Chapitre III. Révolte métaphysique ou "combat contre le néant"
p. 61-87
Texte intégral
"J'ai beaucoup étudié la vie. Elle est infiniment absurde et infiniment douloureuse".
Mirbeau, "Un Joueur", Le Figaro, 27 janvier 1889
"L'homme se traîne pantelant, de tortures en supplices, du néant de la vie au néant de la mort."
Mirbeau, "Un Crime d'amour", Le Gaulois, 11 février 1886
"Son pessimisme exaspéré s'apaise par le renoncement, et, grâce à l'ascétisme hors duquel tout est vain, notre mécréant s'achemine peu à peu vers la délivrance et le salut."
A. Baillot, L'Influence de la philosophie de Schopenhauer en France, 1927, p. 234.
Un univers absurde
1Toute l'oeuvre d'Octave Mirbeau baigne dans un pessimisme qui confine bien souvent au nihilisme, tant le mot "pessimisme" doit être entendu ici au sens littéral, c'est-à-dire au superlatif, comme l'a remarqué l'un de ses premiers commentateurs, Marc Eider : "Pour Mirbeau, tout est au plus mal dans le pire des mondes possibles"1. La vision tragique de la condition humaine qui imprègne toute sa production littéraire, et tout particulièrement Dans le ciel (1892-1893) et Le Jardin des supplices (1899), et qui, par bien des aspects, peut être considérée comme pré-existentialiste avant la lettre, résulte de la combinaison originale de six imprégnations majeures, dont il fait son miel : celles de Pascal, de Voltaire, de Rousseau, de Darwin, de Spencer et de Schopenhauer.
2Nourri de Pascal, Mirbeau est infiniment sensible à "la misère de l'homme sans Dieu". Mais alors que, pour l'auteur de l'Apologie de la religion chrétienne, l'homme, même dépourvu de la foi, a malgré tout une chance, ne serait-ce qu'infime, de sortir du piège de l'existence en pariant pour Dieu et en s'abêtissant dans l'espoir que, dans sa bonté infinie, celui-ci finira par lui octroyer sa grâce, pour Mirbeau, il n'existe aucun remède et aucune échappatoire : l’homme est condamné sans rémission. Athée et matérialiste depuis son adolescence, il sait bien que Dieu n'est qu'une "chimère" inventée par les dominants pour mieux écraser les faibles, et qu'il n'existe aucune puissance supérieure, ni bienveillante, ni sadique. Personne donc à qui remettre en toute confiance son destin. Personne non plus à qui s'en prendre, ou contre qui on puisse du moins se révolter, histoire de se défouler et de donner du même coup à sa misérable existence terrestre une dignité qui lui fait singulièrement défaut. Comme Maupassant, il lui arrive de le regretter, comme il le confie à Pissarro : "Je voudrais que Dieu existât pour l'injurier"2... Mais il n'a même pas cette (piètre) consolation.
3Pour lui, en effet, il n'existe qu'une seule substance, la matière, et elle est indestructible, comme l'affirme Spencer : "Il m'est impossible de concevoir la mort de la matière"3. Ce qui élimine d'entrée de jeu le recours illusoire à un être supérieur immatériel. D'ailleurs, cette "conception de la matière maîtresse de la vie [lui] paraît une conception autrement grande, autrement consolante, autrement morale, que celle d'un Dieu, baroque et dément, neurasthénique, qui ne se plaît qu'à mystifier les hommes, quand il n'exerce pas sur eux les pires violences et les plus folles cruautés"4. Aussi, à l'encontre des voeux des "mauvais bergers" de la République, soucieux d'assurer leur mainmise sur des âmes bien dociles, et qui se contentent de badigeonner d'une laïcité formelle l'enseignement religieux traditionnel, souhaite-t-il logiquement chasser "de l'enseignement primaire tout ce qui survit de spiritualisme, c'est-à-dire de mensonges rongeurs et de préjugés sociaux", afin d'y substituer "un enseignement rationaliste, matérialiste, qui permette à l'homme de se défendre contre les fantômes religieux et de regarder en face la vie telle qu'elle est, et non telle qu'on la lui montre, à travers les espérances énervantes, dévirilisantes"5.
4Rien donc, du côté de Dieu ou du Destin, qui donne un sens à la vie. De fait, en l'absence d'un grand architecte ordonnateur de l'univers, rien ne saurait avoir la moindre signification. Les choses sont, les hommes existent, il n'y a rien à en dire de plus. Ils n'ont par eux-mêmes aucun sens, ne correspondent à aucun projet, ne visent à aucune fin, et il serait bien présomptueux de s'imaginer qu'ils puissent en avoir une. En bon héritier de Voltaire, Mirbeau ironise sur les naïfs partisans du finalisme : "Les choses n'ont pas de raison d'être, et la vie est sans but, puisqu'elle est sans lois." Et d'ajouter plaisamment, pour se mettre au diapason des Pangloss et autres Bernardin de Saint-Pierre : "Si Dieu existait, comme le croit vraiment cet étrange animal d'Edison qui s'imagine l'avoir découvert dans le pôle négatif, pourquoi les hommes auraient-ils d'inallaitables mamelles ? Pourquoi dans la nature, y aurait-il des vipères et des limaces ? Pourquoi des critiques dans la littérature ?..."6. Puisque la vie elle-même ne cesse d'apporter des démentis cinglants à "la théorie des causes finales", il est clair que ce serait une "grande folie que de chercher une raison aux choses"7.
5Un des narrateurs de Dans le ciel, encore enfant, en contemplant le ciel étoilé, découvre une nuit ces terrifiantes vérités avant même d'avoir lu une ligne de Pascal : "Pour la première fois, j'eus conscience de cette formidable immensité, que j'essayais de sonder, avec de pauvres regards d'enfant, et j'en fus tout écrasé. 'Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraya' ; j'eus la terreur de ces étoiles, si muettes, dont le pâle clignotement recule encore, sans l'éclairer jamais, le mystère affolant de l'incommensurable. Qu'étais-je, moi, si petit, parmi ces mondes ? De qui donc étais-je né ? Et pourquoi ? Où donc allais-je, vil fétu, perdu dans ce tourbillon des impénétrables harmonies ? Quelle était ma signification ? Et qu'étaient mon père, ma mère, mes soeurs, nos voisins, nos amis, tous ces atomes emportés par on ne sait quoi, vers on ne sait où... soulevés et poussés dans l'espace ainsi que des grains de poussière sous le souffle d'un fort et invisible balai ?"8.
6Face à la "disproportion de l'homme" dans un univers contingent et qui n'est pas à sa mesure, la conscience de l'être pensant ne peut s'éveiller que dans l'angoisse. Et cette angoisse est proportionnelle à sa capacité de réflexion : "Chacun souffre plus ou moins, selon son degré de culture intellectuelle, car plus l'homme pense, plus il sait et plus il souffre"9. À l'instar de Georges, le "pauvre diable" de Dans le ciel, il ne peut que se sentir "écrasé par le mystère de ce ciel, par tout cet inconnu, par tout cet infini", qui pèse sur chacun de nous'10 et d'où procède "ce grand lamento qui secoue les mondes affolés par l'impénétrable énigme de la matière ou de la divinité"11. Comme Schopenhauer, Mirbeau — qui a mené campagne pour le néo-malthusianisme — et nombre de ses créatures considèrent que "le seul bonheur est de ne pas naître".
