Conclusion
L’invention du journalisme autocentré
p. 179-194
Texte intégral
1La production journalistique d’Alexandre Dumas surprend par sa diversité et sa richesse. Néanmoins, une caractéristique se détache de son écriture de presse (hors prose narrative) : sa dimension personnelle. Certes, la personnalisation de l’écriture est consubstantielle à la causerie journalistique. Une grande partie de l’écriture de presse au xixe siècle s’inspire des formes de la conversation, et nombreux sont les journalistes se référant à la « causerie » pour désigner le tour conversationnel donné à l’article de presse, l’article lui-même, voire le volume qui recueille les différents articles d’un auteur. Le journalisme dumasien va plus loin encore : il relève pleinement du « journalisme personnel ». Nous désignons par « journalisme personnel » des entreprises textuelles qui s’appuient sur la forte personnalisation du discours journalistique non comme simple artifice discursif, mais comme mode d’expression personnelle et de communication privilégié entre un locuteur (célèbre) et son public. Cette forme de journalisme s’exprime dans des articles isolés, ou mieux encore, dans la création de publications personnelles, centrées sur une personnalité qui en est le directeur et le principal rédacteur.
2Cet article envisagera les différentes déclinaisons du journalisme personnel de Dumas, de l’écriture d’articles par l’écrivain célèbre à la création de journaux qui reposent sur sa personne, et leurs implications. Alexandre Dumas est un dramaturge reconnu lorsqu’il devient en 1836 le collaborateur régulier de journaux à forts tirages, pour lesquels il écrit des articles de critique dramatique. Dans ces textes fortement subjectifs, il adopte un positionnement singulier de non-adhésion au rôle de critique et définit un projet original, au croisement entre vulgarisation, engagement et historiographie du romantisme.
3Très tôt également, l’écrivain-journaliste souhaite posséder son propre journal ; il ne s’agit pas simplement pour Alexandre Dumas de s’inscrire dans le grand mouvement médiatique du xixe siècle qui voit l’éclosion (et la mort spontanée) de tant de journaux. Le Mousquetaire de 1853 (exemple retenu ici) vaut pour sa poétique singulière mais aussi comme témoignage d’évolutions essentielles concernant le statut de l’auteur et de l’œuvre littéraire, perçues de manière ambivalente par les contemporains.
4Il s’agira également de penser les modalités de cet échange. La causerie de Dumas est-elle à sens unique ? Le journalisme personnel peut-il déboucher sur des interactions réelles entre le rédacteur et ses lecteurs ? Si le lectorat du Mousquetaire a été régulièrement sollicité par le directeur du journal pour collaborer de manière passive (en investissant le « vous » collectif auquel s’adresse la causerie), ou active (en lui écrivant ou en participant aux bonnes œuvres du romancier), ce parcours conduit à l’étude d’un cas inédit de collaboration des lecteurs : la participation à un recueil de « bouts-rimés », à partir d’un concours lancé par Alexandre Dumas dans Le Petit Journal en 1864.
5Cette traversée vise à montrer que le journalisme d’Alexandre Dumas témoigne d’une posture singulière de l’artiste romantique en régime médiatique, et qu’il emblématise des mutations capitales du champ littéraire au xixe siècle.
I. Alexandre Dumas journaliste : l’invention d’une posture singulière
6Les travaux récents portant sur Alexandre Dumas journaliste ont bien exploré l’activité médiatique de l’écrivain, et une partie importante de ses articles est désormais accessible1. La spécificité du journalisme de Dumas ne se comprend qu’en considérant que, contrairement à nombre d’hommes de lettres, le journalisme n’est pas pour lui un marchepied vers le succès, mais vient après avoir obtenu la reconnaissance du public, en tant que dramaturge, puis comme romancier. Le journalisme assume alors une autre fonction : il s’agit d’entretenir sa popularité, et d’actualiser la vocation civilisatrice de l’artiste telle que l’entend le romantisme.
7Rappelons quelques jalons des débuts d’Alexandre Dumas dans le journalisme2. En 1835, le dramaturge écrit une étude ambitieuse pour Le Monde dramatique, intitulée « Histoire de l’ancien théâtre français. Le Mystère de la Passion ». Mais c’est en 1836 qu’il se lance réellement dans la critique journalistique. Dans le compte rendu de la pièce Les Sept Infans de Lara, de Félicien Mallefille, le 21 mars 1836, il propose que « la critique [soit] exercée par des hommes exerçant le même art que l’accusé qui comparaît devant elle »3. Il s’attelle à cette tâche dès la semaine suivante, dans L’Impartial, où il tient une rubrique du 28 mars au 7 juin 1836, proposant des comptes rendus, des études portant sur des dramaturges contemporains donnant lieu à de longues digressions sur l’histoire du théâtre, et des tribunes à propos de la politique culturelle4. En juillet 1836, Alexandre Dumas est chargé dans La Presse5 du compte rendu des pièces importantes jouées au Théâtre-Français et à la Porte-Saint-Martin, et des « hautes questions de littérature dramatique »6.
8La participation d’un dramaturge célèbre à la presse de son époque en tant que feuilletoniste régulier implique la définition d’un éthos spécifique. Alexandre Dumas valorise ce passage à une pratique somme toute inférieure dans l’échelle des valeurs littéraires en le dramatisant : il ne devient pas journaliste, il va mener le combat sur le terrain des critiques, et participer à l’effort de (re)définition de l’activité critique. Selon lui, le critique doit à la fois juger et enseigner, en toute loyauté – qui n’exclut pas des partis pris ; Dumas refuse ce qui fait le sel de la critique contemporaine, et lui donne notamment cet air caractéristique de conversation spirituelle : la raillerie, qui transforme l’œuvre examinée en simple prétexte à écriture.
9Ce positionnement singulier infléchit son écriture périodique dans deux directions. Une perspective personnelle d’abord. En se posant comme héraut du romantisme, et en convoquant son expérience personnelle, Dumas tire le feuilleton vers l’écriture de soi ; celui-ci s’ouvre à la confidence et aux anecdotes personnelles. Outre les récits de son épopée au théâtre, il livre des histoires plus intimes, et fait entrer le lecteur dans sa vie quotidienne d’écrivain. La machine à mythologie auctoriale est en marche. Dans la rubrique « Variétés » du 6 novembre 1836, il offre le savoureux récit de la visite d’un aspirant auteur. Dumas pensait s’être définitivement débarrassé de l’importun en renvoyant son manuscrit la veille ; mais celui-ci s’introduit chez lui :
[…] Je lui dis que […] j’avais un article très pressé, non pas à finir, mais à commencer ; je lui montrai ma plume taillée, mon papier prêt, mon encrier plein ; je lui expliquai que cet article devait faire au moins neuf colonnes, c’est-à-dire quatre cents lignes de feuilleton en 8, qu’il fallait qu’il fût fini à sept heures du soir sous peine d’être remis à huit jours, et qu’il était dix heures du matin. Il écouta tout cela en souriant de la manière la plus gracieuse et la plus intelligente du monde ; puis, lorsque j’eus fini, comme si je n’eusse pas dit un mot, pas prononcé une syllabe, pas ouvert la bouche, il reprit sa phrase où je l’avais interrompue, ajouta qu’il comptait sur ma complaisance bien connue pour entendre de sa bouche même la lecture de son œuvre, et en conséquence, il commença de tirer de sa poche le manuscrit que je lui avais renvoyé la veille, espérant n’en entendre jamais reparler. Je vis le mouvement, et posant la main sur l’avant-bras de mon adversaire au moment où le rouleau allait sortir de sa poche, je parai le coup en le renfonçant doucement et en assurant à son propriétaire que je n’avais pas une seule minute dont je pusse disposer. Le propriétaire ne tint pas compte de l’observation ; de mon côté, j’avais mis dans ma tête de ne pas laisser sortir le manuscrit. Nous passâmes cinq minutes en face l’un de l’autre, lui à tirer, moi à pousser, et tout cela avec la politesse, mais en même temps avec l’obstination la plus parfaite.
