Burlesque et pratiques intertextuelles dans Les Avantures de Dassoucy
p. 111-130
Texte intégral
1Il n'est pas facile de déterminer l'appartenance architextuelle1 des Avantures de Charles Coypeau Dassoucy : Les Avantures de M. Dassoucy et sa suite, Les Avantures d'Italie de M. Dassoucy2, relations du voyage de Paris à Turin entrepris par l'écrivain vers le milieu du XVIIe siècle, forment un ensemble haut en couleur qui a pu entre autres être défini comme "le roman le plus aventureux du XVIIe siècle"3 ; ce "roman" ne relève pourtant pas d'un seul genre littéraire : bien au contraire, il se situe au carrefour de l'autobiographie, de l'œuvre apologétique, du récit de voyage et même du commentaire critique, en raison de ses excursions dans le domaine métatextuel.
2C’est justement ce dernier aspect – sans doute un des moins évidents de l'œuvre4 – qui est fortement mis en relief par l'analyse des pratiques intertextuelles. Ajoutons tout de suite que si cette mise en relief ne parvient pas à produire une simplification de la texture architextuelle des Avantures, elle favorise néanmoins la possibilité d'établir une sorte de hiérarchie entre les différents genres littéraires qui y sont convoqués ; la classification qui en résulte ne manque pas d'intérêt, à notre avis, puisqu’elle peut permettre un approfondissement interprétatif de l'œuvre et, tout bien considéré, une nouvelle appréciation de l'attitude qu'y manifeste son auteur, "Empereur du Burlesque, premier de ce nom"5.
3Ayant quitté la capitale en 1655 à la suite d'une mystérieuse affaire parisienne6, Dassoucy, poète et musicien qui avait connu un certain succès à la cour de Louis XIII et du jeune Louis XIV7, est attiré en Italie par l’espoir d'obtenir la protection de Mme Royale, sœur de Louis XIII et veuve de Victor-Amédée 1er de Savoie. Bien que cette perspective le séduise, il ne semble pas pressé d'arriver à destination : en effet, il voyage pendant deux ans dans le sud de la France avant de franchir la frontière piémontaise, passant de ville en ville, d'aventure en aventure, ou plutôt, bien souvent, de mésaventure en mésaventure. Les péripéties de son errance naissent parfois des mauvaises rencontres qu'il fait en cours de route, ou des situations cocasses dans lesquelles il se trouve involontairement impliqué ; le plus souvent, pourtant, c'est sa passion irrésistible pour le jeu qui le ruine et qui le fait passer en quelques heures de l'aisance à la misère noire.
4A l'en croire, cette passion est sa seule grave faiblesse. N'empêche pourtant qu'en 1656, lors de ses pérégrinations, il lui arrive d'être incarcéré à Montpellier, à la suite d'une accusation de sorcellerie, selon les mieux pensants, de sodomie, selon les autres8. Ce n'est pas la première fois qu'il est persécuté en tant que "Magicien et Nigromantien" : à l’âge de neuf ans déjà, toujours à cause de cette fausse renommée, il avait failli être "...jet(é) à la mer (...)" par le "sot peuple" de Calais9. A l'âge de cinquante et un ans, depuis longtemps influencé par le libertinage érudit, Dassoucy n'hésite pas à attribuer la double accusation de Montpellier à la même sottise collective qui l'a inquiété autrefois et qui, selon lui, n'a jamais cessé de le poursuivre. Au lieu de se disculper, il préfère donc préparer le récit des événements languedociens par une "explication" préalable : il s'agit d'une attaque longuement menée et virulente, bien que générique, contre les éternels ennemis des "bons", des "sages", et des "hommes spirituels et éclairez" : ce sont, symétriquement, les "méchans", les "fous" et les"...sots, tant ultramontains que citramontains", tous ceux, en somme, qui, poussés par une antipathie viscérale et incoercible, ne peuvent que détester les êtres qui leur sont supérieurs10.
5Parfois, au cours de son récit, l'auteur devient pourtant plus précis à l’égard de ses adversaires : il s'en prend directement à Cyrano – avec lequel il s'était brouillé à Paris – à Loret qui, dans sa Muse historique n'avait pas hésité à annoncer prématurément sa mort après l'affaire de Montpellier, à Boileau, qui avait violemment attaqué le genre burlesque et ses représentants, ou encore à son ancien ami Chapelle qui avait été le principal responsable, selon lui, de sa fausse renommée de sodomite11.
6Les responsables de ses malheurs ne sont pas seulement les écrivains : ils se cachent aussi parmi ceux qui partagent de près les vicissitudes de son voyage. Son page de musique préféré, le malicieux et impudent Pierrotin, représente pour sa tranquillité un danger constant : il éveille contre lui des soupçons d’hérésie pendant la traversée de la Saône ; il lui fait rater son entrée à la Cour de Turin quand, ivre mort, au lieu de chanter devant Mme Royale, il se met à "...grogner comme un cochon quand il fait un compliment à une truye (...)” ; il en arrive même, dans le dernier des épisodes racontés dans les Avantures, à essayer d’empoisonner son maître pour le punir d’avoir fait "baptiser” son vin12.
7Pierrotin d'ailleurs continue à bouleverser l'existence de Dassoucy même après 1658, date à laquelle se termine le récit de ce voyage en France et en Italie13. Les événements successifs, notés dans des écrits fragmentaires, ne purent pourtant pas être réunis dans une narration systématique : l'écrivain mourut en effet avant de porter à terme son entreprise, au cours de la même année pendant laquelle il avait finalement réussi à publier les deux premières parties de ses Avantures (1677).
