Quelles représentations du corps violenté chez Racine ?
p. 51-66
Texte intégral
1Lorsque le 20 juin 1664 Racine fait jouer sa première tragédie, La Thébaïde, le siècle est entré depuis un certain temps déjà dans la période que l’on nommera classique. Les règles d’or de la tragédie ont été discutées et mises en place entre 1630 et 1640, La Mesnardière a publié sa Poétique en 1640, Corneille ses trois discours en 16601, dix ans plus tard, en 1674, Boileau écrira dans son Art poétique :
« Ce qu’on ne doit point voir, qu’un récit nous l’expose :
Les yeux en le voyant saisiront mieux la chose ;
Mais il est des objets que l’art judicieux
Doit offrir à l’oreille et reculer des yeux2 ».
2illustrant ainsi, plus que théorisant, ce qu’a accompli la tragédie classique. Qu’on songe seulement au récit de Théramène relatant la mort d’Hippolyte, Athalie, revivant en rêve la mort de sa mère. Les exemples, chez Racine, sont nombreux de cette violence racontée et non mise en scène.
3Pourtant le début du siècle ne s’était pas privé d’offrir à la scène des spectacles sanglants. Sans compter les mutilations multiples chez Shakespeare – citons entre autres Titus Andronicus ou King Lear, – en France, Hardy s’en était fait le champion, et Rotrou lui-même, bien qu’édulcorant ses sources et ses propos, ne rechigne pas à une certaine violence, dans les mots et dans les actes. Chez Racine, les actes violents, s’ils sont présents « derrière la tapisserie », ont clairement délaissé l’espace scénique et, si l’impression de violence persiste, elle est plutôt évoquée que clairement et distinctement exprimée.
4Nous nous interrogerons donc sur les raisons de cette disparition de la violence physique sur la scène, ainsi que sur une présence apparemment faible de descriptions des actes violents. Enfin, parce que le corps violenté n’est pas absent chez Racine, nous verrons que sa figuration est directement liée au style racinien.
Bienseance et vraisemblance
5En 1640, La Mesnardière tâche de théoriser les règles de la tragédie que nous appellerons « classique » et, à plusieurs reprises, il s’élève contre la représentation de la violence sur scène, spectacle qui ne peut convenir qu’à des « Nérons »3. Il s’insurge déjà contre le fait même de choisir un tel sujet :
« C’est une faute notable, et qui choque autant les Règles qu’elle travaille les yeux, que de choisir un Sujet qui ensanglante trop la Scène. L’horreur que donnent à l’esprit les carnages multipliés, est un sentiment odieux, et qui déplait aux belles âmes4 ».
6Il s’agit donc tout d’abord d’un problème de bienséance, de souci des mœurs. À plusieurs reprises, La Mesnardière parle de l’expression des passions et, suivant en cela les préceptes de l’Église, insinue que le théâtre manque de vertu. Si l’on ne peut s’empêcher de présenter des méchants, qu’au moins eux seuls soient punis exemplairement.
« C’est assez pour la Pitié ; parlons un peu de la Terreur, cette autre Passion Théâtrale, que le Poète doit exciter dans les Fables odieuses, et qui exposent de grands crimes. […] que la difformité d’un crime si odieux fasse naître beaucoup d’horreur dans l’âme de ceux qui le voient, et qui en doivent profiter.
[…] l’écrivain se doit employer à bien émouvoir la Terreur : et si la Fable qu’il expose, finit par la punition de la Personne détestable, il doit dépeindre en ses supplices de si effroyables tourments, et de si cuisants remords, qu’il n’y ait point de Spectateur coupable du même crime ou disposé à le commettre, qui ne tremble de frayeur lorsqu’il entendra les plaintes, les cris et les hurlements qu’arrachent des maux si sensibles au criminel qui les endure5 ».
7Par la suite, le critique, malgré son aversion pour la chose, ne rechigne pas à exposer clairement et assez longuement cette même violence qu’il ne peut concevoir dans une tragédie de bonne facture. Il condamne ainsi à plusieurs reprises certains passages des Anciens pour leur représentation non seulement trop effroyable d’actes odieux, mais aussi et surtout parce que les « méchants » restent impunis. Et si « ces sentiments [le] font frémir en les couchant sur le papier », il ne résiste pas pour autant au plaisir de les citer, voire de les traduire, et y trouve même de belles qualités esthétiques :
« Parmi ces exagérations, je trouve fort vicieuses celles où l’on nous fait voir la barbarie d’un cœur lâche, qui se plaît à la cruauté, et se baigne dans le carnage.