[…] De politesses en politesses, j’étais parvenu à le pousser jusqu’à la porte du palier ; arrivé là, il me fit une politesse si grande que je ne pus y tenir plus longtemps, je le pris aux épaules et le poussai de toute la force de mes poignets ; il allait à reculons enfoncer la porte de mon voisin de face, lorsque le pied lui manqua sur le premier escalier ; alors il changea de direction, sa chute d’horizontale devint perpendiculaire, et il alla tomber sur un monsieur qui venait me prier de mettre des vers sur son album. Je fermai ma porte et je courus à la fenêtre. Je vis le monsieur au manuscrit et le monsieur à l’album qui se sauvaient chacun sur un trottoir. Depuis ce temps je n’ai entendu parler ni de l’un, ni de l’autre ; c’est le plus heureux carambolage que j’aie fait de ma vie7.
10La critique de Dumas doit être lue d’autre part dans une perspective fondamentalement communicationnelle. Le feuilleton dramatique ainsi conçu a plusieurs destinataires ; il s’adresse aux lecteurs du journal bien entendu, mais il engage aussi un dialogue indirect avec les critiques, les dramaturges examinés, ainsi qu’avec les institutions culturelles et politiques.
11Dès ses articles parus dans les années 1830, Dumas entend jouer un rôle de vulgarisateur auprès de son public. Il dévoile les ressorts de la création dramatique, livre des leçons d’histoire dramatique, et lui expose les enjeux politiques et financiers qui régissent la vie des théâtres. Il ne transforme pas encore son feuilleton en support d’un dialogue direct avec le lecteur, comme il le fera par la suite avec ses journaux. Mais il infléchit les codes de la causerie critique vers la causerie familière à vocation pédagogique. Cette pédagogie a aussi – et peut-être surtout – valeur de démonstration. La chronique dramatique est un moyen de réécrire l’histoire ; Dumas transforme le recul des romantiques au théâtre en choix délibéré, et fait du feuilleton un lieu public de règlement de comptes contre la critique, en liquidant les accusations portées contre les romantiques8. En se faisant l’historiographe de l’école moderne, Dumas cherche aussi, à sa manière, à négocier sa place (et la sienne propre) dans l’histoire littéraire.
12Les articles dramatiques, où il fait part de ses opinions en matière de politique artistique, sont également pour Dumas un moyen d’action et d’intervention dans l’espace public. Ce faisant, l’écrivain-journaliste s’expose à la riposte ; ses articles engagent des dialogues polémiques, de journal à journal, avec les personnalités incriminées publiquement. Après son article accusateur contre Védel9, caissier puis directeur du Théâtre-Français, paru dans La Presse, ce dernier répond dans un autre journal, Le Messager. Il souligne les contradictions que recèle la position de l’écrivain-journaliste, qui rend compte « des actes de l’administration du théâtre où ses ouvrages sont représentés »10. Il montre, en citant une lettre de Dumas, que la publication des articles sur l’Odéon obéit à des motivations toutes personnelles ; il s’agit ni plus ni moins qu’une réaction à l’arrêt de la pièce Caligula de Dumas : « Voilà la conduite qu’il tient à mon égard et qu’il voudrait faire prendre au public pour de la critique consciencieuse »11. Le journalisme de Dumas apparaît ainsi dans les propos de Védel comme le moyen privilégié pour construire sa posture d’écrivain.
13Cette conception communicationnelle de la presse, pédagogue et militante, marque toute la production journalistique de Dumas, quand bien même l’heure n’est plus au romantisme triomphant.
14En 1867, on reprend Hernani, pièce emblématique, interdite depuis le coup d’État, puis Antony ; Dumas est sollicité par la presse12. Il publie des lettres dans Le Figaro, où il reprend ses réflexes de journaliste : guerre à la critique, vulgarisation de l’histoire du romantisme grâce à la légende qu’il a lui-même contribué à écrire. Il livre également des causeries au journal L’Étudiant, où il reprend le format de l’étude, ces leçons d’art dramatique et de style qu’il a expérimentées dans La Presse de 1836-1838, toujours à propos des années glorieuses du romantisme. Avec une permanence remarquable, il transmet le récit romantique aux jeunes générations. Cependant, après les années 1850, Dumas est célèbre pour l’invention d’un « genre » journalistique nouveau, qui décline de manière inédite la formule de la causerie familière : la causerie avec mes lecteurs.
II. Le journalisme autocentré
15Si le journalisme est souvent utilisé par les aspirants hommes de lettres comme un bélier pour forcer l’entrée dans la carrière littéraire, le parcours contraire est possible : plus d’un écrivain a souhaité comme Alexandre Dumas « se mettre dans ses meubles ». L’aventure du Mousquetaire de 1853 a fait l’objet de plusieurs études13, qui mettent en évidence la singularité de cette forme de journalisme. Celle-ci ne réside pas tant dans le fait qu’il s’agit d’un journal possédé par un écrivain, qui en est le rédacteur principal, la chose étant ancienne. Le Mousquetaire, journal de M. Alexandre Dumas, propose un journalisme centré sur son auteur14, meilleur témoignage s’il en est du processus de starisation du personnel des lettres en général, et de la relation romantique de l’écrivain à ses lecteurs en particulier.
16Si les contemporains ont souvent remarqué que Le Mousquetaire se proposait d’être un journal non politique et divertissant15, la véritable innovation d’Alexandre Dumas réside dans l’illustration de la posture romantique de l’artiste en régime médiatique. Il s’agit pour les écrivains d’occuper et d’utiliser le terrain médiatique pour y diffuser des récits de la geste romantique dont ils sont les héros, mais aussi pour entretenir leur image et leur rapport aux lecteurs. En cela, l’écrivain romantique est un communicant, mettant au point des dispositifs textuels permettant de dialoguer directement avec son public.