7Mais la plupart des hommes s'avèrent incapables de "regarder Méduse en face"12, et pratiquent lâchement la politique de l'autruche : ce que Pascal appelait "le divertissement". D'une part, ils tâchent de ne pas y penser et s'absorbent dans leurs agitations dérisoires et larvaires. Et, d'autre part, ils se raccrochent tant bien que mal à des illusions qu'ils supposent consolantes :
8- Les uns se forgent une représentation de Dieu, imaginent une providence, un destin, histoire de se rassurer en donnant un sens à ce qui n'en a pas. Comme si, "où qu'on aille", on ne heurtait pas "à du désordre et à de la folie"13. Comme s’il y avait une quelconque proportion entre ces "vils fétus" que sont les hommes et une divinité parfaite, omnipotente et prévoyante (Mirbeau retourne contre Dieu le texte de Pascal sur les deux infinis). Comme si l'existence du mal sous toutes ses formes était conciliable avec l'hypothèse d'une volonté bienveillante. À l'abêtissement proposé par Pascal au terme du "pari", et qui n'est à ses yeux qu’une autre forme de divertissement, ou d'aveuglement volontaire, il oppose la lucidité impitoyable de Voltaire dans Candide et recense complaisamment, avec une espèce de délectation morbide, les atrocités constitutives de la vie : "L'univers m'apparaît comme un immense, un inexorable jardin des supplices"14, conclut le narrateur du Jardin au terme de son atroce périple initiatique. Toute l'oeuvre mirbellienne, longue litanie de la douleur humaine, en apporte une terrifiante illustration.
9- D'autres prennent acte de l'absence de Dieu, mais refusent pour autant la conclusion qui s'impose : l'univers n'est qu'un chaos sans rime ni raison, "un crime", mais sans criminel. Pour l'orthodoxie scientiste qui triomphe avec la Troisième République, il s'agit en effet d'éliminer Dieu en douceur, sans rien bouleverser d'un ordre mental et d'un ordre social que les nouveaux maîtres du pays entendent bien préserver à leur profit exclusif. Certes, Dieu est une hypothèse inutile. Mais il convient de remplacer la divine providence par un ersatz : l'existence de lois immuables et nécessaires découlant de la nature des choses, comme disait Montesquieu — auquel Mirbeau fait implicitement référence lorsqu'il écrit, par exemple, que "chaque pays a les tendances fatales de sa race et se développe suivant son milieu"15. Dès lors, il suffit aux hommes de science, devenus les interprètes autorisés des mystères de la vie, d'appliquer intelligemment les principes de la méthode expérimentale pour vérifier leurs hypothèses, les transformer en lois, et, au bout du compte, réaliser le rêve de Descartes d'un univers entièrement intelligible. Le savant est l'autorité bienfaisante et infaillible dont la société bourgeoise a besoin pour se rassurer et préserver son ordre.
10Bien sûr, Mirbeau n'est pas de ceux qui s'effraient des lumières de la science. Bien au contraire, il souhaite qu'elles soient aussi largement diffusées que possible - par l'école, par la presse, par la littérature, par les universités populaires - pour refouler le "poison" des religions et éliminer définitivement l'obscurantisme au moyen duquel les puissants perpétuent leur domination sur les larves humaines dûment anesthésiées et "chloroformées d'idéal" — comme le petit Sébastien Roch16. Mais il se méfie comme de la peste du scientisme, qui ne lui apparaît que comme une dangereuse dégénérescence de la vraie science :
11- D'abord, parce qu'il fait des savants les nouveaux prêtres d'une religion de la science, qui tourne le dos à l'esprit scientifique. Leur prétendue infaillibilité est aussi lourde de dangers que celle des antiques religions. Elle est un masque commode pour justifier, au nom de la science, les pires iniquités : il en aura une confirmation lors de l'affaire Dreyfus, et stigmatisera la forfaiture commise impunément par le "triolet" de pseudo-experts graphologues aux noms de fripouilles balzaciennes, Couard, Belhomme et Varinard17. Elle peut aussi dégénérer en une véritable dictature presque aussi obscurantiste et rétrograde que celle de l'Église de Rome, comme le prouve la complicité des républicains et des cléricaux lors de la révocation du pédagogue libertaire Paul Robin, dont aussitôt le polémiste prend vigoureusement la défense18. Aussi ne cesse-t-il de mettre en garde contre ces dérapages en présentant des scientifiques foireux, et néanmoins affligés d'un dogmatisme aberrant et d'un autoritarisme ne souffrant aucune discussion. Par exemple le docteur Triceps, prototype du faux savant, qui apparaît dans L'Épidémie (1898) et Les 21 jours d'un neurasthénique (1901), et qui prétend soigner la pauvreté par des psychothérapies. On en trouve d'autres spécimens gratinés dans Dingo (1913), avec le professeur Legrel, et dans Le Jardin des supplices (1899), où l'intelligentsia positiviste de la République conclut qu'il convient de cultiver scientifiquement le meurtre pour assurer le bon ordre social. En opposant ainsi la vraie science et le charlatanisme affublé de l'étiquette mensongère de "science", Mirbeau se situe dans le droit fil des combats de Molière contre la prétendue "médecine" de son temps, qui n'était à ses yeux que "pure grimace" (Dom Juan, acte III, scène 1).
12- Et puis, s'il est vrai que les chercheurs peuvent rendre compte d’un certain nombre des mystères de la nature, bien circonscrits au "petit canton de l'univers" habité par l'homme, ils sont bien en peine de connaître "le principe et la fin" de toutes choses, qui restent enfouis "dans un secret impénétrable", comme l'a bien vu Pascal. Ils ne peuvent connaître le "pourquoi" des choses, puisque, précisément, il ne saurait y avoir de réponse à ce type de question : "Quant aux poètes, aux philosophes, aux savants qui se torturent l'esprit pour chercher la raison, le pourquoi de la vie, qui l’expriment en formules contradictoires, qui la débitent en préceptes opposés... ce sont des farceurs ou bien des fous... Il n'y a pas de pourquoi"19. Certes, il est éminemment probable, comme le pensaient Spencer et Schopenhauer, qu'il existe des "grandes lois que nous ignorons et qui nous dirigent" à notre insu20. Mais les savants sont condamnés à passer à côté sans les voir parce que cette force à l'oeuvre dans l'univers ne relève pas de leur compétence. Nous devrons donc nous contenter d'approximations, ou d'hypothèses entachées d'erreurs, et, pour l'essentiel, continuer de vivre entourés de mystères insondables, comme Herbert Spencer, dès 1862, l'affirmait dans ses Premiers principes (traduit en français en 1871).
13- Enfin, la connaissance scientifique ne remédie pas à l'angoisse existentielle qui étreint tout être pensant confronté à "l'ignoré". C’est en vain que le narrateur du Jardin des supplices, pseudo-embryologiste, ira, sur les traces d'Ernst Haeckel, rechercher dans les mers du sud "l'initium protoplasmique de la vie organisée", dans l'espoir de "violer les mystères, aux sources mêmes de la vie"21... Mystification significative de l'impuissance radicale de la science. Mais à défaut des "sources de la vie", le faux savant traversera les cercles de l'enfer et en sortira brisé pour avoir découvert la plus inexorable et la plus révoltante de ces lois naturelles qui nous gouvernent sans que, le plus souvent, nous en ayons conscience, à force de nous gargariser de notre progrès et de notre humanité : la loi du meurtre.
La loi du meurtre
14Pour avoir lu Joseph de Maistre, et aussi, bien sûr, Darwin — L'Origine des espèces a été traduit dès 1862 —, Mirbeau a eu tôt fait de prendre conscience avec horreur de cette loi dont le rappel obsédant constitue le leitmotiv de nombre de Contes cruels et de plusieurs romans. Il n'est certes pas le seul à avoir compris que "dans la vie, il faut manger ou être mangé"22, et que "la loi du monde, c'était la lutte inexorable, homicide, qui ne se contentait pas d'armer les peuples entre eux, mais qui faisait se ruer l'un contre l'autre les enfants d'une même race, d'une même famille, d'un même ventre"23. Zola et Barbey d'Aurevilly, notamment, développent le même thème. Mais il y a chez Mirbeau un martelage de cette idée, profondément enracinée dans son angoisse existentielle, qui donne à son oeuvre une tonalité et une couleur qui lui sont propres. La lutte pour la vie et la sélection naturelle, qui expliquent l'évolution des espèces depuis l'apparition de la vie sur terre, n'épargnent évidemment pas l'espèce humaine qui, depuis des millénaires, se livre avec délectation à cette "fonction normale de la nature et de tout être vivant" qu'est le meurtre24. En effet, "le besoin de tuer naît chez l'homme avec le besoin de manger et se confond avec lui. Ce besoin instinctif, qui est la base, le moteur, de tous les organismes vivants, l'éducation le développe au lieu de le réfréner ; les religions le sanctifient au lieu de le maudire ; tout se coalise pour en faire le pivot sur lequel tourne la société"25.
