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La vache et le territoire
p. 63-76
Texte intégral
1Les ateliers interdisciplinaires initiés par Maxime Kaci sur la question des frontières sont pour moi l’occasion de revisiter des travaux relatifs, d’une part, à un conflit social né au sein de la société des éleveurs comtois dans les années 1970 (Jacques, 1986) et, d’autre part, à des recherches plus contemporaines sur la transmission des savoirs professionnels (Jacques-Jouvenot et Vieille Marchiset, 2012). Des travaux plus récents sur l’élevage en France et en Suisse (Droz, Mieville-Ott, Jacques-Jouvenot et Lafleur, 2014) nous invitent également à la comparaison transfrontalière. La relecture de ces travaux sous le prisme de la frontière nous a conduits à réinterroger la place des savoirs techniques liés à l’animal dans la culture professionnelle des éleveurs francs-comtois et vaudois. En effet, nous constatons que malgré une grande parenté de pratiques professionnelles entre ces deux groupes d’éleveurs, trente ans après les conflits liés à l’animal des deux côtés de la frontière, la vache montbéliarde ne jouit pas dans l’espace suisse du statut culturel qu’elle occupe sur le territoire comtois.
2Nous faisons donc l’hypothèse qu’il y a, dans la sélection animale, une dimension collective des savoirs techniques chez les éleveurs comtois qui construit une identité culturelle et territoriale. En d’autres termes, à l’instar de Régis Debray, nous dirons que l’animal « fait culture » (Debray, 2002). Nous entendons par là que l’animal n’est pas seulement un outil de travail mais le produit de la capacité des éleveurs à s’organiser collectivement ainsi que de leur compétence à faire territoire. Nous préférerons une approche territorialisée du changement technique localisé. L’animal traduit des formes concrètes d’être ensemble. Cette spécificité collective des savoirs de l’élevage s’enracine dans des expériences concrètes de solidarité territoriale qui dépassent les limites de la sélection animale. Par comparaison, nous pensons que les savoirs des éleveurs vaudois ne résultent pas de la mise en œuvre de pratiques collectives. Ainsi, pour les Vaudois, les savoirs professionnels ne réussissent pas à construire un groupe professionnel local (Darré, 1985) qui fasse sens dans un territoire culturel donné. Nous explorons donc, dans cet article, les liens existants entre une société d’élevage, une race animale et un territoire, étant entendu que ces états ne sont pas figés mais évoluent avec le temps.
I. Au commencement était la vache rouge et blanche
3La vache montbéliarde et les savoirs techniques qui accompagnent son histoire sont au cœur de mon propos. Si l’on en croit les chercheurs, cette histoire commence en Suisse (Vernier 1953 ; Boichard, 1977 ; Jacques, 1986 ; Birgy, 2014). La vache montbéliarde trouve son origine dans le canton de Berne et ses nombreuses migrations en Franche-Comté dans le pays de Montbéliard s’expliquent en partie par les périodes d’exil forcé des populations anabaptistes hors de Suisse dès le xvie siècle jusqu’à son installation définitive en Franche-Comté à la fin du xixe siècle (Birgy, 2014). C’est en Franche-Comté que la montbéliarde obtient sa reconnaissance officielle en 1889 (Jacques, 1989) même si, jusqu’à la seconde moitié du xixe siècle, la race animale importe peu pour les éleveurs francs-comtois. Des tauraches et des fémelines paissent sur les pâturages comtois sans que les troupeaux marquent le territoire de façon distinctive par rapport aux régions limitrophes. La mise en place du processus de sélection animale amorcée à la fin du xixe siècle va tout changer. En se spécialisant dans la production laitière, les paysans francs-comtois fabriquent un animal qui devient le cœur du système de production et qui différencie ces populations des autres groupes d’éleveurs. L’élaboration d’un standard de la race sur la base de critères morphologiques de l’animal érigés en référence par les sélectionneurs participe à créer une homogénéité des troupeaux de vaches rouges et blanches. Ces troupeaux définissent des limites spatiales et culturelles visibles et repérables par chacun : la Franche-Comté. Il en découle une communauté de pratiques et de valeurs professionnelles faite d’un rapport au temps, au territoire, mais aussi d’un rapport au monde qui autorise à parler de culture commune. La sélection bovine et les dispositifs qui l’accompagnent s’inscrivent dans une histoire longue, faite d’innovations empiriques et scientifiques, portées d’abord par des pionniers, les éleveurs sélectionneurs, suivis petit à petit par l’ensemble des éleveurs francs-comtois dans leur exploitation pour aboutir à la construction d’une communauté professionnelle.
