Analyser la parole pour établir un diagnostic : perspectives du travail pluridisciplinaire entre médecins et linguistes
p. 187-203
Résumé
Cet article fait partie de recherches effectuées par des neurologues et des linguistes. Le point de départ est une observation qu’un neurologue fait dans son travail clinique au cours d’entretiens avec des patients souffrant de crises épileptiques ou non épileptiques : il découvre des différences considérables entre leurs descriptions des crises et formule l’hypothèse qu’il y aurait un rapport entre le type de crise et le type de description. Tandis que l’attention des médecins porte normalement sur le contenu de ce que disent les patients, il s’agit ici d’observer comment ils le disent. La formulation est jugée pertinente pour l’élaboration d’un diagnostic. Comme l’examen médical des patients vise tout d’abord à déterminer si leurs crises sont épileptiques ou d’origine psychogène, l’objectif pratique de ces recherches est de développer une méthode supplémentaire pour contribuer au diagnostic différentiel. Le cas étudié ici est un exemple concret qui illustre le travail effectué par une équipe pluridisciplinaire et montre comment l’analyse linguistique peut servir aux médecins à mieux comprendre la parole du patient et sa valeur diagnostique.
Entrées d’index
Mots-clés : analyse conversationnelle, récit de maladie, diagnostic médical, épilepsie, angoisse
Remerciements
Ce travail n’aurait pas été possible sans la coopération compétente et amicale d’Ulrich Krafft et de Martin Schöndienst ; je les remercie chaleureusement.
Texte intégral
1. Introduction : un problème de diagnostic différentiel comme point de départ
1Cet article fait partie de recherches pluridisciplinaires effectuées par des neurologues et des linguistes dans un centre d’épilepsie et une université en Allemagne. Le point de départ de ces recherches est une observation que le docteur Martin Schöndienst, neurologue et chercheur médical, a pu faire dans son travail clinique au cours d’entretiens avec des patients souffrant de crises épileptiques ou non épileptiques : il constate des différences considérables entre leurs descriptions des crises, ce qui le conduit à formuler l’hypothèse qu’il y aurait un rapport entre le type de crise dont souffre le patient et sa façon de la décrire. Tandis que l’attention des médecins porte d’habitude sur le contenu de ce que disent les patients, il s’agit ici d’observer comment ils le disent. La forme et la formulation sont jugées pertinentes pour l’élaboration d’un diagnostic.
2Pour se faire une idée de l’importance de cette hypothèse, il faut savoir qu’il y a des patients qui souffrent de crises pendant de nombreuses années sans que l’origine et la nature des crises puissent être élucidées (cf. Reuber et al., 2002 ; 2014). Ainsi, il arrive qu’un patient atteint de crises non-épileptiques subisse un traitement par médicaments antiépileptiques, ce qui est non seulement inefficace, mais peut avoir des effets secondaires désagréables ou même dangereux. L’examen médical des patients vise donc tout d’abord à déterminer si leurs crises sont épileptiques ou non-épileptiques (d’origine psychogène). L’objectif pratique de nos recherches est de développer une méthode supplémentaire pour contribuer au diagnostic différentiel dans des cas particulièrement difficiles.
3Le projet de recherche intitulé « Typologie linguistique des crises épileptiques et non-épileptiques : Perspectives diagnostiques et thérapeutiques »2 a permis tout d’abord de recueillir des données : enregistrer, transcrire et analyser des entretiens entre médecins et patients dans un hôpital. À partir de ce corpus on a développé un guide d’interview susceptible d’orienter le comportement communicatif du médecin (cf. Gülich, 2010 : 180). Celui-ci commence l’entretien par une question ouverte qui permet au patient de parler de ce qui lui semble particulièrement important. Pendant cette première phase le médecin s’abstiendra largement de questions et de commentaires, il suivra le patient dans ce que celui-ci met en relief – ce ne sont pas forcément ses crises. Plus tard dans l’entretien, le médecin pourra focaliser des épisodes de crises particuliers, et il encouragera le patient à en donner des descriptions ou des narrations détaillées et précises. L’objectif de ce guide était de permettre une comparaison systématique des différentes façons de parler de crises3.
