Chapitre 3. Intervention des municipalités dans l’assistance
p. 201-230
Texte intégral
1Au moment où les hôpitaux, souvent trop petits, trop pauvres ou trop ruinés, se révèlent incapables de faire face avec efficacité à la montée du paupérisme et de la misère, les municipalités interviennent de plus en plus dans le domaine de l'assistance. Elles se conforment sur ce point, aux canons du concile de Vienne (1311) qui, dénonçant les abus des maisons hospitalières, encouragent à ce que leur administration en soit confiée à des laïcs de bonne réputation.
2Soucieuses d'une gestion saine et équilibrée, elles veulent contrôler les établissements où l'incurie est patente. Elles arbitrent les débats et dénoncent les manquements à l'hospitalité qui deviennent sources de désordres. Or, le souci de la sécurité publique s'impose. Les échevins multiplient les mesures de police et de surveillance concernant les pauvres ; ils s'attachent à faire régner la paix, tant il est vrai que dans ces périodes troublées, les foules qui convergent vers les villes constituent une menace pour l'équilibre social1
3La méfiance s'accroît à l’égard des indigents, frustrés, privés de dignité2 et considérés aussi comme des révoltés. Les causes de paupérisation apparaissent, trop évidentes : épidémies, guerres, crises économiques, situations familiales difficiles. La pauvreté qui, chez les Pères de l'Eglise n'était pas envisagée comme un problème social3, devient un véritable fléau, contre lequel il faut lutter.
I. Droit de regard sur les hôpitaux
4La mise sous tutelle municipale des hôpitaux et léproseries favorise ce dessein ; elle s'accompagne pourtant de conflits avec certains recteurs qui cherchent à défendre leurs bénéfices et leurs privilèges.
Multiplication des procès et des conflits
5D'après les sources, le plus important et le plus significatif d'entre-eux oppose en 1394 le gouverneur de l'hôpital Saint-Bernard de Salins, Antoine de Bletterans, à la communauté du Bourg-Dessous représentée par Jean d'Ornans. Dans cette affaire, portée devant l'Officialité de Besançon, les Salinois exposent leurs griefs et leurs solutions. Selon eux, l'hospitalité n'est plus convenablement offerte ; les malades et les pauvres, mal nourris, mal soignés et mal accueillis, sont reçus avec dureté, quand ils ne sont pas tout simplement rejetés par ce recteur, « homme de voluntez et de deshonneste vie ».
6Divers remèdes s'imposent : le premier réside dans l'emploi d'un nombre suffisant de servantes chargées de s'occuper des malades. Le second consiste à exiger d'elles une conduite irréprochable, la prestation d'un serment devant les échevins, qui ainsi accentue leur contrôle sur l'établissement. Ils exigent enfin du personnel de service de rapporter tous les écarts que le recteur pourrait commettre et réclament un droit de visite4. Le recteur Antoine de Bletterans s'oppose avec véhémence à cette tentative d'immixtion de la municipalité du Bourg-Dessous dans la vie de son hôpital. Parmi les arguments qu'il développe, il réaffirme le lien qui unit son établissement à l'autorité ecclésiastique. Les droits de visite et de correction ne peuvent, selon son avis, « appartenir au bras séculier ».
7En dépit de cette argumentation et après arbitrage de l'abbé de Goailles, Hugues de Chernol, ces protestations apparaissent vaines. Les habitants du Bourg-Dessous obtiennent gain de cause dans la querelle et assurent « la visitation et correction d'icellui hospital, toutes les fois que leur plaira ». En outre, Antoine de Bletterans est condamné à régler des frais engagés par une procédure entreprise contre les habitants de Salins et dont le montant se chiffre à 139 francs5.
8Ce grave conflit entre la municipalité salinoise et l'hôpital Saint-Bernard reflète un véritable problème de société qui se manifeste également, mais avec moins de vigueur, dans d'autres localités. Il illustre un besoin de réforme et de remise en ordre. Parallèlement, il affirme une tendance vers une prise en charge municipale des services d'assistance. Enfin, il traduit une véritable recherche de compétence et d'efficacité qui se lit encore à travers de multiples remontrances adressées par les échevins et magistrats de différentes villes à leurs établissements hospitaliers. Ainsi, se disant agir pour le « bien publique » et pour celui de la cité, les co-gouverneurs de Besançon condamnent par écrit l'attitude du recteur du Saint-Esprit, Lambelet Vernier, qui, à deux ou trois reprises en 1463, a refusé d'accueillir un malade. Suite à cette admonestation, l'hospitalier cède et admet même qu'à l'avenir, il suivra leur avis, « et qui fera doresenavant se bien et se justement que Dieu et le monde seront contant »6.
9Les tensions entre la municipalité de Besançon et le Saint-Esprit ne cessent ensuite de s'exacerber, vers la fin du xve et au début du xvie siècle. Prenant des mesures d'hygiène, les co-gouverneurs imposent aux religieux et aux assistés de rester à l'abri de leurs murs. Ils fustigent les recteurs, leur prodigalité et leur incompétence. Ils les accusent de dilapider les biens de l'hôpital et de distribuer une nourriture insuffisante7 Aussi, veulent-ils exercer un droit de visite et de contrôle8.
10Si des soucis d'hygiène, de bonne gestion et de bien public font s'immiscer les magistrats et les échevins dans la vie hospitalière, d'autres considérations les guident dans ce sens : les hôpitaux deviennent souvent à leurs yeux des biens communaux, utiles à l'ensemble des habitants. C'est pourquoi à Toul, les gouverneurs de la ville justifient auprès de la municipalité de Besançon, le conflit qui oppose le Saint-Esprit du lieu à sa maison-mère, en arguant qu'il a « estee augmentée par [les] concitiens et de leurs biens ». La dépendance de la maison de Toul leur paraît dépassée, caduque et d'un autre âge9. En replaçant dans un temps ancien l'obéissance du Saint-Esprit de Toul envers celui de Besançon, ils soulignent une évolution vers une prise en charge différente du problème de l'assistance. Ils décrivent un temps révolu où les recteurs n'étaient pas comme ceux de Dole en 1450, institués par le supérieur de Besançon en accord avec la municipalité10.
11De plus en plus, les magistrats municipaux interviennent dans la nomination des recteurs.
Immixtions sans heurts
Nomination du recteur
12Il est difficile de savoir si les municipalités intervenaient déjà au xiiie siècle dans la vie hospitalière. En revanche, leur immixtion au début du xive siècle ne laisse aucun doute. En 1304, les échevins d'Arbois nomment à vie Pierre Treffort, clerc, comme gouverneur de l'hôpital, « pour le proffit de la maison » :
« Nos... les quatre proudommes d'Arbois, en la justice de ma dame li contesse de Bourgoingne, et noz... li quatre proudommes en la justice men seigneur de Vaudré de Thoyre... dou loux et du conseil de bonnes genz et de proudomes d'Arbois, avons fait, mis et estauble Pierre dit Tresfort, clerc demorant Arbois, governeur et administrateur general dudit hospital. »11
13En 1395, ils placent à cette charge Girard Rondet, après toutefois avoir pris l'avis et le conseil d'une grande partie des habitants d'Arbois. Dans le cas où l'hôpital ne serait pas géré correctement, ils se réservent la possibilité de le démettre12.
14On observe un phénomène similaire à Nozeroy en 1362 et à Salins, Montaigu et Quingey entre 1431 et 1453. En fondant ses trois hôpitaux du Saint-Sépulcre, Jean de Montaigu accorde aux échevins une voix dans l'élection du recteur, leur donnant ainsi un droit de regard dans la vie hospitalière. Les magistrats de ces trois lieux doivent en outre être présents lors de la reddition des comptes des hôtels-Dieu et être tenus au courant de l'incompétence éventuelle de leurs gouverneurs13.
15Plus de deux siècles après la fondation de Quingey, la municipalité affirme encore très fortement l'ancienneté de ses prérogatives dans le domaine de la nomination des maîtres de son hôpital14. Néanmoins, le cas le plus flagrant dans ce domaine reste celui de l'hôtel-Dieu de Montbéliard.
Montbéliard, un hôpital urbain
16Après la destruction de l'établissement consécutive aux courses des écorcheurs (1444), le comte Louis de Würtemberg prend une décision capitale, impliquant de manière définitive la municipalité dans la gestion de l'hôpital, dans le choix de son recteur et plus généralement, dans la vie hospitalière15. Le 9 août 1450, il en concède l'administration aux IX bourgeois, chargés de la justice et de la police communale, selon les termes de la charte de franchise (1283)16. Cette concession semble avoir été spontanée. Aucune source, d'après M. Fortin, ne témoigne de conflits ou de requêtes. Il est vrai que Louis de Würtemberg ne réside plus que de manière épisodique au château de Montbéliard et que ses ressources, diminuées par les guerres, ne permettent vraisemblablement pas de réédifier un hôpital dont la construction risque d'être coûteuse. Aussi préfère-t-il sans doute accorder le contrôle de l’établissement à la ville qui se sent suffisamment riche, organisée et importante pour assurer la charité publique et entretenir un hôpital urbain17.
17Les IX bourgeois font reconstruire à partir de cette date, un nouvel édifice dans l'enceinte de la ville « devant l'esglise Saint Martin »18, puis à nouveau un autre bâtiment, situé cette fois rue d'Aiguillon, et dont la construction s'achève, selon M. Fortin, vers 1490. Les dons des bourgeois affluent et les Montbéliardais, fiers de leur maison, prétendent à tort que leurs prédécesseurs avaient déjà bâti avant eux un hôpital avec les biens que Dieu leur avait confiés19. Ainsi, ils affirment avec force leur attachement à une nouvelle institution communale qui complète les structures existantes de leur ville.
18Les magistrats interviennent constamment dans la gestion de cet hôpital, par l'intermédiaire d'un recteur nommé par eux et chargé annuellement de leur rendre des comptes21. Cette reddition est, depuis 1494, date du premier compte qui nous soit parvenu, extrêmement sérieuse. Les recettes, détaillées avec soin, sont divisées en rubriques classées : recettes des cens, produit des fours, ventes, amodiations, pardons... Les dépenses sont analysées avec la même vigilance : les frais de fonctionnement et les salaires d’ouvriers sont d'abord enregistrés ; ensuite sont mentionnées « les aultres missions », parmi lesquelles on peut lire les sommes engagées pour entretenir les douze pauvres de l’établissement. L'avant dernier feuillet témoigne des frais engagés pour la confection des cahiers de comptes ; il indique également les gages de l'hospitalier22 qui, en plus des travaux de comptabilité, est chargé de surveiller la bonne marche de l'établissement, de passer les actes de vente et d'achat en accord avec les IX bourgeois, de poursuivre les débiteurs et d'obtenir contre eux des sentences judiciaires permettant de récupérer les créances. Il participe également aux tâches quotidiennes de la maison, comme le charroi et la construction23.
19L'exemple caractéristique de Montbéliard illustre la mise en place d'un service communal d'assistance, et cela dès 1450. Cet hôpital urbain, géré avec compétence selon les comptes de la fin du xve siècle, obtient des privilèges de l'archevêque de Besançon, Quentin Ménard ; en 1450, il octroie quarante jours d'indulgences aux donateurs, favorisant ainsi l'édification et l'entretien du bâtiment. Les aumônes permirent d'accroître le patrimoine et d'attacher les Montbéliardais à leur institution.
20La mise sous tutelle municipale de la vie hospitalière n'est pas partout aussi forte. Pourtant, et d'une manière générale, un souci d'efficacité conduit les autorités civiles à promouvoir des réformes, à corriger des abus et à ramener l'ordre dans les maisons qui s'écartent de leur rôle. Les sources exposent la volonté des laïcs de faire appliquer la décrétale Quia contingit du concile de Vienne (1311). Les devoirs du recteur sont redéfinis, notamment en ce qui concerne l'inventaire et les comptes.
Définition des tâches du recteur
21Il doit veiller avant tout à la bonne tenue du culte dans son établissement. Lorsque les échevins d'Arbois placent Girard Rondet à la tête de l'hôpital de leur ville en 1395, ils lui imposent de dire quatre messes hebdomadaires à l'intention des fondateurs24. De même en 1394, lorsque les habitants du Bourg-Dessous de Salins entrent en conflit avec Antoine de Bletterans, recteur de Saint-Bernard de Salins, ils exigent de lui qu'il en célèbre journellement une devant les malades25.
