Sciences de la nature versus sciences de l’esprit : un conflit allemand des facultés
p. 291-305
Texte intégral
1En 2005, Philippe Descola, professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d’« anthropologie de la nature » fit paraître dans la collection « Bibliothèque des sciences humaines » chez Gallimard un ouvrage dont le titre valait défi aux habitudes savantes : Par-delà nature et culture. La quatrième de couverture en témoignait :
« Seul l’Occident moderne s’est attaché à classer les êtres selon qu’ils relèvent des lois de la matière ou des aléas des conventions. L’anthropologie n’a pas encore pris la mesure de ce constat : dans la définition même de son objet – la diversité culturelle sur fond d’universalité naturelle -, elle perpétue une opposition dont les peuples qu’elle étudie ont fait l’économie ».
2L’ambition y était d’abord critique : l’auteur, anthropologue lui-même, souhaitait dévoiler le point aveugle de sa propre discipline : elle participerait d’une ontologie typiquement occidentale nommée « naturalisme » et définie comme une « manière de répartir continuités et discontinuités entre l’homme et son environnement » ayant pour caractéristique de « nous rattache[r] aux non-humains par les continuités matérielles et nous en sépare[r] par l’aptitude culturelle »1. Cette cécité de l’anthropologie quant à ses présupposés fondateurs la fragiliserait d’autant plus que le naturalisme ne serait pas partagé par les cultures qu’elle étudie2.
3Pour P. Descola, ce naturalisme se fonde sur un « grand partage » et en particulier celui opposant la nature à la culture. L’affirmation de « l’autonomie de la culture »3 est donc analysée de près dans son ouvrage et tout l’effort de P. Descola consiste à montrer qu’elle est historiquement contingente. Revenant sur l’émergence du culturalisme anthropologique, il fait remonter ses racines dans « ce que fut en Allemagne la réaction aux Lumières » par laquelle « Herder, Fichte, Alexandre et Guillaume von Humboldt, se détournant de la quête des vérités universelles, mirent l’accent sur l’incommensurabilité des particularismes collectifs, des styles de vie et des formes de pensée, des réalisation concrètes de telle ou telle communauté »4. L’émigration transatlantique aurait ensuite facilité la généralisation de cette conception. Constatant que Franz Boas, Edward Sapir, Robert Lowie, Alfred Kroeber, bref que les principaux représentants de « la première génération de l’anthropologie américaine, […] reçurent tous une éducation germanique », il conclut : « C’est donc très profondément que les racines du culturalisme américain plongent dans l’historicisme allemand, dans le Volksgeist de Herder dans le Nationalcharakter de Guillaume von Humboldt ou dans le Völkergedanken de Bastian »5.
4Mais sa généalogie ne s’arrête pas là et selon lui « l’idée de culture comme totalité irréductible [et autonome] vis à vis des réalités naturelles » n’aurait pu s’imposer sans ce qu’il nomme un « travail de purification épistémologique » dont on pourrait suivre la trace dans les « intenses débats qui, dans l’Allemagne de la fin du XIXe siècle, visent à préciser les méthodes et les objets respectifs des sciences de la nature et des sciences de l’esprit »6. Par-delà les différences entre les Principien der Sprachgeschichte [Principes de l’histoire de la langue] de Hermann Paul, l’Introduction aux sciences de l’esprit de Wilhelm Dilthey, le discours sur « Histoire et sciences de la nature » de Wilhelm Windelband ou l’opuscule de Heinrich Rickert intitulé Sciences de la nature et sciences de la culture, tous auraient contribué à « dessiner en creux l’espace où l’anthropologie du XXe siècle pourra se déployer : l’étude des réalités culturelles en tant qu’elles s’oppose à l’étude des réalités naturelles »7. Cette critique invite d’autant plus à revenir sur ces débats épistémologiques allemands qu’elle constitue pour P. Descola non pas une simple remarque d’érudition, mais prépare au contraire la visée théorique de son ouvrage qui souhaite déplacer l’anthropologie sur la carte des savoirs voire reconfigurer cette dernière. En effet, P. Descola définit « son analyse combinatoire des modes de relation entre les existants [... c]ontre l’historicisme, et sa foi naïve dans l’explication par les causes antécédentes »8. Dès sa leçon inaugurale, il assignait pour objectif à l’anthropologie de la nature de « comprendre l’unité de l’homme à travers la diversité des moyens qu’il se donne pour objectiver un monde dont il n’est pas dissociable »9. Selon lui, l’idée que la nature se caractériserait par l’absence de l’homme, et l’homme, par le fait de surmonter ce qu’il y a de naturel en lui, aurait été rendue obsolète par le développement des sciences de la vie, qui ont mis en évidence la continuité phylétique des organismes10. Bien que soucieux de la diversité des pratiques humaines et attentif aux diverses modalités dont « des organismes d’un genre particulier s’insèrent dans le monde »11, P. Descola considère ces modalités comme des « schèmes ». Par ce terme, il n’entend ni des cultures, ni des institutions, ni même des valeurs ou des normes, mais, se référant à la psychologie cognitive, des « dispositions psychiques, sensori-motrices et émotionnelles, intériorisées sous forme d’habitus grâce à l’expérience acquise dans un milieu social donné »12. En dernière instance, P. Descola fixe pour objectif à son anthropologie de dégager « une sorte de matrice originaire où les habitus prendraient leur source et dont ils garderaient une trace perceptible dans chacune de leurs inscriptions historiques »13. Cette quête de l’originaire relègue l’histoire à un statut dérivé, au rang de manifestation d’une structure première. A cela s’ajoute que, de même que l’Occident moderne est présenté comme un espace homogène tout entier converti au naturalisme, l’Allemagne du XIXe siècle aurait trouvé son unité dans l’historicisme14.