4La recherche sur la typologie linguistique des crises épileptiques et non-épileptiques a trouvé une suite dans un autre projet pluridisciplinaire : « Communication et représentation clinique de la peur, de l’angoisse ou de l’anxiété : Études exemplaires sur le rôle des affects chez des patients souffrant de crises (non-) épileptiques et/ou de troubles anxieux »4. Ce thème a émergé de la première recherche : on avait remarqué que nombre de patients souffrant de crises évoquent des sentiments de peur, d’angoisse ou de panique. Ils en parlent quelquefois en répondant à une question du médecin, mais souvent de leur propre initiative. Il y a une grande variété dans les manières d’exprimer ces sentiments, et on a souvent l’impression que les patients ne décrivent pas tous la même émotion. Le terme allemand qu’ils utilisent pour désigner ce sentiment étant toujours le même (Angst), on ne peut pas distinguer différents types à l’aide du vocabulaire5 ; il faut donc recourir à d’autres procédés de différenciation.
5Comme pour la description des crises épileptiques et non-épileptiques l’objectif principal de la recherche sur l’angoisse est de trouver un rapport entre les procédés de description qu’utilisent les patients et les types de peur, d’angoisse ou de panique. Ici aussi, l’attention a porté sur la forme, verbale et non-verbale, des énoncés des patients, normalement négligée par les médecins. On s’est concentré cette fois sur des patients souffrant de crises épileptiques précédées par une angoisse et des patients souffrant de crises de panique dans deux hôpitaux différents, un centre d’épilepsie et un hôpital psychiatrique. Les entretiens ont été menés selon le guide élaboré pour la recherche sur l’épilepsie.
6Les maladies d’angoisse (les « troubles anxieux phobiques » d’après la Classification Internationale des Maladies, CIM) sont de loin les maladies psychiques les plus fréquentes dans le monde entier, mais elles sont souvent méconnues et donc négligées dans le traitement. Comme pour d’autres maladies, on ne tient pas compte de la façon dont le patient s’exprime sur son angoisse, sa peur ou sa panique. Ainsi ce projet de recherche est-il également motivé par les difficultés du diagnostic différentiel.
2. cadre théorique et méthodologique
7L’approche linguistique qui sert de cadre théorique et méthodologique à ces recherches est une linguistique interactionnelle qui s’inspire de l’analyse conversationnelle d’orientation ethnométhodologique (cf. Gülich & Mondada 2001, 2008). Cela signifie qu’il y a quelques principes fondamentaux qui guident notre travail : tout d’abord il s’agit toujours d’un travail sur des données authentiques, en l’occurrence sur des entretiens entre médecins et patients qui n’ont pas été arrangés pour la recherche, mais qui font partie du traitement médical ou psychothérapeutique. Les analyses tiennent compte des dimensions de la séquentialité et de la temporalité et respectent la primauté de l’interaction. Elles cherchent avant tout à découvrir l’ordre, c’est-à-dire le caractère ordonné et méthodique de ce que disent ou communiquent les interactants. « Can we find order ? », c’est la question centrale de Harvey Sacks, le fondateur de l’analyse conversationnelle (cf. Gülich & Mondada 2001 et 2008 : 13-26). Et la deuxième question de Sacks : « Can we provide for this order ? », est celle que doit se poser le linguiste et qui guidera les analyses de conversations en général et de ce type d’entretien en particulier.
8Pour les analyses des enregistrements et des transcriptions que nous allons présenter, deux notions sont particulièrement pertinentes, à savoir : « travail de formulation » et « reconstruction narrative ».
9Le travail de formulation comprend l’activité de mise en mots ; le traitement conversationnel, selon différents procédés, d’énoncés déjà produits ; les commentaires métadiscursifs sur différents aspects de la production discursive en cours. Ces activités communicatives laissent des traces dans le discours, des traces verbales et/ou prosodiques (par exemple hésitations, répétitions de mots, autocorrections, reformulations, pauses, allongements, commentaires métadiscursifs), et des traces mimiques et gestuelles.
10La reconstruction narrative joue un rôle primordial dans nos analyses : « Narrative activity is a path to penetrating the configuration of anxiety » (Capps & Ochs, 1995 : 11). Le terme de reconstruction narrative dirige l’attention non seulement sur le produit (le récit), mais surtout sur les activités et le processus, c’est-à-dire sur la méthode (au sens ethnométhodologique du terme, cf. Gülich & Mondada, 2001) qu’on utilise pour reconstruire verbalement des événements ou des expériences (cf. Bergmann & Luckmann, 1995). En l’occurrence le patient reconstruit des crises épileptiques ou non-épileptiques et des attaques de panique. La reconstruction narrative est une méthode parmi d’autres, puisqu’une reconstruction peut aussi se faire par exemple à l’aide d’un échange de questions et de réponses, comme c’est souvent le cas dans les interactions entre médecin et patient.
