Mai 1837
p. 280-287
Texte intégral
11 er mai. — Demesmay est de retour de Paris. Il m'a dit que M. Augustin Thierry était fâché que nous ne nous empressions pas de lui envoyer les documents dont il a besoin pour composer son histoire des communes de France. « Je lui ai répondu, m’a ajouté Demesmay, que l’Académie de Besançon ayant décidé qu’elle publierait elle-même les documents sur la province de Franche-Comté, il ne devait pas s’attendre à rien recevoir de nous. Là-dessus, a-t-il continué, M. Thierry m’a dit que l’on pourrait bien nous couper les vivres, c’est-à-dire nous retrancher les quelques misérables mille livres que l’on nous accorde depuis trois ans pour le dépouillement des manuscrits de Granvelle. — Et que m’importe, ai-je dit alors à Demesmay, je ne mange pas à ce râtelier ; ce que le ministre nous accorde est distribué religieusement à quelques personnes, à quelques jeunes gens qui n’auraient pas le moyen de continuer leurs études. — Thierry, a repris Demesmay, le sait bien. — Puisqu'il le sait, que dit-il donc ? Les grands hommes sont vraiment plaisants d'imaginer que tous ceux qui ne sont pas à leur hauteur doivent être très honorés de remplir avec eux les fonctions de goujat1. » Je m'échauffais et la chose en est restée là.
22 mai. — Le journal la Presse annonce une nouvelle traduction du Ministre de Wakefield2 par Nodier en un volume in 8° orné de gravures, qui paraîtra, suivant l’usage récemment adopté, par livraisons afin de vendre l’ouvrage plus cher.
33 mai. — M. l'abbé Valet, aumônier du collège, s’est fait depuis quelques années une réputation comme prédicateur. L'envie répétait que M. Valet, doué d'une excellente mémoire, s’appropriait les sermons de ses confrères les plus distingués, ou débitait, comme de lui, les sermons de Bourdaloue et de Massillon, en y faisant de très légers changements. Je l’avais entendu dire et, je l’avoue, j'étais assez porté à le croire ; mais M. Valet, dans une visite que je lui a faite ce matin, m'a montré le recueil de ses sermons et j’ai pu m'assurer, à des marques qui ne trompent jamais, qu'il en était bien réellement l’auteur. Ainsi je m'empresse de consigner ici le désaveu des propos que j'ai pu tenir sur cet estimable ecclésiastique, par une coupable légèreté mais non par malice ; car, Dieu soit loué, je n'ai jamais eu l’esprit de dénigrement, cette lèpre des âmes basses, qui fait chaque jour des progrès dans un pays où elle peut être considérée comme une maladie endémique.
44 mai. — Besançon va posséder une seconde raffinerie de sucre. Une affiche annonce que M. Petit3, de Queutrey, se propose de l’établir dans l’hôtel qu’il vient d'acquérir du général Lepin, et qu'habitait avant la Révolution de 1789 M. de Grosbois4, alors premier président du parlement de Franche-Comté. Nous nous plaignions autrefois de ne pas avoir de manufactures dans la province ; encore quelques années et nous en aurons trop.
55 mai. — Le jeune Guillemin, de Morteau, vient de rédiger pour la Revue des Deux Bourgognes une chronique du combat qui eut lieu dans le Val, en 1575, lorsque les Suisses amenaient des secours aux protestants pour s'emparer de Besançon. Il s'occupe avec son frère aîné de recueillir les traditions dans cette partie des montagnes, ainsi que les documents propres à en éclaircir l’histoire jusqu'ici fort peu connue. Il a découvert récemment une copie manuscrite de l'histoire du prieuré de Morteau qu'il m'a promis de me communiquer. Ces deux jeunes gens montrent un zèle qui mérite d'être dirigé et encouragé.
66 mai. — Le maréchal Moncey vient de souscrire à la Galerie des médailles ainsi qu'au Recueil des documents historiques sur la province. Espérons que ce patriotique exemple trouvera des imitateurs parmi les hauts fonctionnaires franc-comtois.
77 mai. — Le beau temps a favorisé la revue de la garde nationale qui a eu lieu comme à l'ordinaire dans la promenade de Chamars. Le préfet a profité de la circonstance pour prononcer une petite allocution qui a été suivie du cri de « Vive le Roi ! » Le recteur a donné un grand dîner aux fonctionnaires ; il y a eu bal chez le général. Le feu d'artifice, tiré sur le glacis d'Arènes, m'a semblé très mesquin, mais les illuminations étaient assez brillantes.
