Chapitre 3
Le droit du sol et le sang de la terre1
Petit précis d’histoire récente de la politique foncière française
p. 75-96
Texte intégral
Introduction
1La politique foncière sera ici plus spécialement appréhendée sous l’angle de la politique des espaces naturels et plus particulièrement en plaçant la focale sur l’agriculture2. On délaissera les politiques d’aménagement du territoire au sens large qui abordent la question foncière sous tous ses aspects (urbanisation, déforestation, transport, tourisme, parcs naturels, etc.). À défaut de politique foncière agricole rigoureusement définie par les pouvoirs publics, il nous semble possible de la découvrir au travers d’une mise en perspective historique contemporaine présentant les grandes étapes de la législation foncière agricole française. Cette manière de procéder présente l’intérêt de revenir sur les raisons qui, à un moment donné, ont poussé les pouvoirs publics à mettre en place un certain nombre d’outils juridiques. La plupart d’entre eux demeurent dans notre droit positif mais, pour certains, leur raison d’être a décru.
2Pour les juristes positivistes, il est habituel de prendre comme point de départ, le Code civil ou Code Napoléon de 1804. Il présente l’immense privilège de réaliser un compromis, une œuvre de transaction, entre les deux France de l’Ancien Régime, celle des pays de droit écrit (plutôt au sud du pays) et celle des pays de coutume (au centre et au nord). Il est toujours délicat pour les juristes de parler de révolution, car le droit est avant tout le reflet d’une culture et il est rare qu’une législation fasse table rase du passé. De ce point de vue, le Code civil de 1804 fermait la parenthèse révolutionnaire en renouant avec certaines racines juridiques de l’Ancien Régime* tout en conservant certains acquis de la Révolution.
3Au cours des deux derniers siècles, deux mouvements paraissent expliquer la politique foncière conduite en France. Le premier a consisté à appréhender la question foncière sous l’angle de la propriété privée. Il s’agissait principalement de trouver des solutions pour décharger les agriculteurs du poids financier de la reprise du foncier*, jugé peu rentable économiquement. L’idée que c’est à l’échelle de la famille que se construit la propriété rurale a ainsi irrigué nombre de réformes dès la première partie du xxe siècle. Un second mouvement apparu plus récemment, à partir de la fin du xxe siècle consiste à appréhender la question foncière, non plus sous l’angle de la propriété, mais sous l’angle de son usage. L’idée est que l’usage de terre serait devenu l’affaire de tous, et pas seulement, celui des agriculteurs. Dans une perspective de mise à nu de ce droit du sol, nous nous interrogerons pour savoir si la terre est encore ce bien de famille (1) et comment se traduit, en termes de politiques foncières, l’idée que la terre, plus rigoureusement le sol, est également un bien commun (2).
La propriété de la terre : un bien de famille
4Appréhendés sous le prisme de la propriété, les outils juridiques ont évolué, depuis deux siècles, pour répondre à des besoins économiques nouveaux, passant de la défense de la propriété individuelle à la recherche de solutions collectives : familiales ou non.
De la propriété individuelle à la propriété familiale
La propriété individuelle
51804 : L’absolutisme de la propriété. Au commencement, la France est paysanne. Sans entrer dans un débat historique sur les vrais et les faux paysans, entre ceux de Michelet ou ceux de Balzac, on s’accordera pour affirmer que la plupart des habitants étaient des agriculteurs et que la conception romaniste du droit de propriété* avait fini par prévaloir. La vision subjectiviste et absolutiste triomphait sur une perception plus communautariste qui pouvait exister dans l’ancien droit (voir ainsi : les communautés taisibles* ; les biens de section* ou sectionaux, etc.). La propriété devient, avec le célèbre article 544 du Code civil3, un droit subjectif, tout puissant, capable de susciter bien des abus. Le paysan, mais encore faut-il qu’il accède à la propriété, a en mains l’arme secrète : l’abusus*, c’est-à-dire le pouvoir d’en disposer. Dans cette exaltation du droit de propriété*, il faut sans doute voir également la revanche du domaine utile sur le domaine éminent*, autrement dit des tenanciers de l’Ancien Régime* sur leurs seigneurs.
6xixe siècle : La liberté derrière le code. Tant que la France est majoritairement paysanne, le socle juridique du Code civil ne soulève pas de grandes difficultés en termes de politiques foncières. Tout au plus l’égalité successorale en nature qu’il pose émeut Frédéric Le Play et l’école de la Réforme sociale4 qui y voient un risque de morcellement des exploitations. La phrase de Balzac dans Le curé de village (1874, p. 677) a eu un certain retentissement :
La cause du mal gît dans le titre des Successions du Code civil qui ordonne le partage égal des biens. Là est le pilon dont le jeu perpétuel émiette le territoire, individualise les fortunes, en leur ôtant la stabilité nécessaire, et qui décomposant, sans décomposer jamais, finira par tuer la France.
7Si l’assertion contenait une once de vérité, elle méconnaissait la distinction fondamentale entre règle impérative et règle supplétive de la volonté5. Ainsi, contrairement à une idée répandue, l’égalité successorale n’a été jamais été une règle d’ordre public. Preuve en est que même la Révolution française, pourtant éprise d’égalité, n’a pas aboli la liberté testamentaire. Or, quoi de plus lésionnaire6 qu’un testament… Derrière le paravent du Code civil, ont pu se cacher, dans nombre d’actes notariés du xixe siècle, des donations préciputaires, des legs en faveur du puîné (celui qui est né après l’aîné), renouant avec les traditions de l’ancien droit, restaurant même partiellement le privilège de primogéniture7 et de masculinité de certaines coutumes de l’Ancien Régime*.
8L’harmonisation des pratiques du droit, par le Code civil, où triomphait le modèle dominant de l’égalité, a sans doute été fort longue parce que la matière successorale est gouvernée autant par les mœurs que par la règle de droit.
91938-1939 : Les conséquences de l’exode rural. En 1906, la France compte encore 43,8 % de personnes vivant de la terre. Elles ne seront plus que 31 % en 1954. On assiste, entre les deux guerres, au début de l’exode rural qui s’explique en grande partie par l’industrialisation et qui a pour conséquence une concentration des exploitations dont la taille commence ainsi à augmenter. La critique portée à la fin du xixe siècle par l’école de la Réforme sociale a alors un écho législatif : entre les enfants d’agriculteurs, il faut choisir. Tous ne peuvent pas rester sur l’exploitation. C’est ainsi que le décret-loi du 17 juin 1938 permet à l’héritier, qui a participé aux travaux sur l’exploitation, d’évincer les autres. Ce mécanisme dit de l’attribution préférentielle va connaître un succès juridique non négligeable puisqu’il sera par la suite repris pour des biens non agricoles. Il faut relever qu’à l’époque, l’attribution préférentielle porte seulement sur la propriété et ne règle en rien la question du financement de la transmission de l’exploitation. Au fond, il s’agit de trancher la question de savoir qui, entre les héritiers, est en droit de poursuivre l’exploitation ? Si besoin en recourant au juge. Mais celui qui est désigné doit dédommager ses frères et sœurs par le versement de soulte8. L’égalité est respectée. Elle n’est plus en nature. Elle est en valeur.
10Une mesure adoptée l’année suivante participe toutefois de la minoration du montant de la soulte et donc du financement de la transmission. C’est l’institution de créance de contrat de travail de salaire différé. On a souvent mis en avant l’équité comme fondement à cette institution sui generis (décret-loi du 29 juillet 1939). En effet, il est juste qu’un enfant qui a travaillé sur l’exploitation sans rémunération puisse bénéficier, en plus de sa part successorale, d’une créance compensatrice sur la succession de son parent débiteur. Mais on ne relève pas assez que dans sa mouture originelle, seul le bénéficiaire qui participait à l’exploitation au moment du règlement de la succession du de cujus9 pouvait en bénéficier. Un lien était ainsi fait entre sauvegarde de l’exploitation et indemnisation du travail. Cette amarre juridique a, depuis, été rompue. En outre, les montants alloués étaient encore trop faibles pour constituer un outil juridique de nature à minorer substantiellement les soultes que devait verser l’héritier bénéficiaire de l’attribution préférentielle. Cependant, cette double apparition – attribution préférentielle et salaire différé – marque le début du droit rural, au sens d’un droit spécial applicable uniquement aux agriculteurs qui se détache ainsi du droit commun. Mais la philosophie demeure très individualiste. Le rêve est bel et bien d’avoir des exploitants en faire-valoir direct jouissant pleinement de leurs prérogatives de propriétaires en maître absolu.