17Aussi le journal d’écrivain apparaît-il comme un outil privilégié de gestion de la carrière personnelle. Il partage certaines caractéristiques avec le genre de l’autobiographie : l’exposition de soi, dont l’auteur garantit la sincérité, reste néanmoins une exposition contrôlée, orientée, arrangée parfois. Dans un journal comme Le Mousquetaire, et plus précisément dans la « Causerie avec mes lecteurs », Alexandre Dumas multiplie les anecdotes qui introduisent le lecteur dans son intimité. Cette abolition de la frontière privé/public se double d’une fiction de proximité, qui se fonde sur l’adresse au destinataire d’une part et l’emploi d’un présent d’énonciation d’autre part, lesquels annihilent la distance temporelle inhérente à l’écriture médiatique.
18L’écriture médiatique entretient aussi des liens privilégiés avec l’exercice préfaciel, dont on connaît l’importance à l’âge romantique. Le journalisme personnel assume un rôle de « seuil » (Gérard Genette) de l’œuvre dumasienne. L’homme de lettres fait entrer le lecteur dans l’atelier des œuvres :
Parfois mes lecteurs m’ont dit qu’ils aimaient à assister à cette opération génésiaque de l’esprit, enfantant une œuvre.
Nul plus que moi ne peut donner à la science psychologique ce curieux spectacle. De même qu’il m’est indifférent de montrer tout ce qui se passe dans ma maison, de même je n’hésite pas à laisser voir tout ce qui se passe dans mon cerveau.
Vous allez voir de quels éléments se composait Don Juan de Marana, une des plus curieuses productions de ma plume, et comment s’accrochèrent les atomes qui en ont fait la matière première16.
19La « Causerie avec mes lecteurs » est aussi une manière d’accompagner la publication des œuvres nouvelles et de préparer leur réception. La création de Romulus le 13 janvier 1854 est préparée en amont dans le journal17, et fait l’objet d’un compte rendu par Alexandre Dumas, qui reprend pour l’occasion la forme de l’article de critique dramatique. La position de l’auteur-critique est délicate, ce qui explique sans doute le développement important de l’analyse (résumé) de la pièce18 – qui pallie l’absence de jugement. Lorsqu’il rapporte le succès rencontré par la pièce, Dumas ne manque pas de souligner la réaction du public, en communion avec l’auteur :
La pièce dure une heure ; mais du premier au dernier mot, la réussite de l’ouvrage n’a pas été un seul instant douteuse. J’ai eu des succès plus bruyants, jamais de plus complets. Jamais communication plus franche et plus directe ne s’était établie du public à l’auteur.
C’est au point que lorsque l’on m’a nommé, le public s’est levé, et en battant des mains s’est tourné vers la loge de ma fille, où j’avais été vu un instant19.
20Le journal personnel, prolongeant en cela les articles publiés isolément dans les journaux, permet d’orienter la réception des œuvres, de rectifier les discours en circulation, de donner des modes d’emploi de l’œuvre ; lorsque la presse s’étonne qu’il n’évoque plus sa pièce Lauzun et soupçonne un refus du Théâtre-Français, Dumas répond dans sa causerie :
On vient me dire :
— Un journal de théâtre annonce que vous n’avez pas pu obtenir lecture du Théâtre-Français, pour votre Lauzun ; un autre, que vous n’avez pu le faire ; un autre, qu’il a été lu et refusé… Tous s’étonnent que vous n’en parliez plus.
Et je réponds :
— Ils s’étonnent ?… Ah ! oui, je comprends ; ils ne peuvent pas deviner, – eux ; – ils ne peuvent pas deviner qu’un de mes confrères, M. de Gorge, m’a écrit qu’il avait un Lauzun reçu à correction avant le mien ; que ce Lauzun, il avait mis trois ans à le faire, deux ans à le corriger ; que ce Lauzun, c’était pour lui l’espérance de ses cinq années de travail.
Ils ne peuvent pas deviner que M. de Gorge est venu me voir, qu’il m’a répété les mêmes choses qu’il m’avait écrites, en me disant que, si j’entrais en concurrence avec lui, – je l’écraserais, – ce sont ses paroles, pourquoi ne le répèterais-je pas ? –je l’écraserais de mon nom et de mon influence.
Et que je lui ai répondu :
— Monsieur, je n’écrirai pas une ligne de mon Lauzun que le vôtre ne soit reçu ou refusé. Si votre Lauzun est refusé, je lirai au Théâtre-Français ; s’il est reçu, je lirai ailleurs.
Il y a un mois ou six semaines de cela ; M. de Gorge n’a pas encore relu. J’attends20.
21Les causeries de Dumas sont d’ailleurs exportables : la préface à l’édition du drame La Conscience reprend exactement la causerie parue le 7 novembre 1854 dans Le Mousquetaire.
22Le journalisme personnel permet de réaliser sous tous ses aspects le statut de vulgarisateur que revendique Dumas21, et de réactualiser, sous le Second Empire, la figure du mage romantique, ou plutôt du mousquetaire. Alexandre Dumas incarne cette figure héroïque à plusieurs titres : il se présente comme un pourfendeur de la critique corrompue – défenseur des lettres opprimées22 – et un grand écrivain philanthrope, organisateur de bonnes œuvres, palliant les insuffisances institutionnelles.
23À ces caractéristiques, déjà présentes dans les articles publiés dans les journaux d’autrui, Dumas en ajoute une nouvelle : un rapport d’interlocution direct avec ses lecteurs. C’est désormais une nouvelle image de l’écrivain qui se diffuse : celle du causeur. Image que Dumas contribue à établir, à coups de dissertations sur le genre de la conversation et l’esprit français23, sur son invention de la causerie journalistique, et qui engage un nouveau dispositif énonciatif : la « Causerie avec mes lecteurs ». La causerie est une modalité ancienne du discours journalistique, que Dumas n’invente pas. Mais il instaure un usage inédit de celle-ci : une communication médiatique régulière et autocentrée entre l’écrivain et son public. Les travaux de Judith Lyon-Caen24, la publication de la correspondance entre Eugène Sue et ses lecteurs25 montrent que le courrier des lecteurs est une pratique courante, qui correspond d’ailleurs à la relation que l’écrivain romantique crée avec son public. Ce qu’Alexandre Dumas invente, c’est une officialisation de l’échange auteur-lecteur et de l’adulation du second pour le premier, qui empruntent la voie publique du médium journalistique, et qui sont organisés par l’auteur, lequel centralise le courrier, le choisit et le diffuse en fonction des intérêts de sa chronique.
24En gérant lui-même le rapport à ses lecteurs, et en leur offrant régulièrement des anecdotes inédites voire des autographes, l’écrivain entretient sa propre célébrité et satisfait au besoin de collection qui en résulte26. Sa présence physique, ses manuscrits deviennent des biens estimés : le manuscrit de son roman El Sateador est promis au lecteur qui enverra 100 francs pour aider un vieillard dans la misère27. Son nom a de la valeur, de même que les « produits dérivés » de son œuvre, et Dumas en est tout à fait conscient.
