Lexique
p. 261-276
Texte intégral
1Abusus : voir à Droit de propriété.
2Accaparement foncier : Expression qui caractérise des transferts fonciers s’opérant au profit de structures plus vastes, plus puissantes ou différemment organisées que celles qui composent la trame ordinaire des exploitations agricoles. On parle aussi d’acquisitions massives de terres. Mais les cas de figure sont nombreux et justifient un emploi prudent de cette notion. En effet, « accaparement » est un mot à connotation critique, voire polémique (accaparer c’est prendre pour soi seul ; le mot traduit aussi le verbe anglais to grab, de même sens), qui peut être employé alors que les règles juridiques n’ont pas été dépassées, et alors qu’on veut dénoncer soit l’effet de la concentration des terres, soit la structure libérale qui permet les transferts.
3Ager : Terme latin signifiant principalement, dans l’Antiquité romaine, « terre, territoire », et qualifiant, sous la forme de conditiones agrorum (conditions des terres), le droit des différents types de territoires. À la suite d’un resserrement de sens et de niveau, lors de la modélisation de l’espace villageois coutumier par les historiens et géographes, le terme a été employé pour désigner la partie du terroir cultivée en permanence, à la différence des terres du saltus, ou terres incultes. De façon très nette, le terme a donc transité : quand il désignait principalement un statut juridique dans l’Antiquité de l’ordre des réalités, il désigne un élément du système agraire dans les périodes ultérieures, et participe autant d’une modélisation du système agraire que de l’expression de sa réalité.
4Agriculture « aux allures de firme » : Expression retenue par les auteurs d’un des chapitres de l’ouvrage pour désigner la tendance d’un petit nombre d’exploitations agricoles françaises à se situer dans un montage nouveau par rapport à l’agriculture familiale classique. Ce montage est celui dans lequel le foncier, le capital d’exploitation et la main-d’œuvre ne sont plus associés et tenus par la même famille, ce qui rapproche l’entreprise agricole d’une firme.
5Agriculture de firme : Expression par laquelle on désigne un type d’organisation économique et sociale de la production agricole marqué par plusieurs faits imbriqués : la financiarisation de l’activité place au premier plan l’objectif de faire des profits par rapport à l’objectif de nourrir la population et qui définit ses priorités en fonction du cours des matières premières agricoles ; l’abstraction du rapport à la nature (eau, sols) et à l’espace géographique (délocalisation, mondialisation) et aux héritages qu’ils portent ; enfin, la précarisation des relations sociales qui peut aller jusqu’à l’exclusion. On emploie aussi quelquefois des mots ou expressions comme « agriculture entrepreneuriale » ou encore « agrobusiness ».
6Agriculture de précision : Méthode de prise en compte des différences de milieux existant au sein d’une même parcelle et d’adaptation des besoins en intrants selon la formule : « le bon intrant, au bon moment, au bon emplacement, à la bonne dose, et de la bonne manière ». Pour effectuer cette adaptation ou modulation, on a recours à la géolocalisation et à l’informatique, c’est-à-dire qu’à partir d’un enregistrement préalable des caractéristiques de la parcelle, ou à partir de capteurs qui analysent en continu la culture, on peut télécommander telle ou telle application, épandage, pulvérisation, etc. L’agriculture de précision vise à obtenir un rendement maximal, à faire des économies et à prendre en compte l’environnement.
7Agriculture entrepreneuriale : voir à Agriculture de firme.
8Agriculture familiale : Mode de production dans lequel la totalité du travail effectué est fournie par l’agriculteur lui-même et, le cas échéant, par d’autres membres de la famille, et dans lequel le capital d’exploitation lui appartient en propre. Plus que la taille de l’exploitation c’est la réunion dans les mêmes mains du foncier, du capital et du travail qui fait la définition de l’exploitation familiale.
9Agriculture industrielle ou agro-industrie : Mode de production agricole marqué par la recherche de l’augmentation de la productivité. Celle-ci passe par la mécanisation, l’accroissement des parcelles, l’augmentation des rendements, l’usage des intrants, la captation de l’eau, les techniques d’agriculture de précision.
10Agroécologie : Terme définissant une discipline scientifique, celle qui étudie l’application des principes de l’écologie à l’agriculture. Son objectif est de concevoir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les écosystèmes, tout en diminuant la pression que ces modalités de production exercent sur eux. C’est cette dimension écologique qui la différencie de l’agronomie dont elle est très proche.
11Agroholding : voir à Holding.
12AMAP : « Association pour le maintien d’une agriculture paysanne ». Cet acronyme désigne une association qui réalise un partenariat entre une exploitation locale et un groupe de consommateurs de proximité, qui s’engagent l’un l’autre sur une ou deux saisons de production. De manière périodique le producteur vend ses produits à ses partenaires en fonction de la saison, chaque consommateur inscrit établissant son panier. Le producteur respecte la charte de l’agriculture paysanne et souvent aussi le cahier des charges de l’agriculture biologique.
13Ancien Régime : Expression d’historien (adoptée par d’autres disciplines) désignant la période antérieure à la Révolution française de 1789, marquée, dans le domaine foncier et agricole, par la prédominance du village, par la seigneurie et les rapports de dépendance, par la division de propriété entre propriété éminente et propriété utile. Dans cet ouvrage, l’emploi des majuscules renvoie à la période qui va du xvie au xviiie siècles (l’Ancien Régime) ; l’emploi des minuscules (ancien régime) désigne au contraire une situation économique et sociale ou des caractères comparables à ceux de la société d’Ancien Régime, sans référence précise à cette période.
14Appellation d’origine contrôlée (AOC) : Label officiel français identifiant un produit dont les étapes de fabrication (production et transformation) sont réalisées dans une même zone géographique et selon un savoir-faire reconnu et respecté. L’appellation d’origine contrôlée est garante des qualités d’un produit et de ses caractéristiques, de son terroir d’origine, et de la mise en œuvre d’un procédé de fabrication ayant fait ses preuves.