88 mai. — Le peintre Conscience, qui se fait appeler Francis à Paris, vient d'avoir un accès de patriotisme vraiment étonnant dans un homme de son caractère et qui mérite d'être mentionné. Jaloux d’entendre dire un jour : « l'école bisontine », comme on dit l'école lombarde ou l'école vénitienne, il a récemment écrit à Léon Bretillot que si l'on pouvait lui assurer une trentaine d'élèves payants, il viendrait donner à Besançon des leçons de peinture qui vaudraient chaque année à la ville une demi-douzaine de grands artistes, ni plus ni moins. Ainsi, d'après son casuel, dès la troisième ou quatrième année, Besançon aurait comme Paris ses expositions, remarquables par la variété non moins que par le nombre des ouvrages. Malheureusement pour Conscience, ses antécédents ne peuvent pas donner de confiance dans ses belles promesses, et son offre sera poliment refusée.
99 mai. — M. Boucher, le plus fameux violon de notre temps, est arrivé aujourd'hui ; il est descendu chez M. de Vienne qui lui avait écrit à Dijon pour l'inviter à venir donner quelques concerts dans une ville où le goût de la musique s'étend au point qu'il n'y aura bientôt plus personne qui ne joue de quelque instrument ou, du moins, qui ne soit en état de chanter sa partie.
1010 mai. — On lit dans l'Impartial de ce soir : M. Clésinger fils5 avait été chargé par la fabrique de Saint-Pierre d'exécuter un groupe qui devait faire pendant à la Pieta de Breton. C'était sans doute une incroyable vanité de ce jeune homme, quoiqu’il ne manque pas de talent, que de se poser en face du plus grand statuaire de la province, et je sais bien qu’à sa place, je n'aurais pas eu son courage. Mais enfin, son travail achevé, on l'aurait jugé sévèrement, et certes c'est ainsi qu'il devait être jugé. Des admirateurs de Breton, ou des rivaux de Clésinger, n'ont pas eu la patience d'attendre ; ils ont pénétré la nuit dernière dans son atelier et mutilé son ouvrage. C'est là, suivant moi, un crime épouvantable. La justice informe, dit-on, pour en connaître les auteurs. La punition la plus grande qu'on puisse leur infliger, c’est de publier leurs noms, et certes, si j'étais homme de police, je n'y manquerais pas.
1111 mai. — En visitant aujourd'hui l'atelier du jeune Piguet6, je lui ai demandé s'il consentirait à céder au musée le buste du prince de Bauffremont par Breton, et il m’y a paru disposé. Je ne lui ai pas parlé de prix, parce que c’est une chose à traiter avec Lancrenon, qui la règlera mieux que moi. Mais je crois qu'il est convenable de ne pas laisser plus longtemps dans un endroit où il est exposé à toutes sortes d'accidents un buste très bien fait et qui, d'ailleurs, est l'ouvrage du plus habile sculpteur de la province. Lancrenon, à qui j'en ai parlé ce soir, a été tout à fait de mon avis.
1212 mai. — Delacroix, nommé récemment architecte de la ville en remplacement de Marnotte, est venu faire aujourd'hui la visite de la Bibliothèque, accompagné de Léon Bretillot. Il a critiqué quelques-unes des dispositions de son confrère dans le plan des bâtiments en construction et propose, ce me semble avec raison, l'abaissement de la cour pour diminuer l'humidité dans les salles et le déplacement de la fosse d'aisance où l'on ne pouvait aller qu’en traversant la nouvelle salle et dont l'existence en cet endroit faisait perdre un espace toujours précieux.
1313 mai. — La mort de M. Mermet7, ancien négociant, ne peut manquer d'entraîner la vente de sa belle bibliothèque ; elle est riche surtout en livres à estampes, de bonnes épreuves et reliés magnifiquement. Si ses héritiers sont bien avisés, ils en feront imprimer le catalogue qui sera bien certainement le plus curieux qui jamais ait été publié dans la province.
