Introduction
p. 145
Texte intégral
1Tout au long de nos anthropographies nous faisons face à un continuum de formes, à de la matière, humaine et non humaine, à interpréter. Des gens se parlent, bougent ensemble, se touchent ou s’éloignent, crient ou chuchotent, se tutoient ou se vouvoient, se coupent la parole ou s’écoutent religieusement. En pleine rue, dans un immeuble abandonné, dans un tribunal ou dans un ascenseur, seuls face-à-face ou parmi des centaines de personnes, ils manipulent ensemble des objets vers un objectif commun ou non : ils interagissent. Tout ce continuum fait cependant l’objet de découpages par les locuteurs, découpages en unités socialement reconnaissables et catégorisables. Ce seront des moments que l’on identifiera en termes d’interrogatoires, de minutes de silence, de diners de famille, de réunions politiques, de cours magistraux, de procès judiciaires, etc.
2La sociolinguistique, depuis les travaux de l’ethnographie de la communication et notamment ceux de Dell Hymes, étudie ces moments via la notion de speech event. Pour Hymes, les speech events sont des activités sociales directement gouvernées par l’application de règles et de normes explicites à propos des usages langagiers (Hymes 1972). En effet, chacun des exemples cités plus haut renvoie à des situations sociales au cours desquelles chacun agit mais jamais n’importe comment : des « normes communicatives » viennent contraindre tout à la fois les dires (les pratiques discursives), les manières de dire (les pratiques stylistiques) ou encore la gestion conversationnelle de ces dires et manières de dire (les pratiques interlocutives). C’est également à partir de ces « normes » que les comportements produits et perçus seront interprétés et donc évalués, valorisés, jugés et catégorisés.
3Si Hymes typifiait a priori ces différents speech events en fonction de leurs caractéristiques, nous pensons que cette notion mérite d’être retravaillée. Il s’agit alors pour nous d’insister sur sa dimension praxéologique, c’est-à-dire sur l’incorporation de manières de parler ensemble socialement pertinentes, à partir desquelles des effets matériels et symboliques pourront être produits, mais également sur sa dimension métapragmatique*, c’est-à-dire sur les speech events en tant qu’ils sont construits par des discours pris dans des conflictualités sociohistoriques. Loin de renvoyer à des « situations de communication » dénuées d’enjeux et facilement descriptibles, la notion de speech event repose alors la question du « contexte » comme éminemment problématique.
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