15Appellation d’origine protégée (AOP) : Label officiel européen créé en 1992 et de même définition que l’« appellation d’origine contrôlée » française, la denominazione di origine controllata italienne, la geschütze Ursprungsbezeichnung allemande, etc.
16Assolement en commun : Rassemblement des terres de plusieurs exploitations agricoles afin de mettre en place une gestion commune et unique de l’assolement, de l’itinéraire technique (quelles terres sont concernées) et du travail (organisation concertée des travaux), et de mutualiser le parc de matériel et les intrants. Le produit financier est réparti entre les associés en fonction d’une clé de répartition fixée au départ (le plus souvent en fonction du nombre d’hectares de chaque associé). Cette pratique passe par la création d’une société en participation (voir à cette expression).
17Bail rural (conditions de cession du) : En France, depuis 1945 et la loi relative au statut du fermage, le bail rural ne pouvait pas être cédé en dehors de la famille, ceci afin de protéger le caractère familial de l’exploitation. Depuis la loi de janvier 2006, le bail peut être cédé en dehors de ce cadre, l’effet recherché étant de favoriser l’investissement dans le foncier agricole.
18Bonification : Terme classique désignant une opération d’amélioration technique d’un milieu afin de gagner des terres à la production agricole. En Italie, le terme a été régulièrement associé aux travaux d’hydraulique agricole qui ont conduit à la conversion de zones étendues de marais. On parle alors de colonisation intérieure.
19Capacité de l’agriculture familiale à absorber les évolutions : L’agriculture familiale a fait la preuve de sa capacité à s’approprier un certain nombre d’avancées, notamment techniques, pour réaliser des gains de productivité (gestion, agriculture de précision, semis directs, robots de traite dans l’élevage laitier, etc.). Mais les évolutions en cours posent la question selon des termes nouveaux, car c’est désormais autant en matière d’organisation des formes sociétaires du travail qu’on attend des gains de productivité, et pas seulement en termes techniques. L’agriculture familiale devra s’adapter à ces nouvelles formes de mise en commun (des troupeaux, des assolements, des parcs de matériel, etc.).
20Chambres d’agriculture : Établissements publics d’État présents dans chaque département français. Les chambres d’agriculture ont pour mission première de représenter l’ensemble des agents économiques de l’agriculture sur le territoire par l’intermédiaire d’élus syndicaux renouvelés tous les six ans. Elles sont également chargées d’apporter assistance et conseils techniques aux agriculteurs par le biais de leurs salariés et d’assurer la mise en œuvre des politiques nationales et territoriales agricoles sur les territoires.
21Circuit court : En agriculture, un circuit court est un mode de commercialisation des produits agricoles qui s’exerce soit par la vente directe du producteur au consommateur, soit par la vente indirecte à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire. C’est une relation transparente entre les acteurs de l’économie obéissant à des critères incontournables : création de lien social ; équité des échanges ; approche participative ; logique pédagogique. Les AMAP* sont des circuits courts.
22Civiliste (base civiliste latine ; tradition civiliste) : Qui se réfère au droit civil, d’origine romaine, et formalisé par le Code civil français de 1804, lequel a été imposé ou a été adopté par de nombreux autres pays dans le monde. Par extension, en français, un « civiliste » est un juriste spécialisé dans le droit civil, alors qu’un « publiciste » s’occupe de droit public.
23Collectivisation/décollectivisation : Changement ou processus global de changement du système foncier et du système productif, portant à la fois sur la terre, le capital et le travail. Dans la collectivisation, on supprime la propriété privée de l’outil de production (la terre, les autres équipements nécessaires à l’activité), on constitue de grandes exploitations collectives, et on soumet la production à la planification économique préalable. Lors de la décollectivisation, on restitue la propriété privée de la terre et on change le statut des anciennes exploitations collectives afin d’établir un système juridique et social lié à l’économie de marché. Ces processus s’avèrent toujours très complexes.
24Communauté taisible : Mode d’exploitation agricole en usage dans les sociétés d’Ancien Régime, dans lequel les membres d’une famille s’associent par un engagement tacite (d’où le qualificatif de taisible) pour réaliser l’exploitation collective de la terre, et donc sans contrat écrit (sinon on serait dans le cas d’une communauté expresse ou exprimée).
25Contrat en origine (contratación en origen) : Contrat de travail temporaire utilisé en Espagne pour gérer l’embauche des saisonniers qui interviennent dans les exploitations fruitières ou arboricoles ayant besoin de main-d’œuvre temporaire. Ce contrat est dit « en origine » parce que le candidat à un emploi saisonnier le signe dans son pays d’origine.
26Coopérative agricole : Les coopératives agricoles, ou mieux, les sociétés coopératives agricoles, sont des entreprises dont le but est de permettre la mise en commun de tous les moyens susceptibles de faciliter ou de développer l’activité économique des agriculteurs et des forestiers. Leurs membres sont des associés coopérateurs, engagés pour le maintien de principes de solidarité professionnelle. Le statut des coopératives est régi, en France, par une loi de 1947 et par les dispositions du Code rural (L.521-1 et suivants). C’est un statut sui generis, ni civil, ni commercial, marqué par des particularismes, notamment un régime fiscal de faveur.
27Coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) : Forme de société coopérative agricole permettant aux agriculteurs adhérents de mettre en commun leurs ressources afin d’acquérir du matériel agricole. La CUMA doit fournir du matériel à ses adhérents et ces derniers s’engagent à l’utiliser selon les modalités prévues au règlement intérieur. Voir aussi à CUMA intégrale.
28Corporate (« Entrepreneurial » en français) : Terme anglais relativement difficile à traduire en français et signifiant ce qui concerne l’entreprise. Le concept évoque l’évaluation de n’importe quelle institution, publique ou privée, à la mesure de la norme économique entrepreneuriale.