25Cette posture d’écrivain médiatique et de causeur est réinvestie périodiquement par Dumas dans la presse, mais aussi, dans une forme de continuum, dans les conférences28 qu’il donne dans les années 1860, appelées aussi, de manière significative, « causeries ». Celles-ci ont été parfois durement jugées ; Larousse ne voit dans l’entreprise que l’exploitation d’un filon rentable, celui de la causerie égocentrique : « M. Alexandre Dumas, qui, après avoir tant causé avec sa plume, a voulu causer aussi avec sa langue ; mais la langue de M. Dumas n’a fait que répéter ce que la plume de M. Dumas avait déjà dit à satiété »29.
26La nouveauté de ce dispositif se mesure aux parodies qu’elle a suscitées. Pour les contemporains critiques, sous ses dehors de sincérité et d’honnêteté intellectuelle, la démarche de Dumas relèverait à la fois du puffisme – qu’un journal comme Le Tintamarre se fait un devoir de dégonfler – et de la fatuité. Si la publicité de la vie privée existe de fait, l’exposition personnelle, le moi restent haïssables. Au xixe siècle, la friction entre la conception moraliste ancienne, toute classique, et les usages modernes de la littérature envisagée dans sa dimension sociale est perceptible ; la presse est le lieu ambigu où s’exprime cette tension. L’artiste moderne ne jouit pas simplement d’une réputation mais entretient sa célébrité par son discours autocentré, et fait fructifier sur son nom diverses entreprises.
27La une du Moustiquaire, annexé au Tintamarre le 5 février 1854, propose ainsi plusieurs rubriques qui reprennent le contenu habituel du journal de Dumas : causerie, insertion de lettres élogieuses qui cautionnent le journal, confidences, souscriptions (avec détail des comptes, pratique dont Dumas est familier), publicité qui se mêle à la philanthropie ; rubriques très courtes qui présentent le journalisme dumasien comme une accumulation de petits riens, avec le nom de Citrouillard (« rédacteur » récurrent du Tintamarre, ici double parodique de Dumas), répété sous chaque article, moquant ainsi la pratique du journalisme personnel. Le « Programme du Moustiquaire » est une caricature spirituelle du « Programme artistique du Mousquetaire » – renforcée par l’allusion à Médée –, et présente le journal comme un monument d’égotisme et de donquichottisme, fonctionnant comme un répertoire d’anecdotes personnelles, et une instance publicitaire :
Programme du Moustiquaire
Dialogue entre moi et le premier venu.
— Vous allez faire un journal ?
— Oui.
— Littéraire ou politique ?
— Ni l’un ni l’autre. Il sera mon claqueur, ma réclame éternelle, mon citrouillardiana.
— Son titre ?
— Le Moustiquaire !
— Vous avez tort. C’est un titre écrasant.
— Il y a des moustiques, des maringouins de lettres ; je veux les écraser.
— Vous vous ferez des querelles.
— Nous nous appelons Esbrouffendi, et nous avons pour amis : Parabkir, Mont-Taurus, Carahissar.
— Mais de quoi vous occuperez-vous dans votre journal ?
— De moi, d’abord ; de faire ensuite la critique des critiques.
Janin ne sera pas des nôtres ;
Il n’écrit que pour son plaisir,
Mais lorsque l’on veut réussir,
Il faut écrire un peu pour le plaisir des autres.
— Quoi ! seul contre tous ?
— La campagne de 1814 est la plus belle campagne de Napoléon ; ne suis-je pas brun comme lui ?…
— Ah ! vous finirez par essuyer des revers…
— Qu’importe ?
— Contre tant de revers que vous restera-t-il ?
moa30 !
28Dans un numéro du Figaro de 1858, Aurélien Scholl parodie les « interminables causeries qui commençaient invariablement le journal » et met en avant les techniques de remplissage bien éprouvées – dialogue redondant, retours à la ligne fréquents – du maestro :
« Chers lecteurs,
Respirons, s’il vous plaît.
Ah !
Y êtes-vous ?
Oui.
Et moi aussi.
Je vous ai promis de vous tenir au courant de tout ce que je ferais.
Je vais m’exécuter.
Voyons…
Qu’ai-je fait hier ?
Ah ! je suis allé porter des secours à deux orphelins.
L’un, un garçon charmant que je vous recommande, m’a entouré de ses deux petits bras et m’a dit :
— Merci !
L’autre m’a serré la main.
Eh bien !
Vous me croirez si vous voulez, j’ai pleuré…
Oui, pleuré !
Cela vous étonne ?
Ah ! un enfant sans sa mère, c’est comme une mère sans son enfant.
C’est la douleur, c’est l’abandon ;
Songez-vous quelquefois à votre mère, chers lecteurs ?
Etc…, etc… »
Le reste n’était pas moins intéressant.
Ce genre de littérature s’appelle du galidumas31.
29L’abdication de tout jugement critique des lecteurs, qui suivent moins un contenu qu’un nom fonctionnant comme une marque d’appel, est elle-même pointée par Le Tintamarre qui propose ainsi une « Causette avec mes idiots »32. Le titre est significatif : en montrant les interlocuteurs comme des « idiots » fascinés et réduits à l’acquiescement par Commerson, le paternalisme de Dumas se voit dénoncé comme stratégie redoutable de séduction des lecteurs-consommateurs.
III. Formes de la communication médiatique
30Les lettres d’autrui insérées dans le journal permettent bien sûr de tirer à la ligne, mais là n’est pas leur unique fonction, sans quoi la rubrique « Correspondance » serait bien plus développée. Dans un numéro du Mousquetaire, Alexandre Dumas explique que l’intérêt de posséder son journal réside pour lui dans le fait d’échanger avec ses lecteurs : « Ce qui m’avait le plus séduit dans la création d’un journal, c’était cette communication d’idées, cette communion de sentiments que j’établissais avec mes lecteurs »33.
31Dumas s’intéresse à la réception et prend acte de la situation de l’écrivain et du produit littéraire au xixe siècle34 : c’est le public qui est le destinataire de l’œuvre et qui en assure le succès, de sorte que, dès 1836, Dumas s’adresse directement à son lectorat. Dans ses journaux personnels, il négocie directement avec lui ses retards de causerie et, en livrant son agenda, c’est aussi au lecteur-consommateur qu’il s’adresse.
32L’écrivain assume publiquement le caractère sinon industriel, du moins professionnel de l’écriture. La conception de l’œuvre prend une dimension très concrète : il évoque les conditions matérielles de rédaction, le rythme de travail de l’écrivain, les attentes du public ; l’œuvre est désacralisée : elle s’écrit au jour le jour, se calcule en nombre de volumes livrés (ou à livrer), et un temps incompressible, calculé, est nécessaire à l’écriture du feuilleton :
Bon, me voilà donc à Bruxelles – tout le monde embrassé – à mon troisième étage, dans ma mansarde, accoudé à la même table où j’ai déjà écrit mes cinq volumes de Conscience, quinze volumes de mes Mémoires, douze volumes de la Comtesse de Charny, sept volumes du Pasteur d’Ashbourn, six volumes de Léone Léona, que vous n’avez pas encore lus, et les deux volumes de Catherine Blum, que vous venez de lire.
— Qu’allez-vous écrire à cette table ?
