5- L’intervention médicale et les témoignages accablants
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Texte intégral
La recherche des marques diaboliques
1Le 26 février arrivent à l’archevêché d’Aix les docteurs Jacques Fontaine, Antoine Mérindol et Louis Grassi, ainsi que le chirurgien Pierre Bontemps. Tous sont venus vérifier si l’état de possession de Madeleine est réel. Dès leur arrivée, ils visitent la possédée et constatent des mouvements dans sa tête après avoir posé leurs mains sur son front1. C’est alors que les démons entrent en scène :
Environ les quatre heures du soir les Sieurs Medecins Fonteine & Grassi, le Sire Bontemps Chirurgien Anatomiste, ont de rechef prouvé le mouvement qui se faisoit aux deux parties susdites de la teste de Magdaleine faict comme s’il y avoit des grenoüilles, se mouvant par dessoubs, & Belzebub estant sorti ont aussi prouvé, & touché le cerveau qui demeurea immobile comme aux autres […]. Au mesme temps Asmodee Prince de la luxure commença d’agiter Magdaleine lui faisant faire des mouvements deshonnestes2.
2Le lendemain, 27 février, la visite médicale est bien plus importante. Beaucoup de personnes sont présentes : maîtres Jean-Augustin Flotte, Alexandre de Thomassin, seigneur d’Eynac, Nicolas-Claude Fabri de Peiresc, tous conseillers à la Cour, ainsi que le sieur de Calas, conseiller du roi au parlement d’Aix. Il s’agit d’ausculter Madeleine pour savoir si elle a été marquée. En ce début du xviie siècle, la manière la plus répandue pour s’assurer de la culpabilité d’un suspect repose sur une sémiologie particulière qui consiste à chercher les stigmates que le diable a laissés sur le corps de son partisan pendant le sabbat3. Afin de pouvoir les distinguer plus facilement, l’usage est de raser entièrement le corps du patient avant de procéder à l’analyse. Ses yeux sont bandés et toutes les parties de son corps piquées par une aiguille4. S’il n’émet aucune réaction lors de la piqûre, les médecins concluent que le diable est entré par cet endroit précis. Le même diagnostic est établi lorsqu’aucune goutte de sang n’apparaît. Il n’est pas rare que les docteurs assimilent toute singularité que le corps du suspect peut présenter (un grain de beauté, une tâche de naissance, une cicatrice ou encore la dartre5) à un stigmate diabolique. Ainsi la marque est-elle devenue une preuve juridique indissociable d’un pacte passé avec Satan6. La pensée de Lambert Daneau, juriste et théologien calviniste, reflète cette funeste signification associée à la marque, lorsqu’il écrivait en 1579 :
Qu’il n’y a Sorcier (qui sont ceux desquels nous parlons) qui n’ait paction arrestee avec le diable, & ne se soit donné à lui. Et pour tesmoignage de ce, ils ont & portent une marque, que le diable leur a faite en quelque partie de leurs corps, les uns sous la paupiere de l’œil, les autres entre les fesses, les autres dedans la bouche, pour estre plus cachee. Bien que quelques personnages estiment que tous les Sorciers ne sont pas marquez, mais selon que Satan les pense plus ou moins assurez & devots à son service, que il les marque, ou non : assavoir qu’il marque ceux dont il se doute, & non ceux qu’il tient pour assurez. Mais la verité est, que sans exception il les marque tous, en les baisant & les mordant : parce qu’il leur veut faire entendre par ce moyen qu’ils sont l’advenir à lui7.
3Le procédé utilisé pour dénicher la marque diabolique est conçu comme une forme d’« épreuve », à laquelle le prévenu peut réussir ou échouer. Cette tradition de l’épreuve comme moyen d’identification du Mal est ancienne, puisque les procès de sorcellerie antérieurs soumettaient couramment le suspect à une ordalie (ou jugement divin)8. L’issue de l’épreuve constituait une preuve juridique en soi et déterminait la culpabilité ou l’innocence de l’accusé. Néanmoins, cette pratique a été interdite en 1215 par le concile de Latran IV, qui a mis en place un nouveau système de procédure pénale dit « inquisitoire »9. Ce retour à d’anciennes traditions suggère que la conception des épreuves comme indice juridique fiable a survécu depuis le Moyen Âge dans la mémoire collective populaire10. Il traduit aussi un besoin de réintégrer dans le processus judiciaire l’idée d’une preuve incontestable, dans ce monde où le diable est devenu le maître de l’illusion. Par ailleurs, cette croyance en la piqûre comme mode d’authentification de la marque est une caractéristique prédominante de la sphère démonologique et de la tradition populaire, mais pas des tribunaux français. Pourtant, malgré les théories de certains juristes refusant d’inclure des épreuves dans leur procédure judiciaire, la tentation de les exploiter comme preuve irréfutable s’est accrue dans la pratique11.
4Jacques Fontaine, médecin du roi et professeur de médecine à Aix, est présent lorsque Madeleine dévoile ses marques diaboliques. Trois mois après le dénouement de l’affaire, il rédigera un livre (dans le but de confirmer médicalement la culpabilité de Gaufridy mais aussi de corroborer l’importance des stigmates) dans lequel il décrira l’emplacement et la texture des marques de la possédée :
Ladite Magdaleine […] designa les lieux de ses marques aux Medecins & Chirurgiens : à sçavoir, une en chasque advant pied, la troisiesme au costé gauche à l’endroict du cœur, lesquels on sonda comme l’on a accoustumé, on les trouva seiches, dures, & sans aucun sentiment12.
5Les deux symptômes prouvant la véracité d’un stigmate, que les démonologues antérieurs se sont efforcés de démontrer dans quantité d’ouvrages, sont apparus sur Madeleine. La suspicion se mue donc en affirmation par l’intermédiaire de l’analyse scientifique : l’Ursuline a bien été en contact avec le diable. Les docteurs passent enfin à un examen physique plus intime, après quoi ils déclarent que la patiente a été déflorée13. Tous les témoignages qu’a déposés Madeleine semblent se vérifier dans l’analyse médicale de son corps. Cette dernière produit sur les magistrats présents une vive émotion. Pour Peiresc, la découverte des marques sur le corps de la possédée est un élément décisif du procès. Dans une seconde lettre qu’il envoie à Malherbe, il lui explique l’analyse médicale :
[…] Et, parce qu’elle est véritablement possédée, et que bien souvant c’est le diable qui parle par sa bouche, comme il a esté vériffié une infinité de fois, on estoit bien en peine sçavoir mon, si ce qu’elle disoit de ce prebstre, homme réputé pour fort devot et à demi-saint, devoit suffire pour le mettre en prevention. Mais, l’ayant visittée, on le treuva marquée de cinq ou six marques du diable si insensibles qu’on y pouvait mettre une esguille fort advant, sans qu’elle en sentit rien, ne que le sang en sortit. J’en vis faire la preuve de deux marques, dont je feus ravi14.
6Cette lettre montre la stupéfaction que suscite chez lui l’examen médical. Pour Peiresc, et pour les juges de l’affaire plus généralement, les marques sont une preuve tangible du don de soi au démon.