5L’analyse défendue par P. Descola présente plusieurs caractéristiques. Elle témoigne d’abord d’une asymétrie certaine dans le traitement des débats épistémologiques allemands et des développements contemporains des sciences cognitives. Alors que les premiers paraissent indissociables de leur contexte germanique d’émergence, les autres semblent dépourvus de toute forme d’ancrage historique. De la sorte, à la différence du culturalisme américain, son « Anthropologie de la nature » échapperait à l’historicité. À cela s’ajoute que la spécificité du dualisme épistémologique allemand est expliquée pour l’essentiel à partir d’une matrice intellectuelle assez désincarnée : l’historicisme. Enfin, apparaissent comme responsables de ce dualisme épistémologique les promoteurs des sciences de l’esprit. Ces deux dernières affirmations sont non seulement très problématiques, mais témoignent plus profondément d’un travers lié à une appréhension internaliste des débats épistémologiques.
6Sans prétendre fournir une explication exhaustive de ces débats nous souhaitons ici, dans un espace restreint, faire valoir une autre clé de lecture en montrant qu’ils sont indissociables des questions relatives à l’organisation des institutions universitaires et en particulier de leurs divisions en facultés, des questions qui occupaient alors les savants allemands et prenaient souvent un tour houleux. Il devrait ainsi apparaître que ledit dualisme se constitue en Allemagne comme une option parmi d’autres dans un débat sur la répartition des facultés... et paradoxalement chez les défenseurs d’une Université continuant à unir ses facultés sous l’égide de la philosophie.
1. La naissance d’une faculté des sciences de la nature ou la remise en cause du modèle académique prussien
7À l’heure actuelle, les travaux d’histoire conceptuelle font remonter l’apparition de l’opposition entre « Geisteswissenschaften » et « Naturwissenschaften » à 184715. Il ne fait toutefois pas de doute que sa popularisation est ultérieure. À ce titre, les années 1862-1863 peuvent servir de repère utile. Le terme de « Geisteswissenschaften » (sciences de l’esprit) se trouve légitimé par le discours de prorectorat sur le rapport des sciences de la nature à l’ensemble des sciences prononcé par le professeur de physiologie de l’Université de Heidelberg H. von Helmholtz ainsi que par la traduction du livre 6 du System of Logic de J. S. Mill : Von der Logik der Geisteswissenschaften oder moralischen Wissenschaften16. Ces occurrences témoignent toutefois davantage d’un contexte qu’elles n’en seraient à l’origine. Car le fait qui occupe alors les esprits est ailleurs. Entre 1859 et 1863, d’âpres débats ont lieu qui conduisent finalement à la création de la première faculté des sciences de la nature (naturwissenschaftliche Fakultät) sur le territoire allemand, à Tübingen. Désormais, la faculté de philosophie qui, outre la philosophie et les sciences philologiques et historiques regroupait également les chaires de physique, mathématiques, astronomie et minéralogie voit ces dernières former avec d’autres issues de la faculté de médecine ce nouvel ensemble des « sciences de la nature ». Le geste se veut révolutionnaire. Le promoteur de cette réforme, le professeur de botanique Hugo von Mohl (1805-1872) affiche sa volonté de rompre avec une tradition qui attribue à la faculté de philosophie une fonction fédératrice : pour lui, « l’établissement de la faculté des sciences de la nature implique une rupture avec la conception médiévale selon laquelle la formation (Bildung) ne pourrait se trouver que dans les études humanistes (humanistischen Studien) »17. En faisant de l’humanisme revendiqué au début du XIXe siècle par les fondateurs de l’Université de Berlin un simple avatar de l’organisation médiévale des universités, Mohl s’attaquait à ce qui était alors perçu comme la réussite allemande par excellence, y compris à l’étranger18. Sous l’impulsion notamment de Guillaume de Humboldt, l’Université de Berlin avait inversé la hiérarchie traditionnelle des facultés. La faculté de philosophie, simple propédeutique aux enseignements plus éminents et professionnalisants (droit, médecine, théologie), était devenue le couronnement d’études universitaires dont on louait le caractère désintéressé. Mais les disciplines enseignées dans cette faculté étaient restées les mêmes : on y retrouvait aussi bien les mathématiques ou la physique que la philosophie et l’histoire. Mohl érigeait donc la création d’une faculté des sciences de la nature autonome en rupture historique.