15Faut-il s'étonner, dès lors, si l'homme moderne, rejeton monstrueux des noces de la nature et de la culture, et ainsi soumis à cette double pression qui le pousse au meurtre, forme de l'instinct sexuel avec lequel il se confond26, non seulement est bien en peine de résister aux pulsions homicides du fauve tapi en lui, mais éprouve, quand il y cède, une exaltation à nulle autre seconde, que le Divin Marquis a le premier mise en lumière ? Ainsi Mirbeau observe-t-il, chez les tireurs des stands forains, des réactions lourdes de signification : "La sensation est exquise de penser que l'on va tuer des choses qui bougent, qui avancent, qui semblent parler, qui supplient"27. Mais ce ne sont là que de pâles ersatz, et combien plus intense est "la joie, la vraie et puissante joie du meurtre"28 quand on peut vraiment passer à l'acte ! Nombre de personnages des Contes cruels connaissent cette "joie" qui les enivre ou les apaise : voir par exemple "En traitement", "Un Homme sensible", "Le Colporteur", "L'Assassin de la rue Montaigne", "La Livrée de Nessus", "Un Joyeux drille", "Colonisons", "Âmes de guerre" etc.
16Considérée de la sorte, sous l'angle de la nature et sous celui de la culture, l'humanité n'apparaît plus, dès lors, que comme "un vaste abattoir"29, la pseudo-"civilisation" comme un simple vernis qui craque à la première occasion, et tout être humain comme un assassin en puissance : "Il n'existe pas une créature humaine qui ne soit, virtuellement du moins, un meurtrier (...). Je ne peux faire un pas sans coudoyer le meurtre, sans le voir flamber sous des paupières, sans en sentir le contact aux mains qui se tendent vers moi..."30. Dans ses Contes cruels, Mirbeau s'attache à débusquer ces lueurs de meurtre qui éclosent brusquement chez des individus que l'on eût pu croire suffisamment rassis et équilibrés pour être à l’abri de ces résurgences de la bête primitive, dont les darwiniens ont révélé la permanence II parle d'ailleurs en connaissance de cause : car, en décembre 1883, si l'on en croit Edmond de Goncourt31, il aurait mis en lambeaux le petit chien de son infidèle maîtresse Judith, scène qu'il va transposer dans Le Calvaire. C'est vraisemblablement la découverte de "la brute homicide" qui "dormait au fond de [son] être" et "s'est réveillée fatale et farouche"32, qui a précipité sa fuite à Audierne. Personne, pas même lui, n’est donc à l'abri de cette fièvre meurtrière inscrite dans notre héritage génétique et à laquelle la société offre de multiples exutoires légaux. A la même époque Robert-Louis Stevenson et Jean Lorrain ne disent pas autre chose.
17L'autre aspect de cette loi du meurtre, c'est que, pour se perpétuer, la vie a besoin de la mort, comme le confirment les biologistes contemporains : avec la reproduction sexuée, est apparue la mort de l'organisme individuel, de sorte que "le sexe et la mort, l'amour et la destruction, ont partie liée", comme le note à juste titre Michel Mercier, à propos du Journal d'une femme de chambre33. Entre la vie et la mort existe une relation dialectique, que Mirbeau va illustrer d'une facon paroxystique dans Le Jardin des supplices, mais qu'il exprime dès 1893 dans un article relatif à l'alliance franco-russe : "Je suis persuadé qu'il existe dans la nature une force mystérieuse pour nous, une force que nous ne connaissons pas encore — car que connaissons-nous ? — une force qui n'est peut-être, après tout, que la Vie, et contre laquelle, à de certains moments d'excessive épouvante, se brise le génie destructeur de l'homme... La Vie aime la Mort, elle a besoin de la Mort, comme la terre du fumier, puisque c'est de la Mort qu'elle tire chaque jour, à toute heure, son renouveau de jeunesse et ses énergies de fécondité. Mais elle est plus forte que la Mort. Elle la dirige, la maintient, la contient dans un équilibre constant et dans une parfaite harmonie"34.
18"La nature aime la mort", affirme plus sobrement la Clara du Jardin des supplices35, qui est une experte en la matière : n'est-elle pas "la fée des charniers" et "l'ange des décompositions et des pourritures ?"36. Le triste narrateur, sur le mode lyrique, fait le même constat : sa pensée "voudrait franchir le décor de ce charnier, pénétrer dans la lumière pure, frapper enfin aux Portes de vie... Hélas ! les Portes de vie ne s'ouvrent jamais que sur de la mort, ne s'ouvrent jamais que sur les palais et sur les jardins de la mort [...]. Et c'est l'homme individu, et c'est l'homme-foule, et c'est la bête, la plante, l'élément, toute la nature enfin, qui, poussée par les forces cosmiques de l'amour, se rue au meurtre, croyant ainsi trouver, hors la vie, un assouvissement aux furieux désirs de vie qui la dévorent et qui jaillissent d'elle, en des jets de sale écume !"37.
19Dans le cycle indéfiniment recommencé de la Nature "aux desseins impénétrables", c'est donc sur la pourriture que poussent les plus belles fleurs — "les fleurs du mal", expression qui, dans Le Jardin des supplices, est à prendre au sens littéral, comme l'a noté Michel Delon38. C'est aussi sur la souffrance des hommes que leur plus noble inspiration créatrice prend son essor, comme Mirbeau l'a illustré avec Dans le ciel, et comme il en apporte la preuve dans la structure même du Jardin des supplices : s'il n'avait pas traversé les cercles de l'enfer, le minable "vagabond de la politique" présenté dans "En mission" se serait-il transmué en un écrivain capable de nous fasciner par le récit de sa propre dégradation ? Il faut mourir — symboliquement — pour renaître : tel est bien le principe de toute initiation.
20Le terreau et le fumier deviennent le symbole de l'éternelle transmutation de la matière, qui fait de la vie avec de la mort et du beau avec de l'immonde. Ce terreau que Mirbeau aime "comme on aime une femme", dont il se "barbouille", et dans lequel il devine "les belles formes et les belles couleurs qui naîtront de là"39. Ce fumier dont le peintre Lucien de Dans le ciel, inspiré de Van Gogh, aimerait tant rendre l'impression de mystère vital et angoissant : "C'est d'un mystère ! Figure-toi... un tas d'ordures, d'abord, avec des machines... et puis, quand on cligne de l'oeil, voilà que le tas s'anime, grandit, se soulève, grouille, devient vivant... et de combien de vies ?... Des formes apparaissent, des formes de fleurs, d'êtres, qui brisent la coque de leur embryon... C'est une folie de germination merveilleuse, une féerie de flores, de faunes, de chevelures, un éclatement de vie splendide !"40.
"L'universelle souffrance"
21Dans cet univers contingent, livré à la loi du meurtre, et voué à une inéluctable fin — leitmotiv de la littérature décadente — l'homme est inexorablement condamné à la solitude, "irrémédiable", et à la souffrance, consubstantielle à la vie et à la conscience ; et il "se traîne pantelant de tortures en supplices"41, de "l'immense dégoût de vivre" à "l'immense effroi de mourir"42 : "Qu'importe de vivre comme je vis ? C'est vivre qui est l'unique douleur ; vivre dans la jouissance, parmi les foules, ou vivre dans la douleur, au milieu de l'effroi du silence et de la solitude, n'est-ce donc pas la même chose ?"43.
22De fait, à lire Mirbeau, on a bien l'impression que la vie humaine n'est qu'un long "supplice", et que le bonheur, auquel tout homme aspire confusément, n'est qu'une illusion, ou, pire encore, comme l'écrit Jean Mintié, l'anti-héros du Calvaire, "qu'une forme plus persécutrice et raffinée de la souffrance universelle"44. Parce que, loin d'apporter l'apaisement souhaité, ce que les hommes s'imaginent naïvement être le bonheur, n'étant qu'une "chimère", est à la source de cruelles désillusions. Passons brièvement en revue les "misérables échappatoires", comme dit Pascal, auxquelles les hommes ont recours dans le vain espoir de s'évader de leur pitoyable condition.