29CUMA intégrale : « Coopérative d’utilisation du matériel agricole » dont les adhérents ont mis la quasi-totalité de leur matériel en commun, ne conservant personnellement qu’un matériel résiduel. La CUMA intégrale emploie des salariés, assure une forte mutualisation tant du matériel que de la main-d’œuvre. Elle peut aussi être prolongée par une autre forme d’association, l’assolement en commun.
30Décentralisation/déconcentration : Transfert de pouvoirs centraux soit à une collectivité territoriale qui bénéficie d’une autonomie de gestion (décentralisation), soit à un échelon local d’une administration de l’État (déconcentration). La centralisation, la décentralisation et la déconcentration sont des principes du droit administratif français.
31Décollectivisation : voir à Collectivisation.
32Délocalisation : Transfert, par une entreprise, d’une partie de ses activités, de ses capitaux ou de ses employés, dans un pays différent de celui où ils sont présents, en séparant ainsi les lieux de production des lieux de consommation. En délocalisant, l’entreprise recherche différents objectifs : payer moins de salaires ; avoir un meilleur accès aux ressources ; accéder à une main-d’œuvre plus qualifiée ; accéder à des infrastructures ; exercer une pression lors de négociations avec des autorités publiques ou des syndicats ; produire dans une région du monde où le droit du travail est plus souple ; bénéficier d’une fiscalité plus légère. La délocalisation est une conséquence de la profonde évolution des transports (notamment la baisse des coûts), et de la mondialisation des capitaux et des marchés.
33Dépendance au chemin suivi, dépendance au sentier : Concept venu de l’économie (nommé path dependence en anglais) et intégré aux sciences sociales, selon lequel des décisions passées influent sur des décisions plus récentes et dans lequel compte aussi l’itinéraire de sortie qui est emprunté. Cette notion est centrale dans les travaux historiques des économistes dits « néo-institutionnalistes ».
34Désamortissement (desamortización en espagnol) : Nom d’une politique agraire conduite en Espagne entre la fin du xviiie siècle et les premières décennies du xxe siècle, qui consista à vendre, par enchères publiques, des terres et des biens incultes et improductifs, qui se trouvaient dans les « mainmortes » (domaines) de l’Église et des ordres religieux, ainsi que des terres appartenant à la noblesse et à des municipalités. Cette opération fut un vaste transfert de la propriété foncière et procura au Trésor public espagnol des recettes importantes. Mais cette politique souleva de nombreux problèmes, et provoqua la protestation des églises et celle des municipalités.
35Domaine éminent/domaine utile : Expression juridique pour désigner le partage de la « propriété » en deux : un droit théorique ou éminent de celui qui possède le bien ; un droit utile de celui qui l’exploite, généralement sous condition de versement d’un cens reconnaissant la situation de tenure. À partir du xie siècle, les juristes ont tenté d’assimiler le domaine éminent au dominium romain, et le domaine utile à la possessio de droit romain, mais c’est inexact.
36Droit de propriété : Droit de posséder un bien, se décomposant en trois éléments : le droit d’user du bien (usus), d’en retirer des fruits (fructus) et d’en disposer (abusus). Le Code civil français en fait un droit absolu (art. 544).
37Écoconditionnalité : Principe qui soumet l’octroi d’une aide financière publique au respect de conditions et de normes environnementales.
38Élargissement de l’Union européenne : L’Union européenne a connu six élargissements depuis sa création par le traité de Rome en 1958 par six pays (Allemagne, France, Italie, Luxembourg, Belgique, Pays-Bas). Ce sont : en 1973 (trois pays : Irlande, Danemark, Royaume-Uni) ; en 1981 (un pays : Grèce) ; en 1986 (deux pays : Espagne et Portugal) ; en 1995 (trois pays : Autriche, Finlande, Suède) ; et en 2004 et 2007, la double vague des douze États membres : Slovaquie, Chypre, Malte, Pologne, Lituanie, République tchèque, Lettonie, Hongrie, Estonie, Slovénie en 2004 ; Bulgarie, Roumanie en 2007 ; et en 2013 un pays : Croatie. À cette liste il faut ajouter la liste des candidats à l’entrée dans l’Union européenne (pays des Balkans ; anciens pays absorbés par l’URSS ; Turquie) et la décision de retrait du Royaume-Uni (Brexit de 2016).
39Entrepreneurial : Voir à Agriculture de firme ; Agriculture aux allures de firme ; Corporate.
40Entreprises de travaux agricoles (ETA) : Prestataires de services assurant les travaux agricoles pour le compte d’exploitations clientes.
41Exploitation sociétaire : voir à Types de sociétés agricoles.
42Eurostat : Base de données statistiques de la Communauté européenne.
43Fiducie : Nom donné en français à un transfert de propriété, établi sous contrat et sous conditions d’usage et de durée, par lequel un « constituant » transfère un bien à un « fiduciaire » dans le but que celui-ci agisse au profit d’un ou de plusieurs « bénéficiaires ». La propriété est ainsi « affectée » à un but précis. C’est un outil de gestion du patrimoine, par exemple pour garantir des dettes ou pour gérer le patrimoine d’une personne vulnérable. C’est un équivalent du trust de droit anglo-saxon. La fiducie n’a pénétré le droit civil latin que très récemment, parce qu’elle tend à dissocier la propriété ce qui est inconcevable dans un droit où la propriété est « absolue » ou « exclusive ». Par exemple, elle a été introduite en droit français en 2007 après plusieurs tentatives infructueuses ; avant cette date, on disposait de la forme plus restreinte du mandat ou celle du fidéicommis. Elle nécessite un acte notarié et une publication par le service de publicité foncière lorsqu’elle porte sur un bien immobilier.
44Fiducie-sûreté : Fiducie constituée pour garantir une créance.
