître ne solliciterait pas la confiance de ses élèves. Quand il leur apprend l’arithmétique et qu’il a le droit de leur dire en toute sincérité : « Si vous travaillez bien, plus tard, en vous donnant un peu de peine, vous pourrez reconnaître par vous-mêmes la vérité de ce que je vous affirme. »
(…) D’autre part, il y a dans tout enseignement une partie mécanique et routinière qu’il faut accepter avec modestie.
(…) Il y a des gestes qu’il faut apprendre à faire automatiquement, et qu’il faut répéter des milliers de fois avant de les bien faire ; que l’on soutienne l’enfant ou l’apprenti par l’espoir d’un temps ou la répétition de l’effort aura supprimé la difficulté, j’en suis d’avis ; mais qu’on se garde bien de lui inspirer du mépris pour ce qu’il entre dans le machinal dans cette répétition. Il faut que le geste soit machinal.
(…) Cette explication raisonnée des opérations fondamentales, à laquelle on attache tant de prix, j’admettrais fort bien qu’on la laisse de côté, même pour des enfants qui reçoivent une éducation théorique. Il est beaucoup plus important de savoir les propriétés des opérations que d’être en mesure de justifier la façon dont on les effectue, et quelques-unes de ces propriétés peuvent être enseignées et dès l’entrée à l’école : est-il difficile par exemple, de faire comprendre aux écoliers, sur des exemples concrets, que pour multiplier un nombre par une somme, on peut multiplier ce nombre par les éléments de la somme et ajouter ensuite les produits partiels. Les propositions de ce genre dont les unes peuvent être démontrées complètement, dont les autres seront énoncées et vérifiées, sont beaucoup plus précieuses que ce qu’on appelle « la théorie de la multiplication, ou de la division. »
6Les programmes de 1925 reprennent ces intitulés et rajoutent une indication supplémentaire : dès le cours élémentaire, les élèves doivent avoir à résoudre des petits problèmes oraux :
Cours élémentaire (7-9 ans) :
Calcul oral : table d’addition ; table de multiplication. Les quatre règles appliquées à des nombres inférieurs à cent.
Calcul écrit : les quatre règles appliquées à des nombres peu élevés…
Petits problèmes oraux ou écrits portants sur des nombres usuels
Premiers exercices de calcul rapide et de calcul mental.
Cours moyen (9-11 ans) :
Suite et développement des exercices de calcul rapide et de calcul mental.
7Ces exercices peuvent faire intervenir des nombres entiers, décimaux, des fractions, etc.
8Les instructions officielles font de la maîtrise du calcul (écrit et mental) un objectif prioritaire :
Calculer, calculer rapidement et exactement, tel est l’objectif principal de l’enseignement mathématique à l’école élémentaire (…) en particulier, aucune classe d’arithmétique ne devrait s’écouler sans que des exercices de calcul mental aient été proposés aux élèves.
9Les programmes de 1945 réaffirment cet objectif prioritaire, comme la nécessité de résoudre des problèmes oraux dit “concrets”, c’est-à-dire en référence à la vie quotidienne. Les instructions officielles précisent les termes de calcul mental et rapide, énoncent trois compétences à développer pour accomplir ces tâches à accomplir lors d’activités de calcul mental : retenir des données ou les résultats partiels, mobiliser des faits numériques, mettre en œuvre un court raisonnement. Ces instructions proposent une programmation.
Calcul mental et rapide – Le programme d’arithmétique comporte des exercices de calcul mental et rapide strictement limités pour le cours élémentaire mais signalés sans restriction précise pour le cours moyen. Il faut entendre par là un calcul sur des nombres simples avec seulement l’aide partielle de l’écriture. Dans un tel exercice, on peut distinguer trois parties :
1. Le fait de retenir les données ou les résultats partiels au cours des opérations faites de tête. On propose : 67 + 35. L’élève doit se souvenir de 67 et de 35. Il additionne 67 et 30 et trouve 97 : il doit se souvenir de 97 et du chiffre des unités momentanément abandonné 5 et répondre 102 ;
2. Le fait de savoir des résultats : table d’addition, de soustraction, de multiplication ;
3. Un court raisonnement. Exemple : 97 et 5. On peut dire 7 et 5, 12 ; 9 et 1, 10 résultat : 102. On peut aussi dire : 97 et 10, 107 ; 107 – 5 = 102. Ou encore 97 et 3 : 100 ; 100 et 2, 102.