8Le caractère hybride de ces écrits personnels, significatifs malgré leur inachèvement, a provoqué, on l'a déjà remarqué, des problèmes de définition et, par conséquent, des divergences chez les spécialistes. Pour nommer le genre des Avantures, Y. Giraud a par exemple hésité entre "romans vraisemblables" et "autobiographies romancées"14. R. Démoris, au contraire, a opté pour une seule définition, également représentative pourtant des perplexités suscitées par l'œuvre : les Avantures sont en effet pour lui des "mémoires ambigus"15. L'opinion d'H. Coulet est plus développée : ces écrits sont "...plutôt à ranger dans le genre bâtard et assez artificiel du voyage" puisqu'ils "...n'appartiennent exactement ni au genre romanesque, ni au genre de l'autobiographie le "moi" de l'auteur y reste d'ailleurs insaisissable, masqué comme il est "...derrière la convention burlesque et derrière l'apologie personnelle déclarée (...)"16. Cette dernière définition a été reprise et approfondie par J. Serroy – pour qui les Avantures sont surtout un mélange de "roman comique" et d'œuvre autobiographique : "symptomatique à cet égard – déclare-t-il – est le fait que cette apologie s'appuie précisément sur cette convention". En d'autres mots, il explique les ambiguïtés du "moi" dassoucien en soulignant à juste titre la grande importance que le genre burlesque a revêtu pour l'auteur des Avantures : si l'écrivain, à la fin de l’œuvre, s'élève "...avec véhémence contre la condamnation de Boileau", ce n'est pas seulement pour justifier de simples habitudes expressives, mais surtout pour défendre "...sa propre raison d'être : ce burlesque, qui lui a apporté la gloire, se confond avec sa carrière littéraire tout entière ; vouloir le rejeter dans l’ombre du passé et des vieilles modes, c'est comme Loret dans sa Gazette, enterrer d'Assoucy avant l'heure (...)"17.
9Selon J. Serroy, donc, des liens étroits et bien concrets rattachent dans les Avantures l'apologie du genre littéraire à l'apologie personnelle de l'artiste : ce sont surtout son ambition professionnelle et son désir de montrer qu'il est encore du nombre des vivants qui l'ont poussé à insérer dans ses mémoires cette défense et illustration de son genre littéraire préféré.
10Les conclusions proposées par J. Serroy ne manquent certes pas de perspicacité, mais elles nous semblent pouvoir être complétées : en effet, l'examen des pratiques intertextuelles qui se manifestent dans l’œuvre ne permet pas seulement de démêler le tressage des genres qui la composent, mais également de mettre en lumière l'adhésion intime, d'ordre plus idéologique que psychologique, qui a lié Dassoucy au Burlesque, et de mieux expliquer, par conséquent, l'affectivité qu'il a prodiguée dans son entreprise de justification littéraire.
Pratiques intertextuelles
11Pour passer donc aux données concrètes de l'analyse, et pour rester dans le sillage de la terminologie genettienne, on peut commencer par reconnaître dans les Avantures l'exploitation d'une hypertextualité de type imitatif, plus précisément définissable comme une charge héroï-comique18. En effet, par voie d'imitation stylistique, des modalités expressives généralement nobles, qui reproposent constamment le ton épique ou héroïque, sont appliquées, dans l'œuvre, à un sujet généralement trivial, c'est-à-dire aux revers de fortune et aux événements souvent saugrenus – que l'on peut situer à mi-chemin entre le pittoresque et le picaresque – qui animent le voyage de Dassoucy.
12A ce propos, il peut sembler bien paradoxal – si l'on pense à sa diatribe métatextuelle contre Boileau, à la fin des Avantures – que ce champion du Burlesque s’appuie sur une charge héroïcomique pour mener à bien, contre l'auteur du Lutrin, son plaidoyer en faveur du genre rendu célèbre par Scarron. En réalité, c'est un paradoxe apparent : si Dassoucy choisit en général les modalités héroï-comiques pour ses Avantures, il ne le fait certes pas pour suivre le modèle imposé par son ennemi Boileau. On sait en effet que la variante héroï-comique n'a pas été inventée par ce dernier, mais que sa pratique, dans des formes et des amalgames différents, a toujours coexisté avec le Burlesque proprement dit19. Sans compter que Dassoucy a d'ailleurs assez de bon sens pour prendre conscience du fait que les excès grossiers ne sont plus de mise dans la France des années 1670-1680. Son choix du néoburlesque peut donc être plutôt expliqué par des nécessités d'apologie personnelle : puisque ses ennemis l'accusent de toutes sortes de bassesses, il essaie tout naturellement de rehausser, d’élever, de réhabiliter si l’on veut, son propre personnage et ses propres vicissitudes par un style ennoblissant. D'ailleurs, il faut également préciser que le "tissu" héroï-comique de l'œuvre n'est pas uni, mais parsemé de nombreux emplois burlesques proprement dits, c'est-à-dire de termes, locutions et figures qui exploitent la dissonance inverse, qui transposent donc un texte noble dans un style vulgaire, dans la plus pure tradition du Virgile travesti de Scarron ou de l'Ovide en belle humeur de Dassoucy lui-même.
13Au-delà de ces considérations, on peut souligner, à l'intérieur de ce cadre hypertextuel générique, la présence, extrêmement riche et variée, d'un autre type de relation transtextuelle, le type de l'intertextualité proprement dite, comprenant par exemple, chez Dassoucy, l'allusion, la citation explicite et implicite20, l'autocitation21 et la référence22.
14Il serait sans doute utile de préciser et de répertorier ces différentes pratiques – qui se croisent d'ailleurs bien souvent avec des transformations parodiques – et analyser la fonction des stéréotypes mythologiques innombrables, du jeu fréquent des proverbes et des expressions figées, des clichés juridiques et oratoires, des références bibliques, des emprunts à la terminologie musicale, des citations latines d'origine différente, sans compter les nombreux procédés grâce auxquels on assiste à un véritable défilé d'écrivains contemporains ou du passé, souvent cités avec les titres de leurs œuvres : au fil des pages des Avantures on rencontre entre autres Boccace, Cervantès, Ronsard, Desportes, Saint-Amant, l'Arioste, Tabarin, Molière, Villon, Bruscambille et surtout, on pouvait s'en douter, Rabelais et Scarron.