1. Des savoirs profanes individuels aux savoirs collectifs : de l’exploitation au territoire
4Jusqu’à la fin du xixe siècle, les bovins ne sont pas élevés en raison de leur appartenance à une race ou à une autre mais pour leur capacité à produire le lait nécessaire pour assurer de quoi vivre aux éleveurs et à la population sur le territoire. L’objectif de la sélection animale est d’obtenir des animaux de plus en plus performants en production laitière dès la fin de xixe siècle qui voit naître la spécialisation dans l’élevage, une spécialisation dans laquelle la Franche-Comté est très vite engagée. Quels sont alors les critères sur lesquels repose la sélection des animaux ? Outre la question de la production laitière, celle-ci s’opère d’abord sur les caractères morphologiques, visibles de l’animal. Il s’agit de construire une sorte de taxinomie qui distingue le bel animal du laid, le bon reproducteur de celui dont il faut se débarrasser. Mener à bien ce classement suppose donc en premier lieu l’élaboration de critères esthétiques – forme de la tête, couleur, distribution des tâches sur la robe – de façon à produire un animal qui fonctionne comme un modèle à atteindre pour les éleveurs. Ce savoir de l’éleveur dérive des rapports étroits que chacun entretient avec ses animaux et de la transmission de ces attitudes aux jeunes générations d’éleveurs, qui considèrent leurs aînés comme des référents. Le savoir de l’éleveur est donc avant tout une capacité à connaître son troupeau en regardant, repérant, touchant les animaux, dans le but d’obtenir des animaux qui approchent le standard de la race défini par les éleveurs sélectionneurs. L’élite professionnelle locale composée de quelques familles du haut Doubs, région frontalière avec la Suisse, se charge de la définition de cette norme professionnelle qui s’impose à l’ensemble des éleveurs et s’emploie à vulgariser le modèle pour convaincre les éleveurs les plus réfractaires d’adopter cette norme technique. L’éleveur détient ce savoir empirique au niveau de son troupeau. Il s’agit de le transformer en norme collective. Cette compétence individuelle se change en norme collective à partir du moment où les éleveurs-sélectionneurs s’en emparent pour inciter à la comparaison des pratiques individuelles et faire de ces signes extérieurs de l’animal, des caractères distinctifs de la race. C’est la mise en commun des informations relatives à chaque troupeau et leur comparaison qui enclenche le travail collectif des éleveurs francs-comtois. Cette modification entraîne un changement d’échelle territorial. Le savoir appliqué au troupeau de chaque exploitation, dans chaque village, devient un savoir partagé au niveau du canton et du département. C’est ainsi qu’apparaît le groupe technique local. Si l’on suit Henri Mendras sur sa conception de l’innovation, on dira que les éleveurs, sur leurs conseils, imitent les pratiques des pionniers (Mendras et Forse, 1983). Les suiveurs participent ainsi à ce qu’ils considèrent être une mission collective. Les critères tels que la forme, la couleur contribuent à la production d’un troupeau homogène, tant pour les éleveurs que pour les autres dans un espace géographique délimité, la Franche-Comté. Cette adhésion des éleveurs à ce projet développe leur sentiment d’appartenance au groupe et renforce leur distinction dans le monde de l’élevage. La vache rouge et blanche occupe le territoire franc-comtois en lui imprimant sa couleur.
5Cette nouvelle norme technique produit des savoirs nouveaux et ne peut s’imposer sans la mise en place d’institutions pérennes (Debray, 1990). C’est ainsi que les sélectionneurs se dotent d’institutions, telles que le syndicat des éleveurs ou encore, autre outil de vulgarisation, le Herd-Book Montbéliard, livre généalogique de la race qui permet de rassembler au même endroit l’ ensemble des informations relatives aux caractéristiques des animaux élevés sur les exploitations individuelles, et qui permet de les comparer.
6Ce début d’institutionnalisation du processus technique de sélection est décisif dans la mesure où, en rendant possible la transmission des informations relatives aux troupeaux individuels, il permet une accumulation de ces connaissances et rend ainsi possible la comparaison et la mise en relation des qualités des reproducteurs et des performances laitières des animaux de la génération suivante. Plus nombreux sont les éleveurs qui adhérent à cette centralisation des informations, plus faciles sont la comparaison et la validation de ces résultats au niveau du territoire. L’aventure collective repose donc sur un processus de conviction du bien-fondé de la sélection et de son intérêt tant pour la préservation de ce qui apparaît alors comme le bien commun – la connaissance –, que pour celle du bien individuel – l’amélioration du revenu des éleveurs grâce à de meilleures performances de leurs troupeaux. La sélection de l’animal n’est possible que grâce au concours de tous les éleveurs qui, en partageant des résultats et en les comparant, mettent en œuvre des savoirs empiriques et se sentent alors appartenir à un même groupe professionnel local (Darré, 1985).