1) Le plaisir
23Chez Mirbeau comme chez Baudelaire, il est éminemment mortifère. D'abord, on l'a vu plus haut, parce qu'il a partie liée avec la mort et avec le meurtre : "Il vient de la vanité et il va au crime. Il vide les cervelles, pourrit les âmes, dessèche les muscles, d'un peuple d'hommes robustes fait un peuple de crétins. [...] C'est lui le pourvoyeur des bagnes et qui alimente les échafauds"45. On en a la confirmation avec la danse macabre hallucinatoire qui clôt étrangement Le Calvaire : Jean Mintié croit apercevoir des "lambeaux de corps humains, décharnés par la mort", qui se ruent "l'un sur l'autre, toujours emportés par la fièvre homicide, toujours fouettés par le plaisir..."46 — image empruntée aux Fleurs du mal.
24Ensuite, parce que, loin d'apaiser le désir, le plaisir ne constitue qu'une trêve éphémère — "l'Inquiétude et le Remords l'accompagnent"47 — et ne fait en réalité que l'exacerber. Car, comme l'a dit Schopenhauer, en satisfaisant un désir, on en laisse quantité d'autres inassouvis ; et, si "le désir dure longtemps", "la jouissance est courte et étroitement mesurée", de sorte que, "tant que nous nous abandonnons aux espérances qui nous pressent, il n'est pour nous ni repos, ni bonheur durable"48. Le plaisir constitue en réalité une espèce de drogue, et, pour retrouver l'étourdissement qu'il procure, l'esclave du plaisir, peu à peu dépossédé de lui-même, - s'engage dans une inlassable poursuite qui, de satiété en inassouvissement, ne peut déboucher que sur la mort. C'est ce qui apparaît, par exemple, dans un des Petits poèmes parisiens de 1882, "Le Bal des canotiers", où l'on peut voir une manière de corollaire du "Vieux saltimbanque" de Baudelaire. L'auteur y observe une "vieille femme qui mène la danse", et remarque : "Et rien n'est mélancolique comme le spectacle de cette vieillesse, dont le fard ne cache pas la lividité, dont le plaisir sans merci fouette les membres meurtris et lassés, et qui va sautillant comme une sorcière, sans remords et sans pensée, des hontes de la vie aux terreurs vengeresses de la mort éternelle"49. On entend là comme un écho de l'analyse pascalienne du "divertissement" : c'est "la plus grande de nos misères", puisqu'elle nous empêche de voir "le précipice" vers lequel nous courons, et qu'elle "nous fait arriver insensiblement à la mort", qui en est "le comble éternel".
2) L'amour
25Pour Mirbeau, comme pour Schopenhauer, ce que nous appelons "l'amour" n'est qu'un piège tendu à l'homme par la nature, qui se sert de la femme pour qu'il accomplisse à son insu ses desseins impénétrables : "La nature, qui sait ce qu'elle fait et qui n'a souci que de vie, de toujours plus de vie, a voulu que nous fussions bêtes devant la femme, comme une dévote devant un Dieu de miracle, et que, en dépit de nous-mêmes, nous nous destinions à être les dupes éternelles de ce besoin obscur et farouche de création qui gonfle et mêle à travers l'univers tous les germes, toutes les vivantes cellules de la matière animée"50. Mais cet "amour", pour perpétuer la vie, a besoin de la mort : "Pour vivre, pour renouveler, pour créer, ne faut-il pas détruire ? N'est-ce pas dans la décomposition, dans la pourriture, que la vie fait son nid et dépose ses germes ?"51. Dès lors, "il y a forcément du sang et de la mort à la base de tout amour"52.
26À cette loi naturelle s'ajoute l'effet pathogène de la vie en société. Celui des lois sociales, qui ont perverti le sentiment amoureux par le mariage monogamique destiné à assurer "la transmission de la propriété". Et celui des lois religieuses, qui font de l'amour "un épouvantail et un péché"53, et sont à la source des frustrations, des névroses et des perversions de toutes sortes, désastreuses pour l'individu et dangereuses pour l'équilibre de la société. Analyse illustrée notamment par L'Abbé Jules, et aussi par Sébastien Roch, L'Écuyère et La Belle Madame Le Vassart.
27Il en résulte que l'amour, qui, à en croire la littérature, est le plus noble des sentiments, et qui, selon Mirbeau lui-même, "nous porte à découvrir, sous la bête qui est en nous, le renouveau du dieu que nous avons été"54, l'amour, donc, est à l'origine de la plupart des tragédies qui endeuillent l'existence humaine : "Deux êtres se rencontrent, causent, se mettent à s'adorer. Le premier choc est si violent que tout s'écroule autour d'eux, tout, passé, présent, avenir. Il y a table rase et vie toute nouvelle. L'aimant est si irrésistible qu'il attire à travers les plus épais obstacles. Le premier baiser, qui n'a l'air de rien, qui rit, qui joue, qui blague, est le premier chaînon d'une chaîne qui va souvent jusqu'au crime, jusqu'au suicide, à travers le dégoût, le désespoir et les larmes. [...] Chez les peuples civilisés, l'amour se complique de tout le mécanisme des lois sociales, de tous les préjugés moraux, et, dans la lutte ouverte qu'engage l'amour contre ces préjugés et ces lois, il est d'expérience que c'est le premier qui succombe. [...] L'amour moderne ne marche qu'accompagné de deuils, de folies, de trahisons, de dégoûts, de révoltes, de toutes les passions funestes de l'esprit. Et toujours, trivial ou sublime, il y a du sang au dénouement"55. Comme le dit plus lapidairement le narrateur du "Colporteur" : "De la bêtise et de la folie, beaucoup de boue et beaucoup de sang, c'est ça l'amour !"56.
28Dès lors, loin d'être une consolation ou un épanouissement, cette "duperie", cette "mystification" qu'est l'amour, s'avère un intolérable supplice, et les rares moments de plénitude apparente et d'exaltation passagère qu'il autorise, en guise d'appas, sont bien chèrement payés, comme le constate amèrement Jean Mintié, dans Le Calvaire : "Si vous saviez de quoi c'est fait, cet amour, de quelles rages, de quelles ignominies, de quelles tortures ! Si vous saviez au fond de quels enfers la passion peut descendre, vous seriez épouvanté"57. Nombre de Contes cruels et de romans — notamment La Belle Madame Le Vassart, Jean Méronde, Jean Marcellin, Le Calvaire, dont le titre est éloquent, et Le Jardin des supplices — nous présentent des personnages dépossédés d'eux-mêmes et peu à peu minés, dégradés, avilis, ravagés, détruits, par cette douloureuse maladie qui les mène inéluctablement à leur perte.
29En digne continuateur de Barbey d'Aurevilly, Mirbeau nous présente donc de l’amour une image diamétralement opposée à la convention des romans idéalistes à la mode, et dûment débarrassée de ses oripeaux romantiques. Comme le peintre Lirat du Calvaire, comme son ami Félicien Rops, qui lui sert de modèle pictural, il nous donne à voir "l'Amour barbouillé de sang, ivre de fange, l'Amour aux fureurs onaniques, l'Amour maudit, qui colle sur l'homme sa gueule en forme de ventouse, et lui dessèche les veines, lui pompe les moelles, lui déchire les os"58. Il ne saurait donc y avoir d'amour heureux, et ce qu'il est convenu d'appeler par ce mot passe-partout, et qui ne signife plus rien, n’est en réalité que l'une des formes prises par l’éternelle guerre des sexes : l'homme et la femme sont en effet séparés par un abîme d'incompréhension et de malentendus, et, on l'a vu, "la souffrance est peut-être la seule chose qui puisse les rapprocher"59. "Peut-être" : voilà qui en dit long sur la radicale étrangeté des sexes, qu'illustrent, de façons différentes, Amants et Vieux ménages, l'un sur le mode farcesque, l'autre sur le mode grinçant (cf. infra le chapitre VII).