C’est la première partie qui semble la plus difficile pour les enfants. Pour cette raison, on peut se borner dans le cours élémentaire aux exercices suivants :
Un nombre (de 2 ou 3 chiffres) étant écrit au tableau ou sur l’ardoise, lui ajouter ou lui retrancher un nombre d’un chiffre indiqué de vive voix ; énoncer puis écrire le résultat…
Un nombre étant écrit, le multiplier ou le diviser par 2 ou par 5, sans poser l’opération et en écrivant au fur et à mesure les chiffres du produit, du quotient puis éventuellement le reste. La liaison entre ces deux opérations pourra être faite seulement au cours moyen, lorsque l’emploi des nombres décimaux permettra de donner un quotient décimal exact.
Il est à remarquer que le premier de ces deux exercices est indispensable dans la pratique du calcul écrit des quatre opérations.
Dans la deuxième année de cours élémentaire, on peut compliquer le premier exercice en ne faisant pas écrire le nombre de plusieurs chiffres auquel on veut ajouter ou retrancher le nombre d’un chiffre. On peut aussi faire traiter des exercices analogues en ajoutant ou en retranchant des nombres (entiers) de dizaines ou de centaines.
10Nous voyons que malgré une première explicitation des compétences à acquérir et des démarches à mettre en œuvre lors des activités de calcul mental dans les programmes et instructions officielles de 1945, les activités de calcul mental sont vues durant cette période comme des moments privilégiés de mémorisation de faits numériques (tables essentiellement) et d’automatisation de procédures de calcul sans que le domaine d’efficacité de ces dernières soit justifié voire seulement travaillé. Notons toutefois la référence en partie implicite à la prise en compte de la diversité des procédures mobilisables pour un même calcul.
2. 1970-1980 : les “mathématiques modernes”
11Cette absence de justification et ce défaut de travail d’adaptabilité des procédures ainsi enseignées vont amener nombre de formateurs3 ou décideurs à souligner les dérives d’un tel enseignement. Cette insistance va se traduire par une désaffection des maîtres pour les activités de calcul mental. La place accordée aux activités de calcul mental dans les pratiques effectives des maîtres comme dans les manuels scolaires est alors réduite.
12Les programmes officiels de 1970 consacrés au cours élémentaire comportent toutefois une indication, certes allusive, au calcul mental. Les programmes du cours moyen ne font pas explicitement référence à ce type d’activités mais rappellent la nécessité de mémoriser les tables de multiplication. Par contre, les instructions officielles accompagnant ces programmes signalent que le calcul mental est un moment de travail des propriétés des opérations et des nombres. Ces textes rappellent la nécessité d’entraîner les élèves à la pratique de calcul mental :
4.5.3. Addition et multiplication
Exemple : Calculer (2 + 5) puis ((2 + 5) x 3), c’est-à-dire (7 x 3)
Peut-on obtenir le même résultat d’une autre façon ?
On constate que ce nombre est le même que la somme ((2 x 3) + (5 x 3)), c’est-à-dire 6 + 15
Cet exemple illustre une nouvelle propriété : la multiplication est distributive par rapport à l’addition.
Le fait de pouvoir désigner et calculer un nombre de plusieurs façons différentes est une conséquence des propriétés essentielles de l’addition et de la multiplication que nous venons de signaler : commutativité et associativité de l’addition et de la multiplication, distributivité de la multiplication par rapport à l’addition.
Il n’est nullement question de nommer de telles propriétés au niveau élémentaire. Mais il est important de faire en sorte que les enfants les utilisent de façon naturelle et familière, parce qu’elles sont à l’origine de tous les modes de calcul : calcul mental et techniques opératoires.