7Ces savoirs collectifs ne sont pas les premiers du genre dans cette région d’herbage et de franches montagnes où existe déjà une organisation coopérative de la production et de la transformation du lait en fromage dans des fruitières à comté. Ces coopératives qui fabriquent un fromage dont la taille (42 kg pour 500 litres de lait en moyenne) rend difficile la fabrication fermière et oblige au mélange des laits de troupeaux appartenant à des éleveurs différents. Cette pratique commune qui résulte d’une nécessité économique est une expérience de la dépendance des éleveurs comtois les uns par rapport aux autres. Dépendance relative à la qualité de leur production laitière donc au respect des normes professionnelles qui s’imposent à chacun. Le mélange des laits exige le respect des normes par chacun, de là dépend la réussite de tous, c’est-à-dire le revenu de chacun basé sur le prix du fromage commercialisé. Le fromager, seul salarié de l’association fruitière est lui aussi rémunéré en fonction de la plus ou moins bonne qualité du fromage (Guigon, 1996). Cette particularité du lien professionnel oblige à l’exercice d’une solidarité économique, sociale et morale. Cette expérience collective de travail fonctionne sur un système de confiance réciproque dans l’espace professionnel. On peut penser que les pratiques collectives que l’on retrouve dans la compétence des professionnels à organiser et contrôler leur travail par un outil collectif comme celui de la fruitière facilitent la mise en place de la sélection animale. L’ensemble des connaissances empiriques et génétiques, l’ensemble des savoirs élaborés collectivement et liés à l’animal s’inscrivent dans une cohérence du système de production franc-comtois qui repose alors sur le triptyque suivant : système fourrager/montbéliarde/fruitière à comté. La sélection de la vache montbéliarde est donc dès ses débuts une aventure collective. L’institutionnalisation de ces actes techniques permet aux éleveurs de mettre en œuvre les moyens de la transmission de ces savoirs locaux car « il n’y a pas de mémoire vivante sans le support d’une institution vivante » (Debray, 2002, p. 33). C’est ainsi que de génération en génération d’éleveurs se transmettent non seulement le savoir de l’éleveur qui renvoie à l’univers de la connaissance, mais également des manières de faire au service de tous et de chacun qui renvoient au monde des relations sociales.
2. La coproduction des savoirs scientifiques et empiriques : une lutte pour maintenir la souveraineté territoriale des éleveurs
8Le début du xxe siècle est riche en événements relatifs au savoir génétique. Si les données empiriques accumulées par les éleveurs sont d’une grande richesse, la génétique offre des possibilités de sélection, dès le début du siècle, qui modifient les pratiques professionnelles. Cette période est marquée par la naissance de deux disciplines liées à la biologie : la biochimie et la génétique. Les lois sur l’hérédité de Gregor Mendel1 font la preuve que seuls les caractères extérieurs des animaux ne suffisent pas à maîtriser le processus de reproduction des animaux et que certaines données génétiques participent à la reproduction des caractères d’une population animale donnée dans les générations suivantes. De nouveaux acteurs apparaissent sur le territoire de l’élevage disputant la maîtrise de celui-ci aux éleveurs. Le contrôle laitier qui débute dans les années 1920 permet d’évaluer le savoir-faire des éleveurs en matière de sélection laitière, appelé l’effet génétique, et de conduite de leurs troupeaux, effet du milieu ou effet d’élevage. Du côté des experts, comme l’avait bien compris Bertrand Vissac « la justification sociale de cette approche technique repose sur le postulat que le changement technique découle nécessairement du progrès technique qui doit se traduire positivement sur le revenu » (Vissac, 2002, p. 359). Si les éleveurs comprennent rapidement la nécessité des contrôles quantitatifs, qui sert l’évaluation globale qu’eux-mêmes font de leurs animaux, ils acceptent beaucoup moins bien les contrôles qualitatifs parce que ceux-là sont l’affaire de techniciens porteurs de savoirs exogènes au groupe donc a priori illégitimes pour les éleveurs. Le contrôle technique est vécu comme un contrôle de l’activité de travail par des gens qui se prennent pour des experts ! Cependant, même si la vache du technicien n’est pas celle de l’éleveur (Darré, 1985) et que chacun agit en fonction de son propre univers cognitif et des formes différentes de connaissance et de relation à l’animal, chacun doit coopérer et engager le dialogue en partageant et traduisant lorsqu’il est nécessaire, leurs expériences diverses de l’animal.
Le vouloir vivre-ensemble ne se passe pas seulement dans la tête : ou plutôt ce qui se passe à cet égard dans la tête dépend de l’état des arts et métiers, eux-mêmes dépendant de l’état des sciences (Debray, 2002).
9Cette coopération nécessaire entre ces deux groupes d’acteurs n’en est pas moins traversée par des conflits plus ou moins rudes. Bien que les savoirs « savants » contribuent à augmenter le revenu des éleveurs et favorisent leur reconnaissance dans le système d’élevage sur le territoire français, les éleveurs ont le sentiment d’être dépossédés de leurs savoirs locaux donc de perdre du pouvoir sur le territoire de l’élevage.