J’estime qu’il n’y a personne qui ait lu les anciens Tragiques, à qui le sanguinaire Atrée, meurtrier de ses neveux, ne vienne aussitôt dans l’esprit. Il parle de ce massacre d’une manière si exquise, qu’il semble en traçant cette histoire, se repaître encore du sang des innocentes victimes qu’il vient de sacrifier à sa détestable vengeance. Voyez ce que dit ce Bourreau, pour désespérer un Père à qui il a fait avaler le sang de ses propres enfants, manger leurs membres déguisés, bref qu’il fait être le tombeau de ceux qu’il avait mis au monde.
Je n’ai maintenant qu’un regret, dit ce monstre de cruauté. C’est de ne t’avoir pas fait boire le sang tout chaud et tout fumant de ceux que tu as engendrés. Je les ai tués peu à peu par des coups lents et redoublés devant mes Dieux domestiques. Je les ai tranchés par morceaux, dont j’ai fait bouillir les uns, et mis les autres à rôtir. J’ai coupé tout à mon aise les membres encore mouvants de ces corps tous pleins de vie. J’ai moi-même mis dans la broche les tronçons encore animés de tes enfants misérables ; et ma main a dressé le feu qui t’a préparé cette viande. Quand on veut commettre un crime, il faut savoir la manière d’être extrêmement méchant, et pousser jusques au bout une action détestable. […] Ces sentiments me font frémir en les couchant sur le papier6 ».
8Le spectacle violent, refusé par les mœurs, la raison, l’Église, semble encore bien coupablement goûté par celui qui le dénigre. Jean-Yves Vialleton affirme très justement que la civilité est l’une des marques de la poétique de la Mesnardière et que :
« S’il apparaît à la fois comme un précurseur et un théoricien immédiatement dépassé, c’est que les dilemmes qu’il pose définissent la tragédie moderne dans son ensemble, mais que l’écriture de la tragédie après lui inventera bien d’autres solutions que la sienne7 ».
9De fait, le théoricien s’insurge contre les comportements incivils et irrespectueux présents dans les pièces tant des classiques que des modernes, d’où sans doute une tendance à refuser les actes sanguinaires, surtout lorsqu’ils ont lieu au sein d’une même famille, à privilégier la crainte ou la pitié plutôt que l’horreur ou la terreur. Mais, plus qu’une question de goût ou de bienséance, Pierre Pasquier, dans son article « Les apartés d’Icare. Éléments pour une théorie de la convention classique »8 a bien montré qu’à cette époque, en se référant justement à La Mesnardière ainsi qu’à Sarrasin, cette absence de violence sur la scène était en fait due à un problème de vraisemblance :
« Ni Sarrasin ni La Mesnardière ne semblent concevoir de degré intermédiaire entre les deux limites de la mimésis, cette pleine réalité où l’image se confond avec son modèle et cette quasi-irréalité où le spectaculaire confine au dérisoire. Dans la perspective de la réception de la fiction dramatique, ils ne paraissent pas non plus envisager de degré intermédiaire entre la totale adhésion du spectateur à la réalité du spectacle offert à ses yeux et la pure et simple incrédulité. À aucun moment, La Mesnardière et Sarrasin ne considèrent, en tous cas, la seule médiation qui dénouerait l’alternative posée : celle de la convention. En définitive, un demi-siècle après Laudun9, ils se demandent toujours : « Comment pourra-t-on démembrer un homme sur le théâtre ? »10 ».
10Sans doute, la chute de Mademoiselle Duclos au début des années 1630 lors d’une représentation d’Horace, survenue juste avant le meurtre de Camille par le héros éponyme, a-t-elle contribué à pousser les auteurs à rejeter hors scène les actes violents, ce qui explique qu’on n’en trouve aucun dans les pièces de Racine. Car enfin, on ne refuse que ces actes de violence, sous prétexte qu’ils mettent en danger l’acteur11. La Mesnardière non seulement accepte, malgré l’interdiction cléricale, la représentation du suicide et de la mort repentante, qu’il place dans les « spectacles généreux », mais il l’encourage12. Et l’on en trouve deux exemples chez Racine. D’abord dans Mithridate, qui présente dans la dernière scène le héros éponyme mourant, soutenu par des gardes, et se repentant auprès de Monime et de son fils. Mais l’épisode le plus connu est sans doute le suicide de Phèdre. Ainsi, dans ce que les auteurs appellent le poème tragique, la violence n’est pas totalement absente, mais, comme dans le texte, elle est plus souvent évoquée qu’exposée.