8Le premier effet de cette réforme institutionnelle fut épistémologique : désormais la question de l’irréductibilité des procédures des sciences de l’esprit ou de la nature était à l’ordre du jour de la vie académique. On s’étonne parfois que la question du dualisme épistémologique ait fait couler tant d’encre et si longtemps. L’enjeu était de taille pour des savants qui pratiquaient les disciplines philologiques et historiques : la question de leur autonomie et donc de leur poids au sein des universités y était étroitement liée. À une époque où les gouvernements régionaux attribuaient de plus en plus d’argent aux laboratoires des sciences de la nature, ils craignaient de perdre le prestige qui était le leur au sein des universités depuis les réformes du début du XIXe siècle.
9Pour faire accepter cette rupture, Mohl eut recours à un discours largement répandu parmi les savants allemands de l’époque qui assimilait la philosophie toute entière aux prétentions exorbitantes de la philosophie de la nature hégélienne. Mohl dénonçait ainsi « l’influence néfaste (tödlich) de la philosophie de la nature sur la recherche portant sur la nature »19. Ce thème récurrent qui a conduit Leo Freuler à caractériser ce moment comme « l’époque du grand discrédit de la philosophie »20 se retrouve d’ailleurs tant sous la plume du chimiste J. Liebig pour justifier la traduction du System of Logic de Mill21 que sous celle de Hermann von Helmholtz. Ce dernier rejette dans son discours de prorectorat l’accusation selon laquelle les promoteurs des sciences de la nature seraient responsables de la partition du savoir en deux22. Pour lui aussi, c’est du côté de la philosophie hégélienne qu’il faudrait chercher le coupable. En faisant de « la nature le résultat des processus de pensée d’un […] esprit créateur » Hegel aurait rencontré le mépris des chercheurs en sciences de la nature qui en conclurent qu’il fallait que « leurs travaux soient affranchis de toute influence philosophique »23.
10Mais, précisément, parce qu’elle s’appuyait sur un argumentaire consensuel, la question de la réorganisation des universités posée par Mohl ne pouvait être simplement rejetée. Au-delà de sa victoire locale, Mohl se faisait en outre explicitement l’avocat d’un changement de modèle à l’échelle de toutes les universités germanophones. Ainsi concluait-il son discours inaugural par l’adresse suivante : « Remercions notre gouvernement [i. e. du Wurtemberg] pour son intelligence lui qui, le premier, a rompu avec le vieux préjugé et adressons à nos universités sœurs : Suivez nous ! »24. Le geste dépassait la question universitaire et avait indubitablement une portée politique. À l’heure où, sur la question de l’unité de la nation, s’affrontaient partisans d’une grande Allemagne et d’une petite Allemagne dominée par la Prusse, Mohl rejetait explicitement la domination prussienne25. Celle-ci se traduisait dans le monde académique par le maintien de l’unité de la faculté de philosophie simplement tempérée par sa division en deux « sections » : l’une dévolue aux sciences mathématiques et de la nature et l’autre aux sciences philosophiques et historiques26.
11En créant une faculté des sciences de la nature à Tübingen et en soulignant le caractère anti-prussien de cette démarche, Mohl ajoutait ainsi une coloration politique à la question du dualisme épistémologique. Les cas contemporains de Hugo von Mohl et de Hermann von Helmholtz sont révélateurs de ces enjeux. Le premier appartenait avant 1863 à la faculté de médecine et s’était donc fait le plus vibrant avocat de l’autonomisation institutionnelle des sciences de la nature. Ce choix s’explique aussi par une hostilité familiale à l’unification des territoires allemands sous l’égide de la Prusse. Fils d’un homme d’État important du Wurtemberg, Hugo von Mohl avait pour frères aînés les économistes et hommes politiques Robert et Moriz von Mohl, tous deux hostiles à la domination sans partage de la Prusse. Son frère Robert avait très tôt critiqué les implications académiques du modèle prussien. Dès 1844, alors qu’il était professeur de sciences de l’État (Staatswissenschaften) dans cette même université de Tübingen, il avait dénoncé l’idée selon laquelle le nombre de facultés serait une fois pour toutes fixé. Il ajoutait même : « Le temps ne devrait pas être éloigné où les sciences de la nature se formeront partout en une faculté propre »27. Hugo von Mohl reprenait donc le flambeau familial. En matière gnoséologique, cela le conduisait à dénoncer les prétentions de la philosophie bien plus qu’à critiquer la philologie. Il n’en concluait ainsi pas à une divergence méthodologique entre les sciences de la nature et les sciences de l’esprit28.