11L’analyse linguistique tiendra compte du processus de reconstruction narrative dans son ensemble : sa naissance dans la conversation, le récit lui-même et le retour à l’échange conversationnel (cf. Gülich & Mondada, 2008 : 101-114). Elle prendra également en compte des narrations inachevées, des amorces ou des bribes de récits, et les activités de l’interlocuteur qui accompagnent le processus de production. En somme, il s’agit d’une valorisation du récit et de la narration6 qui rejoint le cadre théorique et la pratique de la médecine narrative (narrative-based medicine), une approche médicale proposée et discutée comme un complément nécessaire de la médecine fondée sur les preuves (evidence-based medicine)7 – complément qui « pourrait être une réponse aux insuffisances d’un système de santé qui laisse quelquefois des patients ignorés dans leur souffrance et des médecins isolés dans leur pratique »8. La réflexion sur les rapports entre la médecine narrative et les études linguistiques sur les récits de maladie9 mériterait d’être développée davantage.
12Le projet présenté ici étant une recherche pluridisciplinaire, les résultats des analyses linguistiques des entretiens seront évalués dans la perspective d’une autre discipline, à savoir la médecine ou l’épileptologie. Il faut prendre en compte cette autre perspective pour arrêter la démarche méthodologique du travail sur les données.
13Notre approche prévoit trois étapes :
découvrir les procédés conversationnels typiques auxquels les patients ont recours pour communiquer leurs problèmes de santé (crises épileptiques/non-épileptiques, angoisse, panique),
comparer les façons de dire, les formulations typiques des différents patients, et grouper les patients selon ces types de procédés,
établir un rapport entre les types de procédés et les types de crises ou de troubles d’angoisse.
14Au cours des recherches précédentes, les critères suivants se sont révélés pertinents pour distinguer les descriptions des crises épileptiques et non-épileptiques10 :
un travail intensif de formulation, qui se caractérise par des reformulations, des commentaires métadiscursifs concernant la difficulté de décrire, et par des hésitations, autocorrections, ruptures, répétitions, etc. ;
la conceptualisation métaphorique des crises ;
une description auto-déclenchée des symptômes subjectifs des crises et/ou des sentiments précurseurs ;
la reconstruction narrative d’épisodes de crises particuliers ;
le comportement interactif.
15Pour les troubles de peur, d’angoisse et les crises de panique, les analyses des entretiens ont permis de trouver les distinctions suivantes (cf. Lindemann, 2012 ; Schöndienst & Lindemann, 2012) :
Tableau 1 : Peur, crises de panique et angoisse
Peur/panique | Angoisse épileptique |
description spontanée de la peur, dramatisation de la panique | hésitation, thème de l’angoisse abordé très tard dans l’entretien |
motivée par un objet concret | sans objet concret, indéfinie |
Recours aux structures préfabriquées (expressions toutes faites, locutions) | travail intensif de formulation, mise en scène de la difficulté de décrire |
énumération/liste (de choses qui font peur) | construction de structures complexes, enchaînement de reformulations |
pas de distinction entre peur « normale » et panique, transition graduelle | différence fondamentale entre peur « normale » et angoisse épileptique |
16Ces distinctions nous serviront d’instruments d’analyse pour l’étude de cas qui suit.
3. Étude de cas
17Le cas de Carine Girard (nom fictif), une jeune femme de 28 ans, a ceci de particulier qu’il s’agit d’une patiente de nationalité française qui vit en Allemagne depuis quelques années et est hospitalisée dans un centre d’épilepsie allemand. Son interlocutrice est une linguiste allemande à qui le médecin avait demandé de s’entretenir avec la patiente en français parce qu’il espérait découvrir de nouveaux aspects pertinents pour le diagnostic si la patiente utilisait sa langue maternelle. L’interlocutrice ne connaît pas le diagnostic (provisoire au moment de l’entretien). L’entretien qui dure 1h15 a été enregistré par une caméra vidéo située en dehors de la pièce. L’analyse se limitera à quelques extraits, qui seront présentés dans l’ordre chronologique ; nos recherches ont en effet montré qu’il est important de savoir à quel moment d’un entretien quel thème est abordé ou quel aspect thématique est repris, détaillé, modifié ou rejeté.
18L’entretien commence par une question ouverte concernant la maladie dans son ensemble, son développement, les problèmes principaux. La patiente répond : « quand ça a commencé je me suis pas rendue compte que c’est une maladie ». Elle raconte ses premières crises qu’elle a « mis sur le compte du stress ». Ensuite elle raconte « la première grosse crise et depuis c’est regelmässisch11 [régulièrement] tous les deux mois ». Jusque-là elle a fait six crises, pour lesquelles elle ne trouve pas « un grund » [une raison], les situations étant toujours différentes.