7Le 1er mars, les médecins décident d’analyser le corps de Gaufridy pour tenter d’y trouver également les marques diaboliques. Il est amené de la prison à l’archevêché et y est inspecté. Le rapport des médecins, daté du 8 mars 1611, affirme que trois stigmates ont été trouvés :
Nous medecins et chirurgiens […] avons visité Messire Louis Gaufridy au corps duquel avons remarqué trois petites marques peu differentes en couleur du reste du cuir, l’une en sa cuisse senestre sur le milieu, et en la partie interieure […]. La seconde est en la region des Lombes en la partie droite un poulce prés de l’epine du dos […]. La troisieme est vers la region du cœur […]. Et l’ayant encore visite lendemain au matin n’avons reconnu aux parties piquées ni tumeur, ni rougeur, a cause dequoi disons telles marques insensibles, ne rendant point d’humidité, etant picquées ne pouvoir arriver par aucune maladie du cuir precedante15.
8D’après Michaëlis, présent lors de la scène, le suspect ne se doute pas sur le moment que les médecins ont trouvé de telles marques sur son corps :
[…] les yeux bandez lorsqu’ils touchoient les parties sensibles, il crioit, disant ; Vous me blessez : et lors qu’il ne crioit point, ils mettoient toute l’esguille dedans, lui ne faisant aucun signe de sentiment, et lui trouverent trois marques, et estant desbandé, et revestu, il pensoit qu’on n’eust trouvé aucunes marques en son corps, et s’en retourna assez joyeux à la prison ; mais deux jours apres qu’on lui fit lecture du rapport des susdits médecins, et Chirurgiens, il fut bien estonné, et voulait mettre en question, si le diable pouvoit marquer le Chrestien sans son consentement. Lors dit le Pere Michaëlis au sieur Thoron Commissaire, Si cet homme estoit en Avignon, il serait dès demain bruslé : car telles marques convainquent manifestement et jamais n’ont esté trouvées qu’aux magiciens ni Dieu ne permet point que ses enfants et membres du corps mystique de Jesus-Christ portent la marque de son ennemi16.
9Une fois averti du résultat de la recherche médicale, Gaufridy demande en effet si le diable peut apposer son empreinte sur les fidèles sans qu’ils ne le sachent. Michaëlis semble certain de la réponse : Dieu ne peut permettre que le Malin marque l’un de ses suppôts sans qu’il ne se soit rallié à lui préalablement. Remarquons d’ailleurs l’attitude radicale et expéditive de l’inquisiteur lors de la découverte des stigmates : s’il en avait le pouvoir, il aurait condamné Gaufridy au bûcher dès le lendemain. La question des marques apposées sans le consentement de la personne intéresse aussi le médecin Jacques Fontaine, qui semble se rallier à l’opinion de Michaëlis sur ce point : « De mesme Dieu qui est tout puissant ne permettra jamais que les marques du diable son ennemi juré & obstiné soient mises sur une personne qui n’est pas a lui, mais a Dieu par le charactere du Chrestien »17. L’Église a pour habitude de se méfier de la médecine, et plus encore depuis la Renaissance, car elle remet parfois en cause certains fondements religieux18. Cependant, lorsqu’elles collaborent et s’accordent sur certains sujets, comme dans ce cas précis, leurs autorités respectives se joignent et pèsent considérablement dans la procédure judiciaire. Il devient alors quasiment impossible de contrecarrer leur opinion commune. Gaufridy semble en très mauvaise posture. Fontaine, qui s’appuie sur l’autorité accordée aux anciens discours démonologiques, rappelle la signification de la marque diabolique :
Ces marques ne sont pas gravees par le Demon sur les corps des sorciers, pour les recognoistre seulement, […] mais pour contrefaire le createur de toutes choses, pour monstrer sa superbe, & l’authorité qu’il a acquise sur les miserables humains qui se laissent attraper à ses cautelles et ruses pour le tenir en son service et subjection, par la recognoissance des marques de leur maistre. […] Par ce moyen il les tient en crainte, & ils n’osent se retirer de son obeissance, car les marques sont les principales causes de la perte des sorciers, quand ils sont accusez19.
10Le Marteau des sorcières ainsi que les nombreux ouvrages de démonologie qui en ont découlé sont parfaitement clairs sur ce point. Le démon identifie toujours ses disciples en leur apposant les stigmates et il ne le fait jamais sans leur consentement. Ces marques peuvent toujours être distinguées des anomalies corporelles et naturelles (même si, dans la pratique, ce n’est pas le cas)20. Le stigmate est aussi révélateur que le pacte écrit : la signature apposée sur le papier (la cédule) se retrouve sur le corps du sorcier21. Le document diabolique n’est donc plus un élément essentiel à la procédure judiciaire, puisque le corps du prévenu offre une lecture pleinement authentique de sa nature. Fontaine ne fait ici que reprendre ces différentes affirmations afin de renforcer la culpabilité de l’accusé.
11Non moins important est le caractère eschatologique de la marque. Michaëlis l’écrivait déjà en 1587 :
Sainct Jean predit souvent en l’Apocalypse que sur la fin du monde il y aura certaine maniere de gens qui porteront la marque ou charactere de la beste, ce qu'il faut entendre corporellement à la lettre, comme les textes le donnent à entendre, car il est dit que par telle marque on aura accez avec les hommes pervers qui porteront ladite marque à la main ou au front22.
12Ces marques sont non seulement associées au pacte satanique, mais elles traduisent plus encore une allégeance à la cause de l’Antéchrist. Le Christ marque ses fidèles avec une empreinte divine et l’Antéchrist le parodie en adoptant le même procédé.
13L’attitude des médecins et des magistrats à l’égard des deux personnes auscultées est révélatrice des places respectives accordées au possédé et au sorcier dans la procédure judiciaire et plus largement dans la société moderne. La marque est la preuve du pacte passé avec le démon. Néanmoins, l’analyse médicale de Madeleine, contrairement à celle de Gaufridy, n’est pas destinée à l’inculper. Elle consiste uniquement à prouver ses dépositions, notamment celle d’avoir été emmenée au sabbat et d’y avoir été marquée. Il est clair que la possédée est perçue comme une victime qui, malgré elle, a passé un pacte démoniaque23. Sa relation avec le diable est indépendante de sa volonté et il s’agit de la guérir par la grâce des exorcismes. Le récit de l’exorciste Jean Boulaese sur la possession de Nicole Obry en 1566 corrobore cette vision de la possédée car, tel un médecin qui diagnostiquerait un malade, il la décrit comme une « patiente »24. Le sorcier, quant à lui, est un apostat et s’associe sciemment au diable. Grâce à cette collaboration, il peut envoyer des démons dans le corps des possédés. Cette dernière notion n’a pas été introduite par l’épisode aixois. Déjà en 1598, une Franc-Comtoise nommée Françoise Secrétain a été accusée de sorcellerie pour avoir envoyé cinq démons dans le corps de Louise Maillat, une fille de huit ans25. Rasée puis trouvée marquée, elle a été envoyée sur le bûcher pour cette raison. Ce qui est nouveau dans cette affaire, ce n’est donc ni le mode opératoire du sorcier, ni la manière de l’authentifier comme tel, mais l’association de son statut de prêtre et du milieu urbain dans lequel l’événement apparaît. Ces éléments novateurs ne modifient pas pour autant l’enjeu du procédé médical. À l’instar de certains procès antérieurs, la recherche des marques n’a ici qu’un seul objectif : prouver la culpabilité du suspect (à travers son propre corps et celui de sa victime).
