Regards d’hellénistes sur le tableau de Monsù Desiderio, Les Enfers
p. 161-178
Texte intégral
1Ce projet s’est inscrit dans le cadre de l’accueil des Journées d’Automne de la Cnarela à Besançon en octobre 2009, à l’initiative de l’Arelab. Le travail, effectué par des élèves hellénistes de première et terminale du lycée Louis Pergaud de Besançon, a commencé en mars 2009 et s’est poursuivi en septembre de cette même année. Il a porté sur le tableau de Monsù Desiderio, Les Enfers, exposé au Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon.
Objectifs du projet
2L’objectif de ce projet était double :
- faire découvrir aux élèves le Musée de Besançon et leur montrer surtout à quel point il est riche. Il constitue en effet la plus ancienne collection publique française, puisque son origine remonte à 1694, soit un siècle avant la création des principaux musées en France qui datent de la période révolutionnaire, le plus célèbre d’entre tous étant le Louvre, qui est né en 1793 ;
- utiliser certains tableaux du Musée comme supports iconographiques de textes grecs inscrits au programme de terminale et s’interroger sur la représentation picturale de certains faits, aussi bien historiques que mythologiques.
Présentation et déroulement du projet
3La première étape du projet a consisté à repérer quelques œuvres en rapport avec l’Antiquité au cours d’une visite au Musée. Le choix était difficile tant ce dernier regorge de richesses et d’œuvres diverses se référant à cette période. Néanmoins, les toiles suivantes1 pouvaient être intéressantes à étudier :
- Les Enfers, huile sur toile de Monsù Desiderio ;
- La Sibylle de Cumes, huile sur toile de Giuseppe Maria Crespi ;
- L’Incendie de Troie, huile sur toile de Louis de Caullery ;
- Énée et Anchise fuyant Troie, huile sur toile de Thomas Blanchet et Pierre Lemaire.
4Ces tableaux pouvaient en effet répondre au programme de terminale qui proposait une réflexion sur l’immortalité de l’âme ainsi que sur Homère.
5Les élèves ont découvert et travaillé sur l’histoire du Musée à partir d’un questionnaire auquel ils devaient répondre en faisant des recherches principalement sur Internet.
6Le centre de documentation du Musée a réuni et transmis différents articles sur les peintures sélectionnées.
7Les élèves se sont rendus au Musée le 27 mars 2009, en faisant une première étape au rez-de-chaussée, vers les collections archéologiques, en particulier la mosaïque de Neptune et la grande mosaïque à décor géométrique découverte en 2004 sur le site du collège Lumière à Besançon.
8Puis, la visite s’est poursuivie directement vers le premier tableau, celui de Monsù Desiderio. Les élèves ne disposaient d’aucun élément sur ce dernier afin qu’ils en aient une vision neutre. Ils ont été très surpris par cette œuvre : ses dimensions, sa mise en scène, son contenu et la façon dont Desiderio avait traité le sujet. Ils ont d’ailleurs eu tout de suite en tête le texte de Platon étudié en classe, un extrait du Phédon évoquant le jugement des âmes aux Enfers2.
9Ils sont alors restés un long moment devant ce tableau, scrutant les moindres détails.
10Ils ont découvert, par la suite, les autres tableaux sélectionnés, qu’ils ont trouvés moins intéressants car un peu « ternes » et, surtout, beaucoup moins mystérieux.
11Les élèves se sont enfin librement promenés dans le Musée afin de découvrir ses autres trésors.
12À l’issue de cette visite, l’intérêt des élèves s’est porté sur la tableau de Desiderio et le projet initial a été modifié.
Présentation rapide du tableau
13Titre du tableau : Les Enfers.
14Auteur(s) : Monsù Desiderio (François de Nomé et Didier Barra).
15Date d’exécution : 1622.
16Technique et support : huile sur toile.
17Dimensions : 113 x 174 cm.
18Lieu d’exposition : Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon (inv. 843.3.6).
19Don du Général Donzelot en 1840. Donzelot est né à Mamirolle, petite localité proche de Besançon, et fut général d’Empire. Ce fut un important donateur du Musée.
Travail en classe
20Le tableau, numérisé par le Musée, a été installé en réseau sur les ordinateurs du lycée. Les élèves pouvaient ainsi le regarder à tout moment.
21Les séances de travail se sont déroulées en salle informatique, au CDI, afin que les élèves aient le tableau sous les yeux mais puissent en même temps avoir accès à Internet et aux documents du CDI, pour mener leurs recherches.
But du travail de recherche
22Les élèves ont travaillé, dans le cadre du programme de terminale, sur la conception de l’âme chez les Grecs, principalement à travers des textes de Platon, ce qui a permis de réfléchir à une définition de la ψυχή et d’aborder parallèlement le thème des Enfers, séjour de l’âme.
23Pour comprendre le tableau de Desiderio, il fallait d’abord savoir comment les Grecs se représentaient le monde souterrain. Il est important de rappeler que c’est un monde réservé aux morts, qui ne peuvent en sortir, et qui est interdit aux vivants.
