Année 1841
p. 159-197
Texte intégral
Janvier 1841
11er janvier.— L'architecte Robelin, chargé par le gouvernement de la restauration de notre cathédrale, est ici depuis quelques jours. Son plan auquel il travaille depuis plusieurs années, est sur le point d'être terminé ; il évalue la dépense pour la reconstruction de la tour du clocher dont il ne garde que la base à 300 000 francs et le devis total à plus d'un million. Les fonds ne l’inquiètent pas : tout ce qu'il désire c'est que son plan soit adopté d'une manière définitive et pour cela il réclame l'appui des députés du département.
22 janvier.— M.Gay, de Lons-le-Saunier, élève d'Hersent, est nommé professeur à l'Ecole de dessin en remplacement de Charpentier. Il a fini par l'emporter sur tous les candidats de la commanderie. C'est lundi prochain qu'il sera installé dans ses nouvelles fonctions.
33 janvier.— Il a régné pendant une partie de la journée une violente tempête. Des cheminées et des gueules de loup1 ont été renversées. Le vent était si fort qu'il n’était pas prudent d'aller dans les rues sans nécessité. Dans la soirée, il est tombé de la neige.
44 janvier.— M. Adrien de Longpérier, conservateur du cabinet du roi2, vient de publier la description des médailles du cabinet de M. de Magnoncour. Paris, impr. de Didot, in 8 de 9 f. plus 2 pl.
55 janvier.— Eloge historique de Raymond, 4ème comte de Toulouse et de Saint-Gilles3, par Monnier (du Jura), Toulouse, impr. de Bertrand, in 8°.
66 janvier.— C'est aujourd'hui que devait commencer le procès intenté par M. Passot à MM. Convers et Boudsot au sujet de la turbine dont ils se disputent l’invention. La cause a été remise à huitaine, sans considération que les défendeurs habitant tous dans Besançon ont tout le loisir d'attendre qu'il plaise au tribunal de prononcer sur leur différend avec M. Passot, tandis que celui-ci habitant Paris fait dans les auberges des dépenses qui peuvent le gêner. Par un singulier hasard, L'Impartial qui a paru ce matin enregistrait le brevet accordé à MM. Convers et Boudsot pour l'exploitation de la turbine dont l'invention leur est contestée.
77 janvier.— Le Charivari, l'un de ces journaux parisiens qui, par leur insolence, font regretter aux amis de l'ordre que la liberté de la presse soit entrée dans nos lois, contient un article très piquant contre le professeur Bugnet, qui paraît avoir exprimé son mécontentement à ses élèves de la manifestation qu’ils se sont permise à l'égard de l'abbé de Lamennais, condamné par le jury à un an de prison pour une brochure, Le pays et le gouvernement. L'article contient bien quelques faits vrais, mais tellement arrangés qu'il est impossible d'y rien reconnaître. C'est ainsi que M. Bugnet est regardé comme un congréganiste de la Restauration et maintenant comme un habitué du château où certainement il n'a jamais mis les pieds. Et puis, fiez-vous aux journaux.
88 janvier.— Dans un dîner qui a eu lieu le jour des rois à la préfecture, le sieur Convers s'est permis plusieurs propos inconvenants contre M. Viancin, et dans sa colère, excitée probablement par les vins et les liqueurs, il est allé jusqu'à dire que s'il était maire seulement pendant deux heures, il le destituerait de la place qu'il remplit depuis plus de vingt ans avec tant de désintéressement. Les observations que lui a faites M.de Magnoncour n'ont fait qu'exciter la colère de cet homme privé de raison et le préfet a pu juger de la valeur réelle du sieur Convers que l'abominable loi sur les Conseils municipaux vient de porter à la place d'adjoint de la ville de Besançon.
99 janvier.— Par un arrêté du maire, en date du 7 de ce mois, le sieur Boudsot est nommé professeur à l'Ecole municipale en remplacement du sieur Convers qui a fini par comprendre que, depuis dix ans, il se trouvait dans un état d'illégalité flagrant. Mais comme le sieur Boudsot est l’associé de Convers, rien n'est changé réellement dans sa position. C'est ce qu'il faudra bien apprendre à ce sot public qui n'a jamais l'air de se douter de rien ou qui ne prend aucun intérêt à ce qui se passe sous ses yeux.