15L'étude systématique de tous ces emprunts – qui reste à faire – pourrait sans doute amener à des conclusions intéressantes. Cependant, l'intertextualité des Avantures étant encore un terrain presque totalement à défricher, il semble préférable maintenant de limiter le domaine de l'enquête aux manifestations les plus évidentes, "macroscopiques" pourrait-on dire, de la tendance dassoucienne à la réécriture. A l'intérieur de ce corpus réduit mais significatif, il sera possible de découvrir que les données ainsi sélectionnées, dans leurs interactions respectives et dans leurs corrélations avec le texte "centreur"23, dessinent un parcours assez clair, à même de faciliter le déchiffrement des intentions plus ou moins consciemment exprimées par l'auteur.
16Ces pratiques apparentes consistent en une longue 'allusion' et en une série de pastiches qui enchâssent dans l'espace textuel des Avantures des hypotextes variés, différemment exploités et retravaillés par l'hypertexte24. Les pastiches mettent en cause Rabelais, Scarron et Voiture, tandis que le passage allusif laisse entrevoir dans l'œuvre la présence du Tartuffe moliéresque. Les renvois à Molière et à Voiture étant d'interprétation plus immédiate, c'est par ces deux auteurs qu'il convient de commencer.
Molière
17Pendant la traversée de la Saône, Dassoucy tombe sur un cuistre du Quartier Latin, dont il connaît déjà l'ignorance et la folie, ainsi que le sobriquet de Triboulet dont les étudiants l'ont affublé. Voulant faire montre de son zèle religieux, le cuistre commence par harceler Pierrotin de questions insidieuses et finit par accuser Dassoucy d'être un hérétique. Après avoir convaincu l'assistance de son orthodoxie, l'écrivain dénonce à son tour la fausse dévotion de Triboulet et insiste longuement sur la "...différence qu'il y a entre le zèle saint d'un véritable dévot et le zèle feint d'un dangereux hypocrite". Le développement de cette différence lui permet de réciter une longue suite de vers où il n'est pas difficile de repérer l'écho des tirades de Dorine ou de Cléante contre Tartuffe, ou quelques traces de l'abondant paratexte entourant la pièce de Molière.
Ce n'est pas de l'extérieur – souligne par exemple Dassoucy –
Que l'on peut juger du merite
Du vray devot plein de ferveur.
Souvent un visage trompeur
Confond avecque l'hypocrite
Le veritable homme d’honneur.
L'hypocrite allant par la ruë
(…)
Avecque son grand chapelet
Sa robe et son petit collet,
Peut imiter, baissant la veuë,
Dans sa demarche retenue
Un saint trié sur le volet.
Mais, quoy qu'en toutes chose – continue-t-il – l'affectation soit suspecte, comme ces saintes apparences doivent être inséparables de ceux qui sont obligez de mener une vie exemplaire, ce seroit faire injure aux gens de bien d'en vouloir à la longue robe et au petit collet, pource que les hypocrites s'en servent à authoriser leurs cruautez et couvrir leurs malefices25.
18Il n'est pas inutile de rappeler, à ce propos, que Dassoucy avait fait partie, comme poète et musicien, de la troupe de Molière en 1651 et entre 1655 et 165626 Même si l'époque de sa collaboration avec le dramaturge n'est pas celle du Tartuffe, il ne faut pas oublier que, commençant la rédaction de ses mémoires en 1667 environ – à l'époque où Molière essayait pour la deuxième fois de représenter sa pièce – et ne les ayant publiés qu'en 1677, huit ans après la première édition du Tartuffe, Dassoucy a eu tout le temps pour élaborer ses souvenirs et pour adresser un hommage plus actuel à son ami Molière.
Voiture
19Toujours définissable comme un hommage, mais plus précis qu'une simple allusion, le passage consacré au badinage mondain présente les caractéristiques d'un pastiche bien réussi de Voiture. Pour remercier un aristocrate de sa générosité et lui faire part d'un petit gain au jeu, Dassoucy construit une lettre entière sur les procédés de la métaphore de personnification : il se dit, par exemple, bien satisfait de la valeur militaire et de la fidélité montrées par les pièces qu'il a gagnées et ne se préoccupe que
...d'un gros quadruple Espagnol, qui, bien qu'il ait perdu plus de cinquante grains de sa gravité, tout écourté qu'il est, ne laisse pas pourtant de faire l'entendu, et de témoigner son antipathie à quatre petits demy-Loûis qui me paroissent les plus jolis enfans au monde”. C'est pourquoi, pour "...éprouver qu'il a autant de cœur qu'il a de vanité et de présomption (...), j'ay résolu de le mettre toujours à la teste de mes troupes, et l'envoyer reconnoistre l'ennemy comme le plus léger"27.
20On reconnaît sans peine, dans cette lettre, l'affectivité badine et la plaisanterie ingénieuse, "familière sans bassesse", des meilleures inventions de Voiture et de l'esthétique galante théorisée par Pellisson dans son Discours sur les œuvres de Sarasin28.
21Avant de se pencher sur les pastiches de Rabelais et de Scarron, qui sont plus complexes et révélateurs, on peut maintenant anticiper une conclusion et souligner le caractère commun qui, de façon schématique, peut relier ces quatre exemples différents de réécriture. Toutes ces greffes parsemées dans l'œuvre semblent au fond correspondre à une même fonction stratégique : elles rappellent implicitement les auteurs français qui, mieux que les autres selon Dassoucy, ont su exploiter les différentes ressources du comique et qui, même s'ils n'ont pas exactement proposé les modalités du Burlesque en tant que devanciers ou que représentants, ont toutefois pratiqué des formes comiques ou ludiques assez proches de ce genre : les procédés de la farce chez Molière ne s'en éloignent pas trop, et le badinage galant de Voiture et des autres écrivains mondains – on l'a remarqué depuis longtemps – présente souvent une variante estompée et raffinée des dissonances typiques de ce style. C'est pourquoi ces quatre hommages différents peuvent constituer une préparation subtile à la dernière partie des Avantures, c'est-à-dire à ce chapitre qui – comme on l’a vu – est tout entier consacré à la défense du Burlesque. Il est donc plausible de penser que les grands auteurs comiques ou plaisants du passé plus ou moins récent ont servi à Dassoucy de garant et d’autorité pour appuyer sa lutte contre Boileau, le critique qu'il définit – de manière significative – :..un Stoïque constipé qui ne rid de rien"29.