3) La sensibilité
30Au premier abord, la sensibilité semble être une qualité éminemment précieuse, puisque c'est elle qui permet à l'individu de vibrer devant le spectacle indéfiniment renouvelé de la nature, de communiquer avec les autres et de s'élever jusqu'au sentiment du beau, qui confine au sacré, voire au divin. Bref, c'est ce qui donne à la vie son goût et son prix. Sans elle, l'homme ne serait toujours rien de plus, au terme de sa longue évolution, que le "singe féroce et lubrique" de la préhistoire, dont il porte l’empreinte, indélébile. C'est pourquoi, par exemple, tirant la leçon de l'internement de Maupassant, qui n'a, selon lui, jamais rien aimé, Mirbeau écrit à l'ami Monet : "Oui, Monet, aimons quelque chose pour ne pas mourir, pour ne pas devenir fous"60.
31Malheureusement, cette sensibilité, à l'usage, se révèle aussi un piège mortel. C'est elle en effet qui expose l'individu à tous les coups du destin, à toutes les épreuves infligées par une société darwinienne ; c'est elle qui le met à la merci de la moindre souffrance. Elle est donc "un legs fatal", un handicap dommageable, comme en ont fait l'expérience, à leurs dépens, nombre de personnages mirbelliens. Par exemple, le narrateur d'"Un Homme sensible", "tout enfant, [était] doué d'une sensibilité excessive, exagérément douloureuse, qui [le] portait à plaindre — jusqu'à en être malade — les souffrances des autres"61. De même le "pauvre diable" qui égrène ses "souvenirs", est né "avec le don fatal de sentir vivement, de sentir jusqu'à la douleur, jusqu'au ridicule"62. Il en est de même de Georges, l'un des narrateurs de Dans le ciel, qui est affligé du même "don fatal", et du peintre Lucien, qui "aime les pauvres gens d'une tendresse immense, comme la douleur humaine"63. Mirbeau, une fois de plus, parle en connaissance de cause, parce que, doté d'une sensibilité d'écorché vif, il n'a jamais pu supporter la souffrance des hommes, et pas davantage celle des bêtes (il est très hostile à la chasse) ; aussi la boucherie de la première guerre mondiale a-t-elle été pour lui une agonie de tous les instants. De fait, "la pitié", qui a été le moteur de ses révoltes et de ses engagements en faveur des "pauvres gens", ce n'est pas autre chose que "la transmission rapide, électrique, d'une souffrance"64 — c'est-à-dire de la "sympathie", au sens littéral du terme. Et c'est pour mettre fin à cette "souffrance" que, chez les âmes d'élite, la pitié peut conduire à l'action.
32Dès lors, pour se prémunir, se mettre à l'abri, s'endurcir contre les coups imprévisibles, forte est la tentation de se renfermer dans un égoïsme homicide, comme tous ces "honnêtes gens" selon la loi, qui abondent dans les récits de Mirbeau : murés dans leur inaltérable bonne conscience (voir L'Ecuyère, La Maréchale, Vieux ménages, L'Épidémie, Le Journal d'une femme de chambre, Le Foyer), ils acceptent lâchement les pires monstruosités. Ou bien, comme "l'homme sensible" de la nouvelle qui porte son nom, ils tentent de se libérer de cette souffrance intérieure en martyrisant de pauvres bougres sans défense, selon la technique bien rodée du bouc-émissaire. Bonne fille, la société bourgeoise leur offre à bon compte de commodes exutoires : les pogroms antisémites, les lynchages, les conquêtes coloniales, les guerres, la lutte des classes, sans parler des violences conjugales et parentales, qui sont le lot quotidien de tant de "braves gens"...
33Pour les philosophes tels que l'abbé Jules ou l'amateur de corneilles65, le seul remède serait le détachement, voire le total renoncement, et, à l'extrême, l'anéantissement du désir et de la conscience, bref le nirvana des bouddhistes. Selon A. Baillot, Mirbeau, après Schopenhauer, a en effet "senti que la nature et l'homme émanaient d'un même principe créateur et qu'ils demeuraient régis par la même force, par la même volonté. Il s'est rendu compte aussi que l'homme, objectivation supérieure de la force vitale, était seul capable de réduire, par la puissance de son intellect, cette volonté dominatrice"66. Malheureusement, l'échec de l'abbé Jules — qui ne parvient pas à juguler en lui les appétits de la bête —, et celui de l'amateur de corneilles — qui a investi son affection dans une corneille apprivoisée, pourtant destinée, elle aussi, à mourir —, prouvent qu'il s'agit là d'un idéal inaccessible pour des êtres qui, malgré qu'ils en aient, sont dotés d'un minimum de sensibilité bien difficile à éradiquer. Alors, le seul apaisement, définitif, celui-là, c'est la mort... Ce sera le choix de Daniel, le musicien de génie, dans La BelleMadame Le Vassart (1884). celui de Julia Forsell dans L'Écuyère (1882), et celui du peintre Lucien de Dans le ciel (1893). Ce sera aussi la tentation du petit Sébastien Roch le jour de la rentrée des classes, au collège des jésuites de Vannes. Et bien souvent aussi celle de Mirbeau, par exemple à Audierne : "Il y a près d'ici une belle roche" — écrit-il à l'ami Hervieu — "autour de laquelle la mer bouillonne et tord son écume avec furie. Je suis allé l'autre jour lui rendre visite, et je me disais, en contemplant ce gouffre, qu'on devait bien y dormir"67.
4) L'idéal
34Nombre d'hommes tentent de donner un sens à leur existence "absurde et douloureuse" en se raccrochant à un idéal qui les réconforte, qui soit un facteur de stabilité, qui détermine leurs projets et dicte leur conduite. Mais, loin d'étancher leur soif d'absolu, cet idéal se transmue rapidement en une nouvelle source de torture :
35- Chez les âmes d'élite, tels les artistes dignes de ce nom, l'idéal qu'ils se sont fixé et qu'ils tentent de concrétiser de toute la force de leur génie créateur, est situé tellement "au-dessus des forces humaines" qu'ils s'épuisent en vain à s’en rapprocher, tels Claude Monet, Vincent Van Gogh, Paul Cézanne... ou Octave Mirbeau lui-même. Pour lui, comme pour Baudelaire, la condition de l'artiste constitue donc une tragédie, qu'il évoque pathétiquement dans cet admirable roman qu'est Dans le ciel, où le peintre Lucien finit par se couper la main "coupable" de trahir l'oeuvre idéale qu'il porte en lui. Pour une âme d'élite toute différente, l'étonnant père Pamphile de L'Abbé Jules, l'idéal est le rachat des chrétiens prisonniers des Turcs et la reconstruction de son abbaye en ruines : pour l'atteindre, il supporte pendant trente-cinq ans les pires misères matérielles et les plus mortifiantes des avanies, et parvient ainsi à se délivrer de toutes les chaînes, et à être aussi libre que Diogène. Mais son idéal n'est que le produit de son aliénation mentale, et l'exemple n'incite guère à marcher sur ses traces...
36- Pour la masse des "larves immondes" qui constituent l'écrasante majorité de la misérable humanité, les prétendus "idéaux" se révèlent, à l'usage, de meurtrières duperies. La Religion, la Patrie, la Propriété, le Pouvoir, l’Ordre, les Honneurs, le Progrès, la Liberté, la Révolution, autant de "grands sentiments dont on nous berne"68 et qui font une effroyable consommation de créatures humaines. Car ils poussent les hommes à se lancer aveuglément, et avec la bénédiction des Églises et des gouvernants de tout poil, dans d'incessants massacres : "ad majorem Dei gloriam, "pour la France", "pour la civilisation occidentale et chrétienne", "pour le monde libre", "pour le Roi" ou "pour le Parti"... Aussi bien, comme l'abbé Jules, Mirbeau entreprend-il, dans toutes ses oeuvres, d'arracher les masques qui camouflent la hideuse réalité dans l'espoir de déraciner ces "idéaux" homicides de la conscience des hommes (cf. infra le chapitre IV). C'est notamment le sens de l'ironique dédicace du Jardin des supplices : "Aux Prêtres, aux Soldats, aux Juges, aux Hommes qui éduquent, dirigent, gouvernent les hommes, je dédie ces pages de Meurtre et de Sang".