1414 mai. — Le professeur Bugnet est arrivé ce matin par le courrier ; son projet était de ne s’arrêter que le temps nécessaire pour trouver une voiture et de partir pour Bolandoz où il va, selon sa coutume, passer les vacances de Pentecôte qui ne sont que de huit jours, mais qu'il fait durer quinze. Les instances du conseiller Béchet l'ont décidé à accepter un déjeuner auquel j'étais invité, et pendant lequel on n'a guère parlé que de la Faculté de droit de Paris et du mérite de ses professeurs. Elle vient de se renforcer de deux franc-comtois qui, après un concours de quatre mois, ont été nommés professeurs, M. Valette, de Salins, à la majorité de 13 voix sur 14, et M. Oudot, d'Ornans, à la majorité de dix voix. Ainsi la Comté se trouve en très bonne position à la Faculté de droit de Paris. S'il en était de même au Conseil d'Etat, à la Cour de cassation, etc, il en résulterait probablement quelque chose d'avantageux pour cette pauvre province, à qui le régime de la centralisation porte depuis longtemps un notable préjudice. M. Valette, que j'ai eu le plaisir de voir il y a quelques années, est un homme de beaucoup d'esprit et d'une grande érudition ; il a fait imprimer récemment dans la Thémis, journal de jurisprudence, deux lettres dans lesquelles il réfute solidement les principes de M. Troplong8, procureur général à Nancy. Suivant Bugnet, ces lettres sont des chefs-d'œuvre. Que va dire Curasson qui ne jure que par M. Trop-long et qui ne laisse passer aucune occasion de le citer avec éloge ?
1515 mai. — Notre germanique Letoublon, en quittant Paris où il vient de passer deux mois au milieu de toutes les illustrations littéraires du siècle, est venu se délasser avec ses amis de Besançon qui le reverront toujours avec plaisir. Il a donné sa démission de la place de receveur des domaines qu'il exerçait dans une bourgade d'Alsace, et, content de sa modeste fortune, il ne vit plus que pour les lettres et les arts qu'il aime sans ambition, sans arrière-pensée, uniquement pour le plaisir qu'il goûte à les cultiver. Letoublon n'a guère que trente ans ; s’il ne se repent pas dans la suite d'avoir abandonné une carrière honorable qui pouvait le conduire à la fortune, il aura été sage de bonne heure. On ne doit pas craindre que dans le siècle où nous vivons, son exemple trouve beaucoup d'imitateurs.
1616 mai. — M. Boullée9, de Lyon, qui m'a bien l'air d'un commis académicien en tournée, est venu me rendre visite à la Bibliothèque. Il ne m'a guère parlé que de son désir d'obtenir le titre de correspondant de l'Académie de Besançon et des droits qu’il croit avoir à cet honneur. Son bagage littéraire se compose jusqu'ici d'une Vie de Demosthène, de quelques discours et d'une double notice sur Poivre et Dupont de Nemours, ses deux oncles maternels ; mais il s'occupe d'une Vie de Périclès ou plutôt de l’histoire du siècle auquel ce grand homme a donné son nom. Je l'ai conduit à Saint-Jean, puis au cabinet d’histoire naturelle que Gévril vient de classer scientifiquement, sans le secours d'aucun des membres de la Société géologique, dont la problématique existence est une nouvelle preuve pour moi du peu de suite que Parandier met dans tout ce qu’il fait, par vouloir tout faire.
1717 mai. — Devoisin, élève du collège de Besançon, qui se trouve depuis quelques années à Alger, vient d’adresser au maire pour le cabinet d’histoire naturelle une tête de bédouin et un paysage brodé en soie par les Arabes.
1818 mai. — Sept bateaux chargés de houille, qui se trouvaient amarrés dans le canal Saint-Paul, ont été entraînés par les eaux et se sont brisés, les uns contre le pont Battant et les autres sur le barrage de Tarragnoz. On estime cette perte à 30.000 fr. Cet accident, arrivé hier dans l’après-midi, n’est pas le seul que notre commerce ait éprouvé depuis quelque temps, par le défaut de police du canal. Il faut espérer que les administrateurs finiront par sentir qu’il est de leur devoir de faire un règlement pour la sûreté des marchandises destinées, soit aux négociants de la ville, soit aux négociants étrangers, et d’en surveiller la stricte exécution.
1919 mai. — Le sous-préfet de Dole s'occupe de rédiger la statistique de son arrondissement10. Il m'a communiqué son article sur la commune d'Orchamps qui ne m’a pas semblé mauvais. En complétant ses recherches qui sont un peu superficielles et soignant le style, un peu trop négligé, il doit finir par faire un ouvrage qui sera tout à la fois agréable et utile, comme le voulait maître Horace11.