Langue épurée et corps évoqué
11Il est de notoriété publique que le vocabulaire de Racine est pour le moins succinct, réduit à moins de trois mille mots pour les tragédies profanes, dont sont absents un grand nombre de termes qui désignent le corps13. Dans ceux que Racine utilise, on peut citer main, cœur, bras, front, yeux, tête, sein et entrailles, souvent employés dans des métaphores, des métonymies ou des syllepses, parfois sévèrement reprochées à Racine14. L’absence des autres vocables communs renvoyant au corps pourrait se justifier par l’influence, sinon de la préciosité, du moins de l’époque. Gilles Siouffi a montré que la période classique voit l’appauvrissement de la langue et qu’en particulier la poésie rejette les mots renvoyant aux parties du corps ou aux réalités concrètes15. Rappelons que la tragédie est le genre noble, et se doit d’employer le haut style ; le public aurait sans doute eu peine à y entendre le mot jambe ou hanche, alors que la comédie ne s’en prive pas16.
12Ainsi, tout comme Rotrou avant lui, Racine adoucira les propos des anciens17, qu’il s’agisse d’Ovide :
« Je suis éjecté de mon char, tandis que les rênes me retiennent alors on pouvait voir mes chairs traînées vivantes à terre, mes muscles accrochés à une souche, mes membres emportés, ou retenus et laissés sur place, mes os se brisant à grand bruit, mon âme expirant épuisée. On n’aurait pu reconnaître aucune partie de mon corps : tout n’était qu’une plaie18. »
13ou de Sénèque :
« La plage est rougie du sang du malheureux Hippolyte ; sa tête se brise en heurtant les rochers. Les ronces arrachent ses cheveux, les pierres meurtrissent son visage ; et ces traits délicats, dont la beauté lui fut fatale, sont déchirés par mille blessures. Mais tandis que le char rapide emporte çà et là cet infortuné, un tronc à demi brûlé, et qui s’élevait au-dessus de la terre, se trouve sur son passage, et l’arrête. Ce coup affreux retient un moment le char ; mais les chevaux forcent l’obstacle en déchirant leur maître, qui respirait encore. Les ronces achèvent de le mettre en pièces. Il n’est pas un buisson, pas un tronc qui ne porte quelque lambeau de son corps. […] Hélas ! Nos soins n’ont pu rassembler encore tous les restes de votre fils19 ».
14Ce qui chez Racine donnera :
« L’essieu crie, et se rompt. L’intrépide Hippolyte
Voit voler en éclats tout son char fracassé.
Dans les rênes lui-même il tombe embarrassé.
[…]
J’ai vu, Seigneur, j’ai vu votre malheureux Fils
Traîné par les chevaux que sa main a nourris.
Il veut les rappeler, et sa voix les effraye.
Ils courent. Tout son corps n’est bientôt qu’une plaie.
De nos cris douloureux la plaine retentit. […]
De son généreux sang la trace nous conduit.
Les rochers en sont teints. Les ronces dégoutantes
Portent de ses cheveux les dépouilles sanglantes.
[…] à ce mot ce Héros expiré
N’a laissé dans mes bras qu’un corps défiguré,
Triste objet, où des Dieux triomphe la colère,
Et que méconnaîtrait l’œil même de son Père20. »
15L’action en elle-même est réduite à son strict minimum : de la chute à la mort, il n’y a que ce vers : « Ils courent. Tout son corps n’est bientôt qu’une plaie. ». La passion est elle-même éludée, et ce ne sont que des témoignages des souffrances d’Hippolyte que rapporte Théramène. Bénédicte Louvat, dans son article « Le vocabulaire à l’épreuve de la langue : l’exemple d’Andromaque » a très bien montré que « la poéticité de la langue racinienne s’impose […], en dépit de sa pauvreté lexicale, par des alliances de mots et des constructions nouvelles qui, formant écart par rapport à l’usage établi, constituent des tropes »21. De fait, dans cette tirade, ce sont les trois vers 1556 à 1558 (« De son généreux sang la trace nous conduit. /Les rochers en sont teints. Les ronces dégoutantes /Portent de ses cheveux les dépouilles sanglantes. ») ainsi que le vers 1568 (« N’a laissé dans mes bras qu’un corps défiguré, ») qui portent toute la charge évocatrice de la violence faite à Hippolyte. Seul le dernier vers mentionne le corps pour y juxtaposer l’adjectif « défiguré » qui, au XVIIe siècle, selon Furetière, renvoie non au visage, mais bien à la forme. Nous sommes ainsi, en l’espace de quelques vers, passés d’un corps couvert de plaies à un corps informe, presque démembré. Entre temps, c’est le paysage qui témoigne de ce démembrement, sous le signe du sang. Les quatre évocations en deux vers : « généreux sang », « en sont teints »« ronces dégoutantes », « dépouilles sanglantes » réfèrent aux qualités de ce sang : sa quantité, sa couleur, sa consistance. L’adjectif « généreux » renvoie tout autant aux qualités morales d’Hippolyte qu’il sert à illustrer la grande quantité de sang répandu : sur le sol, puisqu’il laisse une trace, mais aussi sur les rochers, qui en prennent la couleur, et sur les ronces, éléments qui se trouvent en hauteur par rapport au sol. Pour que le sang macule ainsi le paysage, il faut que le corps d’Hippolyte ait été traîné en un mouvement brutal, désordonné, ce que le texte ne dit pas, mais implique. Le dernier hémistiche du vers 1578, « les dépouilles sanglantes » implique non seulement la multiplicité, l’éclatement, des traces laissées par le corps, mais aussi, par emploi sylleptique du mot « dépouille », la mort du jeune homme. C’est principalement l’emploi de ces syllepses qui a posé parfois problème aux contemporains de Racine, comme le souligne très justement Louvat dans ces vers d’Andromaque :
« Je souffre tous les maux que j’ai faits devant Troie
Vaincu, chargé de fers, de regrets consumé,
Brûlé de plus de feux que je n’en allumais…22 ».