111945-1946 : Nourrir la France. À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, le nombre d’agriculteurs continue de baisser mais l’enjeu est ailleurs : il faut nourrir la France qui a faim. L’ère du productivisme et de la mécanisation débute. La grande victoire collective juridique du monde paysan a été l’instauration du statut du fermage. Cette conquête sociale est destinée à offrir la liberté juridique nécessaire pour que l’agriculteur puisse exploiter son fonds comme bon lui semble. Une rupture est ainsi consommée entre le bail du type Code civil (Code civil, art. 1774) – convention précaire pour l’exploitant, qui permettait au propriétaire foncier de mettre à la porte son locataire moyennant un simple préavis de six mois et sans avoir besoin de justifier son geste –, et le statut qui protège l’exploitant par un bail de neuf ans, renouvelable, transmissible à ses enfants. Cette faveur instituée pour le faire-valoir indirect sur le faire-valoir direct est toutefois conçue comme temporaire. L’idéal législatif serait d’avoir sur l’ensemble de la France des petits propriétaires exploitants. L’État escompte que les fermiers exercent leur droit de préemption qui leur est ainsi offert à l’occasion de la vente des parcelles louées. Ce vœu est largement resté pieu. Mais il faut insister sur l’équilibre contractuel très particulier qui a alors vu le jour. Outre le droit au renouvellement, et le droit de préemption, le loyer est modéré. Mais le bailleur a au moins une assurance : le preneur ne le contournera pas (« faire sa pelote » selon l’expression de l’époque) en cédant son droit au bail à un tiers moyennant finance. Le propriétaire foncier garde la main sur celui qui exploite. Il choisit son exploitant ou tout au moins sa famille. Et la transmission du domaine utile ne donne lieu à aucune tractation financière. Les bailleurs conservent l’espoir d’exercer un droit de reprise pour eux-mêmes ou pour un membre de leur famille. Les preneurs peuvent espérer devenir propriétaire en exerçant leur droit de préemption ou, le cas échéant, transmettre le droit au bail à un de ses enfants sans surenchérir le coût de la transmission puisque ce dernier est dépourvu de valeur patrimoniale. Ce compromis historique entre les bailleurs et les fermiers est encore celui qui est à l’œuvre aujourd’hui sauf qu’entre-temps les surfaces concernées ont beaucoup augmenté, la SAU exploitée en faire-valoir indirect étant passée de 40 % à plus de 70 %. Cet équilibre contractuel demeure un héritage pour toute la politique foncière aujourd’hui. Or, vécu comme une conquête et un acquis social par les fermiers, ce statut s’oppose à toute réforme d’envergure.
La propriété familiale
121958-1962 : Éviter que les grosses exploitations n’absorbent les petites. Le début de la Ve République a marqué l’avènement du droit rural moderne. L’avenir des exploitations agricoles n’est plus laissé aux acteurs privés. Le droit public fait son apparition. Face à la diminution inquiétante du nombre d’agriculteurs et la concentration excessive des terres entre les mains des plus gros, il s’agit de mettre en place des outils de régulation qui visent à défendre un modèle d’exploitation à deux unités de travail humain (2 UTH), soit l’exploitation agricole de type familial. Dans cet objectif, deux institutions importantes, en plus du remembrement, voient le jour : d’une part, les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural* (SAFER) instaurées en 1960 mais dotées dès 1962 d’un droit de préemption ; d’autre part, la législation vivant à lutter contre les cumuls fonciers, prélude au contrôle des structures. Au final, il s’agit d’éviter que les grosses exploitations absorbent les petites. Les objectifs sont d’aider les jeunes à s’installer, de consolider des exploitations existantes, de faire de la restructuration parcellaire, mais aussi de lutter contre la spéculation foncière. Cette politique a été menée de manière originale par une cogestion État/FNSEA. Des décennies plus tard, il est possible d’affirmer que cette cogestion a permis d’accompagner, sans trop de heurts, une remise en cause profonde de l’identité rurale de la France. Mais cette politique n’a pas eu les résultats escomptés : le nombre d’exploitations n’a fait que diminuer et leur taille n’a fait qu’augmenter.
131970 : Débarrasser l’agriculteur de la charge du foncier. Le législateur prend conscience que l’hémorragie agricole surenchérit le coût de la transmission. Il y répond par une idée nouvelle et astucieuse : puisque la détention du foncier* n’est pas rentable économiquement, débarrassons les agriculteurs de son acquisition. Le statut du fermage offre déjà la liberté économique. Renforçons-la. Par deux lois du 31 décembre 1970 sont créés simultanément le groupement foncier agricole* (GFA) et les baux à long terme. L’idée est la suivante : sous l’égide du père de famille, à l’occasion notamment d’une donation-partage, un GFA familial est constitué dans lequel sont apportées les terres, à charge pour ce GFA de conclure un bail à long terme offrant à l’héritier repreneur une stabilité juridique pendant quasiment toute sa carrière professionnelle. De substantiels avantages fiscaux sont accordés pour orienter les agriculteurs vers ce montage patrimonial (exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit, exonération partielle ou totale selon les cas de l’ISF). Si le GFA s’avère impossible, la famille peut rester en indivision bailleresse (c’est-à-dire en exerçant les droits à plusieurs, notamment celui de concéder un bail). Le notariat est associé à ces opérations. Le montage manifeste un retour à l’égalité en nature du Code Napoléon : les frères et sœurs de l’héritier repreneur sont attributaires de parts de GFA représentatives des terres et l’héritier voit les soultes à verser diminuer d’autant. Le mécanisme de l’attribution préférentielle créé en 1938 avait réglé le problème de la transmission. Le couple « groupement foncier agricole*/bail à long terme » règle celui de son financement. On s’éloigne de la propriété individuelle pour passer à une propriété familiale. La terre devient un bien de famille au moment même où, paradoxalement, triomphe dans la société française, la famille nucléaire.
14Car, il y a un revers à la médaille. Cette association « capital familial/travail » ne respecte qu’une égalité de façade. Pour les frères et sœurs, c’est un piège économique, qui, à moyen terme, se referme sur eux. Que valent des parts de GFA familial ? Qui peut les acheter ? L’absence de mobilité des parts de GFA atteste que la réussite de ces montages relève d’opérations de solidarités financières familiales. L’égalité successorale est sacrifiée sur l’autel de l’intérêt général, celui de la sauvegarde des entreprises agricoles. L’allongement de la durée renforce ce sentiment : les frères et sœurs ne sont souvent attributaires que de parts en nue-propriété10 car les parents conservent l’usufruit et, par voie de conséquence, le fermage, comme complément éventuel de leur retraite d’agriculteur. À la seconde génération, cette souricière devient un nid à contentieux : les cousins n’ont plus la même bienveillance à l’égard de la sauvegarde d’une exploitation sur laquelle ils n’ont pas toujours vécu. Mais l’explication de la hausse du faire-valoir indirect se trouve en partie là : la propriété est souvent détenue par la famille de l’exploitant. Le portage du foncier* devient familial. Pour éviter une atteinte trop flagrante à l’égalité successorale, et mieux prendre en compte les intérêts des héritiers non repreneurs, les conseillers juridiques des agriculteurs (centre de gestion, avocats, notaires, experts-comptables, etc.) ont su affiner le dispositif. Lorsque le patrimoine à transmettre est important, il arrive que les membres de la famille non intéressés par la poursuite de l’activité entrent dans le capital de la société d’exploitation afin de bénéficier également des dividendes de la société. Des montages de type holding* peuvent compléter le dispositif. Les parts de la société d’exploitation (SCEA) peuvent être détenues par une autre société qui détient également des parts dans la société foncière (SCI).
151980 : Débarrasser l’agriculteur de la charge du foncier (bis). Une loi d’orientation agricole du 4 juillet 1980 étend le couple « GFA/bail à long terme » au cadre des successions subies et non plus seulement préparées. C’est un échec. Il faut imaginer la scène. Le père agriculteur décède. Sa succession n’est pas préparée et comporte à titre principal des biens composant l’exploitation agricole. L’héritier, à défaut de partage amiable, peut saisir le tribunal pour solliciter une attribution préférentielle en jouissance autrement dit, obliger ses frères à sœurs à lui consentir un bail rural à long terme pour le décharger du poids foncier, y compris avec constitution d’un GFA, si nécessaire. La mesure est restée symbolique. Les tables de jurisprudence n’en font pas écho. Il faut toutefois relativiser la sentence : il est possible que l’arsenal législatif joue comme une épée de Damoclès au-dessus de la tête des copartageants : « mettez-vous donc d’accord » peut leur souffler le notaire, magistrat de l’amiable, « l’un d’entre vous peut imposer ses vues aux autres par la grâce du tribunal ». Il existe des attributions préférentielles amiables, « de fait », qui ne respectent pas les canons du Code civil.
16Transition : Cette association du capital et du travail ne passe pas seulement par le recours à la solidarité familiale. L’idée d’une détention du foncier* par d’autres acteurs que les membres de la famille a vu le jour dès le début des années 1960. L’idée de fond est toujours la même : mieux vaut que l’agriculteur investisse dans son entreprise que dans le rachat d’un foncier non productif.
De la propriété familiale aux portages* collectifs
17En théorie, deux types de portage du foncier sont possibles. L’un consiste à attirer les investisseurs privés dans l’acquisition de la terre et à étendre à l’agriculture une association du capital/travail bien connue du secteur industriel. L’autre, consiste à recourir à des solutions plus institutionnelles, ou collectives, où le portage collectif est en principe désintéressé. Alors que la seconde solution a les faveurs des pouvoirs publics, la première est souvent vue d’un mauvais œil et le syndicalisme agricole s’efforce de lutter contre une financiarisation* rampante de l’agriculture française.
Le portage collectif désintéressé : les « bienfaiteurs »
18Depuis quelques décennies, on assiste à un portage collectif du foncier agricole, par des personnes extérieures à la famille de l’exploitant. Ce sont principalement des organismes institutionnels ou para-institutionnels. Les principaux acteurs en ce domaine demeurent les SAFER*.
19Le rôle grandissant des SAFER. Depuis leur mise en place en 1962, les SAFER ont vu leurs prérogatives s’étendre et de fait, elles sont devenues des interlocuteurs incontournables sur le marché foncier rural. Dans son rapport annuel de 2014, la Cour des comptes faisait état d’un taux de pénétration sur le marché dit « accessible aux SAFER » de l’ordre de 38 %. Par marché accessible, il convient d’entendre l’ensemble des opérations qui sont notifiées aux fins d’exercice de son droit de préemption ou aux fins de connaissance de l’état des transactions réalisées. Pour autant, la préemption ne représenterait plus que 5 % de l’activité des SAFER. Elles interviennent sur le foncier* principalement par l’intermédiaire d’un autre outil juridique, introduit par une loi du 9 juillet 1999, le mécanisme de la substitution. Dans ce montage juridique, le vendeur consent une promesse unilatérale de vente à la SAFER. L’acquéreur en fait de même en s’engageant à acheter. La SAFER, bénéficiaire de ces deux promesses, substitue dans son droit d’acquisition le promettant de la promesse d’achat.