4.6 Techniques opératoires
Il est essentiel, et cela à tous les niveaux, que les élèves calculent mentalement avec aisance et sûreté.
Les techniques usuelles concernant les opérations doivent être parfaitement connues. Elles sont d’autant mieux acquises que les enfants au lieu de les apprendre de façon purement mécanique, les auront découvertes par eux-mêmes comme synthèse d’expériences effectivement réalisées, nombreuses et variées.
Les élèves seront entraînés à la pratique du calcul mental au cours duquel on s’attachera à mettre en œuvre les propriétés fondamentales des opérations (associativité, commutativité, distributivité) et leurs conséquences simples : additionner ou soustraire une somme ou une différence, multiplier une somme ou une différence par un nombre.
13L’accent est donc mis sur la découverte des propriétés des opérations, des procédures mobilisant ces propriétés.
14Malgré les précautions prises lors de la rédaction de ces programmes, la désaffection pour le calcul mental semble réelle. En effet, les programmes de 1980 puis ceux élaborés par la suite vont s’attacher à redonner aux activités de calcul mental une place plus significative. Cette insistance s’accompagnant d’une redéfinition des activités pratiquées dans ce domaine et de leurs objectifs.
3. 1980-2004 : mémorisation et élaboration de procédures adaptées
15Les programmes de 1980 soulignent l’intérêt des activités de calcul mental dès le cours préparatoire notamment à propos de la mémorisation de faits numériques additifs (table d’addition). Si « toutes les situations sont prétexte à calcul mental », les enseignants sont mis en garde contre « la multiplicité des activités de même type » par les instructions complémentaires accompagnant les programmes de CP.
b) Calcul mental
La progression relativement lente préconisée pour la découverte et l’étude des vingt premiers nombres se justifie en partie par le souci d’y associer des exercices visant sous les formes les plus variées à familiariser les élèves avec les différentes façons d’écrire ces nombres. Ceci permet aussi d’élaborer la table d’addition et de favoriser sa mémorisation.
Les calculs du type a + • = c offrent l’occasion de renforcer la connaissance des nombres.
Des exercices quotidiens de calcul mental doivent ensuite entretenir et consolider la connaissance de la table d’addition et permettre de mieux prendre conscience des propriétés de l’addition. La traduction symbolique des opérations mentales effectuées familiarisera les élèves avec l’utilisation des parenthèses.
Au cours d’une même séance de calcul mental on évitera de multiplier les exercices de même type. Enfin toutes les situations de caractère numérique doivent être prétexte à calcul mental.
16Les programmes et instructions complémentaires du cycle élémentaire soulignent que les démarches de calcul écrites doivent être introduites après avoir assuré l’existence de démarches de calcul mental. L’accent est mis sur la mise en relation de ces activités avec l’apprentissage des fonctions numériques, le calcul d’ordre de grandeur, des propriétés des opérations et des nombres.
Les programmes et instructions complémentaires du cours élémentaire
3. Calculer sur les nombres
Savoir évaluer un ordre de grandeur d’un résultat. Encadrements.
Élaborer des techniques opératoires (mentales ou écrites) pour l’addition, la multiplication, la soustraction.
(…) Savoir calculer mentalement chaque fois que c’est possible.
Remarque : les techniques mentales de calcul doivent être travaillées parallèlement aux techniques écrites. Dans tous les cas, les enfants ne devraient recourir aux techniques écrites qu’après s’être assurés qu’ils ne peuvent pas obtenir mentalement le résultat.
2.4 : Calcul mental. Ordre de grandeur. Encadrement
Il reste essentiel que les enfants acquièrent des procédures de calcul mental. À cet effet celui-ci sera pratiqué régulièrement. Ces procédures seront dégagées et validées en liaison avec l’étude des propriétés des opérations et des fonctions numériques. Elles seront réinvesties en toutes occasions, notamment pour la détermination de l’ordre de grandeur ou l’encadrement d’un résultat.