22Au-delà de cette explication collective, il convient maintenant d'analyser le travail d'appropriation et de réécriture le plus intéressant des Avantures, à savoir celui qui concerne justement l'imitation de Rabelais et de Scarron. Avant tout, il importe de signaler que leur évocation dans le texte dassoucien est, sous des formes différentes, fréquente, ce qui n'étonne pas si on pense que Rabelais est sans conteste le maître du comique réaliste et le précurseur, à bien des égards de cette littérature burlesque française dont Scarron est ensuite devenu le modèle par excellence.
Rabelais
23De cet auteur, Dassoucy propose deux pastiches et, bien entendu, une remarquable série de citations implicites, de références et d'allusions dont la richesse et la variété ont été d’ailleurs déjà signalées30.
24Le premier pastiche consiste dans l'éloge paradoxal du Jeu et des Larrons, prononcé par un tricheur professionnel qui a réussi plusieurs fois à "plumer" Dassoucy au cours de son voyage. C'est un passage dont l'éloquence, les argumentations et les énumérations inépuisables rappellent de près le Discours de Panurge à la louange des Presteurs et Débiteurs, publié dans le Tiers Livre31.
25Le deuxième pastiche, qui évoque surtout certains exploits de Frère Jean des Entommeurs dans la guerre picrocholine, met encore en jeu le faux dévot Triboulet, aux prises cette fois avec un poète aveugle de la Samaritaine, appelé "l’illustre Savoyard". Ces deux personnages engagent une "furieuse et sanglante bataille" dans la cuisine d'une hôtellerie pour s'emparer d’une épaule de mouton rôtie. Ils se battent sans ménager les coups, ils s'insultent vigoureusement, comme il se doit, tant en français qu'en latin, et finissent, après beaucoup de "...ruses et de détours, de contretemps et de surprises" par être séparés "à grands coups de couiller à pot" par l'aubergiste finalement survenu32.
26Or, les pastiches rabelaisiens de Dassoucy sont certainement bien réussis, mais l'intégration des textes du XVIe siècle dans les Avantures ne se fait pas sans un remarquable assagissement du modèle. Un assagissement bien prévisible d'ailleurs, déterminé surtout par la nécessité d'accommoder l'hypotexte aux exigences de l'époque.
27Ce qui frappe davantage, de toute façon, dans les modalités de cette absorption, c'est l'attitude plutôt paradoxale manifestée par Dassoucy : d'un côté son admiration pour le maître du XVIe siècle est indéniable, et la fréquence même des emprunts faits à cet auteur le montre suffisamment. De l’autre, pourtant, force est de remarquer que les évocations rabelaisiennes comportent une valorisation négative pour les personnages qui y sont impliqués. Les personnages secondaires, qui seuls sont mis en jeu dans ces pastiches – c'est le cas de le remarquer – se caractérisent en effet toujours comme des antagonistes du Narrateur. La seule exception semble représentée par le combatif Savoyard de la Samaritaine qui ne veut, lui, ni "plumer" Dassoucy – comme le tricheur – ni le faire brûler à petit feu en tant qu'hérétique – comme le faux dévot Triboulet. Le Savoyard, pourtant, n'en est pas moins chargé de connotations négatives, surtout à cause du passéisme pathétique qu’il révèle et qui finit par le dévaloriser33.
28La négativité des personnages "rabelaisiens" des Avantures se confirme jusque dans les détails : chaque fois qu’un personnage est effleuré par une connotation rabelaisienne quelle qu'elle soit, plus ou moins explicite, on peut être sûr qu'il a joué, ou qu'il se prépare à jouer des tours pendables au Protagoniste de l'œuvre : son ancien ami Chapelle, par exemple, le principal responsable selon Dassoucy de sa renommée de sodomite, est aussi le personnage des Avantures qui se rapproche davantage de l'astudeux, subtil, gourmand et parfois craintif Panurge rabelaisien34. Un autre exemple frappant est représenté par Pierrotin : ce page, qui dans un modèle actantiel des Avantures serait plus facilement défini comme Opposant que comme Adjuvant, devient significativement l'objet d'une comparaison avec Pantagruel au moment même où il s'apprête à empoisonner son maître35.
29Il y a lieu de s'interroger sur cette curieuse et paradoxale destinée des emprunts rabelaisiens dans la réécriture dassoucienne. On peut même risquer une hypothèse : aux yeux des hommes de lettres du XVIIe siècle – et des libertins en particulier – Rabelais représentait entre autres le naturalisme épicurien sans bornes, la réhabilitation totale de la nature humaine, la possibilité de jouir d'une liberté sans contraintes extérieures et sans impositions dogmatiques. Il symbolisait donc, au plus haut degré, des valeurs que les libertins du Grand Siècle ne pouvaient qu'approuver et partager, mais qu'ils ne pouvaient certes plus reproposer avec la force, l’optimisme et la franchise de la première moitié du XVIe siècle. La répression acharnée du libertinage "radical" des premières décennies du XVIIe siècle, les choix prudents des libertins érudits dans la période successive, les restrictions progressives de l'autodétermination et de l'individualisme entraînées par un pouvoir absolu de plus en plus coercitif et austère36, tout cela a dû clairement montrer à Dassoucy – marqué par l'épicurisme gassendiste et surtout, on l'a vu, plusieurs fois châtié à cause de ses intempérances – que le naturalisme sans réserve du modèle rabelaisien ne pouvait plus être, à son époque, un exemple à suivre, mais, bien au contraire, une sorte de menace, un piège, une tentation dangereuse à éviter et à combattre.