24Les principales descriptions des Enfers sont liées au voyage exceptionnel d’un personnage à la rencontre des morts : Ulysse, sur le conseil de Circé, va consulter l’âme du devin Tirésias (Hom., Od. XI, 23-332 ; 385-640) ; l’âme d’Er le Pamphylien, provisoirement détachée de son corps, a séjourné au royaume des morts avant de revenir sur la terre (Plat., Rép. X, 614a-621b) ; Énée, guidé par la Sibylle, descend aux Enfers (catabase : Virg., Én. VI).
25Hadès est le souverain de ce monde, accompagné de son épouse Perséphone. Quelques morts obtiennent l’autorisation de sortir (Eurydice, Sisyphe, Protésilas) ou sont appelés pour une consultation oraculaire (Tirésias). Quelques rares immortels ou héros y font aussi des incursions : Dionysos va rechercher Sémélé (Paus. II, 37, 5) ; Héraclès capture Cerbère (Hom., Il. VIII, 362-369), libère Thésée (Eur. Herc., 619) et reconduit Alceste auprès d’Admète (Eur. Alc., 837 s. et 1139 s.) ; Orphée tente de ramener Eurydice (Virg., Géorg. IV, 453-527 ; Ov., Mét. X, 1-77).
26La localisation des Enfers est floue : Hésiode dit qu’ils sont sous la terre, au bout du monde (Théog. 736-813) ; on peut mettre en parallèle cette description avec deux passages de l’Iliade (VIII, 13-16 et 477-481). Le Tartare désignait alors la région la plus profonde de l’Hadès, la prison des Titans, avant de devenir synonyme des Enfers.
27Le flou se retrouve dans la multiplicité des noms (Tartare, Styx, demeure d’Hadès, palais de Dis, Orcus, l’érèbe).
28Le lieu était constitué de fleuves souterrains, dont Platon nous livre une description précise dans le Phédon (112e-113a) : l’Achéron, qui se perd dans le marais Achérousias, le Pyriphlégéthon, fleuve de lave débouchant dans le Tartare, le Cocyte, qui se jette lui aussi dans le Tartare.
29Le chant VI de l’Énéide de Virgile nous présente également une géographie détaillée des Enfers.
30À l’issue de cette recherche, les élèves ont été surpris par ces différentes descriptions montrant une organisation précise et rigoureuse des lieux. C’est pourquoi le tableau de Desiderio les a intéressés, car lui aussi nous montre, cette fois en peinture, un lieu très organisé et fourmillant de détails.
31On s’est donc demandé quelle vision des Enfers proposait Monsù Desiderio, si cette vision correspondait à la description d’Homère, notamment dans la Nékyia, ou à celle de Platon et quels pouvaient être alors les éléments antiques présents dans ce tableau.
32Il ne s’agissait en aucun cas de proposer une lecture artistique et technique du tableau.
33Les élèves ont alors consulté la documentation obtenue précédemment au Musée. Ils se sont rendu compte que quelques articles se contredisaient sur certains détails du tableau et ils ont alors décidé de chercher de leur côté. Ce travail pouvait être intéressant, car il leur permettait précisément de faire des rapprochements avec des textes antiques et de montrer que Desiderio avait sans doute, comme tous les artistes de son temps, une grande connaissance de l’Antiquité.
Compte rendu des travaux des élèves
▪ Le couple : Hadès–Perséphone ou Poséidon–Amphitrite ?
34Le premier élément sur lequel les élèves se sont penchés était l’identité du couple présent sur le tableau.
35Dans son article3, P. Seghers indique la présence de Poséidon et d’Amphitrite. Pour lui, en effet, il s’agit du dieu de la mer, frère d’Hadès, tout à fait reconnaissable à son trident, et de son épouse Amphitrite, qui se tient à ses côtés.
36Cette présentation a suscité une double réaction des élèves. Premièrement, ils se sont demandé ce que Poséidon pouvait faire aux Enfers, puisque le personnage présent sur le tableau semble régner en maître, en ces lieux. Or, ils n’ont pas trouvé de textes antiques mentionnant la présence de Poséidon aux Enfers, comme souverain du monde infernal.
37Puis, ils ont observé de près l’objet tenu par le personnage et ont remarqué que ce n’était pas un trident mais un objet comportant plutôt quatre dents. Il s’agissait alors de savoir si l’on pouvait trouver des représentations d’Hadès avec un tel objet.
38Gérard Siebert, professeur émérite à l’Institut d’Archéologie Classique de l’Université de Strasbourg, consulté par l’intermédiaire de Sylvie David, a précisé qu’il ne s’agissait effectivement pas d’un trident puisqu’Hadès ne porte jamais l’attribut de Poséidon, mais « comme il est normal et usuel, un sceptre couronné d’un fleuron trilobé, analogue à celui qu’on lui connaît parfois dans la peinture grecque ». Cet objet figure sur certains vases grecs4.
39D’autre part, en ce qui concerne le personnage féminin, s’il s’avère que l’homme est Hadès, dans ce cas, à ses côtés se trouve Perséphone, qui semble tourner le dos à son époux, soit parce que le spectacle des Enfers ne l’intéresse pas, soit peut-être, comme l’ont judicieusement supposé certains, parce que Desiderio a voulu rappeler les conditions particulières de l’union d’Hadès et de Perséphone.