17Les Instructions Officielles ayant trait au cours moyen consacrent deux pages à des conseils ayant trait aux activités de calcul mental. Cette insistance est significative d’une volonté de réintroduire le calcul mental dans les pratiques quotidiennes (cf. ci-dessous). L’accent est mis sur l’adaptabilité comme sur l’explicitation des procédures. Le texte signale qu’il ne faut pas « associer de façon stéréotypée une méthode donnée à un type de calcul ». Il précise plus loin que « la discussion des diverses méthodes employées n’a pas pour but de valoriser l’une d’entre elles : il n’y a pas de bonne méthode pour un exercice donné… »
18Si des formes de séances sont évoquées (pour la première fois), aucune indication n’est donnée sur les institutionnalisations à prévoir. L’accent est mis sur le caractère individuel des procédures mobilisables : « Dans cette phase d’explicitation et de confrontation, chaque enfant pourra choisir les procédures qui lui paraissent les plus adaptées pour lui ».
19Ces formulations témoignent donc d’une volonté de développer les activités de calcul mental tout en attirant l’attention des enseignants sur la nécessité de ne pas reproduire les dérives du passé. La résolution mentale de problèmes simples est à nouveau rappelée.
4.2. Calcul mental :
4.2.1. L’objectif du calcul mental est que les enfants soient capables d’effectuer toute une gamme de calculs, sans pour autant qu’ils aient appris à associer de façon stéréotypée une méthode donnée à un type de calcul donné.
4.2.2. Les séances de calcul mental prendront des formes variées : la consigne peut être écrite ou orale ; l’exercice peut, ou non, se référer à des situations (vécues ou évoquées) ; les enfants peuvent avoir le droit d’écrire des résultats intermédiaires ou pas.
Selon la forme adoptée, les exercices sollicitent des types d’attention et de mémoire différents dont il convient de ne négliger aucun.
L’explicitation des différentes démarches sera plus ou moins développée suivant l’objectif assigné à la séance : élaboration ou entretien. Un enfant doit pouvoir rendre compte de sa démarche, la communication étant éventuellement facilitée par diverses représentations, par des écritures avec parenthèses, par des arbres de calcul, etc.
La discussion des diverses méthodes employées n’a pas pour but de valoriser l’une d’entre elles : Il n’y a pas une bonne méthode pour un exercice donné, l’appréciation variant en fonction de l’exemple précis et pour chaque enfant, des outils mathématiques disponibles au moment où l’exercice est proposé. Dans cette phase d’explication et de confrontation, chaque enfant pourra choisir les procédures qui lui paraissent les plus adaptées pour lui.
4.3. Calcul approché :
Le calcul approché doit faire l’objet d’un apprentissage spécifique, quels que soient les objectifs qu’on lui assigne : estimation d’un résultat avant après ou sans avoir effectué une opération ; évaluation d’une dépense ou d’une consommation en situation vécue ou évoquée, etc.
4.3.1 Sa mise en œuvre requiert des aptitudes particulières : entre autres, savoir choisir les nombres à substituer à ceux qui interviennent dans le calcul. Ce choix s’appuie sur une bonne connaissance notamment du lien entre opérations et ordre, qui permet d’apprécier, en anticipant la simplicité des calculs à effectuer sur les nouveaux nombres retenus : le choix d’un “voisin” d’un nombre n’est pas seulement lié à ce nombre, mais aussi au calcul à effectuer.
Par exemple, le nombre qu’on substituera à 1 258 ne sera pas le même selon que l’on veut estimer :
la somme de 1 258 et 27 812 ;
celle de 1 258 et 37 ;
ou le produit de 1 258 par 12, etc.
4.3.2 Les exercices systématiques de calcul approché seront l’occasion de faire expliciter oralement ou par écrit, comparer et apprécier, par les enfants eux-mêmes les différentes procédures qu’ils ont utilisées et les solutions qu’ils proposent, cela dans le même esprit que pour les problèmes et le calcul mental.