19Par la suite l’enquêtrice (E) focalise ce que Carine nomme les « pressentiments », c’est-à-dire les sensations ou sentiments précurseurs (le terme technique en épileptologie est aura) :
(1)
E mais v vous sentez quelque chose avant
P pas toujours
E pas toujours
P . . c’est : ce qu’on m’a demandé d’expliquer . c’est ce angstfühlung je ne sais même pas si c’est de la peur . si : c’est de toute façon <<creaky voice, f> un : : : > . un sentiment de . .h de panique, . comme ça . euh . mais il m’arrive de l’avoir . sans sans pour autant faire une crise
20La patiente (P) mentionne tout de suite sa peur. Le premier terme qu’elle utilise pour désigner ce sentiment ou cette sensation, ce « angstfühlung », est un mot allemand inventé, qu’elle reformule par « peur » et « sentiment de panique », mais ces termes sont marqués comme incertains ou provisoires par des commentaires métadiscursifs comme « je ne sais même pas si c’est de la peur » ; ils demandent une explication. De plus, ils sont entourés de toutes sortes d’hésitations, de « euh » et d’allongements qui montrent la difficulté de la mise en mots.
21L’enquêtrice insiste sur la nature de ce sentiment :
(2)
E hm hm qu’est-ce que vous avez senti
P <expiration très forte, soupir> c’est pas facile j’arrive pas à l’expliquer (5 sec) d’autant plus que quand quand (?j’en fais pas) c’est ; . . je me sens bien ; très bien ; euh <expiration longue> . je sais pas comme si ma tête elle se remplissait ; . . ma tête devient trop petite euh : ça ne siffle pas mais ça (12 sec) ; <P secoue la tête plusieurs fois>
22Ici on retrouve les commentaires métadiscursifs (« j’arrive pas à l’expliquer ») ; elle a d’autre part recours à des ressources prosodiques et non-verbales (<expiration très forte, soupir>, <expiration longue>, <P secoue la tête plusieurs fois>). Au niveau de la formulation elle utilise des métaphores (« comme si ma tête elle se remplissait », « ma tête devient trop petite »). Pour essayer de résoudre la tâche de formuler et de communiquer ses sentiments ou sensations elle utilise donc des procédés conversationnels à tous les niveaux : verbal, prosodique et corporel (mimique et gestuel). Elle semble impatiente et énervée. On assiste ainsi à une sorte de mise en scène de la difficulté, voire de l’impossibilité de décrire ces sentiments ou ces sensations, la difficulté de « dire l’indicible »12.
23Dans cette situation, Carine finit par se servir d’une ressource supplémentaire, un texte sur ses crises ou sa situation que les médecins (du service psychosomatique de l’hôpital) lui avaient demandé d’écrire. Elle se penche en avant, saisit son texte qui est sur la table, le tourne de façon à pouvoir lire et dit d’un ton décidé : « j’ai écrit ». Mais elle ne lit pas le texte, elle le commente :
(3)
P je l’ai écrit parce qu’ici ça fait déjà aussi euh . trois semaines qu’il est passé, . le second, euh . le le gefühl [sentiment] je je peux l’expliquer, . après, . mais je l’oublie . j’oublie pas, (?) comment je peux expliquer ça . euh... oui jejejeje l’oublie . mais . ce que je ressens
24Le texte lui-même commence par le commentaire métadiscursif que nous connaissons déjà sous différentes formes orales : « J’ai du mal à expliquer ». Ensuite Carine tente de décrire cette sensation indescriptible : « Ça fait pas mal, pas vraiment mal, c’est plus une sensation qu’un mal » – cette phrase rappelle ses remarques sur la peur dont elle ne sait pas si c’est le terme approprié (cf. ex. 1). Ici aussi, après avoir décrit très précisément ses sensations corporelles, elle hésite sur ce terme : « Je ne suis pas sûre non plus que cela soit de la peur. C’est comme de la panique ».
25Le document écrit confirme l’importance du sentiment de la peur qui ressemble à de la panique, mais aussi l’importance de la difficulté de décrire – qui n’est donc pas due à la nécessité de formuler spontanément à l’oral mais apparaît comme une caractéristique de ce que Carine ressent. Un aspect particulier dont il n’avait pas encore été question auparavant est qu’elle résume dans son texte la situation biographique dans laquelle les crises ont commencé : « je n’étais pas en accord avec moi-même ».