10L’innovation de l’insémination artificielle, à partir des années 1950, révolutionne le rapport des éleveurs au savoir. Les savoirs profanes qui consistaient à sélectionner les animaux sur la couleur, les caractères extérieurs de l’animal, font place à des savoirs génétiques, en partie transmis par les chercheurs, mais largement expérimentés par les éleveurs2. En appliquant des méthodes issues de l’univers scientifique, les éleveurs permettent une avancée rapide des connaissances mais d’autre part, disqualifient une partie de leurs savoirs empiriques. La souveraineté territoriale des éleveurs est à la fois mise en question et renforcée par la présence de ces nouveaux acteurs techniques (Freidson, 1986). En 1955-1960, l’implantation des centres d’insémination artificielle (CEIA) est un enjeu fondamental au sein de la société des éleveurs dans la mesure où il pose un problème de pouvoir et de mise en question de l’élite locale des éleveurs sélectionneurs. En effet, cette innovation technique permet aux éleveurs d’accéder à un grand choix de reproducteurs pour l’amélioration de la production de leurs vaches laitières. Ces choix apparemment techniques sont, pour cette raison, des choix sociaux car ils touchent à l’organisation même de la société des éleveurs. En effet, les éleveurs du haut Doubs, « l’aristocratie bovine » qui fait commerce des taureaux reproducteurs dont elle est propriétaire au début du siècle, se voient concurrencés par cette innovation que représente alors le testage des animaux sur leur descendance, mis en œuvre dans les centres d’insémination. Cette innovation représente un moyen de démocratisation du processus de sélection bovine. Les éleveurs sélectionneurs locaux sont donc, dans un premier temps, opposés à cette innovation qui met en question leur position dans la hiérarchie locale. Cette opposition ne durera pas et très vite son adoption par la majeure partie des éleveurs contribuera, en renforçant les normes de sélection, à faire de l’animal un critère identitaire fort. L’engagement collectif constant des éleveurs à l’amélioration des performances des troupeaux, qui dure depuis plus d’un siècle, met la vache montbéliarde au cœur d’une identité culturelle forte. Le rouge et le blanc fonctionnent alors comme un signe de reconnaissance et d’appartenance territoriale.
II. Une culture locale mise en danger par des conflits intraterritoriaux
1. Innovation technique et système de production traditionnel
11La vache montbéliarde est au cœur du système de production local. Ce dernier, nous l’avons dit, se caractérise par le triptyque technique : foin/montbéliarde/comté. Dans les années 1970, ce système de production est fragilisé une première fois par la possibilité donnée aux éleveurs de remplacer le foin par l’ensilage : technique fourragère qui permet des modes d’exercice du travail plus faciles, une augmentation du rendement laitier et des pratiques de récolte moins soumises à la météo. Cette innovation technique qui permet aux éleveurs de gagner en indépendance, notamment par rapport à la météo, est séduisante. Mais cette pratique fourragère est interdite par la charte de fabrication du comté. À cette période, choisir l’ensilage, c’est choisir de quitter le groupe professionnel des éleveurs et par voie de conséquence choisir d’abandonner la solidarité qui fonde les rapports sociaux locaux au profit de l’individualisme professionnel : le territoire de l’exploitation au détriment du territoire collectif local. C’est donc s’affranchir des normes collectives professionnelles au prix d’une mise en danger du reste de la communauté locale. En effet, le départ d’un seul membre de la coopérative, fruitière à comté, se traduit immédiatement par une baisse de production de lait qui s’avère quelquefois fatale à la survie de la structure collective. De nombreux ateliers fromagers ont disparu dans les années 1980 et les sociétaires restant ont dû faire preuve d’inventivité et de patience pour maintenir certaines d’entre elles en vie.
12On comprend aisément que la proposition d’infusion de sang holstein dans le troupeau montbéliard qui survient quelques années plus tard ait suscité tant d’émoi dans la communauté et conduit au conflit que nous avons naguère analysé (Jacques, 1986). En effet, la holsteinisation des troupeaux reposait à nouveau le problème de la cohérence du système. Cette fois, il ne s’agissait plus des pratiques fourragères mais de l’exigence de travailler en race montbéliarde. Il est en effet interdit par la charte du comté de fabriquer ce fromage avec du lait autre que celui provenant de vaches pie rouge. Le changement de race, de la montbéliarde au croisement holstein/montbéliard, induisait, de fait, un effet système. L’infusion de sang holstein sur le troupeau de race montbéliarde remettait en cause l’équilibre du système de production technique. D’un système articulé sur les trois éléments foin/montbéliarde/comté, on s’acheminait, par le croisement à une redéfinition ensilage/holstein/montbéliard/lait. Mais cette innovation technique interrogeait surtout la solidarité professionnelle qui découle du travail des sélectionneurs et de sa transmission, solidarité qu’il faut comprendre comme le résultat de « la coexistence du passé, du présent et de l’avenir » (Debray, 2002, p. 17). En même temps qu’ils défendaient le maintien de la vache montbéliarde, les défenseurs de la race défendaient le système de production traditionnel ainsi qu’un certain mode d’être ensemble !