22En cela, les échevins restent fidèles à la tradition. La célébration d'offices en mémoire des fondateurs et bienfaiteurs leur paraît une nécessité, à la fois pour la bonne marche de l'établissement et pour l'édification des pauvres. Les magistrats de Salins ne considèrent-ils pas la fondation du Saint-Sépulcre, « l'augmentation du divin office » et « la sustentacion des pouvres créatures » comme un « bien publicque »26 ?
23La participation active des assistés aux messes et aux sacrements fait partie intégrante de la vie hospitalière. Le prêtre, chargé d'assister les pauvres au physique et au moral, se doit de les exhorter à recevoir la confession, la communion et l'extrême-onction pour les bien gouverner. D'ailleurs, en définissant les obligations du gouverneur de l'hôpital d'Arbois, face au « multipliement des povres », les prudhommes de la ville lui ordonnent aussi « de visiter, gouverner bien oralement et dehuement les povres dudit hospital, abergier justement et totalement »27.
24Cette phrase succincte est riche de renseignements. Elle présente trois des rôles du recteur auprès des pauvres : la visite28, l'aide morale prodiguée par des sermons et des conseils et enfin, le gîte et le couvert appropriés. Ces trois missions sont particulièrement détaillées dans le deuxième acte de fondation du Saint-Sépulcre de 143829 ; chaque jour, vers neuf heures du matin et à l'heure du souper, le gouverneur est tenu de visiter les malades, les accouchées et les pèlerins. Après avoir jugé de leur état, il leur fait distribuer, en fonction des moyens et des réserves, une nourriture adaptée plus ou moins riche en viande. Selon les habitants du Bourg-Dessous de Salins, il doit pouvoir offrir le chauffage, des bains pour les accouchées et de la lumière pour les pauvres30.
25Ces tâches redéfinies par les échevins sont traditionnelles et conformes à l'usage. Les gouverneurs d'hôpitaux doivent veiller surtout à respecter les statuts de leurs maisons et à être « hommes de bonne vie et honneste conversation ». Parmi les qualités qui leur sont demandées, apparaissent la probité et les aptitudes à la gestion.
26Une gestion saine, en effet, est nécessaire « pour garder bien et loialement les droits de l'hospital ». Cette expression des échevins d'Arbois résume à elle seule la préoccupation des bourgeois pour une bonne tenue des comptes.
27En effet, la mauvaise gestion et le scandale qui en découle fournissent aux municipalités et aux bourgeois des arguments pour exiger un contrôle financier, de l'ordre et de la rigueur dans le budget. On voit se multiplier la tenue de registres, pour lesquels on confectionne des doubles afin de faciliter la rédaction des comptes annuels. La reddition en a lieu à date fixe, le 3 janvier de chaque année au Saint-Sépulcre, selon les ordonnances du fondateur31. La comptabilité est exposée, en présence des chapelains, à trois auditeurs qui ne sont, garantie supplémentaire, que les électeurs du recteur. Ces dispositions ne sont pas propres à cet hôpital. A Montaigu, le chapelain doit lui aussi rendre compte des recettes et des dépenses de la maison qu’il administre aux magistrats de la ville et au prieur de Saint-Désiré. En entrant en fonction, il est tenu de prêter serment entre leurs mains et de promettre de régir et gouverner correctement l’hôpital qui lui est confié, de ne pas en aliéner les biens meubles et immeubles, et de veiller au contraire à en accroître le patrimoine par une gestion rigoureuse32.
28Toutes ces clauses indiquées dans les actes de fondation permettent en théorie une surveillance rigoureuse de la gestion hospitalière, par des hommes qui y attachent une singulière importance. Il est vrai que les bourgeois, frottés aux affaires, perçoivent l'utilité d'une administration saine, compétente et efficace. Les sources ne nous ont malheureuse me fit laissé aucun cahier de compte du Saint-Sépulcre de Salins datant du xve siècle. Le premier dont nous disposons a été rédigé en 1538. Comme ceux de Montbéliard, il est conçu de façon claire, séparant recettes et dépenses. L'ensemble est classé en rubriques dans un ordre rigoureux et sous les têtes de chapitre ci-dessous nommées :
« Receptes des censes et rantes ; receptes d'anniversaires ; receptes d'amodiation de terres ; recepte de louaige de maison ; argent... des selz du Puys a Muiré. »33
29Cette rigueur permet aujourd'hui d'obtenir une visualisation globale des revenus du Saint-Sépulcre de Salins en 1538, outre les 92 % provenant de la vente du sel.
30Des totaux partiels sont effectués au bas de chaque chapitre ; l'intégralité de la recette apparaît à mi-compte et en fin de cahier. Elle s’élève en 1538 à 1 008 francs 4 gros 1 engroigne 4 deniers tournois et 1 denier estevenant. La même démarche est utilisée pour le détail des dépenses.
31Cette rigueur qui apparaît dans la comptabilité est exigée dans d'autres hôpitaux plus modestes comme Montaigu34 ou Arbois. En 1395, les échevins d'Arbois ordonnent que leur soient rendus par le recteur de leur établissement, « bons comptes et loial » ; ils demandent également « de bien et loialement garder les droits dudit hospital »35. Mais afin de maintenir plus sûrement le patrimoine hospitalier, les échevins font également procéder à la rédaction d'un inventaire, lors de l'entrée en charge d'un nouvel hospitalier.
32Exigé comme les comptes par la décrétale Quia contingint36, l'inventaire offre une garantie élémentaire, mais pas toujours suffisante pour que les biens ne soient pas détournés, aliénés ou vendus afin de pallier une gestion défaillante. Au Saint-Sépulcre de Salins, les statuts en imposent la rédaction lors de la prise en charge de l'hôpital par chaque nouveau recteur37. L'acte de fondation de Montaigu daté de 1453 oblige encore tout nouveau chapelain à sa rédaction et à son dépôt dans les mains des échevins38. Ceux du Saint-Esprit de Besançon, eux, réalisés en présence des co-gouverneurs, décrivent avec minutie le détail du mobilier39, plus encore au début du xvie siècle, lorsque les maîtres sont suspectés de vendre à leur profit certains reliquaires40. Enfin, celui plus tardif dressé en 1588 insiste sur la dilapidation des biens sous le rectorat de J. Buffet41.
33Ainsi, la tenue et la reddition de comptes, comme la rédaction d'inventaires, pour fondamentales qu'elles soient, n'offrent pas toutes les garanties d'une gestion saine et compétente ; cela, les magistrats de la ville le savent bien. Ils prennent, pour cette raison, des mesures complémentaires qui rejoignent celles arrêtées par Jean de Montaigu dans son acte de fondation du Saint-Sépulcre de Salins en 1431 et dans celui de Montaigu en 1453. Cet homme précautionneux exige en effet que le recteur de sa maison de Salins, lors de sa prestation de serment, prenne connaissance des statuts et ordonnances afin de ne pas prétexter ensuite de leur ignorance42. Toujours prudent, il ordonne que toutes les actions délictueuses du gouverneur soient portées à la connaissance des trois électeurs, dont fait partie le plus ancien des échevins43. Alors on pourra procéder à sa destitution, dans la mesure où, selon le vœu de Jean de Montaigu il est comme à Montaigu, révocable à volonté, ad nutum44.
Recteurs « ad nutum »
34Aux xive et xve siècles, coexistent deux types d'hôpitaux juridiquement distincts, qui ne se prêtent pas de la même manière aux interventions municipales.
35D'abord, subsistent des hôpitaux-bénéfices, où la fonction du recteur, attribuée à vie à des titulaires ne peut être enlevée qu'en cas de faute grave par une autorité ecclésiastique. L’infirmité, la vieillesse ne sont pas des causes de destitution. Les seules pressions dont disposent éventuellement les échevins pour en contrôler le gouverneur, sont la dénonciation de ses abus, des procès, comme ce fut le cas à Salins contre Antoine de Bletterans en 139445.
36Enfin, il existe de plus en plus d'hôpitaux, désignés par Jean Imbert comme étant « de simple administration ». Le gouverneur qui en la charge est révocable à volonté. Cette disposition sied particulièrement à l'autorité laïque et communale qui peut en permanence exercer un droit de regard et maintenir une forte pression. Cette immixtion est évoquée en ces termes par les échevins d'Arbois :
« Item viet et outroie ledit messire Girard que toutes fois qu'il plairat esdits eschevins et a lours souccessours, que ils le puissent hoster et mectre autre gouverneur dudit hospital ou eaux qui seroit trouvez qui ne feroit bon et loial gouvernement. »46
37Des dispositions identiques sont prises à Montaigu en 145347.
38Dans ces hôpitaux, l'intervention de l'évêque se limite à l'exercice du ministère spirituel ; le droit de correction ou de visitation n'est pas prévu.
Intervention dans la vie des assistés
39Le contrôle dans la vie hospitalière offre aux municipalités la possibilité de détenir un moyen d'action supplémentaire, pour résoudre les multiples problèmes sociaux qui se posent dans leur ville. Le cas de Salins est à cet égard, exemplaire : en 1443, les officiers de la grande saline — qui, par ailleurs, sont les échevins du Bourg-Dessus — supplient Philippe le Bon de les autoriser à accorder un accueil préférentiel dans les hôpitaux de Bracon et de Saint-Bernard, aux ouvriers blessés ou trop vieux pour travailler ; dans leur argumentation, ils exposent déjà que la trop grande affluence de « povres passans » réduit la capacité d'hébergement des établissements et nuit à l'assistance accordée aux pauvres de la ville.
« Souventeffoiz, aucun d'eux decedent de ce monde povrement pourveuz en leurs consciences, tant parce que souventeffois, es hospitalx de Salins par la grande affluance des autres povres estrangiers passans par ledit lieu, lesdis povres ouvrières et ouvriers sont deboutez et non receuz. »48
40Ainsi, les officiers de la saline dénoncent une première injustice qui est faite aux ouvriers ; « non pourvuz d'assistance », ces travailleurs ne peuvent soutenir les rigueurs de l'hiver et se voient contraints de mendier.
41La description de cette situation dramatique sur le plan humain met en exergue une seconde injustice, d'ordre moral, cette fois. Il paraît indigne de ne pas porter secours à de « bons povres », travailleurs et connus49 qui, après une vie de labeur, tombent dans la misère, « par vieillesse et grande faiblesse, leur convient abandonner leurs œuvres en ladite saulnerie »50.
42Mais, cette requête expédiée dans une période où la cherté, les catastrophes et les épidémies sévissent dans la Comté de Bourgogne et touchent Salins depuis cinq ans51, présente surtout deux arguments sociaux et économiques ; le premier insiste sur le combat prioritaire contre la mendicité et sur la nécessité de fixer les ouvriers du sel à Salins, pour le « bien des salines »52. Selon l'expression de Philippe le Bon, « aucun desdiz benastiers se transportoient aultre part que audit lieu de Salins, il leur fauldroit mendier, s'ilz ne gagnoient leurs vies comme ouvriers de bras ».
43Le second argument, d'une portée à long terme, développe l'idée d'une aide sociale offerte aux ouvriers âgés, blessés ou victimes des périodes d’épidémies, afin de leur donner « couraige... de bien faire et exercer leurs euvres ».
44L'assistance devient ainsi clairement une garantie, un moyen de pression et un bienfait mérité, « pour le singuler bien en ladite saulnerie ». Ainsi, le souci d'efficacité prime ; la miséricorde, idéalisant le pauvre et favorisant l'aumône, passe au second plan. L'hospitalité — des officiers de la saline, et donc des autorités de Salins — devient pragmatique et restrictive ; elle refuse de s'adresser à tous les pauvres, ne s'intéressant qu'à une catégorie d'entre-eux : les ouvriers. Elle s'écarte volontairement des étrangers, faux mendiants et vagabonds et s'oriente résolument vers le règlement de problèmes sociaux internes à la ville53.
45A l’évidence, la prise en main de l'administration des maisons par les conseils urbains en infléchit la destination. Une nouvelle conception de l'hôpital commence à se dessiner, plus spécialisée et plus éloignée de l’idéal chrétien. Le pauvre ne peut plus être assisté comme une image du Christ souffrant, quand la misère rompt l'harmonie de la société.
46L'hospitalité devient un auxiliaire de l'ordre public et de la police municipale, au moment où les échevins multiplient les ordonnances sur les pauvres et sur l'hygiène.
II. Mesures de police et d'hygiène
47Nombreuses sont en effet les communautés d'habitants qui s'intéressent aux questions hospitalières et au fonctionnement des léproseries en ces xive et xve siècles. Cette préoccupation va d'ailleurs de pair avec tout un ensemble de mesures sanitaires, hygiéniques et policières qui relèvent de la compétence des magistrats municipaux.