30Une autre raison, plus psychologique qu'idéologique celle-ci, empêche Dassoucy de s'identifier aux personnages rabelaisiens dans ses manipulations intertextuelles : chez le créateur de Pantagruel et de Panurge, aussi bien les géants que les êtres humains leurs alliés sont des gagnants, des héros qui l'emportent toujours sur les autres grâce à leur indiscutable supériorité physique ou intellectuelle. Or, cette caractéristique ne s'adapte certes pas au Protagoniste des Avantures. Malgré ses capacités artistiques, dont il ne doute jamais, malgré la conviction qu'il a d'appartenir à une élite d'hommes "éclairés", "bons" et "sages", inévitablement entravés par les envieux, malgré les coups de chance qui parfois l'encouragent, le "personnage" Dassoucy reste foncièrement, du début à la fin de l’œuvre, un perdant, une victime facile des circonstances défavorables et de ses nombreux adversaires. Il se caractérise donc comme un anti-héros. Tout rapport de similarité profonde avec les héros rabelaisiens, tout rapprochement entre le Protagoniste et leur univers de triomphateurs est, dès lors, irrémédiablement écarté, exclu.
Scarron
31La situation se modifie sensiblement quand c'est l'intertextualité scarronienne qui entre en jeu. Considérons rapidement ses manifestations : l'une d'elles, un long poème composé dans la plus pure tradition inaugurée par l’auteur du Typhon et du Virgile Travesti, précède immédiatement la défense du Burlesque et a essentiellement la valeur d'un hommage et d'une illustration préalable du genre37.
32L'autre exemple de réécriture est plus intéressant : il s'agit d'un pastiche basé sur le Roman Comique, une œuvre que Dassoucy ne cite jamais dans ses Avantures, mais qu'il a sans doute beaucoup appréciée38.
33Habitué à voyager à pied, l'écrivain se voit un jour obligé de monter à cheval, mais, désarçonné en moins de deux, il reste "...pendu – dit-il – par un des pieds (...)" et est "...traîné dans cette posture plus de cinquante pas", parce qu'il n’a pas pu se "...dépêtrer de l'étrier"39. Cette situation, et bien d'autres détails – surtout stylistiques40 – rappellent de près une mésaventure analogue de Ragotin, le petit avocat ridicule du roman de Scarron.
34Dans cet épisode à la verve comique inoubliable, Ragotin est lui aussi désarçonné par son cheval et lui non plus ne tombe pas tout de suite, puisque son pied reste "...accroché par son éperon à la selle...", tandis que "...l'autre pied et le reste du corps attend(ent) le décrochement de ce pied accroché pour donner à terre (...). Enfin – conclut Scarron – le pied se décrocha, ses mains lâchèrent le crin et il fallut tomber ; ce qu'il fit bien plus adroitement qu'il n'avait monté"41.
35Même si le passage d'une œuvre à l’autre mériterait une analyse plus approfondie, il importe maintenant de souligner que si Dassoucy a évité toute identification avec les héros rabelaisiens, par contre, dans le pastiche du Roman comique, il n'hésite pas à prendre la place de Ragotin, le désastreux petit avocat auquel Scarron a confié le rôle de anti-héros, et, plus précisément, de repoussoir burlesque du comédien-honnête homme Destin, héros positif de son roman.
36Encore une fois, le choix de Dassoucy est paradoxal. Il suffit de rappeler la présentation que Scarron fait de Ragotin pour s'en rendre compte :
C'était le plus grans petit fou qui ait couru les champs depuis Roland. Il avait étudié toute sa vie, et quoique l’étude aille à la connaissance de la vérité, il était menteur comme un valet, présomptueux et opiniâtre comme un pédant et assez mauvais poète pour être étouffé s'il y avait de la police dans le royaume42.
37Ce n'est certainement pas un portrait flatteur, surtout pour un écrivain qui tient beaucoup à sa renommée de poète : assez tolérant à l'égard des autres "médisances", Dassoucy n’admet par contre aucune mise en doute de ses qualités littéraires. C'est grâce à ses mérites poétiques – il le souligne souvent – qu'il se fait apprécier partout et qu'il réussit toujours à trouver de nouveaux mécènes. Si son succès n'est pas durable, c'est surtout – on a déjà rappelé son explication préférée – à cause de l'injuste persécution dont il est l'objet de la part des "sots" et des "méchants".
38Toujours est-il qu'il tombe très souvent en disgrâce.
39Or, c'est justement cette dernière caractéristique qui le rapproche visiblement du personnage scarronien, de ce désastreux Ragotin qui, quoi qu'il entreprenne, quoi qu'il fasse, échoue toujours misérablement et risiblement sous une cascade d'infortunes grotesques, s'attirant d'ailleurs par là, malgré ses défauts, la sympathie amusée du lecteur plus que sa réprobation.
40Si l'identification entre Dassoucy et Ragotin devient possible, c'est donc qu'une certaine distorsion s'est produite dans cette transplantation hypertextuelle : le personnage de Scarron a perdu ses connotations les plus négatives et n'a gardé que la caractérisation d'éternel perdant, d'éternelle victime, cocasse mais sympathique, des incidents burlesques qui l’accablent. Il est donc l'objet d'une simplification et d'une transformation en quelque sorte "positives" qui trouvent d'ailleurs une confirmation dans la réception de l'époque : les Suites du Roman Comique qui, à la mort de Scarron, avaient été écrites pour compléter son chef-d'œuvre resté inachevé, montrent sans conteste que les contemporains de Dassoucy ont presque totalement escamoté la complexité de la création scarronienne : au lieu d’exploiter en même temps les virtualités des trois univers romanesques campés dans l'œuvre – le noble, le moyen et le trivial – ils ont préféré la mise en marge des deux premiers pour n’accorder une large place qu'aux suggestions du troisième, l'univers trivial, et pour attribuer au seul Ragotin le rôle de vrai protagoniste. Grâce à la promotion du petit avocat au rang de personnage principal, l'élément burlesque triomphe donc dans les Suites du Roman Comique, tandis que cet élément, dans les intentions de Scarron, n'avait été qu'une des composantes de l'œuvre43.