45Fief (du latin feodum) : Dotation foncière (terre ou droits seigneuriaux) qu’un puissant consent à un noble inférieur, son vassal, en échange de sa fidélité et de ses services, et dont on a fait, aux xixe et xxe siècles, le paradigme de base de la société médiévale, au point de parler de société féodale ou féodo-vassalique. Mais les historiens actuels tendent à démontrer que le fief n’est qu’une des nombreuses relations existantes au sein des aristocraties médiévales.
46Fin des paysans : Paradigme proposé par une célèbre analyse du sociologue Henri Mendras (1967), qui entend désigner ainsi le fait que le « paysan » de jadis s’est mué en « agriculteur », c’est-à-dire en spécialiste de la production agricole. L’évolution s’est poursuivie puisque de l’agriculteur on est passé, désormais, à « l’exploitant agricole », et que de l’exploitant agricole on est en train de passer, ou on se prépare à passer à l’entrepreneur en agriculture.
47Financiarisation de l’agriculture : Évolution des objectifs assignés à la production agricole dans le sens d’une recherche du profit spéculatif et non plus ou plus seulement de la sécurité alimentaire mondiale, ce que fait plutôt bien l’agriculture familiale. Cette évolution suppose une transformation profonde des modes de production, qui passe par l’agro-industrie et par l’agriculture entrepreneuriale ou de firme.
48Firme : Entreprise agricole qui évolue sous l’effet de la mondialisation et de la financiarisation des activités de production agricole. Voir à Agriculture aux allures de firme ; Financiarisation de l’agriculture.
49Flexibilité/flexibilisation en agriculture : La flexibilité dans les exploitations agricoles consiste à mettre en œuvre de façon souple et distincte trois projets qui, jusqu’à présent, étaient réunis au sein de l’exploitation agricole familiale : le projet patrimonial (gérer le foncier), le projet entrepreneurial (gérer le portefeuille d’activités) et le projet technique (mutualiser les équipements). Plus généralement, cette dissociation est efficace pour les gains de productivité mais pose la question de la prise en compte des enjeux qui n’entrent dans aucune de ces trois composantes, comme le développement du travail précaire, ou encore les enjeux environnementaux, menacés par la soumission du projet patrimonial aux lois du marché foncier.
50Foncier : Adjectif formé sur le mot d’ancien français fons (venant de fundus ou fonds, et signifiant ce qui qualifie les terres d’une propriété ou exploitation). Foncier est donc tout ce qui est relatif à la qualité de l’immeuble qu’est le fonds de terre. On parle d’impôt foncier, de crédit foncier, de rente foncière, etc. En économie, parce que toute activité nécessite une assise physique ou géographique, la maîtrise du sol est un préalable et l’acquisition des biens fonciers entre pour une part sensible dans le coût des investissements en raison de la compétition entre les intérêts en présence. Mais le terme est récemment devenu un nom commun : on évoque couramment « le » foncier, par exemple en parlant du foncier agricole, du foncier bâti, du foncier public, etc. Dans le même mouvement, il a pris un sens plus large en évoquant toutes les relations qui se nouent autour de la terre, et devient ainsi un terme qui capte divers enjeux qui se cristallisent autour de la terre ou du sol.
51Fonds agricole : Notion juridique désignant une universalité (ou ensemble de biens) composée des éléments de toute nature qui sont nécessaires à l’exploitation agricole, et qui peut être cédée gratuitement ou vendue. En France, la loi du 5 janvier 2006 permet à l’exploitant d’en choisir l’option, pour que son exploitation soit reconnue comme unité juridique et unité économique. Comme c’est le cas pour le fonds de commerce, l’intérêt de cette notion est de permettre d’identifier la valeur économique d’une exploitation agricole, de clarifier les liens entre ce qui appartient à l’exploitation professionnelle et ce qui est patrimoine privé, et, enfin, de faciliter les transmissions d’exploitations
52Formes sociétaires : voir à Types de sociétés agricoles.
53Grand domaine : Expression courante qui recouvre une réalité polymorphe. Historiquement, un grand domaine ou latifundium (latin) cela peut être :
Un ensemble de terres formant une vaste superficie continue de plusieurs centaines, milliers ou dizaines de d’hectares, appartenant à une même personne, institution ou entreprise (tels sont les saltus de l’Antiquité) ;
Un ensemble de biens et de droits exercés sur un territoire discontinu et formant une seigneurie ou un manoir, associant des terres en propre et des tenures de paysans ;
La réunion de ces unités dans des fortunes foncières hors normes portant sur des dizaines ou des centaines de lieux ou de villages et dont les inventaires forment alors une documentation de premier plan (ex. polyptyques ; Domesday Book).
54Aujourd’hui, à travers les grands domaines des entreprises, cette diversité de définition subsiste, à la fois grandes exploitations d’un seul tenant (ainsi les immenses fazendas situées à l’est de l’État de Bahia au Brésil ; les grandes unités agraires de l’Europe du centre et de l’est), et ensembles de grandes exploitations réunies dans le même portefeuille. Que ce soit dans le passé ou de nos jours, pour définir le grand domaine, on convient que la nature des rapports sociaux (par exemple le degré de dépendance personnelle ; l’astreinte à un territoire de recensement ; les conditions du contrat de métayage ou de location perpétuelle) compte autant que la superficie du domaine ou que la typologie des formes juridiques.
55Groupement foncier agricole (GFA) : Type de société agricole créé par la loi de 1970 en France, associant le mari et la femme. Il est destiné à transférer les terres de l’exploitation à une structure juridique, le groupement foncier, afin que celui-ci puisse conclure un bail de longue durée avec l’héritier, repreneur de l’exploitation familiale. Ainsi le repreneur n’a pas à acquérir le foncier au moment où il reprend l’exploitation de ses parents. Voir aussi à Types de sociétés agricoles.
56Holding (société qui tient [to hold] le portefeuille d’autres sociétés) : Terme anglais qui désigne une société regroupant des associés ou actionnaires qui souhaitent acquérir une influence significative dans les sociétés détenues par celle-ci (holding passive). Si la société ajoute la fourniture de services aux filiales, elle est dite holding active. Dans le domaine agricole, on parle d’agroholding.