4.3.3 Calcul approché et calcul exact :
Il ne suffit pas de savoir effectuer un calcul, il est essentiel de pouvoir en contrôler la vraisemblance. Les preuves habituellement utilisées ne permettent pas d’atteindre cet objectif. Contrôler la vraisemblance du résultat d’une opération, c’est surtout évaluer l’ordre de grandeur de ce résultat. Cette évaluation est l’occasion de mettre en œuvre des procédures mentales de calcul approché.
En particulier, pour les calculs portant sur les nombres décimaux, cette évaluation se ramène le plus souvent à un calcul sur des nombres naturels choisis convenablement. Par exemple :
731,42 + 58,07 devra avoir un résultat voisin de 790 (790 = 730 + 60) ou de 800 (800 = 700 + 100) ; 8,37 x 21,2 aura un résultat voisin de 168 (168 = 8 x 21) ou de 160 (160 = 8 x 20) ;
0,072 x 3,8 aura un résultat voisin de 0,28 (0,28 = 0,07 x 4 = 28 x 0,01) ou plus petit que 0,38 (0,38 = 0,1 x 3,8).
Ces exemples soulignent l’importance en ce domaine du travail sur la partie entière d’un nombre décimal ou, pour les nombres ayant une partie entière nulle, sur les nombres décimaux qui s’écrivent avec un seul chiffre significatif.
4.4 Calcul numérique et problèmes :
Dans la résolution d’un problème, chaque enfant ayant déterminé les calculs à effectuer choisira, pour ce faire, la ou les procédures – mentales et/ou écrites – en rapport avec ses connaissances. Les différentes procédures employées – en ce qui concerne les démarches de résolution et les modalités de calcul – pourront être explicitées et confrontées.
Les programmes de 1985 et 1995 vont confirmer cette évolution.
Programmes de 1985
Cours préparatoire : Une initiation au calcul mental est prévue dans les programmes.
Cours élémentaire :
Utilisation des propriétés des opérations ; acquisition de procédures de calcul mental, et mise en œuvre systématique ;
(…) Construction, utilisation et mémorisation de la table de multiplication.
(…) Ordre de grandeur et encadrement d’un résultat.
Cours moyen :
Problèmes relevant de l’addition, de la soustraction, de la multiplication, dans l’ensemble des décimaux, des techniques opératoires, mentales ou écrites, et des procédés de calcul approché (ordre de grandeur et encadrement).
(…)
Application des procédures de calcul mental dans l’ensemble des décimaux, en utilisant des techniques opératoires, et les propriétés des fonctions numériques étudiées.
20Les programmes, textes d’application et d’accompagnement de 2002 concrétisent et développent cette orientation. Un texte d’accompagnement justifiant la place qualifiée de « primordiale » attribuée au calcul mental, présentant de manière détaillée les objectifs assignés à ces activités ainsi que des scenarii de séances témoignent des choix institutionnels arrêtés.
21Le calcul mental est souvent évoqué, notamment dans le chapitre consacré (cycle 2) au traitement de données numériques. Il est particulièrement développé dans le chapitre intitulé « calcul ».
Cycle 2 :
OBJECTIFS
(…) La compréhension des nombres, notamment de leur écriture chiffrée (numération décimale), et le calcul mental sous toutes ses formes (résultats mémorisés, calcul réfléchi) constituent des objectifs prioritaires.
(…)
1 – Exploitation de données numériques
Au cycle 2, les élèves acquièrent le sens des nombres et des opérations à travers la résolution de quelques grandes catégories de problèmes :
(…) Les procédures personnelles que les élèves peuvent utiliser pour résoudre un problème sont extrêmement variées : elles peuvent s’appuyer sur un dessin ou un schéma imaginé par l’élève, utiliser le dénombrement, le comptage en avant ou en arrière, des essais additifs, soustractifs ou multiplicatifs… L’utilisation du calcul réfléchi (mental ou aidé d’un écrit) est ici privilégiée.