41Cette dernière considération permet de souligner l'existence d'un autre dénominateur commun à même d'éclairer l'assimilation de Dassoucy à Ragotin : outre leur analogue facilité à tomber en disgrâce, ce que l'identification de ces deux perdants met en relief c'est aussi, dans un certain sens, leur commune appartenance au genre burlesque, dont le personnage de Scarron est désormais devenu l'emblème romanesque et dont l'auteur des Avantures est désormais le seul représentant significatif à avoir survécu.
42Le pastiche scarronien aboutit donc, entre autres, à une ultérieure mise en relief du genre qui, à la fin des Avantures, devient l'objet de la défense de Dassoucy, passé finalement de l'indirection du langage hypertextuel à la transparence des pratiques métatextuelles44. Sans compter que, dans une mise en perspective des phénomènes de réécriture observés, c'est précisément à travers le pastiche consacré à Scarron – créateur de Ragotin et modèle du Burlesque français – que les différents hommages décernés ça et là dans l’œuvre aux grands auteurs comiques du passé manifestent plus clairement leur intention apologétique.
43En tout cas, c'est dans les pages finales des Avantures que l'identification de Dassoucy à Ragotin précise sa signification et en signale une autre, définitive et encore plus saisissante : si le dénominateur commun des disgrâces avait mis jusqu'ici en cause le seul Ragotin, ce même dénominateur tient maintenant lieu d'élément de liaison entre Dassoucy et le genre burlesque tout entier. A l'équivalence entre Dassoucy et Ragotin se substitue maintenant l'équivalence entre Dassoucy et le Burlesque, "...ce pauvre Burlesque si disgratié" qui est, comme l’auteur des Avantures, "...innocent" et "...bon enfant", et qui, comme lui, est injustement persécuté par les envieux et les méchants tels que Boileau. Entraîné par cette possibilité de "superposition", Dassoucy personnifie constamment ce genre littéraire et finit même, pour prendre sa défense, par utiliser les mêmes expressions qu'il a, dans d'autres occasions, appliquées à sa propre situation : si Chapelle s’était rendu coupable d'avoir maltraité "...ce pauvre Dassoucy qui ne (lui) fit jamais rien", de la même manière Boileau est accusé de vouloir défigurer "...ce pauvre Burlesque qui ne luy a jamais rien fait". La même éloquence véhémente que l'auteur des Avantures avait déployée contre ses ennemis "Messieurs les Sots", l’assiste d'ailleurs maintenant pour fustiger les préjugés de Boileau :
s’il déchire si cruellement ce pauvre Burlesque qui ne l'a jamais offensé – soutient Dassoucy – c'est qu'il le craint (...) ; c'est pourquoy, comme un Tyran qui à quelque prix que ce soit veut régner laisse vivre ceux qui ne luy peuvent nuire et sacrifie tout ce qui luy peut faire teste, de mesme ce Tyran des esprits laisse en paix tous les reptiles du Parnasse et immole tout ce qui peut servir d'obstacle et de digue au torrent de son ambition ; et pour cet effet il attaque le Burlesque dans sa source, dont il infecte l'eau claire et coulante par la bourbe de son encre et par le poison de ses écrits45.
44L'identification hypertextuelle à Ragotin, avec sa caractérisation burlesque et ses disgrâces, aboutit donc directement à l'identification apologétique de Dassoucy à ce genre littéraire : disgrâcié comme Ragotin et comme Dassoucy lui-même, comme ce dernier injustement persécuté, le Burlesque ne semble pas avoir été secouru par l'auteur des Avantures seulement pour des revendications de gloire personnelle ou de vitalité physique – comme l'a suggéré J. Serroy – mais surtout pour des implications plus profondes, affectives et idéologiques en même temps : à la fin des années 1670, quand les Avantures sont finalement achevées et publiées dans un climat toujours plus sévère et répressif, le vieux Dassoucy, bien conscient du fait que le modèle rabelaisien n’est plus proposable, tient tout au moins à exprimer son regret pour le naturalisme prudent, aux connotations érudites ou mondaines d'un Gassendi et d’un Scarron, et pour l'atmosphère de plus grande liberté qui, au milieu du siècle, avait entre autres permis l'éclosion de son genre littéraire bien-aimé. C'est donc avant tout une adhésion existentielle profonde à une conception de vie et de pensée qui semble étroitement lier Dassoucy au Burlesque, et qui le mène, à la fin des Avantures, à embrasser les vicissitudes de ce genre littéraire par l'intermédiaire hypertextuel de Scarron et de Ragotin.
45Il semble possible d'affirmer, en définitive, que les phénomènes de réécriture qu'on a mis en évidence – tous orientés vers la célébration du comique dans ses différentes nuances, et du Burlesque en particulier – éclairent la partie finale de l'œuvre, et, en particulier, le chapitre auquel l'auteur a confié un rôle multiple et important : celui de défendre les œuvres appartenant à un certain genre littéraire, les écrivains qui les ont écrites, et surtout, bien que de façon plus cryptique, l'époque et la mentalité stimulantes qui ont su engendrer de telles réalisations.
46A la fin de ce parcours intertextuel, les ambiguïtés du "moi" dassoucien s’éclairent et convergent dans l'identification de l'auteur à sa typologie littéraire préférée, et la défense de cette dernière met en lumière le caractère métatextuel de l'œuvre. Caractère qui, au lieu de se juxtaposer simplement aux dimensions de l'autobiographie, de l'apologie personnelle, du roman et du récit de voyage, donne plutôt l'impression de pouvoir organiser rétrospectivement ces autres aspects dans une sorte d'ordre hiérarchique et de contribuer par là à démêler la complexité architextuelle et interprétative des Avantures.
47Au terme de cette analyse partielle des pratiques de réécriture chez Dassoucy et de leur probable fonction, on peut même tenter d'interpréter de façon plus subtile et plus bienveillante que d'habitude la célèbre autodéfinition de l’écrivain qui, dans les Avantures, s’est tout bonnement proclamé "Empereur du Burlesque, premier de ce nom".