57Hortus : Terme latin désignant, dans la modélisation de l’espace villageois coutumier par les historiens et géographes, une couronne étroite et discontinue de jardins qui enserrent le village. Il forme une zone d’agriculture irriguée et de travail intensif, vouée aux cultures légumières et fruitières, et à quelques productions rares indispensables à l’autoconsommation familiale et villageoise, comme le chanvre par exemple. Il précède la zone des champs cultivés ou ager.
58Incastellamento : Mot italien désignant une évolution majeure de l’habitat pendant le Moyen Âge, dans le sens d’un regroupement autour du château (castellum, castrum), d’où le terme (qu’on pourrait traduire en français par un néologisme, « enchâtellement »). Le concept, forgé par les médiévistes italiens, a été repris et défendu par l’historien français Pierre Toubert.
59Intrants : Ensemble des produits apportés aux sols, aux cultures ou aux animaux d’élevage qui ne viennent pas de l’exploitation elle-même, mais de l’extérieur et souvent issus de l’industrie chimique : eau d’irrigation, amendements (sable, chaux), engrais, produits phytosanitaires, semences, voire aliments pour animaux, médicaments, etc.
60Latifundium : voir à Grand domaine.
61Maîtrise et exploitation d’un cycle biologique végétal ou animal : En France, condition mise par le Code rural (article L 311-1) pour définir une activité agricole. Cette définition pose aujourd’hui différents problèmes avec les structures « aux allures de firme » ou les formes sociétaires, lorsque tout ou partie du travail agricole est effectué par une holding dépendant d’exploitations réelles associées dans une société en participation : régime de protection sociale, éligibilité aux aides, etc.
62Manoir (manor en anglais) : Structure de base de la hiérarchie des seigneuries dans l’Angleterre médiévale et moderne. Le manoir associe la résidence du seigneur (Mesne Lord), sa cour de justice, le village, l’église, les terres de divers statuts dont une grande partie de tenures dépendant du seigneur.
63Mesures agroenvironnementales (MAE) : Mesures ou primes destinées à écologiser la « politique agricole commune », en réponse aux préoccupations croissantes du public, des consommateurs et de certains élus. Exemples : installer des bandes en herbe le long des cours d’eau ; se convertir à l’agriculture biologique ; limiter l’emploi des traitements phytosanitaires ; maintenir des parcours ; ne pas employer d’engrais dans les prairies naturelles ; entretenir une haie ; etc. Cette pratique par aides est également définie par le terme d’écoconditionnalité.
64Métayage inverse : Inversion du rapport existant dans le métayage ou bail rural portant sur le partage de la récolte entre le propriétaire et l’exploitant. Dans une relation contractuelle de métayage classique, le propriétaire foncier tient le haut du pavé par rapport à l’exploitant. Dans une relation inversée, c’est le détenteur du capital qui s’impose, le propriétaire étant réduit à travailler sur ses propres terres en partageant la récolte avec un apporteur de capital (semences, produits phytosanitaires, matériel, cheptel vif, etc.). Le métayage inverse est une forme de ce qu’on nomme plus généralement « tenure inversée ».
65Modèle français d’agriculture familiale : Système agraire de la seconde moitié du xxe siècle, dans lequel l’agriculture repose sur la structure familiale, le soutien des pouvoirs publics, la protection du foncier, la régulation des marchés et le maintien de prix suffisamment stables pour garantir le niveau de vie et d’investissement des agriculteurs.
66Modèle propriétariste : Terme forgé sur le mot « propriétaire », pour critiquer un modèle juridique dans lequel on pense qu’il est nécessaire de disposer d’un droit à la propriété des biens ou des utilités que procure le bien, ce droit devant être garanti par un titre. La critique habituellement formée contre cette façon de voir est qu’en désignant le propriétaire du bien, on exclut tous ceux qui ont accès aux diverses utilités du bien.
67Mondialisation (équivalent français de l’anglais Globalization) : « Unification du champ économique mondial ou extension de ce champ à l’échelle du monde »1. Processus d’ouverture des économies nationales à un marché devenu planétaire, supposant l’interdépendance entre les faits économiques et les hommes, la libéralisation des échanges, la fluidité des transactions financières, le développement des moyens de transport et de communication, et l’absence de réglementations et de droits pouvant entraver cette libre circulation (barrières douanières). Le terme est employé en langue française depuis 1964, mais il ne s’est généralisé qu’à partir des années 1990.
68Natura 2000 : Programme de l’Union européenne, lancé par une directive nommée « Directive habitats », qui entend recenser et protéger les sites naturels ou semi-naturels ayant une grande valeur patrimoniale en raison de leur faune et de leur flore. Les sites retenus forment un réseau, c’est-à-dire qu’on leur applique la même définition et les mêmes choix de gestion.
69Nouveaux États membres (NEM) : voir à Élargissement de l’Union européenne.
70Oppidum (pluriel oppida) : Mot latin par lequel les Romains désignaient des « villes » de l’âge du fer en Italie et en Europe. Ces agglomérations pouvaient être importantes, disposer de fortifications et jouer le rôle de capitale de tel ou tel peuple. Les Romains en ont fait une réalité juridique puisqu’ils installaient quelquefois des contingents de colons dans les oppida dont ils avaient pris le contrôle, et puisqu’ils plaçaient souvent les oppida d’une région sous la dépendance juridique et fiscale de plus grandes cités.
71Périodisation historique en France : Les historiens français dénomment les périodes historiques selon les termes ou expressions suivantes : Antiquité classique (jusqu’à la fin du iiie siècle après J.-C.), Antiquité tardive (ive-ve siècles), Haut Moyen Âge (vie-xe siècles), Moyen Âge (de l’an Mil à la fin du xve siècle), époque moderne (xvie-xviiie siècles), enfin époque contemporaine (de 1789 à nos jours). La principale différence avec les façons de faire des autres historiens porte sur l’extension de la période contemporaine – que les historiens français ne peuvent pas faire démarrer plus tard qu’en 1789 en raison du poids idéologique et fondateur de la Révolution française –, héritage que n’ont pas les historiens d’autres pays européens.