20Ce mécanisme ingénieux, et dérogatoire au droit commun des agents immobiliers, a été mis en place par les pouvoirs publics pour répondre à un besoin de financement des SAFER. L’État n’a plus les moyens de les subventionner. En les dotant de cet outil juridique exorbitant, il leur permet de développer des fonds propres. À la différence de l’acquisition par préemption, le mécanisme de la substitution évite à la SAFER d’avoir à débourser une somme d’argent. Elles ne servent que d’intermédiaire dans l’opération. Pour assurer le plein succès au dispositif, le législateur l’a accompagné de deux mesures attractives : les biens reçus de la SAFER sont exonérés de tous droits de mutation et l’agriculteur est dispensé de solliciter une autorisation administrative d’exploiter auprès du préfet de région. La réussite a été telle que, dans les campagnes françaises, il est devenu, aujourd’hui, délicat de réaliser une transaction portant sur un terrain agricole ou naturel, sur des bâtiments agricoles, sans passer entre les mains de la SAFER. La simple menace d’une préemption est d’une redoutable efficacité : acquéreurs et vendeurs se trouvent contraints à « négocier » avec elle. Certaines pratiques ont été jugées déviantes par la Cour des comptes car il arrive que la SAFER se comporte comme un marchand de biens. Elle prend une commission d’agence, qui peut varier, mais qui se situe le plus souvent autour de 8 % du montant de la transaction. Cette privatisation de l’action publique a aussi des côtés positifs. Cette manne financière permet aux SAFER de réaliser des opérations davantage respectueuses de l’intérêt général pour lesquelles elles ont été instituées. Il n’est pas rare qu’elle assure le portage du foncier dans une perspective d’aide à l’installation d’un agriculteur.
21Le portage du foncier* par les SAFER. Le portage est une opération réalisée par les SAFER dont la finalité est souvent d’aider l’installation d’un agriculteur. Mais le mécanisme peut être utilisé pour un projet agricole ou rural. Lorsqu’il est effectué en faveur d’un jeune agriculteur qui s’installe, plusieurs étapes se succèdent. Dans un premier temps, la SAFER achète le foncier soit à l’amiable soit par préemption. Les terres sont ensuite mises en location au profit du jeune agriculteur (âgé de 40 ans au plus) dans le cadre d’une convention d’occupation précaire dont la durée est brève (cinq ans). Le loyer est fixé dans le cadre des barèmes imposés par l’arrêté préfectoral portant statut du fermage dans le département considéré. Au terme des cinq ans, la SAFER vend la terre au jeune agriculteur et les loyers qu’il a payés viennent en déduction du prix d’acquisition. S’il n’est pas mesure d’acheter, les loyers sont conservés par la SAFER. Les frais dits de « portage » sont pris en charge par les partenaires (Région, Département, etc.). On dit que le portage* est « fléché », ce qui signifie que l’acquisition est faite au profit d’une personne afin qu’elle conserve sa trésorerie le temps nécessaire d’être sûre que son projet est viable. L’intérêt est, également, d’éviter un endettement précoce et inutile des nouveaux arrivants en agriculture.
22À cet égard, les SAFER distinguent le portage* du stockage*. Dans ce dernier cas, les SAFER achètent des terres mais sans connaître précisément leur affectation immédiate. Les SAFER peuvent ainsi mettre des terres en réserve foncière pour des opérations d’aménagement foncier, rural, agricole ou environnemental. En théorie, la mise en réserve foncière ne peut excéder cinq ans, mais il est possible de déroger à cette règle et, effectivement, il n’est pas rare que les SAFER stockent ainsi du foncier pendant une durée supérieure. Elles ont la possibilité de faire exploiter ces parcelles par l’intermédiaire de convention de mise à disposition (CMD) dont la durée ne peut excéder six ans renouvelable une fois (douze ans).
23Les SAFER intègrent systématiquement dans ces contrats des cahiers des charges qui imposent un certain nombre d’obligations à l’exploitant comme de pratiquer une agriculture respectueuse de l’environnement. Malheureusement, les SAFER traversent aujourd’hui une grave crise de leur financement. L’État français n’a plus les moyens de les subventionner. Elles sont organisées sous forme de sociétés commerciales (SA) et ne bénéficient pas de la possibilité de faire entrer de l’argent grâce à des recettes fiscales car elles ne bénéficient pas du statut d’établissement public. Il en résulte que la part de stockage du foncier par les SAFER a fortement diminué ces dernières années passant de 180 000 hectares dans les années 1980 à 40 000 hectares annuellement, car les opérations de stockage ont un coût. L’action des SAFER pour préserver l’espace agricole et naturel d’opérations d’aménagement urbain ou industriel devient de plus en plus délicate. De même, la capacité des SAFER pour porter ou stocker du foncier dans le but d’aider à l’installation d’agriculteurs s’en trouve amoindrie.
24Le portage du foncier* par d’autres acteurs : des « ONG » du foncier agricole ? En parallèle à l’action des SAFER, le début du xxie siècle voit l’apparition des structures associatives privées dont la mission est d’aider les agriculteurs à s’installer en agriculture. L’association Terre de Liens est certainement la structure la plus emblématique de ce mouvement11. Née en 2003, l’association revendique une philosophie reposant sur l’agriculture biologique et l’économie solidaire. L’objectif est de faciliter l’accès au foncier agricole pour de « nouvelles installations paysannes ». Ce réseau associatif est désormais dense puisqu’il couvre actuellement l’ensemble du territoire continental avec 19 associations régionales. Le montage se rapproche de celui opéré par les SAFER : par l’intermédiaire d’une « foncière », entreprise d’investissement solidaire ouverte aux citoyens, ou d’une fondation, reconnue d’utilité publique habilitée à recevoir des dons et legs, Terre de Liens achète des terres. Un bail rural* à long terme est conclu au profit de l’agriculteur retenu. La durée peut être longue (25 ans). Ces baux contiennent des clauses obligeant l’agriculteur à avoir des pratiques culturales respectueuses de l’environnement (baux environnementaux). Ce mouvement se rapproche d’un portage collectif plus classique où des investisseurs privés viendraient porter le foncier pour aider les agriculteurs à s’installer mais s’en éloigne par une idéologie où la recherche d’une rentabilité du capital est moins marquée.
Le portage* collectif intéressé : les « investisseurs » et la crainte du capitalisme foncier
25Le monde professionnel agricole français a toujours exprimé la crainte de voir des capitaux spéculatifs anonymes acquérir la propriété agricole des terres. Pourtant les expériences d’association de la finance et du labeur ne manquent pas. Dès le début des années 1960, la recherche de trésorerie par le recours aux techniques sociétaires* a été maintes fois suggérée ou proposée par les pouvoirs publics. Pourtant le succès n’a jamais été réellement au rendez-vous : l’image de grosses sociétés d’exploitation rabaissant l’agriculteur au rang de simple salarié a toujours été un repoussoir d’une redoutable efficacité. Par ailleurs, le modèle de l’exploitation agricole de type familial défendu dès l’origine de la création du droit rural moderne (1958-1962) s’accordait mal avec une politique d’attraction de capitaux extérieurs à l’agriculture. Les outils juridiques n’ont pas été pensés pour cette forme d’association du capital et du travail. Le statut du fermage favorise indirectement le faire-valoir direct par des propriétaires puisqu’il encourage les fermiers à acheter, amiablement ou par préemption, les terres qu’ils exploitent à un coût moindre. En effet, selon la durée du bail restant à courir, une décote de 20 à 30 % est appliquée en présence d’une terre louée par rapport à une terre libre. En outre, la faiblesse des loyers et, pendant longtemps, l’absence de valorisation du foncier agricole n’a guère rendu attractive l’acquisition des terres par des investisseurs privés.
26Les sociétés d’exploitations qui ont été inventées par les représentants de la profession agricole ont verrouillé l’accès à des capitaux extérieurs. Les GAEC créés en 1962 ne sont possibles qu’entre agriculteurs personnes physiques. Les EARL créées en 1985 offrent la perspective d’associer des agriculteurs et des non-agriculteurs mais ces derniers ne peuvent pas être des personnes morales et les associés exploitants doivent détenir plus de 50 % du capital de la société. Mais le monde professionnel agricole n’a jamais pu interdire le recours à la société de droit commun, celle du Code civil et non du code rural. L’utilisation de la SCEA a toujours été un affront à la politique agricole, une brèche juridique béante dans laquelle les initiés ont pu s’engouffrer pour contourner tant les outils juridiques de l’exploitation (SCEA avec salariés pour détourner le statut du fermage) que les outils de régulation de l’activité (contrôle des structures) et du foncier (SAFER).
27Les principaux échecs du capitalisme foncier en France (1970-2000). Après la loi du 31 décembre 1970, certains GFA investisseurs ont été institués. Certains à l’initiative du notariat, d’autres du Crédit Agricole, la grande banque française des agriculteurs pendant longtemps en situation de monopole. Mais la non-rentabilité du placement (lié au montant des fermages versés par les agriculteurs) et le peu d’espoir de plus-value dégagée en cas de revente de la terre, en période de baisse du prix de la terre, ont créé un véritable marasme des parts de ce type de GFA au point que ces derniers ont fini par disparaître. Une loi du 12 juillet 1974 a offert aux SAFER la possibilité d’entrer temporairement dans le capital du GFA, mais cette introduction est doublement limitée, dans la durée (maximum cinq ans) et dans la détention du capital (elles ne peuvent détenir plus de 30 % du capital).
