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« Costrutto diversamente dagli altri » : criminalité, atavisme et race chez Lombroso
p. 101-120
Texte intégral
I. Permanence de la figure du criminel né, mystique du vrai, histoire d’un crâne
1Il sera ici question de l’élaboration, par Cesare Lombroso (1835-1909) de la figure du criminel né, le delinquente nato, selon une expression qui n’est en réalité pas de lui mais de son disciple Enrico Ferri (1856-1929), en 1880, et qui sera reprise ensuite par le fondateur de l’anthropologie criminelle. Si l’on s’accorde à considérer que l’une des caractéristiques du racisme consiste en une biologisation de certaines caractéristiques sociales, physiques ou psychologiques – c’est-à-dire une façon d’enfermer des individus dans ce que l’on peut appeler une « appartenance indisponible »1 – on peut en effet dire que c’est bien à l’invention d’une « race criminelle » que l’on assiste lorsque Lombroso identifie une variété d’hommes born to crime2. Il sera donc ici question de l’expression, chez l’auteur de L’homme criminel (1876), de ce que Michel Foucault appelle, dans son cours au Collège de France de 1974-1975, un « néoracisme », un « racisme contre les anormaux »3. Ce nouveau racisme, interne à la société, s’exprimera à travers l’identification d’« un type humain voué au crime par son organisation même », des hommes « construits différemment que les autres »4.
2Il ne sera en revanche que peu question de la conception générale des races, à proprement parler, chez Lombroso, et de ce qui apparaît comme un racisme classique, traditionnel, exprimé en particulier en 1871 dans son livre intitulé L’uomo bianco e l’uomo di colore5. On trouve certes, dans cet ouvrage, le noyau des théories que l’anthropologue développera par la suite dans L’homme criminel, en particulier la présentation en termes ataviques du criminel et l’évocation du caractère inné de sa diversité. Il n’en reste pas moins vrai que sa conception des races humaines et de leur hiérarchie, comme on aura l’occasion de le redire, n’est en réalité pas très originale chez cet homme du xixe siècle. Plus propre à Lombroso est en revanche la création de la figure (médicale, anthropologique et juridique) du delinquente nato. Même si l’expression n’apparaît qu’à partir de la troisième édition, en 1884, les contours de cette figure sont dessinés dès la première édition, en 18766. Celle-ci ne disparaîtra jamais de l’œuvre de Lombroso. Elle se maintiendra au gré des différentes modifications, ajouts, remaniements de ce « laboratoire qui ressemble parfois à une boutique de bric-à-brac »7 qu’est le livre monumental de Lombroso, avec ses cinq éditions, toujours plus volumineuses, parues entre 1876 et 18978.
3Dès la première édition, le problème de Lombroso est de distinguer folie et criminalité. Le savant admettra ne pas avoir trouvé ces « lignes fixes » permettant de séparer le fou du délinquant. De cette recherche naîtra cependant une nouvelle science, l’anthropologie criminelle, qui entendra réaliser une « histoire naturelle » de la délinquance, et indiquer les caractéristiques biologiques de la criminalité. Par la suite, il en arrivera, par le recours à l’épilepsie, à souder les antinomies entre criminalité et folie. À partir de la quatrième édition, en 1889, l’épilepsie lui permet en effet d’opérer une forme de synthèse entre criminalité et folie. Latente ou manifeste, c’est elle qui produit ces anomalies ataviques, ou dégénératives, qui caractérisent le criminel né. Le criminel né, le fou moral et l’épileptique se fondent dans une même famille naturelle. En outre, en avançant dans le temps, Lombroso élargira le panel des figures de la criminalité. À partir de la troisième édition de L’uomo delinquente (1884) – du reste inachevée, à un moment où Lombroso est en difficulté du point de vue théorique – il est amené (à cause des critiques de ses adversaires, mais également sous la pression de ses disciples) à souligner toujours plus le rôle d’autres facteurs dans la genèse du crime. Procédant à une révision partielle de sa typologie, il concédera davantage d’espace aux causes liées au milieu, allant vers ce que l’on appellerait aujourd’hui une théorie multifactorielle.
4En dépit de ces évolutions – voire de ces circonvolutions – Lombroso reste fidèle à la figure de l’homme criminel comme au fétiche, au « totem », de l’anthropologie criminelle. Le delinquente nato continue à être jusqu’à la fin, dans l’œuvre de Lombroso, un homme « différent des autres », « anormal avant de naître »9. Il constitue une race, comme le dit souvent Lombroso, évoquant encore de façon explicite en 1888, dans l’introduction à ses Palimpsestes de prison, « cette nouvelle, et très malheureuse race, qui vit près de nous, sans que nous nous apercevions des caractères qui la différencient »10. Ces caractéristiques de l’homme criminel sont liées à un concept fondamental chez Lombroso : l’atavisme. Celui-ci se confond en partie avec celui de dégénération, ou dégénérescence (deux termes difficiles à distinguer, et qui, en italien, sont regroupés sous le seul terme de « degenerazione »). C’est l’atavisme – notion capitale sur laquelle nous reviendrons – qui explique chez les délinquants nés ces « arrêts de développement » qui font d’eux des criminels nés.
5Avant d’en venir plus précisément à l’évocation du « dégénérationisme » lombrosien, il convient de rappeler que la démarche de Lombroso est avant tout une démarche positiviste, caractérisée par la recherche des faits. Le savant italien entend rompre avec les metafisicherie du spiritualisme et de l’idéalisme. Il y a ainsi chez lui une « religion du vrai », une recherche du « fait concret, matériel, mesurable », une sorte de « mystique de la connaissance objective »11. Estimant que le crime est lui-même un fait naturel, « nécessaire comme la naissance, la mort, les conceptions »12, le crime peut, et doit, être étudié par la science :
Pour savoir si l’homme délinquant appartient à la sphère de l’homme sain, de l’aliéné, ou à un monde à lui, et pour reconnaître s’il existe une véritable nécessité naturelle du délit, il vaut mieux abandonner les régions sublimes des théories philosophiques, […] et procéder en revanche à l’étude directe, somatique et psychique de l’homme criminel, en le confrontant aux résultats offerts par l’homme sain et par l’aliéné13.
6Dans une période qui est celle de l’apogée des modèles naturalistes appliqués aux sciences sociales, le déterminisme biologique lombrosien représente une forme de réductionnisme ; un réductionnisme que, dès son époque, ses adversaires, à l’image de Luigi Lucchini (1847-1929), n’ont pas manqué de qualifier de « simplicisme », voire de « néophrénologisme »14. Chez un auteur qui estime qu’« aux aberrations du sens moral et de la psyché correspondent des anomalies du corps »15, l’individu est supposé se donner tout entier à voir et à comprendre dans la série de ses apparences. S’opère alors une réduction des êtres à leur extériorité, jusqu’à l’affirmation d’une identité entre extérieur et intérieur. Et lorsque la « mesure de l’homme »16 semble occuper le champ de la science psychiatrique17, c’est en vertu d’une « raison classificatoire »18 qu’il s’agit d’identifier et de classer les anomalies qui font de lui un délinquant.