La nouvelle place du médecin
14Les procès de sorcellerie de la fin du xvie siècle et du début du xviie confèrent au médecin une plus grande autorité : il devient la référence scientifique. Il incarne l’homme de science et d’expérience, les deux notions n’en formant qu’une26. Dans les procès mettant en scène le surnaturel, son expertise constitue désormais un élément essentiel de l’enquête. Elle permet de dissiper les doutes produits par l’illusion satanique en regroupant les signes matériels et scientifiques27. Le lieu de la connaissance tend à se déplacer progressivement. Même si le médecin n’est pas explicitement reconnu et parfois même discrédité, il détermine peu à peu le champ sur lequel les débats évoluent. Dans ces controverses théoriques, il est l’observateur, celui dont l’interprétation des symptômes et leur intégration dans un répertoire nosologique sont indiscutables. Décisive et médiatrice, la nouvelle place désormais occupée par le médecin renvoie à une refonte générale des fonctions. Cette réorganisation s’ancre principalement dans une nouvelle approche des lois de la nature, qui commence à subir une révolution empirique28. Le champ du naturel s’élargit peu à peu, comme en témoigne l’influence croissante du savoir médical dans la société. S’appuyant sur cette dynamique, le médecin va fonder son autorité et exercer sa nouvelle fonction : en ayant la prééminence sur la question du naturel, il peut catégoriser les symptômes pour valider ou réfuter la réalité de la possession. Dès l’instant où les faits échappent aux cadres épistémologiques, et donc aux lois naturelles, ils relèvent du surnaturel, et donc de la sphère théologique29. Malgré une science médicale encore imprégnée de principes théologiques, la place accordée au médecin dans les débats liés à la définition de ce qui est réel devient de plus en plus importante.
15Puisque les limites du possible sont toujours plus repoussées30, les contemporains remettent constamment en question la réalité du monde. La démonologie décrit, depuis longtemps déjà, un univers diabolique régissant un théâtre d’ombres31. Ce dernier lui permet tantôt d’exagérer sa puissance, avec des spectacles qui ne sont que prestiges, tantôt de distraire la méfiance des hommes, incapables d’entrevoir derrière ses illusions la réalité de ses crimes et de son activité néfaste sur le monde. En somme, il peut manipuler les sens humains, dans le domaine du visible ou de l’invisible, afin de créer un univers factice destiné à tromper l’homme. Le discours tenu par le religieux minime Pierre Nodé dans son ouvrage Declamation contre l’erreur exécrable des maléficiers, sorciers, enchanteurs, magiciens, devins, & semblables observateurs des superstitions, publié en 1578, est à cet égard significatif : « […] ils trompent la veüe, ils assopissent les sens : ils troublent l’entendement, & affectionnent les fantasies »32. Ce caractère illusionniste, producteur de doute, mène à s’interroger sur sa propre perception du monde33. Dans le rapport élémentaire du regard à son objet, l’incertitude s’insinue avec cette croyance qui altère la vue et cet objet qui n’est que le reflet d’un esprit trompé34. Le « voir » devient ainsi synonyme du « croire ». Tout l’enjeu de la réflexion démonologique est là : tracer, autour de chaque phénomène surnaturel, de multiples lignes de partage entre le réel et l’illusoire, sans pour autant parvenir à classer l’acte démoniaque d’un côté ou de l’autre. Jacques Fontaine, comme la plupart de ses contemporains, partage cette croyance :
Car de la s’ensuivroit que les sorciers seraient punissables realement & de faict, ce qu’il ne desire pas, pour ne perdre les soldats de sa diabolique milice, […] c’est donc un stratageme que le diable faict pour tromper les hommes35.
16Tout fait qui échappe aux règles du quotidien étant suspecté d’illusion, les rapports des médecins opèrent des modifications : le réel ne se regarde plus, il se palpe. Les médecins sont les témoins d’une nouvelle manière de voir, qui efface l’ambiguïté due à la distance entre l’œil et l’objet et qui fait du contact le gage de l’authenticité. D’où l’importance des marques diaboliques et du corps médical dans les procès de sorcellerie. Dans cet univers de l’enchantement, insaisissable et hypnotisant, seul le coupable rend le fait évident, seule l’analyse du corps peut valider le discours du juge36. L’addition des preuves que la procédure judiciaire exige ne reçoit sa véracité qu’avec l’évidence du fait notoire. Et le corps de l’accusé constitue l’un des rares éléments de l’enquête à offrir une lecture claire de sa nature.
17En s’emparant d’un domaine relevant auparavant exclusivement du théologique, la figure du médecin devient indissociable des affaires de possession. Fontaine est lui-même convaincu de l’importance du savoir médical dans l’enquête judiciaire de ces procès si spéciaux :
En fin voyant que telles marques estoient des accidents du corps humain, dont la contemplation appartenoit plus proprement aux Medecins, qu’à beaucoup d’autres de diverses profession37.
18Cette nouvelle quête du réel par les sens pousse les magistrats, comme les théologiens, à se ranger derrière l’avis des médecins, considérés comme les seuls à pouvoir distinguer cette obscure frontière séparant le naturel du surnaturel38. Peiresc, dans la même lettre que celle évoquée précédemment, en témoigne à travers l’exemple des marques diaboliques :
J’oubliois de dire que le prebstre feut vizitté quelques jours apprès son emprisonnement, et qu’on y treuva pluzieurs marques de sourcier où l’on fourroit des esguilles quatre grandz doibtz profond, sans qu’il s’en advizast, ne que pour cella, quand on l’en faisoit prendre garde, il eust moyen de se resouldre à rien confesser39.
19L’analyse médicale du suspect et ses conclusions ne font aucun doute dans l’esprit du parlementaire : Gaufridy a bel et bien été en contact avec le diable. Si l’un des magistrats les plus éclairés de ce parlement d’Aix pense ainsi, l’avis de ses homologues ne doit pas diverger du sien.
20La place accordée au médecin lors de telles enquêtes contribue donc à alimenter ce fantasme sorcellaire dont la majeure partie du monde laïque est animé. La médecine lui offre les preuves scientifiques nécessaires afin de justifier ses craintes vis-à-vis de l’univers diabolique et de légitimer la persécution de ses partisans. Rappelons par ailleurs que le corps médical s’intègre lui-même dans une collectivité chrétienne envahie par ce sentiment d’insécurité permanent. Les discours qu’ont élaborés les juges et démonologues des siècles précédents se sont diffusés dans l’ensemble des couches de la société. Ces paralogismes conduisent les médecins à orienter leurs conclusions sur la base d’une réflexion uniforme et universelle. Il s’agit donc d’un schéma cyclique au sein duquel les différents acteurs se poussent les uns les autres à entretenir une peur du diabolique d’une intensité constante.
21Néanmoins, même si ces discours se sont répandus dans toutes les strates de la société, ils ne font pas l’unanimité au sein des divers groupes professionnels. À l’intérieur de ces groupes naissent des oppositions aux enjeux majeurs. Pour saisir ces derniers, nous pouvons comparer l’intervention médicale de l’affaire Gaufridy à celle de l’affaire Brossier, apparue une dizaine d’années plus tôt à Romorantin. Il est intéressant de se demander pourquoi la possession de Madeleine est validée par les médecins de l’affaire, alors que celle de Marthe Brossier a été réfutée en 1599. Les symptômes de la jeune noble sont assurément plus convaincants que ceux de la Romorantine, mais le cadre explicatif du sujet ne se situe pas ici. À cette époque, le corps médical est divisé en deux groupes : les « possessionnistes » et les « anti-possessionnistes »40. Michel Marescot, le médecin parisien qui a ausculté Marthe Brossier, appartenait à cette seconde catégorie. Celle-ci cherche à établir une causalité naturelle pour chaque phénomène, en postulant que la nature a des secrets que la science ne peut encore résoudre41. Pour Marescot, Marthe était une simulatrice. En 1599, il a donc rédigé et publié un livre nommé Discours veritable sur le faict de Marthe Brossier de Romorantin, pretendue demoniaque afin de révéler au grand jour sa simulation42. Selon lui, tous les symptômes que la pseudo-possédée présentait étaient d’ordre naturel et ont par conséquent permis de découvrir « l’imposture et feintise de ceste femme43 ». Le parlement de Paris l’a donc jugée non possédée et l’a renvoyée à Romorantin44. Jacques Fontaine, quant à lui, est fermement convaincu de la réalité de la possession. Les contorsions prodigieuses auxquelles se prêtent les possédées et les marques insensibles outrepassent les lois naturelles et ne peuvent qu’émaner de l’esprit malin. À elle seule, l’appartenance des médecins à un système de croyances peut donc radicalement modifier la configuration de l’affaire et déterminer son issue.