1010 janvier.— Le Franc-Comtois contient une nouvelle lettre de Passot à MM. Convers et Boudsot dans laquelle il les somme de faire comparaître leurs experts à l'audience fixée pour mercredi prochain 13 courant. Cette lettre ne doit pas laisser que de les déconcerter. Il remercie en même temps l'élite des savants de Besançon, qu'il ne nomme pas, mais parmi lesquels on doit compter je crois MM. Parandier et Kornsprobst, de l'appui qu'ils ont bien voulu prêter à sa cause en le reconnaissant pour le véritable inventeur de la turbine, dont la propriété lui est contestée par le sieur César et Cie
1111 janvier.— Théâtre de Schiller, traduction nouvelle précédée d'une notice sur sa vie et ses ouvrages par X. Marmier, 1ère partie, 2 vol. in 12. Elle fait partie de la collection Charpentier4.
1212 janvier.— Un menuisier nommé Viron a été assassiné dimanche dernier dans son domicile rue Saint-Vincent, pendant la grand-messe. L'auteur de crime commis dans notre ville est encore inconnu, mais celui qui l’a commis n'était évidemment mû que par un sentiment de vengeance personnelle, puisqu'aucun des effets de Viron n'a été enlevé.
1313 janvier.— Victor Hugo, qui frappait depuis si longtemps à la porte de l'Académie, vient enfin d'être élu à la place vacante par la mort de Népomucène Lemercier, l'auteur d'Agamemnon et de Pinto, mais à la majorité d'une seule voix. Par sa nomination, l'Académie compte aujourd'hui trois de ses membres nés à Besançon, ce qui ne s'est jamais vu et qui probablement ne se reverra jamais. MM. Droz, Nodier et enfin Hugo.
1414 janvier.— Dans sa dernière réunion, la Société d'agriculture a nommé pour son président annuel M. de Magnoncour. Ce choix, qui trouvera sans doute dans le public beaucoup de contradicteurs, est cependant le meilleur qu'elle ait pu faire puisqu'aucun de ses membres ne peut par son influence et sa fortune personnelle lui rendre plus de services.
1515 janvier.— L'Académie, dans sa séance d'hier, a entendu la lecture du discours que M. Komprobst, académicien nouvellement élu, doit prononcer en séance publique pour sa réception. Le nouvel académicien a choisi pour son sujet l'examen de la turbine qui fait dans ce moment la matière d'un procès entre M. Passot et MM. Convers et Boudsot qui s'en disputent l'invention. Sa conclusion est que tous les trois sont des charlatans, ou qui ne connaissent pas la machine qu'ils prétendent avoir inventée, ou qui trompent l'innocence du public sur la force motrice ; il a fait précéder cette discussion d'un court historique sur l'état des sciences dans le pays où il donne un coup de patte très bien appliqué à notre Conseil municipal qui a refusé l'offre de M. Taffe5 d'établir à Besançon une école dans le genre de celle de Châlons. Ce discours ne pouvait manquer de faire une vive sensation dans le sein de l'Académie qui n'est pas accoutumée à tant de hardiesse de la part de ses membres, si naturellement pacifiques. Le secrétaire perpétuel doit voir M. Komprobst et l'engager à faire subir plusieurs suppressions à son discours, s'il veut qu'il soit lu en séance publique.
1616 janvier.— C'est hier qu'a eu lieu la grande séance de l'Académie pour délibérer sur le sort du pensionnaire Suard6. Le nombre des membres présents était de trente et un : il n'y a pas d'exemple d'une assemblée aussi nombreuse. Le président Curasson ayant déclaré la séance ouverte, le secrétaire perpétuel a donné lecture du mémoire prétendu justificatif du pensionnaire. C'est une espèce d'apologie de ses principes qu'il est si loin de désavouer qu'il déclare que dans sa conviction, avant dix ans, on lui décernera des couronnes pour avoir été l'un des premiers à chercher un remède aux maux du peuple en demandant l'abolition du droit de propriété. Tout ce bavardage, semé de lazzi assez piquants contre l'Académie et les membres de cette compagnie qui se sont établis ses juges. Cette lecture terminée, M. Perron a entamé la discussion, mais arrêté par ses amis il a laissé la parole à M. le conseiller Bourgon qui a demandé la lecture des dispositions du testament applicables au pensionnaire reconnu indigne. M. le président Alviset a voulu contester l'application de l'article portant que le retrait de la pension ne peut avoir lieu qu'aux deux tiers des voix, mais la majorité ayant reconnu que le testament était la loi de l'Académie, on a passé au scrutin. Seize membres ont voté pour que la pension soit retirée, un s'est abstenu, et quatorze ont voté pour que la pension soit conservée. En conséquence, le pensionnaire a été maintenu. La séance levée, tous les membres se sont retirés dans le plus grand silence.