7En matière de faits, le « cas princeps » évoqué par Lombroso pour justifier la nouvelle science qu’il avait fondée, ou plutôt inventée – Napoleone Colajanni (1847-1921) parlait des « romans anthropologiques » de la science criminelle italienne – est celle du crâne du brigand Villella, qu’il évoque pour la première fois dans un texte de 1871 intitulé Esistenza di una fossetta cerebellare mediana nel cranio di un delinquente, puis dans un texte de 1872, Della fossetta cerebellare mediana di un criminale19. Voici comment, bien des années plus tard, en 1906, lors de sixième congrès d’anthropologie criminelle qui se tient à Turin, Lombroso raconte sa « découverte » :
En 1870, je poursuivais depuis plusieurs mois dans les prisons et dans les asiles de Pavie, sur les cadavres et sur les vivants, des recherches pour fixer les différences substantielles entre les fous criminels sans pouvoir y réussir ; tout à coup, un matin d’une triste journée de décembre, je trouve dans le crâne d’un brigand toute une série d’anomalies atavistiques, surtout une énorme fossette occipitale moyenne20 et une hypertrophie du vermis21 analogues à celles qu’on trouve dans les vertébrés inférieurs. À la vue de ces étranges anomalies, comme apparaît une large plaine sous l’horizon enflammé, le problème de la nature et de l’origine du criminel m’apparut résolu : les caractères des hommes primitifs et des animaux inférieurs devaient se reproduire de nos temps22.
8Lombroso trouve, en somme, une « cavité », là où il aurait dû y avoir une crête. Dans ce crâne, il prétend avoir découvert l’existence d’une forme occipitale médiane qui n’existe normalement pas chez les humains, mais se trouve en revanche présente chez les lémuriens, une des familles les moins évoluées des primates. Cette anomalie indiquerait un probable arrêt de développement au stade fœtal. Elle témoigne, aux yeux de Lombroso, de l’existence de « monstrueuses régressions qui rapprochent l’homme des animaux inférieurs », autorisant le savant à déduire l’existence d’une véritable « espèce anthropologique ». Le delinquente nato est un survivant à des millénaires d’évolution de l’espèce. Il représente le primitif parmi nous, un homme né différent des autres, une « variété malheureuse d’hommes », en laquelle ressurgit un passé lointain de l’espèce humaine.
II. Atavisme, dégénérationisme, primitivisme
9L’affaire de la fossette occipitale représentait pour Lombroso la « fulgurante révélation » de la nature atavique du délit. Cette notion d’atavisme n’est pas facile à cerner chez un auteur qui a comme méthode de ne circonscrire que très peu les notions dont il se sert23. Quoi qu’il en soit de la difficulté à distinguer en particulier la notion d’atavisme de celle de dégénération, ce n’est pas une notion nouvelle. Le terme est utilisé dans le langage scientifique contemporain, repris des botanistes du xviiie siècle qui étudiaient la conservation des caractères dans les plantes cultivées. C’était une notion présente dans le débat entre fixistes et transformistes, puis reprise dans le débat sur l’évolution, avant que ne s’affirme la génétique mendélienne24. La véritable originalité de Lombroso est d’avoir établi le lien entre l’atavisme et la figure du criminel né, entre criminalité et comportement primitif. Le criminel né, criminel par atavisme, est en effet un homme dont le développement s’est arrêté. L’atavisme constitue une sorte de « phénomène de retour »25 chez des hommes bloqués à un stade antérieur de l’évolution, et dont on peut détecter les tendances pathologiques par une analyse anthropométrique. Cette régression atavique entraîne, chez le criminel, le retour de comportements primitifs et sauvages disparus de la civilisation.
10L’atavisme est lié à l’idée de la réapparition de caractères ancestraux, en vertu de ce que le philosophe Paolo Rossi a appelé le « paradigme de la réémergence du passé »26. Au xixe siècle, ce paradigme se formulait en particulier à travers la « doctrine de la récapitulation » d’Ernst Haeckel (1834-1919), selon laquelle l’ontogenèse (à savoir le développement individuel de l’embryon humain) est la « récapitulation » abrégée, accélérée, de la phylogenèse (le développement de l’espèce humaine). Selon ce schéma, le fœtus humain reproduit, dans le cours de sa gestation, les stades évolutifs de l’espèce, depuis les formes les plus élémentaires jusqu’aux formes les plus complexes. L’anthropologie criminelle de Lombroso ramène, quant à elle, la cause du geste de l’individu à une lésion biologique advenue au niveau de l’embryon. Le criminel né est quelqu’un qui est, à la lettre, resté bloqué en arrière, et chez lequel « repullulent » – selon un terme que Lombroso affectionne27 – un ensemble de comportements disparus de la civilisation évoluée. Les criminels nés font partie d’une « classe d’hommes » qui « reproduisent », pour employer là aussi un terme de Lombroso, les caractères anatomiques et psychiques de l’homme primitif, sauvage28. Et il convient de souligner le fait que cette régression n’est pas une métaphore, mais qu’elle est bien réelle. Il y a en effet chez Lombroso une sorte de « déni de métaphoricité »29. Le criminel n’est pas comme, mais il est, au sens plein du terme, un être biologiquement inférieur, un singe, un enfant privé du sens moral, un sauvage égaré dans la civilisation. Si bien que l’on peut dire que, pour Lombroso, ce qui est anormal aujourd’hui chez le délinquant c’est ce qui était normal hier chez l’homme primitif30 ; et que le criminel incarne un « aujourd’hui du passé »31.
11La comparaison avec la notion de dégénérescence présente dans le célèbre ouvrage de Benedict Augustin Morel (1809-1873), le Traité des dégénérescences physiques intellectuelles et morales de l’espèce humaine (1857), permet d’éclairer l’usage qu’en fait Lombroso. Chez Morel, la dégénérescence est entendue non comme « arrêt » à un stade de développement arriéré, mais comme éloignement par rapport à un « type primitif » : « l’idée d’une dégénérescence de notre nature est inséparable de l’idée d’une déviation de ce type primitif, qui renferme en lui-même tous les éléments de la continuité de l’espèce », affirme en effet Morel32. La nature humaine, s’écartant peu à peu de l’être primitif créé par Dieu, accumule les tares de génération en génération. Cette « déviation maladive d’un type primitif » se transmet par l’hérédité, et l’être dégradé, s’il est abandonné à lui-même, tombe dans une « dégradation progressive »33. Au départ imperceptibles, les processus de dégénération conduisent à la folie puis à la stérilité, les tares acquises se transmettant de façon héréditaire et s’aggravant de génération en génération. On voit donc bien les différences entre la dégénérescence morellienne et l’atavisme lombrosien, au point que l’on a pu considérer ces deux théories comme « spéculairement opposées »34. Pour le chrétien Morel, on ne retourne pas vers un état antérieur, mais l’on s’écarte d’un « chemin ». La dégénérescence est éloignement d’un type primitif parfait, créé par Dieu, là où pour le matérialiste et progressiste Lombroso, l’atavisme est arrêt, chez un être dont le développement a été, à proprement parler, bloqué. Et là où la dégénération morellienne produit un affaiblissement qui amène à la stérilité, l’atavisme lombrosien produit une augmentation de force, et de violence, sous l’effet d’un retour du passé.
12Plus complexe semble être le rapport de Lombroso à Darwin (1809-1882). L’atavisme lombrosien se distingue de la notion darwinienne de régression, par laquelle l’individu revient en arrière dans un mouvement, et n’apparaît pas comme étant bloqué, arrêté en arrière. D’une façon générale Lombroso tient à affirmer, en 1886, qu’il ne se considère pas comme un « fidèle disciple » de Darwin :
Si après en avoir récolté les fruits, je me suis aperçu qu’ils avaient le goût du darwinisme, je ne m’en suis certes pas plaint, et plus tard j’en ai même profité pour corroborer ou contrôler mes nouvelles et mes anciennes observations, par exemple au sujet de la fossette occipitale médiane, du délit chez les animaux, les enfants, les sauvages ; mais j’étais tellement éloigné de l’idée de devenir un fidèle disciple de Darwin que, dans les premières éditions, je ne crois pas l’avoir jamais nommé35.
