1 Nous remercions El Hadji Samba Diallo, Charles Becker, Jean Copans et Jean-Claude Marut pour leurs commentaires et suggestions.
2 La lettre est écrite le 28 septembre 1978 par l’abbé Diamacoune Senghor à l’intention du président Léopold Sédar Senghor. Il convient de préciser qu’il n’y a pas de lien de parenté entre le président et l’abbé bien qu’ils portent le même patronyme. La lettre intégrale figure dans les annexes de Diédhiou (2002).
3 ll s’agit de Foucher (2005), Marut (2010), Manga (2012).
4 Ce sont les facteurs proches qui sont étudiés ici.
5 L’essentiel de cette contribution s’appuie sur cette phrase de Léopold Sédar Senghor pour faire une anthropologie historique du conflit de Casamance. Cette phrase pourrait faire partie d’un genre discursif plus ample, mais nous ne disposons pas pour le moment d’autres corpus nous permettant d’esquisser une comparaison. Il est également difficile d’évaluer la réception discursive de cette fameuse phrase auprès des populations ou membres du MFDC.
6 Avant cette déclaration, Diamacoune Senghor avait, dès l’âge de cinq ans, promis de venger un de ses parents maltraités par les colons avec la complicité des Wolof et Sereer venus du Nord-Sénégal. Il a été également victime d’un déguerpissement et tout cela laisse à croire qu’il murissait déjà un projet indépendantiste (voir ci-après).
7 Les facteurs sont certes multiples et la réalité complexe. D’autres facteurs identitaires ont contribué à la naissance des idées indépendantistes. Nous n’insistons pas ici sur les causes profondes du conflit. Il existe une littérature abondante à ce sujet. Voir entre autres Darbon (1988), Barbier-Wiesser (1994), Diop (2002), Marut (2010), Diédhiou (2011) Manga (2012).
8 Pour plus de détails sur cette finale, voir Diatta (2008), Diédhiou (2011). Oumar Diatta décrit finement l’incident survenu lors de la seconde édition.
9 Information livrée en mai 2020 à Ziguinchor par un des membres fondateurs d’Atika, la branche armée du mouvement créé dans les années 1990.
10 Cette finale a été présidée par Abdou Diouf, alors Premier ministre de Léopold Sédar Senghor. Ce dernier avait présidé celle de 1979 déclarant lors de la remise de la coupe qu’il préférait le régionalisme au tribalisme, allusion sans doute à la banderole des supporters du Casa-Sports sur laquelle était inscrit le slogan « La Coupe au pays (Casamance) ».
11 Voir L’Harmattan, n° 3, 2004, cité par Diatta (2008).
12 Notre interlocuteur (M. C.), membre fondateur de la branche armée, rencontré en mai 2020 à Ziguinchor, a déclaré que « ce sont toutes les sociocultures de la Casamance qui avaient pris part aux réunions et le président était un certain Gassama (patronyme mandingue). C’est par la suite que beaucoup de participants se sont retirés à cause des exactions ou pressions exercées sur eux. Le MFDC, a-t-il ajouté, n’est pas une affaire de Joola ».
13 Il est aujourd’hui délicat de vérifier ce discours véhiculé par le MFDC, car les participants à ces réunions issus d’autres ethnies s’avèrent difficilement identifiables.
14 Quand il prononce le mot « indépendance », une seule objection est levée, celle de Sidy Badji mis en minorité par les participants à la réunion de Diabir, ce quartier périphérique de Ziguinchor. En réalité, on n’a aucune idée du contenu que le MFDC donne à ce mot, car ce mouvement ne dispose d’aucun projet de société, et c’est une de ses faiblesses. En outre, le mouvement manque cruellement d’intellectuels capables d’élaborer un tel projet. Notre interlocuteur nous confiait qu’au niveau de sa base, le combattant le plus diplômé n’a obtenu que le brevet de fin d’études moyennes (BFEM) [entretien à Ziguinchor avec M. C. en mai 2020].
15 Elles sont certainement inédites, car en dehors des articles du journal Kélumak, nous n’avons jamais lu d’écrits qu’il aurait publiés.
16 Nous remercions Charles Becker pour avoir mis à notre disposition la version électronique de ce document.
17 Parmi ces joueurs figurait Jules François Bocandé, radié à vie par la Fédération sénégalaise de football et obligé de monnayer son talent en Europe, en Belgique au FC Bruges, à Metz, où il fut meilleur buteur du championnat de France en 1986, et au Paris Saint-Germain. La Fédération sénégalaise de football a alors levé cette sanction à la suite de ses exploits en Europe. En bon « patriote », il a accepté de porter le maillot national. Cette sanction a exacerbé le sentiment de discrimination des promoteurs du nationalisme casamançais.