— Je vais tout simplement écrire le premier volume du Salteador, ce qui m’eût été parfaitement impossible à Paris, avec la procession qui s’était établie du bureau du Mousquetaire à mon appartement, que j’ai eu la mauvaise idée de choisir dans la même maison.
Pensez donc, chers lecteurs et surtout chères lectrices, il faut que mon premier chapitre commence vendredi, et, une fois le roman commencé, que diriez-vous si après avoir lu ces mots sacramentels : la suite à demain, demain n’apportait pas la suite35.
33Par ces discours, Dumas participe à convertir la vision (honnie) de l’industrialisation de la littérature en une image plus positive, celle de la professionnalisation de l’activité d’écriture.
34Comment se réalise, textuellement, l’échange avec le lecteur dans les articles de Dumas ? Pour s’adresser au lecteur dans une rubrique relevant de la critique littéraire, l’écrivain-journaliste adopte un ton volontiers pédagogue qui, s’il est cordial, reste toutefois magistral. Les espaces de chronique, plus libres, sont propices à la causerie. Dumas multiplie les références à l’acte d’énonciation, donnant à son écriture un air d’échange spontané et intime, extensible si le rédacteur en avait la possibilité36. Pour ses chroniques écrites dans les journaux d’autrui, il recourt parfois à des dispositifs communicationnels intermédiaires tels que la lettre au directeur. Le titre « Causerie avec mes lecteurs » insiste bien sur cette interaction sinon réelle, du moins affichée. Alexandre Dumas installe une proximité avec le lecteur, qui se fonde sur l’abolition des frontières spatiotemporelles et socioculturelles :
Il faut, mon cher lecteur, que vous me passiez une fantaisie, – c’est de mettre sous vos yeux toutes les lettres qui me sont écrites, les unes avec leurs complimens, les autres avec leurs injures, – tout ce que je puis vous promettre, c’est qu’il n’y aura pas de cabinet noir entre vous et moi, – et que toutes les lettres qui arriveront à mon adresse seront décachetées par vous37.
35Conscient de la dimension affective que le lecteur investit dans la relation à l’auteur, Dumas n’hésite pas à l’exposer dans les colonnes du journal. L’écrivain crée un espace textuel où se côtoient personnalités du monde artistique, personnel du journal et où le lecteur lui-même est un hôte privilégié. Cette immersion dans l’intimité de l’écrivain est d’autant plus forte que l’écriture chronique s’apparente à l’écriture diaristique : le lecteur devient le confident de Dumas, dans une causerie qui relève du carnet de bord ou du journal intime. La une du Mousquetaire daté du 7 novembre 1854 enregistre heure par heure l’exaltation qui suit la première représentation de La Conscience :
Minuit. – En toile [sic] tombe au milieu des applaudissements.
C’est à vous, mon cher Hugo, que je dédie mon drame de la conscience38. […]
Causerie avec mes lecteurs.
Chers lecteurs,
Il est une heure du matin. Je rentre après avoir remercié mes artistes et je vous annonce le succès de la Conscience.
La pièce, commencée à huit heures un quart, a fini à minuit moins dix minutes, allongé d’un quart d’heure à peu près par les applaudissements [suit un compte rendu de la pièce].
Deux heures du matin.
S’il n’était pas si tard, nous enverrions un mouchoir à M. Planche et une lime à M. Lireux.
36La presse est aussi l’espace semi-officiel de publication (n’est-elle pas vouée à la péremption ?) où l’écrivain peut partager des expériences textuelles à demi assumées, dont il ne doit rendre compte ni à la critique ni à ses pairs. Dramaturge, romancier, mémorialiste, Alexandre Dumas ne s’est pas engagé dans la voie poétique. L’espace bienveillant de la causerie lui permet d’exposer des pièces inédites, dont le lecteur est seul témoin et destinataire. Dans la chronique qu’il tient dans Le Petit Journal, l’écrivain livre une pièce de vers inédite, écrite en 1832, lors d’une visite à la Grande Chartreuse de Grenoble. Pour introduire ce texte encadré par l’anecdote du voyage à Grenoble, Dumas relate un dialogue avec Hugo, où il exposait ses raisons pour ne pas publier de poésie. Le dialogue revient insensiblement vers l’échange avec le directeur du journal, qui est lui-même le substitut textuel des lecteurs :
Un jour, Hugo me disait :
— Vous avez fait au moins un volume de vers ?
— Deux ou trois, cher ami.
— Pourquoi ne les imprimez-vous point ?
— Avec vous je puis penser tout haut, n’est-ce pas ?
— Pardieu !
— Eh bien, je n’imprime point mes vers, parce que je suis aussi bon romancier que vous, aussi bon dramaturge que vous, mais que vous êtes meilleur poète que moi. Excusez-moi, cher ami, mais c’est assez que, sur ce point, je reconnaisse mon infériorité sans la faire connaître aux autres.
— Alors ? me direz-vous, pourquoi nous faire lire aujourd’hui des vers de vous ?
Faiblesse de père. Je retrouve un enfant perdu, un enfant oublié, un enfant prodigue, au bout de trente-deux ans : mon premier mouvement est de le présenter au public. Peut-être demain reconnaîtrai-je que j’ai eu tort : mais que voulez-vous ? Je suis un homme de premier mouvement39.
37On peut distinguer plusieurs modalités d’inscription de l’interlocuteur dans la causerie dumasienne. A minima, Alexandre Dumas inscrit le lecteur par l’usage du « vous ». À un degré supérieur, Alexandre Dumas insère des lettres de ses lecteurs40. En leur faisant miroiter la possibilité d’une publication, l’écrivain leur donne l’impression de pouvoir s’extraire de la masse anonyme du public pour exister individuellement à ses yeux, et ainsi d’entretenir une relation privilégiée avec le grand auteur. Dumas emploie ce dispositif hors de ses journaux également ; dans la chronique qu’il tient dans Le Petit Journal, en 1864-1865, il se propose de publier l’abondante correspondance qu’il reçoit :
chronique
À M. le directeur du petit journal
À nous deux, cher ami, nous allons avoir, s’il vous plaît, ensemble une longue causerie ! Ma correspondance, cette terrible correspondance dont la moyenne est de cinquante lettres par jour, et qui nécessiterait quatre secrétaires pour y répondre si la plupart de ces lettres n’étaient pas tellement confidentiellesqu’elles ne peuvent pas même passer sous les yeux d’un secrétaire, – cette terrible correspondance qui parfois m’égaie, mais qui bien plus souvent m’attriste, parce que je ne puis faire ce que chacun me demande, sans se douter que, le même jour dix demandes pareilles me sont adressées, – va faire, dans son côté pittoresque, les frais de ma causerie.
Que les lettres confidentielles se tranquillisent ; et si je ne peux répondre, le temps me manquant, comme fait le secrétaire de M. le baron de Rotschild à ceux qui lui en adressent de semblables : « Monsieur le baron a reçu la lettre que vous lui avez fait l’honneur de lui écrire, et il en a pris bonne note… », elles demeurent du moins sous la sauvegarde de ma délicatesse attristée et du regret bien sincère de n’avoir pas à ma disposition les trois caisses réunies de M. de Rothschild, de M. Galiera et de M. Pereire, pour y laisser puiser toutes les mains amaigries et tremblantes qui s’étendent vers moi.