48Ainsi, ce n’est peut-être pas une simple vantardise de sa part ou une niaise surestimation de sa propre valeur qui l'incitent à cette autoproclamation : après avoir décerné dans ses pastiches des éloges voilés à tous les grands auteurs qui l'ont précédé dans la voie du comique en général, et du Burlesque en particulier, après s'être d'ailleurs "approprié" les textes des autres et les avoir transplantés et réactivés dans le sien, Dassoucy se sent peut-être naturellement appelé à régner sur des territoires que Rabelais, Voiture, Scarron et Molière avaient conquis avant lui et dont il se considère désormais comme l'héritier légitime.
49A moins que, plus modestement, il ne se soit souvenu surtout du sens latin du mot imperator, titre qui, pendant la période républicaine, n'était réservé qu'aux généraux qui s'étaient distingués dans des batailles importantes : cette acception soulignerait alors la conscience de Dassoucy d'être le seul survivant d'une lignée de créateurs comico-burlesques, et d'avoir donc continué tout seul, dans ses Avantures, l'héroïque défense de ce qui représente pour lui le genre comique par excellence, "ce pauvre Burlesque" si digne d'éloges, et pourtant si maltraité et en voie de disparition.
Notes de bas de page
1 Sur la notion d'architextualité, cf. G. Genette, Palimpsestes. La littérature au second degré, Paris, Ed. du Seuil, 1982, p. 7 et 11.
2 Ces deux œuvres, rédigées à partir de 1667, furent publiées à Paris dix ans après : Les Avantures de Monsieur d'Assoucy, chez Cl. Audinet ; Les Avantures d'Italie de Monsieur d'Assoucy, chez A. de Rafflé. La série des écrits autobiographiques de Dassoucy (orthographe que nous adoptons en raison de sa plus large diffusion) est complétée par Les Pensées de Monsieur Dassoucy dans le Saint-Office de Rome, petit traité écrit en 1668 et publié en 1676 (Paris, A. de Rafflé), et par La Prison de Monsieur Dassoucy, récit en prose et vers rédigé et publié en 1674 (Paris, A. de Rafflé). Ces quatre fragments, plus ou moins ouvertement autobiographiques – dont pourtant Les Avantures sont les plus connus et les plus caractéristiques – ont été réunis au XIXe siècle dans l'édition d'E. Colombey (Les Avantures burlesques de Monsieur Dassoucy, Paris, Delahays, 1858) que nous utilisons ici pour toutes nos références (abréviations : Av.I et Αν.II pour Les Avantures de Monsieur Dassoucy et Les Avantures d'Italie de Monsieur Dassoucy, respectivement).
3 "...il romanzo più avventuroso del Seicento resta l'autobiografia di un musico, suonatore di liuto e compositore, Dassoucy (...)". (G. Macchia, Il Silenzio di Molière, Milano, Mondadori, 1975, p. 13).
4 Cet aspect, d'ailleurs, se manifeste surtout dans un seul chapitre des Avantures (Av.II, chap. XI, p. 263-293).
5 Av.II, p. 291. A la fin de cette étude, on pourra même essayer d'atténuer la vanité de cette fameuse autodéfinition de Dassoucy.
6 Dassoucy se serait enfui de Paris pour échapper aux conséquences d'une dispute avec son ancien ami Cyrano. Cf. Av.I, p. 192-193, 195-196 ; et Y. Giraud, réédition de Ch. Dassoucy, Les Amours d'Apollon et de Daphné, Genève/Paris, Droz/Minard, 1969, Introduction, p. 24-26.
7 Rappelons, parmi ses œuvres poétiques les plus connues : Le Jugement de Paris en vers burlesques, Paris, Quinet, 1648 ; L'Ovide en belle humeur, Paris, Ch. de Sercy, 1650 ; Le Ravissement de Proserpine, Paris, E. Loyson, 1663 ; plusieurs recueils de poèmes divers et la "comédie en musique" Les Amours d'Apollon et de Daphné, Paris, A. de Rafflé, s.d.
8 Av.I, p. 132.
9 Av.I, p. 116-127.
10 Av.I, p. 103 et ss. Sur les sympathies de Dassoucy à l'égard du libertinage érudit – et de l’épicurisme de Gassendi en particulier – voir, par exemple, Y. Giraud, Les Amours (...), cit., Introduction, p. 15.
11 Voir surtout : Av.I, p. 146 et Αν.II, p. 236 ss. pour Loret ; Av.I, p. 192-193,195-196 pour Cyrano ; Av.I, p. 284-291 pour Boileau ; Av.I, p. 174 ss. pour Chapelle. Quant à ce dernier, ses "médisances" coûtèrent indirectement à Dassoucy un ultérieur emprisonnement en 1674, à l'âge de soixante-dix ans (cf. La prison de M. Dassoucy, cit.). La sodomie, en tout cas, ne fut pas la seule cause de ses ennuis judiciaires : en 1652 il fut incarcéré à Paris à la suite, paraît-il, d'une bagarre ; en 1667, après l'affaire de Montpellier, il tâta encore de la prison à Rome, accusé cette fois de "blasphemies et propositiones hereticales" (cf. Les Pensées de M. Dassoucy, cit. ; cf. aussi A. Colarizi, Dassoucy in Italia, "Micromégas", ΙII, 2-3, 1976, p. 173-174 particulièrement).
12 Cf. respectivement : Av.I, p. 71 sq. ; Αν.II, p. 241 sq. ; Αν.II, p. 324 sq.
13 Il suffit de rappeler que Pierrotin, accueilli à la cour de Charles II de Gonzague à Mantoue avec son maître, fut ensuite émasculé et séquestré à Venise par ordre du duc, tandis que Dassoucy, après une malheureuse tentative de secourir son page, fut obligé de s'enfuir, à Modène d'abord, à Florence et à Rome ensuite, pour échapper aux sicaires du duc. Pour une reconstruction de ces événements, voir Y. Giraud, Les Amours (...), cit., p. 28-32.