1717 janvier.— Dans un premier mouvement d'indignation, le président Curasson a écrit au secrétaire perpétuel pour lui déclarer qu'il ne voulait plus faire partie de l'Académie, mais sur les observations de Pérennès, il a retiré sa lettre dont il ne sera pas fait mention dans les registres. Les adversaires du pensionnaire sont furieux et ceux qui l'on défendu très embarrassés de leur rôle. Si cette affaire amenait la dissolution de l'Académie comme quelques-uns le craignent, ce serait un malheur pour le pays qu'il serait difficile de réparer.
1818 janvier.— Viancin a fait sur l'affaire du pensionnaire de l’Académie une fort jolie fable intitulée L'oiseau mis en jugement, mais bien qu'il désigne Proudhon comme une espèce de hibou, vrai songe-creux qui déraisonne sur des matières qu'il ne connaît pas, la manière un peu leste dont il traite les retirants qu'il désigne comme des égoïstes les mieux fourrés dans leurs peaux me fait penser qu’il serait très inconvenant de la publier dans ce moment. Un peu plus tard, on verra, mais les retirants sont trop furieux de leur échec pour avoir la moindre envie de rire7.
1919 janvier.— M. Xavier Marmier me mande qu'il vient d'être nommé bibliothécaire du ministère de l’Instruction publique, place qui lui fournira les moyens d'être utile aux deux villes de la province qu'il affectionne le plus, Besançon et Pontarlier sa ville natale.
2020 janvier.— La Peau du lion et la chasse aux amants, par Charles de Bernard, impr. de Béthune, à Paris, chez Gosselin, 2 vol. in 8.
2121 janvier.— M. J. Vieille8, un de nos jeunes gens qui promettent de fournir la plus belle carrière dans les sciences, vient de publier à Toulouse où il remplit avec distinction la chaire de mathématiques spéciales, une thèse de mécanique et d'astronomie, impr. de Paya, in 8°.
2222 janvier.— M. Xavier Marmier m'a écrit pour m'annoncer sa nomination à la place de bibliothécaire du ministère de l'Instruction publique. Il succède à M. Ferdinand Denis9, l'auteur d'un résumé de l'histoire littéraire du Portugal, qui est attaché comme conservateur à la bibliothèque de l'Arsenal. M. Marmier est en même temps chargé de donner des leçons de littérature à madame la duchesse d'Orléans et à ses belles-sœurs, mais sur ce dernier point il me recommande le secret.
2323 janvier.— Le terrible Proudhon, le pensionnaire Suard qui donne tant d’embarras à ses amis ou du moins à ceux qui lui portent de l'intérêt, a été touché de la décision de l'Académie. Il a écrit à Pérennès dans des termes qui témoignent de son repentir sincère, et il le charge de demander à l'Académie la permission de publier une brochure dans laquelle il se propose d'atténuer le mal qu'il a pu causer par son livre De la propriété, en expliquant les passages qui ont soulevé contre lui des haines dont ses amis supportent le contrecoup. Il est entré depuis quelques jours chez un juge au tribunal d'instance de la Seine qui l'emploie à <extraire> des volumes et qui lui donne pour cette besogne assez fastidieuse 150 fr. par mois avec la table et le logement.
2424 janvier.— Hier, M.de Magnoncour, nommé récemment président de la Société d'agriculture, a été installé dans ses fonctions. En prenant possession de la présidence, il a prononcé un discours dans lequel il a comparé la situation de l'agriculture en France et en Angleterre en indiquant les causes de la supériorité de ce dernier pays. La séance, qui était plus nombreuse que de coutume, ne s'est terminée qu'à neuf heures du soir.
2525 janvier.— L'abbé Valette10, aumônier du collège, l'un de nos prédicateurs distingués, homme d'esprit, aimant les livres et les choses curieuses, possédant une jolie collection de bons livres, des tableaux de prix et des raretés en différents genres, vient d'être renvoyé brusquement, sur un soupçon fâcheux et qui ne paraît pas avoir la moindre réalité. A supposer la chose vraie, ce serait encore une grande maladresse du proviseur de n'avoir pas su empêcher des bruits qui ne peuvent tourner que contre lui et l'établissement dont la direction lui est confiée. Je le répète, pour mon compte particulier, je regrette l’abbé Valette et je ne puis pas le croire coupable des pratiques qu'on lui impute contre les mœurs.
2626 janvier.— Le Journal de la librairie* annonce le IXème volume des Œuvres de Nodier11, contenant de nouveaux souvenirs et des portraits. Il excelle dans ce dernier genre et ses portraits peuvent soutenir la comparaison avec ceux de Sénac de Meilhan12. Quant à ses souvenirs, il a si peu de mémoire et il les dispose tellement à l'effet qu'il est presque impossible de distinguer la vérité de toutes les broderies dont il l’entoure.