Une affaire au point mort
22Le 5 mars, les magistrats décident d’une nouvelle confrontation entre Louis Gaufridy et Madeleine de La Palud. Cette dernière recommence ses délires : tantôt elle accuse le curé des pires crimes, tantôt elle l’innocente. Il est impossible d’en obtenir autre chose. Après de nouveaux exorcismes, la possédée est emmenée et la confrontation reportée. Elle est reprise le jour même, après dîner, dans la chambre de l’Ursuline. Là, plus concentrée, Madeleine parle du sabbat, de la séduction et des charmes du magicien. À toutes ces accusations, l’accusé répond toujours par la négative, en la suppliant de songer à son âme en faisant éclater la vérité. Entre autres, elle l’attaque de front en l’accusant de quatre crimes :
Vous ne pouvez nier quatre choses : La premiere, Vous ne pouvez pas ignorer d’avoir ravi ma virginité dans la maison de mon Pere à Marseille : En second lieu de m’avoir menee à la Synagogue, où de vostre main m’avez baptisee au nom des diables, & oincte de leur chresme […] de m’avoir aussi marquee des marques du diable que je porte encore : Tiercement de m’avoir donné un Agnus Dei, & une pesche charmee : En quatriesme lieu, d’avoir envoyé les diables qui me possedent, pour vouloir retourner à saincte Ursule45.
23Le prévenu est désarçonné face à ces déclarations. Madeleine reprend un à un tous les chefs d’accusation qui pèsent sur lui, devant l’oreille attentive des magistrats. Chacune de ses réponses doit être mûrement réfléchie, car son sort peut être scellé à tout instant. Ne pouvant juridiquement prouver son innocence sur ces points, il jure que toutes ces accusations sont fausses : « A quoi Louis Magicien respondit, que tout cela estoit faux, & qu’il juroit par le nom de Dieu, par la Vierge, par sainct Jean Baptiste que cela estoit faux »46. Dans un élan rhétorique ressemblant davantage aux discours habituels de Louise qu’aux siens, Madeleine réplique immédiatement en ces termes :
Je vous entends bien, c’est le jurement de la Synagogue, parlant de Dieu le Pere, vous entendez Lucifer : par le Fils, Belzebub : par le S. Esprit Leviathan. O malheureux ! Par la Vierge, la mere de l’Antechrist, & le diable precurseur de l’Antechrist vous l’appelez S. Jean Baptiste47.
24La confrontation se clôture sur cette éloquente révélation qui, d’après Michaëlis, laisse Gaufridy sans voix. Il semble important de préciser que ces séances de confrontation et d’exorcisme ne sont pas fermées au public. Par exemple, le marchand François Perrin, mari de Victoire de Corbie, assiste à certaines scènes, au cours desquelles Madeleine lui révèle que sa femme est également possédée48.
25Pendant ce temps, le juge Thoron continue d’écouter les déclarations des nouveaux témoins. Ils ont presque tous pris part aux précédents voyages et exorcismes. Il s’agit du Père Boiletot, du Capucin Antonin de Paris, de la Sœur Catherine de France, du Père Billiet et des prêtres Gaspard Gombert et Charles Paul. Ils ne sont pas venus innocenter le curé, bien au contraire. Ils relatent Saint-Maximin, la Sainte-Baume, Notre-Dame-de-Grâce, les exorcismes, les messes et toutes les noirceurs du magicien. Charles Paul rapporte ce qui se dit à Marseille de Gaufridy ainsi que de ses filles spirituelles et affirme que plusieurs d’entre elles, à cause du bénéficier des Accoules, ont été battues par leurs maris. Puis, l’accusé est confronté à tous ces témoins. À presque toutes ces personnes qui viennent l’accabler, il ne fait aucune objection. Il proteste faiblement contre certaines accusations, notamment contre celle du Père Boiletot qui le blâme d’avoir eu des relations sexuelles avec l’Ursuline. Le prévenu semble physiquement et mentalement affaibli. Depuis plusieurs semaines déjà, il est enfermé dans une prison humide et sombre avec, pour seuls compagnons, les Capucins qui l’exhortent constamment à parler.
26Ces récolements n’apportent pas de témoignages neufs et l’affaire n’avance guère. Madeleine, comme à son habitude, accuse Gaufridy, puis le lendemain, sinon le jour même, se rétracte et le proclame un saint prêtre. Alors une idée vient au sieur Garandeau :
Le Jeudy (17 mars) au soir tout de nuict, pource que le Secretain de l’Eglise Cathedrale d’Aix, dicte sainct Sauveur, qui est joignante à l’Archevesché, avoit rapporté au Sieur Garandeau que dedans la chappelle, qu’on appelle de S. Sauveur la plus secrette, & la plus fermee de toute l’Eglise, y avoit comme un cabinet fermé à clef où estoient plusieurs ossemens, tres-bien & honorablement rangez, qu’on ne sçavoit dire de qui c’estoit, & y avoit apparence, disoit-il, que c’estoit reliques des Saincts, ledict Garandeau fut d’avis d’y amener la possedee, & l’exorciser en ce lieu pour voir la contenance des diables49.
27Ce cabinet dont il est question est un ossuaire (rempli, d’après Garandeau, d’ossements de saints inconnus). Les protagonistes jugent bon et profitable d’amener la possédée dans un tel lieu, dans l’espoir de déstabiliser ses diables pour qu’ils parlent. En effet, le concile de Trente a également réaffirmé, face aux contestations protestantes, le culte des reliques, tradition centrale de la religion catholique50. Néanmoins, le moment n’est plus celui de l’apologétique édifiante de la Sainte-Baume, où le démon prônait le catholicisme comme gage du salut. Nous sommes désormais en plein procès et il s’agit d’utiliser le pouvoir des objets cultuels pour contraindre les diables à dénoncer les méfaits du magicien. Michaëlis poursuit son récit ainsi :
Et y estant arrivez ils prindrent deux testes, l’une plus petite, & l’autre plus grande, les appliquant l’une apres l’autre sur la possedee : lors elle se mouvoit d’une part & d’autre, net ouvrant estre en repos, disant, Oste moi cela51.