2020 mai. — Nous avons reçu de Jallerange le lavacrum antique12 qui de temps immémorial figurait dans l'église de village comme bénitier. Mon projet est de le faire déposer provisoirement dans le musée Paris, où il sera plus à l’abri de l'indiscrétion des curieux que dans le vestibule de la Bibliothèque. Si le nouvel architecte Delacroix veut, comme je n’en doute pas, me dessiner ce petit monument sur toutes ses faces, je pourrai bien en faire une description pour l'Académie.
2121 mai. — Hier est mort M. Bosc d'Antic, ancien directeur des contributions indirectes du département. Il était frère du naturaliste Bosc13 l'ami de Madame Roland qui lui confia le manuscrit de ses mémoires. Membre de la Société d'encouragement, il s'est occupé toute sa vie des moyens d'améliorer le sort des hommes en propageant les découvertes utiles. Il avait imaginé lui-même divers procédés industriels, mais il valait moins par ses connaissances quoique très étendues que par son excellent cœur. On ne lui a jamais connu un ennemi. Il est enterré tout près de Bertaut dans le nouveau cimetière. M. Ordinaire a prononcé sur sa tombe, au nom de l'Académie et de la Société d'agriculture, le discours d’adieu qu'il m'a communiqué cet après-midi ; je l'ai trouvé fort bien ; je voudrais qu'il le fît imprimer dans l'impartial. Après avoir exercé très longtemps des fonctions lucratives, M. Bosc ne laisse aucune fortune ; si ce mot ne suffisait pas pour son éloge, il le complètera du moins admirablement dans un siècle de corruption comme celui-ci.
2222 mai. — M. le marquis de Perni, noble florentin, est venu visiter aujourd'hui notre Bibliothèque. Il ne connaissait pas encore la Franche-Comté ni la Bourgogne, et c'est dans l'unique but de visiter ces deux provinces qu’il a fait ce voyage dans une saison où il devait naturellement espérer de plus beaux jours. Il avait une lettre pour le recteur qu'il est allé voir ce matin et dont il a été très content. Il a visité également le collège et les établissements d’instruction, observant et prenant des notes sur tout ce qu'il voit. En général, il est très satisfait de l’esprit de la Franche-Comté ; il trouve notre peuple sage et raisonnable. Zélé pour les progrès de l'instruction, il trouve cependant qu'on devrait la limiter suivant les besoins des individus et voit avec peine que les dernières lois rendues en France ne tendent qu'à multiplier les malheureux dont la position ne sera pas d'accord avec leur savoir, et par conséquent les sujets de trouble. Tout ce que je lui ai entendu dire à ce sujet m’a semblé fort sage. La conduite des nobles en France, qui voudraient reprendre leur rang par les privilèges et non par leurs mérites, excite sa pitié et son chagrin ; à leur occasion il m'a cité le mot si simple de Buonaparte, qu'il trouve sublime et qui, vu d'un certain côté l'est en effet : « Ils n’ont rien oublié ni rien appris. »
2323 mai. — On procède en ce moment au renouvellement partiel des conseils municipaux. Dans la troisième section, M. Colin, ancien négociant, a été remplacé par M. de Saint-Juan et M. Grobost par son associé, M. Jacquard. Dans la quatrième, l'ingénieur Parandier n'a point été réélu ; on lui reproche son association à l'entrepreneur des nouveaux ponts dont il se trouvait le défenseur obligé au conseil. Les amis de Parandier, et il en a de très chauds, le portent dans les sections qui n'ont point encore commencé leurs opérations.
2424 mai. — C'est chose réellement singulière que la difficulté avec laquelle se débitent les médailles du cardinal de Rohan. Sur 400 frappées, il n’y en a guère que 100 de placées ; ainsi le recouvrement des frais de la Monnaie n’est pas encore effectué. Je me plaignais aujourd'hui devant le curé de Saint-Pierre14 de l'indifférence des ecclésiastiques pour un prélat qui leur a donné tant de preuves de son attachement : « C'est lui qui m'a fait curé ; je prendrai une médaille, c’est le moins que je puisse faire. »
2525 mai. — La commission Granvelle a commencé la lecture des analyses qui ont été préparées sous la surveillance de M. Duvernoy15. Ce travail, auquel elle consacrera deux ou trois séances par semaine de trois heures chacune, ne sera pas terminée dans deux mois.