3 – Calcul
(…) Le calcul mental (mémorisation de résultats, calcul réfléchi) constitue l’enjeu principal. Les techniques opératoires usuelles ne sont pas abandonnées, mais leur mise en place est envisagée lorsque les élèves disposent des connaissances qui permettent d’en comprendre le fonctionnement. (…)
C’est au cycle 2 que les élèves élaborent les bases du calcul mental, en particulier dans le domaine additif. Les compétences correspondantes doivent donc être développées en priorité, notamment à travers le calcul réfléchi. L’appropriation progressive de résultats mémorisés et l’élaboration de procédures s’appuient souvent en ce domaine sur les caractéristiques des désignations orales des nombres, ce qui implique qu’on ne s’en tienne pas aux seuls exercices écrits. Les procédures utilisées doivent être explicitées et faire l’objet d’échanges entre les élèves. C’est l’occasion d’insister sur la diversité des procédures utilisables pour traiter un même calcul.
La mémorisation ou la reconstruction très rapide des résultats des tables d’addition (de 1 à 9) et leur utilisation pour fournir des compléments et des différences nécessitent un long apprentissage qui n’est d’ailleurs pas toujours terminé à la fin du cycle 2. Pour cet apprentissage, l’entraînement et la répétition, pour indispensables qu’ils soient, ne suffisent pas. Par ailleurs, si un résultat a été oublié, il doit pouvoir être reconstruit. Dans cette perspective, au départ, la plupart des résultats sont élaborés par les élèves, en s’appuyant sur le sens de l’addition et de la soustraction, puis, de plus en plus fréquemment, sur des résultats connus. La mise en place de “points d’appui” constitue un objectif important : utilisation des doubles, de la commutativité de l’addition (“3 + 8 c’est comme 8 + 3”), des compléments à 10… Des compétences bien assurées dans ce domaine constituent un atout essentiel, aussi bien pour une bonne structuration du domaine numérique que pour libérer la réflexion de l’élève lors des résolutions de problèmes.
Dès le cycle 2, les élèves sont confrontés à des calculs additifs, soustractifs ou multiplicatifs. Dans un premier temps, ceux-ci sont traités par des procédures de calcul réfléchi, élaborées par les élèves qui utilisent leurs connaissances en numération et en calcul mental et donc sans imposer de méthode particulière. Seule la technique opératoire de l’addition (posée en colonnes) est exigée à la fin du cycle 2.
(…)
Les connaissances dans le domaine du calcul concernent :
les tables d’addition : construction, utilisation, mémorisation ;
les compléments à la dizaine immédiatement supérieure ;
les tables de multiplication : construction, utilisation, début de mémorisation ; multiplication par dix ;
(…)
le calcul réfléchi : organisation et traitement de calculs additifs, soustractifs et multiplicatifs, mentalement ou avec l’aide de l’écrit ;
(…)
22Il en est de même pour le cycle 3. Le texte d’accompagnement s’appuie sur des recherches récentes4 pour développer une argumentation visant à favoriser les activités de calcul mental.
23Ce texte soulève plusieurs problèmes cruciaux liés à l’enseignement du calcul mental.
24Il assigne deux fonctions essentielles aux activités de calcul mental, une fonction sociale : satisfaire aux « besoins de la vie quotidienne » et une fonction pédagogique : assurer la compréhension de certaines notions mathématiques relevant du collège (proportionnalité, nombres relatifs, etc.). Il s’agit pour cela de familiariser en situation les élèves avec les nombres et les propriétés des opérations, assurer la compréhension des techniques écrites de calcul qui doivent être construites après avoir assuré l’existence de techniques mentales de calcul.