5) La nature
37À l'abbé Jules, justement, qui est nourri de Jean-Jacques, aussi bien qu'à Mirbeau lui-même tout au long de sa vie, la nature apparaît comme un refuge salutaire, comme une source d'élévation loin des "miasmes morbides" des sociétés humaines, comme le moyen privilégié de se racheter et d'apaiser sa conscience tourmentée, en même temps qu'elle offre, à ceux qui sont dotés d'un "sentiment artiste", les inépuisables trésors de ses beautés, dont on ne saurait se lasser : "Chaque fois que je m'arrête quelque part — confie-t-il à Marc Eider —, n'importe où, et qu'il y a un peu d'eau, des arbres, et, entre les arbres, des toits rouges, un grand ciel sur tout cela, et pas de souvenirs, j'ai peine à m'en arracher"69. Aveu du même ordre dans une lettre à Claude Monet : "Il n'y a que la terre. Moi, j'en arrive à trouver une motte de terre admirable, et je reste des heures entières en contemplation devant elle"70 — ce qui ne manque pas d'inquiéter Alice, qui aimerait bien, pour les "phynances" du ménage, que son génial époux contemplât un peu moins et écrivît un peu plus... Il apparaît donc bien que c'est "la nature" qui, comme l'a noté Georges Lecomte, "le consolera des hommes" : "Devant elle, il apaisera ses plus terribles malédictions"71 L II y a incontestablement chez Mirbeau un fond de philosophie naturiste, qui devait, en 1887, imprégner La Rédemption, suite du Calvaire, jamais écrite, et qui lui inspirera encore son oeuvre ultime, Dingo (1913) — encore qu'il y illustre aussi, non sans ambiguïté, les apories du naturisme.
38Mais cette nature consolatrice et rédemptrice, dans le sein de laquelle Jean Mintié devait initialement se retremper, à l'instar de son créateur, lors de sa retraite audiernoise, est soumise à l'inexorable loi du meurtre. C'est elle, précisément, qui, au coeur de l'homme "civilisé", entretient et, à la première occasion, réveille "les abominables instincts du chasseur primitif qu'il a été" : "À 200.000 ans de distance, pour avoir vu le mouvement d'une fuite, pour avoir flairé l'odeur d'une proie, il se retrouve la même brute féroce qui ne connaît plus qu'une loi : celle du meurtre"72. Aussi bien, après deux mois passés à se requinquer sur les bords de l’océan, Jean Mintié dresse-t-il un constat d'échec : "La nature est sans âme. Tout entière à son oeuvre d'éternelle destruction, elle ne souffle que des pensées de crime et de mort"73. Alors, où peut bien être l'apaisement, sinon dans une contemplation qui risque fort de n'être plus qu'une absence ?
39Et puis, ces beautés perpétuellement renouvelées de la nature, Mirbeau sait mieux que quiconque qu’elles s'enracinent dans "la pourriture" qui fascine le narrateur anonyme du Jardin des supplices et, plus encore, la belle et énigmatique Clara : "C'est dans l'infection du pus et le venin du sang corrompu qu'éclosent les formes, par qui notre rêve chante et s'enchante"74. S'absorber dans la contemplation de ces fleurs, aussi monstrueuses que merveilleuses, qui embellissent "le jardin des supplices" chinois, mais aussi les jardins des Damps, du Clos Saint-Biaise, de Cormeilles-en-Vexin et de Cheverchemont, n'est-ce pas, d'une certaine façon, être complice de ce mal absolu contre lequel notre affamé d'idéal se révolte de tout son être ?
40De surcroît, il n'est pas dit que la retraite, loin du contact salissant des hommes, contribue automatiquement à élever l'homme moralement. Car, à supposer même qu'à l'état de nature il ait été autre chose qu'un singe féroce, aujourd'hui il est un être de civilisation, c'est-à-dire pétri de préjugés et victime de toutes sortes de frustrations qui nécessitent un exutoire. Dans ces conditions, le retour à la nature, loin des interdits sociaux, loin du regard de l'autre qui oblige à refouler nombre de pulsions criminelles, a toutes les chances de ne rien arranger, comme Jean Mintié, dans Le Calvaire, en fait l'expérience dans son village du Finistère, et comme le constate le narrateur de "La P'tite" : "Dans la vie solitaire, lorsque l'homme n'est pas défendu contre soi-même par l'antisepsie d'un travail incessant et de hautes préoccupations intellectuelles, sa pensée va loin et très vite à travers la folie des rêves morbides et la pourriture des désirs infectieux. L'oisiveté mentale et physique a cela de destructeur que, nous laissant seuls avec nous-mêmes, avec ce qu'il y a de pire et de dégénéré en nous-mêmes, elle déforme peu à peu, et elle corrompt nos sensations les plus naturelles et nos plus nobles sentiments"75. Les anachorètes des premiers siècles de l'ère chrétienne et le Saint-Antoine de Flaubert en savent quelque chose...
41Enfin, pour les coeurs artistes, si la nature est une source irremplaçable de délectation et d’inspiration (cf. infra le chapitre V), elle constitue aussi un modèle inimitable qui désespère le créateur exigeant. Ainsi Paul Cézanne a-t-il connu "la joie cruelle de ceux qui ont la nature pour maître" et qui savent "qu'ils ne l'atteindront jamais" — ce que Mirbeau compare au "supplice de Tantale"76. On ne sort décidément pas des supplices !
6) La culture
42Mais si la nature, comme toute chose, se révèle ambivalente et constitue un poison aussi bien qu'un remède, ne peut-on pas du moins compter sur la culture pour arracher l'homme aux sollicitations morbides, pour le prémunir contre les instincts génésiques et meurtriers, et pour l'aider à trouver le bonheur en lui-même ? Que nenni ! Ce serait trop beau... D'abord, parce que, pour la masse des consommateurs de produits dits "culturels", la "culture" n'est en réalité qu'un anesthésiant, qu'un abêtissement, qui les désarme. Et puis, surtout, pour avoir lu Schopenhauer depuis 1880, Mirbeau sait pertinemment que, loin d'apaiser l'angoisse existentielle, la pensée ne fait que l'alimenter et la décupler :
43- Parce qu'elle se heurte partout à des mystères écrasants qu'elle est bien en peine d'éclaircir, tant dans l'homme lui-même, dominé par les ténèbres de l'inconscient et déchiré par ses contradictions, que dans un univers infini qui n'est pas à sa mesure (cf. supra).
44- Parce qu'elle bute devant les antinomies de la raison et les contradictions consubstantielles aux choses elles-mêmes, de sorte qu'elle ne trouve ni réponses claires à ses questions, ni solutions convaincantes à ses problèmes. L'abbé Jules, tenaillé par ses doutes, nous offre une vivante illustration des limites indépassables de la raison.
45- Parce que l'analyse, en soumettant toutes choses au scalpel de l'esprit critique, ne laisse rien subsister des illusions qui aident à vivre. Elle révèle la vanité de toutes choses — et notamment des idéaux mensongers "dont on nous berne" — et débouche inévitablement sur le nihilisme : elle constitue donc aussi un "poison", au même titre, paradoxalement, que les anciennes religions.
46- Et aussi parce que les couches de culture accumulées au fil des siècles ont affaibli le vouloir-vivre, créé de nouveaux besoins factices, accru le décalage entre les exigences de la pensée et les possibilités de les satisfaire. De sorte que ce qu'on appelle absurdement "le progrès" ne constitue en réalité — comme l'affirmaient déjà Baudelaire et Barbey d'Aurevilly — qu'une longue dégénérescence de l'espèce. Après des millénaires où "l'animal prédominait chez l'homme", écrit Mirbeau en 1885, "depuis soixant-dix ans nous travaillons surtout du cerveau, nous peinons des nerfs, nous les tendons comme des cordes d'arbalète ; qu'ils cassent, pourvu que nous arrivions au but ! Notre sang s'appauvrit, tandis que notre système sensitif s'affine jusqu'à l'exaspération"77.