2. Des frontières professionnelles intraterritoriales mises en cause par une « vraie fausse identité » rouge et blanche3
13La proposition de croisement holstein/montbéliard faite aux éleveurs francs-comtois sonne comme une mise question des formes concrètes du travail collectif. Cette proposition ministérielle interroge la culture professionnelle lentement édifiée au long du xxe siècle dans la société locale et donne lieu au conflit que nous avons étudié en 1980, conflit qui conduit à une redéfinition des frontières professionnelles. En effet, l’homogénéité des troupeaux et du système de production, l’organisation de l’espace villageois, la structuration de l’espace de production et de sociabilité autour de l’animal et de la fruitière à comté donne de la cohérence à la culture locale. Ainsi nous l’avons dit, l’éleveur qui déroge à l’un des critères qui fonde le système de production traditionnel perd une part de son identité professionnelle et n’est plus reconnu comme appartenant au groupe. L’abandon de la race montbéliarde au profit d’une autre met en question définitivement la cohérence du système et atteste de la force de l’animal comme repère identitaire. Certains éleveurs jurassiens regroupés derrière leur leader Émile Richème – d’où leur nom de richémistes – se donnent pour objectif la sauvegarde de cette culture locale. La force du conflit va, dans un premier temps, donner lieu à une fracture du groupe professionnel en trois sous-groupes et à la construction d’identités plurielles leur correspondant :
Les éleveurs qui sont favorables au croisement holstein développent une idéologie professionnelle proche de celle du chef d’entreprise, dans laquelle le travail est pensé en termes de salaire et de rentabilité. Il s’agit de produire plus, de gagner plus, ce qui définit un nouveau et plus distant rapport à l’animal, choisissant des techniques de production plus conformes à l’idéologie de progrès de la profession qui se caractérise par un abandon de la culture locale. S’ensuit l’utilisation de circuits économiques, techniques et sociaux différents des autres éleveurs.
Les éleveurs qui maintiennent le système traditionnel, restés fidèles à l’animal vache montbéliarde, favorables au croisement tout en proclamant leur opposition au fait qu’ils portent atteinte à la vache donc à la culture locale. Ils considèrent que tant que la couleur de l’animal reste rouge et blanche, ils n’ont pas perdu leur identité. Ils considèrent que même s’ils croisent leurs animaux, ils restent fidèles au mode de vie en conformité avec les valeurs et les normes de l’organisation locale.
Et enfin les éleveurs « richémistes » : eux, ne se contentent pas de se positionner contre le croisement mais ils s’organisent, engagent une action collective et revendiquent le statut de défenseurs de la vache montbéliarde et de la culture locale. Différents du second groupe, les richémistes ajoutent à la volonté de continuer à travailler en montbéliarde une dimension de lutte par l’action collective contre les éleveurs du second groupe qu’ils n’hésitent pas à désigner comme des traîtres à la culture locale.
14Il est remarquable que ce conflit trouve ses fondements dans les arguments professionnels. Lutte collective et savoir-faire enferment le groupe sur lui-même et le place en marge des éleveurs de la région. La notion de territoire prend ici tout son sens puisque ce nouveau groupe social définit des limites nouvelles à partir de pratiques professionnelles et de valeurs nouvelles. À sa manière, ce dernier groupe différencie le sacré du profane (Durkheim, 2008 [1912]), le bon du mauvais éleveur et tente de définir ainsi de nouvelles normes identitaires et de nouveaux rites d’initiation professionnels. Ce n’est en effet qu’une tentative dans la mesure où, même si les frontières professionnelles bougent, le conflit n’a donné lieu qu’à un éclatement momentané du groupe professionnel local. La mort de son leader signe vingt ans plus tard la disparition de l’efficacité du groupe, même si l’engagement de ces éleveurs dans le groupe dissident porte encore les marques de son histoire dans les générations actuelles (Doidy, 2008).