28Par la suite, la loi du 4 juillet 1980 n’avait admis que la possibilité pour les GFA de faire appel à l’épargne en collectant des capitaux par voie de publicité. Mais la mesure est restée lettre morte. De même, la loi de 1980 a introduit la possibilité toujours existante dans notre corpus juridique (Code rural, art. L.322-3) de faire entrer dans le capital du GFA des sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), des entreprises d’assurance et capitalisation. Puis, en 2009, et 2014, cette faculté a été étendue aux coopératives agricoles* et aux sociétés d’intérêt collectif (SICA). Mais, là encore, des garde-fous anticapitalistiques ont été mis en place qui ont ruiné l’efficacité du dispositif. Ces personnes ne peuvent y exercer aucune fonction de direction ou de gestion. Le moins que l’on puisse dire est que le succès de ces mesures a été timide. Il existe toutefois, en particulier dans certaines régions viticoles, des GFA d’agrément où les apporteurs de capitaux se font rémunérer en bouteilles de vin. Parfois, la forêt attire également pour le plaisir de la chasse et non pour l’activité sylvicole. Certaines banques, comme le Crédit Mutuel (StarTerre-Agri) se lancent dans des opérations de portage du foncier* avec le souci de permettre, au bout de quelques années, l’acquisition des terres par l’agriculteur. Un fonds d’investissement Labeliance (composé d’opérateurs spécialisés dans les compagnies d’assurances) a passé un accord avec l’APCA (assemblée permanente des chambres d’agriculture*) pour la création d’un « groupement d’utilisation du financement agricole » (GUFA), le « GUFA des territoires » dont l’objectif est d’apporter des solutions de financement aux agriculteurs pour des projets « innovants » d’installation, de développement et de modernisation des exploitations. Par ailleurs, Labeliance a signé des conventions de partenariat avec d’autres partenaires : FNPFruits, FNSAFER, FNOvine, FNPLégumes, des coopératives, FDSEA 51.
29La tentative du bail cessible et du fonds agricole* (2006). La loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 marque une rupture avec la politique menée jusque-là par le monde professionnel agricole. Pour la première fois, le législateur français propose aux agriculteurs un bail rural* d’un nouveau genre dont la philosophie est aux antipodes du statut du fermage. Ce bail se rapproche « dangereusement » du bail commercial. C’est une logique entrepreneuriale* qui prévaut sur la logique familiale du statut. Le fermier peut espérer valoriser son entreprise – son fonds agricole – en la cédant moyennant finance à un tiers qu’il choisit librement. Le loyer est sensiblement majoré par rapport à celui fixé dans le cadre du bail à ferme soumis au statut. La réussite n’est toutefois pas au rendez-vous, alors même que ce contrat est susceptible d’être attractif pour la propriété foncière. Les avantages pour les bailleurs sont nombreux : rentabilité du foncier par un montant de fermage intéressant, possibilité de recevoir un pas-de-porte12 lors de l’entrée dans les lieux du fermier, exonération partielle ou totale de l’impôt de solidarité sur la fortune, exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit des biens loués, éviction du droit de préemption de la SAFER lorsque la parcelle cédée est louée depuis plus de trois ans…
30Mis à part dans des secteurs agricoles où la valorisation du foncier est réellement importante, comme la vigne, et dans les régions du nord de la France, où le bail cessible permet de légaliser éventuellement une vieille pratique illicite de pas-de-porte, la greffe ne prend pas. Les raisons de cet échec sont diverses. Certaines sont économiques, d’autres tiennent à la psychologie collective du monde paysan, d’autres relèvent de la technique juridique. Économiquement là, où la terre ne vaut pas grand-chose, l’outil paraît disproportionné ou inadapté. Socialement, là où la volonté est de transmettre l’exploitation à ses enfants, l’idée de faire payer à la génération suivante le droit au bail, passe mal. En outre, les bailleurs aiment bien conserver l’idée qu’ils gardent la main sur le choix de l’exploitant. Le bail cessible hors cadre familial constitue une rupture trop violente avec le caractère intuitus personae (ou familiae) du statut du fermage. Juridiquement, des malfaçons congénitales nuisent à sa propagation. Si le bailleur peut mettre à la porte son fermier, le montant de l’indemnité d’éviction qu’il devra verser demeure incertain. Si le preneur reste dans les lieux au-delà de la durée prévue dans le contrat – en principe la durée initiale est de dix-huit ans et le contrat est renouvelable pour une période de neuf ans –, nul ne sait sous quel régime contractuel se noue la relation entre fermier et bailleur, statut ou bail cessible ? La fiscalité applicable au pas-de-porte pose problème. Le juriste, au moment d’interpréter ces textes, est souvent dans l’embarras car, pour ne pas paraître trop attentatoire au statut du fermage, les pouvoirs publics l’ont présenté… comme étant un contrat partiellement dérogatoire à ce statut. Les conséquences sont fâcheuses : le statut a vocation à s’appliquer de manière résiduelle. Cette ambiguïté nuit à la cohérence de ce nouveau contrat alors même qu’il constitue un outil intéressant pour attirer des investisseurs privés tout en assurant une indépendance économique et juridique au cultivateur.
31Il est vrai également que le statut du fermage conserve encore nombre de partisans. Sans doute, parce qu’il a su s’adapter aux différentes situations familiales ou économiques que connaissent les agricultures françaises. Les moyens de contourner les deux piliers du statut (interdiction de céder le droit au bail et son corollaire, son absence de valeur patrimoniale) sont connus de tous les praticiens du droit (résiliation amiable et conclusion d’un nouveau bail avec le preneur entrant ; apport du droit au bail à une société suivi de la cession des parts au preneur entrant). Au-delà des pétitions de principe, le statut du fermage a su accueillir bien des patrimonialisations occultes repoussant toujours un peu plus l’urgence de l’intronisation d’un bail librement cessible mal perçu des syndicats des fermiers. Car, au fond, ce que craignent par-dessus tout les fermiers, c’est que la libéralisation du montage des fermages entraîne une augmentation de la valeur du foncier agricole qui leur interdira toute perspective d’acquisition. La relation des fermiers à la terre est paradoxale : le statut leur permet d’éviter d’avoir à investir dans le capital foncier mais dans le même temps, ils caressent l’espoir d’acquérir cette terre qui demeure leur outil principal de production.
32L’accaparement* des terres par des étrangers et la financiarisation* de l’agriculture (depuis 2010). Au printemps de 2016, le phénomène d’accaparement des terres par des investisseurs étrangers a été placé sous les feux des projecteurs médiatiques : 1 700 hectares de céréales ont été achetés dans l’Indre, via l’acquisition de parts de différentes sociétés d’exploitation (SCEA), par des sociétés chinoises. Le ministère de l’Agriculture a demandé des comptes à la FNSAFER qui a répondu que les SAFER ne pouvaient intervenir sur des cessions partielles de parts de société (une SAFER ne peut en effet intervenir que sur une cession de la totalité des parts sociales). Une loi a donc été adoptée à l’automne 2016 pour ouvrir, de manière encadrée, leur droit de préemption sur des cessions partielles de parts de société foncière. Si le texte passait prochainement le filtre du conseil constitutionnel, les SCEA se trouveraient dans l’impossibilité d’acquérir des terres, ou de bénéficier d’un apport de ces mêmes biens. Elles devraient rétrocéder ces parcelles à une société foncière constituée à cet effet. La cession des parts de la société d’exploitation devra passer par une cession des parts de la société foncière et offrira ainsi à la SAFER l’opportunité d’exercer un droit de préemption.
33Ce montage juridique risque fort de limiter singulièrement l’utilisation des SCEA en agriculture ou des sociétés commerciales en la forme sociétaire* (SA, SAS, SARL) dont l’objet est l’exercice d’une activité agricole. Cette course à l’acquisition de terres par des investisseurs semble être une tendance mondiale qui concerne également la France depuis quelques années. De nombreux Chinois achètent, par exemple, des châteaux viticoles dans le Bordelais. La diminution du nombre d’exploitations aboutit à un besoin de capitaux de plus en plus important. Ce phénomène prend de l’ampleur au fur et à mesure que le capital d’exploitation devient lui aussi de plus en plus coûteux pour l’agriculteur (bâtiment, matériels d’exploitation, etc.). Tout concourt à une augmentation du prix des terres en France : leur rareté, l’appétit des promoteurs immobiliers, des taux d’intérêt particulièrement bas, etc. Manifestement, les outils de régulation du prix (statut du fermage, SAFER, etc.) ne jouent plus leur rôle. La variabilité importante des revenus agricoles en France ces dernières années ne permet pas toujours aux agriculteurs d’acquérir.
34Cette financiarisation est révélatrice des contradictions que vit l’agriculture française. Tantôt, elle est mal perçue tant par la France que par l’Union européenne*. Elle remettrait en cause le modèle de la petite exploitation familiale. Elle porterait atteinte à l’indépendance alimentaire, au maintien de l’attractivité de nos territoires et d’une localisation de la valeur ajoutée, et à l’espoir d’une meilleure prise en compte de l’environnement. Tantôt, la terre est vue comme un marché et attirer les capitaux extérieurs à l’agriculture appréhendés devient un moyen de décharger les agriculteurs du poids du foncier*. Ainsi, la Commission européenne reproche à la Bulgarie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie et la Slovaquie de restreindre l’acquisition de terres agricoles, par le biais d’une réglementation qui enfreindrait la libre circulation des capitaux et la liberté d’établissement13. Les pratiques de certaines SAFER sont au cœur de ces paradoxes. Souvent, elles aident les installations et contribuent au maintien des exploitations familiales de taille modeste. Parfois, elles cherchent elles-mêmes l’investisseur, si besoin à l’étranger, capable de porter le poids du capital foncier de l’entreprise.