16Si la critique poursuit en montrant comment ces tropes rapprochent la langue galante du langage guerrier, j’aimerais pour ma part montrer comment par son écriture Racine hyperbolise la mort, en l’associant aux villes ou à la terre elle-même.
La violence métaphorique
17Avant toute chose, il faut préciser ici que les deux pièces chrétiennes ont un statut particulier dans la production racinienne, non seulement pour les raisons que l’on connaît, mais aussi parce que, même si elles sont peu fréquentes, les marques de violence y sont plus clairement exprimées23. Différents facteurs participent de cette évolution : nouvelles sources, changement des motivations et des buts, du temps et sans doute aussi de l’époque.
18On se souvient dans Athalie, de l’évocation de Jézabel, d’abord par Joad :
« […] Près de ce champ fatal Jézabel immolée,
Sous les pieds des chevaux cette Reine foulée,
Dans son sang inhumain les chiens désaltérés,
Et de son corps hideux les membres déchirés »24.
19Puis dans le songe d’Athalie :
Mais je n’ai plus trouvé qu’un horrible mélange
D’os et chairs meurtris, et traînés dans la fange,
Des lambeaux pleins de sang, et des membres affreux,
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux25 ».
20Quatorze ans ont passé entre Phèdre et Athalie, l’auteur ne puise plus dans le réservoir antique mais religieux, et le texte biblique n’est pas moins violent que les vers raciniens, lesquels gardent pourtant cet « effet de sourdine » dont parlait Spitzer, et qui transparaît ici avec l’usage des indéfinis ou dans l’épithète homérique « dévorants » de telle sorte que ce qualificatif semble impliquer une action déjà passée, antérieure à la scène évoquée. Le recours au trope, la mise en vers, esthétisent plus qu’ils ne dramatisent l’action qui reste pourtant d’une rare violence.
21Dans deux des pièces profanes, Iphigénie et Phèdre, on trouve la relation d’une mort associée à des phénomènes élémentaires violents. Or ces deux morts sont associées à des divinités : Diane demande le sang d’Iphigénie, Thésée implore Neptune de punir son fils qu’il suppose coupable. Le monstre envoyé par la divinité marine et qui coûte la vie à Hippolyte allie terre et eau et son enfantement douloureux par les éléments ne laisse pas de susciter l’horreur et l’inquiétude26.
« Un effroyable cri sorti du fond des flots
Des airs en ce moment a troublé le repos.
Et du sein de la terre une voix formidable
Répond en gémissant à ce cri redoutable.
Jusqu’au fond de nos cœurs notre sang s’est glacé.
Des Coursiers attentifs le crin s’est hérissé.
Cependant sur le dos de la plaine liquide
S’élève à gros bouillons une montagne humide.
L’onde approche, se brise et vomit à nos yeux
Parmi des flots d’écume un Monstre furieux. […]
Le ciel avec horreur voit ce Monstre sauvage,
La Terre s’en émeut, l’air en est infecté,
Le flot, qui l’apporta, recule épouvanté27 ».
22La terre, l’eau, les airs sont ici personnifiés, apparaissent sensibles, dotés de corps (« le sein », « gémissant », « vomit », « avec horreur voit », « s’en émeut », « recule ») qui portent les indices des premières blessures, annonçant celles, fatales, d’Hippolyte. On connaît la suite : point n’est besoin de décrire plus avant les meurtrissures du jeune homme, l’évocation des éléments a déjà planté le décor évoquant toute l’horreur de la chose.
23C’est peut-être dans Iphigénie que ce rapprochement est encore le plus sensible. En effet, lorsqu’Ériphile28, fille d’Hélène, se sacrifie sur l’Autel élevé par Calchas, la réaction des dieux est immédiate :
« Furieuse elle [Ériphile] vole, et sur l’autel prochain
Prend le sacré couteau, le plonge dans son sein.