47Dans Paris déshabillé et les Chroniques du Diable, Mirbeau dresse l'étiologie de ce mal du siècle, de ce "spleen", dont témoignent, entre autres symptômes, l'anémie, la contagion de la névrose et le recours à la morphine et à l’éther : "Nous avons trop lu, trop vu, trop vécu pour avoir encore des illusions. Nous ne croyons plus à rien et nous ne savons plus souffrir. Nous avons savouré tous les plaisirs, nous les avons dégustés par avance dans notre imagination de jeunes dépravés ; et la réalité nous apparaît bien fade et bien rance au prix de ces rêves précocement épuisés. Pourtant nos désirs nous restent, plus furieux que jamais ; plus la vanité de tout nous apparaît, plus nos envies s'exaltent, et pour les satisfaire, nous forçons la porte des paradis artificiels"78.
7) L’art
48Dans ces conditions, il est bien tentant d'en conclure, avec Schopenhauer, que la contemplation de l'oeuvre d'art est la seule véritable consolation offerte aux âmes d'élite. Pour s'extraire de "cette humanité insignifiante qui naît, dit des bêtises et meurt sans laisser plus de traces que les feuilles d'une saison ou que les mouches d'un été"79, pour s'évader de ce "jour-le-jour de rapides joies et de longs deuils", de cet "épouvantable chaos de bonheurs indécis et de tristesses sans nom"80, ne suffirait-il pas de posséder un sentiment esthétique permettant de jouir des belles formes créées par ces "esprits fraternels" que sont les grands artistes, dont la langue est universelle et permet de communiquer par-dessus les frontières et par-delà les siècles ?
49Dès 1881, Mirbeau affirme que de lire Heine, Théophile Gautier ou Victor Hugo "nous console de nos médiocrités, et nous fait oublier, à la beauté éternelle de leurs oeuvres, les tristesses de la vie et les mensonges des amours enfouies"81. Huit ans plus tard, il écrit à un destinataire inconnu qu'il a "trop bu le poison de la philosophie moderne" pour goûter d'autres consolations que celles offertes par "le sentiment littéraire et artiste, le seul qui ait survécu dans [sa] conscience aux désenchantements de l'analyse et aux négations de la vie" : "Après avoir beaucoup aimé, beaucoup rêvé, je ne rêve plus et je n'aime plus qu'une chose : une belle forme d'art. Le reste n'est rien"82.
50Soit. Mais en même temps notre nihiliste ne peut se retenir de penser que l'art lui aussi n'est qu'une illusion, puisqu'il ne saurait empêcher les mortels, "quoi qu'ils fassent et où qu'ils aillent", de "s'acheminer vers la mort"83. Et puis, on l'a vu, l'art est aussi une torture, et il peut même de surcroît, ô sacrilège ! constituer une "mystification". Pour le peintre Pierre Lucet de "Mémoires pour un avocat" (1894), qui représente ici une des tendances de Mirbeau, l'art est en effet "une corruption", "une déchéance", un "salissement de la vie" et une "profanation de la nature" ! Pourquoi ? Tout simplement parce que l'artiste ne peut en donner qu'une "interprétation fatalement restreinte, à la faiblesse de [ses] organes, à la pauvreté de [ses] sens"84. Critique émise également par l'abbé Jules dans les "leçons" qu'il donne à son neveu85.
51Alors, quoi qu'il en dise, Mirbeau n'est pas vraiment prêt à se retirer dans sa tour d'ivoire pour jouir égoïstement de ses trésors. Il n'a rien d'un des Esseintes ou d'un Robert de Montesquiou. Preuve que "les belles formes d'art" ne suffisent pas à notre "Don Juan de l'Idéal". D'autant plus qu'il n'est pas loin d'y voir aussi une incitation à l'abstention civique', à la désertion du "devoir social" (voir Dans le ciel). Aussi, loin de se retirer, si forte qu'en ait été la tentation, il s'est au contraire jeté à corps perdu dans les luttes de la cité...
Une conscience déchirée
52L’existence terrestre n'apparaît donc que comme une épouvantable vallée de larmes, et le bonheur comme une chimère tout juste bonne à entretenir "l'opium de l'espérance"86 et à condamner l'homme à de toujours plus atroces désillusions. Voilà qui semble suffisant pour faire de Mirbeau le porte-parole attitré du nihilisme contemporain. Et ce, d'autant plus que la mort lui apparaît le plus souvent comme attrayante et fascinante : qu'on en juge, par exemple, par l'acte IV des Mauvais bergers (1897), qui baigne tout entier dans une exaltation morbide de la mort, d'inspiration chrétienne87, ou par son article sur le suicide du 10 août 1885, déjà cité.
53Pourtant, constate Thadée Natanson, son complice du Foyer et de La 628-E 8, "aucune expérience n'est jamais parvenue à décourager son optimisme". Formule paradoxale, qu'il lui faut expliquer : "C'est parce que jamais il ne prend son parti des tares ou des vices qu'à chaque fois il recommence à s'en fâcher"88. Tout en sachant d'expérience que cela ne servira à rien... Autrement dit, il porte en lui-même un ressort, celui de la pitié et de la révolte, qui l'empêche de jamais se résigner, lors même que l'espérance est morte. En vrai matérialiste, il a compris, bien avant Comte-Sponville, que "le tout est d'être dupe le moins possible et de rester libre"89.
54Certes, il lui arrive parfois d'essayer, comme tout un chacun, de se tromper lui-même, conformément à l'analyse de Pascal, en s'imaginant que l'engagement pourrait transformer la nature des choses. Ainsi écrit-il en 1885 que "c'est [du pessimisme] que proviendra ce grand cri de pitié qui peut renouveler le monde, et, sur les monarchies en déroute et les démocraties écroulées faire planter le drapeau de la justice et de la charité"90 : bel exemple de dialectique ! Mais sa raison ne se laisse pas duper aussi facilement et rejette ces illusions factices : elle sait bien, par exemple, que "rien n'arrêtera le broiement des peuples" et "l'immolation de l'individu", et que rien n'empêchera l'homme de "poursuivre son rêve sanguinaire"91. De ce déchirement entre son idéalisme impénitent et la lucidité de sa raison, Mirbeau a souffert toute sa vie, et toute son oeuvre est là qui en témoigne. Mais justement, fait remarquer Léon Werth, "c'est dans l'oscillation jamais diminuée entre ce qu'il espérait des hommes et sa déception qu'est peut-être la grandeur, et le tragique, de sa vie"92. Lui-même confirme ce diagnostic lorsqu'il écrit : "Le pessimisme n'est le plus souvent que de l'amour en révolte, ou, si l'on aime mieux, la révolte de l'amour. Et si la douleur est parfois si.cruelle, c'est que chez les âmes hautes, elle n'est que l'explosion des tendresses désenchantées"93. Plaidoyer pro doino...
55C'est ce long "combat contre le néant"94 mené par Mirbeau pendant toute sa vie qui donne tout son poids d'humanité à son oeuvre littéraire, dont le désespoir est positif, puisqu'il constitue, selon la formule de Comte-Sponville, lui aussi à la recherche d'une sagesse matérialiste, "le meilleur rempart contre le pessimisme"95. Dès les premières lignes, on pressent qu'on se trouve en présence, non pas d'un morceau de "littérature", mais de "la vie elle-même" ; qu'on n'a pas affaire à un "gendelettres" faisant des phrases, ou à un "boeuf de labour" capable d'abattre un roman par an contre vents et marées96, mais à un homme déchiré, torturé, dont l'hyper-sensibilité respire à travers toutes ses pages, et dont on entend partout la voix, reconnaissable entre toutes (cf. infra le chapitre Vili). Et si cette oeuvre nous parle et nous touche encore aujourd'hui, par-delà même l'extrême modernité de ses goûts et de ses engagements, que nous allons analyser, c'est, selon Claude Herzfeld, parce qu'elle présente "une dimension ontologique"97, liée à une expérience vitale : "L'angoisse existentielle de Mirbeau se reflète sur le monde"98.
Notes de bas de page
1 Marc Eider, Deux essais : Octave Mirbeau - Romain Rolland, Crès, 1914, p. 16.
2 Correspondance avec Pissarro, p. 119.
3 "Un Homme sensible", Le Journal, 25 août 1901 (Contes cruels, t. I, p. 512).