III. La vache et le territoire suisse
15Les éleveurs vaudois ne sont pas absents de l’histoire des conflits liés à la sélection de la race montbéliarde. Certains d’entre eux partagent, avec les richémistes, cette culture de dissidents et de résistants face à la domination des directives de l’administration de l’agriculture aussi bien suisse que française. Cette posture est revendiquée de part et d’autre de la frontière par les leaders de ces deux groupes, Émile Richème4 pour les Francs-Comtois et Édouard Benoist à la tête d’un groupe d’éleveurs vaudois. Cette action collective transnationale qui s’exprime dans cette pratique de sélection révèle l’importance accordée à l’animal dans ces deux sociétés. Dans les années 1960, ce sont les Vaudois qui, soucieux de bénéficier des connaissances génétiques, trouvent en la personne du leader franc-comtois dissident, Émile Richème, un promoteur de l’insémination artificielle bovine. Cette pratique est alors interdite en Suisse. C’est pour cette raison qu’un groupe d’éleveurs vaudois s’organise et tente de se procurer des semences de taureaux montbéliards auprès des Francs-Comtois. Pour cela, certains Vaudois passent la frontière jurassienne en pleine nuit et de façon tout à fait illégale, en quête du précieux butin ! Édouard Besnoit, le leader vaudois, dans son ouvrage, Histoire de la guerre des vaches, justifie cette transgression territoriale, par une volonté d’innovation des éleveurs suisses qui nécessite « d’aller voir de l’autre côté de la frontière dans un souci d’amélioration des pratiques locales » (Besnoit, 1986, p. 20). Cette transgression de frontière sera identique, mais dans l’autre sens, quelques années plus tard, lorsque les richémistes luttent contre les autorités agricoles françaises. Ils passent, eux aussi, à plusieurs reprises, illégalement la frontière. Accusés de transgresser la loi sur l’élevage de 1966, en procédant à des inséminations « sauvages », les éleveurs sollicitent de leurs collègues suisses une complicité pour dissimuler l’objet du conflit : taureaux montbéliards et paillettes de semences ! Au-delà de l’anecdote, il me semble que l’on peut faire l’hypothèse que cette histoire révèle quelque chose des minorités franc-comtoise et vaudoise dans leur rapport au pouvoir et à leur capacité d’engagement. D’abord, le souci commun de participer au développement de la sélection et des performances de leurs troupeaux se fait par la circulation d’animaux mais aussi de personnes en transgressant la frontière franco-suisse. Les comportements politiques des uns et des autres traduisent une revendication d’autonomie des professionnels sur leurs exploitations, dans une relative insoumission à l’autorité politique. Cette insoumission résulte selon les richémistes d’une absence de confiance dans les organisations agricoles et dans le pouvoir politique. Position qu’ils partagent avec Édouard Besnoit :
Ce qu’il y a d’obsédant dans le secteur laitier, c’est le carcan imposé par les fédérations et la division de l’agriculture, c’est cette interdiction pour le producteur de lait d’ouvrir sa fenêtre sur l’étranger et de se préparer dans un avenir proche à être compétitif sur le plan européen (Benoist, 1986, p. 20).
16Ces attitudes nous renseignent sur le rapport entretenu par le groupe avec le pouvoir et avec l’État. Cette parenté de comportement, de part et d’autre de la frontière nous apparaît aujourd’hui comme une piste de réflexion possible. Alors que l’animal peut apparaître comme un signe de fermeture du groupe, il fonctionne ici plutôt comme un moyen d’ouverture hors des frontières nationales :
Qu’aurions nous fait, dit E. Besnoit, sans les Français, nous, pauvres orphelins détestés des responsables de notre élevage, enlisés dans la contemplation d’un passé sclérosé […]. Richème a été pour nous un parrain formidable… (ibid., p. 20).
17Alors que l’administration du territoire local est décrite comme étrangère aux éleveurs vaudois, le leader franc-comtois bénéficie même du vocable familial – le parrain – dans la bouche de ses partenaires suisses, c’est dire la proximité revendiquée par les éleveurs, proximité qui n’a que faire de la frontière administrative.
18Cet épisode de transgression frontalière à double sens et à deux moments différents de l’histoire, interroge. En effet, dans les deux cas, les éleveurs dissidents au sein de leur groupe d’appartenance conduisent des actions collectives illégales, au nom de la sauvegarde et de l’amélioration des troupeaux. Pourtant trente ans plus tard, nous constatons que la vache montbéliarde défendue comme un totem par les uns et les autres ne réussit pas, côté vaudois, à « faire culture ». D’où notre hypothèse révélée par cet exemple : une des différences essentielles entre les deux cultures professionnelles concerne les formes collectives du travail.
1. La dimension collective absente des pratiques professionnelles vaudoises
19Cette différence liée au caractère collectif du travail et des pratiques professionnelles se retrouve dans les enquêtes comparatives plus récentes que nous avons conduites avec nos collègues suisses relativement à l’engagement sociétaire des éleveurs dans les structures et le travail (Droz, Mieville-Ott, Jacques-Jouvenot et Lafleur, 2014). En effet, la comparaison de deux terrains, l’un en Suisse romande (canton de Vaud, Jura suisse, Neuchâtel et Berne) et l’autre en Franche-Comté, a permis de déterminer des éléments de comparaison relatifs à ces éleveurs romands et jurassiens, mais surtout de saisir une différence essentielle. Alors que les populations ont en partage des pratiques professionnelles proches qui ont permis l’expression d’une solidarité dans les années 1960-1970, leur ressemblance n’est pas confirmée dans leur rapport au travail et notamment du point de vue des pratiques collectives. L’histoire de l’animal traduit l’existence d’une culture franc-comtoise construite dans un temps long. Le poids de la culture supplante alors la dimension technique des pratiques professionnelles ce qui n’est pas le cas en pays vaudois. Prenons cependant la précaution recommandée par Richard Weiss lorsqu’il insiste sur le fait que les traits culturels sont « comme des bouchons flottant sur l’eau et dérivant au gré de l’intensité des torrents » (Bromberger et Morel, 2001). En d’autres termes, ne figeons pas la culture qui se transforme en se transmettant. Ainsi, en Franche-Comté, les structures sociétaires sont très nombreuses ce qui, on peut en faire l’hypothèse, est en partie lié à la mémoire sociale des structures communautaires anciennes sur le territoire. Les exploitations individuelles qui représentent 55,8 % des exploitations totales diminuent au profit des GAEC (26 %) – groupement agricole d’exploitation en commun – et (16 %) en EARL (exploitation à responsabilité limitée). En revanche en pays vaudois, les structures sociétaires sont très rares, 95 % des EA (exploitations agricoles) suisses sont installées en raison individuelle et 5 % en société simple (les associés sont alors propriétaires des biens et des créances de la société). Le recours aux coopératives d’utilisation du matériel agricole (CUMA) ou aux coopératives d’utilisation de la main-d’œuvre (CUMO) est très fréquent en Franche-Comté. Ce service n’existe pas en Suisse et il est très rare que les exploitants suisses s’associent, qu’il s’agisse du partage des tâches, du matériel ou des profits. Si cela arrive, c’est plutôt sous une forme souple et changeante. Le recours au service de remplacement est rare. Ainsi le travail relève en Suisse presque exclusivement de la famille (Droz, Mieville-Ott, Jacques-Jouvenot et Lafleur, 2014).