Multiplication des ordonnances sur les pauvres
48La multiplication des édits concernant les pauvres conduit irrémédiablement à une transformation de l'assistance. La plupart des textes cherche à limiter la mendicité, le vagabondage et le désordre ; ils traduisent comme dans l'exemple précité de Salins, un rejet des étrangers.
Souci de préserver la paix sociale
49Toutes les mesures prises les touchent, ainsi que les marginaux. Ainsi, en 1452, la municipalité de Besançon oblige les prostituées « a estre menees au bourdeal pour y demorer ». Une d'entre elles est emprisonnée pour avoir voulu détourner une « femme prude » du droit chemin54. En 1467, une nouvelle ordonnance les concernant est édictée, preuve s'il en est, d'une difficulté à faire appliquer les règlements municipaux55. Les co-gouverneurs réitèrent par cet édit, l'obligation de porter un signe d'infamie tombant de l'épaule, l'aiguillette. Veulent-ils ainsi moraliser la vie urbaine ? Sans doute. Mais, leur arrêté peut déjà être compris comme une mesure d’exclusion de femmes marginales au moment où la peste menace. Il s'agit avant tout de limiter le racolage dans les rues et d'éviter des déplacements trop nombreux56. Avec le même souci, en 1475, ordre est donné encore « aux coquins estrangiers qui ont a demeurer en ceste cité plus de deux jours, de déguerpir »57. Les échevins craignent la contamination et le désordre apportés par eux. Dans une phrase curieuse, ils interdisent de nouveau, cette même année, l'accueil des « coquins mendians », en assortissant leur ordre d'une seconde mesure, celle de chasser les chiens. A la fin du xve et au début du xvie siècle, les magistrats ordonnent encore des quêtes pour la nourriture des pauvres afin de limiter une mendicité, impossible à endiguer.
50L'arsenal de mesures répressives contre les pauvres étrangers et les marginaux indique l’ampleur des problèmes sociaux. Comme à Bracon en 1475, des foules innombrables se pressent, errent par la ville et provoquent des troubles qu'il convient de contrôler. Une des solutions consiste pour les villes à intervenir dans l'hospitalité, à maîtriser l'accueil, à prendre en charge l'assistance et l'aumône.
Distribution d'aumônes
51Les ordonnances regardant les attributions d'aumônes datent principalement en Franche-Comté du xvie siècle. En 1544, un décret sur l'assistance aux pauvres, édicté à Dole, précise que les mendiants doivent recevoir cinq engroignes par jour, à condition « qu'ils n'iroyent mendier ni plus avant demander par ladite ville, pour obvier aux perils et dangers de maladie et contagion qu'a ce moyen pourraient advenir »58. A celte fin, le maire et les échevins de la ville établissent une liste des habitants du lieu susceptibles de verser une taxe pour « l'entretenement et nourriture des pauvres »59.
52Cette mesure soulève certaines contestations. Des particuliers refusent de payer cet impôt. La cour du Parlement de Dole promulgue alors une ordonnance en six articles. Les pauvres « meritans par maladie ou autrement » d'être secourus sont inscrits sur une liste. Cent parmi eux sont choisis et reçoivent la somme de 5 engroignes. Afin de les assister, le maire et les échevins envoient « de bonnes personnes » prélever et relever les taxes ; les récalcitrants sont passibles d'une peine d'amende de 10 livres affectées au profit des pauvres. Certains parmi eux sont enfin autorisés à mendier, à la condition de porter une marque « pour cognoistre ceux qui auront ladite permission »60.
Marques de reconnaissance
53Les personnes, trouvées mendiant sans cette marque, sont condamnées au bannissement pour six mois ; les enfants de moins de dix ans qui recherchent leurs aumônes subissent la même peine. Leurs parents, jugés responsables, sont chassés avec eux. Une précaution supplémentaire prévient le retour éventuel des bannis : s'ils rentrent avant le terme prévu, la sanction est prolongée à un an. Des mesures similaires sont prises en 1550 par les co-gouverneurs de Besançon61 qui menacent de châtiments corporels ou chassent mendiants et étrangers susceptibles d'apporter la peste62.
Crainte de la contagion
54En effet, désarmées face à l'ampleur de l'épidémie, les villes ne peuvent défendre leur population qu'en réglementant le passage des étrangers, en prenant des mesures de quarantaine et en imposant aux hôpitaux de prendre en charge les contagieux.
Prise en charge des contagieux
55La ville de Besançon ordonne au Saint-Esprit de « fournir ung ou deux religieulx desja vieux... qui n'entent point parmi le peuple », et dont la charge consiste à confesser et administrer les sacrements aux malades reçus dans une annexe de l'hôpital, « la maison du febvre ». Mais, si la peste venait à toucher un nombre croissant d’habitants, l'hôpital serait tenu d'envoyer à Velotte du personnel pour soulager les contagieux ; il devrait encore y faire porter lits et mobilier63.
56La mesure est assortie d'une autre visant à contrôler l'entrée des étrangers en ville.
Renforcement du guet
57L'ordre est donné à Besançon en 1475, de ne tenir ouvertes que deux portes : Notre-Dame et Charmont. Le guet de nuit est imposé à cinquante hommes ; en 1468, les portiers ne doivent « laisser entrer aucuns malaides ne mor, ne aussi aucuns menaiges s’ilz ne sont de congnues »64. Cette défense est réitérée en août 1475. De nouveau, il est spécifié de défendre l'accès en ville à « aucun corps mort d'impidemie »65. En 1543, le recteur du Saint-Esprit est sommé de placer un portier à la porte de son hôpital pour en contrôler les entrées. Il est contraint également par la ville de clore son établissement, cette mesure est assortie d’une menace : si un religieux ou un résident est vu dans Besançon, alors qu'il doit sortir le moins possible, il est immédiatement chassé de la ville66.
58L’interdiction aux étrangers suspects d’entrer dans les murs est souvent parallèlement accompagnée de mesures de mise en quarantaine pour les habitants de la ville.
Mesures d'expulsion
59Dans le climat d'angoisse et de peur qui accompagne chaque récurrence de peste, l'expulsion des malades apparaît comme la solution pour protéger « les gens sains » ; mieux, cette résolution ferme empêche la propagation de rumeurs sinistres, la montée de la violence et les révoltes urbaines67. Ainsi, en 1452, les gouverneurs de Besançon ordonnent que les pestiférés soient chassés de la cité68. Une décision identique est prise en 149369, assortie cette fois de l'éviction des familles des malades qui peuvent uniquement rentrer à Besançon après quarante jours passés à l'extérieur des murs. Cette précaution n'apparaît pas encore suffisante : à leur retour, elles sont consignées en « leur hostel » marqué « d'ung signe ». Afin d'éviter à ces malheureux que les souffrances de la faim s'ajoutent à celles de la maladie et de la quarantaine, les échevins décident : « que y aient quelques femmes anciennes qui leur administre les viandes necessaires a leur vie ».
60Or, les frais d'alimentation restent principalement à la charge des suspects, même si par ailleurs la municipalité participe aussi de ses deniers à la nourriture des mis en quarantaine70. Mais en 1525, les co-gouverneurs, considérant que l'assistance aux pauvres incombe au Saint-Esprit, le somment de remettre aux pestiférés et aux expulsés, la pitance nécessaire à leur survie71. Ils l'obligent également à participer aux frais de construction d'un hôpital pour pestiférés projeté sur le lieu de Chamars.
61Les mesures d'éviction qui touchent ainsi les pestiférés, rejoignent dans l'esprit, les ordonnances d'expulsion des lépreux. A partir de 1496-1497, elles concernent aussi les malades atteints du « Mal de Naples » appelé aussi « Gorre »72.
62Cette nouvelle maladie se répand de façon fulgurante, en suivant les armées de retour d'Italie : à Naples en 1495, on la note à Lyon et à Besançon dans le même temps. Les affections cutanées, les ulcérations, la paralysie des membres, les souffrances et la mort qu'elle provoque, occasionnent d'autres causes d'effroi. A Salins en 1498, il est demandé que maître Thomas, médecin, soit mis « hors des chambres du conseil », vu son art et la maladie de Naples73.
63Le mode de transmission est mal connu ; les médecins incriminent l'air « pestilent », comme pour la peste. Pour éviter la contagion, les gouverneurs prennent des mesures prophylactiques : ils font chasser les malades, interdisent aux étrangers contaminés ou venant de villes infectées d'entrer dans la cité. A Besançon un responsable est désigné pour s'occuper de leur expulsion74.
64Dans un tel contexte de catastrophes, le pouvoir des magistrats des villes s'accroît : les dangers encourus, la nécessité de protéger leurs populations les fait gouverner par édits et décrets. Sans accepter la moindre contestation, ils se donnent le droit d'intervenir dans tous les domaines de la vie sociale, prétextant l'urgence de la situation. Un homme ayant osé protester contre leurs ordonnances de 1505 est puni d'une peine de bannissement d'un an75. Ils s'immiscent encore davantage dans la vie hospitalière. A Besançon, ils ordonnent au maître du Saint-Esprit,
« de retirer les pouvres de l'hospital a la thiellerie de Valentin, pour éviter le dangier de peste, et les bien traictés et norriz »76.
65En outre, les décisions prises en permanence pour le renforcement du guet ne peuvent que modifier l'accueil dans les hôpitaux. Si en théorie personne n'est exclu et si tout pauvre a droit à la bienfaisance, il devient de plus en plus difficile à un étranger de pénétrer dans une ville et de solliciter l’aumône et le refuge dans son hôtel-Dieu. La multiplication des édits relatifs à l'exclusion contribue encore à accroître la méfiance envers les étrangers en créant un sentiment d'hostilité à leur égard ; elle renforce l'idée que « le mauvais pauvre » ne mérite ni bienfaits, ni assistance. Les exemples de la « donne » de Bracon et de la requête des officiers de la saline, en vue de rendre préférentiel l'accueil des ouvriers, illustrent cet état d'esprit. A Genève, indique A. Briod, l'hôpital de l'Eucharistie refuse un pauvre sous le prétexte qu'il n'appartient pas à une société honnête ; mais à Moudon, l'étranger qui se rend aux foires peut bénéficier de l'assistance hospitalière s'il tombe malade et si son état requiert des soins77.
66Incontestablement, les autorités civiles modifient les données de l'hospitalité, d'autant qu'ils cherchent à construire de nouveaux établissements pour les besoins des pestiférés et pour la protection des gens sains.
Prise en charge financière de l'assistance par les villes
67Ce phénomène déjà envisagé, se traduit à Besançon par le début de la construction d'un nouvel hôpital dédié à saint Sébastien, et destiné aux pestiférés. Ce bâtiment, sans doute trop coûteux, ne fut jamais terminé78. D'une façon générale, les villes installent plutôt dans leurs périphéries des cabanes pour venir en aide aux pestiférés et aux personnes mises en quarantaine. A Salins, malgré la présence de l'infirmerie du Saint-Sépulcre construite par Jean de Montaigu en 1438, des loges sont bâties dans le faubourg Saint-Nicolas ; en 1534, la saline participe encore à la construction de maisons de pierres voûtées au lieu dit « sur Belym », pour abriter les malades79. Plus simplement, en cas de danger « d'impidemie », on procède à une distribution de bois aux parents des pestiférés qui doivent se charger de construire leurs loges80. A Besançon, des cabanes de « lahons » sont implantées près de Velotte et à Chaudanne81.
68Enfin, pour compléter la prise en charge de l'assistance et de l'hospitalité aux pestiférés, les villes se préoccupent d’embaucher des médecins compétents, capables de dispenser les soins les plus appropriés. Dès la seconde moitié du xve siècle, les registres de délibérations municipales de Besançon font état de multiples engagements de médecins et chirurgiens chargés d'apporter des soins aux pestiférés et aux victimes d'autres maladies contagieuses. En 1456 d'abord, les gouverneurs de la ville « retiennent maistre Mathias Albert de Wauer, licencié en medecine, pour demeurer et faire residence continuelle en ladite cité ». Ils lui offrent les gages annuels de 20 francs par an82. « La grant considération du temps qu'est bien dangereux » conduit à l'embauche successive des chirurgiens Pierre Bolot de Bletterans et Antoine de Houcq, les 17 juillet 1493 et 14 avril 149483. Leur rôle et leurs devoirs sont enregistrés dans les délibérations de la ville. Si Pierre Bolot, après avoir prêté serment, est chargé de visiter « bien et loyaulment » tous les malades, la situation est différente en ce qui concerne Antoine de Houcq : ce dernier peut prodiguer des soins différents aux riches et aux pauvres de la ville. Tenu de visiter personnellement les « gens d'estatz », il n’est nullement obligé de se rendre au chevet « des plebeens ». Son rôle consiste à leur prescrire un remède en fonction de leurs moyens84. Toute drogue ou parfum réputé « répulsif de la peste » se vend hors de prix pour reprendre l'expression de J.-L. Goglin. Le peuple utilise l'ail, l'oignon85. On brûle dans les rue de la crotte de bouc et des herbes odoriférantes. On a recours indistinctement au vinaigre, à la térébenthine, au gingembre, aux images pieuses et aux talismans en ambre. La peste, considérée comme un venin qui se répand jusqu'au cœur, est combattue par des vomitifs et des purgatifs employés également dans les soins contre les attaques de vers86.