26Plus tard dans l’entretien, la patiente est amenée à parler de sa famille : l’enquêtrice fait un commentaire concernant la sensation qui ressemble à la peur ou à la panique, mais qui est tout de même différente. Ce moment me semble important, car spontanément Carine commence à parler de son père :
(4a)
P quand j’étais petite s petite j’avais peur de mon père, . euh jusque quand je suis partie de la maison : j’avais quinze ans, . euh : . les dernières années, il partait toujours euh à l’étranger, pour euh deux trois . mois (…)
27Puis elle donne des détails sur son enfance et sa famille : Elle a vécu avec son père et sa belle-mère ; elle ne connaît sa mère que depuis six ans. À une question de l’enquêtrice elle répond : « j’ai une . famille très : compliquée […] très difficile, très problématique, très : . . <<pp> (chais rien ?) ». Puis elle reprend son récit et parle des retours de voyage de son père :
(4b)
P . .h <<forte>> et je sais que : le fait d’entendre la clé, dans : dans la serru, re d’entendre la porte s’ouvrir, ça me faisait : ça me faisait cette panique, là
E hm
P mais je sais aussi que je me suis déjà évanouie, . quand j’étais à la maison, E hm
P ça m’est arrivé une fois,
E mh
P euh : on a mis ça sur le compte de la peur,
E oui, . oui ;
28Il y a donc une peur qui est liée au père de Carine – et qui est liée également aux crises, au moins à des évanouissements. Cette peur lui est restée :
(5)
P c’est vrai que . ouais, je sais pas les je me retrouverais devant mon père maintenant, ce serait la même chose, hein,
E hm
P j’ai toujours aussi peur de lui,
E hm . hm (…)
P j’ai pas de compte à lui rendre,
E mh
P euh : ; . mes conneries je les assume toute seule il est plus obligé de les assumer pour moi ?
E hm
P . mais : ; . je me sens pas à l’aise devant lui de toute façon ;
E mh
P j’ai toujours ce : : cette peur panique, . de lui
29Un moment particulièrement intéressant – et comme on le verra, pertinent pour le diagnostic – est celui où Carine essaie de différencier sa sensation ou plutôt ses différentes sensations de peur. Après une description assez détaillée des symptômes corporels de la peur (« je sens mon cœur battre dans mon cou, je sens le flux de mon sang, mon cœur est lourd »), l’enquêtrice lui demande si ces sensations ressemblent à la panique. Pour préciser la qualité spécifique de sa peur, Carine la compare à un type de peur différent, sa peur des araignées :
(6)
P mhm . mais c’est vraiment plus la même peur ? que : euh : ; euh also j’ai j’ai une peur bleue des araignées ?
E hm
P mais : ce n’est pas la même peur
E ouais . oui oui
P c’est pas la même chose
E ouais
P euhm . non . . non non rien à voir
E hm
P pourtant je sais que j’ai peur des araignées ;
E oui
P <<en souriant> mais c’est> . c’est pas c’est pas le même c’est quand même pas le même c’est quand même pas le même euh le même pressentiment c’est
E hm hm
P différent
E oui
P panique . <<p> panique>
E mh
P . . pfhhh. : ... alors je dis panique parce que je trouve pas d’autre mot E oui
30Carine insiste beaucoup sur la différence entre les deux types de peur : « c’est vraiment plus la même peur » est reformulé trois fois (« ce n’est pas la même peur », « c’est pas la même chose », « non . . non non rien à voir »). Quand elle revient à l’autre type de peur, la peur des araignées, il y a encore toute une série de répétitions et d’autocorrections qui témoignent de la recherche d’un mot : « c’est quand même pas le même euh le même pressentiment », ce qui met cette sensation de peur en relation avec les sentiments qui précèdent une crise. Finalement elle remet en question le terme de « panique », qu’elle présente comme une solution provisoire de son problème de formulation : « alors je dis panique parce que je trouve pas d’autre mot ».
31La patiente accomplit donc un travail intensif de formulation pour distinguer sa peur des araignées (« une peur bleue ») des sensations difficiles à décrire (« pressentiments ») dont elle avait parlé avant. Elle accentue la différence à l’aide de nombreuses reformulations. La « panique » semble être liée aux deux types de peur : elle a un « objet » concret (le père), mais elle est tout de même difficile à décrire. Puisque la « peur panique » du père peut causer un évanouissement, il y a probablement un rapport avec les crises.