14 Ibidem, p. 8.
15 R. Démoris, Le Roman à la première personne, Paris, Colin, 1971, p. 122.
16 H. Coulet, Le Roman jusqu'à la révolution, Paris, Colin, 1967, p. 61.
17 J. Serroy, Roman et réalité. Les histoires comiques au XVIIe siècle, Paris, Minard, 1981, p. 687-690.
18 Sur la définition de charge héroï-comique, voir en particulier G. Genette, Palimpsestes, op. cit., p. 33 sq.
19 La différence structurale entre ces deux genres a été en effet effacée par leur convergence fonctionnelle, c'est-à-dire par l'effet de comique produit aussi bien par les travestissements que par les charges héroï-comiques (cf. G. Genette, Palimpseste s, op. cit. p. 33 ; Fr. Bar, Le Genre burlesque en France, Paris, D'Atray, 1960, p. XXIII et sq., et R. Bray, Boileau, l'homme et l'œuvre, Paris, Nizet, 1962, p. 94).
20 Pour les notions d’intertextualité proprement dite, de citation explicite et implicite, et d'allusion, on pourra s'en tenir aux définitions de G. Genette, Palimpsestes, op. cit., p. 8.
21 Cf. L. Dällenbach,''Intertexte et autotexte", Poétique, no 27,1976, p. 283.
22 A. Bouillaguet, "Une typologie de l'emprunt", Poétique, no 80,1989, p. 495-496 en particulier.
23 L. Jenny, "La stratégie de la forme", Poétique, no 27,1976, p. 197.
24 Pour les notions d'hypotexte, d'hypertexte et de pastiche, cf. G. Genette, Palimpsestes, op. cit., p. 11-39.
25 Av.I, p. 77-78. Parmi les pages moliéresques dont on peut se souvenir, rappelons la tirade de Cléante de l'acte 1er, sc.V (w. 351 sq.) ; la sc.II de l'acte ΙII, et la Préface du Tartuffe.
26 Cf. Y. Giraud, Les Amours (...), op. cit., p. 22 et 26-27.
27 Av.I, p. 151.
28 Dans Œuvres diverses de M. Pellisson, Paris, Didot, 1735. Réimpr. Genève, Slatkine, 1971, p. 165-181. Rappelons que ce Discours remonte à 1656.
29 Av.II, p. 287. Précisons que la défense du Burlesque s’étend surtout de la p. 284 à la p. 291 des Av.II.
30 Cf. L. Sainéan et H. Clouzot, "Un lecteur de Rabelais au XVIIe siècle : Charles Coypeau d'Assoucy", Revue d'études rabelaisiennes, 1911, no 9, p. 437-441. Signalons, de toute façon, que cette étude est incomplète.
31 Av.I, p. 25-39 ; cf. Fr. de Rabelais, Tiers livre, chap. III-IV, dans Œuvres complètes, Paris, Garnier, 1962, t. I, p. 410-424.
32 Av.I, p. 88-95 ; Fr. de Rabelais, Gargantua, chap. XXVII, dans Œuvres complètes, op. cit., t. I, p. 106-112.
33 Cf. surtout Av.I, p. 86-88.
34 Voir particulièrement Av.I, p. 192-194.
35 Ibidem, p. 335.
36 Cf. par exemple, G. Schneider, Der Libertin. Zur Geistes-und Sozialgeschichte des Bürgertums im 16. und 17. Jahrhundert, Stuttgart, Metzeier, 1970, 5e chapitre en particulier.
37 Av.II, p. 272-283.
38 Du Roman Comique, Dassoucy a même imité certaines techniques narratives bien caractéristiques, comme l’appel fréquent à la complicité et au jugement du lecteur, et surtout le procédé que G. Genette a défini comme "métalepse narrative" (cf. Figures III, Paris, Ed. du Seuil, 1972, p. 243-245), dont Scarron fait dans son roman un usage magistral (cf. Le Roman comique, Paris, Garnier, 1973, p. 5,127, 149, 195, pour ne citer que les passages les plus frappants ; quant à Dassoucy, il écrit par exemple, avant de se rendre en pèlerinage à la Sainte-Baume : "...je me suis lassé d'un si long voyage, et cette montagne est fort haute. Lecteur humain, permets-moy de reposer et de reprendre un peu d'haleine aux pieds de ce rocher, pendant que tu liras cette lettre que j'envoy à mon ami Chapelle, avec la réponse à son libelle" (Av., p. 174).
39 Av.I, p. 56-61 (cf. p. 58 en particulier).
40 Au cours de cet épisode, Dassoucy utilise avec une fréquence insolite pour lui un procédé stylistique qui est au contraire très exploité par Scarron : il s'agit de la personnification des animaux, tendant à mettre hommes et bêtes sur le même plan et à établir entre eux, dès qu'il est possible, une relation de sympathie, ex. : "Durant tout ce désordre mon cheval ne disoit pas un mot, mais je crois qu'il n'en pensait pas moins. Enfin, la plus grande partie de la nuit estait déjà passée, et mes Pages endormis donnoient toute liberté à mon cheval et à moy de resver à nos communes avantures" (Av.I, p. 65 ; cf. aussi p. 56-59). Pour Scarron, voir par exemple les p. 74-79 du Roman comique, cit.
41 P. Scarron, Le Roman Comique, op. cit., p. 128.
42 Ibidem, p. 25.
43 Cette simplification est aussi bien remarquable dans l'anonyme Suite d'Offray (voir l'éd. cit. du Roman Comique, p. 301-413), que dans celle de J. Préchac (La Suite du Roman Comique, Troisième partie, Paris, Cl. Barbin, 1679). L'élément comique domine aussi dans une autre œuvre inspirée du roman scarronien : dans le Théâtre choisi de J. de La Fontaine et Champmeslé (Paris, Société Littéraire de France, 1921) apparaît une pièce en cinq actes, représentée pour la première fois en 1684, dont le titre éloquent est Ragotin ou le Roman Comique : l'œuvre de Scarron s'identifie désormais à Ragotin.
44 Pour la notion de métatextualité, cf. G. Genette, Palimpsestes, op. cit., p. 10.
45 Respectivement Av.II, p. 291, 285,290, Av.I, p. 176 et Αν.II, p. 285-286.
Auteur
Université de Pavie
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