35La véritable inquiétude : qui gère les exploitations agricoles françaises ? Il paraît pour le moins stérile d’opposer ainsi la vertueuse agriculture familiale* française au modèle des grandes firmes américaines, allemandes, ou hollandaises qui seraient accusées de tous les maux. Au fond, la question n’est pas tant de savoir qui est propriétaire de la terre, mais qui gère l’activité agricole. Le nombre d’exploitations détenues par des personnes morales, qui ont recours à des entreprises de travaux agricoles, a plus que triplé depuis vingt ans, multipliant les unités de production à partir de plusieurs exploitations. L’enjeu est crucial en termes de sécurité et d’indépendance alimentaire tant de la France que de l’Union européenne*. L’affaire chinoise du printemps 2016 met en lumière des montages juridiques qui permettent de contourner tous les outils de contrôle tant de la propriété (SAFER) que de l’activité (statut du fermage, contrôle des structures). Les sommes d’argent importantes versées par l’Union européenne dans le cadre de la politique agricole doivent servir à rémunérer les agriculteurs et non ceux qui détiennent le capital d’exploitation. Mais la réponse épidermique des pouvoirs publics à l’automne 2016 se trompe de cible. En mettant l’accent uniquement sur un renforcement du contrôle de la propriété (extension du droit de préemption des SAFER sur les cessions partielles de parts de sociétés, bannissement de certaines sociétés comme instruments du portage de foncier et du capital d’exploitation), l’État français prive l’agriculture des leviers juridiques traditionnellement utilisés dans tous les autres secteurs d’activité. C’est le recours au pacte Dutreil14 pour certaines sociétés d’exploitation (SCEA, SA, SARL, etc.) qui se trouve ainsi écarté. C’est le recours au montage du type holding* qui se trouve ainsi interdit en agriculture. Il serait sans doute plus raisonnable de repenser la politique du contrôle des structures en France en soumettant à autorisation administrative préalable toutes les transactions qui aboutissent à un changement de propriétaire15 au sein d’une société d’exploitation agricole. Une alliance objective du capital et du travail offrant une juste rémunération du capital foncier aux apporteurs et laissant une liberté de gestion aux agriculteurs reste, en France, à inventer. Reste que l’activité agricole est de moins en moins une activité privée. L’agriculteur ne dispose plus de cette liberté de gestion que souhaitait lui offrir à la sortie de la Seconde Guerre mondiale le statut du fermage. L’activité agricole est devenue une affaire publique : l’usage de la terre, un bien commun.
L’usage de la terre : un bien commun
36Toute politique foncière devrait, en bonne cohérence, se faire au regard de deux critères : déterminer préalablement les fonctions et usages des sols (agricoles, boisés, constructibles, etc.) et déterminer ensuite les droits d’usage de ce sol (droits d’exploiter, droits de construire, droits à exploiter le bois). La lutte contre le réchauffement climatique fait de la protection de l’environnement une priorité absolue et conduit progressivement la France à réorienter sa politique territoriale. Mais entre la prise de conscience collective et l’adéquation des moyens et des fins, le chemin d’une telle reconversion semble encore long.
Maîtriser les usages des sols : l'artificialisation des sols
37Il faut imaginer une carte de la France, la découper pour en déterminer les usages et gérer les changements d’usage.
Les usages du sol
38Multifonctionnalité des sols/richesses du sol. La multifonctionnalité des sols n’est pas une nouveauté. Tout le monde peut constater que le sol accueille diverses activités. Le sol nourrit le monde. Le sol est un filtre et un tampon qui permet d’avoir de l’eau potable et de réguler les inondations. Le sol participe aux cycles de l’azote (N), du phosphore (P) et du potassium (K), éléments nécessaires au développement des plantes et des cultures. Le sol est un lieu de vie, riche en espèces et en êtres vivants. Ainsi la biodiversité souterraine est supérieure à celle qui se trouve en surface. Le sol participe au cycle du carbone en stockant et en rejetant le carbone dans l’atmosphère. Le sol est un support pour les bâtiments et les infrastructures (routes, parkings, etc.) et beaucoup des matériaux présents dans leur construction proviennent du sol. Il est aussi le témoin de notre histoire (fouilles archéologiques). Mais le sol est une ressource limitée. Ce n’est que depuis quelques décennies qu’est apparue l’idée que la terre est un bien commun de l’humanité qui doit être protégé de son espèce la plus invasive et abrasive qui soit : l’homme.
39Cartographie du territoire français. En 201016, sur les 55 millions d’hectares que compte le territoire français métropolitain (550 000 kilomètres carrés), un peu plus de 28 millions d’hectares étaient occupés par des activités agricoles. Les sols non artificialisés se composent de : 37 % de sols cultivés, 34 % de sols boisés, 19 % de surfaces toujours en herbe, 6 % de landes, friches, maquis, garrigues, 4 % autres. Les territoires non agricoles ne représentent que 9 % de la superficie totale du territoire métropolitain avec évidemment de profondes disparités : ils occupent une surface importante en Île-de-France (31 %), en Nord-Pas-de-Calais (17 %) et en Martinique (16 %). Dans les autres régions, ils oscillent entre 4 % (en Corse) et 13 % (en Alsace). Partout, l’agriculture a posé son empreinte sur le paysage français.
40Le rôle de l’agriculture et de la forêt dans la société française. La place de l’agriculture dans la société française a évolué. Après la Seconde Guerre mondiale, une période de productivisme intensif a abouti à une crise de la surproduction au début des années 1980. L’Union européenne est intervenue pour mettre en place une politique de contingentement de la production (politique des quotas ou des droits de plantation en matière viticole). Depuis quelques décennies, le rôle de l’agriculteur français n’est plus seulement d’assurer l’alimentation des consommateurs tout en permettant à ces derniers de vivre de leurs activités. La société leur demande beaucoup plus : produire une alimentation saine et équilibrée car les enjeux de santé publique deviennent omniprésents, assurer la protection de l’environnement et alors même que l’activité agricole peut être une cause de production de gaz à effet de serre, défendre la beauté des paysages car l’activité touristique rurale est au cœur de l’économie française. La forêt est révélatrice de cette prise de conscience collective. Longtemps considérée comme un lieu sombre et inquiétant non ouvert aux habitants, la forêt s’ouvre, et devient un enjeu vital. Couvrant 30 % du territoire français, la forêt contribue fortement au stockage du carbone et donc à la lutte contre le réchauffement climatique. Elle est source d’une énergie renouvelable avec le bois de chauffage. Elle produit des biomatériaux pour les bâtiments. Cependant la France connaît un grand morcellement de sa forêt. Des outils juridiques sont mis en place pour éviter cette fragmentation : instauration d’un droit de préférence au profit des voisins détenteurs de parcelles boisées en cas de vente de propriété boisée d’une superficie inférieure à 4 hectares (2010), droit de préemption au profit de l’État ou de la commune (2014). Mais les résultats se font attendre.
41Le droit de l’urbanisme multiplie les espaces protégés. La société s’intéresse de plus en plus à la gestion des espaces naturels, agricoles, forestiers pour des raisons paysagères ou écologiques. La protection de la biodiversité, de la ressource en eau, la lutte contre le réchauffement climatique, le taux de matière organique, la lutte contre la dégradation des sols sont autant de raisons qui justifient l’apparition de zonages visant à découper et à imposer des normes de gestion sur le territoire français. Le droit de l’urbanisme a ainsi été fortement mobilisé. Les premiers parcs nationaux, où l’habitat est interdit, sont créés en 1963. À partir de 1967, la France met en place des parcs régionaux qui autorisent un habitat modéré tout en offrant une protection à la faune et à la flore. Les 51 parcs régionaux couvrent aujourd’hui 15 % du territoire national. Une loi (n° 76.1285) du 31 décembre 1976 a instauré les espaces naturels sensibles des départements (ENS). Ils constituent un premier outil de protection des espaces naturels par leur acquisition foncière ou par la signature de conventions avec les propriétaires privés ou publics mis en place dans le droit français17.
42La loi d’orientation agricole n° 1999-574 de 1999 crée les ZAP (zone agricole protégée)18 qui sont des servitudes d’utilité publique instaurées par arrêté préfectoral, à la demande des communes. Elles sont destinées à la protection de zones agricoles dont la préservation présente un intérêt général en raison de la qualité des productions ou de la situation géographique. Tout changement d’affectation ou de mode d’occupation du sol qui altère durablement le potentiel agronomique, biologique ou économique doit être soumis à l’avis de la chambre d’agriculture* et de la commission départementale d’orientation de l’agriculture. En cas d’avis défavorable de l’une d’entre elles, le changement ne peut être autorisé que sur décision motivée du préfet. La loi relative au développement des territoires ruraux met en place (loi DTR n° 2005-157 du 23 février 2005) les PAEN (périmètres de protection et de mise en valeur des espaces agricoles et naturels périurbains)19, qui sont instaurés par le département avec l’accord de la ou des communes concernées et sur avis de la chambre d’agriculture.
43Entre-temps, l’Union européenne* a lancé le réseau Natura 2000* par une directive européenne 92/43/CEE sur la conservation des habitats naturels de la faune et de la flore sauvages, du 21 mai 1992. Le réseau de sites français n’a été validé qu’en 2007. Les ZAP sont peu utilisées. Le succès des PAEN est tardif mais commence à se dessiner : une vingtaine de PAEN en France au début de l’année 2015, mais autant de projets en cours d’habilitation. Il faut ajouter à ce maillage de la France, l’existence de périmètres de protection contre les risques d’inondation (PPRI), de périmètres de protection des zones de captage d’eau, de bandes de protection des espaces littoraux, des trames vertes et bleues. Ces dernières sont nées du constat que les politiques traditionnelles de création d’espaces protégés ont montré leurs limites en ne raisonnant pas assez en termes de maillage et de fonctionnalité des écosystèmes à une large échelle spatiale, intégrant d’une part la mobilité des espèces et dans une moindre mesure des écosystèmes. D’où l’idée de trame et non plus de zone qui se met en place progressivement depuis 2007. Il est évident que l’ensemble de cette réglementation, de plus en plus dense, fait peser sur les épaules des agriculteurs un ensemble de contraintes. Dans certains cas, l’exclusion de l’activité agricole peut être envisagée (périmètres rapprochés des captures d’eau, zone d’enherbement le long des cours d’eau).