13Quant aux spécialistes, tandis que Renzo Villa estime qu’il existe peu de liens entre Lombroso et l’évolutionnisme darwinien, Delia Frigessi rapproche pour sa part atavisme et régression darwinienne, tout en reconnaissant cependant que l’atavisme est, chez Lombroso, un syncrétisme fait de lamarckisme, de darwinisme, de spencérisme, dans un « mélange tellement inextricable que ce serait une entreprise désespérée, et peut-être vaine, que de vouloir l’analyser de façon détaillée et différenciée »36.
14En réalité, les origines de la pensée de Lombroso se situent également dans l’œuvre de son maître de jeunesse, Paolo Marzolo (1811-1868). Celui que Lombroso appelait le « Darwin de l’anthropologie italienne » fut en 1848 l’auteur d’une Introduzione ai monumenti storici rivelati dall’analisi delle parole37. Considérant les langues comme le produit de l’œuvre des collectivités humaines, il estimait que l’on pouvait retrouver les signes, les « monuments » des stades évolutifs de chaque peuple à travers des « paroles médailles ». De même que pour Marzolo il y avait (en particulier à travers les onomatopées et le langage automatique) une « survivance », une « réminiscence » des langages et civilisations primordiales, la présence d’anomalies dans la configuration du crâne représente, pour Lombroso, la trace certaine de la réémergence de traits ataviques. C’est en ce sens que l’on peut affirmer que, pour l’auteur de L’homme criminel, la pathologie du crime est une « pathologie du temps »38. Le corps du délinquant, arrêté dans l’évolution, porte sur lui les signes et l’aveu de ce retard, qu’il reviendra à l’expert de savoir déchiffrer.
15À partir de Marzolo, Lombroso élabore une sémiologie de la déviance. Au terme d’un siècle qui fut celui d’un grand examen auquel furent soumis les délinquants, le crime « prend corps »39. C’est-à-dire qu’il trouve dans le corps son véritable lieu étiologique, et que celui-ci doit « avouer » le crime et l’intériorité de l’homme ; et c’est en vertu d’un « paradigme indiciaire »40 que l’on peut lire sur les corps les « stigmates » de la maladie (avec un transfert du vocabulaire de l’inquisition à celui de la maladie mentale, courant aussi chez Morel). Le système de Lombroso est ainsi un système manichéen qui oppose la normalité à l’anormalité, la normalité à la déviance, déduisant toujours la première de la seconde. Cette normalité n’est cependant jamais définie, sinon par simple contraste avec l’anormalité. Elle n’existe que comme absence de caractères dégénératifs, et représente en quelque sorte le « degré zéro » du pathologique. Quant au « type criminel », il naît de la somme, ou plutôt de l’accumulation, des anormalités dont Lombroso ne cesse de dresser la liste, en les classant par fréquence, mais aussi en oscillant à propos du nombre des anormalités réellement caractéristiques. Parmi ces anomalies il n’y a pas seulement des caractères anatomiques, mais il y a aussi des caractères physiologiques, comme cette insensibilité à la douleur que le criminel né partagerait avec les sauvages, et à laquelle correspondrait une insensibilité morale. De même, parmi les « stigmates » de la criminalité, il y a l’argot : « Ils parlent en sauvages parce qu’ils sont des sauvages vivant au milieu de la florissante civilisation européenne »41. Et il y a également les tatouages, à propos desquels Lombroso affirmait en 1874 :
Rien de plus naturel qu’un usage tellement courant parmi les sauvages et les peuples préhistoriques en vienne à repulluler parmi ces classes humaines qui, comme les bas-fonds marins, maintiennent la même température, répètent les usages, les superstitions, et même les chansons des peuples primitifs ; et qui ont en commun avec ces derniers la violence des passions, la même sensibilité trouble, la même vanité puérile, la longue oisiveté, et chez les prostituées la nudité, qui sont chez les sauvages les principales caractéristiques de cette étrange coutume42.
III. Défense sociale, peine de mort et eugénisme, nature et limites du « racisme » lombrosien
16Dans l’Italie umbertienne, l’Italie libérale postunitaire, Lombroso fournit une réponse médicalisée, et biologique, aux angoisses qui traversent la société italienne fin de siècle, lorsque le dégénéré devient l’obstacle au progrès de la civilisation, le « handicapé de l’évolution »43. Il établit une science de la déviance, un savoir des anormaux, en grande partie conforme aux attentes et aux stéréotypes d’une bourgeoisie italienne à la recherche d’une identité. À cette classe dirigeante, il offre – « tant pour son confort que pour sa mauvaise conscience », pour reprendre les termes de Jacques Lacan44 – des critères « scientifiques » afin d’identifier ses propres ennemis, qu’il s’agisse des brigands du sud, des anarchistes, ou de tous ceux qui font partie des « classes dangereuses »45. Il fait partie de cette catégorie des techniciens de la nation qui se légitime en tant que garante de la stabilité sociale. Les théories de Lombroso, ce « remueur d’idées »46, participent de la volonté de définir les normes d’une nation en construction, une nation à « régénérer », à « assainir »47. À une époque où il y avait dans la péninsule une peur, en particulier dans le Nord, à propos de l’identité des habitants de ce nouvel État né du Risorgimento – une époque où, comme le disait avec ironie Gramsci, « l’unité nationale est réellement ressentie comme aléatoire parce que des forces 'sauvages', pas connues avec précision, potentiellement destructrices, s’agitent à sa base »48 –, ce sont un peu toutes les classes « dangereuses » de l’Italie qui portent les stigmates de l’atavisme. En pathologisant la déviance sociale, mais aussi politique, en construisant une « fiction de corps », un corps somme des anomalies physiologiques, Lombroso produit un « personnage fictif au service du contrôle social »49.
17Cette conception de la délinquance entraîne, bien entendu, une modification plutôt radicale des finalités mêmes de la pénalité, lorsque l’on passe avec Lombroso, pour le dire en termes foucaldiens, d’une époque centrée sur la question de l’homo paenalis à celle de l’homo criminalis, conçu désormais comme un sujet dont les comportements ne sont pas le résultat d’une erreur de calcul de la raison et du libre arbitre, mais la manifestation d’une nature autre, une nature criminelle. L’école dite « classique »50, de Cesare Beccaria (1738-1794) au xviiie siècle jusqu’à Francesco Ferrara (1810-1900) au xixe siècle, concevait le délit comme étant le fruit du libre arbitre du délinquant, supposé capable d’entendre et de vouloir. Au concept d’imputabilité morale, les positivistes entendent quant à eux substituer celui de responsabilité légale, et remplacer l’idée de sanction conçue comme rétribution morale de la faute par celle de sanction préventive. Le principal objectif de l’école positiviste étant – de Raffaele Garofalo (1851-1934) à Enrico Ferri, pour citer les deux principaux disciples de Lombroso dans le domaine du pénal – la « défense sociale », il s’agit de mesurer la peine à la dangerosité, à la temibilità, du délinquant. La peine vise alors principalement la défense de la société, conçue comme un organisme vivant, naturel. Elle devient elle-même nécessité « naturelle », et ne doit plus être le châtiment d’un crime, mais plutôt une défense de la société adaptée au danger personnifié par le délinquant. Il faut donc des instruments pénaux nouveaux, comme la sanction à durée indéterminée, ou le manicomio criminale, « l’asile criminel » pour lequel s’est battu Lombroso ; ou encore l’incarcération en cellule individuelle qui devait, dans l’idée de Lombroso, éviter la contamination entre les délinquants.