69Désarmée, la société cherche tous les remèdes possibles : en 1467, maître Aymé, « juif, physicien est autorisé de vendre certainne eaul qui dit estre bonne pour l'impidemie ». En revanche, d'autres juifs sont chassés parce que leur médication est jugée mauvaise87.
70Le 28 mai 1494, pour compléter l’engagement du chirurgien Antoine de Houcq, les co-gouverneurs de Besançon retiennent au service de la ville, le médecin Jean Brunet pour une durée de deux ans et contre des appointements de 40 francs par an88. La ville de Salins verse en 1490, une pension de 20 florins à maître Godefroy, docteur en médecine, à qui elle accorde de surcroît le logement. En 1507, elle passe un marché avec un homme de l’art de Milan et lui octroie des gages se montant à 7 francs 6 gros par mois89.
71Le coût d’une épidémie de peste grève lourdement les finances d’une cité, déjà engagée dans la prise en charge des léproseries et des ladres. Les magistrats multiplient les ordonnances les regardant.
Ordonnances concernant les ladres
72Si à Arbois, les lépreux doivent être strictement séparés « des autres habitants desdis lieux, pour raison que ladicte maladie est contagieuse »90, à Besançon, des édits sont pris également dans le sens du rejet et de l'exclusion. Les méseaux de la cité doivent demeurer à la Vèze, et deux femmes, selon une ordonnance municipale, quêtent leur pitance, autant que pour l'entretien de l'établissement91.
73En outre, seuls les lépreux de Besançon ont droit à l'assistance. Les portiers ne sont d'ailleurs pas autorisés à laisser entrer les ladres étrangers, sauf à Noël, du Vendredi Saint au lundi de Pâques et à la Toussaint92. Pris en charge par leur ville, ces malades ne peuvent importuner inopinément en demandant l'aumône. En 1495, une délibération ordonne qu'ils ne puissent plus exiger un dû à chaque noce qui se déroule dans la cité93. En 1541, de nouvelles mesures de police sont prises à leur encontre et réitèrent des défenses plus anciennes, concernant leur rejet à la Vèze94.
74Pourtant, cette préoccupation apparemment constante d'obliger les lépreux à demeurer à la maladière laisse pressentir une autre réalité : les malades, comme le constate également Françoise Bériac95, continuent vraisemblablement de coucher et de mendier en ville et la multiplicité des édits en serait une preuve. La police des ladres, contraignante dans les textes, montre sans doute un relâchement dans l'application96.
75Toutefois, et une ordonnance de 1541 en témoigne, la situation se durcit à la fin du xve siècle et au début du xvie siècle. Responsables de la salubrité publique, les gouverneurs de Besançon obligent alors les ladres à une stricte réclusion, sous peine pour eux d'être chassés ou de perdre leur prébende. Cette mesure, assimilable à celle du bannissement qui touche les personnes ne respectant pas la mise en quarantaine en cas de peste, a pour but évident de protéger la population saine. Elle reflète, comme d'autres ordonnances97, une conception de l'hygiène et de l'assistance publique, limitée à l'espace restreint d'une cité où, par ailleurs, la rumeur s'amplifie. L'angoisse et les fantasmes s'exercent à l'abri des remparts : l'ordonnance est édictée alors que seuls, deux lépreux seulement résident à la maladière98.
76Malgré l'effroi provoqué par les épidémies récurrentes de peste, la lèpre n'est pas en effet ressentie comme toute autre affection. Cette maladie inspire la peur à des groupes humains, qui voient dans les lépreux des êtres corrompus et impurs autant que contagieux.
77Cette crainte, justement, conduit les autorités municipales à prendre en charge aux xive et xve siècles, ladres et maladreries, tant « leur hantize est si perilleuse et contagieuse qu'il fault necessairement les segreger et separer des aultres personnes qui se portent bien »99.
III. Prise en charge des lépreux et des léproseries
78La responsabilité des municipalités envers les malades de lèpre100 apparaît dans les sources, à travers les délibérations des échevins et par le biais des dépenses effectuées pour eux dans les comptes des villes. A Belfort, l'embauche d'un chirurgien est signalée en 1471 dans un registre de réception des bourgeois. Cet homme, maître Paque, est engagé, non seulement pour soigner les habitants de la cité, mais aussi pour visiter les ladres101. Après avoir présenté les lettres prouvant ses capacités et son « expertise... dans l'art et science de cerorgerie », cet homme de bonne renommée est reçu comme bourgeois et exempté de la plupart des impôts.
Du processus d'éviction
79Une visite médicale est imposée au suspect par les gouverneurs des villes qui, informés par dénonciation de la présence éventuelle d'un malade, en avertissent l'Official de Besançon, auquel ils demandent de séparer le malade des bien portants et de procéder à « l'épreuve », c'est-à-dire une visite médicale. Les comptes de Montbéliard évoquent cette démarche : « item pour une commission de monsieur l'official de Besançon pour esprouver laidres, jusques a trois personnes »102.
Dénonciations
80Le processus d'expulsion commence en général par une dénonciation, une accusation portée par un voisin ou un bruit diffusé par la rumeur publique. Accentué par la peur de la contagion, le phénomène de délation semble prendre des proportions singulières les années d'épidémies : souvent, la mise en quarantaine des pestiférés s'accompagne d'ordonnances contre les étrangers et de mesures pour l'éviction des ladres ; tel est le cas à Besançon en 1475, 1494 et 1497. Dans le contexte tragique des pestes, les autorités ont pour tâche à la fois de canaliser l'angoisse collective, d'empêcher les « émotions populaires » et de limiter les fausses dénonciations : en effet, portées à tort, les accusations peuvent entraîner des conséquences dramatiques dans la vie du suspect qui risque, outre la molestation par son voisinage, d'être envoyé sans cause à la maladrerie. C'est pourquoi, toute personne se rendant coupable d'injures en traitant quelqu'un de « pugneis » ou de « ladre puant », est passible d'une amende103.
81Deux cas de dénonciation sont parvenus à notre connaissance : à Auxonne en 1403, les médecins doivent « savoir au juste la verité » sur la maladie dont serait atteint messire Boillet. A Besançon, les registres de délibérations municipales portent la trace d'une plainte de Jean Papelier, habitant de la rue Saint-Paul et « prudhomme eslu », contre Jean Semon, « malade de lepre qui conversoit en ladite rue »104. Cette accusation est immédiatement suivie d'une mesure de police : des sergents sont envoyés au domicile du suspect pour lui intimer l'ordre de quitter sa rue et sa ville. Parallèlement, les co-gouverneurs contactent l'Official.
82Le malade comparaît devant cette autorité exempte de partialité105, qui confie ensuite à un médecin et à un barbier le pouvoir d'établir un verdict106. La prise en charge financière est assurée, du moins partiellement, par la municipalité.
83A Besançon, les comptes de la ville font apparaître à de multiples reprises, les sommes attribuées aux médecins et aux chirurgiens, pour « leurs peines et salaires d'avoir visiter un ladre »107. Les sources de Dole, plus limitées108, mentionnent également les dépenses engagées par la municipalité pour cette opération : en 1489, Michel Foulecte, médecin, et Huguenin Perrenet, chirurgien, reçoivent 6 francs pour avoir visité cinq personnes de la ville109. Les communautés de Gy et de Montbéliard, sans doute trop petites pour engager un homme de l'art, envoient leurs malades subir « l'esprouve » à Dole ou à Besançon. En 1453, un suspect de Gy est examiné par « maistre Phelippe Baudiuyen de Doule », moyennant le versement de 33 gros ; trente ans plus tard, deux lépreux du même lieu sont présentés à maître Mathias, médecin de Besançon, ainsi qu'au barbier Laurent Clavellin110. Un cas identique se pose à Montbéliard en 1436111, lorsque une femme suspectée de lèpre fait le voyage jusqu'à Besançon pour y être observée. Les frais occasionnés par les déplacements, la nourriture et le séjour de deux journées à Dole ou Besançon sont notés dans la comptabilité de Gy et de Montbéliard avec une grande précision. De même, sont mentionnés à Gy les salaires versés aux personnes saines qui accompagnent les malades112.
84Prenant acte de la fréquence des visites médicales, de leur coût qui grève les finances municipales, les gouverneurs de Besançon décident en 1467, de ne payer que les dépenses occasionnées par l’examen des pauvres ; ils s'engagent en outre à honorer les frais investis pour les malades qui, suspectés à tort, ne sont pas reconnus lépreux113. L'accusation ou la suspicion de « ladrerie » sont déjà des dommages suffisants.
85La description de l'examen ou de « l'epreuve », au demeurant fort incomplète, n'apparaît qu'une seule fois dans les sources ; elle concerne la visite effectuée en 1403 sur la personne de messire Boillet d'Auxonne, par un médecin de Dijon et par un barbier demeurant à Chalon, sur demande des échevins. L'examen, réalisé dans la maison du curé et en sa présence, requiert préalablement le consentement du patient. La recherche du diagnostic conduit le barbier à pratiquer une saignée, puis, « a brisier la lancette » utilisée. De cela, il est dédommagé par une somme de trois gros114. La pratique de la saignée correspond aux conceptions scientifiques du temps. Henri de Mondeville115 montre comment tout bon praticien doit apprécier au toucher la qualité du sang, sableux ou non.
« Si on met une certaine quantité [de sang] sur la paume de la main et qu’en la frottant avec le doigt, on la trouve onctueuse et grasse, cela présage la lèpre ou un engraissement excessif... Si en frottant ce sang entre les doigts et la paume de la main, on trouve des grains comme les grains de mil, de sable ou de petites pierres qui grincent, c'est un signe certain de lèpre prochaine. »116
86D'autres barbiers préfèrent observer la dissolution, rapide ou non, de trois grains de sel dans le sang.
87Cet examen sanguin est complété par d'autres considérations qui n'apparaissent pas dans le compte rendu succinct de la visite d'Auxonne. Les médecins consciencieux peuvent diriger leurs observations en fonction des traités existants en matière de lèpre117. Arnaud de Villeneuve118 préconise dans son livre De signis leprosorum libellant de faire chanter le malade et d'observer si la voix est rauque119. Il conseille également l'examen des urines, du pouls et de la peau. Enfin il insiste pour que soit vérifiée l'insensibilité éventuelle du patient, en piquant à l'aide d’une aiguille, l'annulaire, la main et le bras120. Soixante ans plus tard, Guy de Chauliac121 recense un certain nombre de symptômes : odeur et haleine fétides, ulcérations des membres, mutilations du nez et des extrémités, regards exorbités, voix rauque, zones d'insensibilité, pustules. Malgré ces observations qui dressent un tableau clinique de la lèpre assez précis, il n'en exhorte pas moins les praticiens à une extrême prudence. « Ce serait causer un tort extrême », pour reprendre l'expression de F. Bériac, « que de faire séparer une personne saine ou de passer à côté d'un cas de lèpre »122.
88Aussi, les médecins, par précaution, s’autorisent parfois à examiner « les suspects de ladrerie » à plusieurs reprises, distantes de quelques mois voire de quelques années, afin de ne laisser aucune place au doute. A Besançon, Jacques Dalvy, chanoine de la Madeleine, est visité ainsi une première fois en 1492. De nouveau il est vu en 1494, puis en 1497, date à laquelle le diagnostic est établi cette fois avec certitude ; il entre alors à la Vèze. Jean de Viay, marchand, subit lui aussi deux visites en 1491 et 1494123. Ces pratiques, sans aucun doute, peuvent limiter les erreurs médicales. A Dole encore, cinq personnes sont examinées en 1489, « sur impétration de la commission de l'Official » ; trois sont reconnues lépreuses, les deux autres, Philibert Marchand et Jacques Maillard continuent à vivre en ville. C'est seulement six ans plus tard, en 1495, que Jacques Maillard est jeté à la maladière124.