40Enfin, les élèves ont trouvé une représentation des Enfers de Jan Brueghel de Oude5, intitulée Orphée aux Enfers, conservée à la Galleria Palatina de Florence, sur laquelle apparaissent également Hadès et Perséphone6.
▪ Le squelette d’animal sur l’autel
41Dans la notice du tableau élaborée par le Musée, on indique que « gît un squelette d’animal assailli par les mouches – image des sacrifices de taureaux et de génisses ». En comparant les squelettes d’équidés et de bovidés, les élèves ont établi qu’il ne pouvait s’agir que des restes d’un cheval. Ils se sont alors interrogés sur la présence de cet animal et ont fait un lien avec le rôle des chevaux psychopompes, c’est-à-dire conducteurs d’âmes7. Le squelette d’équidé se trouve d’ailleurs au pied de la Mort, symbolisée elle-même par un squelette et une faux. Ils ont également suggéré qu’il pouvait s’agir du cheval conducteur d’un char dont il ne reste plus qu’une roue sur le tableau.
▪ Les blasons et lances
42Ces blasons et lances sont placés au-dessus de l’autel où se trouve le cadavre animal. S’agit-il de blasons, de boucliers, de lances, de javelines, d’étendards ? La nature même de ces objets et leur place ont soulevé des questions chez les élèves. L’autel, le cadavre, les deux vanités (Cronos dévorant un enfant, le squelette portant la faux), la roue du char forment un tout qui se termine par ces mystérieux objets. On peut supposer qu’ils sont tous liés les uns aux autres et, dans ce cas, il s’agirait du triomphe de la mort sur le guerrier. En effet, le cadavre serait celui du cheval tirant un char dont il ne reste plus qu’une roue, char destiné à amener les guerriers au combat comme dans l’Iliade. Le bouclier et la lance, symboles mêmes des combattants, évoqueraient le monde de la guerre. Le squelette et la faux représenteraient alors la mort du guerrier, si fort sur terre et réduit à néant dans le royaume des morts.
▪ Les références à l’Énéide de Virgile
43Les élèves qui ont mené ce travail sont hellénistes. Ils ont, pour certains, étudié le latin mais, dans l’ensemble, ils ne connaissent pas très bien l’Énéide de Virgile à laquelle se réfèrent, à de nombreuses reprises, les articles commentant le tableau. Ces documents affirment que la scène tire son inspiration de l’ouvrage de Virgile, notamment du chant VI, dans lequel le poète décrit la descente d’Énée aux Enfers. Après avoir lu les passages du chant VI concernant la description des Enfers, les élèves ont effectivement reconnu des similitudes entre Virgile et Desiderio, mais ils ont trouvé qu’un élément – qui n’est pas évoqué chez Virgile – avait peut-être échappé aux commentateurs du tableau : le jugement des âmes aux Enfers. La description même des lieux est effectivement assez fidèle à Virgile. Mais les trois hommes âgés en bas du tableau, sans doute les trois juges des Enfers, Éaque, Minos et Rhadamante, la présence de la balance, symbole de justice, le secrétaire qui enregistre les âmes tout juste débarquées de l’esquif du nocher Charon, tous ces éléments font allusion à l’activité même des lieux : les âmes sont là pour être jugées. Elles attendent leur sort. Pour certaines, ce sort est déjà établi puisque l’on voit des corps, presque invisibles (sans doute une manière de représenter les âmes), tomber dans le Pyriphlégéthon.
44Ne pourrait-on donc pas voir ici une illustration du passage du Phédon de Platon, évoquant le jugement et le sort des âmes chez Hadès8 ?
45Les élèves ont d’ailleurs fait remarquer le sens du cartel – « Hélas pour moi en enfer, aucun salut n’est possible » – qui, comme chez Platon, souligne l’aspect inéluctable du sort réservé en ce lieu aux âmes. Le supplice, la torture sont marqués par la roue sur laquelle des corps tournent sans fin (s’agit-il ici d’une allusion au supplice d’Ixion ? – Ixion attaché à une roue enflammée qui tourne sans cesse, pour avoir tenté de séduire Héra), par des fils sur lesquels déambulent des corps au-dessus du marais, tels des funambules de la mort. D’autres corps sont entraînés dans une chute violente : ils semblent précipités dans le marais ou le Tartare9. Certains remontent une pente : s’agit-il de ceux qui ont purgé leur peine ou sont-ils condamnés à remonter puis à redescendre éternellement cette pente ?
46Nathalie Biggio, dans un article intitulé « Le mythe final du Phédon 107d-114c », rédigé pour l’Institut européen en sciences des religions, explique : « L’objet de Platon est de concilier une conception finaliste de l’univers avec les exigences morales développées par sa philosophie. Son point de départ est que les méchants doivent payer la peine de leurs fautes et les bons recevoir la récompense de leur vertu, ce qui suppose la survivance des âmes (enjeu du dialogue). » On trouve également chez Desiderio cet aspect moralisateur du bien et du mal.
▪ Monsù Desiderio et la culture antique
47Desiderio, comme de nombreux artistes de son temps, connaissait l’Antiquité et ses mythes. On retrouve dans bon nombre de ses tableaux des références à l’histoire ou à la mythologie grecque. Par exemple, dans une toile intitulée Le festin de Balthazar, se trouvent trois médaillons contenant des effigies : on reconnaît en particulier Olympias, femme de Philippe de Macédoine, qui divorça de cette dernière à cause de ses amours adultères et Thomyris, reine des Massagètes, mais présentée ici comme régnant sur les Scythes.