44Un sol qui se dérobe sous nos pieds. La terre naturelle ou agricole est devenue, en France, une denrée de plus en plus rare sans que la population française s’en aperçoive. Il est vrai que la société a vécu, ces dernières décennies, une France qui se meurt, « la fin des paysans »* pour reprendre la formule du sociologue Henri Mendras. L’exode rural, merveilleusement mis en photographie par Raymond Depardon, lui donne l’illusion que les territoires ruraux se dépeuplent et qu’il resterait de nombreuses terres à exploiter. Mais la réalité est tristement autre : la « diagonale du vide » comme la surnomment les géographes ne concerne qu’une petite partie de l’espace rural qui prend la France en écharpe de la Lorraine au Massif central. Mais, ce désert français est en train de reculer inexorablement. Les chiffres le prouvent : en 1960, la surface agricole utile* (SAU) avait atteint son apogée avec 34,5 millions d’hectares. Depuis, on assiste, presque impuissant, à une lente et semble-il inexorable réduction. 5,1 millions d’hectares seraient partis en fumée urbaine entre 1960 et 2007, soit une perte moyenne de 111 000 ha par an. Sur la période récente, la perte de SAU, si elle semble se ralentir, se maintient à un rythme élevé : autour de 60 000 hectares par an selon l’enquête Teruti du ministère de l’Agriculture20. Une phrase, prononcée par un ministre de l’Agriculture un jour de 2010, aura marqué les esprits : « Nous ne pouvons pas continuer à perdre 200 hectares de terres agricoles par jour, l’équivalent d’un département de terres agricoles tous les dix ans »21. L’artificialisation des terres est au cœur de la politique actuelle des territoires et de la coexistence de la ville et de la campagne. Quadriller la France à l’aide d’un compas et d’un crayon en dessinant des zones ne suffit plus. La politique foncière doit de toute urgence réfléchir aux changements d’usage des sols pour réduire au strict nécessaire le phénomène de l’artificialisation des sols.
Gérer les changements d’usage des sols au cœur de la politique du territoire
45Artificialisation des sols. Dans cette compétition entre activités (habitat, loisir, agricole, forêts), les surfaces agricoles et naturelles sont toujours les grandes perdantes au bénéfice de l’expansion de l’ère urbaine. La politique foncière en France depuis la Seconde Guerre mondiale a un nom : c’est la politique de la campagne résidentielle. La quasi-totalité du territoire se trouve concernée par le phénomène. Les zones littorales ont vu leur peuplement exploser. Cependant la croissance démographique n’est pas la seule cause de la consommation d’espace naturel agricole. Les torts semblent partagés. Certes, le désir de se mettre au vert est un sentiment prisé des citadins, dans un habitat individualisé, dévoreur d’espace rural. Mais à l’autre bout de la chaîne, les agriculteurs ne sont pas toujours les victimes. À l’orée des grandes villes, où la valeur des terrains constructibles est sans commune mesure avec la valeur de ces terrains agricoles, la perspective d’un banco financier aiguise bien des appétits, surtout en cas de mévente des produits agricoles et en période de baisse corrélative des revenus22. Les autres acteurs ne sont pas non plus en reste : le secteur immobilier n’y est pas toujours hostile ; certains promoteurs immobiliers ont alimenté toutes les spéculations et certains décideurs politiques locaux y ont vu des recettes fiscales supplémentaires.
46Retour sur terre. Au moment de décider d’un déclassement d’une zone agricole ou naturelle, la qualité agronomique d’un sol n’est pas retenue comme critère pour empêcher son imperméabilisation23. Or, toute viabilisation d’un terrain est d’autant plus mortifère pour la planète, qu’elle est irréversible. S’il est facile de passer d’un sol agricole ou naturel à un sol imperméabilisé, l’inverse n’est pas vrai et de fait, il est rare que ce soit le cas. Même si les enjeux sont planétaires, à l’échelle de la France, le maintien des espaces naturels agricoles et forestiers est devenu une nécessité vitale. Contrairement à une idée répandue, la France ne connaît pas une « indépendance territoriale agricole » : elle importe, aux dires des experts, l’équivalent de la production de la biomasse de 1,4 million d’hectares pour assurer ses propres besoins. En outre, la perspective d’augmenter la consommation de biocarburant dans la production de diesel ou d’essence laisse augurer dans les prochaines années un besoin de surface agricole exponentiel. Si le sol français attire toutes les convoitises (habitat, forêt, agricole), il faut aussi changer notre regard. Un sol naturel même non agricole sert à stocker le carbone, à accueillir la biodiversité et stocker de l’eau. Il ne doit pas être perçu comme un territoire à urbaniser. Toute la question est de savoir est savoir si les outils juridiques qui ont mis été en place sont à la hauteur des enjeux. La réponse est clairement négative. Quelques exemples l’illustrent.
47Le statut du fermage ne protège pas de l’urbanisation. Alors que près des trois quarts des terres se trouvent exploitées par le biais d’un bail rural*, le statut du fermage ne préserve pas la destination agricole des sols contre l’avancée urbaine ou industrielle. Le bailleur, bénéficie, en cours de résiliation, de manière arbitraire, d’un droit de « résiliation pour cause d’urbanisme » extrajudiciaire et unilatérale (Code rural, art. L.411-32). Preuve qu’au moment de l’élaboration du statut, la lutte contre l’expansion urbaine n’était pas un enjeu politique. Il est vrai que le bailleur est déjà bien mal traité dans le statut et que la faible rémunération du capital foncier justifie, aux yeux de certains, que le propriétaire ne manque pas l’occasion de réaliser une substantielle plus-value liée à l’urbanisation de son fonds. Le fermier bénéficie, certes d’une indemnité calculée comme en matière d’expropriation, mais son montant ne semble guère être un frein à l’étalement urbain.
48Effet boomerang de la politique du zonage. La sanctuarisation de zones agricoles ou naturelles produit un effet inverse à celui recherché. Elle valorise, en négatif, les « zones hors zones » et pour les propriétaires de terrains qui seraient situés à l’intérieur des périmètres, l’espoir d’une plus-value immobilière liée au changement de destination disparaît. C’est d’ailleurs une raison qui explique l’échec des ZAP. La décision de création d’une telle zone appartient aux communes. Il est bien délicat pour un maire de prendre la responsabilité de trancher, au sein de sa population, entre les gagnants et les perdants.
49Régionalisation, sous le contrôle de l’État, des prises de décisions. La protection des espaces naturels et agricoles est intimement liée à la politique de la ville. Or, en France, le niveau de décision s’effectue, souvent, au niveau des mairies ou des communautés de communes. Ainsi en est-il des plans locaux d’urbanisme qui déterminent les zones constructibles, document préalable à la délivrance des permis de construire. À l’instar d’autres pays européens, il sera utile, si l’on souhaite éviter le gaspillage des terres, de transférer le pouvoir de décision à l’échelle des nouvelles régions (13). Ce transfert, sous le contrôle d’une politique réellement nationale qui aujourd’hui fait défaut, serait de nature à limiter le mitage du territoire ou le pastillage que connaît le paysage français.
50La politique de la compensation agricole : le bon chemin ? La dernière loi d’avenir agricole du 13 octobre 201424 étend le mécanisme de la compensation, connue en matière écologique et forestière, à l’agriculture (Code rural, art. L.112-1-3). La compensation collective agricole vise à compenser les conséquences négatives importantes sur l’économie agricole du territoire concerné en cas de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements publics ou privés. Pour limiter la consommation excessive de foncier agricole, le maître d’ouvrage doit éviter, réduire ou compenser les impacts sur le potentiel économique des activités agricoles sur un territoire donné. Elle ne concerne pas les agriculteurs en tant qu’individus, bénéficiant déjà d’un dispositif particulier d’éviction et d’indemnisation. Il s’agit principalement des infrastructures de transport routier et ferroviaire, des installations classées de protection de l’environnement, des travaux soumis à l’obtention du permis de construire et d’aménager. L’étude préalable doit effectuer un vrai travail de réflexion au sujet des mesures d’évitement et de réduction. Le principe est bien l’évitement – compensation en nature par le remplacement de terrain en terrain – et la réduction. En revanche, la compensation financière doit rester l’exception. Toutefois, pour que la politique de la compensation soit réellement à la hauteur des enjeux environnementaux et de préservation des espaces agricoles, il faudra attendre les premières années d’application de la loi. Si par malheur, la compensation financière prend le pas sur la compensation en nature, cette politique aura un effet inverse à celui recherché.
51Une politique de taxation des plus-values immobilières inadaptée. Les mesures fiscales de droit privé demeurent également un élément central du débat et tout particulièrement, le régime d’imposition des plus-values immobilières de cession de terrains à bâtir. Il est tout de même surprenant que la vieille idée d’une taxe sur la spéculation liée au changement de destination agricole des terres soit constamment reportée aux calendes grecques. L’idée que son produit soit affecté en priorité à l’installation des jeunes agriculteurs semble pourtant faire consensus. Par deux fois, le gouvernement, ces dernières années, a tenté de réformer ce régime d’imposition dans le sens du durcissement ; par deux fois, le Conseil constitutionnel l’a censuré25, non pas tant sur le principe même d’un renforcement de la taxation, mais sur ses modalités techniques. Il en résulte que le régime des plus-values des terrains à bâtir demeure quasiment inchangé : les plus-values de cessions de terrains à bâtir restent taxées au taux global de 34,5 %, réduit d’un abattement pour la durée de détention aboutissant à une exonération totale après trente ans de détention. De guerre lasse, le gouvernement semble changer de cap. Dans le cadre du second plan de relance pour le logement, le mot d’ordre serait désormais de « libérer les terrains ! Beaucoup plus de terrains ! ».