89Par ailleurs, en cas de désaccord ou d'hésitation, comme ce le fut dans le cas précité d'Auxonne (1403), une contre-visite est prévue hors de la paroisse. Le malade d'Auxonne est envoyé à Salins « pour y estre examiné par des fisiciens pour sceavoir si ledit messire estoit meseaul ou non »125.
90Si le médecin et le barbier confirment le diagnostic de lèpre, l'Official de Besançon prononce le verdict et prend la décision d’exclure le malade dans les plus brefs délais126.
91Dans le Pays de Vaud, la désobéissance à l'ordre d'entrée en léproserie entraîne, selon le « coutumier », la peine d'ensevelissement « tout vifz »127
Cérémonie d'exclusion
92L'éviction des lépreux est prise en charge financièrement par les municipalités qui déjà, procurent vêtements et ustensiles128.
93Selon C. Duvernoy, tout individu déclaré lépreux, reçoit à Montbéliard, aux frais de la ville, une escarcelle et une paire de gants129. Ce propos est confirmé par les comptes de la ville de 1456130 et par les usages en vigueur à Gy, Dole et Besançon. En rédigeant la comptabilité de Dole, le trésorier mentionne en 1489, l'acquisition de quinze aunes de gris, pour confectionner des robes à chacun des trois lépreux, moyennant la somme de 5 francs 7 gros131 ; il relève ensuite le détail d'achat de souliers, de gants et de besaces. Pierre de Chaffoy132 enregistre lui, dans les comptes de Besançon en 1494, la dépense de 21 gros, afin d'accorder un manteau à Jean de Viay, « en admosne et charité ». Cet habit, réalisé à partir de « cinq aulnes de gris tannel133 », revient à 21 gros134.
94L'attribution de vêtements par les municipalités revêt une portée symbolique : concrètement elle met en relief leur rôle et leur pouvoir dans le processus d'exclusion du malade ; mais elle officialise aussi le départ du ladre vers une vie nouvelle.
95Le coût de la cérémonie religieuse et de la procession qui conduit le lépreux vers la maladière apparaissent dans la comptabilité municipale135 qui souligne encore un autre aspect de l'assistance aux ladres : ils méritent seulement le secours à la condition d'être « de la ville ».
Le lépreux : citoyen, ou habitant du bourg ?
Règles d'admission
96Habiter une ville n'est parfois pas une condition suffisante pour être admis dans la léproserie ; ce privilège appartient souvent aux seuls citoyens. A Besançon, où les exigences concernant la réception semblent particulièrement draconiennes, les registres de délibérations municipales rapportent le cas d'une enquête effectuée le 15mai 1475, pour vérifier si le lépreux Ponsot Brachotel « estait citien ou non ». En attendant le résultat de l'information, ce malheureux est assigné à résidence pour quinze jours, dans une chambre de la Vèze et à ses frais136. En 1474, Jean Tiraudet de Morre n'obtient pas le droit de vivre à la maladière parce qu'il n'est pas citoyen137. Une ordonnance du xvie siècle précise :
« Si aucung estrangier et non citoien se sentoit de ladictc maladie de lepre et a ceste cause vinsse demeurrer en ceste cité pour estre bien logé en nostre maladiere, sa fraulde ne pourra lui profiter pour quelque laps de temps qu'il puisse demourer en ladicte cité. »138
97A la fin du xve siècle, la léproserie d'Arbois restreint son accueil aux habitants des communautés d'Arbois, Montigny, Les Arsures, Saint-Cyr, Pupillin, Mesnay, Les Planches et La Châtelaine, parce qu'ils sont « tenus par droit... de contribuer es fraiz de ladicte maison ». En 1538, Claude Monyon, malade de Glamondans, résidant à la léproserie de Vesoul, est sommé de déguerpir dans les trois jours, parce que seuls, les Vésuliens ont droit de vivre « en la maladiere estans pres au boult de la levee »139.
98Des dérogations diminuent cependant la dureté de ces règles sévères.
Dérogations
99Leur caractère exceptionnel est confirmé par divers écrits montrant que le souci primordial consiste déjà à mettre en exergue « la grace expeciaul » d'une telle faveur. En 1318, Richard de Mamirolle, châtelain de Montfaucon, obtient ainsi des gouverneurs de la ville de Besançon, une provende à la Vèze pour un de ses hommes140.
100D’autres dérogations, payantes cette fois, sont parfois accordées ; pour être reçu à la léproserie, le malade doit apporter un don substantiel et obtenir le consentement des autorités municipales. L’agrément n’est pourtant pas systématique : Jean Tiraudet, ladre de la Vèze ne reçoit pas l'autorisation que son parent de Morre soit accueilli à la Vèze, malgré la somme de 11 francs versée pour la réparation de la chapelle141.
101En revanche, fait rare, un lépreux du diocèse de Liège est admis à la maladière de Faverney en 1497, dans des conditions plus désintéressées. Aidé par des paroissiens de l'église Sainte-Bégnigne du lieu, il se procure un cheval et divers outils, qui après sa mort, reviendront « ausdis parrochiens et a leurs successeurs parrochiens... comme a eulx appartenans »142.
Frais de réception
102Les règles en matière de droit d'entrée semblent varier d'une ville à l'autre, même si partout, la participation financière des municipalités apparaît évidente. A Luxeuil, ainsi que nous l'indique un document du xvie siècle, une malade se voit contrainte de construire et d'équiper à ses frais, une maison éloignée des gens sains. Elle dispose pour le faire d'un délai de deux ans143. Les dépenses occasionnées par son exclusion laissent facilement imaginer le souci financier provoqué parfois par la séparation. Ce cas est à rapprocher d'un autre, à Dijon, cette fois. En 1456, le ladre Pierre Perrot prête serment à son entrée à la maladière, de réserver une somme de 40 livres pour bâtir sa maisonnette, se procurer un lit garni, qui après lui, avec tous ses effets, appartiendra à la léproserie. Cette maison hérite des biens des lépreux. C'est pourquoi, elle intente un procès contre le rôtisseur Richard, accusé de s'être approprié une partie des avoirs de sa femme, morte dans l'établissement144.
103A Besançon, si les ladres ou leurs familles peuvent payer, ils sont tenus de le faire ; si leur indigence est constatée, le trésorier de la ville pourvoit aux frais145. A Dole, le mobilier hétérogène des malades laisse supposer un droit d'entrée différent entre personnes aisées et pauvres. En 1494, la fille Bompy reçoit pour sa couche « un fedeal de paille », alors que le dénommé Vuillemin, « getté comme lepreux » en 1541, dispose d'un lit de plume146.
104L'exigence d'un don s'avère, selon F. Bériac, une pratique courante pour compléter l'avoir d'établissements en proie souvent, à une pauvreté chronique147 et à des difficultés de tous ordres liées aux guerres148. Cette disposition fréquente touche également les hôpitaux où l'acceptation de malades semble soumise à l'octroi de quelques libéralités.
105Si l'entrée en léproserie peut difficilement se concevoir sans un apport personnel, la participation financière des villes est telle, qu'elles réaffirment constamment et avec force, leur autorité sur l'institution.
Contrôle des léproseries
106Les problèmes inhérents à la gestion et à l'administration des maladières ont tendance à être réglés directement par les autorités communales, et cela, sans passer toujours par un recteur qui n'existe plus dans toutes les léproseries149.
Administration
107A Besançon, le recteur disparaît des sources, ainsi que la communauté de frères, dès la fin du xive siècle. En 1317, le groupe de religieux est encore consulté à propos de l'établissement « d'un procureur, iconome et dispensateur de ladite maison ». En 1321, un recteur nommé maître Humbert est encore mentionné. En revanche, les actes postérieurs à 1396 n'en font plus état. En 1411, les co-gouverneurs affirment « qu'il leur appartient comme recteurs... de ladicte cité, le regime et gouvernement de la maladiere ». En 1424, ils précisent encore que les revenus provenant des amodiations doivent être versés au receveur général de la ville150 qui, par ailleurs, rédige les comptes de la léproserie151. La comptabilité municipale comporte elle aussi des rubriques relatives à l'attribution des provendes aux malades152.
108La situation à Dole se présente d'une manière quelque peu différente. A la fin du xve siècle, le gouverneur, un laïc, est institué par la municipalité. De 1481 à 1487, il s'agit du « chappuis » Jean Mercol153 qui entreprend lui-même les travaux de charpente nécessaires à la reconstruction de la maladière après le sac de Dole. Après son décès survenu en 1487, les échevins nomment Jehan Parron, maréchal, à la tête de l'établissement154. Son rôle, clairement défini dans l'acte de nomination, consiste à relever les cens et à donner les terres en amodiation. Tenu de rendre compte de son administration aussi souvent « que requis sera par les eschevins »155, il reste à la tête de la léproserie, « jusqu'au bon vouloir de la ville ».
109A Arbois en revanche, la municipalité n'a pas encore réussi à imposer son contrôle sur la léproserie. A la fin du xve siècle, elle dispute âprement au prieuré la prérogative d'en choisir le recteur. De droit ancien en effet, le prieur est collateur et patron156 de la maladière, ainsi que l'atteste une bulle de Paul II, entre 1464 et 1471. Les contestations surviennent dès 1496. A cette date, les communautés d'habitants soumises au versement de contributions pour reconstruire l'établissement exigent un droit de regard. En 1502, elles gardent même les titres de l'institution et refusent de les restituer au recteur Jean Guy, qui porte plainte et réclame le recouvrement « des lectres de la fondacion de ladite maladiere, synon la coppie ou extrait d'acungs articles d'icelles avec certains aultres tiltres et lectres, afin de les exhiber en ladite cause »157.
110Les différends entre la municipalité et le prieuré persistent jusqu'au milieu du xvie siècle.
111Malgré l'exemple d'Arbois, la responsabilité des léproseries incombe davantage aux villes et le rôle de l'Eglise tend à disparaître. Le premier indice sensible de ce changement se trouve dans la nature même des sources, qui sont principalement communales.
112Les municipalités prennent en charge de plus en plus la reconstruction des maladières.
Reconstruction des maladières
113Une nouvelle tendance semble se dessiner à la fin du xve siècle et au début du XVIe, en ce qui concerne la réparation des maladières. Désormais, les autorités municipales prévoient leur reconstruction pour l'accueil éventuel de lépreux. Celle de Dole, réédifiée dès 1481, ne reçoit ses premiers ladres, d'après les comptes, qu'en 1488 et 1489, années où les échevins font examiner cinq suspects158.
114Celle d'Arbois, ruinée en 1496, est reconstruite en pierre au début du xvie siècle. Le maire de la ville, en accord avec « les preudommes des communautés et villages » de Montigny, des Arsures, de Saint-Cyr, de Pupillin, de Mesnay, des Planches et de la Châtelaine, emploie la somme de 88 francs et demi, collectée auprès des habitants pour rebâtir la maladière159. Des murs en pierre sont montés et délimitent l'espace de trois chambres. La toiture, recouverte de 12 000 « essaules », est estimée à 9 francs 15 gros 9 engroignes et demi. Le prix total du bâtiment excède la somme perçue de 10 francs 7 gros 3 engroignes160. Les autres sources ne permettent pas dans le même temps de constater la présence de lépreux.
115A la même époque, la léproserie d'Ornans est reconstruite.
116Ces indices semblent confirmer l'appréciation de P. Borradori qui constate dans le Pays de Vaud, une réorganisation de l’infrastructure des maladières. « Un peu partout — écrit-il —...les communes intéressées, réunies en congrégations, doivent payer pour leur reconstruction ou entretien et, parfois, on [en] change le lieu pour le rendre plus conforme à la norme et aux nouvelles réalités urbaines. » On assiste selon lui « à une certaine planification de la politique des maladières »161.
117La gestion des léproseries et l'assistance aux ladres, complémentaires des mesures de police et d'hygiène, permettent aux municipalités d'affirmer leur compétence dans un des domaines concernant l'hospitalité. Celle-ci, moins miséricordieuse, plus pragmatique et restrictive, s'allie à une réglementation de plus en plus ferme pour protéger la population des épidémies et pour conserver, voire rétablir l'ordre social.
Notes de bas de page
1 L'exemple de la remise en cause de l'aumône de Bracon en 1475, est sur ce point significatif.
2 ADJ, 128 H 2. Les pauvres présents à l'aumône de Bracon sont davantage présentés comme des dépravés et des fauteurs de trouble.