25Ce texte aborde la question de l’automaticité et de la mémorisation. « Dans ce domaine particulièrement, il convient de distinguer ce qu’il faut mémoriser ou automatiser (les tables, quelques doubles et moitiés, le calcul sur les dizaines et les centaines entières, les compléments à la dizaine supérieure5) et ce qu’il faut être capable de reconstruire (et qui relève du calcul réfléchi : idée de rendre plus simple un calcul, souvent en procédant par étapes plus nombreuses, mais en s’appuyant sur ce qui est connu). »
26Après avoir souligné que la mémorisation doit s’appuyer sur une « bonne représentation mentale » des nombres (configuration, droite numérique, etc.), le texte distingue des conditions nécessaires à cette mémorisation : compréhension des opérations en jeu, prise de conscience de l’intérêt de posséder un répertoire de faits numériques efficace et du processus de son élaboration, capacité à l’utiliser pour calculer d’autres résultats et entraînement mnésique.
27La question de l’automaticité amène les auteurs à distinguer entre « le calcul automatisé » qui privilégie un traitement chiffre à chiffre des nombres, « le calcul mental » qui a contrario développe « l’intuition des nombres », et « l’initiative » des élèves, « le calcul réfléchi ou raisonné » qui insiste davantage sur la méthode (stratégie, choix de procédures) de calcul que sur la rapidité associée au « calcul rapide ».
28Si l’accent comme dans les programmes précédents est mis sur la formulation, l’explicitation des procédures « possibles et efficaces », mobilisées lors des calculs, l’institutionnalisation de certaines de ces procédures n’est pas abordée.
29Nous voyons que ces derniers textes institutionnels abordent plus nettement certaines questions sensibles liées à l’enseignement du calcul mental et proposent des réponses plus affirmées. Certains problèmes ne sont pas abordés ou reçoivent des réponses très implicites. Ainsi si la mémorisation de certains faits numériques doit être un objectif d’enseignement et fait l’objet d’une programmation assez détaillée, si la formulation des procédures de calcul, leur confrontation, leur efficacité doivent faire l’objet de débat renouvelé, les auteurs ne s’engagent pas aussi nettement sur l’automaticité des procédures de calcul mental. Ils restent prudents sur d’éventuelles institutionnalisations, conscients du domaine de validité restreint des procédures rencontrées lors de ces activités.
4. Conclusion
30Les prescriptions relatives à l’enseignement du calcul mental ont donc évolué. Privilégiant la mémorisation et la recherche d’une certaine automaticité durant la période s’écoulant de la création de l’école publique jusqu’à 1970, les programmes officiels, après avoir implicitement minorisé l’importance de cet enseignement durant quelques années, lui ont progressivement redonné une place importante, voire primordiale. Cette évolution s’est accompagnée d’une redéfinition de ces activités qui vise à concilier une nécessaire mémorisation de faits numériques (et plus implicitement de procédures de calcul) avec l’élaboration de procédures adaptées aux nombres et aux opérations en jeu dans les calculs. Cette élaboration qui vise explicitement une appropriation individualisée, s’appuie sur une découverte progressive, sur une accumulation et une généralisation d’expériences, sur des formulations collectives et sur des confrontations.
31Si les derniers programmes et textes institutionnels donnent des indications précisent en terme de scénario d’activité de calcul mental, en terme de programmation et de compétences à acquérir, ils restent encore très implicites sur les institutionnalisations à prévoir et à mettre en œuvre, voulant sans doute éviter les dérives qui ont accompagné la première période décrite ci-dessus.
32Nous verrons par la suite que la tension existant entre mémorisation et automaticité d’une part et recherche d’une certaine adaptabilité d’autre part est un problème crucial de l’enseignement du calcul mental. Son dépassement étant lié à une bonne évaluation de la part de l’élève des enjeux d’apprentissage, elle peut devenir une source de différenciation.
Notes de bas de page
1 Notre analyse rejoint les conclusions de Lethielleux (1992)
2 Il s’agit des quatre opérations arithmétiques apprises à l’école élémentaire
3 Cf. Lethielleux, 1992.
4 Cf. Boule, 1997 ; Butlen et Pézard, 1996.
5 L’expression “dizaine supérieure” (respectivement “dizaine inférieure”), souvent utilisée dans les manuels de l’école élémentaire, désigne le nombre entier multiple de dix immédiatement supérieur (respectivement immédiatement inférieur)
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