Et je n’aurais point de mérite à cela. Il est dans mon tempérament de donner, ce qui est une vertu, ou de laisser prendre, ce qui est une faiblesse. Panier percé, soit ; mais je l’ai dit il y a longtemps, ce n’est pas moi qui fais les trous au panier41.
38Il peut aussi inventer un dialogue qui recrée les réactions supposées de ses lecteurs ; le recours à ce lecteur fictif, censé emblématiser le public anonyme, est un artifice qui possède une efficacité pragmatique certaine, et/ou qui est commode pour diffuser un discours personnel, fondamentalement monologique. Dans l’extrait suivant, l’auteur passe bien au-dessus de son lecteur pour atteindre directement le ministère ; le lecteur semble ici n’être qu’un prétexte pour exposer les idées de Dumas :
Cher lecteur,
Supposez que vous soyez ministre.
Qu’étant ministre, les quatre théâtres que nous venons de nommer [Le Théâtre-Français, l’Odéon, l’Opéra-Comique, le Théâtre-Italien] relèvent de votre ministère.
Supposez encore ceci : que ne vous étant jamais occupé de question théâtrale, vous ayez cependant le désir de vous en occuper ; qu’à ce désir se joigne la bonne volonté de faire mieux que n’ont fait vos prédécesseurs.
Quel moyen emploieriez-vous ?
Vous enverrez chercher quelqu’un qui, tout au contraire de vous, aura pratiqué ces questions-là, toute sa vie, et vous lui direz :
— Je suis le pouvoir et la volonté, vous êtes la pratique et l’habitude ; causons.
Maintenant que nous avons supposé que vous êtes ministre, que le Théâtre-Français, que l’Odéon, que l’Opéra-Comique et l’Opéra-Italien relèvent de votre ministère, que vous avez envoyé chercher quelqu’un dont la vie toute entière a été consacrée à l’art, faisons une dernière supposition, c’est que celui à qui vous avez fait l’honneur de dire – causons – ce soit moi42.
39S’ensuit un long dialogue entre le supposé ministre et Alexandre Dumas, qui développe ses idées sur l’administration de ces théâtres. Le journal est aussi, Dumas ne l’a jamais oublié, un espace d’expression publique.
40Mais Dumas peut aller plus loin encore dans la relation textuelle qu’il entretient avec son lecteur, en proposant la création d’une œuvre collective. À ce titre, le volume des Bouts-rimés de 1865 fait figure d’hapax. Les « Quelques mots nécessaires » qui ouvrent le recueil annoncent d’entrée la singularité de ce projet : « Ce recueil, sans précédent dans l’histoire littéraire, a une origine toute particulière »43.
41En octobre 1864, l’écrivain inaugure une nouvelle rubrique dans Le Petit Journal, en deuxième et troisième pages, à la périodicité irrégulière, sobrement intitulée « Chronique », « Correspondance » ou « Bouts-rimés ». Dans cet espace, Alexandre Dumas promet de mettre sous les yeux des lecteurs du Petit Journal des spécimens de la correspondance abondante qu’il reçoit quotidiennement44. Dès le quatrième article, le 1er novembre 1864, Alexandre Dumas raconte une anecdote concernant une soirée avec Méry, souvenir éveillé par la réception de lettres anciennes. Ce dernier avait été chargé de trouver des rimes pour un défi de bouts-rimés lancé à Méry :
Je fus chargé de chercher les rimes, et je dois dire, quelque confiance que j’aie dans le démon de Socrate, je dois dire que si Périclès ou Alcibiade lui eût donné les rimes que je donnai au démon de Méry, le démon grec eût certes jeté sa langue aux chiens.
Voici les rimes :
J’ai, par ma foi, envie de les donner en blanc aux deux cent mille abonnés et au million de lecteurs du Petit Journal, et celui qui les aura remplies de la façon la plus intelligente aura cet autographe même de Méry et de moi que je retrouve ou plutôt qu’une main qui sort de la tombe me rend après dix ans. C’est dit, n’est-ce pas ?
Les voici :
Femme.
Catilina.
Ame.
Fouina.
Jongle.
Citoyen.
Ongle.
Païen.
Mirabelle.
Mirabeau.
Belle.
Flambeur.
Orestie.
Gabrio.
Répartie.
Agio.
Figue.
Faisan.
Ligue.
Parmesan.
Noisette.
Pâté.
Grisette.
Bâté.
Tirez-vous-en comme vous pourrez, chers lecteurs ; je déclare qu’il n’y a qu’un homme capable de s’en tirer comme s’en est tiré Méry45.
42Au travers de sa chronique, Alexandre Dumas lance donc un jeu à l’adresse des lecteurs : écrire des bouts-rimés ingénieux, à partir des rimes choisies par Dumas. Au vainqueur, l’autographe de Dumas et de Méry. Le 30 novembre 1864, Alexandre Dumas fait part de son étonnement face au succès inattendu de son concours : l’écrivain affirme avoir reçu 220 lettres de lecteurs du Petit Journal. Il décide d’en publier six, et évoque au détour d’une phrase la publication de l’ensemble des textes, idée qu’il développe dès le lendemain, en abordant les aspects très matériels :
Mon cher directeur,
En relisant les vers qui me sont adressés, je m’aperçois qu’il y en a beaucoup plus de remarquables que je ne l’avais cru au premier abord. […]
Je suis tout simplement un imprudent qui a ouvert un concours où il croyait que se présenteraient douze ou quinze concurrents, et qui se trouve avoir deux cent vingt poètes sur les bras.
Tous voudraient se voir imprimés.
De plus, bon nombre de lecteurs du Petit Journal, ne connaissant pas le chiffre des chevaliers se disposant à prendre part au tournoi, m’écrivent :
« Obtenez de M. le directeur du Petit Journal qu’il publie tous les bouts-rimés qui vous ont été envoyés. »
Vous voyez qu’on me demande là chose impossible : le Petit Journal ne peut pas publier cinq mille deux cent quatre-vingts vers.
Mais comme je ne sais pas par quelle magie, mon cher directeur, vous êtes parvenu à faire de vos deux cent mille abonnés une seule famille, je vais m’adresser à eux comme on s’adresse à des gens de la famille.
Je leur dirai donc :
Messieurs mes frères, mesdames mes sœurs, mes chers enfants,
Il y a un joli et curieux volume à faire de la collection de ces bouts-rimés venant de toutes les parties de la France.
Ce volume, je m’engage à le faire pour vous.
Il sera précédé de l’autographie des vers de Méry.
Vous êtes deux cent mille.
Que sur ces deux cent mille que vous êtes, cinq cents seulement m’écrivent directement :
« À Monsieur Alexandre Dumas, à Saint Gratien, près d’Enghien-Les-Bains :
« Nous souscrivons pour un franc (vous voyez que je ne veux pas vous ruiner) au volume des Bouts-rimés. »
Et je fais faire le volume à mon goût, espérant que mon goût sera le vôtre.