3 ADHS, G 81, 1443 ; AHSal., A 1, 1431 ; AHSal., H 7, 1453. La pauvreté, selon les Pères de l'Eglise, était un état susceptible d'apporter une richesse spirituelle. Cette vision transparaît encore dans les actes de fondation des hôpitaux de Vesoul, du Saint-Sépulcre de Salins et du Saint-Sépulcre de Montaigu.
4 AHSal., F 21, 1394 : « Lesquelles maignies... doibvent... dire et rappourter ausdis prevost, eschevins et procureur dudit bourg, tous deffaulx fait esdis povres et femmes gesans et aultres par ledit rectour et a sa culpe, pour y pourveoir de remede et corrigier ledit rectour selon ses deffanses... [...] Item est que pour veoir et visiter lesdis malaides et pour savoir se toutes les chouses par avant dictes sont dehuement faictes oudit hospital, lesdit prevost et eschevins ont visitation et correction oudit hospital, par ledit maistre... des deffauts se point y en ait. »
5 Antoine de Bletterans avait engagé une procédure contre les habitants du Bourg-Dessous « devant l'official d'Oste ».
6 AMBes., BB 7, fo 17.
7 AMBes., BB 23, fo 169 vo, 1537. BB 13, fo 160 vo. BB 27, fo 226, 1555. AMBes., BB 13, fo 176, 1529, nomination de visiteurs chargés de contrôler l'administration de l'hôpital du Saint-Esprit, « consideré le gros desordre et le miserable norricement des pouvres, maulvaise conduite de frere Thomas Michelot, maistre d'icellui ». AMBes., BB 21, fo 116 vo, 1540.
8 La correction appartient au visiteur de l'ordre.
9 ADD, 53 J1 8b. « L'ospital de Toul fut en l'obedience de celui de Besançon... pour le temps que en icelui hospital de Toul n'avoit qu'un seul frere que en la sepmaine disoit messe une foix... et avec lui avoit une seule suer. »
10 ADD, 53 J1 3c.
11 AMArb., fonds de l'hôpital, A 2.
12 AMArb., A 2 : « Item viet et outroie ledit messire Gerart que toutes fois que plairat esdis eschevins et a lours successours, que ils le puissent hoster et mectre autre gouverneur oudit hospital, ou caux qui seroit trouvez qui ne feroit bon et loial gouvernement. »
13 AHSal., A 1, 1431 ; AHSal., H 7, 1453.
14 ADD, 53 J GG 30. La municipalité de Quingey signale dans un inventaire de 1694 « un tiltre en latin dehuement signé, dont le dispositif est égaré et le dessus gâté et mangé par les rats et souris, qui porte en substance que le fondateur du Saint Sepulchre de Quingez se retient et reserve pendant sa vie, le droit d'election et nomination d'un chapelain recteur, et qu'il confert tel droit apres sa mort aux sieurs echevins dudit Quingez. »
15 AMMbl, fonds de l'hôpital, A 1, concession de Louis de Würtemberg, copie : « Nous, Louis, comte de Wurtemberg et de Montbéliard... souhaitons le profit et avancement dudit hôpital, ne pouvant ni ne voulant en avoir la direction, nous avons la bonne confiance en nos fidèles et bien-aimés, les Maîtres Bourgeois et le conseil dudit Montbéliard, qu’ils seront eux-même inclinés au rétablissement dudit hôpital. » Fortin (M.), La charité et l'assistance publique..., p. 61-62.
16 La charte de franchise de Montbéliard a été octroyée par le comte Renaud de Bourgogne.
17 La municipalité de Montbéliard réagit d'une manière identique à celle de Toul.
18 AMMbl, fonds de l'hôpital, A 1.
19 L'hôpital de Montbéliard a été fondé par Thierry III de Montbéliard en 1248. Fortin (M.), La charité et l'assistance publique à Montbéliard..., p. 40.
20 D'après le Plan de Montbéliard vers 1500 : Voisin, Ferrer, Vion-Delphin, Pegeot, Histoire de la ville de Montbéliard, p. 30.
21 AMMbl, fonds de l'hôpital, E 10. La comptabilité de l’hôpital de Montbéliard, en date de 1494-95 et de 1496-97, mentionne l’obligation faite au recteur de présenter les comptes annuels aux IX bourgeois.
22 AMMbl, fonds de l'hôpital, E 10, comptes de 1494-95, fo 13 vo. « Item, pour les gaiges et salaires dudit hospitalier a luy oultroyer par messires les bourgeois pour l'an du present compte seulement, V frans. »
23 AMMbl, fonds de l'hôpital, E 10. « Item paier a moi mesmes pour onze journées de charroy faictes a tout mon cher, es grans bois pour ledit hospitaulx et avoir cherroier chaulx et samblon, la journée septs grans blans. Pour ce, III frans II gros demi. »
24 AMArb., fonds de l'hôpital, A 2. « ... de dire et célébrer par luy ou par aultres chappelains... quatre messes oudit hospital pour une sepmaine a la intencion des fondateurs »
25 AHSah, F 21.
26 L'expression figure dans un acte de la municipalité du Bourg-Dessous, AHSal., D 20.
27 AMArb., fonds de l'hôpital. A 2.
28 Si la maladie est considérée dans la Bible comme le châtiment du péché, si elle est un moyen pour inculquer à l'homme la crainte salutaire de son Créateur (Job 33-19), elle doit susciter la charité selon l'enseignement de Jésus. La visite des malades est considérée en elle-même comme une œuvre de miséricorde : « J'ai été malade, et vous m'avez visité » (Matthieu 25-36).
29 AHSal., B 2, f°3, 2e fondation.
30 AHSal., F 21, 1394. « Que [soit]... mise une lampe ardans de nuit devant les povres quant mestier et nécessité sera. »
31 AHSal., A 1, chapitre 32, fo 10, 1er acte de fondation.
32 AHSal., H 7, 1453, fondation de Montaigu.
33 AHSal., II 2.
34 AHSal., H 7, 1453.
35 AMArb., fonds de l'hôpital, A 2, 1395.
36 Imbert (J.), Les hôpitaux en droit canonique, p. 252.
37 AHSal., FF 9, le chapelain Jean Guietan accuse le recteur Pierre Comtesse de ne pas avoir rédigé l'inventaire conformément aux statuts.
38 AHSal., H 7, 1453, fondation de Montaigu.
39 ADD, 53 J XVI 1, inventaires de 1525 et 1529.
40 AMBcs., BB 27, fo 226. En 1555, la municipalité intervient pour « admonesté de prendre et avoir soingneux egard aux reliquayres et joyaulx de ladite maison, a ce que distraction ou alienation n’en soit faicte... Puys deux ans en ca, ledit maistre avoit prins une Magdelaine et une Saincte Marguerite avec quelques aultres petitz reliquaires d'argent, lesquelx depuys ne sont esté veuz... »
41 ADD, 53 J XVI 2, inventaire de 1588. « Et quant aux aultres meubles que partie d'iceulx, principalement des linges, seroient usez et aultres robez (dérobés, volés) et perduz a cause, tant de l'imbécillité et vieillesse du maistre, qu'aultrement. »
42 AHSal., A 1, 1431, 1er acte de fondation, chap. 35. Brocard, “L'hôpital...”, p. 28.
43 AHSal., A 1, 1431, P 8, chap. 17-18-19.
44 AHSal., A 1, 1431, f°4, chap. 3. AHSal., H 7, 1453, fondation de Montaigu.
45 AHSal., F 21. 1394.
46 AMArb., fonds de l'hôpital, A 2.
47 AHSal., H 7, 1453, fondation de Montaigu.
48 ADD, B 238, 1443, requête adressée au duc de Bourgogne par les officiers de la saline.
49 AHSal., A 1, H 7, E 22. Le critère du travailleur, qui « par vieillesse ou invalidité » se montre incapable de gagner sa vie, justifie l'assistance. Il définit le bon pauvre en le différenciant du gueux, oisif, mendiant et paresseux.
50 ADD, B 238.
51 En 1443, Philippe le Bon décrit une période de hausse des prix et d'épidémies qui date depuis cinq ans à Salins. ADD, B 2978, mandement de Philippe duc de Bourgogne aux officiers de la saline. Un incendie a ravagé Salins en 1442. « Ont esté ars et bruslez plus de trois cens mesnages, tant en maisons, ediffices comme en biens meubles. Quatre vingt personnes ou environ y sont perilz et mors piteusement et plusieurs navrés et affolés. » ADD, B 270.
52 ADD, B 238. L'expression « bien des salines » est reprise à la requête des officiers de la grande saulnerie auprès de Philippe le Bon.
53 Mollat (M.), Les pauvres au Moyen-Age, p. 326.
54 AMBes., BB 5, fos 221 vo, 239 et 246.
55 AMBes., BB 7, fo 297. « [Les prostituées] doivent fere leur residence en la grande maison appelee le bourdel... ou elles ne vuillent aller que chascune d'elles portant une aiguillette sur sa mainche. »
56 En temps de peste, « gardez-vous absolument de tout rapport avec les femmes, surtout avec les femmes publiques... » Ferrari (H.-M.), Une chaire de médecine..., p. 214.
57 AMBes., BB 8, fo 23 vo.
58 Pidoux (M.-A.), “La législation de l'Assistance en Franche-Comté”, Bulletin de la Société d'Agriculture du département de Haute-Saône, 1910, pages 328-335.
59 Des mesures similaires sont appliquées à Paris en 1525 et à Amiens. Là, les pauvres de la ville sont nourris, et les étrangers chassés. Geremek (B.), Truands et misérables dans l'Europe moderne..., p. 157. « La mendicité impossible à empêcher, fut soumise à certaines conditions. L’Angleterre en 1350 ne l'autorisa qu'aux gens incapables de travailler ou âgés de plus de soixante ans. Le port d'un insigne, considéré peut-être de façon excessive comme une marque d'infamie, fut la règle de beaucoup de villes : |...| les tables des pauvres du Nord en donnaient à leurs inscrits ; à Lille au xve siècle, les hôtes de l'hôpital Comtesse pouvaient quêter dans les rues. » Mollat (M.), Les pauvres au Moyen-Age. p. 349-350.
60 Pidoux (M.-A.), “La législation de l’Assistance...”, Bulletin de la soc. d'Agriculture... de Haute-Saône, 1910, p. 328-335.
61 AMBes., B 25, fo 328. « Que pour la grande multitude des povres mendians par ceste cité, tant d'icelle cité que estrangiers, a esté conclu que pour y donner ordre, ung chascun de messieurs les gouverneurs en sa bannière... se informera des povres y estant et ausquelx l'aulmosne doit estre donnée, et les rapportera par role au premier conseil. »
62 AMBes., BB 14, 1531. « A esté decerner edict pour deffendre a tous citiens mendier a peine du bannissement et a tous estrangiers infectz de peste ou venans de lieux pestilencieux venir en la cité, a peine estre par main de borreaul pugnis corporelment et bannys perpetuelment de la cité. »
63 « De faire pourter en nostre maison de Velotte jusques a une vingtaine de lictz fournyz de linceulz et couvertes, des arches et aussi trois ou quatre femmes pour penser et solliciter les malades. » “Ordonnance de hôpitaux de Besançon”, Mém. et doc. inédits..., t. 13, 1946, p. 205 et suiv.
64 AMBes., BB 7, fo 66, 8 mai 1468.
65 AMBes., BB 8, fo 44.
66 AMBes., BB 23, fo 170 vo. « D'aulcungs qui luy serait religieux et aultre resident en ladite maison se abstenir le plus qui pourrait aller par la ville, et s'il y a personne qui ne le vueille a voir, sera gectié dehors de la cité. »
67 Dans le manuscrit qui relate les chroniques de Besançon (BMBes.. ms. 1017), il est fait état de rumeurs qui circulèrent dans la ville au cours d'une épidémie de peste, dont la date n'est pas précisée, mais qui est antérieure à la première moitié du xvie siècle.