72Piliers de la PAC : La PAC est organisée en deux secteurs nommés « piliers ». Le premier pilier, le plus important puisqu’il représente environ 75 % des dépenses de la PAC, porte les mesures de soutien aux marchés et aux revenus des exploitants agricoles. Ce premier pilier est entièrement financé par un fonds européen, le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), dont le budget représentait un peu plus de 40 milliards d’euros. Le second pilier, créé en 1999, porte sur la politique de développement rural, qui a pour objectif de maintenir le dynamisme socioéconomique des territoires ruraux. Son enveloppe (environ 25 % du budget de la PAC) finance un large panel de mesures cofinancées par les États membres, allant de la modernisation des exploitations à la promotion du tourisme rural, en passant par la formation des agriculteurs, les aides à l’installation ou encore l’agriculture biologique. Il est géré par le Fonds européen pour l’agriculture et le développement rural (FEADER), pour un montant de 13 milliards d’euros. Pendant les années 2000, une distinction claire est réalisée entre le premier pilier, consacré à la gestion des marchés et à la compétitivité, et le second pilier, consacré aux attentes sociétales, sociales et environnementales. Mais, désormais, les frontières entre premier et deuxième piliers sont moins nettement dessinées. On retrouve ainsi dans les deux piliers des mesures de soutien à l’agriculture dans les zones à contraintes naturelles ou de gestion des risques.
73Politique agricole commune (PAC) : Politique actuellement définie par les articles 38 à 44 du traité sur l’Union européenne, qui a été mise en place en 1958 lors de la conférence de Stresa sur les bases suivantes : unité du marché agricole européen ; système de la préférence communautaire qui protège le marché européen des importations à bas prix ; solidarité financière puisque les dépenses de la PAC sont prises en charge par le budget de l’Union et non par les États ; enfin, garantie de prix minimum pour les producteurs. Souvent réformée, cette politique a sans cesse connu des difficultés : critique des autres grands pays producteurs mondiaux (États-Unis, Canada, Australie) qui dénoncent la préférence communautaire ; poids de la France comme premier pays producteur européen dans les décisions ; hostilité de la Grande-Bretagne parce que ce pays, bien que membre de l’Union jusqu’en 2016, s’approvisionne de préférence dans les pays du Commonwealth ; adoption récente d’options nationales qui rompent le principe d’unité du marché intérieur européen.
74Portage du foncier : Dans la gestion du foncier agricole, on recourt de plus en plus à du portage, technique qui consiste à demander à autrui (personne ou société) de porter, c’est-à-dire de recevoir pour les gérer, les titres fonciers de propriété ou de bail, ou encore d’investir en acquérant le foncier. Le but du portage est de soulager l’exploitant agricole du poids, notamment financier, que représente le foncier.
75Préférence communautaire : Disposition qui ne faisait pas partie des principes fondateurs de l’Union européenne mais qui a été introduite pour défendre les producteurs européens contre les importations à bas prix au moyen d’un instrument nommé « tarif extérieur commun ». Comme l’explique un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes de 2005, ce n’est pas un principe juridique mais politique. Le traité de Rome, en effet, avait défini la politique commerciale commune comme devant favoriser « la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux ». C’est dans le domaine agricole que la préférence communautaire est la plus forte (droits de douane d’environ 10 %, contre un taux moyen de 6,5 %).
76Préparadigmatique : Terme d’épistémologie qui désigne la situation dans laquelle les matériaux du renouvellement des idées abondent, mais sans que se dégagent de façon stable les paradigmes ou concepts principaux à partir desquels une nouvelle discipline et un enseignement pourraient s’institutionnaliser.
77Productivité : Terme économique qui a transité dans d’autres disciplines (telle l’agronomie) en créant des contresens parce qu’il a été confondu avec le rendement. En économie, la productivité est le rapport entre la valeur ajoutée et la surface utilisée. Autrement dit, l’appréciation de la productivité fait intervenir la notion de maîtrise des coûts autant que celle du rendement à l’hectare.
78Projet modernisateur de l’agriculture en France : Projet de transformation de l’agriculture poursuivi en France après 1945, dans le but d’améliorer la productivité de l’agriculture. Ce projet a mis en œuvre une planification des évolutions, un recours à la mécanisation, une mobilisation de la connaissance scientifique, une évolution du rapport aux marchés (marché des productions agricoles ; marché foncier) et une évolution du statut de l’agriculteur.
79Propriétarisme : voir à Modèle propriétariste.
80Publicité foncière : Procédure par laquelle les mutations de la propriété peuvent être constatées. Cette procédure, gérée en France par un service de l’administration fiscale, consiste à assurer la sécurité juridique des transactions immobilières et à permettre l’accès de tout citoyen à l’information hypothécaire (le service de la publicité foncière a porté en France le nom de Conservation des hypothèques jusqu’au début des années 2010). C’est un maillon de la chaîne des responsabilités qui sécurise les transactions de droits réels immobiliers, garantit le crédit et donne au droit privé des biens une forme d’assise publique. Dans les pays de droit latin, sans livre foncier, la publicité foncière assure une mission civile (garder la trace de tous les droits existant sur les immeubles, simplement déclarative, sans participer à la constitution des droits) et une mission fiscale (percevoir au profit de l’État et des collectivités territoriales les impôts, droits et taxes exigibles lors des opérations de publicité, tels que droits d’enregistrement, taxe de publicité foncière, TVA, plus-values des particuliers, etc.). Pour les services fiscaux qui la gèrent, la publicité foncière simplifie les relations avec les usagers et facilite les synergies avec les autres services de l’administration fiscale. Dans les pays adoptant le livre foncier ou ceux adoptant le registre Torrens, la publicité foncière est, au contraire, une procédure visant à faire la preuve de la propriété, et elle est dite pour cette raison « constitutive ».