28Ces crânes semblent bien provoquer quelques réactions chez Madeleine. Cependant, elle profère des paroles incompréhensibles. Il est donc jugé préférable d’interrompre la séance. Les têtes des morts sont emportées et, toute la nuit, elles demeurent dans la chambre de l’Ursuline, auprès d’elle. Le lendemain, 18 mars, la manœuvre est reprise, à la chapelle de l’archevêché cette fois. Au cours de cette séance, Madeleine identifie les défunts auxquels appartiennent les crânes :
Le lendemain qui estoit le Vendredi à l’Exorcisme du matin fait à la Chappelle de l’Archevesché, Belzebub adjuré sans beaucoup de resistance, apres lui avoir appliqué les deux testes qu’on avoit apportees, la plus grande teste (dit-il) est de Raymond Evesque d’Arles & la plus petite est d’Antoine Evesque d’Aix52.
29Ces opérations rendent la possédée de plus en plus agitée. Dès lors, elle refuse de manger, de communier, de se confesser et fuit surtout Michaëlis. Elle semble bien être devenue inutile à l’avancée de l’affaire. Les allégations des témoins paraissent alors être la meilleure chance d’inculper Gaufridy.
L’intervention des témoins
30Des monitoires ont été publiés en plusieurs lieux : à Marseille, à Aix et dans les localités environnantes. De nouveaux témoins viennent donc, et ils sont meilleurs que les premiers. L’affaire a pris une tournure nouvelle : Guillaume Du Vair la dirige avec efficacité. Le Parlement ouvre donc une troisième information.
31Au cours de cette dernière, vingt-quatre personnes déposent à Marseille. Quelques témoignages restent encore favorables à Gaufridy, mais la majeure partie des témoins l’accuse. Un retournement de situation s’opère : les paroles et les actes passés, qui n’avaient sur le coup rien de suspect, font l’objet d’une tout autre interprétation53. Les témoins ressassent les événements et les replacent dans le contexte accusatoire du procès de sorcellerie. Le fantasme sorcellaire s’est propagé et a métamorphosé l’image du prêtre. Tous les témoignages sont consignés dans les pièces du procès de Gaufridy. Nous n’en rapporterons ici que quelques-uns.
32Jean-François Roulier, quarante-six ans, vicaire des Accoules, plaide contre le suspect. Il a remarqué que Gaufridy recevait trop de cadeaux. Surtout, il est frappé par sa familiarité avec les femmes, qui ne le quittaient jamais :
A dit […] que led. Gaufridy confessant des femmes les tenoit une heure a la confesse, et le lendemain matin ces memes femmes se venant reconfesser a lui les tenoit autant de temps, dequoi il etoit asbay. Dit aussi sçavoir que led. messire Gaufridy recevoit beaucoup de presents qu’on lui faisoit tant de viandes pour manger, que d’autres choses, et lorsque les chanoines et beneficiers vivoient en commun, led. Gaufridy avait toujours quelques viandes particulieres qui lui etoient envoyées […] Dit aussi que led. Gaufridy conversoit fort familierement, et a toute heure dans lad. eglise avec ses pretendues filles spirituelles riant librement avec elles54.
33Une autre histoire, plus grave encore, est contée par plusieurs témoins : Jean Vachier, Gaspard Rey, tous deux orfèvres, et surtout Charles Du Prat, cordonnier de Marseille. Tous avaient remarqué que Louis Gaufridy, il y a quelques années, se rendait fréquemment chez une certaine Lucrèce Ponchette, veuve d’un pelissier. Ils l’auraient même vu sortir de la maison au petit matin. Charles Du Prat ne s’embarrasse pas d’hypothèses : selon lui, Gaufridy aurait charmé Lucrèce :
A dit qu’il a connu depuis long temps peliscier pour etre son voisin, et que aprés la mort d’icelui Loüis Gaufridy alloit, et frequentoit d’ordinaire dans la maison dud. peliscier, et avoit grande privauté, et familiarité avec la femme d’icelui qu’il a dit se nommer Lucrece et laquelle etoit lors en une belle et jeune femme bien agreable, si bien que a raison de ce, et de la grande frequentation et familiarité que led. Gaufridy avoit avec icelle, led. deposant, et tous les autres voisins en demeuroient scandalisés grandement […] ce que fait a présent presumer aud. deposant que led. Gaufridy avoit charmé lad. Lucrece55.
34Un avocat, nommé Jean-Baptiste Vias, produit une forte impression en apportant un nouvel élément à l’affaire. Il y a une dizaine d’années, de nuit, il a rencontré le prêtre, vêtu d’un manteau noir. Il se tenait à la porte d’une maison et, tout en se cachant, tentait de voir à l’intérieur. S’étant approché de lui, Vias lui aurait signifié qu’il n’était pas correct de se balader si tard dans la nuit avec de tels habits. Gaufridy s’étant éloigné, l’avocat était entré dans la demeure et y avait trouvé une vieille femme et une enfant. Or, cette petite fille a mal tourné depuis. Il y ajoute encore que, tout récemment, l’enfant de la fille est mort dans d’affreuses circonstances. Il était tout noir et un maléfice a alors été soupçonné :
A dit scavoir qu’il y a environ dix ou douze ans qu’il seroit allé sur l’entrée de la nuit […] y avait un certain pretre portant un long menteau noir que vouloit au tour d’une maison […] c’etoit Loüis Gaufridy, qui etoit couvert d’un grand menteau, et tenoit son visage bouché, et l’ayant reconnu lui remontoit qu’il lui etoit mal seant de se trouver en ses endroits suspects en lad. heure et avec tel habit, et lui ayant demandé qu’est ce qu’il faisoit là, lui repondit audacieusement par semblables mots : qu’est ce qu’il en avoit a faire, et qu’il pouvoit demeurer là, et encore dit-il qui depose tels ou semblables mots : vous que faittes vous ici ? a quoi fut par led. deposant repondu qu’il y etoit en la qualité de magistrat ; en se disant s’éloigna d’eux faisant demonstration de se retirer, que fût cause qu’il deposant s’approcha de lad. maison ayant commande d’ouvrir entra dedans, et n’y trouva qu’une vieille femme, et une jeune fille de douze ans fille d’un cureur de puids […] ne l’ayant il deposant auparavant ni depuis connue plus particulierement bien est vrai que depuis lad. jeune fille a été debauchée, et couru le bordeau […] sond. fils qui avoit été apuravant un peu malade alla toujours en empirant, […] et mourut la veille de saint Jean, et […] fut trouvé tout noir sur les reins, et au dessous des epaulles56.
35Puis vient le tour de Victoire de Corbie, mariée à François Perrin, fort irritée toujours contre cet homme qui l’a repoussée. Elle l’accuse de gestes indécents et se dit ensorcelée par lui57 :
Audition de Damoiselle Victoire de Courbier pretendüe d’avoir esté charmée par ledict Gaufridy sur le faict et cause du trouble et indisposition de son entendement, amour et affection desreglee, et scandaleuse envers ledict Gaufridy58.
36Il est possible qu’elle soit contrainte de rapporter une histoire dont elle est la victime pour ne pas être suspectée de complicité avec un sorcier qui semble bien être son amant59. Toutes les déclarations déposées lors du procès, même lorsqu’elles s’écartent de l’objet principal de l’enquête, sont pensées comme liées à l’accusation. Dans cet univers mental animé de doutes et d’insécurité, les éléments sortant de l’ordinaire, même les plus infimes, doivent échapper à la connaissance commune et ne peuvent être expliqués que par un crime qui fait déjà consensus. Il s’agit là d’une déposition singulière dans le cadre des procès pour sorcellerie. Elle dévoile une nouvelle facette des pouvoirs ravageurs que l’homme octroie au sorcier : celle de l’adultère. Dans une époque où les valeurs morales des communautés sont portées par le respect des règles religieuses, comme le mariage, le Mal est également ce qui s’insinue dans les ménages et brise les unions, mettant en péril la stabilité de la collectivité60. Ces dommages ne sont plus ceux d’une sorcellerie rurale, dite traditionnelle, où le malfaiteur se contente de saccager les récoltes ou dévaster les troupeaux. En migrant vers le monde urbain, le sorcier s’attaque directement aux liens unissant les membres d’une communauté ; il s’attelle à détruire l’harmonie sociale du groupe.
