Image de couverture
Image de couverture : « Les Degrés de la Vie », illustration des frères Deckherr, imprimeurs à Montbéliard.
Source : Musée de Montbéliard. Photographie de Pierre GUENAT.
L’image de notre couverture, « Les Degrés de la Vie », fait partie des illustrations que les frères Deckherr, imprimeurs à Montbéliard, faisaient figurer dans leurs Almanachs populaires. Elle appartient à un genre très répandu en Europe au début du XIXe siècle, dédié à la représentation des effets du passage naturel du temps sur le cours de la vie humaine. Selon Pierre-Joseph Proudhon, Charles Fourier s’est inspiré de ces illustrations pour systématiser l’association de traits psychologiques et de fonctions sociales à chaque âge de la vie, fondant ainsi sa typologie de la Phalange future sur une anthropologie naturaliste. En préparant une réfutation des arguments de l’école sociétaire qui s’inspirait des idées de Fourier, Proudhon a en effet repéré cette source illustrée de l’imaginaire social fouriériste, comme en témoigne le commentaire qu’il propose, dans ses cahiers de lecture, d’une page de Victor Considerant. Nous devons cette découverte à Edward Castleton et à son travail minutieux sur les manuscrits inédits de Proudhon. Voilà les lignes rédigées par Proudhon :
« [...] Voici la série de Parade, que Fourier a copié sur une vieille image coloriée de Decker [sic], imprimeur à Montbéliard, et intitulée l’Echelle des âges [...] On y voit une immense voûte […] ; au-dessus sont des degrés montants et descendants, et sur ses degrés des hommes et femmes de tout âge rangés par couples : de sorte que l’enfance est au plus bas degré d’un côté, la 50e au sommet, et la décrépitude, ou 100 ans, à l’autre côté inférieur. Les degrés sont de 10 ans en 10 ans : ce qui fait 10 catégories. – Fourier, s’emparant de cette idée, a porté le nombre des degrés à 16, et a baptisé ses personnages : ce qui est bien plus beau : c’est dommage que l’école n’ait pas encore publié son image » (BNF, Nouvelles Acquisitions Françaises 18259, 20e cahier, pp. 27-28, pagination Proudhon).
Cette citation est tirée d’un cahier de juillet 1841, époque où Proudhon préparait son troisième mémoire sur la propriété, Avertissement aux propriétaires. Elle prend place au sein d'un long commentaire d’un ouvrage de Considerant dans lequel ce dernier reprend et commente la typologie de Fourier (voir, pour Considerant, Destinée sociale, Paris, La Phalange, 1838, t. 2, p. 93 et pour Fourier, Théorie des Quatre Mouvements, Leipzig, 1808, p. 408).
Est ainsi établie pour la première fois la filiation naturaliste qui relie, de manière souterraine, une lignée franc-comtoise : Deckherr, Fourier, Considerant, Proudhon.