2626 mai. — Léon Crestin16, le substitut de Dole, m'a dit qu'il allait faire dans quinze jours un voyage dans le Haut-Jura pour recueillir des traditions. Son projet est de les publier dans une suite de lettres. Il continue de faire des recherches sur le fameux partisan Lacuzon dont il voudrait pouvoir écrire l'histoire, qui serait plus curieuse, plus remplie d'aventures extraordinaires que tous les romans17.
2727 mai. — En élargissant à droite et à gauche la rue Chifflet18 qui doit conduire au pont des Chaprais, on a déjà trouvé un assez grand nombre de médailles et de monnaies : mais les ouvriers les cachent et les vendent ensuite aux curieux, en sorte qu’il n'en viendra probablement pas une seule au cabinet de la ville. Tout cela c'est la faute du maire et surtout du nouvel architecte Delacroix, qui devrait donner des ordres pour que tous les objets découverts lui fussent remis, sauf à donner quelques gratifications aux ouvriers.
2828 mai. — Le temps devenu beau depuis quelques jours a permis de faire la procession générale de la Fête-Dieu. D'après un ordre du ministre, toutes les troupes ont pris les armes ; l'artillerie dès les sept heures du matin stationnait sur les places Saint-Quentin et Saint-Maurice, l’infanterie sur les places Saint-Jean et Saint-Pierre. Un piquet considérable accompagnait la procession mais, à part la cour royale, aucune autorité ne suivait le dais. Le Saint-Sacrement était porté par l'archevêque ; le nombre des prêtres qui le précédaient ou l'accompagnaient était assez considérable, mais point de tenue, point de dignité. La ville a cependant eu toute la journée un air de fête grâce aux tapisseries et aux feuillages verts qui décoraient toutes les maisons. L’affluence des curieux était très grande. Dans le nombre, il y avait bien, je pense, quelques mécontents, quelques frondeurs, quelques amis imbéciles du progrès, mais l'immense majorité de la population est religieuse et ceux qui en auraient douté s’en seraient facilement convaincus aujourd'hui.
2929 mai. — Observations sur les faillites et banqueroutes et sur le dernier projet de loi présenté aux Chambres, ou Recherches à opérer dans la législation commerciale, par P.-E. Laviron, in 8°, imprimerie de Vinchon à Paris.
3030 mai. — Le médecin Bonnet, qui avait donné l'année dernière sa démission de membre du conseil municipal, vient d'être réélu pour la même fonction à une assez grande majorité. Dans la satisfaction que lui a fait éprouver un succès auquel il aurait pu s'attendre d’après ses menées, il a publiquement harangué les électeurs sur la place Saint-Pierre. C'est dommage qu'il ne se soit pas trouvé là un sténographe pour recueillir ses paroles, car il a dû dire de belles choses.
3131 mai. — M. Borel, ancien directeur de l'école de dessin, vient de faire imprimer le catalogue de sa galerie de tableaux. Avant d'expédier sa collection à Paris, où certes il ne la vendrait pas ce qu’il imagine, il l'offre à la ville pour son futur musée. D’après ce que je sais de ses prétentions, je doute fort qu'il fasse affaire avec la ville ; mais je n'encouragerai pas moins la commission du musée, aussitôt que M. Lancrenon sera prêt à faire son rapport sur les propositions de M. Borel.
Notes de bas de page
1 Il faut entendre « valet ou manœuvre » : le goujat (ou goujard), dans la métallurgie, est l’aide du maître-ouvrier.
2 L’œuvre d’Olivier Goldsmith (1728-1774) publiée en 1766, était un livre didactique et sentimental qu’on peut comparer à la littérature de Richardson et Fielding, de Laurence Sterne, et qui eut un grand succès.
3 L’Annuaire du Doubs de 1838 signale la création de cette raffinerie par le propriétaire de celle de Queutrey, vers Dampierre-sur-Salon. La femme d’Auguste Petit (1800-1863) était, par sa grand-mère maternelle, Charlotte Rochet-Déchanet, une petite-nièce de l'évêque constitutionnel du Doubs, Jean-Baptiste Demandre (F. Lassus, Métallurgistes... : les Rochet..., p. 200).