18Certes les orientations de l’école positiviste ne vont pas pénétrer le Code pénal italien de 1889, le Code Zanardelli, mais elles auront toutefois une grande importance dans le débat juridique et pénal de l’Italie de la fin du xixe siècle et du début du xxe siècle. Elles auront également une influence certaine sur les pratiques pénales et policières à proprement parler. Mais c’est en partie là une autre question, qui nous éloigne de celle du « racisme » lombrosien. Ce qui en revanche ne nous en éloigne pas c’est la conception de la peine de mort qui émerge de la lecture des écrits de Lombroso, et qui est conçue selon une logique ayant de forts relents eugénistes. Voici par exemple ce qu’écrit Lombroso dans un texte de 1889 intitulé « Troppo presto. Appunti al nuovo codice penale », là où il critique, pour son excessive modération, le Code pénal de l’Italie unie, qui venait d’être promulgué et ne prévoyait pas la peine de mort, dans une Italie aux fortes traditions abolitionnistes :
La révélation qu’il y a des êtres humains, comme les criminels nés, nés pour le mal, des reproductions ataviques non seulement des hommes les plus sauvages, mais même des animaux les plus féroces, des carnivores et des rongeurs, loin, comme on le prétend, de devoir nous rendre plus compatissants envers eux, nous protège contre toute pitié ; car ils n’apparaissent plus comme nos semblables, ce sont des bêtes féroces ; […] en les supprimant, nous ne nous sauvons pas seulement nous-mêmes, mais nous empêchons la naissance d’hommes plus terribles et féroces qu’eux51.
19On trouve ainsi chez Lombroso l’idée d’une « naturalité » de la peine de mort, lorsqu’il affirme, en 1884, que « la mort est inscrite en caractères trop indélébiles dans la nature pour que l’on pense pouvoir l’effacer par un code qui s’inspirerait de ses lois »52. Mais il y a également chez lui sa justification en termes de sélection de l’espèce, lorsqu’il soutient, en 1879, à propos de l’usage de la peine de mort dans le passé, que « nous avons devant nous, justement grâce à la peine de mort qui, dans les temps passés, frappait des milliers de victimes, une race déjà épurée par la sélection, une sélection certes brutale, mais une sélection tout de même »53.
20Il serait sans doute excessif – à partir de quelques citations isolées dans ce « curieux zibaldone »54 que constitue son œuvre – de lier le nom de Lombroso à l’idée d’un eugénisme par épuration de l’espèce à travers la peine de mort. On retrouve en revanche cette idée chez certains des disciples de Lombroso. Tel est le cas de Raffaele Garofalo qui évoque, dans La criminologie (1885), la nécessité d’une protection de l’espèce à travers la peine de mort, afin de « rendre impossible la prolifération des délinquants et d’en conserver donc un nombre inférieur »55. Tel est le cas surtout de Giuseppe Sergi (1841-1936) – selon Renzo Villa le véritable père, en Italie, de l’eugénisme et du racisme du xxe siècle56 – qui, dans Le degenerazioni umane (1889), évoque la nécessité d’une « sélection artificielle » visant à la « régénération » de l’espèce, et donc à « diminuer et faire disparaître les dégénérés qui existent »57. Celui qui fut en 1913 le premier président du Comité italien d’études eugéniques affirme ainsi :
Il ne suffira pas d’éliminer les éléments humains qui portent en eux des tares héréditaires pathologiques, quelle que soit la façon dont cette élimination se produit ; mais il est nécessaire d’avoir soin des éléments sains de la nation58.
21S’agissant de Lombroso lui-même, il semble excessif d’affirmer que la théorie atavistique « se poursuit naturellement en eugénisme planifié »59. Le « néoracisme » lombrosien, ce « racisme contre l’anormal » qui s’exprime dans son œuvre, a cependant été l’une des causes de l’ostracisme qu’elle a subi au xxe siècle, en particulier dans l’après-guerre. À cet égard, la critique la plus radicale reste peut-être celle de l’historien George Mosse, exprimée en 1978 dans son ouvrage intitulé Toward the final solution. A history of european racism. Selon l’historien du nazisme, Lombroso n’était pas personnellement raciste. C’était un libéral, un socialiste – Lombroso s’inscrit à la section turinoise du parti socialiste en 1893 –, mais également « un Juif qui jusqu’à la fin de sa vie a cru dans la complète assimilation »60. Lombroso aurait cependant donné une forte légitimité à ces courants scientifiques qui faisaient des caractéristiques physiques des indices extérieurs des conditions mentales, et c’est justement à travers la vision du criminel né que Mosse l’inclut dans le socle de la pensée raciste, eugéniste et prénazie, voyant même dans son œuvre « le noyau central de la pensée raciste ». Plus grave encore, Lombroso ferait même, selon l’historien, « partie » de la solution finale de Hitler au problème juif61.
22Dans l’après-guerre, l’ombre portée par l’époque des totalitarismes sur l’œuvre de Lombroso est encore bien présente. La condamnation de Lombroso se situe alors dans le cadre des batailles contre les rigidités de la psychiatrie traditionnelle, qui étaient perçues bien souvent comme un héritage lombrosien. On retrouve cette orientation dans les écrits de Franco Basaglia (1924-1980), au début des années 1970. Celui-ci dénonce les collusions entre la psychiatrie – conçue comme « technique servant à garantir les limites de la norme » – et la justice. Il estime que « le problème des déviants repose encore, dans notre culture, sur l’image du psychopathe pour laquelle résonne encore l’écho des classifications de Lombroso ». Comme le soutient le théoricien italien de l’antipsychiatrie, Lombroso aurait été à l’origine de quelque chose qui resterait sous-jacent à notre culture psychiatrique, à savoir « l’idéologie de la différence comme exaspération de la différence entre les termes opposés, santé et maladie, norme et déviance » ; une idéologie où « la science fournit des étiquettes qui permettent la nette séparation de l’anormal et du normal », et où « l’anormal continue à être envisagé à l’instar d’une infraction à un système de valeurs accepté comme naturel et irréductible, et jamais comme quelque chose de relatif à un système social dont l’individu participe »62.
23Dans les années 1980, commence cependant le véritable travail d’historicisation et de contextualisation de la figure de Lombroso. Ce travail d’historicisation s’attache aujourd’hui à mettre en évidence le fait que l’école positiviste n’est pas réductible à la pensée de Lombroso ; et vice versa que Lombroso n’est pas comptable de toutes les évolutions culturelles et politiques des disciples de la nébuleuse lombrosienne. Il vise, entre autres choses, à mettre en évidence les ambiguïtés qui existent, dans une œuvre où sont, d’une certaine façon, réunies les deux âmes du positivisme italien, tiraillé entre émancipation et répression63. On peut ainsi affirmer, en forçant quelque peu le trait, que coexistent, de nos jours, deux « légendes » autour de Lombroso. Il y a d’une part la légende « noire », qui voit en Lombroso un précurseur des théories racistes du xxe siècle ; et d’autre part une légende plus « dorée », qui met en particulier en avant le fait que Lombroso aurait anticipé les interrogations actuelles des neurosciences et de la biocriminologie, à la recherche parfois des gènes de la criminalité lorsque, à l’ère de la génétique, les convictions d’une hérédité des comportements restent fortes64.