12Cet héritage familial anti-prussien explique pour une part l’écart qui le sépare des positions de Hermann von Helmholtz sur la question des relations entre sciences de la nature et sciences de l’esprit. Ce dernier, bien qu’apparenté à lui depuis 1861 (il avait épousé Anna von Mohl, la fille de son frère Robert), devait en effet défendre encore, le 22 novembre 1862, veille du vote décisif à Tübingen à quelques kilomètres de là (dans l’université rivale de Heidelberg) le maintien de la structure traditionnelle de l’université en quatre facultés ainsi que la nécessaire collaboration entre les sciences29. Ce discours de prorectorat est souvent lu comme un manifeste défendant le dualisme épistémologique. C’est notamment le cas de Max Weber30. Il est certes vrai que Helmholtz y thématise la différence entre les sciences de la nature et les sciences de l’esprit en affirmant que les premières procèdent par induction logique alors que les secondes raisonnent à l’aide d’une induction artistique, mais tout son discours est construit en vue de souligner la nécessité de maintenir des liens entre les différentes sciences : en dépendrait « l’équilibre sain des facultés de l’esprit »31. Pour lui, « toute formation unilatérale comporte un danger propre, elle rend les hommes incapables de réaliser les types d’activités qu’ils ont moins exercé [et… les] incite aisément à se surestimer »32.
13Au vu de ces analyses, plusieurs traits saillants apparaissent. Tout d’abord, l’appartenance au domaine des sciences de la nature ne suffit pas à expliquer la prise de position des acteurs. Helmholtz a pour père un professeur de lycée spécialiste de philologie très savant en philosophie et qui a choisi pour parrain à Hermann le fils de Fichte, Immanuel Herrman. Ce dernier, promoteur du théisme spéculatif, professeur de philosophie à l’Université de Tübingen, s’était vigoureusement opposé à la réforme voulue par Hugo von Mohl. Dès 1855, alors professeur de physiologie à l’Université de Königsberg, Helmholtz avait profité d’un hommage à Kant pour refuser l’opposition des sciences de la nature à la philosophie. En défendant l’idée que ses découvertes sur la physiologie des organes sensoriels confirmeraient la théorie transcendantale de la connaissance, il avait au contraire été l’un des premiers à promouvoir un retour à Kant33. À ce premier élément s’ajoute celui du rapport à la Prusse dont l’unité de la faculté de philosophie est alors perçue comme la marque de fabrique académique. À la différence de Helmholtz qui vit dans sa nomination à Berlin le couronnement de sa carrière34, Mohl refusa tous les postes qui lui seront proposés pour rester dans sa région de Wurtemberg. Il apparaît enfin que ce sont les promoteurs de l’unité de la faculté de philosophie qui se font alors les défenseurs de l’irréductibilité des sciences de l’esprit. Helmholtz répondait ainsi au Système de logique de Mill qui paraissait au même moment et dont la partie consacrée aux moral sciences prétendait pouvoir les fonder sur une psychologie nomologique. Pour Helmholtz au contraire, la mise en évidence des motifs, intriqués et nombreux, déterminant les actions supposait un « tact » ou une « intuition psychologique » irréductible à tout précepte universel35.
2. Quel modèle afficher ?
14Alors que Mohl et Helmholtz s’opposaient sur le modèle universitaire et épistémologique allemand, la guerre de 1870 et la proclamation de l’unité allemande qui s’ensuivit donnèrent à la question du dualisme des pratiques scientifiques une dimension internationale. L’annexion de l’Alsace et surtout de sa capitale Strasbourg conduisit les autorités impériales, à la demande de plusieurs professeurs allemands, à vouloir transformer les facultés de la ville en une Université, véritable vitrine de la domination scientifique allemande à l’échelle internationale. Il s’agissait par ce biais non seulement comme l’avait demandé l’historien H. von Treitschke dès le mois d’août 1870 de rétablir les « mœurs allemandes dans le Haut Rhin »36, mais aussi plus généralement d’en profiter pour réformer l’Université allemande et ainsi conforter la place de leader acquise par l’Allemagne dans le paysage concurrentiel de l’enseignement supérieur international37. Franz von Roggenbach nommé par Bismarck pour réaliser cette tâche souhaitait que « soit fondée à Strasbourg une université allemande de premier rang, un foyer culturel respectable de l’esprit allemand, gardien de la méthode scientifique allemande »38.
15Wilhelm Dilthey auquel il commanda un rapport en vue de l’organisation de cette nouvelle université impériale comprit tout de suite l’enjeu. Rappelant d’emblée la concurrence des universités allemandes proches (Heidelberg et Bonn) comme celles de Suisse, il insistait sur le risque pour Strasbourg de rester une « université provinciale »39. Le remède résidait pour lui dans le « caractère » de l’Université dont il voyait la source dans le « plan de sa fondation » (Gründungsplan). Ainsi érigeait-t-il implicitement son propre rapport en équivalent de ceux de Münchhausen et de Humboldt, considérés par lui comme les fondateurs respectifs des universités de Göttingen et de Berlin et souhaitait que l’Université de Strasbourg marque autant l’histoire de l’enseignement que ces deux lieux emblématiques du savoir.