48Cette curieuse érudition laisse donc penser que Desiderio possédait ou consultait des ouvrages historiques et mythologiques. Philippe Hoch, conservateur en chef du patrimoine dans le département de la Moselle, écrit, dans un article paru dans le catalogue de l’exposition consacrée à Monsù Desiderio à Metz en 2005 : « Dans les centres artistiques de la péninsule, et notamment à Naples où œuvrent François de Nomé et Didier Barra, les livres illustrés et les albums d’estampes jouent un rôle dont l’importance est alors croissante. Les peintres puisent à cette source, par laquelle tant de toiles ou de sculptures, ainsi reproduites au moyen de la gravure sur cuivre (ou, plus rarement désormais, sur bois), peuvent être connues et, le cas échéant, imitées. Ornés de figures insérées dans le texte ou pourvus de planches hors-texte, ajoutées entre deux cahiers, les livres tout à la fois “popularisent” des œuvres et en suscitent, à leur manière, de nouvelles. »
Conclusion
49Ce tableau est absolument étonnant. Étonnant par sa composition, associant des éléments antiques, médiévaux, ou datant de la Renaissance. Étonnant par son thème et la vision qu’il offre. Étonnant par ses mystères. Étonnant enfin par son, ou plutôt devrait-on dire, ses auteurs, eux aussi bien énigmatiques. André Breton considérait Monsù Desiderio comme le précurseur du surréalisme. Vision moderne d’un monde pourtant fort lointain. Vision intemporelle. On comprend aisément qu’il ait pu fasciner des générations de spectateurs et que, de nos jours encore, de jeunes enfants s’arrêtent devant cette superbe toile.
Bibliographie
Bibliographie
Textes grecs
Homère, Iliade, chant XXIII, v. 69 à 107, éd. et trad. par P. Mazon, Paris, Les Belles Lettres (CUF), 1992.
Homère, Odyssée, chant XI, v. 90-94, 204-224 et 482-491, éd. et trad. par V. Bérard, Paris, Les Belles Lettres (CUF), 1974.
Platon, Gorgias, 524e-525c, éd. et trad. A. Croiset, Paris, Les Belles Lettres (CUF), 1960.
Platon, Phédon, 111c-114c, éd. et trad. par L. Robin, Paris, Les Belles Lettres (CUF), 1965.
Dictionnaire
Ch. Daremberg et E. Saglio, article « Inferi » in Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines, 1877, p. 493-500.
Ouvrages et articles sur Monsù Desiderio
I. Bardiès, « François de Nomé, Les Enfers », in De la Lorraine, Paris, Hazan, 2004, notice n ° 74, p. 144-145.
M. Hilaire, « François de Nomé, Les Enfers » in J. Bousquet, La Peinture maniériste, Neuchâtel, éd. Ides et Calendes, 1964, p. 52.
M. R. Nappi, M. Sary et N. Dacos, Enigma. Monsù Desiderio. Un fantastique architectural au XVIIe siècle, catalogue de l’exposition présentée aux Musées de la Cour d’Or à Metz, éd. Serpenoise, 2004.
M. Onfray, Métaphysique des ruines : la peinture de Monsù Desiderio, Paris, éd. Mollat, 1995.
M. Pinette, « François de Nomé, Les Enfers », in Mélancolie, génie et folie en Occident, catalogue de l’exposition présentée au Grand Palais à Paris, éd. RMN, 2005, p. 75. P. Seghers :
- Monsù Desiderio ou le Théâtre de la fin du monde, Paris, Robert Laffont, 1981 ;
- « L’invitation aux Enfers » in Connaissance des Arts, no 354 (août 1981), p. 40-47.
Annexe
Annexes
1- Platon, Phédon, 111c-114c, trad. L. Robin, CUF
Ainsi donc, telle est la nature de la terre en son ensemble et de ce qui appartient à la terre. Quant à ses régions intérieures, elles en continuent les parties creuses et sont disposées circulairement, en grand nombre, par rapport à l’ensemble. Les unes sont plus profondes et plus largement ouvertes que celle où nous habitons ; les autres, tout en étant plus profondes, ont un gouffre moins étendu que n’est notre propre région ; il en est d’autres enfin dont la profondeur est plus faible que celle de ce lieu-ci, mais la largeur plus grande. Or toutes ces régions souterraines communiquent entre elles, en une foule d’endroits, par des trous d’un diamètre plus étroit ou plus large, et elles possèdent en outre des voies de passage. Aux points où une eau abondante s’écoule des unes dans les autres ainsi qu’en de grands vases, il existe aussi des fleuves intarissables, d’une grandeur immense, qui portent sous la terre des eaux aussi bien chaudes que froides ; mais, où s’écoule en abondance du feu, il y a aussi de grands fleuves de feu ; il y en a beaucoup enfin qui sont de boue liquide, tantôt plus claire, tantôt plus bourbeuse ; c’est ainsi qu’en Sicile coulent avant la lave les fleuves de boue, et puis la lave elle-même. Ces fleuves donc emplissent en outre chaque région selon le sens dans lequel, pour chacune et à chaque fois, le courant vient à se produire. Or ce qui cause tous ces mouvements de montée et de descente, c’est une manière d’oscillation qui se fait au-dedans de la terre, et l’existence de cette oscillation doit tenir aux conditions que voici.