24Il n’en reste pas moins vrai qu’il existe bien chez Lombroso ce que l’on peut appeler un « racisme de l’anormal ». Ce racisme n’est pas sans liens avec un racisme plus ordinaire, un racisme « classique » qui n’est pas propre à Lombroso, mais constitue un trait constitutif de l’époque. De fait, il existe bien, pour Lombroso, une infériorité des races colorées, comme il le soutient en 1871 dans L’uomo bianco e l’uomo di colore65. Le « Nègre » se situe à un degré inférieur de l’échelle de l’évolution, et présente de fortes ressemblances avec l’homme primitif. Il n’est ainsi pas étonnant de constater que l’on trouve dans son œuvre toute une série de liens entre criminalité et race :
Beaucoup des caractères que présentent les hommes sauvages, les races colorées, sont propres aux délinquants : ils ont en commun avec eux par exemple la rareté des poils, la faible force et le faible poids, le peu d’amplitude crânienne, le front fuyant, les seins très développés […], la plus grande épaisseur des os crâniens, le développement énorme des mâchoires et des zygomas, le prognathisme66.
25De même il existe bien, pour Lombroso, des « races criminelles ». Parmi elles ne figurent pas les Juifs ; mais les zingari, les bohémiens, représentent quant à eux « l’image vivante d’une race entière de délinquants »67. En même temps, pour Lombroso – qui par ailleurs critiqua le colonialisme italien – l’infériorité de certaines races n’est pas irréversible, car il n’existe pas de limites imposées au développement des races inférieures. Devenus beaucoup plus ariens que sémites, les Juifs offrent l’exemple d’une race qui s’est « élevée », et qui, tout en ayant conservé son « type primitif », est parvenue à des « degrés supérieurs »68. Il y a en effet non seulement, pour l’auteur de L’homme criminel, une transformabilité de toutes les races, mais il n’existe pas pour lui – en Italie comme ailleurs en Europe – de race pure : « On peut dire qu’il n’y a pas un pays en Europe qui ne présente pas une mosaïque de races très variées […]. Il n’y a pas de race qui ne soit mixte, le mélange étant un des facteurs majeurs de progrès », affirme ainsi Lombroso en 189469. On ne peut donc qu’adhérer au jugement mesuré de l’historien Michele Nani lorsqu’il souligne les profondes discontinuités entre l’époque de Lombroso et le « siècle des totalitarismes ». Ces discontinuités – « des races à la race italienne, de la mixophilie à la peur du métissage, de la transformabilité des inférieurs à leur condamnation »70 – concernent en particulier les nombreuses et profondes mutations, culturelles et politiques, qui séparent les xixe et xxe siècles : « Des questions trop vastes pour qu’on puisse en faire endosser la responsabilité à un seul savant, dont la formation remonte aux années désormais lointaines du Risorgimento »71.
IV. Biopouvoir et « néoracisme »
26En dépit de ces discontinuités, il existe cependant un lien, au niveau des pratiques, entre fascisme et lombrosisme. Certes, la pensée de Lombroso fut globalement rejetée par le fascisme. Elle le fut non seulement parce que celui-ci était juif, mais aussi parce qu’il s’agissait d’une pensée profondément matérialiste, là où le fascisme se voulait une doctrine spiritualiste, idéaliste72. On peut par ailleurs même se demander si le père de l’anthropologie criminelle n’a pas contribué à une certaine modération de l’eugénisme italien qui, même dans sa version fasciste, s’opposera à l’idée de la stérilisation des anormaux, et ne voudra pas intervenir sur les processus de la reproduction. À la fin de sa vie, Lombroso en vient à l’idée que la déviance a aussi un rôle positif, un rôle moteur dans l’histoire. Cette idée est développée également par sa fille, Gina Lombroso (1872-1944), dans son livre intitulé I vantaggi della degenerazione (1904) : dans la dégénération il y aurait un facteur de progrès, d’innovation, là où l’homme normal est misonéiste, ennemi du changement. En même temps, il est indéniable que « le fascisme sut utiliser et manipuler à ses propres fins certains principes de la criminologie positiviste, qui servirent à élaborer une législation répressive, à intensifier les méthodes de surveillance et de contrôle, et à renforcer les institutions disciplinaires et de police »73. Et ce sera surtout l’une des particularités du nazisme, mais aussi du fascisme, que de « brancher » cet « autre racisme » – un racisme interne qui est celui exprimé, entre autres par un auteur comme Lombroso – sur un racisme plus ordinaire.
27Le « moment Lombroso » est celui où l’on assiste à ce que Michel Foucault a décrit comme à un transfert de la loi à la norme, du juridique au biologique, lorsqu’advient une sorte d’étatisation du biologique. Ce passage est celui « du crime vers le criminel, de l’acte effectivement commis vers le danger virtuellement inclus dans l’individu, de la punition modulée du coupable à la protection absolue des autres »74, lorsque le modèle juridique élaboré aux xviie et xviiie siècles cède alors le pas à un modèle médical. À travers lui s’opère une « sortie » du juridique, dans la mesure où l’on ne peut faire fonctionner cette notion de dangerosité à l’intérieur d’un code juridique, mais à l’intérieur d’un savoir technique : un savoir capable de mesurer l’indice du danger, et qui permet la protection, la défense sociale, mais également l’hygiène « raciale » du corps social tout entier.
28Au moment de la constitution, à la fin du xixe siècle, d’une forme de « racisme d’État », « un racisme biologique et centralisé »75, le « néoracisme » constitue un moyen de défense interne de la société contre ses déviants et ses anormaux. Il doit être pensé dans le cadre d’un biopouvoir appelé à intervenir dans la société comme un chirurgien chargé d’amputer la partie gangrenée d’un organisme malade, afin d’assainir la société. Lorsque l’homme apparaît « dans son insertion biologique première »76, c’est à partir de la notion de dégénérescence, qui sert alors de technique de repérage des anormaux, et de défense de la société, que naît un racisme nouveau, un racisme contre l’anormal. À une époque où la biopolitique vise à la sécurité de l’ensemble du vivant par rapport à ses dangers internes, la notion de dégénérescence permet de déterminer une zone de danger et de lui donner un statut pathologique. Elle représente « la pièce théorique majeure de la médicalisation de l’anormal »77, l’instrument qui permet à la psychiatrie, véritable « technologie de l’anomalie », non seulement d’établir l’appartenance essentielle de la folie au crime et du crime à la folie, mais également de référer n’importe quelle déviance, écart, retard, à un état de dégénérescence, en lui donnant une possibilité d’ingérence infinie dans les comportements humains.
29Si la criminalité a été pensée en cette fin du xixe siècle en termes de racisme, c’est aussi parce que, dans un mécanisme de biopouvoir – celui d’un pouvoir qui s’exerce directement qui s’exerce au niveau de la population, de l’espèce et de la vie qu’il entreprend de gérer, majorer, multiplier, protéger78 –, il fallait rendre possible la mise à mort d’un criminel ou sa mise à l’écart. C’est ainsi que la peine de mort se justifie essentiellement, comme cela transparaît aussi chez Lombroso, à partir de l’idée de l’élimination d’une race dangereuse pour l’organisme social, dangereuse pour la vie de la société. Par la suite, le nazisme « n’a pas fait autre chose que de brancher ce nouveau racisme sur le racisme ethnique qui était endémique au xixe siècle »79. C’est à partir de ce « branchement », lorsque ces deux racismes se rencontreront dans le nazisme et le fascisme, en particulier autour de la notion de dégénérescence, que les discours biologiques vont faire « fonctionner » le discours racial comme principe d’élimination, de ségrégation de tous les déviants, afin de préserver la vie de la partie « saine » de la société. L’ennemi intérieur « biologisé » – face auquel la sécurité doit être assurée et qui doit être éliminé, au nom même de la vie et de la santé de la société – deviendra au xxe siècle l’ennemi de l’État, lorsque ce qui fonctionnait auparavant comme exception deviendra condition permanente dans les régimes totalitaires80.