52La terre agricole, une denrée rare : hiérarchiser les enjeux. Si la politique territoriale souhaite s’élever à la hauteur des défis environnementaux de la planète, elle doit repenser le lien entre la politique des espaces naturels agricoles et la politique de la ville. Il faut abandonner la politique de la campagne résidentielle, c’est-à-dire de quartiers résidentiels très étendus et aux allures de campagne. Il convient de reconstruire la ville sur la ville en renforçant la qualité de la vie en ville. Cela peut passer par un renforcement de la nature en ville : autrement dit mettre l’agriculture à la ville et non la ville à la campagne. Rendre impossible, sauf décision ministérielle, comme en zone PAEN, le changement d’usage d’un terrain agricole vers un terrain constructible. À l’inverse, faciliter le glissement des espaces naturels et agricoles vers les sols boisés. Regarder le mésusage agricole non pas comme un espace à urbaniser, mais comme un espace naturel à protéger, car susceptible de stocker du carbone et donc de nature à préserver l’environnement. Admettre la multifonctionnalité des territoires : un même sol peut accueillir de l’énergie renouvelable (ex : un champ éolien), une activité agricole, un habitat limité et, une activité forestière. L’inconvénient de la politique foncière en France tient au fait qu’elle segmente par une technique du zonage le territoire, production par production, activité par activité, sans prendre en compte cette multifonctionnalité du sol. En raison de cette course à la terre, il faut promouvoir les activités agricoles peu dévoreuses d’espaces ruraux et faire confiance aux progrès de l’agronomie qui nous prédisent une production agricole quantitativement importante, respectueuse de l’environnement sur peu de surface. Le Québec est un exemple à suivre : il consomme 500 hectares par an pour une population de 7 millions d’habitants. Ramenée à la France, la consommation serait de 5 000 hectares au lieu des 80 000 actuellement…
Maîtriser l’usage agricole du sol : l'écologisation des sols
53La maîtrise du foncier* passe par la maîtrise de l’activité qui y est déployée dès lors que l’activité agricole est essentielle pour l’avenir de la planète. Depuis quelques années, la réflexion a porté sur les outils juridiques à mettre en place pour rémunérer les agriculteurs qui adoptent des comportements écologiquement vertueux. Ces « paiements pour service environnemental » (PSE) ne sont, pour l’instant, pas à la hauteur des défis que l’agriculture française devra nécessairement relever demain. C’est pourquoi d’autres formes d’agricultures demeurent à inventer.
Le paiement pour service environnemental
54Les pratiques culturales respectueuses de l’environnement : une valeur ? La question environnementale concerne toutes les formes juridiques d’exploitations agricoles : en faire-valoir direct ou en faire-valoir indirect, que l’agriculteur soit un propriétaire exploitant ou exerce son activité sous forme de société. Le titre juridique importe peu. Cet impératif écologique supérieur heurte en France les défenseurs du droit de propriété*, tel qu’il a été conçu en 1804 ainsi que l’idée de l’agriculteur propriétaire, maître chez lui de gérer, comme bon lui semble, son entreprise. En réalité, ce n’est pas tant la propriété qui a une fonction environnementale26 que l’activité agricole. Le fermier est tout autant concerné que le propriétaire exploitant par la nécessité d’adapter ses pratiques culturales aux contraintes environnementales. Du reste, le statut du fermage accorde en principe une liberté économique au fermier pour gérer à sa guise son exploitation et les débats font également rage pour savoir comment adapter le statut aux enjeux environnementaux. In fine, les agriculteurs veulent bien changer leur comportement car ils ont un intérêt tout particulier à la protection de leur sol et à produire une alimentation saine pour la santé. Cependant, ces pratiques culturales respectueuses de l’environnement entraînent des coûts et des charges supplémentaires pour leur exploitation. L’idée que la société doit également prendre en charge cet effort environnemental demandé aux agriculteurs français – qui subissent, par ailleurs, une grande variabilité de leurs revenus – fait son apparition. Les modes de paiement pour services environnementaux (PSE) prennent des formes juridiques très diverses. Pour l’instant, là encore, les outils juridiques ne paraissent pas à la hauteur des enjeux. Si le droit public de l’environnement impose depuis longtemps déjà des contraintes environnementales, par une réglementation de police administrative parfois très contraignante (effluents, utilisation des produits phytosanitaires, eaux, installation classée, etc.), il reste à inventer un droit privé de l’environnement appliqué à l’agriculture qui soit réellement efficace.
55Les aides directes : la réforme de la politique agricole (2003-2015). Le principe de la conditionnalité des aides est un ensemble de règles à respecter pour tout agriculteur qui bénéficie d’une ou plusieurs des aides liées à la surface exploitée. Introduit en 2003, le « verdissement » de la politique agricole commune* a été considérablement renforcé dans le cadre de la réforme de 2015 et il est probable que demain, les versements des subsides par l’Union européenne* seront encore plus directement liés à la transition écologique de l’agriculture. La conditionnalité comporte des exigences relatives au respect de dispositions réglementaires (ERMG ou « exigences réglementaires en matière de gestion ») dans le secteur de l’environnement, du sanitaire et du bien-être animal, et à de « bonnes conditions agricoles et environnementales » (BCAE), que l’agriculteur doit respecter sur les surfaces, animaux et éléments sur lesquels il a le contrôle. Reste que toutes les cultures ne sont pas concernées par les aides de l’Union européenne (exemple : la vigne) et qu’il existe de grandes disparités selon les secteurs agricoles et le territoire.
56Le bail rural environnemental (BRE) [2006-2014]. La création du « bail rural environnemental » par la loi d’orientation agricole du 5 janvier 2006 répond au souci des pouvoirs publics de voir se développer une agriculture « écologiquement responsable ». L’expression « bail rural environnemental » est toutefois excessive car ce bail n’est pas déconnecté du statut du fermage. Il se matérialise par l’insertion de clauses obligeant le fermier à respecter certaines pratiques culturales. La loi d’avenir agricole de 2014 a souhaité le généraliser à l’ensemble du territoire mais la tentative a, en partie, avorté. Ce bail participe indirectement aux paiements pour services environnementaux puisque le fermier peut escompter une diminution du montant de son fermage. La réussite n’est pour l’instant pas au rendez-vous alors que le sujet est d’une importance cruciale puisque près des trois quarts de la SAU en France est exploitée sous la forme d’un bail. Les raisons de l’échec tiennent principalement au fait qu’en France, le principe est toujours que le statut du fermage protège la liberté économique du fermier et toute clause de nature à entraver cette liberté est réputée nulle et non écrite. L’intérêt du bail rural environnemental est justement de rendre valides certaines pratiques (une liste de quinze clauses est prévue). D’autres clauses imposant d’autres pratiques vertueuses ne seraient pas valables. Une autre approche juridique apparaît nécessaire : poser le principe que tout agriculteur doit gérer en bon père de famille le sol qu’il exploite sur le fondement de l’article 1766 du Code civil, ce qui doit le conduire à adopter un niveau standard de pratiques culturales respectueuses de l’environnement. Ce principe pourrait être complété, contractuellement, par un jeu de clauses plus contraignantes de nature à entraîner une diminution du montant du loyer.
57Obligation réelle environnementale (ORE). La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 intronise en droit français les « obligations réelles environnementales » (art. L.132-1 du Code de l’environnement). Il s’agit d’un contrat par lequel le propriétaire d’un bien immobilier prend à sa charge, ainsi qu’à celle des propriétaires successifs, une obligation à finalité écologique au profit d’une personne morale publique ou privée. L’obligation réelle est ainsi inscrite dans la terre, ce qui assure une pérennité du dispositif dans le temps. Si la mesure est intéressante, sa réussite dépendra grandement des mesures fiscales ou financières incitant les propriétaires à mettre en place cette nouvelle forme de servitude. En outre, l’articulation avec les prérogatives accordées aux fermiers n’est pas faite par le législateur ce qui risque de nuire à une pleine efficacité.
58Les agriculteurs français vivent un vrai paradoxe : dans un marché de l’alimentation libéralisé, plus ils produisent, moins ils gagnent. Ils ont intérêt à créer de la pénurie pour faire augmenter les prix de leurs produits alors que la demande alimentaire mondiale ne cesse de progresser.
D’autres formes d’agricultures au service de l’environnement
59L’agriculture de demain : le scénario Afterres27. Ce scénario d’utilisation des terres agricoles pour une agriculture biologique, prospère, locale et réaliste, s’apparente à une quadrature du cercle. Il faudra produire davantage pour répondre, avec les autres États, à l’augmentation de la population mondiale (nécessité de nourrir 9 milliards de personnes en 2050). L’alimentation doit être durable pour éviter des enjeux de santé publique graves (15 % de la population française serait obèse). Nécessité également que l’agriculture produise des biocarburants pour diminuer la part des énergies fossiles. Ces objectifs doivent se réaliser en diminuant les gaz à effet de serre et en adoptant des pratiques respectueuses de l’environnement alors même l’agriculture va vivre des crises liées au réchauffement climatique.
