Préface
p. 7-9
Texte intégral
1Les recherches sur le calcul mental sont rares ; pourtant les programmes de l’enseignement élémentaire ne manquent guère, au cours des cent dernières années, d’insister sur l’importance du calcul. C’est donc le mérite de Denis Butlen de s’être attelé à la tâche, et de nous fournir aujourd’hui, sous une forme relativement synthétique, un ensemble significatif de résultats et de réflexions.
2Il faut certes le dire et le répéter ; le calcul mental est une compétence utile, justement parce qu’il permet d’avancer avec moins de freins dans le traitement des situations impliquant des nombres et dans la résolution de problème. Devoir exécuter un algorithme sur le papier au beau milieu d’un raisonnement, ou devoir sortir sa calculette, c’est risquer de rompre le fil des idées et de jeter des blancs sur une partie des informations qu’il faudrait justement conserver à sa disposition, en mémoire immédiate (dans la mémoire de travail comme disent les amoureux de la métaphore informatique).
3Cela ne signifie nullement que le calcul mental serait un pur automatisme, mobilisable à volonté, indépendamment des caractéristiques des données numériques et de la situation dans laquelle se situe le besoin soudain d’un certain calcul. C’est pourquoi Denis Butlen s’ingénie à identifier certaines des conditions favorables à la prise de conscience des écoliers que « c’est effectivement un avantage que de calculer de tête un résultat ».
4Tout n’est pas dit avec les décompositions additives et multiplicatives des nombres entiers, qui sont pourtant au cœur des compétences en calcul mental ; tout n’est pas dit non plus, évidemment, avec le fait de savoir par cœur les résultats classiquement contenus dans les tables d’addition et de multiplication, bien que ce soit une compétence souvent décisive. Denis Butlen distingue plusieurs sortes de procédures, avec des comptages et décomptages un à un, des comptages et décomptages de n en n, des décompositions additives utilisant ou n’utilisant pas le passage par la dizaine supérieure ou inférieure. Il nous fournit même une idée de la distribution de ces procédures et compétences sur les différents niveaux de l’école élémentaire. Les différences entre enfants du CP au CM2 peuvent évidemment être liées à la capacité de la mémoire immédiate, qui évolue sensiblement avec le développement, mais elles tiennent aussi aux connaissances-en-acte sous-jacentes, sans qu’il soit possible de pouvoir toujours trancher entre l’une et l’autre raison. Par exemple la difficulté de nombreux élèves à décomposer 25 x 68 en « 20 + 5 multiplié par 60 + 8 » peut tenir à la fois à la difficulté de la double distributivité et à l’effort excessif que représente la conservation en mémoire des différentes opérations intermédiaires et de leurs résultats.
5Parmi les expérimentations intéressantes accomplies par Denis Butlen, on peut relever les situations dans lesquelles les élèves doivent évaluer le nombre de lignes et de colonnes de tableaux de croix incomplètement remplis, et celles dans lesquelles il faut décomposer un grand tableau en plusieurs petits tableaux.
6Une autre idée concerne les problèmes additifs dans lesquels on doit calculer un état final, connaissant l’état initial et deux transformations successives à lui appliquer : un gain et une perte par exemple. Les élèves, habituellement, préfèrent partir de l’état initial et appliquer successivement les deux transformations ; ils rechignent à utiliser une procédure alternative souvent plus économique qui consiste à calculer d’abord la différence entre les deux transformations, qui sont de signes contraires, et à appliquer ensuite la transformation résultante, de valeur plus petite. La difficulté est d’abord conceptuelle, mais le bénéfice de la composition des transformations devient vite visible quand les valeurs numériques sont plus grandes. On voit ainsi des élèves pencher progressivement pour le calcul mental de la transformation résultante.
7Ainsi la mise en scène didactique n’est pas réservée à la résolution de problèmes conceptuellement délicats ou à l’introduction de concepts nouveaux ; elle peut concerner également le calcul mental, tant il est vrai que rien, en mathématiques, n’échappe à la réflexion et à l’ingénierie didactiques. D’ailleurs Denis Butlen explique que c’est selon lui le choix de l’opération pertinente qui est favorisé par le calcul mental. On peut le suivre dans cette appréciation puisque c’est justement le fait de devoir affronter une opération délicate, une division par exemple, qui conduit les élèves à hésiter et à se rabattre sur un choix erroné de l’opération.
8Dans la dernière partie de l’ouvrage, notre auteur s’intéresse aux élèves en difficulté, pour évaluer la nature de leurs handicaps. Il note d’abord que les différences sont faibles entre ce public et le public des classes ordinaires lorsque les nombres sont petits et aisément manipulables. Le divorce intervient surtout par le décalage entre les situations d’action, dans lesquelles finalement les élèves faibles ne se débrouillent pas si mal, et l’institutionnalisation qui est faite par le maître des leçons à tirer de ce qui vient d’être fait “en acte”. Ils ont du mal à capitaliser ce qui a été découvert en classe. Ils ont du mal aussi à engendrer une combinatoire de cas possibles dès qu’il y a plus de trois variables, de telle sorte qu’il est bien venu d’en tenir une constante à titre d’étape intermédiaire. Paradoxalement il est utile de faire rédiger par écrit certaines des leçons tirées des exercices de calcul mental, tant il est vrai que l’écrit a des vertus métacognitives que n’a pas autant l’oral. Les bilans de savoir sont une activité structurante, en particulier pour les élèves faibles.
9Une dernière richesse du présent ouvrage concerne justement les niveaux de formulation par les élèves des leçons qu’ils tirent des activités qu’ils viennent d’avoir, au cours de la dernière semaine ou de la dernière quinzaine. Denis Butlen distingue six niveaux, selon la place accordée dans les énoncés aux exemples illustrant le propos tenu et la place des formulations générales. Et il montre les différences significatives observées dans les classes expérimentales dans lesquelles ont été conduites ses recherches.
10Ce n’est pas le rôle d’une préface d’en dire trop, car cela enlève le plaisir de la découverte du plat principal : le texte de l’ouvrage lui-même.
11Qu’il me soit permis seulement de souhaiter que ce livre ait une suite dans les recherches menées par la communauté des chercheurs en didactique des mathématiques.
Auteur
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