Parmi les gouffres de la terre il y en a un surtout qui est le plus grand, et précisément parce qu’il traverse la terre tout entière d’outre en outre. C’est de lui précisément que parle Homère, quand il en dit : « bien loin, dans l’endroit où sous la terre est le plus profond des abîmes », et c’est celui qui en d’autres passages, d’Homère aussi bien que de beaucoup d’autres poètes, est appelé le Tartare. Le fait est que ce gouffre est le lieu où vient converger le cours de tous les fleuves, et aussi celui d’où inversement il part, chacun acquérant en revanche ses caractères propres de ceux que peut avoir le terrain à travers lequel il coule. Quant à la raison pour laquelle cet endroit est, pour tous, l’origine aussi bien que le terme du cours de leurs flots, c’est que l’eau n’y trouve pas de point d’appui ni de base ; il est donc naturel qu’elle y ait un mouvement d’oscillation et d’ondulation, qui la fait monter et descendre. L’air aussi et le souffle qui s’y rattache font de même ; ils accompagnent et suivent en effet le mouvement de l’eau, aussi bien quand il la porte vers l’autre côté de la terre, que lorsque c’est de ce côté-ci. C’est comme quand nous respirons : expiration et inspiration sont toujours un cours du souffle ; de même aussi, dans la région dont il s’agit, l’oscillation du souffle, concomitante de celle de la substance humide, donne lieu à des vents d’une irrésistible violence, tant lorsqu’il entre que lorsqu’il sort. Supposons donc que l’eau se soit retirée vers les régions qu’on appelle inférieures ; alors, en affluant à travers le sol aux lieux où, comme on l’a vu, s’opère la descente de son flot, elle les emplit : c’est comparable au procédé de l’irrigation. Supposé au contraire qu’elle les déserte pour se lancer de notre côté, ce sont ceux d’ici qu’elle emplit à nouveau. Une fois qu’ils ont été emplis, le flot s’écoulant par les voies de passage et traversant le sol, chaque fois aussi il parvient à chacun des endroits vers lesquels il s’est fait une route : c’est ainsi que, outre les mers, il produit lacs, fleuves et sources. Puis il part de là pour s’enfoncer derechef à l’intérieur de la terre, et, après avoir fait, tantôt des circuits de plus grande longueur et en plus grand nombre, tantôt de moins nombreux et de plus courts, derechef il se jette dans le Tartare. Il y a des cas où c’est beaucoup plus bas que l’irrigation n’avait eu lieu, dans d’autres un peu plus bas, le cours du flot aboutissant toujours cependant en dessous de son départ. De plus, tandis que parfois le point où le cours aboutit fait vis-à-vis à celui où s’est produit le jaillissement initial, parfois au contraire ces points sont dans la même partie ; il peut arriver d’ailleurs que les circuits du flot fassent un tour complet ; s’enroulant une seule fois ou même plusieurs en spirale autour de la terre à la façon des serpents, ils descendent aussi bas que possible pour regagner leur embouchure. Or ce qui est possible, c’est que, dans l’une et l’autre direction, la descente se fasse jusqu’au centre, mais non pas au delà ; car la partie de la terre qui est de chacun des deux côtés du centre est pour chacun des deux flots l’origine d’une montée.
À coup sûr il existe bien d’autres courants, aussi nombreux que grands et variés ; mais aussi, dans cette multitude, y a-t-il lieu d’en distinguer quatre. Le plus grand, et celui dont le cours décrit le cercle le plus extérieur, c’est celui qu’on appelle Océan. Lui faisant vis-à-vis et coulant en sens contraire, est l’Achéron ; en outre des régions désertes que traverse son cours, c’est surtout sous la terre qu’il coule, pour arriver au lac Achérousias ; c’est là que se rendent les âmes de la grande masse des trépassés, lesquelles, après un séjour dont la durée leur fut impartie, plus longue pour les unes, plus courte pour les autres, sont de là dirigées à nouveau vers les générations animales. Un troisième fleuve jaillit à mi-distance entre les deux premiers, et, près du point d’où il a jailli, il vient tomber dans un vaste espace brûlé d’un feu intense ; il y forme un lac plus grand que notre mer à nous, et tout bouillonnant d’eau et de boue ; son cours circulaire est, au sortir de ce lac, trouble et boueux ; puis, ayant sous la terre décrit une spirale, il parvient, dans une direction différente, jusqu’aux extrémités du lac Achérousias mais sans se mêler à son eau, et pour finir, après des enroulements répétés, il se jette dans une partie plus basse du Tartare ; c’est à ce fleuve qu’on donne le nom de Pyriphlégéthon ; ses laves crachent même leurs éclats vers la surface de la terre aux points où elles peuvent l’atteindre. Faisant à son tour vis-à-vis à celui-ci, le quatrième fleuve débouche d’abord dans un pays qui est, à ce qu’on dit, d’une effrayante sauvagerie et tout entier revêtu d’une espèce de coloration bleuâtre : c’est le pays qu’on nomme Stygien ; ce fleuve forme en outre le lac du Styx, dans lequel il se jette ; après qu’en y tombant ses eaux ont acquis de redoutables propriétés, il s’enfonce sous la terre et, en faisant des spirales, il court en sens contraire du Pyriphlégéthon au devant duquel il s’avance, au voisinage du lac Achérousias, du côté opposé ; son eau du reste ne se mêle non plus à aucune autre, mais, lui aussi, après un trajet circulaire il vient se jeter dans le Tartare à l’opposé du Pyriphlégéthon ; le nom de ce fleuve, au dire des poètes, est Cocyte.