16Pour Roggenbach, la modernité de l’Université de Strasbourg impliquait la reprise de la réforme de Tübingen et la création d’une faculté autonome des sciences de la nature40. Dilthey s’écarta d’un tel projet. Il présentait certes comme une évidence qu’une université se divise en deux moitiés, mais reprenait la séparation en « sections » à la fois moins radicale et plus habituelle en Prusse41. Dilthey s’était très tôt fait un thuriféraire de l’Université de Berlin qu’il voyait comme le foyer grâce auquel les sciences historiques auraient réussi à se substituer « à la conception rationaliste desséchée voulant réduire le monde à une formule » qui avait dominé le XVIIIe siècle42. D’un point de vue politique il était d’ailleurs défenseur de l’unité sous l’égide de la Prusse et louait la politique de Bismarck43. Ceci le conduisait, comme nombre de professeurs hostiles à cette réforme, à affirmer le primat des « sciences philosophiques et historiques » (historisch-philosophische Wissenschaften). Il justifiait d’ailleurs sa position en faisant valoir leur portée nationale :
17« C’est dans les sciences historiques et philosophiques que réside la force qui permet d’élever à une disposition nationale et à des mœurs rigoureuses. Ces sciences sont aussi celles qui distinguent l’Allemagne. Par elleJohannas, le lien est rétabli avec un grand passé de la culture alsacienne. Par elles, une influence immédiate s’exerce sur les opinions politico-historiques ». Le rôle performatif des sciences historiques et philosophiques lui semblait d’autant plus crucial que, selon lui, en la matière, l’Allemagne dominait largement ses concurrents étrangers44.
18Dilthey érigera par la suite de plus en plus en enjeu national la question de la spécificité des sciences de l’esprit45. Son projet de fondation des sciences de l’esprit était en effet né en réaction aux traductions allemandes de l’History of civilization in England de Henry Thomas Buckle et du System of Logic de Mill. Il dénonçait chez l’un comme chez l’autre la volonté de faire de « l’histoire un savoir nomologique »46. Il s’agissait pour lui d’un trait typique du rationalisme franco-britannique47. Il reprenait de la sorte l’argumentaire développé par les promoteurs de l’école historique née au début du XIXe siècle en réaction à l’occupation napoléonienne.
19Le cas de Dilthey comme celui de Helmholtz témoignent que les plus fervents défenseurs d’une spécificité des sciences de l’esprit ne se recrutaient pas parmi les promoteurs d’une partition de la faculté de philosophie, mais parmi ceux qui, au contraire voulaient en maintenir l’unité. Il s’agissait pour eux de préserver de la sorte le rôle cardinal de la philosophie que leurs adversaires voulaient au contraire marginaliser48. Dans leurs luttes pour la préservation de l’unité de la faculté de philosophie, tous deux échouèrent. Strasbourg sera après Tübingen la deuxième université à créer une faculté autonome des sciences de la nature. Mais la question était loin d’être réglée pour autant. Dans chaque université où la question fut posée par la suite les débats furent longs et souvent houleux et la capitale de la Prusse résista longtemps à cette réforme. L’Université Friedrich-Wilhelm de Berlin, emblématique de l’unité de la faculté de philosophie ne créa de faculté autonome des sciences de la nature qu’en 1936.
20L’homogénéité intellectuelle attribuée au monde allemand via l’historicisme par P. Descola pourrait également être interrogée à l’aune de l’activité de Ernst Haeckel, l’introducteur du darwinisme dès les années 1860. Il fut en effet l’initiateur d’un mouvement moniste qui connut un très large succès et dont la première cible n’était autre que toutes les formes de dualisme épistémologique. P. Descola extrait d’ailleurs Haeckel de tout contexte germanique et en fait l’un des représentants d’une catégorie à part, celle des "esprits rebelles"49.
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21Ce bref aperçu des premiers débats sur la dualité des pratiques scientifiques devrait inciter à relire l’ensemble des textes que l’on regroupe couramment sous l’étiquette de « controverse expliquer/ comprendre »50 dans la pluralité de leur contexte d’émergence. Ceci impliquerait d’interroger leur lien avec la question de l’unité de la faculté de philosophie, du rôle politique attribué à la science allemande, de l’importance du localisme académique notamment.