4 "Propos de l'instituteur", L'Humanité, 31 juillet 1904 (Combats pour l'enfant, p. 181).
5 Ibidem.
6 "?", L'Écho de Paris, 25 août 1890.
7 Ibidem.
8 Dans le ciel, p. 47.
9 "Le Mécontentement", Le Figaro, 9 janvier 1889.
10 Dans le ciel, p. 67.
11 "Souvenirs d'un pauvre diable", Contes cruels, t. II, p. 485.
12 "La Fille Élisa", L'Ordre de Paris, 25 mars 1877.
13 "?", loe. cit.
14 Le Jardin des supplices, éd. Folio, p. 248.
15 "La Tradition", La France, 14 juin 1885.
16 L'expression apparaît dans le chapitre V de la première partie de Sébastien Roch (Ed. Nationales, 1934, p. 145).
17 Cf. L'Affaire Dreyfus, notamment "Expertise" (p. 142 sq.) et "Triolet" (p. 123 sq.).
18 Dans "Cartouche et Loyola", Le Journal, 9 septembre 1894 (Combats pour l'enfant, p. 139-142).
19 "Mémoires pour un avocat", Le Journal, 14 septembre 1894 (Contes cruels, t. II, p. 91).
20 Interview par André Picard, Le Gaulois, 25 février 1894.
21 Le Jardin des supplices, p. 97 et 99. Sur la genèse du roman, voir l'étude de Pierre Michel dans les Cahiers Mirheau, no 1, 1994, p. 171-178.
22 Dans le ciel, p. 67.
23 Le Calvaire, Éd. Nationales, 1934, p. 57.
24 "Divagations sur le meurtre", Contes cruels, t. I, p. 15.
25 "L’École de l'assassinat”, ibid., p. 98.
26 "Après dîner”, L'Affaire Dreyfus, Séguier, 1991, p. 94 sq. Idée abondamment illustrée dans Le Jardin des supplices.
27 "L'École de l'assassinat", op. cit., p. 36.
28 "Divagations sur le meurtre", op. cit., p. 46.
29 "Après dîner", op. cit., p. 98.
30 "Divagations sur le meurtre", op. cit., p. 45.
31 Goncourt, Journal, Bouquins, t. II, p. 1215.
32 "L'École de l'assassinat", op. cit., p. 37.
33 Michel Mercier, préface du Journal d'une femme de chambre, Garnier-Flammarion, p. 21.
34 "En écoutant la rue", Contes cruels, t. I, p. 42.
35 Le Jardin des supplices, p. 225.
36 Ibid., p. 228.
37 Ibid., p. 248-250.
38 Michel Delon, préface du Jardin des supplices, p. 33.
39 Correspondance avec Monet, p. 111.
40 Dans le ciel, p. 97.
41 "Un Crime d'amour", Le Gaulois, 11 février 1886.
42 L'Abbé Jules, Albin Michel, p. 142.
43 Dans le ciel, p. 67.
44 Le Calvaire, loc. cit., p. 119.
45 "Le Plaisir", loc. cit.
46 Le Calvaire, p. 240.
47 "Le Plaisir", loc. cit.
48 Schopenhauer, Pensées et fragments, traduits par J. Bourdeau, 1880.
49 "Le Bal des canotiers", Le Gaulois, 18 juillet 1882 (recueilli dans notre édition critique des Petits poèmes parisiens, À l'Ecart, 1994, p. 87).
50 "Il est sourd", Contes cruels, t. II, p. 397.
51 "Un Homme sensible", ihid., t. I, p. 535.
52 Ibidem.
53 "À un magistrat", Le Journal, 31 décembre 1899.
54 "L'Idéal", Le Gaulois, 24 novembre 1884.
55 "Roland", La France, 8 mai 1885.
56 "Le Colporteur", Contes cruels, t. I, p. 314.
57 Le Calvaire, p. 172.
58 Ibid., p. 79.
59 "Vers le bonheur", Contes cruels, t. I, p. 123. Voir aussi La Duchesse Ghislaine.
60 Correspondance avec Monet, p. 131.
61 "Un Homme sensible", op. cit., t. I, p. 508.
62 "Souvenirs d'un pauvre diable", ibid., t. II, p. 495.
63 Dans le ciel, p. 111.
64 "Le Veuf", 31 août 1887 (Contes cruels, t. I, p. 174).
65 "Les Corneilles", Contes cruels, t. I, p. 174.
66 A. Baillot, L'Inssuence de Schopenhauer en France, Vrin, 1927, p. 233.
67 Lettre à Paul Hervieu du 30 décembre 1883 (t. I, de la Correspondance générale).
68 Lettre à Catulle Menclès de la fin décembre 1889 (recueillie dans le t. II de la Correspondance générale).
69 Marc Eider, op. cit., p. 38.
70 Correspondance avec Monet, p. 111.
71 Georges Lecomte, "L'Œuvre d'Octave Mirbeau", La Grande revue, 1er mars 1917, p. 24.
72 "La Police et la presse", Le Gaulois, 15 janvier 1896.
73 Le Calvaire, p. 185.
74 "Sur un livre", Le Journal, 7 juillet 1895 (recueilli dans les Combats littéraires).
75 "La P'tite", Le Journal, 8 décembre 1895 (Contes cruels, t. I, p. 73). Voir aussi "Solitude", ibid., p. 186-187.
76 Préface de "Cézanne", Bernheim-Jeune, 1914 (Combats esthériques, t. II, p. 526).
77 "L'Hystérie des mâles", L'Événement, 20 mai 1885 (recueilli dans les Chroniques du Diable).
78 "À propos de la morphine", Le Gaulois, 29 octobre 1880 (Paris déshabillé, L'Échoppe, Caen, p. 65-66).
79 "Réjouissances populaires", Le Gaulois, 2 mars 1881.
80 "Les Morts jeunes", Le Gaulois, 22 octobre 1879.
81 "Mon premier bal à l'Opéra", Le Gaulois, 30 janvier 1881.
82 Lettre datable de la mi-février 1889 (recueillie dans le t. II de la Correspondance générale)
83 "Dans la montagne", Le Journal, 6 août 1896. Voir aussi Contes cruels, t. I, p. 227.
84 "Mémoires pour un avocat", Contes cruels, t. II, p. 91.
85 “Ils [les poètes] ne servent qu'à salir la nature de leurs découvertes et de leurs mots, absolument comme si, toi, tu allais barbouiller un lys ou une églantine avec ton caca !" (cf. Combats pour l'enfant, p. 58).
86 "Un Mot personnel", Le Journal, 19 décembre 1897.
87 Madeleine exhorte ainsi les grévistes affamés : "Ne craignez pas la mort ! Aimez la mort ! La mort est splendide... nécessaire... divine !... Chaque goutte de sang qui tombe de vos veines... chaque coulée de sang qui ruisselle de vos poitrines... font naître un héros... un saint... un Dieu" Et la foule, subjuguée, de jurer qu'elle la suivra "jusqu'à la mort"... (acte IV, scène 2).
88 Thadée Natanson, "Octave Mirbeau", Le Figaro, 29 avril 1908.
89 André Comte-Sponville, Le Mythe d'Icare, P.U.F., 1984, p. 191.
90 "Notes pessimistes", Le Matin, 20 novembre 1885.
91 "Tartarinades", Le Matin, 25 décembre 1885.
92 Léon Wertli, "Le Pessimisme d'Octave Mirbeau", Cahiers d'aujourd'hui, no 9,1922, p. 128.
93 "Paul Hervieu", Le Journal, 28 septembre 1895.
94 L'expression est de Philippe Dagen, et sert de titre à son compte rendu de noue biographie d'Octave Mirbeau, dans Le Monde du 28 décembre 1990.
95 Comte-Sponville, op. cit., p. 299.
96 Sur cette critique de Zola, voir la "Chronique du Diable" du 30 janvier 1886, intitulée "Un Article de M. Émile Zola", dans les Cahiers Octave Mirbeau, no 1, printemps 1994, p. 164-168.
97 Claude Herzfeld, La Figure de Méduse dans l'oeuvre d'Oclave Mirbeau, Nizet, 1992, p. 74.
98 Ibid., p. 12.
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