37Enfin, Marguerite Bouchette, veuve remariée, femme du patron François Garat, rapporte d’étranges témoignages. Elle raconte que l’âme d’une certaine Louise Alphante, qu’elle considérait autrefois comme sa mère spirituelle, l’a visitée en rêve et lui a affirmé que bientôt une personne qu’elle estime allait s’associer au diable. À n’en pas douter, cette prophétie onirique concerne le curé des Accoules :
A dit qu’il y a environ douze ans qu’elle commença de se confesser a Messire Loüis Gaufridy lors demeurant aux Accoules […] elle füt visitée par diverses fois par un esprit qu’elle croyait être l’ame de Loüise Alphante, autrement ditte nouvelleté, qu’elle avoit autre fois appellée et tenue pour sa mere spirituelle, lequel esprit lui parla souvent, et entre autres discours une fois lui dit qu’il viendroit un temps que la devotion se diminueroit de beaucoup, et qu’elle verroit tel qu’elle estimoit un saint personnage, qui seroit un grand Diable devant Dieu61.
L’homme face au sorcier
38Tel qu’il nous apparaît devant les Parlements, le concept de sorcellerie renferme deux représentations distinctes mais complémentaires. D’un côté, au travers de récits mettant en scène un accusé coupable d’étranges désastres, de sorts ou de désordres dans les interactions sociales, se dessine une représentation dite populaire. Nous retrouvons dans ces accusations le traditionnel crime de maleficium que nous évoquions précédemment. De l’autre, par l’effet d’une croyance démoniaque obsédante et indélébile, nous apercevons une traduction constante de ces méfaits en termes démonologiques. À la lueur des dénonciations juridiques, deux strates d’interprétation s’offrent à nous : d’une part des conflits personnels, d’autre part l’action néfaste du diable et de ses serviteurs.
39Chacun des témoignages, pris séparément, ne pèse que très peu contre le suspect. Cependant, une fois associés et ajoutés à tous les éléments récolés lors de l’instruction, ils constituent un puissant dossier à charge contre lui62. Regroupés, les récits dévoilent la vérité selon un procédé rigoureusement codifié et régi par des présomptions. L’anormalité des dénonciations, liées à une aversion évidente envers le suspect, disparaît progressivement, en laissant derrière elle une opinion uniforme et consensuelle. Ces récits, où chaque action s’insert dans un code social éthique et symbolique, deviennent, dès l’instant où ils passent par le canal juridique, les manifestations d’un discours plus sombre et énigmatique63. Ce discours, dans lequel le diable est l’unique acteur effectif, c’est le juge qui en est le traducteur. Celui-ci y cherche constamment la dimension diabolique et la filiation sectatrice afin de fonder la lèse-majesté divine64.
40Nous pouvons par ailleurs constater que plus les informations progressent au cours du procès, plus les dépositions semblent graves et délirantes, comme en témoigne celle de Marguerite Bouchette. À la lecture des différents témoignages enregistrés dans les pièces du procès, nous assistons à une dérationalisation progressive des événements entourant l’affaire : tout converge vers Gaufridy et ses pouvoirs maléfiques. Une déposition extravagante en entraîne d’autres, car chacun pense avoir été exposé au danger. Nous entrevoyons, à travers les rouages de la justice moderne, combien l’angoisse du monde infernal est contagieuse. Le système judiciaire permet à tous d’exposer ses craintes individuelles qui, dès l’instant où elles sont publiquement entendues, se transforment en un combat collectif. Christina Larner a démontré qu’une fois qu’une communauté a identifié quelqu’un comme sorcier, non seulement les dynamiques sociales suppriment toute possibilité d’effacer cette identification, mais elles l’amplifient constamment65. C’est précisément ce qui se produit lors du procès Gaufridy et cette troisième information, qui concentre les peurs les plus profondes de l’homme du premier xviie siècle, en est la manifestation la plus éclatante. Robin Briggs, quant à lui, a davantage poussé l’analyse. Il a suggéré que ce processus n’est autre qu’une projection, sur le suspect, des fantasmes de la communauté66. L’accusé serait donc un exutoire permettant à une société perturbée d’expulser ses passions, à travers une catharsis collective et révélatrice. Les instabilités contextuelles la poussent à prendre le sorcier comme bouc émissaire : le persécuter n’est plus seulement l’affaire des juges, mais aussi le défoulement de l’ensemble de la collectivité67.
41Ces analyses peuvent s’appliquer à tout procès de sorcellerie. Seulement, l’affaire Gaufridy, tout en conservant ces différentes caractéristiques, transcende le schéma habituel des cas de sorcellerie. La figure du prêtre corrompu affecte la communauté selon deux modalités distinctes. D’une part, elle provoque une onde de panique. En pervertissant un clerc, le diable s’immisce dans l’Église et ébranle les sécurités fondamentalement établies depuis longtemps. Pour les fidèles, l’Église perd sa fonction protectrice face au Mal omniprésent. À l’échelle individuelle comme à l’échelle communautaire, tout le monde sombre ainsi dans une forme de folie qui exhorte à dénoncer non plus pour anéantir mais pour se protéger. En ce sens, l’affaire opère des modifications sur les modes de dénonciation dans le cadre des procès de sorcellerie. D’autre part, la figure du mauvais curé brise l’harmonie de la communauté. Au centre de la vie religieuse de chacun, il représente le chef spirituel du groupe : il a pour rôle de guider les fidèles au quotidien afin d’assurer leur salut68. La figure du prêtre symbolise par conséquent l’un des piliers d’un ensemble équilibré, dont les membres sont connectés par une foi cohésive. La dénonciation collective peut donc aussi se révéler être une forme d’engagement communautaire visant à rétablir une harmonie rompue par l’ingérence diabolique. Dans les deux cas, il s’agit de sauvegarder les valeurs fondamentales à la stabilité du groupe. Ainsi le destin temporel et spirituel des individus reste-t-il préservé.
42Autant de peurs et de valeurs partagées qui participent à l’émergence d’un ethos agressif69, dont l’extériorisation peut prendre diverses formes. Dans cette affaire, les témoins savent pertinemment que de leurs dépositions résulteront de lourdes conséquences sur le prévenu. En témoignant contre Gaufridy, ils aspirent à détruire l’objet de leurs craintes pour parvenir à une relative quiétude sotériologique. Cette symbolique de la violence, née de la conscience d’un monde corrompu par le Mal et le péché humain, dissimule une pulsion purificatrice et un enjeu salvateur pour une société angoissée devant l’image d’un Créateur tant farouche que justicier70. Par l’exercice d’une telle violence, le croyant cherche à retrouver sa relation à Dieu qu’il ressent comme perdue.