Telle est donc la distribution naturelle de ces fleuves. Voilà les trépassés parvenus au lieu où chacun d’eux est amené par son Génie. Ils s’y sont tout d’abord fait juger, et ceux qui ont eu une belle et sainte vie tout comme les autres. Les uns alors, s’il a été reconnu que leur existence fut moyenne, sont mis en route sur l’Achéron, montés dans les barques qui leur sont destinées et sur lesquelles ils parviennent au lac. C’est là qu’ils résident et là qu’ils se purifient, aussi bien en se déchargeant, par les peines qu’ils en paient, des injustices dont ils ont pu se rendre coupables, qu’en obtenant pour leurs bonnes actions des récompenses proportionnées au mérite de chacun. Il en est d’autres dont l’état aura été reconnu sans remède à cause de la grandeur de leurs fautes : auteurs de vols sacrilèges répétés et graves, d’homicides en foule, injustes et sans légalité, et de tous les forfaits de ce genre qu’il peut bien y avoir encore ; le lot qui convient à ceux-là, c’est d’être lancés dans le Tartare, d’où plus jamais ils ne sortent. Quant à ceux dont les fautes ont été reconnues pour des fautes qui, malgré leur gravité, ne sont pas sans remède (ainsi ceux qui, sous l’empire de la colère, ont usé de violence à l’égard de leurs père et mère et qui s’en sont repentis le restant de leur vie, ou qui, dans d’autres conditions semblables, sont devenus homicides), pour ceux-là c’est bien une nécessité d’être précipités dans le Tartare ; mais, lorsqu’après y être tombés ils ont en ce lieu fait leur temps, la montée du flot les rejette, les homicides au fil du Cocyte, et au fil du Pyriphlégéthon ceux qui ont porté la main sur leur père ou leur mère. Une fois qu’ils ont été transportés à la hauteur du lac Achérousias, là ils appellent à grands cris, les uns ceux qu’ils ont tués, les autres ceux qu’ils ont violentés ; après les appels, les supplications : ils réclament d’eux qu’ils les laissent passer sur le lac et qu’ils les accueillent. Réussissent-ils à les fléchir, ils passent et c’est la fin de leurs peines. Dans le cas contraire, ils sont de nouveau portés au Tartare et de là ramenés aux fleuves, et telle est, sans trêve, leur condition jusqu’à ce qu’ils aient pu fléchir ceux qu’ils ont injustement traités ; car voilà la punition que les Juges ont ordonnée pour eux. Ceux enfin dont il aura été reconnu que la vie fut d’une éminente sainteté, voilà ceux qui, de ces régions intérieures de la terre, sont en fait, ainsi que de geôles, libérés à la fois et dégagés ; ceux qui, parvenus aux hauteurs du pur séjour, s’établissent sur le dessus de la terre ! Et, parmi ceux-là mêmes, ceux qui par la philosophie se sont, autant qu’il faut, purifiés, ceux-là vivent absolument sans corps pour toute la suite de la durée, et ils parviennent à des demeures plus belles encore que les précédentes ; les décrire n’est pas bien facile, sans parler du temps qui n’y suffit pas présentement.
2- Platon, Gorgias, 524e-525c, trad. A. Croiset, CUF
Lorsque les morts arrivent devant le juge et que ceux d’Asie comparaissent devant Rhadamante, celui-ci les arrête et considère chaque âme, sans savoir à qui elle appartient ; souvent, mettant la main sur le Grand Roi ou sur quelque autre prince ou dynaste, il constate qu’il n’y a pas une seule partie saine dans son âme, qu’elle est toute lacérée et ulcérée par les parjures et les injustices dont sa conduite y a chaque fois laissé l’empreinte, que tout y est déformé par le mensonge et la vanité et que rien n’y est droit parce qu’elle a vécu hors de la vérité, que la licence enfin, la mollesse, l’orgueil, l’intempérance de sa conduite l’ont remplie de désordre et de laideur : à cette vue, Rhadamante l’envoie aussitôt, déchue de ses droits, dans la prison, pour y subir les peines appropriées.