2727 janvier.— Le tribunal d’instance, après plusieurs audiences consacrées aux plaidoiries des avocats et partie à des expériences hydrauliques, lesquelles ont dû réunir des assistants peu accoutumés à voir le temple de Thémis changé en une espèce de laboratoire, a prononcé son jugement sur les turbines. Peu s'en est fallu que le judiciaire aréopage n’ait mis hors de cour et de procès le demandeur et les défendeurs, attendu qu'ils n'ont rien inventé quoiqu’ils aient pris des brevets d'invention. Mais cependant, comme il s'agissait dans l'affaire de MM. Convers et Boudsot, deux industriels qualifiés, le tribunal a condamné le pauvre Passot aux dépens. Passot, qui ne se tient pas pour battu, a déjà signifié son appel à la cour royale.
2828 janvier.— Aujourd'hui fête de saint Charlemagne, patron des universités de France, l’Académie a tenu sa séance publique de rentrée dans la salle de la mairie. Le président annuel Curasson l'a ouverte par un discours très remarquable sur l'origine des communes en France. Le secrétaire perpétuel Pérennès a lu ensuite son rapport sur les travaux des académiciens pendant l'année 1840. M. Kornprobst, nouvellement élu, a fait son discours de remerciement dont le sujet est l'invention des turbines. Comme le tribunal, le nouvel académicien pense que M. Passot, ni Convers et Boudsot n'ont rien inventé. Cependant, il croit que le premier a fait une meilleure application que les autres d'un loi de l'hydraulique connue depuis Bernouilli13. Après la réponse du président, MM. Demesmay et Viancin ont lu chacun une pièce de vers qui, si j'en juge par les applaudissements des auditeurs, ont été trouvées fort agréables. Après la séance a eu lieu l'élection d'un nouveau résidant ; étaient présentés MM. Villars, professeur à l’Ecole secondaire de médecine, et Charles de Rotalier, auteur de La Captive de Barberousse : M. Villars a réuni la pluralité des suffrages.
2929 janvier.— La pièce que Viancin a lue à l'Académie est d'un genre plus grave que celui qu'il a l'habitude de traiter. C'est une ode intitulée L'an 1840 dans laquelle il n'épargne pas les reproches au temps présent. Il se propose de l'envoyer au concours des Jeux floraux. Je lui souhaite bonne chance, mais je doute que cette pièce lui vaille l'églantine14.
3030 janvier.— L'abbé Doney se plaint de la manière dont M. Duvernoy raconte l'établissement du protestantisme dans les articles sur le comté de Montbéliard dont il enfle chaque année l’almanach du département. M. Duvemoy est un fanatique protestant, mais il n'y a pas moyen de le corriger15.
3131 janvier.— M. Marnotte, architecte et surtout dessinateur fort habile, vient de relever tous les détails de l'ancienne église du Saint-Esprit. Il se propose d'en faire hommage à l'Académie, mais il voudrait y joindre une notice sur cet ancien établissement. Je l'ai renvoyé au professeur Bourgon pour lui fournir les matériaux dont il aurait besoin, en lui faisant observer qu'il allait se trouver en concurrence avec MM. Edouard Clerc et Delacroix qui doivent publier les monuments de Besançon quand il plaira à Dieu.
Février 1841
321er février.— Perron fait imprimer une brochure sur la liberté de l'enseignement. Il en a publié non des extraits, comme il l'aurait dû, mais de longs fragments dans Le Franc-Comtois, oubliant que les lecteurs du journal ne peuvent pas prendre le même intérêt que lui à une question dont il leur est impossible de sentir toute l'importance.
332 février.— Pauthier l'orientaliste est furieux que l'on ait fait l'éloge de Monnier dans Le Franc-Comtois et que l’on n’ait pas encore parlé de ses ouvrages et de ceux de Tissot. Il m'écrit à ce sujet une lettre qui suffirait pour m'expliquer le peu de succès qu'il a obtenu jusqu'ici dans les lettres, avec plus de talent qu'il n’en faut pour s’y faire un nom.
343 février.— Un jeune Fleury16, de Vercel, qui après avoir achevé ses études au séminaire, a quitté la soutane comme tant d'autres pour aller à Paris, s'y livre avec une ardeur remarquable aux études historiques. Il prépare une Histoire de la Révolution dans les provinces dont quelques fragments que j'en ai vus me donnent une très bonne opinion.