30Le « cas Lombroso » nous donne donc, à sa façon, l’occasion de méditer cette inquiétante affirmation de l’auteur de Surveiller et punir, à propos de ces « maladies » que furent les totalitarismes :
L’une des nombreuses raisons qui font qu’elles sont pour nous si déconcertantes, c’est qu’en dépit de leur singularité historique, elles ne sont pas tout à fait originales. Le fascisme et le stalinisme ont utilisé et étendu les mécanismes déjà présents dans la plupart des autres sociétés. Non seulement cela, mais, malgré leur folie interne, ils ont, dans une large mesure, utilisé les idées et les procédés de notre rationalité politique81.
Notes de bas de page
1 Schaub Jean-Frédéric, 2015, Pour une histoire politique de la race, Paris, Éditions du Seuil, p. 124.
2 Gibson Mary, 2002, Born to Crime: Cesare Lombroso and the origins of biological criminology, Westport, Praeger. Pour ce qui est du champ des spécialistes de l’œuvre de Lombroso, les travaux de Renzo Villa sont fondamentaux et précurseurs, dès les années 1980. Citons en particulier : Villa Renzo, 1984,
« Scienza medica e criminalità nell’Italia unita », Malattia e medicina, Storia d’Italia, Annali, n° 7, p. 1143-1178 ; 1985, Il deviante e i suoi segni: Lombroso e la nascita dell'antropologia criminale, Milan, Franco Angeli ; 2011, « La scienza del crimine », Scienza e cultura dell’Italia unita. Storia d’Italia, Annali, n° 26, p. 547-573. Parmi les travaux récents, l’ouvrage de référence est celui de Frigessi Delia, 2003, Cesare Lombroso, Turin, Einaudi ; voir également Montaldo Silvano et Tappero Paolo (dir.), 2009, Cesare Lombroso cento anni dopo, Turin, UTET.3 Foucault Michel, 1999, « Les anormaux ». Cours au Collège de France, 1974-1975, Paris, Gallimard/Seuil.
4 Lombroso Cesare, 2011 [1876], L’uomo delinquente, Bologne, Il Mulino, p. 41 [c’est nous qui traduisons].
5 Lombroso Cesare, 2012 [1871], L’uomo bianco e l’uomo di colore. Letture sull’origine e la varietà delle razze umane, Bologne, Clueb.
6 Lombroso Cesare, 1876, L’uomo delinquente studiato in rapporto all’antropologia, alla medicina legale ed alle discipline carcerarie, Milan, Hoepli. Signalons qu’ont été récemment republiées en Italie la première édition (nos citations seront tirées de cette réédition) : Lombroso Cesare, 2011, L’uomo delinquente, op. cit. ; ainsi que la dernière : Lombroso Cesare, 2013-2014 [1897], L’uomo delinquente. Quinta edizione, Milan, Bompiani. Voir aussi la volumineuse anthologie de textes de Lombroso : Lombroso Cesare, 2003, Delitto, genio, follia. Scritti scelti [édité par Delia Frigessi, Ferruccio Giacanelli et Luisa Mangoni], Turin, Bollati.
7 Frigessi Delia, Cesare Lombroso, op. cit., p. 22.
8 C’est ainsi que si l’édition de 1876 fait 252 pages, celle de 1878 en fait 740, celle de 1889 en fait 1241 et celle de 1896 en fait 1903.
9 Cité par Nani Michele, 2009, « Lombroso e le razze », in Montaldo Silvano et Tappero Paolo (dir.), Cesare Lombroso cento anni dopo, op. cit., p. 167.
10 Lombroso Cesare, 1888, Palimsesti del carcere. Raccolta unicamente destinata agli uomini di scienza, Turin, Fratelli Bocca, p. 6.
11 Giacanelli Ferruccio, 2003, « Il medico e l’alienista », in Lombroso Cesare, Delitto, genio, follia, op. cit., p. 34.
12 Lombroso Cesare, 1876, L’uomo delinquente, op. cit., p. 355.
13 Ibid., p. 42.
14 Lucchini Luigi, 1892, Le droit pénal et les nouvelles théories, Paris, F. Pichon.
15 Cité par Villa Renzo, « Scienza medica e criminalità nell’Italia unita », art. cit., p. 1152.
16 Gould Stephen Jay, 1997, La mal-mesure de l'homme, Paris, Odile Jacob.
17 Comme l’écrit Lombroso en 1871, c’est « en cherchant dans les chiffres, dans les mesures, dans les faits », « en s’habituant à introduire les chiffres et la mesure aussi dans l’étude de la psyché », que l’on sort des « vaines phraséologies » et que l’on « rend finalement le médecin à lui-même », Lombroso Cesare, Delitto, genio, follia, op. cit., p. 386 ; il estimait de même, en 1869, que « le chiffre a pénétré, avec sa puissance merveilleuse, dans le monde mystérieux de la vie et de l’intellect », ibid., p. 65.
18 Tort Patrick, 1989, La Raison classificatoire : quinze études, Paris, Aubier.
19 Villela était un paysan de 69 ans, soupçonné de brigandage, condamné trois fois pour vol. Voir à ce sujet le livre récent de Milicia Maria-Teresa, 2014, Lombroso e il brigante. Storia di un cranio conteso, Rome, Salerno Editrice.
20 L’ouverture située au niveau de la partie inférieure de la boîte cranienne, qui livre passage à l’axe cérébro-spinal.
21 La région médiane du cervelet.
22 Cité par Darmon Pierre, 1986, Médecins et assassins à la Belle Époque, Paris, Le Seuil, p. 33.
23 Comme le concède Giuseppe Sergi dans sa contribution au livre-hommage L’opera di Cesare Lombroso : « Lombroso ne donne aucune définition de ce que l’on doit entendre par dégénération dans les caractères physiques et fonctionnels de l’homme », Sergi Giuseppe, 1906, « I caratteri degenerativi dell’uomo secondo Cesare Lombroso », in Amadei Giuseppe, L'opera di Cesare Lombroso nella scienza e nelle sue applicazioni, Turin, Bocca, 1906, p. 32.
24 À propos de la genèse du concept de dégénérescence, cf. l’ouvrage récent de Doron Claude-Olivier, 2016, L'homme altéré : races et dégénérescence, xviie-xixe siècles, Paris, Champ Vallon. Voir aussi, au sujet du « dégénérationisme » : Pick Daniel, 1989, Faces of degeneration: a European disorder, 1848-1918, Cambridge, Cambridge University Press ; Coffin Jean-Christophe, 2003, La transmission de la folie, 1850-1914, Paris, l'Harmattan ; Simonazzi Mauro, 2013, Degenerazionismo: psichiatria, eugenetica e biopolitica, Milan, Mondadori.
25 Tort Patrick, La Raison classificatoire, op cit., p. 473.
26 Rossi Paolo, 1991, « Il paradigma della riemergenza del passato », in Id., Il passato, la memoria, l'oblio. Otto saggi di storia delle idee, Bologne, Il Mulino (pour des considérations sur Lombroso, cf. p. 132 sq.).