Or la destinée de tout être qu’on châtie, si le châtiment est correctement infligé, consiste ou bien à devenir meilleur et à tirer profit de sa peine, ou bien à servir d’exemple aux autres, pour que ceux-ci, par crainte de la peine qu’ils lui voient subir, s’améliorent eux-mêmes. Les condamnés qui expient leur faute et tirent profit de leur peine, qu’elle vienne des dieux ou des hommes, sont ceux dont le mal est guérissable : ils ont pourtant besoin de souffrances et de douleurs, sur terre et dans l’Hadès, car sans cela ils ne guériraient pas de leur injustice. Quant à ceux qui ont commis les crimes suprêmes et qui à cause de cela sont devenus incurables, ce sont ceux-là qui servent d’exemple, et s’ils ne tirent eux-mêmes aucun profit de leur souffrance puisqu’ils sont incurables, ils en font profiter les autres, ceux qui les voient soumis, en raison de leurs crimes, à des supplices terribles, sans mesure et sans fin, suspendus véritablement comme un épouvantail dans la prison de l’Hadès, où le spectacle qu’ils donnent est un avertissement pour chaque nouveau coupable qui pénètre dans ces lieux.
3- Homère, Iliade, chant XXIII, v. 69 à 107, trad. P. Mazon, CUF
[L’ombre de Patrocle apparaît en songe à Achille, lui réclamant la sépulture :]
« Tu dors, et moi, tu m’as oublié, Achille ! Tu avais souci du vivant, tu n’as nul souci du mort. Ensevelis-moi au plus vite, afin que je passe les portes d’Hadès. Des âmes sont là, qui m’écartent, m’éloignent, ombres de défunts. Elles m’interdisent de franchir le fleuve et de les rejoindre, et je suis là, à errer vainement à travers la demeure d’Hadès aux larges portes. Va, donne-moi ta main, je te le demande en pleurant. Je ne sortirai plus désormais de l’Hadès, quand vous m’aurez donné ma part de feu. Nous ne tiendrons plus conseil tous les deux, vivants, assis loin des nôtres : l’odieux trépas m’a englouti. Aussi bien était-ce mon lot dès le jour où je suis né. Et ton destin, à toi-même, Achille pareil aux dieux, n’est-il donc pas aussi de périr sous les murs des Troyens opulents ? – Mais j’ai encore quelque chose à te dire, à te recommander : m’écouteras-tu ? Ne place pas mes cendres loin des tiennes, Achille ; mets-les ensemble au contraire : […] qu’un seul cercueil enferme nos cendres à tous deux : l’urne d’or que t’a donnée ta digne mère ! »
Achille aux pieds rapides en réponse lui dit :
« Pourquoi, dis-moi, tête chérie, es-tu donc venu ici ? Et pourquoi tant d’injonctions ? Va, sois-en sûr, je te veux obéir et faire tout comme tu le demandes. Mais viens plus près de moi : qu’un instant au moins, aux bras l’un de l’autre, nous jouissions de nos tristes sanglots ! »
Il dit et tend les bras, mais sans rien saisir : l’âme, comme une vapeur, est partie sous terre, dans un petit cri. Achille, surpris, d’un bond, est debout. Il frappe ses mains l’une contre l’autre et dit ces mots pitoyables :
« Ah ! point de doute, un je ne sais quoi vit encore chez Hadès, une âme, une ombre, mais où n’habite plus l’esprit. Toute la nuit, l’âme du malheureux Patrocle s’est tenue devant moi, se lamentant, se désolant, multipliant les injonctions. Elle lui ressemblait prodigieusement. »
4- Homère, Odyssée, chant XI, v. 90-94, 204-224 et 482-491, trad. V. Bérard, CUF
[Parvenu au pays des Cimmériens, Ulysse évoque les morts afin de consulter l’âme de Tirésias.]
Mais son ombre survient, tenant le sceptre d’or, et, me reconnaissant, Tirésias de Thèbes m’adresse la parole :
« Pourquoi donc, malheureux, abandonner ainsi la clarté du soleil et venir voir les morts en ce lieu sans douceur ? »
[Il revoit sa mère Anticlée qu’il cherche en vain à étreindre.]
Elle disait et moi, à force d’y penser, je n’avais qu’un désir : serrer entre mes bras l’ombre de feu ma mère… Trois fois, je m’élançai ; tout mon cœur la voulait. Trois fois, entre mes mains, ce ne fut plus qu’une ombre ou qu’un songe envolé. L’angoisse me poignait plus avant dans le cœur.
Je lui dis, élevant la voix, ces mots ailés :
« Mère, pourquoi me fuir, lorsque je veux te prendre ? que, du moins chez Hadès, nous tenant embrassés, nous goûtions, à nous deux, le frisson des sanglots !... La noble Perséphone, en suscitant ton ombre, n’a-t-elle donc voulu que redoubler ma peine et mes gémissements ? »
Je dis, et cette mère auguste me répond :
« Hélas ! mon fils, le plus infortuné des êtres !... Non ! la fille de Zeus, Perséphone, n’a pas voulu te décevoir ! Mais, pour tous, quand la mort nous prend, voici la loi : les nerfs ne tiennent plus ni la chair ni les os ; tout cède à l’énergie de la brûlante flamme ; dès que l’âme a quitté les ossements blanchis, l’ombre prend sa volée et s’enfuit comme un songe… Mais déjà, vers le jour, que ton désir se hâte : retiens bien tout ceci pour le dire à ta femme, quand tu la reverras. »
[Plus tard, Ulysse rencontre l’ombre d’Achille et l’interpelle :]
« Mais, Achille, a-t-on vu ou verra-t-on jamais bonheur égal au tien ? Jadis, quand tu vivais, nous tous, guerriers d’Argos, t’honorions comme un dieu : en ces lieux, aujourd’hui, je te vois, sur les morts, exercer la puissance ; pour toi, même la mort, Achille, est sans tristesse ! »
Je dis ; mais aussitôt, il me dit en réponse :
« Oh ! Ne me farde pas la mort, mon noble Ulysse !... J’aimerais mieux, valet de bœufs, vivre en service chez un pauvre fermier, qui n’aurait pas grand’chère, que régner sur ces morts, sur tout ce peuple éteint ! »
5-Extrait de l’article de Philippe Hoch, conservateur en chef du patrimoine, département de la Moselle, paru dans le catalogue de l’exposition consacrée à Monsù Desiderio : « Le rôle du livre dans la culture de Monsù Desiderio »
À propos de Léonard de Vinci, Hoch précise qu’« il avait lu tout ce que pouvait lire un bon Florentin ».