81Récit : Forme dynamique par laquelle les historiens rendent compte du passé (ex. : « Les campagnes militaires de Napoléon Bonaparte »), l’autre forme étant le tableau, plus statique (ex. : « L’école en France au temps de Jules Ferry »). Cependant, on utilise aussi le terme de récit pour qualifier l’argument idéologique, largement reconstruit a posteriori, que telle ou telle institution (ou telle ou telle personne) se donne pour justifier de ce qu’elle (ou il) est ou ce qu’elle (ou il) fait. Dans ce cas, le terme est utilisé par diverses disciplines, sociologie, anthropologie, sciences politiques. Comprendre ce récit – non pas ce qui s’est réellement produit, mais ce que l’institution ou la personne prétend qu’il s’est produit en sélectionnant et réorganisant les éléments du passé – est un moyen précieux, c’est-à-dire une voie épistémologique féconde, pour rendre compte du présent.
82Réforme agraire : On parle de réforme agraire chaque fois qu’une autorité ou un gouvernement entend modifier la répartition du sol, afin de procéder à des redistributions de la terre prise à de précédents propriétaires. En ce sens la réforme agraire est aussi une réforme foncière. Les motifs sont variés : donner des terres aux paysans pauvres, aux sans-terres, à « ceux qui la cultivent » ; favoriser l’essor de l’économie agricole ; accroître le niveau de vie des paysans.
83Régime foncier : On nomme ainsi l’articulation faite entre le droit de la propriété, organisé en familles de droits (en Europe : latine, anglo-saxonne, germanique, collectiviste) et l’ensemble des procédures de formalisation, de publicité et de fiscalisation des biens, ce qui permet de qualifier le rapport qui existe entre des personnes ou des groupes et des biens. Le régime foncier naît aussi des relations instaurées entre ce qui est public, ce qui est privé, ce qui est en accès libre et ce qui est communautaire ou exclusif. Le régime foncier est également caractérisé par la nature des modes d’accès à la terre et par les modalités de la protection des droits fonciers ainsi que par les formes légales qui permettent les recours.
84Rendement : Évaluation de la production par unité de surface, mesurée par des quantités physiques, par exemple tant de quintaux de blé à l’hectare.
85Révolution agricole : Concept employé dans des disciplines comme l’histoire, la géographie ou l’agronomie pour exprimer des situations de changement du mode de production et de l’écosystème cultivé faisant passer une société ou un ensemble de sociétés d’un système agraire à un autre. La notion de révolution agricole est un opérateur particulièrement important du récit historique de l’agriculture depuis le néolithique. Mais d’une discipline à l’autre, la notion fluctue : si, en histoire, elle sert à décrire un passage historiquement circonscrit à valeur d’événement, en agronomie elle est plus un modèle interprétatif régulièrement utilisé, c’est-à-dire l’ensemble des connaissances abstraites à partir desquelles on étudiera la mise en place de telle ou telle agriculture réelle, ce qui explique que le récit des agronomes enchaîne plus volontiers les révolutions agricoles et en plus grand nombre que le récit des historiens. Depuis la fin du Moyen Âge, les agronomes décrivent une première révolution agricole des Temps modernes, qui s’étend du xvie au xixe siècles et qui est marquée par la mise en place de systèmes agraires sans jachères, remplacées par des prairies artificielles, et avec accroissement du bétail. Puis ils décrivent une seconde révolution agricole des Temps modernes, celle qui voit se développer la motorisation et la mécanisation, la fertilisation minérale par le développement de la chimie, la sélection des variétés de plantes et d’animaux, la spécialisation des productions. Désormais, nous serions, toujours selon ce récit, dans une situation de crise agraire et même de mutation générale, marquée par la mondialisation, l’accroissement des inégalités entre formes d’agriculture, la crise écologique, la dérégulation, la financiarisation de l’agriculture.
86Saisine : En droit actuel, la saisine est la demande, la requête, l’appel ou le recours qu’une personne (physique ou morale) peut présenter à une juridiction. Dans les sociétés d’Ancien Régime, le sens était très différent : c’était la situation de celui qui avait été mis en possession d’un bien par une autorité supérieure, royale ou seigneuriale (on était ainsi « ensaisiné » ou « investi »).
87Saltus : Terme latin ayant plusieurs significations, les unes proches de la notion de territoire, les autres proches de la notion de terroir. Dans les époques anciennes, le saltus désigne un grand domaine attribué à un preneur qui se charge de sa mise en valeur ; ou encore il désigne un ensemble de terres incultes souvent forestières. Lorsqu’ils ont modélisé la description du village d’ancien régime, forme la plus courante de l’espace agraire européen, les historiens et les géographes ont fait évoluer le sens du terme et préféré une interprétation interne à la structure du village. Ils ont appelé saltus la partie inculte du terroir, lieu des landes, des friches, des bois et des forêts, et ils l’ont alors conçue en la décrivant comme l’auréole la plus externe du village, celle qui entoure l’ager ou partie cultivée en permanence.
88Secteur primaire, secondaire, tertiaire : Classification des activités économiques. Le secteur primaire regroupe les activités qui exploitent les ressources naturelles (agriculture, pêche, élevage, exploitation de la forêt, mines, gisements divers) ; le secteur secondaire regroupe les activités de transformation, plus ou moins élaborée, des matières premières issues du secteur primaire (industrie, manufacture, construction) ; enfin, le secteur tertiaire regroupe les activités de commerce, d’administration, les transports, les services aux entreprises et aux particuliers, les activités financières et immobilières, l’éducation, la santé et l’action sociale.