27 Comme l’écrit Lombroso à propos du bandit Vincenzo Verzeni, en 1873 : « Les instincts primitifs, effacés par la civilisation, peuvent repulluler même chez un seul homme », Lombroso Cesare, Delitto, genio, follia, op. cit., p. 257 ; ou encore, en 1876 dans L’homme criminel : « Les crimes les plus horribles, les plus inhumains, ont néanmoins un point de départ physiologique, atavique, dans ces instincts animaux qui, repoussés pendant un certain temps chez l’homme par l’éducation, par le milieu, par la terreur de la peine, repullulent tout d’un coup sous l’influence de circonstances données », Lombroso Cesare, 1876, L’uomo delinquente, op. cit., p. 354.
28 Comme le dit Lombroso en 1884 : « Il existe une classe d’hommes appelés criminels nés qui reproduit, du fait de maladies congénitales, les caractères anatomiques et psychiques de l’homme primitif, de l’homme sauvage », Lombroso Cesare, Delitto, genio, follia, op. cit., p. 560.
29 Tort Patrick, La raison classificatoire, op. cit., p. 482.
30 La conception de Lombroso illustre les considérations de Georges Canguilhem à propos des rapports entre le normal et le pathologique : « C’est vraiment au xixe siècle que s’élabore l’explication scientifique de la monstruosité et la réduction corrélative du monstrueux. […] La monstruosité c’est la fixation du développement d’un organe à un stade dépassé par les autres. C’est la survivance d’une forme embryonnaire transitoire. Pour un organisme donné, la monstruosité d’aujourd’hui c’est l’état normal d’avant-hier », Canguilhem Georges, 2009 [1965], La connaissance de la vie, Paris, Vrin, p. 230.
31 Labadie Jean-Michel, 1995, Les mots du crime : approche épistémologique de quelques discours sur le criminel, Montréal, Presses de l'Université de Montréal, p. 118.
32 Morel Benedict Augustin, 1857, Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l’espèce humaine, Paris, Baillière, p. 2.
33 Ibid, p. 6.
34 Tel est le point de vue de Renzo Villa : « Bien qu’elles puissent apparaître, de façon superficielle, comme étant proches, l’atavisme et la dégénération sont des notions spéculairement opposées », cité par La Vergata Antonello, 2009, « Lombroso e la dégenerazione », in Montaldo Silvano et Tappero Paolo (dir.), Cesare Lombroso cento anni dopo, op. cit., p. 64. Comme le résume pour sa part Delia Frigessi : « La dégénération lombrosienne se tourne vers l’arrière, avec ses caractères ataviques et pathologiques ; celle de Morel part de la déviation pour regarder vers l’avant », Frigessi Delia, Cesare Lombroso, op. cit., p. 301.
35 Lombroso Cesare, Delitto, genio, follia, op. cit., p. 68.
36 Frigessi Delia, Cesare Lombroso, op. cit., p. 154.
37 Je renvoie, à propos de l’influence de Paolo Marzolo, au texte d’Elena Bovo dans ce volume.
38 Labadie Jean-Michel, Les mots du crime, op. cit., p. 133.
39 Labadie Jean-Michel, 2008, « Corps et crime. De Lavater (1775) à Lombroso (1876) », in Debuyst Christian, Digneffe Françoise, Labadie Jean-Michel, Pires Alvaro P., Histoire des savoirs sur le crime et la peine. t. 1. Des savoirs diffus à la notion de criminel né, Bruxelles, Larcier, p. 333.
40 Ginzburg Carlo, 2010 [1986], « Traces. Racines d’un paradigme indiciaire », in Id., Mythes emblèmes traces. Morphologie et histoire, Lagrasse, Verdier, p. 295-333.
41 Lombroso Cesare, 1887, L’homme criminel : criminel né, fou moral, épileptique : étude anthropologique et médico-légale, Paris, Alcan, p. 476, cité par Gould Stephen Jay, La mal-mesure de l’homme, op. cit., p. 168.
42 Lombroso Cesare, Delitto, genio, follia, op. cit., p. 428.
43 Coffin Jean-Christophe, La transmission de la folie, 1850-1914, op. cit., p. 216.
44 « Une première réponse est donnée par la conception lombrosienne aux premiers temps de la criminologie, qui tient ces instincts pour ataviques, et fait du criminel un survivant d’une forme archaïque de l’espèce, biologiquement isolable. Réponse dont on peut dire qu’elle trahit surtout une beaucoup plus réelle régression philosophique chez ses auteurs, et que son succès ne peut s’expliquer que par les satisfactions que pouvait exiger alors l’euphorie de la classe dirigeante tant pour son confort que pour sa mauvaise conscience », Lacan Jacques et Cenac Michel, 1950, Introduction théorique aux fonctions de la psychanalyse en criminologie, Paris, s. n., p. 15.
45 À propos de la criminalisation de toutes les formes de déviances susceptibles de mettre en discussion le modèle social dominant, voir : Goussot Alain, 1999, « Alcune tappe della critica al razzismo: le riflessioni di G. Mazzini, N. Colajanni e A. Ghisleri », in Burgio Alberto (dir.), Nel nome della razza. Il razzismo nella storia d'Italia (1870-1945), Bologne, Il Mulino ; Stronati Monica, 2009, « Il brigante tra antropologia e ordine giuridico: alle origini di un’icona criminale dell’uomo criminale nel xix secolo », Quaderni fiorentini per la storia del pensiero giuridico moderno, vol. 38, p. 953-1008 ; Marchetti Paolo, 2009, « Le 'sentinelle del male'. L’invenzione ottocentesca del criminale nemico della società tra naturalismo giuridico e normativismo psichiatrico », Quaderni fiorentini per la storia del pensiero giuridico moderno, vol. 38, p. 1009-1080.
46 Lacassagne Alexandre, 1909, « Cesare Lombroso », in Id., Archives d’anthropologie criminelle, t. 24, Lyon, Rey, p. 893.
47 Voir à ce sujet : Babini Valeria, 2011, « Curare la mente: dall’universo manicomiale al 'paese di Basaglia' », Scienza e cultura dell’Italia unita. Storia d’Italia, Annali, n° 26, p. 629. Cf. également Frétigné Jean-Yves, 2010, « Il faut défendre la société des anormaux », Chroniques de l’OMIJ, n° 5, p. 9-24.
48 Cité par Giacanelli Ferruccio, 2000, « Introduzione », in Columbo Giorgio, La scienza infelice: il museo di antropologia criminale di Cesare Lombroso, Turin, Bollati Boringhieri, p. 9.
49 Artières Philippe, 2002, « Un roman de l’infamie », in Lombroso Cesare, Vivent les voleurs ! Graffitis et autobiographies de prisonniers. Extraits de Palimpsestes des prisons de Cesare Lombroso [édité par Philippe Artières], Paris, Allia, p. 12.
50 À propos de l’antagonisme entre école dite « classique » – selon la dénomination forgée en réalité par les juristes proches de Lombroso, tenants du positivisme juridique – et école positiviste, voir en particulier de Sbriccoli Mario, 1974-1975, « Il diretto penale sociale, 1883-1912 », Quaderni fiorentini per la storia del pensiero giuridico, n° 3-4, p. 557-644 ; 1990, « La penalistica civile. Teorie e ideologie del diritto penale nell’Italia unita », in Schiavone Aldo (dir.), Stato e cultura giuridica in Italia dall’Unità alla Repubblica, Bari, Laterza, p. 147-232 ; 1998, « Caratteri originari e tratti permanenti del sistema penale italiano », Storia d’Italia. Annali, n° 14, Turin, Einaudi, p. 487-551.