À peine son sang coule et fait rougir la terre ;
Les Dieux font sur l’Autel entendre le tonnerre,
Les Vents agitent l’air d’heureux frémissements,
Et la Mer leur répond par des mugissements.
La Rive au loin gémit blanchissante d’écume.
La flamme du Bûcher d’elle-même s’allume.
Le Ciel brille d’éclairs, s’entr’ouvre, et parmi nous
Jette une sainte horreur, qui nous rassure tous29 ».
24Comme dans Phèdre, à cette mort répondent l’air, l’eau, la terre, et même le feu ici, éléments dotés par hypallages de résonances affectives qui détournent sur eux la violence. On retrouve ainsi l’écume, les gémissements, les frissons, le bruit assourdissant, la réaction apeurée des témoins, comme pour illustrer l’horreur du spectacle. Notons par ailleurs que ces morts ont lieu sur les lieux même qui auraient dû voir l’engagement des héros, liant ainsi étroitement hyménée et mort30.
25Enfin, et c’est peut-être le point le plus important, les morts ou les souffrances des humains, en particulier des rois, sont associées à celles des villes, métaphores des peuples, et ce motif, déjà visible dans La Thébaïde31, n’apparaît jamais mieux que dans Andromaque dès la scène 2 du premier acte, lorsque Oreste annonce : « Hector tomba sous lui [Achille] ; Troie expira sous vous [Pyrrhus] », ce qui, dans un double parallélisme associe Achille et Pyrrhus, mais aussi la chute concomitante du héros et de la ville : Hector tomba et Troie expira. Cette association est reprise dans la célèbre tirade d’Andromaque :
« Dois-je les oublier s’il ne s’en souvient plus ?
Dois-je oublier Hector privé de funérailles,
Et traîné sans honneur autour de nos murailles ?
Dois-je oublier son Père à mes pieds renversé,
Ensanglantant l’Autel qu’il tenait embrassé ?
Songe, Songe, Céphise, à cette Nuit cruelle,
Qui fut pour tout un Peuple une Nuit éternelle,
Figure-toi Pyrrhus les yeux étincelants,
Entrant à la lueur de nos Palais brûlants ;
Sur tous mes Frères morts se faisant un passage,
Et de sang tout couvert échauffant le carnage.
Songe aux cris des Vainqueurs, songe aux cris des Mourants,
Dans la Flamme étouffés, sous le fer expirants.
Voilà comme Pyrrus vint s’offrir à ma vue…32 ».
26Ces vers s’ouvrent sur la présentation de deux corps sacrifiés, ceux d’Hector et de son père, les chefs de Troie. Tout d’abord, et c’est un motif récurrent chez Racine, y compris dans les pièces chrétiennes, l’absence de sépulture, l’absence d’égards envers la dépouille mortelle apparaissent comme la dernière et la plus horrible violence faite aux hommes, une violence telle, et les questions rhétoriques le montrent, que les oublier est impossible, impensable. C’est ensuite presque l’image d’une Pietà inversée qui assaillit le lecteur, avec la mention de Priam exsangue aux pieds de l’autel et d’Andromaque. De ces deux hommes, le poète passe au peuple, qu’ils représentent et dont ils sont aussi la métonymie, et la nuit de l’invasion prend métaphoriquement au vers suivant une valeur de mort. L’horreur croît encore avec la mise en scène de Pyrrhus, dont les yeux, et non comme chez Virgile les armes, brillent et sont illuminés par les feux de la ville, soit à la vue du spectacle, soit peut être encore à la vue d’Andromaque33. Cette première évocation ne peut que faire écho au fameux : « Brûlé de plus de feux que je n’en allumais… ».
27Les vers suivants (« Sur tous mes Frères morts se faisant un passage, /Et de sang tout couvert échauffant le carnage. ») illustrent bien par une syllepse la cruauté, au sens propre du terme, de Pyrrhus. Il faut en effet s’arrêter au verbe échauffer. Qu’au sens propre Pyrrhus échauffe le carnage, par les feux qu’il allume dans Troie, ne fait aucun doute, mais en même temps, le vers suggère que c’est le sang et non le feu qui crée cet échauffement, qu’il faudrait prendre alors au sens figuré comme l’excitation passionnelle de Pyrrhus dans cette bataille sanguinaire. À l’image mariale d’Andromaque soutenant Priam s’oppose ainsi celle, parfaitement démoniaque, de Pyrrhus avançant les yeux brillants, au milieu des flammes et de la nuit, tuant et marchant sans égard sur les dépouilles des Troyens. Enfin, l’extrait se termine sur ces deux vers magnifiques :
« Songe aux cris des Vainqueurs, songe aux cris des Mourants, Dans la Flamme étouffés, sous le fer expirants ».