4 L'hôtel de l'ancien premier président Perreney de Grosbois avait été élevé en 1761 dans la rue des Bains-du-Pontot (actuellement 7 rue Girod de Chantrans, entrée du « Petit Lycée »).
5 Jean-Baptiste dit Auguste Clésinger (1814-1883). Ce groupe sera celui de la Vierge et l'Enfant, visible dans l'abside de gauche de l'église Saint-Pierre de Besançon.
6 Il s'agit de l'un des deux frères sculpteurs marbriers qui travaillèrent au cimetière des Chaprais : Joseph-Salomon (1810-1873) et Joseph-Victor-Salomon (1815-1875). Sur l'aîné, voir Thierry (Anne-Lise), Une nécropole romantique..., pp. 75-85.
7 Journal, ii, p. 342 (27.12.1833).
8 Raymond-Théodore Troplong (Saint-Gaudens 1795-Paris 1869), juriste et homme politique, sera président de la cour de cassation, président du sénat en 1852. Il est l'auteur d'un Droit civil expliqué en 27 volumes.
9 Auguste-Aimé Boullée (1795-1870), membre des Académies de Lyon, Turin et Dijon, adressait régulièrement ses publications à celle de Besançon : ainsi en 1836-37 les Notices sur M. Poivre et M. Dupont de Nemours, suivies du Discours de réception de l'auteur à l'Académie de Lyon. Cet historien et biographe, par ailleurs procureur du roi à Lyon, fut un des collaborateurs de Michaud. Les deux personnages de sa notice sont Pierre Poivre (Lyon 1719-1786), intendant de l'Ile Bourbon de 1767 à 1773, et Pierre-Samuel Dupont de Nemours (Paris 1734–1817), membre de la Constituante ; le second avait épousé en 1795 la veuve du premier. Une des trois filles de Pierre Poivre avait épousé en 1792 Jean-Xavier Bureaux de Pusy. En 1838, Boullée devait adresser à l’Académie de Besançon une notice sur Aspasie, extraite d’une Histoire inédite de Périclès.
10 Armand Marquiset. La Statistique... de l'arrondissement de Dole a etc publiée en 1842, deux volumes.
11 Allusion au vers d'Horace dans l'Art poétique : « Il réunit tous les suffrages, celui qui a su mêler l'utile à l'agréable. »
12 Ou Lavatorum ? Weiss avait déjà évoqué cette pièce archéologique le 22 avril 1836. On peut la voir aujourd'hui au Musée de Besançon avec sa provenance : « ancien bénitier de l’église de Jallerange ». Il a l’aspect d’un autel antique de forme quadrangulaire, haut de 0,90 m, orné sur trois de ses faces de figures féminines sculptées. C’est Weiss qui en avait négocié l’achat auprès du curé du village.
13 Louis-Auguste-Guillaume Bosc d'Antic (1750-1828), professeur au Jardin des Plantes, publia un Dictionnaire raisonné d'agriculture et un Dictionnaire d’histoire naturelle ; membre de l'Académie des sciences en 1806.
14 Le chanoine Griffon.
15 Charles Duvernoy. Voir E. Kaye, Les correspondants de Weiss, pp. 187-190.
16 Léon Crestin (né à Saint-Claude en 1803) était fils de Jean-Baptiste-Joseph, sous-préfet de Poligny, qui se retira à Condamine et qu'on désignait sous le sobriquet d'« Ermite du mont Jura » (Journal. i, p. 271, 29.12.1819). Juge puis substitut au tribunal de Dole, il entra dans la vie politique qu'il abandonna après le coup d'Etat de 1851 ; dans une lettre à Weiss, Léon Crestin l'informe qu'il avait découvert de nombreux manuscrits concernant la province, en particulier des autographes de Lacuzon (Kaye, Les correspondants de Weiss).
17 Voir Fonville (R.), Lacuzon... L'histoire du personnage a fait d'ailleurs l'objet d'un roman d'aventures, toujours lu en Franche-Comté : Le médecin des pauvres, de Xavier de Montepin.
18 Nom que portait alors l'actuelle rue de la République, du nom de l'hôtel Chifflet dont elle longe les anciens jardins, et que le projet de l'architecte Bertrand avait conçue dès 1789 pour relier la place Saint-Pierre (actuellement du Huit-Septembre) aux casernes Saint-Pierre et Saint-Paul.
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