60Le modèle économique de l’agriculture française en question. On oppose souvent les grandes exploitations qui auraient des comportements désastreux à l’exploitation de type familial qui serait parée de toutes les vertus. D’où l’idée de développer des circuits courts, le retour à une agriculture de proximité, qui limite l’utilisation des intrants*, des produits phytosanitaires, qui utilise des semences de ferme non industrialisée. Mais il ne semble pas que la vertu soit inexorablement liée à la taille de l’exploitation. D’autres pays fonctionnent avec des fermes agricoles exploitant des surfaces beaucoup plus grandes que la nôtre sans que l’on puisse attester que leurs pratiques culturales seraient nécessairement plus attentatoires à l’environnement. Davantage qu’une question de taille, c’est un enjeu de contrôle de l’activité déployée. Et il faut faire confiance aux agronomes qui nous prédisent une agriculture biologique intensive à partir de microfermes…
61Un droit à l’alimentation et au chauffage pour tous. Devant ce mouvement de réappropriation collectif de l’agriculture, renaît l’idée humaniste du droit à l’alimentation pour tous. On voit réapparaître des jardins familiaux, jardins partagés ou collectifs en zone souvent périurbaine où chacun peut faire son potager. Cette agriculture de subsistance, supposée écologiquement vertueuse, s’accompagne d’un retour à des droits d’usage, connus sous l’Ancien Régime*, mais qui, sans avoir totalement disparu, n’avaient plus de raisons d’être en présence d’un modèle économique favorisant les grandes exploitations agricoles intensives. Ainsi en est-il du droit de glanage (après la moisson, le ramassage de la paille et des grains tombés au sol est autorisé) ou du droit d’affouage (possibilité de ramasser le bois pour le chauffage des habitants). Verra-t-on un jour renaître le droit de vaine pâture ? Au Moyen Âge, ce droit d’usage permettait de faire paître gratuitement son bétail en dehors de ses terres, dans les bords des chemins, les « terres vaines et vagues ». Ou d’un droit de chasser qui ne serait pas réservé uniquement au fermier ou consenti par le propriétaire ? Ce collectif de droits rejoint sans doute cette idée plus profonde : par-delà, la propriété individuelle, la terre appartient à tous.
62Des conventions de terres porteuses d’espoir. Jean Carbonnier, le plus grand juriste français du xxe siècle écrivait que
c’est parce que la propriété est héréditaire qu’elle peut faire de grandes choses. […] La propriété, particulièrement la propriété immobilière, plus particulièrement la propriété rurale, appelle, de son essence, un caractère familial. Ce n’est pas à l’échelle de l’homme qu’il faut bâtir la propriété, c’est à l’échelle de la famille (Carbonnier, 2001, p. 384).
63Comme en écho, la formule d’Antoine de Saint-Exupéry à l’accent tragiquement prophétique résonne aujourd’hui dans toutes les têtes : « On n’hérite pas de la terre de nos ancêtres, on l’emprunte à nos enfants ». Gérer la politique foncière d’un pays, c’est trouver le juste équilibre entre bien commun et bien familial, entre propriété privée et prérogatives collectives. Rendre à chacun ce qui lui est dû reste la plus belle mission du droit et le législateur doit se convaincre que l’individu sera plus facilement au service du plus grand nombre si ses propres desseins rejoignent ceux de la planète. C’est parce que la propriété et l’entreprise sont héréditaires que le propriétaire et le cultivateur lutteront contre l’érosion des sols et contre le réchauffement climatique. C’est d’un nouveau contrat social que la société française a besoin de passer avec ses agriculteurs en légalisant des conventions de terres porteuses d’espoir pour l’avenir de la planète.
Bibliographie
Carbonnier Jean, 2001, « Les dimensions personnelles et familiales de la propriété », in Id., Flexible droit, Paris, LGDJ, p. 371-390.
Grimonprez Benoît, 2015, « La fonction environnementale de la propriété », RTDCiv. : revue trimestrielle de droit civil, n° 3, p. 539-550.
Levesque Robert, 2011, Terre nourricière. Si elle venait à nous manquer : halte au pillage des biens communs, Paris, L’Harmattan.
Notes de bas de page
1 Ce chapitre a été rédigé en octobre 2016.
2 Avec près de 500 000 exploitations, l’agriculture française est un secteur essentiel pour l’économie française générant un excédent commercial à l’exportation de plus de 11 milliards d’euros et près d’un million d’actifs engagés dans l’exploitation de près de 27 millions d’hectares de superficie agricole utilisée.
3 Le texte de cet article est le suivant : « La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».
4 Nom d’une doctrine économique du xixe siècle, dont le penseur, Frédéric Le Play, défend un libéralisme fondé sur la religion, la propriété, la famille et le travail, et s’oppose aux interventions de l’État et de la bureaucratie dans les activités économiques.
5 On distingue, en effet, la règle impérative à laquelle il ne peut être dérogé dans un contrat de bail ou de location (même si le contrat contient une clause contraire, ce qui revient à la considérer comme nulle) ; et la règle supplétive qui est celle à laquelle il peut être dérogé dans le contrat. Le Code civil précise quand la règle est impérative, car les dispositions générales sont normalement supplétives.
6 En ce qu’il porte tort ou préjudice aux droits de certains héritiers et pas à d’autres. Il en va ainsi du préciput, qui est un avantage donné par la Loi ou le défunt à un héritier, et qui revient à soustraire un bien de l’ensemble de ce qui doit être partagé entre tous les héritiers.
7 Ici, le droit de succession de celui qui est le premier né d’une fratrie.
8 C’est-à-dire d’une compensation financière, définie par le droit civil.
9 Celui dont on envisage la succession. C’est pour éviter de noter dans un acte une expression telle que « le futur défunt », qu’on emploie cette formule latine « is de cujus successione agitur » (« celui dont la succession est débattue »), simplifiée en de cujus.
10 Dans un contrat ou bail, la nue-propriété est la part du droit de propriété qu’exerce celui (le propriétaire) qui peut disposer du bien et, à la rigueur, le modifier ou le détruire (autrement dit usus et abusus). En revanche, le nu-propriétaire ne dispose pas de l’usufruit (fructus) qui est concédé à son locataire. L’opposition entre nue-propriété et usufruit évoque aussi l’opposition entre éminent et utile.
11 Voir également la tentative de mise en place au début des années 1970 de GFA dits « mutuels » comme le GFA du Larzac, d’ailleurs sans grand succès.
12 Le pas-de-porte est une somme d’argent que le bailleur demande au locataire au début du bail, espèce de droit d’entrée pour obtenir la mise à disposition des lieux de l’exploitation agricole.
13 La Bulgarie et la Slovaquie imposent que les acheteurs soient des résidents de longue durée. La Hongrie interdit toute acquisition de terres par des entités juridiques et oblige l’acheteur à les exploiter lui-même. La Lettonie et la Lituanie imposent aux acheteurs d’avoir le statut d’agriculteur. Autant de règles qui découragent les investissements transfrontaliers, déplore la Commission.
14 Le pacte Dutreil est un mécanisme permettant de bénéficier d’une très importante exonération des droits de mutation à titre gratuit : l’assiette taxable est réduite des trois quarts lorsque la cession porte sur des parts de sociétés d’exploitation.
15 La législation relative au contrôle des structures ne soumet actuellement à autorisation que le transfert de l’activité non de la propriété stricto sensu.
16 Agreste Primeur (revue de statistique du ministère de l’Agriculture), n° 260, avril 2011.
17 « Afin de préserver la qualité des sites, des paysages, des milieux naturels et des champs naturels d’expansion des crues et d’assurer la sauvegarde des habitats naturels selon les principes posés à l’article L.110, le département est compétent pour élaborer et mettre en œuvre une politique de protection, de gestion et d’ouverture au public des espaces naturels sensibles, boisés ou non. […] » (Code de l’urbanisme, art. L.142-1 à L.142-13).
18 Code rural et de la pêche maritime, art. L.112-2 et R.112-1-4 à R.112-1-10.
19 Code de l’urbanisme, art. L.143-1 à L.143-6 et R.143-1 à R.143-9.
20 62 000 ha/an entre 1988 et 2000 selon le recensement général de l’agriculture, 74 000 ha/an entre 1989 et 2007 selon la statistique agricole annuelle, 98 000 ha/an pour la période 1992-2003 selon l’enquête Teruti-Lucas [en ligne], URL : https://www.data.gouv.fr/en/datasets/agreste-teruti-lucas-utilisation-du-territoire-1/.
21 Déclaration de Bruno Le Maire, ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche, sur les grandes lignes du projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, au Sénat le 18 mai 2010.
22 Dans le Beaujolais, au nord de Lyon, le rapport entre les deux valeurs est de 1 à 100. Il serait même de 1 à 400 en Île-de-France, où la pression sur le foncier rural atteint son paroxysme. En trente ans, la surface agricole de l’Île-de-France aurait été réduite de 19 % et le nombre d’exploitations de 60 %.
23 Voir l’ouvrage éclairant de Levesque (2011).
24 Un décret n° 2016-1190 du 31 août 2016 est venu préciser le dispositif.
25 Pour le projet de loi de finance pour l’année 2013, cf. décision n° 2012-662 DC du 29 décembre 2012.
26 Voir l’article de référence de Grimonprez (2015).
27 Afterres est une modélisation (ou scénario) de la transition agricole, alimentaire et climatique, dont l’élaboration a commencé en 2011, et qui propose diverses variantes pour atteindre ces objectifs vers 2050. C’est une proposition de l’association Solagro qui réunit des agriculteurs, des chercheurs et d’autres professionnels.
Auteur
Hubert Bosse-Platière est président de la section Bourgogne/Franche-Comté de l’Association française de droit rural. Il est également codirecteur du diplôme supérieur de notariat (DSN) à la faculté de droit de l’université de Bourgogne ; codirecteur du M2 Droit rural (en cohabilitation avec Lyon 3) ; codirecteur des diplômes interuniversitaires (DIU Bourgogne et Lyon) Droit de l’entreprise agricole ; Droit de l’espace rural ; Agriculture en environnement ; Droit de la vigne et du vin ; Fiscalité et comptabilité agricole. Il détient des fonctions éditoriales chez Lexisnexis en tant que membre du conseil scientifique de La Semaine juridique notariale et immobilière et du comité expert du Jurisclasseur notarial formulaire ; et en tant que codirecteur scientifique du Jurisclasseur de droit rural et de la Revue de droit rural. Administrateur Agridées, il est en outre membre de la cellule de droit rural du CRIDON de Lyon.
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