28Avec ce double « songe », anaphore de ceux par lesquels débutait le vers 1001 (« Songe, songe, Céphise, à cette nuit cruelle »), mais ici placés chacun en début d’hémistiche, Andromaque arrive à la fin de son évocation. Le premier de ces vers, mobilisant le sens de l’ouïe, oppose en même temps qu’il lie les vainqueurs et les mourants. Le second quant à lui, dans la même construction parallèle, impose dans un premier temps une lecture terme à terme : les cris des vainqueurs sont étouffés dans la flamme, ceux des mourants expirent sous le fer. Mais, les participes, l’un passé, l’autre présent, renvoient aussi tous les deux à la mort, et donc une lecture s’impose qui lie ce second vers non plus aux cris, mais à leurs compléments du nom, et particulièrement au terme : « mourants ». Voilà pourquoi cette hypotypose rend si sensible l’horreur du massacre de Troie, associant la ville, son roi, son fils et ses habitants dans une même image vivace de la mort. Et l’on pourrait retrouver le même effet, produit parfois par des tropes différents, dans de nombreuses autres pièces de Racine34.
29Racine, on le voit, est bien auteur de son époque. Son théâtre suit à la lettre les préceptes des théoriciens et fait se jouer derrière la tapisserie les actes de violence. Selon La Mesnardière, la tragédie classique doit renoncer à la mise en scène de l’acte même de violence, parce que l’on ne sait comment le présenter pour qu’il ait l’air vrai sans mettre l’acteur en danger, mais elle peut accepter les corps violentés, tout comme le spectacle de la mort « généreuse », ce qui laisse à l’auteur la possibilité de faire figurer ces moments de violence. La Mesnardière par ailleurs tend à privilégier le spectacle de la Pitié aux dépends de la Terreur ; soumis aux règles de la civilité, il tend à refuser les conflits intra-familiaux, ce qui lui rend difficile la compréhension du théâtre cornélien, dont le tragique se fonde sur cette violence entre « personnes proches », voie que Racine suivra. Par ailleurs, le langage de l’époque impose aux auteurs un lexique appauvri, ne leur permettant guère de descriptions détaillées. C’est donc par le style que la violence faite au corps peut s’exprimer. Et même si, pour reprendre le mot célèbre, l’art classique en général et le théâtre de Racine en particulier, tend vers la litote, Anne Régent-Susini a admirablement montré que « non seulement, en effet, la sobriété [du style racinien] ne renvoie pas nécessairement à la diminution d’intensité que semble impliquer en français la métaphore de la sourdine ; mais elle semble en outre une voie plus naturelle vers le sublime qu’une sourdine quelque peu affadissante »35. Les syllepses, les hypallages, les métaphores, pour ne citer qu’eux, loin d’édulcorer la violence semblent au contraire la mettre en exergue, mais en la rendant plus esthétique que dramatique. En associant la douleur d’un homme à celle d’une ville ou à la réaction des éléments, par effet hyperbolique et métaphorique, le poète accroît la passion des hommes. C’est par ces tropes poétiques, par ce resserrement de l’écriture qui, dans une merveilleuse aporie, conduit à un gonflement du sens que s’exprime le mieux le talent de Racine, et que ses descriptions apparemment très économes de la violence sont si incisives et laissent un souvenir persistant.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Discours du poème dramatique, de la tragédie, des trois unités.
2 Boileau, L’Art poétique, Chant III, v. 51-54.
3 Jules de La Mesnardière, La Poétique, Genève, Slatkine Reprints, 1972, (1re édition 1640), p. 203-204. Nous modernisons l’orthographe.
4 Ibidem, p. 33.
5 Ibidem, p. 99.
6 Ibidem, p. 314-316.
7 Jean-Yves Vialleton, Poésie dramatique et prose du monde, Le comportement des personnages dans la tragédie en France au XVIIe siècle, Paris, Honoré Champion, 2004, p. 553.
8 Pierre Pasquier, « Les apartés d’Icare. Éléments pour une théorie de la convention classique », Littératures classiques, La tragédie, Paris, Klincksieck, 16, 1992, p. 79- 101.
9 Pierre de Laudun d’Aigaliers, Art poétique françois (1579), Harold Walter Lawton, A Hand-book of French Renaissance Dramatic Theory, Manchester University Press, 1949, p. 95-96.
10 Pierre Pasquier, « Les apartés d’Icare. Éléments pour une théorie de la convention classique », p. 83.
11 Jules de La Mesnardière, La Poétique, p. 203-204 : « Les spectacles hazardeux n’ont pas de place sur la scène, d’autant qu’on n’y peut exposer ni le vol artificiel, ni les trébuchements d’enfant, ni les démembrements de corps, sans mettre l’acteur en danger ; et qu’il n’y a que les Nérons qui puissent trouver des délices dans les périls des autres hommes. »
12 Ibidem, p. 205-206 : « Reste le troisième ordre de nos spectacles funestes que nous appelons spectacles généreux. Ils peuvent légitimement être exposés aux yeux du monde, puisqu’ils ne peuvent donner que des exemples profitables d’une belle résipiscence, ou d’un généreux désespoir, qui sont, à proprement parler, les deux sentiments héroïques de la morale des païens.