32Environ 45 minutes après le début de l’entretien, l’enquêtrice prend une première initiative de clôture ; il y en aura deux autres avant la clôture définitive. Carine sort un instant de la pièce. Quand elle revient, elle reste debout et demande ce que l’on fera de l’enregistrement. L’enquêtrice explique alors que les médecins s’intéressent aux descriptions subjectives qu’elle donne de ses crises. Carine semble surprise, elle reprend place :
(8)
P en fait je vous vois euh maintenant, parce que comme je leur ai dit qu’ déjà en français j’arrive pas à l’expliquer, alors (?) expliquer en allemand . euh . c’est encore plus compliqué
E (? non non mais) c’est normal <p> je crois que c’est effectivement quelque chose qui est très difficile à décrire
Pour la première fois le rôle de la langue maternelle semble être pertinent. Le commentaire de l’enquêtrice conduit Carine à une nouvelle tentative de « dire l’indicible » :
(9)
P c’est un c’est un . un pressen/ c’est euh . une sensation, hein c’est pas simple (?) c’est pas palpable, ça se touche pas, donc euh c’est pas du tout non . et comme je vous dis euh (pause 4 sec) quand elle est là, euh quand ce fu euh cette sensation est là, oui je peux l’expliquer ; je peux l’expliquer pendant pendant deux jours, après . parce qu’elle est fraîche, mais non pas que je l’oublie, mais : . c’est (3 sec) oui c’est/doch je l’oublie . j’oublie pas, que j’ai cette sensation, mais je sais pas comment ça se passe . . j’oublie le . et c’est pas plus mal . ça me dérange pas ; . moi je voudrais bien oublier
33Ici Carine fait un effort conversationnel considérable pour décrire la sensation qu’elle présente comme très difficile à saisir. Le commentaire métadiscursif est particulièrement intéressant parce qu’il ajoute une différenciation aux commentaires précédents : un rapport temporel entre la crise elle-même et le moment de son explication, ou plus précisément, la possibilité ou la faculté de l’expliquer : « je peux l’expliquer pendant deux jours, après . parce qu’elle est fraîche ». Mais cette faculté diminue ou disparaît avec la distance temporelle. Pourtant ce n’est pas vraiment un oubli ; l’oubli doit également être différencié.
34Quand on essaie d’un point de vue linguistique de découvrir « l’ordre » de cette description, on trouve un système de ressources conversationnelles qu’on peut catégoriser : des répétitions et des hésitations, des autocorrections, des reformulations, des ruptures, des énoncés contradictoires.
35Pour résumer l’analyse linguistique on peut donc retenir que :
la patiente fournit un travail intensif de formulation quand elle parle de ses crises et surtout des sentiments qui les précèdent ;
les descriptions et les séquences narratives sont souvent auto-initiées ;
Carine souligne particulièrement l’importance des différentes sortes de peur/panique ;
les détails et les différenciations concernant les sensations et le déroulement des crises sont le résultat d’un travail commun avec l’enquêtrice, ils sont un achèvement interactif (interactional achievement, cf. Schegloff, 1982) ou une co-construction (cf. Gülich & Krafft, 2015) ;
les ressources principales utilisées par l’enquêtrice sont : les marqueurs qui accompagnent la production verbale de la patiente (hm, oui, ah bon, etc.), les questions, les demandes de précision, les commentaires.
36Quand on tient compte des recherches antérieures qui ont été faites sur des patients allemands (et anglais, cf. note 3), ces observations mènent au bilan suivant13 : Les procédés conversationnels utilisés par Carine Girard correspondent à ceux qui s’étaient révélés typiques pour les patients souffrant de crises épileptiques. À partir de l’analyse linguistique de l’entretien on peut donc formuler l’hypothèse diagnostique que la patiente souffre de crises épileptiques.
37Mais il y a aussi un autre aspect : au cours de l’entretien, la reconstruction narrative de la biographie de Carine gagne en importance. On apprend qu’elle a vécu une enfance malheureuse (sa mère était absente, sa belle-mère ne l’aimait pas, elle a fait une tentative de suicide) et elle a éprouvé une peur panique de son père, qui lui est restée même dans sa vie d’adulte : Pour « déclencher » consciemment un sentiment de panique, il lui suffit de penser à son père. Carine envisage explicitement une cause psychique de ses crises, mais ne veut pas « remuer le passé ». Vers la fin de l’entretien elle avoue qu’elle se sent responsable de sa maladie et insiste sur un sentiment de culpabilité.
38Ces observations suggèrent un deuxième bilan : Elles correspondent partiellement à celles qu’on a pu faire en analysant des entretiens avec des patients souffrant de crises non-épileptiques psychogènes ou d’attaques de panique. Ainsi on peut – toujours à partir de l’analyse linguistique – formuler une hypothèse diagnostique supplémentaire : la patiente souffre aussi de troubles anxieux avec des attaques de panique.