354 février.— Aujourd'hui après dîner, Alexandre de Saint-Juan a lu deux pièces de vers dans le goût moderne, mais pleines de verve et d'entraînement. Dans celle où il se plaint des critiques que l'on a faites d’une de ses pièces imprimées dans Le Franc-Comtois, il y a des morceaux qui, s'ils étaient un peu plus soignés, ne seraient pas indignes de plusieurs poètes connus. Il y a certainement de l'avenir dans ce jeune homme, mais pour que ma prédiction se réalise, il faut nécessairement qu'il prenne un peu de raison et par conséquent de défiance de ses forces. Son abondance est telle qu'il n'y a pas un de ses morceaux qui ne gagnerait beaucoup à être réduit d'un tiers et quelquefois de moitié.
365 février.— Madame de Coynart17 avec qui j'ai passé la soirée est une femme remarquable par son esprit et peut-être aussi par un peu trop d'exaltation. Elle a eu la bonté de me lire deux morceaux de Mad. d'Erlach, pseudonyme que je n’ai pas eu grand mérite à dévoiler, qui prouvent du talent, de la réflexion et de la sensibilité. Ce que je lui souhaiterais, pour son honneur à elle et pour la perfection d'un talent incontestable, c'est qu'elle voulût bien prendre la peine de descendre de la région sublime où elle vit pour vivre de la simple vie des simples mortels et de regarder autour d'elle avant de prendre la plume, afin de ne décrire que des choses vraies et senties. Mad. de Coynard m'a inspiré un trop vif intérêt pour que je ne lui dise pas franchement ma pensée sur ses opuscules et que je ne lui exprime pas mon désir de la voir quitter la voie, suivant moi mauvaise, où elle est entrée.
376 février.— On croyait le projet désastreux d'amener les eaux d'Arcier entièrement abandonné, mais il n'en est rien. La commission des eaux s'est réunie hier et aujourd'hui pour aviser aux moyens de vaincre la patriotique résistance des propriétaires de la source. Elle est toujours composée des mêmes membres : le président Monnot, le conseiller Demesmay et le fameux Convers, l'âme d'une entreprise dont il doit partager les bénéfices. Mais on ignore ce qu'elle aura délibéré.
387 février.— On répand le bruit que M. de Magnoncour a envoyé de Paris une estafette chargée de lui rapporter 40 000 fr. dont il avait le plus pressant besoin. C’est M. de Saint-Juan qui m'a rapporté ce fait en m'en garantissant la vérité. Je ne puis pas m'expliquer ce fait, si peu d'accord avec ce que M. de Magnoncour m'a dit lui-même la veille de son départ sur la situation de ses affaires.
398 février.— Il est tombé depuis quelques jours une telle quantité de verglas que, hier dimanche, des jeunes gens patinaient dans la promenade de Granvelle. Telle chose ne s'était pas vue depuis bien longtemps.
409 février.— Le projet de faire une commune séparée du quartier de Battant se poursuit. Un mémoire rédigé par l'avocat Mathiot et que l'on dit signé de plus de 700 personnes a été distribué aux membres du Conseil municipal. Le Franc-Comtois dit qu'il en a été remis un exemplaire à M. le préfet qui a promis d'examiner les griefs dont se plaignent les réclamants et de leur faire rendre bonne et prompte justice.
4110 février.— Le Conseil municipal a, dans la séance d'aujourd'hui, délibéré sur le rapport de M. Demesmay que la ville se pourvoirait en cassation contre le jugement du tribunal de Vesoul qui s'est déclaré incompétent pour prononcer l'expropriation des sources d'Arcier sur les mineurs Bourgon.
4211 février.— Mgr de Reims18 m'a envoyé sa Lettre à l'abbé Blanc sur l'administration des sacrements aux condamnés, in 4°.
4312 février.— Bousson de Mairet est de retour à Arbois avec une compilation classique qu'il doit mettre incessamment sous presse.
4413 février.— Décidément Besançon est en possession de fournir des artistes à la Suisse. Le peintre Bidau, de Besançon, établi à Lausanne, vient d'y obtenir la direction de l’Ecole municipale de dessin. Le journal qui m'apprend ce fait parle de quelques ouvrages de Bidau qui ont figuré avec succès dans des expositions de Berne et de Zurich et d'une belle lithographie qu'il vient d’exécuter de la tête du Sauveur d'après le tableau du Guide connue sous le nom d’Ecce Homo19.
4514 février.— René de Vaulchier, le plus jeune des quatre frères qui tous promettent d'être des hommes distingués, de retour depuis quelques semaines de Paris où il a fréquenté pendant deux ans avec succès l'Ecole des chartes, se propose d'entreprendre l'histoire municipale de Besançon d'après ses monuments.