2. Individualisme familial ou pratiques collectives : une histoire de religion ?
20L’absence de pratiques collectives en Suisse constatée dans la période contemporaine ainsi que cet individualisme familial n’est pas sans rappeler une autre culture qui s’oppose à la culture coopérative franc-comtoise. Nous la retrouvons chez les anabaptistes, ces éleveurs chassés de Hollande puis de Suisse, les anabaptistes mennonites émigrent avec familles et troupeaux au xviiie siècle vers Neuchâtel et surtout vers la principauté de Montbéliard où ils se voient confier l’exploitation de fermes, protégés par les princes de Württemberg (Jacques, 1989). Dans cette migration, les anabaptistes transportent, comme l’a bien décrit Odile Birgy, des manières de faire, de sélectionner et de travailler qui leur sont propres et qui sont reconnues par chacun (Birgy, 2014). La reconnaissance de la race montbéliarde qui viendra en 1889 n’est que la consécration de leur travail et de leurs grandes qualités de sélectionneur et d’éleveur (Jacques, 1989). Ils portent en eux une éthique qui exige des pratiques individuelles et une clôture du groupe sur lui-même (isolement géographique, autonomie des pratiques et de la vie sociale). Or parallèlement, selon Odile Birgy, les anabaptistes sont férus de nouvelles technologies dans lesquelles ils investissent beaucoup. Cette attitude leur confère une réputation de premier ordre quant aux performances de leurs troupeaux sur chacune des exploitations individuelles. On peut penser que leur éthique protestante les oblige à un certain ascétisme et les conduit à s’effacer devant les éleveurs du haut Doubs, de tradition catholique, qui se chargent de la vulgarisation des réussites professionnelles locales sur le territoire national et en tirent un certain bénéfice. Ces pratiques sont en accord avec des manières de voir le monde liées à l’éthique protestante telle que Max Weber nous la propose (Weber, 1965 [1905]). Ceci nous invite à faire l’hypothèse que l’individualisme familial que l’on rencontre aujourd’hui chez les éleveurs suisses s’apparente à la résurgence d’une histoire marquée cette fois par la religion protestante.