Et certes ces beaux homicides, ayant toutes les qualités qui produisent les deux passions que demande la tragédie, et n’ayant rien d’odieux qui puisse offenser la vue, les poètes n’auraient pas de raison de négliger leur secours, et ils seraient peu avisés s’ils les bannissaient du théâtre. »
13 Charles Bernet, Le Vocabulaire des tragédies de Jean Racine. Analyse statistique, Genève-Paris, Slatkine-Champion, 1983, 385 p. Bernet fixe à 3719 le nombre de mots employés par Racine dont 375 noms propres (2626 vocables, dont 252 noms propres, pour les tragédies profanes).
14 Voir Bénédicte Louvat, « Le vocabulaire à l’épreuve de la langue : l’exemple d’Andromaque », Revue La Licorne, Numéro 50, 2009, en ligne : http://licorne.edel.univ-poitiers.fr/document4394.php (consulté le 19/04/2011), à propos notamment du vers « Brûlé de plus de feux que je n’en allumais » dont nous reparlerons plus loin.
15 Gilles Siouffi, « Les tragédies comme représentation de la langue française », Gilles Declercq et Michèle Rosellini (éd.), Jean Racine 1699-1999, Actes du colloque du tricentenaire (25-30 mai 1999), Paris, PUF, 2003, p. 415-435.
16 Ainsi, sous la plume de Molière, Élise n’hésite pas et décrit Climène très précisément : « Il est vrai : elle se défend du nom, mais non pas de la chose ; car enfin elle l’est [précieuse] depuis les pieds jusqu’à la tête, et la plus grande façonnière du monde. Il semble que tout son corps soit démonté, et que les mouvements de ses hanches, de ses épaules, et de sa tête, n’aillent que par ressorts. Elle affecte toujours un ton de voix languissant et niais, fait la moue pour montrer une petite bouche, et roule les yeux pour les faire paraître plus grands » Molière, Critique de l’École des Femmes, I, 2, 1663. Le fait que Climène soit une « précieuse, à prendre le mot dans sa plus mauvaise signification » ajoute encore à l’ironie, puisqu’Élise emploie précisément des termes que les précieux ne sauraient souffrir.
17 Carla Federici, Réalisme et dramaturgie, étude de quatre écrivains Garnier, Hardy, Rotrou, Corneille, Paris, Nizet, 1974, p. 188 : « Il est évident encore une fois que Rotrou édulcore la représentation de la passion de Déjanire, en substituant des verbes plus faibles à des verbes d’action qui créent par eux-mêmes des images de cruauté. Mais il essaie toujours d’intensifier autrement l’expression, c’est-à-dire par le procédé de la répétition et de la construction parallèle ».
18 Ovide, Métamorphoses, Livre XV, Trad. et notes de Anne-Marie Boxus et Jacques Poucet, Bruxelles, 2009, en ligne : http://bcs.fltr.ucl.ac.be/metam/met15/met15,%20479-621.htm (consulté le 19/05/2011), 15. 524-529 : « Excutior curru lorisque tenentibus artus/uiscera uiua trahi, neruos in stipe teneri, /membra rapi partim, partimque reprensa relinqui, /ossa grauem dare fracta sonum fessamque uideres/exhalari animam nullasque in corpore partes, /noscere quas posses ; unumque erat omnia uulnus. »
19 Sénèque, Phèdre, Acte IV, Scène 1, v. 1085-1105, traduction Collection des Auteurs latins publiés sous la direction de M. NISARD, Le Théâtre des latins comprenant Plaute, Térence et Sénèque le Tragique, Paris, Didot, 1855, en ligne : http://agoraclass.fltr.ucl.ac.be/concordances/sen_phedre/lecture/12.htm(consulté le 19/05/2011) : « Late cruentat arua et inlisum caput/scopulis resultat ; auferunt dumi comas, /et ora durus pulcra populatur lapis/peritque multo uulnere infelix decor./moribunda celeres membra peruoluunt rotae ;/tandemque raptum truncus ambusta sude/medium per inguen stipite ingesto tenet ;/paulumque domino currus affixo stetit./haesere biiuges uulnere, et pariter moram/dominumque rumpunt. inde semianimem sécant/uirgulta, acutis asperi uepres rubis/omnisque ruscus corporis partem tulit./[…] necdum dolentum sedulus potuit labor. »
20 Jean Racine, Phèdre, 1677, vers 1550-1570, in (sous le titre Phèdre et Hippolyte), Œuvres complètes, Georges Forestier (éd.), Volume I, Théâtre-Poésie, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 2008, (1re édition 1999), p. 873-874.
