Introduction
p. 21-22
Texte intégral
1Avant d’entrer dans les modalités pratiques d’une sociolinguistique politique, il convient, dans cette première partie, de cerner les enjeux plus théoriques de sa constitution en lien avec différentes approches existantes que nous avons pour ambition ici de mettre en rapport bien plus que d’opposer afin de proposer un programme complexe d’analyse du langage en société à travers les pratiques langagières. Ce qui existe sous le nom de sociolinguistique interactionnelle (Gumperz 1982), d’ethnographie de la communication puis d’anthropologie linguistique (Hymes 1964 ; Silverstein 1993 ; Duranti 2001 ; Irvine et Gal 2000 ; Schieffelin, Woolard et Kroskrity 1998, etc.), d’analyse du discours ou linguistique énonciative (Pêcheux et Fuchs 1975 ; Courtine 1981 ; Authier-Revuz 1995, etc.), de sociolinguistique critique (Heller 2002 ; Boutet et Heller 2007, etc.) ou encore de sociologie du langage (Bourdieu 1982 ; Achard 1993 ; Leimdorfer 2010, etc.) pour ne citer que quelques noms, mérite à nos yeux d’être repensé ensemble, de manière complémentaire et solidaire, en ce sens que ces domaines apportent tous des réflexions pertinentes à l’étude du langage comme pratique sociale (Canut et Von Münchow 2015) selon une optique politique.
2En cherchant à articuler toutes ces différentes approches, il nous est apparu que le langage, en tant que pratique, pouvait être travaillé sous trois angles constituant un même point de vue. Ainsi, toute pratique langagière est une pratique stylistique, c’est-à-dire qu’elle mobilise la fonction poétique du langage (Jakobson 1963), faisant jouer les formes des signes et leurs valeurs indexicales via des processus de mises en registre (Coupland 1980 ; Agha 1999 ; Eckert et Rickford 2001 ; Bucholtz 2011). Définie comme un repertoire de formes linguistiques associées à des personae, la notion de style est rarement appréhendée seule. En effet, toute pratique langagière, parce qu’elle est prise dans le dialogue et l’interaction, est aussi une pratique interlocutive (ou conversationnelle) : elle implique par exemple qu’une personne parle pendant que d’autres se taisent, elle implique des silences ou au contraire des brouhahas, des règles dans la distribution de la parole entre ses participants, une certaine occupation de l’espace, un usage des regards et des gestes, etc. Enfin, toute pratique langagière est une pratique discursive dont les unités lexicales et les constructions syntaxiques sont prises dans un déjà-dit qui nous dépasse, dont les énoncés qui la composent changent de sens en passant d’un locuteur à un autre, d’une situation à une autre, d’une époque à une autre. Ces trois dimensions (pratiques stylistique, interlocutive et discursive), qui visent à faire dialoguer entre elles des traditions différentes (sociolinguistique variationniste/stylistique, sociolinguistique interactionnelle et analyse de discours), ayant chacune pensé les liens entre langage et société, se sont ainsi imposées au fil de nos discussions à propos de l’analyse du langage en tant que pratique sociale.
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