21Nous avons précédemment relié le rapport à l’animal et la présence des fruitières en Franche-Comté en soulignant l’importance de cette dernière dans l’apprentissage des comportements collectifs. Or, on peut dire que la fruitière n’est pas une spécificité territoriale franc-comtoise. En effet, en pays vaudois, ces structures sont présentes depuis la fin du xviie siècle. Et d’un côté comme de l’autre de la frontière, c’est de la nécessité économique que naît la solidarité professionnelle. Pourquoi donc ces structures n’auraient-elles pas marqué la culture locale en pays vaudois comme nous suggérons qu’elle l’a fait en Franche-Comté ? En plus de la présence de fruitières en pays vaudois, dès la fin du xviie siècle, nous assistons aussi aux premières migrations des fromagers de la Suisse vers la Franche-Comté. Issus notamment du canton de Fribourg, ceux-ci passent la frontière pour des raisons de meilleures conditions de travail côté français, ou faute de trouver leur place dans l’exploitation familiale en Suisse. Les fromagers migrent eux aussi en important leurs savoirs (Kronenberger, 2014). Une des raisons de la non-influence de ces techniques de production sur les comportements collectifs en pays vaudois nous semble renvoyer au mode de gestion de la fruitière à comté plus qu’aux techniques de fabrication. D’abord, les fruitières suisses achètent le lait aux éleveurs. Le fruit de leur travail est le lait. Même si celui-ci est transformé en fromage comme en Franche-Comté, les Vaudois sont rémunérés sur la base du lait livré à la fruitière et non sur la base de la qualité du fromage produit à partir du mélange des laits comme c’est le cas en Franche-Comté. D’autre part, dans le fonctionnement de la coopération tel que nous le connaissons en Franche-Comté, les producteurs sont en quelque sorte législateurs permanents de leur propre mouvement. De ce point de vue, les règlements sont sans cesse rediscutés. Enfin, cette expérience collective n’est pas la seule à s’inscrire dans le territoire franc-comtois, on pense à la fondation du Crédit Agricole à Poligny, à la fruitière vinicole d’Arbois au tournant du xxe siècle, ou encore aux premières CUMA qui se développent sur le territoire dès la seconde partie du xxe siècle. L’ensemble de ces expériences collectives en Franche-Comté est marqué par les grands courants socialistes saint-simonien, proudhonien, ou fouriériste. Ces expériences concrètes de solidarité professionnelle qui font dire aux éleveurs qu’il existe « un esprit coopératif en Franche-Comté » nous autorisent à faire l’hypothèse d’une transmission de cette mémoire collective territoriale. Le recours et l’investissement des éleveurs comtois au sein des structures communautaires, notamment dans les fruitières, s’apparentent à un héritage propre au socialisme utopique, porté notamment par Charles Fourier, mais plus précisément encore Victor Considerant ou Wladimir Gagneur (1850) qui marquent le territoire et les esprits, de leur pensée utopiste. Ces figures emblématiques du socialisme libertaire, dont les disciples se sont engagés dans de nombreuses tentatives de réalisations sociétaires (coopératives de consommation et de production, banques mutuelles) impriment les comportements d’une certaine forme de rapport à l’autre, d’un certain type de lien social.
22L’héritage propre au socialisme utopique donne lieu, en Franche-Comté, à une résurgence de solidarité dans les pratiques professionnelles des éleveurs, alors même que les collègues suisses, privés de cette histoire, se sont recentrés sur une vision plus individualiste du métier dans laquelle l’indépendance occupe une place prépondérante. On pourrait prolonger la réflexion pour tenter de saisir en quoi les formes de solidarité « obligées » nées de pratiques professionnelles ancestrales ont quelque chose à voir avec la naissance des jardins de Cocagne à Besançon, jardins solidaires ou encore l’expérience de LIP en Franche-Comté.
Conclusion
23Les échanges entre les deux régions frontalières franc-comtoise et vaudoise sont incessants tout au long de l’histoire : d’abord des vaches, puis des éleveurs et des fromagers. Les vaches montbéliardes vont et viennent entre les deux territoires sans que l’on puisse fixer une frontière qui délimite un territoire précis. En pays comtois, le lien entre la vache montbéliarde et les éleveurs résulte d’une histoire longue au cours de laquelle la sélection de la montbéliarde dessine des limites territoriales tout en structurant une culture locale. Cette dernière est mise en question à plusieurs reprises sans que pour autant les frontières intraprofessionnelles érigées par les défenseurs de la race ne réussissent à fracturer le groupe des éleveurs locaux durablement. Les fromagers traversent plutôt la frontière de la Suisse vers la France et, pour des raisons bien identifiées par les historiens, s’y installent. En Franche-Comté, les savoirs techniques liés à l’animal se transmettent dans un temps long, et consolident des formes de solidarité historiquement présentes sur le territoire. En revanche, l’individualisme familial et la culture protestante qui l’accompagne en pays vaudois nous semblent empêcher les savoirs techniques vaudois d’accéder au statut de culture.
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Notes de bas de page
1 Gregor Mendel, 1822-1884, généticien.
2 De ce point de vue, on ne saurait trop recommander l’ouvrage de Betrand Vissac tant il montre bien la place de l’expérimentation dans la mise en place des savoirs génétiques chez les éleveurs français et les enjeux qu’elle sous-tend et qui organisent la relation des différents acteurs sociaux entre eux.
3 Le fait que seuls soient utilisés les taureaux holstein porteurs du variant rouge récessif, ceci assure comme le souligne justement Bertrand Vissac, une « vraie fausse identité » à la montbéliarde et aux éleveurs de la région. Vraie dans la mesure où la vache est toujours rouge et blanche et fausse puisque le croisement ne se voit pas ! Les éleveurs ont sauvé la face.
4 L’éleveur jurassien est le journal publié par le groupe MS en Franche-Comté et Histoire de la guerre des vaches, l’ouvrage d’Édouard Besnoit raconte l’histoire suisse de ce mouvement.
Auteur
Dominique Jacques-Jouvenot est professeure de socioanthropologie à l’université de Franche-Comté et directrice du laboratoire de sociologie et d’anthropologie de l’université de Franche-Comté (LaSA-UFC). Ses travaux portent sur la sociologie des professions, de la transmission et de la santé, de l’ensemble des questions liées aux sociétés rurales. Elle est spécialiste de la transmission des savoirs professionnels.
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