4615 février.— Coup d'œil sur les antiquités Scandinaves ou aperçu général des diverses sortes de monuments archéologiques de la Suède, du Danemark et de la Norvège, par Pierre Victor, in 8°, imprimerie de Ducessois à Paris.
4716 février.— Fables et contes, par M. Perrin, avocat20, Lons-le-Saunier, impr. de Gauthier, in 12.
4817 février.— M. Suchaux, imprimeur à Vesoul, possède dans sa bibliothèque un Virgile, Paris 1820, in 32, portant en frontispice ces mots : « Edidit De Loy. » Cet exemplaire, qu'il a acheté il y a quelques années dans une vente publique, est celui de De Loy, qui avait fait imprimer ce frontispice pour constater ses droits sur cette édition dont au surplus il n’avait fait que corriger les épreuves puisqu'elle ne renferme pas une ligne de l'éditeur.
4918 février.— Dans le dernier rapport fait à l'Institut sur les travaux historiques de l'année 1840, on trouve mentionnées honorablement l'Histoire de Pontarlier du professeur Bourgon et les Recherches étymologiques du docteur Pratbernon21 sur les noms des communes du département de la Haute-Saône.
5019 février.— Le jeune Ebelmen22, de Baume, ingénieur des Ponts et Chaussées à Vesoul, vient d'être nommé répétiteur de chimie à l'Ecole polytechnique.
5120 février.— M. Lacordaire, ingénieur en chef du département de la Haute-Saône23, vient de terminer un projet pour la jonction de la Saône à la Meuse d'un côté, et de l'autre au Rhin. On m'a dit que ce projet avait été accueilli par le comité central mais que l'exécution en était ajournée à raison de l’état des finances.
5221 février.— M. Pratbernon avait envoyé l’année dernière à l'Institut, classe des sciences physiques, un mémoire sur une question de médecine mise au concours. Le prix a été partagé entre trois ou quatre jeunes médecins, tous élèves des commissaires chargés du rapport sur le concours ; il n'y a rien là de surprenant, mais ce qui l'est davantage, c'est que les mémoires assez nombreux adressés de la province n'ont pas même été lus par les examinateurs.
5322 février.— Le préfet m’a envoyé pour le cabinet d'antiquités de la ville quelques ferrailles et des médailles trouvées récemment à Mandeure, en me témoignant le désir que ces différents objets soient communiqués à l'Académie pour avoir son opinion. Ponçot, à qui j'ai fait voir les médailles, en a trouvé quelques-unes de précieuses sur lesquelles il m'a promis de faire un rapport à la première séance.
5423 février.— Aujourd'hui carnaval, le nombre des masques qui ont parcouru les rues a surpassé de beaucoup celui que l'on avait vu depuis plusieurs années. On a remarqué également que les réunions avaient été plus nombreuses cet hiver que les précédents. Un homme fort au courant des bals m'a assuré que depuis le premier janvier, il y avait eu vingt-quatre grands bals, sans compter les petits ni les bals bourgeois.
5524 février.— L'architecte Marnotte m'a communiqué les dessins qu'il a faits de l'église du Saint-Esprit, au nombre de vingt, qui sont réellement très beaux. Je lui ai conseillé de les faire lithographier et de les publier avec un texte descriptif dont je pense que le professeur Bourgon ou M. Clerc se chargerait très volontiers24.
5625 février.— Le petit succès que l’Histoire de Pontarlier du professeur Bourgon vient d'obtenir à l'Académie des inscriptions ne pouvait manquer d'allumer la bile envieuse de M. Duvernoy. Il ne conçoit pas que l’Académie ait honoré d'une mention un ouvrage qui n'est point achevé, tandis que l'on n'a pas parlé de l'Essai sur l'histoire de la Franche-Comté de M. Clerc. N'imaginez pas qu'il prenne un grand intérêt à l'auteur de ce dernier ouvrage, non, mais il ne serait pas fâché de brouiller M. Clerc et M. Bourgon. Il est fait ainsi : il n'estime au monde que lui, ne voit dans les autres que le côté faible, et, méchant par vanité, fait autant ou plus de mal que d'autres sans le vouloir et même sans y penser. C'est un caractère à part que La Bruyère n'a pas connu et que je crois très digne d'être étudié sérieusement.
5726 février.— Hippolyte Renaud, capitaine d'artillerie, grand socialiste, vient de répondre par une brochure sérieuse à la plaisanterie que Jules Crestin a publiée l'année dernière sous le titre de Paroles de Fourier. J. Crestin n'est pas homme à se tenir pour battu et nous devons nous attendre à voir paraître avant peu une brochure en réponse à celle du disciple de Fourier.