43Cette phase du procès Gaufridy est significative de la manière dont est juridiquement conduite une affaire de sorcellerie en ce premier xviie siècle. Les trois parties prenantes de l’enquête (juges, médecins et témoins) sont animées d’un fantasme sorcellaire prégnant. Tous semblent partager, sous différentes approches, ce même sentiment de danger face au sorcier, qu’il s’agit d’exterminer au plus vite. Les magistrats, nourris des traités démonologiques depuis plus d’un siècle, orientent leur enquête dans le sens d’une culpabilité pré-établie du suspect. Influencés par des lectures tout aussi anxiogènes, les médecins possessionnistes mêlent à leur analyse scientifique et projettent sur les corps des protagonistes leurs peurs les plus extrêmes. Il n’est pas étonnant que ces élites, hommes les plus respectés de leur temps, transmettent cet imaginaire obsidional aux populations qui, par l’intermédiaire d’une forme d’engagement communautaire, s’attachent à détruire la cause de leurs craintes71.
44Les deux premières informations ont occupé la moitié des mois de février et mars 1611. Cette troisième ne dure que trois jours : du 5 au 7 avril. La grande majorité des témoignages a été défavorable à Gaufridy : les magistrats possèdent les pièces nécessaires à l’inculpation du suspect. Il ne manque plus que ses aveux officiels, indispensables à l’achèvement du procès. D’après les deux Pères capucins qui le gardent constamment, Gaufridy a déjà commencé à avouer quelques crimes le 1er avril, au fond de ces prisons humides et sombres. Cette confession particulière n’a cependant aucune valeur aux yeux de la justice : elle doit être répétée en présence d’un juge pour être validée. Il s’agit donc de confronter le suspect à ces dépositions accablantes pour le faire fléchir publiquement.
Notes de bas de page
1 Lorédan J., Un prince de Belzébuth, la mort d’un sorcier, Paris, Bibliothèque historique mondiale, 1960, p. 128.
2 Michaëlis S., Histoire admirable de la possession et conversion d’une pénitente séduite par un magicien, Actes recueillis par Michaëlis, Paris, C. Chastellain, 1613, p. 74.
3 Cette croyance est ancienne, puisque le Marteau des sorcières en fait déjà mention en 1486. Elle continue d’imprégner les structures savantes après l’affaire Gaufridy. En 1622, Pierre de Lancre écrira : « Nouvellement le Demon a prins cette coustume, qu’il imprime ordinairement certaines notes et marques insensibles, en forme de characteres, és corps des Magiciens & Sorciers, comme l’experience nous a faict voir plusieurs fois » (De Lancre P., L’incredulité & mescreance du sortilege plainement convaincue. Où il est amplement et curieusement traicté, de la vérité ou illusion du Sortilege, de la Fascination, de l’Attouchement, du Scopelisme, de la Divination, de la Ligature ou Liaison Magique, des Apparitions : Et d’une infinité d’autres rares & nouveaux subjects, Paris, N. Buon, 1622, p. 410).
4 Le musée de la torture de Carcassonne conserve certaines des aiguilles utilisées pour rechercher les marques diaboliques. Ces dernières peuvent atteindre jusqu’à 20 cm de longueur.
5 Bechtel G., Sorcellerie et possession : l’affaire Gaufridy, Paris, Culture, Art, Loisirs, 1972, p. 154. La dartre est une maladie de la peau caractérisée par la formation de plaques sèches au niveau de l’épiderme.
6 Demonet Marie-Luce, « Les marques insensibles, ou les nuages de la certitude », Littératures classiques, n° 25, 1995, p. 98.
7 Daneau L., Deux traitez nouveaux, tres-utiles pour ce temps. Le premier touchant les Sorciers, auquel ce qui se dispute aujourd’huy sur cete matiere est bien amplement resolu & augmenté de deux proces extraicts des greffes pour l’esclaircissement & confirmation de cet argument. Le second contient une breve remonstrance sur les jeux de Cartes & de dez, s.l., J. Baumet, 1579, p. 55-56.
8 L’ordalie était une forme de preuve judiciaire et religieuse qui consistait à soumettre le plaidant à une épreuve dont l’issue, déterminée par la volonté divine, prouvait sa culpabilité ou son innocence. Le jugement de l’eau était une pratique fréquemment appliquée aux sorcières : le prévenu devait sauter dans une étendue d’eau bénite. S’il coulait, cela signifiait qu’il était « reçu » par l’eau bénite et donc innocent. Au contraire, s’il flottait, cela prouvait sa culpabilité. Même si l’ordalie reposait sur des croyances religieuses, elle ne relevait pas nécessairement de l’Église.
9 Lemaire-Duthoit C., Magiciens et sorciers au Moyen Âge, Paris, Ellipses, 2011, p. 171.
10 Spence C., « The Trial of Louis Gaufridy: Possession, Heresy, and the Devil’s Mark, 1609-1611 », Essays in History, 2009 [consulté le 9 janvier 2017].
11 Pihlajamäki H., « Swimming the Witch, Pricking for the Devil’s Mark: Ordeals in the Early Modern Witchcraft Trials », Journal of Legal History, volume 21, n° 2, 2000, p. 48.
12 Fontaine J., Discours des marques des sorciers et de la réelle possession que le diable prend sur le corps des hommes, Paris, D. Langlois, 1611, p. 18.
13 Walker A., « A Notorious Woman: Possession, Witchcraft and Sexuality in Seventeenth-Century Provence », Historical Reflections, volume 27, n° 1, 2001, p. 9.
14 Peiresc N.-C., Lettres à Malherbe : 1606-1628, Paris, CNRS, 1976, p. 62. Ici, il faut comprendre le mot « ravi » comme un synonyme de l’étonnement.
15 Procès criminel de Louis Gaufridy, prêtre bénéficier des Accoules de Marseille en l’année 1611, figuré sur la minute originale, Paris, Bibliothèque nationale de France, Fonds français, Ms 23851, f°88r.
16 Michaëlis S., op. cit., p. 79.
17 Fontaine J., op. cit., p. 8.
18 Sur les rapports entre médecine et théologie, notamment sur les épineuses questions de la possession et de la sorcellerie, voir Minois G., Le prêtre et le médecin. Des saints guérisseurs à la bioéthique, Paris, CNRS, 2015, p. 157-159.
19 Fontaine J., op. cit., p. 6-7.
20 Clark S., Thinking with Demons: the Idea of Witchcraft in Early Modern Europe, New York, Oxford University Press, 1997, p. 425.
21 Ferber S., Demonic Possession and Exorcism in Early Modern France, New York, Routledge, 2004, p. 81.
22 Michaëlis S., Discours des esprits en tant qu’il est de besoin, pour entendre et résoudre la matière difficile des sorciers, Paris, C. Chastellain, 1613 [1587], p. 172-173.
23 Ferber S., « Possession and the Sexes », dans Rowlands A. (éd.), Witchcraft and Masculinities in Early Modern Europe, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2009, p. 224.
24 Boulaese J., L’abbregée histoire du grand miracle par nostre Sauveur et Seigneur Jésus-Christ en la saincte hostie du Sacrement de l’autel, Paris, T. Belot, 1573, f° 6r.
25 Levack B., The Devil Within: Possession and Exorcism in the Christian West, New Haven, Yale University Press, 2013, p. 193.
26 De Certeau M., « Une mutation culturelle et religieuse : les magistrats devant les sorciers du xviie siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 55, n° 155, 1969, p. 309.
27 Porret M., « Différencier les ‘magiciens infâmes, les sorcières et les empoisonneurs’ : l’œil naturaliste de Jean Wier » dans Planté C. (dir.), Sorcières et sorcelleries, Lyon, Presses universitaires de Lyon, « Cahiers masculin-féminin », 2002, p. 42.