89Sections de communes, biens sectionaux ou sectionnaires : Dans certaines communes rurales françaises, les sections de communes ont le droit de posséder des biens et des droits séparément de ceux possédés par la commune. C’est un héritage direct des anciens communs ou communaux. Les sections ont la personnalité juridique. Ces biens sont généralement des forêts et des pâturages dont les revenus vont aux habitants de la section de commune et non pas à l’ensemble des habitants de la commune. Mais la gestion des biens sectionaux est assurée par le maire et le conseil municipal de la commune.
90Société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) : Institution créée en 1960 pour intervenir sur le marché foncier afin de faire disparaître les trop petites exploitations agricoles par l’application de la « surface minimum d’installation » (SMI) ; et d’empêcher la constitution de trop grosses exploitations, pour faciliter la restructuration des exploitations familiales et pour contribuer à contrôler le prix du foncier en exerçant un droit de préemption avec révision possible, à la baisse, du prix de vente. Les différentes SAFER départementales sont regroupées dans une Fédération nationale des SAFER.
91Société en participation (SEP) : En France, la loi du 5 janvier 2006 autorise des exploitations agricoles à mettre leurs biens à la disposition d’une société comptant une personne morale parmi ses membres. Cette association passe par la forme juridique existante de la société en participation. Ce montage permet l’assolement en commun (voir à cette expression). Ce nouveau dispositif juridique cherche à favoriser l’entrée d’entités familiales dans des groupes de grande taille et au montage juridique complexe. En effet, au centre de ces groupes, une société de base, la société en participation (SEP), peut, depuis 2008, se voir reconnaître la qualité « d’agriculteur » et ainsi prétendre aux aides directes du premier pilier de la PAC, et ceci bien que les exploitations qui la constituent soient juridiquement autonomes.
92Stockage du foncier par les SAFER : Les SAFER distinguent le portage* du stockage ou mise en réserve du foncier. Dans ce dernier cas, les SAFER achètent des terres sans affectation immédiate. Le but est de mettre des terres en réserve foncière pour des opérations d’aménagement foncier, rural, agricole ou environnemental.
93Subsidiarité : Principe politique, traduit dans le droit, qui cherche à faire en sorte qu’une décision soit prise par l’institution la plus proche de ceux qui en seront bénéficiaires. Autrement dit c’est un principe qui interdit aux niveaux supérieurs d’agir. Il a été introduit dans la législation de l’Union européenne par l’article 3B du traité de Maastricht de 1992 et figure aujourd’hui à l’article 5 du traité sur l’Union européenne dans sa version révisée par le traité de Lisbonne de 2007.
94Surface agricole utile/utilisée (SAU) : Notion statistique qui mesure les terres arables, les pâturages temporaires, les prairies artificielles, les jachères, les cultures sous abri, les jardins familiaux, les surfaces toujours en herbe et les cultures permanentes (vignes, vergers, oliveraies, etc.) et excluant donc les bois et forêts.
95Surface minimum d’installation : Seuil évaluant la surface d’une exploitation et en deçà duquel un agriculteur ne peut prétendre aux aides de l’État.
96Tenure : Dans les anciens régimes (médiévaux et modernes), la tenure désigne le mode d’appropriation d’un bien ou d’un droit lorsque celui-ci repose sur l’investiture ou la mise en saisine du bien par un plus puissant, à tous les niveaux de la société. La tenure peut donc être noble ou paysanne. Le mot persiste en droit anglo-saxon et dans les instances internationales en raison de la pratique de l’anglais.
97Tertiarisation des activités agricoles : Concept indiquant l’évolution de la nature des tâches de l’entreprise agricole lorsque celles-ci se rapprochent plus des activités du secteur tertiaire que des activités habituellement classées dans le secteur primaire. Ainsi en va-t-il de la gestion, de l’informatisation, de la financiarisation de l’activité agricole. Voir à secteur primaire, secondaire, tertiaire.
98Tractorisation : Dans les travaux agricoles, remplacement de la traction animale par la traction mécanique.
99Trente Glorieuses : Expression désignant la période 1946-1975, marquée par une croissance économique régulière et dont la tendance s’est inversée après le premier choc pétrolier de 1973.
100Types de sociétés agricoles : Entreprises non individuelles, constituées par association ou sociétés, d’où, également, l’expression de formes sociétaires. Juridiquement, on en distingue trois : les sociétés foncières dont la forme minimale est le groupement foncier agricole (GFA) associant le mari et la femme, mais dont il existe des formes plus amples associant plusieurs domaines agricoles ; les sociétés de gestion ou d’exploitation, soit pour gérer un ou des domaines, soit pour réaliser un travail en commun (ex. : SCEA, société civile d’exploitation agricole ; GAEC, groupement agricole d’exploitation en commun ; EARL, exploitation agricole à responsabilité limitée ; SEP, société en participation pour l’assolement en commun ; SCL, société civile laitière) ; enfin, les sociétés commerciales, parfois utilisées en agriculture. En France, par exemple, les formes juridiques sociétaires sont en progression.
101Union européenne, UE-15 ou Europe des Quinze : Ensemble des pays qui ont formé l’Union européenne entre 1995 et 2004, comprenant l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Italie, le Luxembourg, l’Autriche, le Danemark, les Pays-Bas, l’Irlande, le Royaume-Uni, la Grèce, l’Espagne, le Portugal, la Finlande et la Suède.
102Union européenne, UE-25 ou Europe des Vingt-cinq : Ensemble des pays formant l’Union européenne depuis la double vague d’adhésions de 2004 et 2007. Voir à Élargissement de l’Union européenne.
103Unité de travail annuel (UTA) : Unité de mesure de la quantité de travail humain fourni sur chaque exploitation agricole. Elle équivaut à l’activité d’une personne travaillant à plein temps pendant une année.
Notes de bas de page
1 Bourdieu Pierre, 2001, « Le double sens de la “globalization” », conférence à l’Université Keisen de Tokyo, cité dans Id., Contre-feux, t. ii, Paris, Raison d’Agir, p. 95 sq.).
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