5827 février.— Trémolières m'a invité à une lecture qu'il devait faire d'un ouvrage poétique intitulé Les gens mariés. C'est une galerie de tableaux dans lesquels il représente successivement les fautes que commettent les personnes qui se marient et qui les empêchent de trouver dans cette union le bonheur qu'elles s'étaient promis. L’ouvrage est écrit en vers libres, un peu faibles et décolorés, mais il s'en trouve dans le nombre quelques-uns de charmants. Comme son projet est de faire imprimer quelques-uns de ces tableaux dans Le Franc-Comtois, on aura l'occasion de revenir sur cette œuvre poétique, certainement d'un ordre secondaire mais qui n'en fait pas moins honneur à son esprit et à sa douce philosophie.
5928 février.— Le ministre de l'Intérieur25 vient de donner l’ordre d'exécuter en marbre le buste d'Abel Rémusat pour la bibliothèque de l'Institut.
Mars 1841
601er mars.— Le rapport de Jouffroy sur les fonds secrets a mis en rumeur toute la presse parisienne ; il a nettement expliqué la position actuelle et démontré que tout le mal venait de l'incertitude qu'entretiennent les journaux. Il a réclamé avec énergie les mesures nécessaires pour comprimer les factions et assurer la tranquillité des bons citoyens. Son rapport est d'un bon citoyen et d'un homme de talent, mais il a stigmatisé les journalistes et ç'en est assez pour qu'ils se déchaînent contre un honnête homme dont tout le tort est d'avoir eu le courage de dire la vérité.
612 mars.— M. Monnier (du Jura), qu'il ne faut pas confondre avec D. Monnier, notre savant et laborieux archéologue, vient de faire imprimer à Toulouse où il paraît avoir fixé sa résidence, une Ode sur la translation des cendres de Napoléon à Paris. Cette pièce, que j'ai quelque raison de croire fort médiocre, arrive un peu tard pour produire la moindre sensation, on peut donc espérer qu'elle ira rejoindre paisiblement les autres productions lyriques et amphigouriques du même auteur, lesquelles, très minces prises en détail, ne doivent pas laisser que de former réunies un volume assez considérable.
623 mars.— M. le docteur Machard, de Dole, médecin de l'hospice des aliénés à Dole, vient de publier une brochure sur le traitement à suivre dans le traitement26 des maladies mentales. Comme les principes qu'il établit dans cette brochure sont le résultat d'une pratique assez longue, elle mériterait d'être lue au moins par les médecins de la province, mais ils s'en garderont bien !
634 mars.— L'abbé Dormoy27 vient de faire imprimer dans Le Franc-Comtois un article dans lequel il demande qu'il soit proposé un prix aux médecins qui s'assureront par des expériences réitérées si la pratique de l'inoculation combinée avec celle de la vaccine n'amènerait pas la destruction de la variole. Cet article, mal rédigé, fait jeter les hauts cris aux médecins vaccinateurs qui le croient propre, avec raison, à jeter des doutes sur l'efficacité de la vaccine qu'une expérience de 50 années n'a pas encore accréditée suffisamment.
645 mars.— La ville vient d’acquérir pour le musée une tête en marbre trouvée il y a quelques années dans les ruines de Mandeure ; elle est bien conservée, mais de travail médiocre.
656 mars.— M.de Magnoncour met en vente son magnifique médaillier. C'est le 22 de ce mois qu'il doit être vendu à Paris. S'il n’y est pas forcé par le mauvais état de ses affaires, il fait là une haute sottise, car il ne retrouvera jamais une aussi magnifique collection. Il a déjà vendu, et très certainement à perte, sa collection de vases étrusques.
667 mars.— M. de Contréglise vient d'acquérir un joli manuscrit sur vélin contenant l'office du Saint-Suaire de la main de J. Millet28, grand chantre du chapitre de Saint-Jean au XVIIe siècle. J. Millet était un très habile calligraphe.
678 mars.— Gigoux a mandé à sa sœur qu'il a cinq tableaux admis à l'exposition et qu'il n'attend que le retour du beau temps pour terminer la chapelle dont il a été chargé à la Madeleine.
689 mars.— Olympe Micaud a publié le 15juillet 1840 une pièce de vers contre le ministère Thiers et les partisans de la guerre, qu'il a dédiée au général Delort. Cette dédicace confirme le bruit que cet industriel doit aller bientôt se fixer à Paris.