Il n’est besoin de rien envoyer d’avance. Quand j’aurai les 500 souscripteurs, je ferai composer le volume, et, quand le volume sera composé, je mettrai dans le Petit Journal : « Envoyez-moi mes vingt sous, » – ou plutôt j’écrirai moi-même à mes souscripteurs, sur papier du même format que le volume : « Envoyez-moi mes vingt sous, » et je signerai. Je dis : du même format que le volume, parce que si, par hasard mes souscripteurs attachent quelque prix à mon autographe, ils pourront le mettre en tête du volume, ce qui prouvera à leurs enfants et petits-enfants qu’ils en sont propriétaires légitimes.
On ne dira pas que mes autographes, vendus six cents francs à la foire de Pittsburg, m’aient donné un orgueil exagéré. […]
Ainsi, à partir de demain, […] j’attends mes souscripteurs qui sont priés d’écrire dans l’angle de leurs lettres ou plutôt de l’enveloppe de leurs lettres : « Bouts-rimés », afin que, par négligence, leurs demandes ne soient point confondues avec ma correspondance particulière46.
43Le volume paraît à la Librairie du Petit Journal en 1865, chaque exemplaire étant accompagné d’un autographe de Dumas. Cette entreprise, inédite, témoigne de l’importance accordée désormais à la personne de l’auteur – la publication de volumes d’autographes au xixe siècle47 le montre d’ailleurs. Dumas mise sur la valeur de la relation à l’écrivain, et la volonté corollaire de posséder un objet unique, qui singularise cette relation nécessairement non individualisée.
44La pratique journalistique d’Alexandre Dumas offre un témoignage éclairant sur les évolutions du champ littéraire au xixe siècle en général – marchandisation de la production littéraire, starisation de l’écrivain, stratégies de communication – et sur le positionnement de l’artiste romantique en régime médiatique en particulier.
45Visionnaire au xixe siècle, l’écrivain serait, de nos jours, à la pointe des médias modernes et des réseaux sociaux ; sa pratique journalistique annonce des entreprises contemporaines telles que les blogs d’écrivains ou autres comptes Twitter, Facebook qui permettent de réagir à chaud sur l’actualité et de promouvoir l’œuvre d’un auteur. La nouveauté et le caractère décomplexé de l’entreprise dumasienne ne vont pas sans frictions : les contemporains raillent la vanité d’auteur et le mercantilisme de Dumas, à l’instar du journal Le Passe-temps, qui voit dans les Bouts-rimés une juteuse opération pour l’auteur même : « Supposons que le volume se tire à 25,000 exemplaires. Bénéfice net : douze mille cinq cents francs. Il est vrai que M. Dumas envoie chaque volume revêtu de sa signature, ce qui double son prix, on l’avouera sans peine »48. Preuve, s’il en est, que la presse du xixe siècle est l’espace clé où s’affrontent des visions différentes voire opposées de la littérature et où se négocient ses nouveaux usages.
Notes de bas de page
1 Sur le site Édition des journaux d’Alexandre Dumas, URL : <http://alexandredumas.org/>, on trouvera les journaux fondés par Alexandre Dumas : Le Mois, La France nouvelle, Le Mousquetaire, Le Monte-Cristo, L’Indipendente, Le Mousquetaire ii, Dartagnan, Le Théâtre journal. Les articles écrits par Dumas pour L’Impartial, La Presse, Le Monde dramatique sont disponibles dans Cahiers Alexandre Dumas, n° 42 Alexandre Dumas, critique dramatique (mars 1836-mars 1838) [dirigé par Julie Anselmini], 2015.
2 Nous nous permettons de renvoyer à deux articles qui décrivent plus précisément l’activité de journaliste d’Alexandre Dumas dans les années 1836-1838 : Carvalhosa Sandrine, 2013, « Leçons de critique (1836-1838) », in Anselmini Julie (dir.), Dumas critique, Limoges, Presses universitaires de Limoges, p. 37-52 ; id., 2014, « Alexandre Dumas, penseur de la modernité ? », Cahiers Alexandre Dumas, n° 41 Modernités d’Alexandre Dumas [dirigé par Sarah Mombert], p. 19-36.
3 Dumas Alexandre, 20 mars 1836, « Les Sept Infans de Lara, drame en six actes de M. Félicien Mallefille », La Nouvelle Minerve, 50e livraison, p. 398-408.
4 Dumas Alexandre, 29 mai 1836, « De la discussion sur la subvention des théâtres », L’Impartial ; id., 7 juin 1836, « De la discussion sur la subvention accordée au Théâtre-Français », L’Impartial.
5 Pour une étude du journal La Presse, voir Thérenty Marie-Ève et Vaillant Alain, 2001, 1836, l’an i de l’ère médiatique. Analyse littéraire et historique de La Presse de Girardin, Paris, Nouveau Monde éditions.
6 Nous renvoyons ici à deux études de Schopp Claude : 1990, « Dumas critique dramatique », Nineteenth Century French Studies, vol. 18, n° 3-4, p. 348-362 ; 2010, « La Presse », in id., Dictionnaire Dumas, Paris, CNRS Éditions, p. 468-471.
7 Dumas Alexandre, 6 novembre 1836, « Variétés », La Presse, p. 2-3.
8 Telle que la moralité du théâtre romantique (Dumas Alexandre, 4 décembre 1836, « Études dramatiques. 1830-1836. Action-réaction », La Presse).
9 Dumas Alexandre, 23 février 1838, « Théâtre-Français. Odéon. Mlle Mars. M. Vedel. Première représentation d’Une Saint-Hubert, comédie en un acte et en vers », La Presse.
10 Dumas Alexandre, 4 mars 1838, « Correspondance », Le Messager, journal du soir, cité dans Cahiers Alexandre Dumas, n° 42 Alexandre Dumas, critique dramatique (mars 1836-mars 1838) [dirigé par Julie Anselmini], 2015, p. 493.
11 Ibid., p. 494.
12 Dumas Alexandre, 29 mai 1867 et 13 juin 1867, « À propos d’Hernani », Le Figaro ; id., 22 juin et 6 juillet 1867, « Causerie », L’Étudiant, repris dans Dumas Alexandre [texte établi par Schopp Claude], 1996, À propos de l’art dramatique, Paris, Mercure de France, p. 50-102.
13 Voir en particulier Durand Pascal et Mombert Sarah (dir.), 2009, Entre presse et littérature. Le Mousquetaire, Journal de M. Alexandre Dumas (1853-1857), Liège, Bibliothèque de la faculté de philosophie et lettres de l’université de Liège.
14 Sarah Mombert a défini le journalisme d’Alexandre Dumas comme relevant de la « presse des personnalités », qui « rassemble les journaux qui fondent leur succès sur la renommée artistique de leurs animateurs, en organisant de véritables campagnes de communication autour d’eux » (Mombert Sarah, 2009, « Alexandre Dumas : le journal, kaléidoscope du moi écrivant », Études littéraires, vol. 40, n° 3 Penser la littérature par la presse [édité par Pinson Guillaume et Prévost Maxime], p. 87-100).