« Persistant du Quattrocento au Seicento, le lieu commun du peintre peu familier des livres, pétri seulement des recettes de la “culture des ateliers”, a peut-être empêché qu’on accordât toute l’attention qu’elle méritait aux sources, écrites ou figurées, et parfois aux modèles véhiculés par les livres. Il n’est guère concevable, en effet, que des peintres, des sculpteurs et, a fortiori, des graveurs soient demeurés totalement étrangers à l’univers livresque. »
« Orné d’enluminures ou agrémenté de planches en taille-douce, le livre trouvait sa place chez des maîtres qui ne devaient certes pas toute leur connaissance de l’Histoire sainte ou de la mythologie gréco-romaine aux seules images de leurs prédécesseurs. Et comment imaginer que les artistes – notamment lorrains, de Claude Gellée à Jacques Callot, en passant par nos “deux jeunes Français de Metz, qui deviendront ensemble Monsù Desiderio” – si nombreux dans le premier XVIIe siècle, à entreprendre le voyage en Italie, n’aient point pris le soin d’attacher à leur ceinture ou de glisser dans leur bagage, en guise de viatique, quelque Bible moralisée, certains livres d’emblèmes ou encore un précis d’iconologie ?
De fait, dans les centres artistiques de la péninsule, et notamment à Naples où œuvrent François de Nomé et Didier Barra, les livres illustrés et les albums d’estampes jouent un rôle dont l’importance est alors croissante. Les peintres puisent à cette source, par laquelle tant de toiles ou de sculptures, ainsi reproduites au moyen de la gravure sur cuivre (ou, plus rarement désormais, sur bois), peuvent être connues et, le cas échéant, imitées. Ornés de figures insérées dans le texte ou pourvus de planches hors-texte, ajoutées entre deux cahiers, les livres tout à la fois “popularisent” des œuvres et en suscitent, à leur manière, de nouvelles. » « Dotées de bonne heure (dès la fin des années 1460, soit moins de quinze ans après l’achèvement de la Bible à 42 lignes de Gutenberg) d’ateliers typographiques actifs, les villes de la péninsule – au premier chef Rome et Venise – forment d’importants foyers éditoriaux dont la production répondra, dans toute l’Europe, aux besoins de publics variés, des humanistes férus de grec et de latin aux amateurs de géométrie, ou encore aux juristes, en passant par tous ceux qui, quelle que fût leur condition, goûtaient les images. »
Annexes iconographiques
Notes de bas de page
1 Certaines de ces toiles sont reproduites dans l’annexe iconographique.
2 Platon, Phédon, 111c-114c, trad. L. Robin, CUF : le texte est présenté dans la rubrique « Annexes ».
3 P. Seghers, « L’invitation aux Enfers », in Connaissance des Arts, no 354 (août 1981), p. 40-47.
4 Cf. LIMC IV, s.v. Hadès, no 19.
5 Jan Brueghel de Oude, c’est-à-dire l’Ancien (1568-1625).
6 Ce tableau figure dans l’annexe iconographique.
7 Ils ont pensé à la fin du chant XIX de l’Iliade, où Xanthe, le cheval d’Achille, prédit au héros sa mort.
8 Cf. le document no 1 dans la rubrique « Annexes ».
9 Platon précise (Phédon, 113e) : « Il en est d’autres dont l’état aura été reconnu sans remède à cause de la grandeur de leurs fautes : auteurs de vols sacrilèges répétés et graves, d’homicides en foule, injustes et sans légalité, et de tous les forfaits de ce genre qu’il peut bien y avoir encore ; le lot qui convient à ceux-là, c’est d’être lancés dans le Tartare, d’où plus jamais ils ne sortent. »
Auteur
Valérie Bondenet, certifiée de Lettres Classiques, enseigne au lycée Louis Pergaud de Besançon le français, le latin et le grec. Elle a fait ses études à la Faculté des Lettres de Besançon et a travaillé en maîtrise sur les tragédies de Sophocle (Oracles et devins dans les tragédies de Sophocle). Elle a collaboré à la dernière publication consacrée au corps humain de l’ARELAB (en cours d’édition au CRDP de Franche-Comté) et prépare actuellement la certification complémentaire en histoire des arts.
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