22Difficile donc pour conclure de se satisfaire de l’interprétation proposée par Philippe Descola qui voyait dans le dualisme épistémologique la simple expression de l’historicisme allemand et de son hostilité aux Lumières franco-britanniques. Réinterprété par Dilthey, cet élément joua très certainement un rôle, mais il est loin de fournir la seule clé interprétative. Surtout, le cas de Helmholtz fragilise considérablement l’hypothèse selon laquelle le dualisme épistémologique serait uniquement le fait des promoteurs des sciences de l’esprit. La figure de Helmholtz dont l’actualité est tant vantée par des promoteurs contemporains des sciences cognitives témoigne au contraire des procédures d’appropriations sélectives auxquelles procède ce que j’appelle l’histoire indigène51. Car tel est le genre dont participe l’analyse de P. Descola, une pratique très répandue qui voit des savants produire l’histoire de leur propre science. L’une des caractéristiques de ce genre historique réside dans sa tendance à majorer les continuités, les généalogies au long cours et les discontinuités révolutionnaires. En faisant de son anthropologie de la nature une rupture avec le « grand partage », P. Descola reproduit cette pratique. Proposer une autre histoire de l’anthropologie de la nature, supposerait de revenir sur le parcours intellectuel de son auteur et l’effet structurant sur ce dernier des institutions dont il a été membre. On pourrait ainsi montrer par exemple qu’elle participe de la discipline d’appartenance initiale de son auteur : la philosophie. Le choix, pour désigner sa pratique, d’un oxymore qu’il pense capable de « rend[re] manifeste une aporie de la pensée moderne en même temps qu’elle suggère une voie pour y échapper »52 témoigne de sa familiarité avec la dissertation de philosophie qui repose depuis longtemps sur cette figure de rhétorique pour résoudre les antinomies qu’elle a d’abord exposées53. L’anthropologie de la nature s’inscrit également dans une tendance inaugurée par Lévi-Strauss à reléguer l’ethnographie à un rang subalterne et à réhabiliter le label de l’« anthropologie ». Cette science pouvait de la sorte se situer sur un pied d’égalité avec les réflexions sur l’homme des philosophes et montrer aux praticiens de l’anthropologie physique ou biologique qu’elle n’avait pas abandonné la dimension naturelle des phénomènes humains. Une telle enquête requièrerait aussi de montrer sa proximité avec le poids croissant acquis par les neurosciences cognitives au Collège de France depuis les années 198054. Par-delà leurs différences, l’un des traits caractéristiques des promoteurs français de ce dit « tournant » scientifique réside précisément dans leur volonté de rompre avec ce qu’ils présentent comme l’archaïsme d’une opposition entre les sciences de l’esprit et les sciences de la nature55.
23Proposer une histoire sociale, culturelle et politique de la dichotomie des sciences de la nature et des sciences de l’esprit permet de revenir sur le type d’appropriation sélective que l’on trouve dans Par-delà nature et culture. Ce dualisme n’apparaît pas comme la conséquence nécessaire d’un historicisme qui aurait été alors uniformément accepté. Le succès du monisme dans l’Allemagne du début du XXe siècle témoigne au contraire du fait que le paysage intellectuel allemand est alors un véritable champ de bataille dont les enjeux relèvent de questions politiques, d’organisation universitaire et intellectuelle, toutes indissociables.
Notes de bas de page
1 Philippe Descola, Par-delà nature et culture, Paris, Gallimard, 2005, quatrième de couverture.
2 P. Descola nomme totémisme, analogisme ou animisme les autres manières d’appréhender les rapports entre l’homme et son environnement.
3 Op. cit., p. 110-118.
4 Op. cit., p. 113
5 Op. cit., p. 113.
6 Op. cit., p. 115.
7 Op. cit., p. 118.
8 Op. cit., p. 13.
9 Descola, Philippe (2001) : Leçon inaugurale, Collège de France, 1 (URL : http://www.college-de-france.fr).
10 Op. cit., p. 4-6.
11 Op. cit., p. 8.
12 Op. cit., p. 8.
13 P. Descola, Par-delà nature et culture, p. 139.
14 Pour d’autres discussions du projet de Descola, je renvoie à Stéphane Haber et Arnaud Macé éds., Anciens et Modernes par-delà nature et société, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2012 et en particulier l’article de Stéphane Haber dans ce volume (« Une ontologie sociale naturaliste est-elle possible ? Quelques remarques à partir de Par-delà nature et culture de Ph. Descola », p. 213-247).
15 Elle serait le fait du pédagogue Ernst Adolf Eduard Calinich dans sa Philosophische Propädeutik (1847) : voir Klaus Christian Köhnke, Entstehung und Aufstieg des Neukantianismus, Frankfurt a. M., Suhrkamp, 1993, 86.
16 Sur les hésitations entre « Geisteswissenschaften » et « moralische Wissenschaften » pour traduire « moral sciences », voir : W. Feuerhahn, « Les sciences morales : des sciences historiques ? Débats allemands (1843-1883) », Ecrire l’histoire, n° 5, 2010, 41-48 ; W. Feuerhahn, « ’Sciences humaines’ (XIXe siècle) » in O. Christin, Dictionnaire des concepts nomades en sciences humaines, volume 2, Paris, Métailié, à paraître en 2014.
17 Hugo von Mohl, "Rede gehalten bei der Eröffnung der naturwissenschaftlichen Facultät der Universität Tübingen" in : W. F. v. Engelhardt & H. Decker-Hauff, Quellen zur Gründungsgeschichte der Naturwissenschaftlichen Fakultät in Tübingen 1859-1863, Tübingen, 1963, 208.
18 À l’époque, le ministre français de l’instruction publique fraîchement nommé, Victor Duruy, relançait le service des missions fondé en 1842 et voulait réformer les facultés des lettres et sciences françaises sur le modèle allemand. Voir : Jean-Christophe Bourquin, L’Etat et les voyageurs savants. Légitimités individuelles et volontés politiques. Les missions du ministère de l’Instruction publique (1840-1914), thèse nouveau régime, dactyl., Paris, université de Paris-I, 1993.
19 Hugo von Mohl, "Rede gehalten", art. cité, 202. Voir : Sylvia Paletschek, Die permanente Erfindung einer Tradition. Die Universität Tübingen im Kaiserreich und in der Weimarer Republik, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 2001, 164.