« Soit noté que du temps d'une grande peste qui fust en la cité de Besançon, il ne scay bonnement si ce fust du temps de celle cy, l'on s'appercent que le prebstre, le barbier et les enferreurs avoient composé une gresse entre laquelle ilz mettoient de la putrefaction qu'ilz recueilloient des bosses decoulantes, puis apres avec cela, venoient a frotter les portes des bonnes maisons, mouchoirs, freuts et pièces d'argent, qu'ilz alloient perdant par les rues tout expressement, a celle fin que ceulx qui les leveraient fussent attainctz de la contagion, et par ce moyen qu’il leurs fust loysible d'amasser de grandz deniers ; mais Dieu permit qu'on s'en apperceut, de maniere qu'ilz furent prins et saisyz puys apres, ars et bruslez tous vifz en la place de Sainct Quantin. »
68 AMBes., BB 5, fo 21 I.
69 AMBes., BB 9. fo 81 : « s'il advient ladicte epydimie se boute en quelque maison..., que l'on l'envoy [le malade et sa famille] hors de ladicte cité..., et qu'ilz ne retournent que apres quarante jours, ou que l’on les enferme en Tostel, sans en party... et que l'on mecte ung signe devant Tostel ou se sera bouter ladicte epydimie, afin que plus facilement Ton puisse eviter le dangier. »
70 AMBes., CC 58, comptes de la ville de Besançon, 1494, f°88. AMBes., CC 61, comptes de 1497, fo 84 vo : vingt-deux personnes suspectées de peste sont encore chassées de Besançon selon ce document.
71 AMBes., BB 13, fo 24. « Quatre muyds de bon vin... pour des pouvres expulsés hors de la cité, retirez a Villette que e la banlieue. »
72 AMBes., CC 62, comptes de 1498, fo 115. « Primo paier par ordonnance de messeigneurs, douze gros monnoie a Antoine Beaulpere, pour ses salaires d'avoir vaquer au faire vuyder hors de la cité, les malades de la gorre ; a luy payer le XXIIIe de may derrier passé, par mandement de messeigneurs, I franc. »
Gorre : syphilis. Godefroy (F.), Lexique de l'Ancien Français. La syphilis est perçue comme une punition divine suite au péché. A ce propos, Ambroise Paré écrit : « Il y a deux causes de la verolle ; la première vient par une qualité spécifique et occulte, laquelle n'est sujette a aucune démonstration ; on la peut toutefois attribuer a l'ire de Dieu, lequel a permis que ceste maladie tombast sur le genre humain pour réfréner leur lascivité et desbordee concupiscence. La deuxième est pour avoir compagnie d'homme ou de femme ayant ladite maladie. » Delumeau (J.), La peur en Occident, p. 288.
Grmek (M.) Les maladies à l'aube de la civilisation occidentale, p. 199, pose la problématique de l'origine de la syphilis européenne. Il expose les deux thèses qui opposent les historiens de la médecine sur ce point : certains tiennent pour juste la théorie selon laquelle la syphilis aurait été importée en Europe par les marins de Colomb ; d’autres spécialistes de dermato-vénérologie avancent des arguments biologiques en faveur d'une dissémination mondiale très ancienne de cette maladie. Les arguments des premiers sont résumés par Rabello (F.-E.), “Les origines de la syphilis”, Nouvelle Presse Médicale, 2, 1973, pages 1373-80. Le point sur cette question est proposé encore par Guerra (F.), “The dispute over syphilis : Europe versus America”, Clio Medica, 13, 1978, p. 39-61, qui penche pour l'origine autochtone de la syphilis européenne du xve siècle. Voir encore sur le plan de l'évolution de la maladie, Kernbaum (S.), Éléments de pathologie infectieuse, p. 273 et suiv.
73 BMBes., ms. 1093, extraits des papiers de l'hôtel-de-ville de Salins, fo 52.
74 AMBes., CC 63, comptes de 1499, fo 95 vo. « Item plus la somme de vingt solz estevenans monnoie, par ordonnance que dessus, a Anthoine Beaulpere deputé sur les malades de gorre et suspeetz de peste, pour ses salaires d'avoir vaquer audit office, XIII gros IIII engroignes. »
75 AMBes., BB 10, 7 avril 1505, bannissement pour un an de J. Primet, pour les paroles séditieuses contre les ordonnances « concernanz la mortalitez, que mesdis seigneurs avoient un droit pour les petits et un droit pour les grands. »
76 AMBes., BB 23, fo 170, 1525.
77 Briod (A.), L'assistance des pauvres..., p. 83, mentionne que chaque pays doit nourrir ses pauvres ; à la p. 98, elle indique qu'afin de reconnaître les mendiants et les mauvais pauvres on décida de les raser au début du xvie siècle. Puis « cognoissantz que l'on n’en faict compte, d'aultant que incontinent les cheveux sont recreuz », les seigneurs ordonnèrent de leur percer une oreille avec un fer chaud.
78 AMBes., BB 12, f°38, 1525, mention de la décision de construction. Le Saint-Esprit a été dans l'obligation de participer à son édification. AMBes., BB 25, fo 63 vo, mention de l'achat de locaux.
79 ADD. B 192, 1534. Le lieu-dit se réfère au même nom que l'actuel Fort Belin.
80 ADD, B 194, délibérations du conseil de la saunerie du 2 octobre 1542 au 18 septembre 1545.
81 AMBes., BB 11, fo 171 vo, 1520-1525.
82 AMBes., BB 6. fo 49 vo. 1456 « Aujourd’hui, messires les gouverneurs dessus nommez en regart et grani considération au temps qu’est bien dangereux pour les corps humains, tant de mortalité que d’aultres pestilences, ont estez tous d’oppinion que l’on retint ung medecin en la cité pour succourir à ceulx que de luy auroient besoing. »
83 AMBes., BB 9, fo 91 et 1 17 vo.
84 AMBes., BB 9, fo 117 vo, 1491-1510. Engagement pour trois mois aux gages de 8 francs par mois, de Antoine le Houcq, chirurgien, « chargé de visiter les malaides de ladicte cité se point, maintenant et adoncques ledit terme, y en a, que soyent frappés de pestilence, que Dieu ne veuille lesquelx sera tenu de visiter personnellement mesmement ce se sont gens d'estatz, et silz sont plebee, ne sera tenu s’il ne veult de les visiter personnellement, ainsi seullement sera tenu de leur baillé remede salutaire selon l'art de cirreurgie, desqueulx paciens et malaides sera contenter selon la faculté d'iceulx. » 14 avril 1494.
85 BMSal., ms. 1 1, recettes médicales de Jean Perrot, voir p. 78.
86 BMSal., ms. 10, manuscrit de la main de Jean Perrot.
87 AMBes., BB 7, fo 31 vo.
88 AMBes., BB 9, fo 122 vo.
89 BMBes., ms. 1093, fo 53, extraits des papiers de l’hôtel de ville de Salins par J.-B. Béchet.
90 AMArb., fonds de l'hôpital, A 11.
91 « Et deux femmes perquerront par la cité pour Dieu et pour lesdis ladres de la cité. Et de la rente que le tresorier de la ville doit d'argent esdis ladres, se conviendra d'acheter des ornements pour l'aulté de la chappelle desdis ladres de la Veze. » BMBes., ms. 1046, Ordonnances de l'ostel consistorial de la cité de Besançon.
92 BMBes., ms. 1046, fo 9 v. Les ladres étrangers ne peuvent entrer à Besançon sauf « a Noel, pour demorer trois jours et non plus ; a Pasques, pourront venir lesdis ladres estrangiers le grant Vendredi et le grant Sambedi, le jour de Pasques et le lendemain, se non plus ; a la Toussains, pour demorer trois jours se non plus ».
93 AMBes., BB 9, fo 94. Cette coutume de donner aux lépreux au moment des mariages est attestée également dans les statuts de la maladière d'Arbois.
94 AMBes., GG 430. « Par nous, face commandement aux bons malades d’icelle, résider et faire continuelle residence en la maladiere de la Veze et deffense de coucher en ceste cité, de y hampter ou questé a l’advenir. »
95 Bériac (F.), Histoire des lépreux..., p. 197 et suiv.
96 Il semble que pendant les pestes, les ordonnances concernant les ladres soient strictement appliquées. En dehors de ces périodes, le bon sens populaire perçoit un niveau de contagion en dessous de ce qu’il est prétendu par les lois.
97 Les ordonnances visant à chasser les pestiférés et les malades atteints de la syphilis.
98 « Je, Jehan Guillot, officier de ladite cité, certifie a tous que ce jourd'hui, sixieme jour du mois d'octobre mil cinq cens quarante et un, et en vertu du mandement cy dessus escript, me suis transpourter es personnes de Claude Montjoye et Jehan de Vercey, bons malaides et de ladite cité, esqueulx, j'ai fait commandement et deffence et tout le contenu du precedent mandement. » AMBes., GG 430, ordonnance des gouverneurs de Besançon.
99 Ordonnance des ladres de Besançon, Mém. et doc. inédits..., t. 13, 1946, p. 209.
100 Une étude de l'expansion lente de la lèpre a été menée par Grmek (M.), dans Les maladies à l'aube de la civilisation occidentale, pages 227-260. Cet auteur expose dans le même ouvrage les relations biologiques existantes entre la lèpre et la tuberculose, pages 291-306.
101 Brocard, Etablissements..., ann., t. 11, pages 324-325.
AMBelf., BB 1, fo 13 v : « Ledit maistre Pasque est et seroit tenu se aucune personne de ceste ville avoit besoing de son mestier, tant ceulx qu'ilz sont en la forteresse d'ycy, coment les manans et habitans en la ville, tant de rompure, de brisure et blessure, comme de visistation de ladres... »
102 AMMbl, CC 64, fo 8, comptes de la ville, 1478.
103 Dans la charte de franchise de Monnet accordée par Jean de Chalon-Auxerre en 1292, traiter quelqu'un de ladre est passible d'une amende de 7 sous. Prost (B.), Documents inédits..., p. 31. Les franchises de Marnay accordées par Jean de Chalon, sire d'Arlay II, le 14 juin 1354, font état des mêmes défenses. Il en va de même pour celles de la Chaux-du-Dombief concédées par Jean de Chalon-Arlay et Jean, prieur de Bonlieu, en février 1336 et pour celles de Clairvaux octroyées par Humbert de Cuisel, sire de Clairvaux en janvier 1305, Mém. et doc. inédits..., t. 1, p. 496, t. 4, p. 444 et 461. Au Saint-Esprit, le frère qui jure ou insulte un autre frère en l'appelant « traître, renégat, menteur, ladre, puant, fils à putain » est puni de sept jours de jeûne. Brune (abbé), Histoire... du Saint-Esprit, p. 116 et suiv. A Metz, une fausse dénonciation entraîne la peine d'excommunication. Imbert (J.), Les hôpitaux en droit canonique, p. 164.
104 AMBes., BB 9, fo 73, samedi 14 janvier 1494.
105 Lorsque le malade comparaît devant un jury de lépreux, les risques de partialité sont importants. Les ladres peuvent refuser de reconnaître la lèpre du suspect afin de ne pas avoir à partager leur provende.
106 « ... [de] les faire veoir, visiter, palper, saigner, si mestier est, en tous lieux propices... et auront lesdits commis pour leur visitacion, assavoir le medecin vingt quatre solx et le barbier, huict solz. » “Ordonnance des ladres de Besançon”, début xvie siècle, Mém. et doc. inédits..., t. 13, 1946, p. 209.
107 AMBes., CC 29, comptes de la ville, fo 67, 1456, examen médical sur la personne de Pierre Gissier ; CC 55, fo 191 vo, 1491, examen de Jean de Viay ; CC 56,fo 102, 1492, examen de Jacques Dalvy, prêtre, suspect de « ladrerie » ; CC 58, fo 90 vo, 1494, deuxième examen de Jean de Viay ; CC 61, fo 87, 1497, examen d'Etienne Loisel, barbier, suspect de lèpre ; CC 62, fo 105, 1498, visite de Jean de Rise et Grosjehan, maçons ; CC 63, fo 64 vo, 1499, examen de Perrin Richardot, vigneron. Le médecin perçoit 15 sous, le chirurgien en reçoit cinq ; CC 66, fo 77, 1502, examen de Jacotin, sergent du maire de Besançon, suspect de lèpre.
108 Les archives de la ville sont détruites en 1479, lors du sac de Dole.
109 639, comptes, 1489. Brocard, Etablissements..., ann„ t. II, p. 31 7.