21 Bénédicte Louvat, « Le vocabulaire à l’épreuve… ».
22 Jean Racine, Andromaque, I, 4, v. 318-320, Œuvres complètes, Volume I, p. 209.
23 Ainsi, dans Esther, une Israélite chante : « Quel carnage de toutes parts !/On égorge à la fois les enfants, et les vieillards ; /Et la sœur, et le frère ; /Et la fille, et la mère ; /Le fils dans les bras de son père./Que de corps entassés ! Que de membres épars, /Privés de sépulture ! », Racine, Esther, 1689, I, 5, v. 316-322, Œuvres complètes, Volume I, p. 963.
24 Racine, Athalie, 1691, I, 1, v. 115-118, Œuvres complètes, Volume I, p. 1020.
25 Ibidem, II, 5, v. 504-506, p. 1034.
26 Voir Alain Schorderet, « Le parallélisme bucolique dans le récit de Théramène (Phèdre, acte V, scène 6) », Marie Burkhardt, Annatina Plattner, Alain Schorderet (éd.), Parallelismen/Parallélismes/Paralelismos, Mélanges de littérature et d’analyse culturelle offerts à Peter Fröhlicher, Tübingen, Gunter Narr Verlag, 2009, p. 113-128 et spécialement p. 121-124.
27 Jean Racine, Phèdre, V, 6, v. 1507-1524, Œuvres complètes, p. 872-873.
28 Remarquons à cet égard que le nom même d’Ériphile, fille d’Hélène annonce sa personnalité : Éris est en effet la déesse de la discorde, à l’origine de la guerre de Troie.
29 Jean Racine, Iphigénie, v. 1775-1784, Œuvres complètes, Volume I, p. 762-763.
30 Il y a identité entre sacrifice et mariage dans Iphigénie : même autel, même prêtre, même victime ; Hippolyte quant à lui meurt sur les lieux de son mariage, et Monime dans Mithridate annonce son intention de se suicider au pied de l’autel érigé pour son mariage : « Et si Monime en pleurs ne vous peut émouvoir, /Si je n’ai plus pour moi que mon seul désespoir ; /Au pied du même Autel, où je suis attendue, /Seigneur, vous me verrez à moi-même rendue/Percer ce triste cœur qu’on veut tyranniser, /Et dont jamais encore je n’ai pu disposer. », Racine, Mithridate, 1673, I, 2, v. 157-162, Œuvres complètes, Volume I, p. 635. Ces éléments donnent à penser que le mariage lui-même est sacrificiel, et ce serait sans doute une étude à poursuivre.
31 Jean Racine, La Thébaïde, II, 1, v. 391- 398, Œuvres complètes, Volume I, p. 74 : « Mais voyant attaquer mon pays et mon Frère, /La main qui l’attaquait ne m’était pas moins chère ; /Mon cœur qui ne voyait que mes Frères et vous, /Ne haïssait personne, et je vous craignais tous. /Mille objets de douleur déchiraient mes entrailles, /J’en voyais en dehors et dedans nos murailles, /Chaque assaut à mon cœur livrait mille combats, /Et mille fois le jour je souffrais le trépas. »
32 Jean Racine, Andromaque, III, 8, v. 997-1008, Œuvres complètes, Volume I, p. 233- 234 et plus haut : « J’ai vu mon Père mort, et nos Murs embrasés, /J’ai vu trancher les jours de ma Famille entière, /Et mon époux sanglant traîné sur la poussière, /Son Fils seul avec moi réservé pour les fers ». III, 6, v. 932-935, p. 231.
33 Voir Jean Racine, Œuvres complètes, G. Forestier (éd.), Volume I, note 1, p. 1361. Cet heureux changement d’objet permet ainsi la polysémie.
34 Et pour ne citer qu’eux, ces vers dans Iphigénie : « Et ces mêmes fureurs que vous me dépeignez, /Ses bras que dans le sang vous avez vus baignés, /Ces morts, cette Lesbos, ces cendres, cette flamme, /Sont les traits dont l’amour l’a gravé dans votre âme ». (Iphigénie, v. 689-693) qui eux aussi associent les hommes et la ville.
35 Anne Régent-Susini, « Quand dire, c’est taire : L’« effet de sourdine » racinien, stylistique et/ou rhétorique ? », Racine et la rhétorique, exercices avec trois pièces, site web RARE - Rhétorique de l’antiquité à la Révolution (janvier 2011), URL : http://w3.u-grenoble3.fr/rare/spip/spip.php?article144, consulté le 15 juin 2011.
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