39Dans le cas de Carine nous avons la chance d’avoir accès à son dossier à l’hôpital. Ce dossier contient aussi le rapport d’un hôpital psychiatrique où la patiente avait été soignée auparavant. Là on apprend qu’elle avait été hospitalisée à cause d’attaques d’angoisse d’origine incertaine ; de plus, on souligne l’importance d’une problématique familiale. Comme diagnostic préliminaire on avait retenu : « trouble panique (F 41.0) » et « phobies sociales (F 40.1) » et conclu à des « convulsions dissociatives (F 44.5) » (les chiffres renvoient à la CIM, cf. supra, section 1).
40Dans le centre d’épilepsie où la patiente, souffrant toujours de crises, se fait soigner deux ans et demi plus tard les médecins arrivent à la conclusion que ses crises sont épileptiques et qu’il s’agit d’une épilepsie focale (donc le type d’épilepsie qu’on peut localiser à un endroit précis dans le cerveau). Les symptômes d’angoisse doivent être considérés, selon eux, comme des sentiments précurseurs : il s’agit d’une aura épileptique. Un argument décisif pour le nouveau diagnostic est que dans l’entretien que la patiente a pu mener en français, elle a présenté une différenciation de la peur qui est typique pour les patients épileptiques : la peur ou l’angoisse qui se manifeste tout d’un coup sans être déclenchée par quoi que ce soit se distingue nettement de la peur d’un objet concret, p. ex. des araignées. Dans son rapport, le médecin souligne l’importance de cette distinction qui est pertinente pour le diagnostic. En ce qui concerne les crises de panique, le médecin leur suppose une origine non épileptique. Troisième volet du diagnostic, des crises psychogènes pourraient apparaître dans des situations particulièrement difficiles.
41Dans le premier hôpital on s’était limité à enregistrer le contenu de ce que disait la patiente : on tenait compte du fait qu’elle avait peur/panique et qu’elle avait des problèmes psychiques. Dans le deuxième hôpital on a pris en compte en outre la façon dont elle décrit ses sensations de peur et raconte des épisodes correspondants. On a intégré le travail de formulation dans l’ensemble des éléments diagnostiques. Le nouveau diagnostic permettra un nouveau traitement.
4. conclusion : quelques aspects du travail pluridisciplinaire
42Le cas de Carine Girard est un exemple concret qui illustre le type de travail pluridisciplinaire effectué par une équipe composée de linguistes et de médecins. Le point de départ est un problème de diagnostic différentiel, l’analyse linguistique contribue à le résoudre, le résultat est un nouveau diagnostic qui a des conséquences pour le traitement de la patiente14. Il faut retenir que ce résultat est le fait d’une coopération entre les disciplines : l’étude très fine et précise d’un enregistrement et d’une transcription dans le cadre d’une analyse conversationnelle ne pourrait jamais servir à la solution de problèmes de diagnostic médical sans une coopération avec l’autre discipline qui apporte les connaissances nécessaires pour interpréter et utiliser ce que les linguistes ont trouvé. Le savoir qui résulte de cet échange de connaissances et de compétences « émerge » de l’interaction, c’est une « construction collective » de « chercheurs en interaction » (cf. Mondada, 2005). En tant que membre d’équipes pluridisciplinaires on apprend à connaître et reconnaître les limites de son savoir ; on voit que l’on a encore beaucoup à apprendre même sur des sujets qui semblent familiers. On apprend surtout à s’ouvrir à d’autres perspectives.
43Une étude de cas comme celle présentée ici n’est intéressante pour les médecins ou les psychologues que quand on aboutit également, à côté de la recherche qualitative, à un résultat quantitatif. Pour l’obtenir, il faudrait faire abstraction du cas individuel, le comparer à d’autres cas, développer de nouvelles catégorisations, interpréter et évaluer les résultats dans un autre cadre disciplinaire — autant de tâches nouvelles pour un chercheur en linguistique qualitative15. Inversement, il est très difficile pour les médecins de travailler sur des enregistrements et des transcriptions d’entretiens authentiques et d’observer leur travail quotidien en tenant compte non seulement des informations que donne le patient, mais aussi de la forme, des procédés conversationnels auxquels il a recours. Ecouter patiemment la chaîne des reformulations des sentiments difficiles à décrire, suivre la reconstruction narrative longue et complexe de l’expérience subjective du malade est inhabituel pour eux. Le travail en équipe pluridisciplinaire est un défi, mais qui vaut la peine d’être relevé.