20 Léo Freuler, La crise de la philosophie au XIXe siècle, Paris, Vrin, 1997, chap. 1.
21 Voir la lettre du 2 Mai 1847 de J. Liebig à Vieweg : M. & W. Schneider (éd.), Justus von Liebig Briefe an Vieweg, Braunschweig, 1986, 216.
22 Hermann von Helmholtz, « Über das Verhältnis der Naturwissenschaften zur Gesammtheit der Wissenschaften », in Id. Vorträge und Reden, I. Bd, Braunschweig, Vieweg, 1896, 162.
23 Helmholtz, op. cit., 164.
24 Hugo von Mohl, "Rede gehalten", art. cité, 208.
25 Les autorités du Wurtemberg ne manqueront d’ailleurs pas de relever cette charge anti-prussienne, voir : lettre de Golther au roi en date du 9 novembre 1863 in : Max Miller, « Die Gründungsgeschichte der Naturwissenschaftlichen Fakultät in Tübingen 1859-1863 », Zeitschrift für Württembergische Landesgeschichte, XXIII, 1964, 213.
26 Une telle proposition fut d’ailleurs faite par les adversaires de la partition en deux facultés et immédiatement rejetée par Mohl (Max Miller, art. cit., 206).
27 Robert von Mohl, Die Polizei-Wissenschaft nach den Grundsätzen des Rechtstaates, vol. 1, 2. ed., Tübingen, Laupp, 1844, p. 519.
28 Paletschek, op. cit., p. 164
29 Helmholtz, op. cit., pp. 165, 185. L’attachement de Helmholtz à sa Prusse natale lui avait fait hésiter à quitter l’Université de Bonn pour celle de Heidelberg (cf. Wolfgang U. Eckart, « Von der physikalischen Physiologie zur mathematischen Physik. Hermann von Helmholtz in Heidelberg (1858-1871) disponible à l’adresse suivante : http://www.uni-heidelberg.de/institute/fak5/sonstiges/timeline/helmholz.html). Helmholtz partageait cette position hostile à la remise en cause de l’unité de la faculté de la philosophie avec un autre promoteur prussien des sciences de la nature : Emil du Bois-Reymond. Dans la correspondance avec Helmholtz, se fait jour tant son nationalisme pro-prussien (voir « Über den deutschen Krieg ». Rede am 3. August 1870 in der Aula der kgl. Friedrich-Wilhelms-Universität zu Berlin, Berlin, 1870. Helmholtz le remerciera pour ce discours dans lequel il faisait de l’Université de Berlin le régiment du corps du Prince (Leibregiment) de la maison Hohenzollern : Dokumente einer Freundschaft. Briefwechsel zwischen Hermann von Helmholtz und Emil du Bois-Reymond 1846-1894, Christa Kirsten (Hg.), Akademie-Verlag Berlin, 1986, 247) que sa défense de l’unité de la faculté de philosophie. Ainsi voit-il l’élection de Helmholtz à la chaire de physique de Berlin comme un effet positif de son discours de rectorat prononcé le 15.10.1869 et intitulé « Über Universitäts-Einrichtungen » dans lequel comme il dit lui-même : « j’avais rompu une lance contre l’oncle de ton épouse » (il veut ici parler d’Hugo von Mohl) (Dokumente einer Freundschaft, 243).
30 Max Weber, « Knies und das Irrationalitätsproblem », in Gesammelte Aufsätze zur Wissenschaftslehre, Tübingen, Mohr-Siebeck, 1988, 44 (traduction française par W. Feuerhahn à paraître sous le titre Problèmes logiques des sciences historiques, Paris, Vrin, 2014). Dans Vérité et méthode (Paris, Seuil, p. 11), Hans Georg Gadamer dénonce au contraire l’incapacité de Helmholtz à se libérer du modèle inductif emprunté à J. S. Mill et à affirmer une véritable spécificité des sciences de l’esprit. Ce faisant, Gadamer participe d’un courant né après la première guerre mondiale, dont l’insistance sur l’incommensurabilité entre philosophie et science est bien plus radicale que le point de vue des philosophes jusqu’en 1914.
31 Helmholtz, op. cit., p. 166-167.
32 Helmholtz, op. cit., 167.
33 Hermann von Helmholtz, Über das Sehen des Menschen. Ein populär wissenschaftlicher Vortrag gehalten zu Königsber in Preussen zum Besten von Kant’s Denkmal, Leipzig, Voss, 1855. Pour une mise en rapport de ce texte avec son héritage familial, voir : Köhnke, op. cit., p. 151-157.
34 Voir la correspondance avec Emil du Bois-Reymond, op. cit., p. 231-247.
35 Helmholtz, op. cit., p. 171-172.
36 John E. Craig, Scholarship and Nation Building. The Universities of Strasbourg and Alsatian Society 1870-1939, Chicago & London, The University of Chicago Press, 1984, 43.