51 Lombroso Cesare, Delitto, genio, follia, op. cit., p. 620.
52 Ibid., p. 807.
53 Ibid., p. 794.
54 Velo Dalbrenta Daniele, 2009, « Tesi e malintesi de L’uomo delinquente », in Montaldo Silvano et Tappero Paolo (dir.), Cesare Lombroso cento anni dopo, op. cit., p. 24.
55 Cité par Cassata Francesco, 2009, « Dall’uomo di genio all’eugenetica », in Montaldo Silvano et Tappero Paolo (dir.), Cesare Lombroso cento anni dopo, op. cit., p. 179. Quant à Enrico Ferri, il affirmait pour sa part dans sa Sociologie criminelle de 1893 : « Selon moi la peine de mort est écrite par la nature dans tous les coins de l’univers, et dans tous les moments de la vie universelle […]. Il serait donc conforme non seulement au droit, mais aux lois naturelles, que la société opérât dans son propre sein la sélection artificielle, en extirpant les éléments nuisibles à son existence, les individus antisociaux, non assimilables, délétères », cité par Gould Stephen Jay, La mal-mesure de l’homme, op. cit., p. 176.
56 Villa Renzo, Il deviante e i suoi segni, op. cit., p. 178.
57 Sergi Giuseppe, 1899, Le degenerazioni umane, Milan, Fratelli Dumolard, p. 224.
58 Cité par Cassata Francesco, « Dall’uomo di genio all’eugenetica », art. cit., p. 182.
59 Tort Patrick, La Raison classificatoire, op. cit., p. 503.
60 Mosse George, 2007 [1978], Il razzismo in Europa. Dalle origini all’olocausto, Rome/Bari, Laterza, p. 92 [nous citons à partir de la dernière réédition italienne de l’ouvrage].
61 Ibid., p. 94. Pour une perspective en partie similaire, cf. Traverso Enzo, 2002, La violence nazie, une généalogie européenne, Paris, La Fabrique, p. 113-141.
62 Basaglia Franco, 1976 [1971], La Majorité déviante : l'idéologie du contrôle social total, Paris, Union générale d'éditions, p. 24. En somme, comme le disait Renzo Villa en 1977, on faisait à cette époque de Lombroso « de façon anachronique la cible polémique d’une critique, tout à fait juste, contre une situation qui était encore très actuelle, autant du point de vue théorique qu’institutionnel », cité par Giacanelli Ferruccio, 2000, « Rileggere Lombroso oggi », in Columbo Giorgio, La scienza infelice, op. cit., p. 216. Comme le résume en 2000 Ferruccio Giacanelli, à propos de la vision de Lombroso au cours de l’après-guerre italien, jusqu’aux années 1970 au moins : « Dans la ferveur anti-institutionnelle, Lombroso était communément identifié comme le représentant unique – l’emblème, de fait – d’une science aliéniste qui avait fourni des instruments théoriques à la politique de discrimination et d’oppression des classes subalternes, et en général des différents », ibid.
63 À propos de l’évolution du débat critique autour de Lombroso depuis l’après-guerre, cf. la table ronde sur « Il caso Lombroso », qui clôt le volume suivant : Montaldo Silvano (dir.), 2011, Cesare Lombroso. Gli scienziati e la nuova Italia, Bologne, Il Mulino, p. 235-282.
64 L’historienne américaine Nicole Rafter souligne ainsi le fait que Lombroso anticipa, à de nombreux égards, « les plus importantes théories et les principaux filons de la biocriminologie actuelle ». Il fut à l’origine d’un nouveau paradigme scientifique, qui a rendu possible de penser le crime comme un problème susceptible d’être étudié scientifiquement. Dire qu’il a permis, à lui seul, d’« arracher la définition du crime des mains du clergé qui l’identifiait au péché » semble néanmoins excessif, quand on pense à tout le travail de séparation du délit et du péché opéré, entre autres, par un auteur comme Cesare Beccaria, dès le xviiie siècle. En revanche, il est certain que Lombroso « déplace l’attention du crime vers le criminel, en la plaçant là où elle se situe, dans une large mesure, aujourd’hui », Rafter Nicole, 2009, « Le teorie biologiche sul crimine negli Stati Uniti da Lombroso a oggi », in Montaldo Silvano et Tappero Paolo (dir.), Cesare Lombroso cento anni dopo, op. cit., p. 360.
65 Lombroso Cesare, 2012, L’uomo bianco e l’uomo di colore, op. cit.
66 Lombroso Cesare, 1876, L’uomo delinquente, op. cit., p. 351. Il convient de remarquer que l’on trouve dessinés là déjà certains des traits et stéréotypes qui se retrouveront dans le portrait du bolchevik, puis du Juif, dans la propagande nazie.
67 Ibid, p. 240.
68 À propos de la question de l’hébraïsme, et du texte de Lombroso, L'antisemitismo e le scienze moderne (1894), voir Finzi Roberto, 2011, Il pregiudizio: ebrei e questione ebraica in Marx, Lombroso, Croce, Milan, Bompiani.
69 Lombroso Cesare, Delitto, genio, follia, op. cit., p. 515-518.
70 Nani Michele, « Lombroso e le razze », art. cit., p. 173.
71 Ibidem. Cf. également, Nani Michele, 2006, Ai confini della nazione: stampa e razzismo nell'Italia di fine Ottocento, Rome, Carocci.
72 Voir à ce sujet Germinario Francesco, 2009, Fascismo e antisemitismo: progetto razziale e ideologia totalitaria, Rome, Laterza, p. 48 sqq.
73 Frigessi Delia, Cesare Lombroso, op. cit., p. 389.
74 Foucault Michel, 2012, Mal faire, dire vrai. Fonction de l’aveu en justice, Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Louvain, p. 222.
75 Foucault Michel, 1997, « Il faut défendre la société ». Cours au Collège de France, 1976, Paris, Gallimard/Seuil, p. 71.
76 Foucault Michel, 2005, « Sécurité, territoire, population ». Cours au Collège de France, 1977-1978, Paris, Gallimard/Seuil, p. 77.
77 Foucault Michel, « Les anormaux ». Cours au Collège de France, 1974-1975, op. cit., p. 298 (voir en particulier, à propos du « racisme contre l’anormal », la leçon du 19 mars 1975, p. 275-301).
78 Pour la notion de biopouvoir, nous renvoyons à ses deux premières théorisations dans l’œuvre de Foucault, en 1976 : « Il faut défendre la société ». Cours au Collège de France, 1976, op. cit., p. 213-235 ; 2001, Histoire de la sexualité I. La volonté de savoir, Paris, Gallimard, p. 175-201.
79 Foucault Michel, Les anormaux. Cours au Collège de France, 1974-1975, op. cit., p. 299.
80 Voir à ce sujet : Fontana Alessandro, 2003, « Dalla difesa sociale alla difesa della razza » [En ligne], Laboratoire italien, n° 4, URL : http://0-journals-openedition-org.catalogue.libraries.london.ac.uk/laboratoireitalien/336.
81 Foucault Michel, 2001, « Le sujet et le pouvoir », Dits et écrits II, 1976-1988 [édité par Daniel Defert et François Ewald], Paris, Quarto Gallimard, p. 1043.
Auteur
Xavier Tabet est professeur au département d’Études italiennes de l’université Paris 8. Ses travaux portent sur les rapports entre droit, politique et littérature en Italie, des Lumières au fascisme, en particulier la question des lectures et usages de la pensée de Machiavel, du mythe de Venise aux <span style="font-variant:small-caps;">xix</span><sup>e</sup> et <span style="font-variant:small-caps;">xx</span><sup>e</sup> siècle, et du droit pénal italien, de Cesare Beccaria à Cesare Lombroso.
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