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Références
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Notes de bas de page
2 Cf. www.uni-bielefeld.de/lili/forschung/projekte/epiling/.Recherche subventionnée par la Deutsche Forschungsgemeinschaft (3/1999-2/2001) et par l’université de Bielefeld/ Allemagne (1997-2002) ; pour une présentation en anglais voir Gülich, 2012 ; en français : Furchner & Gülich, 2001 ; Gülich, 2010.
3 Cette recherche a été reprise en Angleterre (cf. http://listeningseizures.wikidot.com/start ; cf. aussi Schwabe et al., 2007 ; Reuber et al., 2014) et en Italie (cf. Cornaggia et al., 2012). Les résultats de la recherche sur les patients allemands ont été confirmés.
4 Équipe de recherche au Centre de Recherche Interdisciplinaire de l’université de Bielefeld/Allemagne en 2004. Les chercheurs appartenaient à différentes disciplines : neurologie, psychologie, psychiatrie, analyse conversationnelle. Cf. www.uni-bielefeld. de/ZIF/KG/2004Angst/ ; Gülich, 2010 : 191-193.
5 Théoriquement, il y a une distinction entre Angst (qui correspondrait à angoisse ou anxiété) et Furcht (peur), mais les patients ne tiennent pas compte de ces différences lexicales.
6 Cf. aussi Capps & Ochs, 1995, qui consacrent un chapitre (« Telling panic ») à l’analyse narrative et soulignent son importance tout au long de leur livre.
7 Cf. Charon, 2006. Pour une présentation générale cf. Lucius-Hoene, 2008.
8 François Goupy, professeur à l’université de Paris 5, qui enseigne la médecine narrative et qui tente de mettre en lumière « cette discipline méconnue », dans une conférence publiée le 04/03/2015 (http://www.aphp. fr/contenu/hotel-dieu-conference-sur-la-medecine-narrative, consulté le 26/10/2015).
9 Par exemple Maury-Rouan & Vion, 1993 ; Milewski & Rinck, 2014.
10 Pour une présentation plus détaillée en français cf. Furchner & Gülich, 2002, et pour un résumé : Gülich, 2010.
11 La patiente parle couramment l’allemand et a l’habitude de parler en allemand sur sa maladie. De temps en temps elle utilise des mots allemands au cours de l’entretien.
12 « Ce terme négatif [l’indicible] ne désigne pas […] l’impossibilité d’une formulation, mais sa difficulté. Il renvoie à l’effort d’une énonciation jugée non-adéquate, à ce qui est ressenti comme un travail, parfois un échec à dire », écrivent les éditeurs de LINX, qui consacrent un numéro spécial à « L’indicible et ses marques dans l’énonciation » (1998 : 9). Le rapport étroit avec le récit de maladie s’exprime dans Milewski & Rinck, 2014 qui intitulent la première partie du livre : « Dire face à l’indicible ». – Dans nos recherches nous avons constaté que les commentaires du type « c’est très difficile à décrire » sont caractéristiques pour les patients souffrant de crises épileptiques (cf. Furchner & Gülich, 2002 ; Gülich & Furchner, 2002 ; Gülich, 2005).
13 Comme les critères distinctifs sont des procédés conversationnels, les différences de langue ne jouent pas un rôle décisif.
14 À côté des conséquences pour le traitement médical on peut penser aux conséquences pour une intervention psychothérapeutique. Cet aspect, qui a été négligé ici, mériterait d’être pris en compte aussi, comme le montre l’étude du cas de « Sue » dans Reuber et al., 2014.
15 Pour le diagnostic de crises (non) épileptiques on trouve des exemples de telles abstractions dans les tableaux de Surmann 2005, pour celui de la peur et de la panique ; cf. les tableaux dans Lindemann, 2012 et Schöndienst & Lindemann, 2012. Cf. aussi la conception d’un Differential Diagnosis Scoring Table qui permet de retenir et d’évaluer les critères observés sur des patients anglais, développée par l’équipe anglaise cf. http://listeningseizures.wikidot.com/start.
Auteur
Professeure émérite en linguistique, université de Bielefeld
Professeure émérite de linguistique générale et de linguistique française à l’université de Bielefeld (Allemagne). Ses publications sont consacrées à différents thèmes dans les domaines du français parlé, de la linguistique textuelle, de l’analyse narrative et de l’analyse conversationnelle. Ses intérêts actuels s’inscrivent dans le cadre de recherches pluridisciplinaires et portent sur la communication médicale, notamment sur les entretiens entre médecins et patients.
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