37 Ceci s’imposait d’autant plus qu’au moment où le Reichstag décidait de fonder l’Université impériale (Reichsuniversität) à Strasbourg, mais où Bismarck hésitait à concrétiser ce vote, l’Assemblée nationale répondit en relocalisant les facultés de Strasbourg à Nancy pour faire de cette ville dont les facultés jouaient jusque là un rôle modeste une université au sens strict capable de rivaliser avec les meilleurs établissements allemands. Cf. Craig, op. cit., p. 38.
38 Roggenbach, « Bericht die Reorganisation der Universität in Strassburg betreffend », 30 sept. 1871 cité d’après Craig, op. cit., p. 41. Voir aussi p. 43.
39 Wilhelm Dilthey, « Entwurf zu einem Gutachten über die Gründung der Universität Strassburg », Die Erziehung, 16, 1940, 81.
40 Craig, op. cit., 44.
41 Sur ce point, je ne suis pas les historiens John Craig (op. cit., p. 45), et Reinhard Riese (Die Hochschule auf dem Wege zum wissenschaftlichen Grossbetrieb, Stuttgart, Klett, 1977, 84). Ils ont tous deux affirmé que Dilthey prônait lui aussi une partition de la faculté de philosophie. Dilthey réitérera son hostilité à ce type de partition en 1879 : cf. lettre à W. Scherer (Hans-Ulrich Lessing et Gudrun Kühne-Bertram éds. : Wilhelm Dilthey : Briefwechsel. Band I : 1852-1882. Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2011, 821).
42 W. Dilthey, « Aus Carl Ritters Nachlass » (1863), in : Dilthey, Gesammelte Schriften, Band XVI, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1972, 426.
43 Joachim Thielen, Wilhelm Dilthey und die Entwicklung des geschichtlichen Denkens in Deutschland im ausgehenden 19. Jahrhundert, Würzburg, Königshausen & Neumann, 1999, p. 442.
44 Dilthey affirme aussi que « c’est en elles que réside la grandeur distinctive de la science allemande » (Dilthey, op. cit., 82).
45 W. Feuerhahn, « Les sciences morales : des sciences historiques ? », art. cit.
46 Dilthey, « Englische Geschichte (1861). Rez. von H. T. Buckle, Geschichte der Civilisation in England. Übersetzt von Arnold Ruge. 1. Band, 1. Abteilung, Heidelberg/Leipzig 1860 », in : Dilthey, Gesammelte Schriften, Band XVI, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1972, 52. Pour une caractérisation identique de Mill, voir les esquisses de 1865/6 : Helmut Johach, Frithjof Rodi (Hg.) Wilhelm Dilthey. Gesammelte Schriften XVIII. Band : Die Wissenschaften vom Menschen, der Gesellschaft und der Geschichte. Vorarbeiten zur Einleitung in die Geisteswissenschaften (1865-1880), Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 1977, 2.
47 La triade Comte, Mill, Buckle est fréquente sous sa plume.
48 Dilthey considère dans son rapport que la philosophie ne pourra maintenir sa place centrale qu’à condition d’avoir des « racines solides » dans chacune des deux sections de la faculté de philosophie (Dilthey, op. cit., p. 83).
49 P. Descola, Par-delà..., 129 : "les indices plaidant en faveur d’une continuité graduelle [entre l’homme et les objets naturels...] n’ont pas manqué d’ailleurs d’être relevés par une poignée d’esprits rebelles qui, de Montaigne à Haeckel, en passant par Condillac ou La Mettrie, n’ont cessé de s’opposer au dogme dominant." Sur Haeckel et le monisme, voir : Gangolf Hübinger, "Die monistische Bewegung. Sozialingenieure und Kulturprediger", in G. Hübinger, R. vom Bruch, F. W. Graf, Kultur und Kulturwissenschaften um 1900 II : Idealismus und Positivismus, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, 1997, 246-259.
50 Voir l’ouvrage emblématique d’une telle approche : Karl-Otto Appel, La Controverse Expliquer-Comprendre. Une approche pragmatico-transcendantale, Paris, Cerf, 2000.
51 Cf. W. Feuerhahn, « Instituer les neurosciences sociales : quelle histoire pour un nouveau label ? », Raisons pratiques n° 23/2013, 115-137.
52 Descola, op. cit., p. 4-5.
53 Son maître Claude-Lévi-Strauss est resté célèbre pour avoir décrit de façon humoristique cette pratique : voir Claude Lévi-Strauss, Tristes Tropiques, Presses Pocket, 2001, p. 52-53.
54 Cf. W. Feuerhahn & R. Mandressi, « Les ‘neurosciences sociales’ : historicité d’un programme », in : W. Feuerhahn & R. Mandressi (dir.), Les sciences de l’homme à l’âge du neurone, n° 25/2011 de la Revue d’histoire des sciences humaines, 3-12.
55 Cette rhétorique se retrouve notamment chez Jean-Pierre Changeux (chaire de communications cellulaires, 1976-2006), Alain Berthoz (chaire de physiologie de la perception et de l’action, 1993-2010) ou Stanislas Dehaene (chaire de psychologie cognitive expérimentale, depuis 2006).
Auteur
(CNRS, Centre Alexandre Koyré)
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