18 Nous faisons une distinction entre le MFDC originel des années 1940 et celui des années 1980 qui lutte pour l’indépendance de la Casamance. Voir dans Manga (2012) les statuts du MFDC originel. C’est en cela qu’on peut parler d’une récupération plutôt que d’un réveil.
19 Cette déclaration ne constitue pas pour autant une preuve étant donné que Diamacoune Senghor affirme parfois des choses difficiles à vérifier, comme le nombre de manifestants présents en décembre 1982.
20 Il avait signé un article intitulé « Des coups de pieds qui se perdent », envoyé à la rédaction du journal officiel, Le Soleil. Cet article, de l’avis de son auteur, n’a pas été publié par cet organe de presse (voir la lettre du 28 septembre 1978).
21 Il s’agit des régions actuelles de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda.
22 Ses écrits et discours, rédigés entre 1978 et 1982, sont regroupés dans un ouvrage publié à titre posthume. Il est intitulé Histoire de la Casamance (1645-1960) [2018].
23 Lettre du 28 septembre 1978.
24 Ce sabordage, pour reprendre le mot utilisé par Diamacoune Senghor, est à l’origine de la création du mouvement autonome de Casamance, dirigé par Assane Seck. Sur ce point, voir Manga (2012).
25 Lettre du 28 septembre 1978.
26 Déclaration du 1er septembre 2002 lors des assises casamanço-casamançaises au stade Aline Sitoué Diatta de Ziguinchor.
27 Lettre du 28 septembre 1978.
28 Il nous semble qu’un travail de déconstruction de certains termes géographiques reste à faire. Comme en anthropologie, il y a eu une géographie coloniale avec des termes comme « sahélien », « subguinéen », « forestiers », « Nord/Sud » qui sont des marqueurs identitaires créés par les colons. Bon nombre de lettrés africains se sont approprié ce vocabulaire pour distinguer les populations qui ignoraient ces modes d’identification ou d’orientation. Ainsi, en milieu joola, les mots « Sud » et « Nord » n’existent pas. Pourtant, la plupart des lettrés de ce groupe (ou de la Casamance) vont les utiliser pour se différencier des Sénégalais du Nord.
29 Voir la critique de Diédhiou (2011) à propos de cette substitution.
30 Voir également Roche (2000).
31 Il s’agit entres autres d’Émile Badiane et d’Ibou Diallo.
32 Voir également Diédhiou (2011).
33 À la réception de la lettre, Léopold Sédar Senghor convoqua tous les ministres originaires de la Casamance et dépêcha Robert Sagna pour négocier avec l’expéditeur (l’abbé Diamacoune Senghor). Sur ce point, voir Manga (2012). Paul Ndiaye, géographe et enseignant-chercheur à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, nous rapportait les propos de Léopold Sédar Senghor en réponse à Diamacoune Senghor : « Je connais le problème de la Casamance mieux que toi et avant toi. Je suis Sereer, tu es Joola. Partout où tu me convoques tu me trouveras ou je te devancerai » (propos recueillis à Dakar le 12 novembre 2018, entretien avec Paul Ndiaye).
34 Les trois lettres (28 septembre 1978, 20 décembre 1980 et 22 avril 1981) figurent en annexe de la thèse de Diédhiou (2002).
35 Lettre du 28 septembre 1978.
36 Arrêté ministériel n° 5606/MEN/ du 23 novembre 1998.
37 Sur ce point, voir Manga (2012).
38 Les experts se contentent habituellement de cette définition conventionnelle pour qualifier le conflit de Casamance. Le quantitatif (nombre de morts par jour ou par an ; les armes utilisées) l’emporte fréquemment sur le qualitatif. Cette définition présente des limites, car elle ne prend pas en compte la durée des conflits et les perceptions des populations qui en sont victimes. Une personne qui a subi des exactions (viol, meurtre, assassinat) et qui, durant des années, vit en ville dans la misère parce que les rizières ou les champs qu’elle exploitait sont minés ne définirait pas ce conflit de la sorte. Il nous semble qu’au-delà de cette définition conventionnelle, nous devons privilégier la perception que les populations casamançaises, plus particulièrement les Joola ajamat, ont du conflit. Elles utilisent le terme hutik (« guerre ») pour parler du conflit de Casamance. L’expression courante qu’elles emploient souvent est « hutika hata Casamance », « la guerre de Casamance ». Or c’est bien le mot « guerre » que récuse l’État du Sénégal qui se réfugie derrière cette définition conventionnelle pour cacher ce conflit, pour ne pas faire « fuir » les bailleurs de fonds ou pour ne pas ternir l’image de vitrine démocratique de l’Afrique.