15 Philibert Audebrand écrit ainsi à propos du Mousquetaire : « Faire amusant, il n’avait pas d’autre règle » (Audebrand Philibert, 1888, Alexandre Dumas à la Maison d’or : souvenirs de la vie littéraire, Paris, Calmann Lévy, p. 303.)
16 Dumas Alexandre, 8 mars 1854, « Causerie avec mes lecteurs », Le Mousquetaire, n° 107, p. 1.
17 Voir par exemple la causerie du 28 novembre 1853.
18 Dumas justifie la longueur de l’analyse par le fait que les autres journaux ne rendront sans doute pas compte de la pièce.
19 Dumas Alexandre, 15 janvier 1854, « Revue dramatique, Théâtre-Français », Le Mousquetaire, n° 56, p. 2.
20 Dumas Alexandre, 6 janvier 1854, « Causerie avec mes lecteurs », Le Mousquetaire, n° 47, p. 1.
21 Si le statut de vulgarisateur de l’histoire de France lui est acquis par ses romans, Dumas n’aura de cesse de se poser, dans ses articles, en vulgarisateur de l’écriture et de l’histoire littéraires. Cf. Mombert Sarah, 2003, « Apprendre l’histoire au peuple : Alexandre Dumas vulgarisateur », in Arrous Michel (dir.), Alexandre Dumas, une lecture de l’Histoire, Paris, Maisonneuve et Larose.
22 Mombert Sarah, « Le chevalier blanc de la critique littéraire », in Durand Pascal et Mombert Sarah (dir.), Entre presse et littérature, op. cit., p. 81-98.
23 Voir la causerie du Mousquetaire, n° 16, 5 décembre 1853, p. 1. Cette causerie sera reprise en tête du recueil de Causeries d’Alexandre Dumas, publié en 1860.
24 Lyon-Caen Judith, 2006, La lecture et la vie. Les usages du roman au temps de Balzac, Paris, Tallandier.
25 Galvan Jean-Pierre (éd.), 1998, Les Mystères de Paris. Eugène Sue et ses lecteurs, Paris, L’Harmattan.
26 Au sujet de la célébrité et de la visibilité de l’artiste au xixe siècle, voir Heinich Nathalie, 2012, De la visibilité. Excellence et singularité en régime médiatique, Paris, Gallimard ; et Lilti Antoine, 2014, Figures publiques. L’invention de la célébrité, 1750-1850, Paris, Fayard.
27 Dumas Alexandre, 26 février 1854, « Causerie avec mes lecteurs », Le Mousquetaire, n° 98, p. 1.
28 Voir l’ouvrage Cahiers Alexandre Dumas, n° 26 Alexandre Dumas, de conférence en conférence, 1999, p. 370-373.
29 Larousse Pierre, 1867-1890, « Causerie », in id., Grand dictionnaire universel du xixe siècle, Paris, Larousse, p. 627.
30 Le Moustiquaire annexé au Tintamarre, 5 février 1854
31 Scholl Aurélien, 8 avril 1858, « Le Mousquetaire. Journal d’Alexandre Dumas », Le Figaro, n° 54, p. 3, repris dans id., 1863, Scènes et mensonges parisiens, Paris, Michel Lévy frères, p. 149.
32 Le Tintamarre, 8 octobre 1854, p. 1.
33 Dumas Alexandre, 4 août 1854, Le Mousquetaire, n° 253, p. 1.
34 Voir les précisions de Sarah Mombert sur le contexte socioéconomique de l’art au xixe siècle, dans son article « Alexandre Dumas : le journal, kaléidoscope du moi écrivant », art. cit.
35 Dumas Alexandre, 1er février 1854, « Causerie avec mes lecteurs », Le Mousquetaire, n° 73.
36 « Mon cher directeur, si je n’ai pu en arriver encore à ma correspondance dans l’article d’hier, c’est que, quand je me mets à causer avec vous, je sais bien quand la causerie commence, mais je ne sais pas quand elle finit » (Le Petit Journal, 1er novembre 1864).
37 Dumas Alexandre, 21 novembre 1853, « Causerie avec mes lecteurs », Le Mousquetaire, n° 2.
38 Hugo répond à Dumas dans le poème qu’il lui dédie dans Les Contemplations (livre ve, 15) :
« Merci du bord des mers à celui qui se tourne
Vers la rive où le deuil, tranquille et noir, séjourne,
Qui défait de sa tête, où le rayon descend,
La couronne, et la jette au spectre de l’absent,
Et qui, dans le triomphe et la rumeur, dédie
Son drame à l’immobile et pâle tragédie ! »
39 Dumas Alexandre, 8 novembre 1864, « Chronique iv », Le Petit Journal, p. 2.
40 À propos du courrier des lecteurs du Mousquetaire, voir Mombert Sarah, 2012, « La boîte aux lettres du Mousquetaire, journal d’Alexandre Dumas (1853-1857) » [En ligne], in Pinson Guillaume (dir.), La lettre et la presse : poétique de l’intime et culture médiatique, URL : <http://www.medias19.org/index.php?id=333>.
41 Le Petit Journal, 26 octobre 1864.
42 Dumas Alexandre, 5 janvier 1854, « Causerie avec mes lecteurs », Le Mousquetaire, n° 46.
43 Dumas Alexandre, 1865, Bouts-rimés, Paris, Librairie du Petit Journal, p. i.
44 Voir la citation supra.
45 Le Petit Journal, 1er novembre 1864.
46 Le Petit Journal, 1er décembre 1864, p. 3.
47 Timothée Trimm rend d’ailleurs compte d’un volume d’autographes en première page du journal le 30 novembre 1864.
48 Le Passe-temps : journal de l’entracte, 25 décembre 1864, p. 1. Attaqué par des contemporains sur les questions de mercantilisme littéraire, Alexandre Dumas a répondu aux accusations visant les Bouts-rimés en publiant une lettre de son imprimeur montrant qu’il s’agissait là d’une « mauvaise spéculation », le 31 décembre 1864.
Auteur
Sandrine Carvalhosa, ancienne élève de l’ENS de Lyon, est agrégée de lettres et membre du RIRRA 21 (université Paul-Valéry, Montpellier 3). Elle est l’auteure d’ une thèse intitulée La causerie au <span style="font-variant:small-caps;">xix</span><sup>e</sup> siècle. Les voix d’une écriture médiatique. Ses travaux portent sur la presse au <span style="font-variant:small-caps;">xix</span><sup>e</sup> siècle, et plus spécifiquement sur l’influence de la forme conversationnelle sur l’écriture journalistique. Elle a publié plusieurs articles portant sur des écrivains-journalistes (Alexandre Dumas, Théophile Gautier, Jules Vallès, Émile Zola), et a participé à l’édition des articles de critique dramatique d’Alexandre Dumas (publiés dans les Cahiers Alexandre Dumas, n° 42).
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