110 ADHS, 282 E suppl. 106, comptes de Gy, 1453-54 et 1485-86, fos 22 à 23 vo.
111 AMMbl, CC 63, comptes de la ville, 3ème cahier, fo 8 vo.
112 ADHS, 228 E, suppl. 106, comptes de Gy, 1453-54 et 1485-86, fo 22 à 23 vo. « Audit Jehan Lansart, huit gros viez, pour ses peines et salaires de deux jours qu'il fusi a Dole a l'encontre dudit Lambelin [Rouhier, suspecté d'avoir la lèpre], avec Jehan Pestin. »
113 AMBes., BB 7, fo 30 vo, 4 août 1467. « Les ladres, lesquelx la ville a fait visiter, lesquelx ne seront pas trouvés ladres par les relacions des medicins, que la ville paera lesdis medicins ; et ceulz qui seront trouvez ladres et qui auront puissance de paier les medicins et aultres missions, qui les paeront ; et ceulx qui seront ladres et n'auront de quoy payer, que la ville les paie. »
114 BMBes., ms. Dunand, 11, fo 397, enquête sur un cas de lèpre survenu à un familier de l'église d'Auxonne en 1403.
115 Henri de Mondeville : chirurgien de Philippe le Bel.
116 Pouchelle (M.-C.), Corps et chirurgie à l'apogée du Moyen-Age, p. 121.
117 Une copie du xvie siècle rapporte que les barbiers d'Haguenau jurent « de rechercher et d’étudier avec soin les symptômes de la lèpre chez les malades qui leur sont présentés, de ne pas dissimuler la vérité, mais de la reconnaître franchement, sans jamais s'en écarter par aucune considération d'amitié ou d'antipathie, de promesses, de cadeaux... Quand une place devient vacante dans la commission et qu'on leur adjoint un nouveau collègue [les barbiers] qui sont en fonctions doivent lui enseigner fidèlement et avec soin les secrets de leur art, leurs procédés pour la constatation de la lèpre, et ne pas s'y refuser » (1444-1447). Hanauer (A.), “Lépreux et chirurgiens”, Revue d'Alsace, 1900, p. 285.
118 Arnaud de Villeneuve : médecin catalan né vers 1235 et mort en 1313. Il attribua un rôle privilégié à l'expérience en médecine. La plupart de ses œuvres médicales ont été écrites à Montpellier.
119 Giammatteo Ferrari Da Grado, professeur à l’université de Pavie (1432 à 1472), donne les explications suivantes à propos des symptômes de la lèpre : « Les symptômes sont au début la raucité de la voix, la difficulté de la respiration qui devient courte, la rougeur sombre de la face, l'obscurité du blanc des yeux, la fétidité de l'haleine, la transpiration. Puis apparaissent d'autres signes. Le malade est inquiet, il craint d'être lépreux et rarement il le devient à son insu. Les songes terribles de la mélancolie se multiplient. Il sent sur lui pendant son sommeil un poids énorme, il souffre de l’incube. Apparaissent alors des morphées sur tout le corps, taches diffuses, rouges, obscures ou de différentes sortes. L’urine est subtile avec dépôt de substance sablonneuse en raison de la combustion de la matière. La peau des mains est onctueuse, de sorte qu'une goutte d'eau ne peut y séjourner... » Ferrari (H.M.), Une chaire de médecine au xve siècle..., p. 240.
120 Bériac (F.). Histoire des lépreux..., p. 46-47.
121 Guy de Chauliac : chirurgien français du xive siècle né à Chauliac, paroisse de la Fage-Saint-Julien, dans le Gévaudan. Il exerça son art à Lyon, puis à Avignon où il fut médecin des trois papes Clément VI, Innocent VI et Urbain V. (1342-1370). Le plus grand intérêt de son œuvre réside dans les allusions à la pratique, et dans la description de la peste, dont il différencie bien les deux types, bubonique et pulmonaire.
122 Bériac (F.), Histoire des lépreux..., p. 45-49.
123 AMBes., CC 55, 56, CC 58, comptes de la ville.
124 AMDol., Comptes de la ville, cote 639, Comptes de la maladière, 1495-96, cote 958.
125 BMBes., ms. Dunand, 11, fo 397. Si le second examen médical infirme le premier, des conflits peuvent surgir. Un habitant d'Haguenau, qui subit deux examens contradictoires, entre en lutte avec les médecins de la première visite et la communauté. Dans cette ville, les lépreux étaient exclus dans la huitaine qui suivait la visite, Hanauer (J.), “Lépreux et chirurgiens”, Revue d'Alsace, 1900, p. 287, 282-302.
126 AMBes., CC 58, comptes de la ville de Besançon, 1494, fo 97 vo. « Item plus paier quatre solz estevenans pour avoir impetrer deux mandemens de monsieur l'Official de la court de Besançon, l'ung pour faire visiter et gecter hors de la cité Jehan de Viay, suspect de ladre, et l'aultre pour faire visiter messire Jaiques Dalvy, prebstre, aussi suspect de lepre. »
127 Cité dans Borradori (P.), Mourir au Monde..., p. 38.
128 Les rites, le cérémonial et leur symbolique sont analysés, chap. 1 de la 3e partie. Une nuance est apportée sur le financement de la municipalité de Besançon par l'ordonnance des ladres du début du xvie siècle. Elle indique que « les parrochiens seront tenus paier la moitié desdictz fraiz et vestir [le ladre] d’ung manteaul jusques a quatorze gros, une paire de gantz, ticlettes et barry (outre), si la malade mesme n'avoit de quoi y fournir. » Mém. et doc. inédits..., t. 13, 1946, p. 209.
129 Duvernoy (C.-L.), Ephémérides du Comté de Montbéliard, 1832, p. 175.
130 AMMbl, CC 63, comptes de la ville, 1456, 8e cahier, fo 5 vo : « Item pour deux paires de gans pour le curé et pour le filz dudit Perrin Perrenot, deux grans blanz ».
131 AMDol., cote 639, comptes de la ville, 1489. « A la seur Jehan Galiot, a la femme Philibert Bonpy et a Perrouchot Barthelier, a chascun cinq aunes de gris, a pris de XVIII blans l'aune, pour leur faire chascun une roube. V frans VII gros. A Claude Patroignot, pour la facon des dites trois roubes, IIII gros. »
132 Il s'agit du trésorier de la ville de Besançon.
133 Tannel : drap ordinairement gris-brun, de la couleur du tan.
134 AMBes., CC 58, comptes de la ville, fo 96 vo, 23 juin 1494. « Item plus la somme de XXI gros monnoie a Jehannot Prestet es presences de Thierry Grosperrin, cousturier, citien de Besançon et de Jougnes... pour cinq aulnes de gris tannel en ostroit donné par mesdis seigneurs a Jehan de Viay, suspect de lepre, en admosne et charité, pour en faire un manteaul. »
135 AMDol., cote 958, comptes de la maladière, fo 14 vo, 1540. Un malade « fut getté comme lepreux de ladite ville et rendu en la maladiere, pourquoy fere plusieurs fraiz par ledit gouverneur montant a la somme de douze frans huit gros quatre deniers, tant pour la procession, le drap et le vestir, lict de plume, couverte et linceulx que aultre chose ad ce necessaire. »
136 AMBes., BB 8, fo 33.
137 AMBes., DD 89.
138 Ordonnance des ladres de Besançon, début xvie siècle, Mém. et doc. inédits..., t. 13, 1946, p. 209.
139 AMArb., fonds de l'hôpital, A 11, 1496. ADHS, 550 dép. 187. Les habitants de Vesoul ont « auctorité et faculté de mectre en la maladiere estans pres au boult de la levee de ce lieu de Vesoul, telz malades qu'il leur plait pour y demeurer, joyr et user des biens, proffitz et droictures accoustumees qu'ont joyr les malades qui par ci devant y ont esté mis, sans estre loisible ne permis a aultres que ausdis habitans... y mectre aulcun malade. »
140 AMBes., DD 88, fo 5 vo. « Je, Richars de Memirueles, chestelains de Montfaucon, fait savoir a tous que je, au nom de monseigneur de Monfaucon, ay requis es gouvernours de l'universitey des citiens de Besançon, que donessent une provende de la Veze a l'un des homes doudit monseigneur de Montfaucon, c'est a savoir Haymond macon de Villafans. Et liquelx gouverneur a la requeste de monseigneur de Montfaucon, de grace expeciaul, m'ont outroié et doney por loudit Haymon, ladite provande... »
141 AMBes., DD 89, fo 204 ; AMBes., DD 92, fo 1. Selon Ph. de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, art. 1618, les étrangers de passage sont exclus des léproseries, s'ils sont atteints de la lèpre, « la maladerie de la vile n'est pas tenue a les recevoir ».
142 Brocard, Etablissements..., ann., t. II, p. 306. ADHS, 228 E suppl. 28.
143 ADHS, 331 suppl. 262. Ce délai a été dépassé, ce qui a motivé une plainte des échevins de Luxeuil auprès de l'Official. Brocard, Etablissements..., ann„ t. II, p. 308. « ...Apres palpation, visitation et rapport des sires medicine et chyrurgiens jurés, fut portee et rendue sentence... contre Marguerite, femme de Dominique Brevier, bourgeois dudit Luxeul, si avant qu'estant declairee lepreuse..., elle seroit segregee et separee du consomé, conversación et compagnie des gens sains. Et neantmeins, du consentement des parties, luy fut lors préfixé terme de deux ans comme dict est, expirés sont desja plus de trois mois, pour pendant lesdis deux ans, a ses frais, construire et édifier maison lepreuse distante et remote des maisons des sains... »
144 Archives communales de Dijon, EE 14.
145 Des lépreux de condition aisée doivent déjà participer aux frais de la visite médicale AMBes., BB 7, fo 30 vo, 1467.
146 AMDol., cote 958, comptes de la maladière, fo 12, 1494 ; fo 14 vo, 1541.
147 Bériac (F.), Histoire des lépreux..., p. 224-225. Borradorl (P.), Mourir au Monde..., p. 56-57. Cet auteur signale certains dons en nature : du vin, du pain et même du gingembre (maladrerie d'Epesses).
148 La léproserie de Dole est détruite en 1479, celle d'Arbois est en ruine depuis 50 ans en 1496 ; enfin, celle de la Vèze est incendiée en 1445.
149 A Besançon, le rôle des gouverneurs et du trésorier de la cité est prédominant : « [Le ladre] sera mené a la Veze en la chambre qui luy sera donnée par nostre trésorier, preallablement apprestee pour sa retraicte, comme a un tel pouvre malade appartient. » “Ordonnance des ladres...”, Mém. et doc. inédits..., t. 13, 1946, p. 209.
150 AMBes., DD 88, fo 34, 39, 74, 85.
151 AMBes., GG 430, les comptes de la maladière de la Vèze sont rédigés par le trésorier de la ville de Besançon.
152 AMBes., CC 12, comptes de la ville de Besançon, 1427-28, fo 110 vo.
153 AMDol., cote 958, comptes de la maladière, 1481.
154 AMDol., cote 952, 1487 : « Les eschevins et gouverneurs de la ville et communauté de Dole, ainsi que le trésorier nomment... Jehan Parron dit de Layne, mareschal, demorant a Dole, au gouvernement et administracion de ladite malaidiere dudit Dole, au lieu de feu Jehannot Mercol, jaidis a son vivant gouverneur d'icelle, pour gouverner et faire gouverner les ladres et heritaiges de ladite malaidiere, ensembles des appartenances. »
155 AMDol., cote 952, nomination du gouverneur de la maladière, 1487.
156 AMArb., fonds de l'hôpital, A 12. « Le vingt neufiesme jour du mois de jung l'an mil quatre cens vings et seize... personnelment estaubly, discrete personne, messire Anthoine Jaillon d'Abois, prebstre, chapellain et recteur de la chappelle et maladiere dudit Arbois, lequel estant devant la chappelle et maison de ladite maladiere a lui conferee par Reverend pere en Dieu, maistre Pierre Morel, abbé de Sainct Oyend de Joulx, comme vicaire de Tres Reverend pere en Dieu, messire Estienne Morel, evesque de Sainct Jehan de Morienne, commendataire perpetuel du prioré d'Arbois, executeur desdites lectres, le requérant de la mectre en possession desdites chappelle et maladiere et des prouffiz, emolumenz, drois et appartenances quelconques d’icelle, le tout selon le contenu desdictes lectres et ce, par l'antree de ladite chappelle et par l'atouchement des quatre angles de l'aulté d'icelledite chappelle. »
157 AMArb., AA 36, 1502.
158 AMDol., cote 639, comptes de la ville, 1489, fo 17 vo.
159 AMArb., fonds de l'hôpital, C 179, 1525.
160 L’excédent des dépenses est récupéré par une taxe : 2 francs pour les habitants d'Arbois, 1 franc pour ceux de Montigny, des Arsures, de Saint-Cyr, de Pupillin et de Mesnay, 10 gros pour ceux des Planches et de la Châtelaine.
161 Borradori (P.), Mourir au Monde..., p. 19.
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