28 Kapitaniak P., « Du progrès et de la promotion des démons : démonologie et philosophie naturelle dans l’épistémè européenne aux xvie et xviie siècles », Études Épistémè, n° 7, 2005, p. 58.
29 Cameron E., Enchanted Europe: Superstition, Reason, and Religion, 1250-1750, Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 2.
30 Closson M., « Le trompeur trompé : la représentation du diable dans l’œuvre d’Agrippa d’Aubigné », Albineana, Cahiers d’Aubigné, n° 21, 2009, p. 97.
31 Lavocat Fr., Kapitaniak P., Closson M. (dir.), Fictions du diable : démonologie et littérature de saint Augustin à Léo Taxil, Genève, Droz, « Cahiers d’Humanisme et Renaissance », 2007, p. 110.
32 Nodé P., Declamation contre l’erreur exécrable des maléficiers, sorciers, enchanteurs, magiciens, devins, & semblables observateurs des superstitions : lesquelz pullulent maintenant couvertement en France : à ce que recherche, & punition d’iceux soit faicte, sur peine de rentrer en plus grands troubles que jamais, Paris, J. du Carroy, 1578, p. 7.
33 Closson M., « L’invention d’une ‘littérature de la peur’ : le temps de la chasse aux sorcières », dans Bertaud M. (dir.), Les grandes peurs, t. 2, Genève, Droz, « Travaux de littérature », 2003, p. 54.
34 De Certeau M., art. cité., p. 313.
35 Fontaine J., op. cit., p. 23.
36 Houdard S., Les sciences du diable. Quatre discours sur la sorcellerie, Paris, Les Éditions du Cerf, 1992, p. 109.
37 Fontaine J., op. cit., p. 5.
38 Céard J., « Médecine et démonologie : les enjeux d’un débat », dans Jones-Davies M.-T. (dir.), Diable, diables et diableries au temps de la Renaissance, Paris, Jean Touzot, 1988, p. 97-112.
39 Peiresc N.-C., op. cit., p. 62.
40 Même si les anti-possessionnistes restent minoritaires au xviie siècle, ils sont cependant prédominants dans les cercles réputés plus éclairés, centraux et en contact direct avec les lieux de production du savoir, comme à Paris.
41 Clark S., « Demons and Disease: The Disenchantment of the Sick (1500-1700) », dans Gijswit-Hofstra M., Marland H., de Waardt H. (dir.), Illness and Healing Alternatives in Western Europe, London, Routledge, 1997, p. 45.
42 Sur l’imposture dans les phénomènes de possession, voir Cavaillé J.-P., « Imposture et possession diabolique. Une preuve controversée : la connaissance des langues », dans Dickhaut K. (éd.), Kunst der Täuschung. Art of deception. Über Status und Bedeutung von ästhetischer und dämonischer Illusion in der Frühen Neuzeit (1400-1700) in Italien und Frankreich, Wiesbaden, Harrassowitz Verlag, 2016, p. 229-254.
43 Marescot M., Discours veritable sur le faict de Marthe Brossier de Romorantin, pretendue demoniaque, Paris, Mamert Patisson, 1599, p. 3.
44 Le livre de Marescot connaît toutefois des critiques émanant des acteurs de l’affaire, notamment des religieux. Sous le pseudonyme de Léon d’Alexis, Pierre de Bérulle, le cardinal chargé des exorcismes de Marthe, décide de publier la même année un ouvrage dénonçant l’attitude du médecin parisien et plus généralement l’ingérence de l’État dans les affaires de l’Église : d’Alexis L., Traicté des Energumenes, Suivy d’un discours sur la possession de Marthe Brossier : Contre les calomnies d’un Medecin de Paris, Troyes, s.n., 1599.
45 Michaëlis S., Histoire admirable, op. cit., p. 80-81.
46 Ibid., p. 81.
47 Ibid.
48 Ibid., p. 85.
49 Ibid., p. 89-90.
50 Voir Moreno Martinez D., « Magical Lives: Daily Practices and Intellectual Discourses in Enchanted Catalonia during the Early Modern Era », dans Edwards A. K. (éd.), Everyday Magic in Early Modern Europe, Farnham, Ashgate, 2015, p. 28 et Ferber S., « Reformed or Recycled? Possession and Exorcism in the Sacramental Life of Early Modern France », dans Edwards A. K. (éd.), Werewolves, Witches, and Wandering Spirits: Traditional Belief and Folklore in Early Modern Europe, volume 62, Philadelphia, University of Pennsylvania Press, 2002, p. 64.
51 Michaëlis S., Histoire admirable, op. cit., p. 90.
52 Ibid., p. 92.
53 Favret-Saada J., Les mots, la mort, les sorts, Paris, Gallimard, 1977, p. 25.
54 Bibliothèque nationale de France, Ms 23851, Pièce M du procès, f° 101r.
55 Ibid., f°100v.
56 Ibid., f°93v-94v.
57 Son témoignage n’apparaît pas dans les pièces du procès de Gaufridy, mais seulement en partie dans l’arrêt du parlement de Provence.
58 Michaëlis S., Histoire admirable, op. cit., p. 118.
59 Fragonard M.-M., « L’inquisiteur Michaélis, la possédée Louise Capeau, et le diable Verrine, sur l’affaire Gaufridy », Albineana, Cahiers d’Aubigné, n° 21, 2009, p. 143.
60 Dans ses Six livres de la République, Jean Bodin percevait d’ailleurs le ménage et la famille comme des éléments essentiels au bon fonctionnement de la République, assurant la stabilité du système politique et social : Bodin J., Les six livres de la République, Paris, J. du Puys, 1579, p. 10-45.
61 Bibliothèque nationale de France, Ms 23851, Pièce M du procès, f° 90r-v.
62 Lenôtre G., Affaires étranges : de Belzébuth à Louis XVII, Saumur, Banquises & comètes, « Courts d’histoire », 2014, p. 18.
63 Houdard S., Les sciences du diable, op. cit., p. 112.
64 Zintzo Garmendia B., Histoire de la sorcellerie en Pays Basque : les bûchers de l’injustice, Toulouse, Privat, 2016, p. 274.
65 Larner C., Enemies of God: the Witch-Hunt in Scotland, Baltimore, John Hopkins University Press, 1981.
66 Briggs R., Witches and Neighbors: the Social and Cultural Context of European Witchcraft, New York, Viking, 1996, p. 163-168.
67 Voir Thomas L. V., Luneau R., Les sages dépossédées, Paris, Robert Laffont, 1977, p. 126-127 et Muchembled R., « Sorcellerie, culture populaire et christianisme au xvie siècle, principalement en Flandre et en Artois », Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 28e année, n° 1, 1973, p. 283.
68 Lemaître N., « Le prêtre mis à part ou le triomphe d’une idéologie sacerdotale au xvie siècle », Revue d’histoire de l’Église de France, t. 85, n° 215, 1999, p. 276.
69 Fragonard M.-M., « Visibles vengeances », Albineana, Cahiers d’Aubigné, n° 15, 2003, p. 183-184.
70 Crouzet D., Dieu en ses royaumes : une histoire des guerres de religion, Seyssel, Champ Vallon, « Époques », 2008, p. 10.
71 Nathalie Zemon Davis montre bien la responsabilité des élites, et notamment des prêcheurs, dans les dynamiques de violence populaire qui traversent la France de cette période : Zemon Davis N., Society and Culture in Early Modern France, Stanford, Stanford University Press, 1975, p. 167-169.
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