6910 mars.— Le maire vient d'inviter Lancrenon à dresser l'inventaire des tableaux du musée. Cela semble prouver que l'administration s'occupe enfin de les placer dans un local plus convenable que celui où ils sont déposés depuis plus de vingt ans, à la grande honte des magistrats qui se sont succédés depuis cette époque à la tête des affaires de la ville.
7011 mars.— M. Perron a lu aujourd'hui à l'Académie la 1ère partie d'un ouvrage dont il s'occupe sur le droit de propriété. Il en a recherché l'origine, qu'il trouve fondée sur la nature même de l'homme, et la démonstration qu'il en a donnée a tous les caractères de l'évidence. Ce travail ne peut que lui faire beaucoup d'honneur.
7112 mars.— Le chanoine Maire, mort il y a quelques semaines, avait par hasard un très beau tableau représentant une Catherine, original de l'école flamande. Il vient d'être acheté par Lancrenon pour le musée de la ville, au prix de 120 fr.
7213 mars.— L'Annuaire du département pour l'année 1841, par Paul Laurens29, est en vente depuis quelques jours. Le nouvel éditeur a, je ne sais pas pour quelle raison, adopté le format in 8, à moins que ce ne soit pour indiquer le commencement d'une nouvelle série. Cet annuaire est loin d'offrir le même intérêt que les précédents. C'est un recueil de tableaux statistiques qui offrent sans doute l'exactitude, mais aussi l'agrément du barême. On trouve en tête deux morceaux d'histoire donnés comme inédits quoiqu'ils fassent partie du 1er volume des Documents publiés par l'Académie.
7314 mars.— Proudhon vient de publier à Paris une 2ème édition de son Discours sur l'utilité du dimanche (sujet proposé par l'Académie de Besançon). Cette édition, dans le format in 32 est sans doute destinée à accroître le nombre des volumes de la Bibliothèque populaire, l'une des entreprises les plus anti-sociales qui aient été imaginées dans ce siècle.
7415 mars.— Jules Crestin a répliqué au capitaine Renaud par un petit pamphlet dans lequel il a l'air de se battre les flancs pour être gai et qu'il termine en lui proposant de vider la querelle par un coup d'épée. La Réponse au capitaine Renaud, in 8 de 8 p. ne fera pas beaucoup d'honneur à Crestin. J'attendais mieux, je l'avoue, d'un homme naturellement caustique et qui passe pour avoir de l'esprit.
7516 mars.— L'avocat Curasson s'est avisé de faire imprimer, pour le joindre au Prédicatoriana de Peignot30, le sermon de l'abbé Belon31 sur la Madeleine dont on parle depuis soixante-dix ans comme d'un chef-d'œuvre d'éloquence. Certainement ce sermon est l'ouvrage d'un homme de talent et d'un caractère très indépendant, mais ce n’est pas un chef-d'œuvre. Quant à la notice dont l’éditeur a cru devoir le faire précéder, c'est une véritable platitude qui n’est pas même écrite correctement, chose impardonnable à un président d'académie.
7617 mars.— Le curé de Contréglise est venu m'offrir d'acheter pour notre musée d'antiques un bas-relief en pierre de Vergenne32 qui décorait autrefois son église, représentant Jésus en croix, la sainte Vierge, la Madeleine et les douze apôtres ; ce morceau entouré d'arabesques d'un travail fort délicat, me paraît du 16ème siècle.
7718 mars.— M. le comte de Montalembert m'a fait parvenir, avec un très joli billet, deux exemplaires des Mémoires de M. de Mérode, un de ses ancêtres33, l'un pour la Bibliothèque de la ville et l'autre pour l'Académie dont il est membre honoraire.
7819 mars.— Notre compatriote, M. Gigoux, vient d'être chargé de peindre un plafond à la chambre des pairs34.
7920 mars.— Une petite pluie tombée ces jours derniers a décidé le développement de la végétation. Déjà plusieurs arbres de Granvelle sont verts : avant la fin de la semaine, il y aura des feuilles partout.
8021 mars.— M. Ch. Brunet, de Besançon, ancien administrateur de la caisse de Poissy, auteur de plusieurs opuscules en vers et en prose, est mort à Paris le 10 de ce mois à l'âge d'environ 70 ans. C'était un homme aimable, spirituel et surtout un excellent citoyen. Sa perte sera un véritable sujet de tristesse pour tous ceux qui l'ont connu. Je n'ai jamais eu l'occasion de le voir, mais depuis quelques années il m'honorait de sa correspondance et de son affection. M. Wladimir Brunet, son fils, m'a fait part de la perte douloureuse qu'il vient d'éprouver, en m'engageant à l'aller voir lorsque je ferai le voyage de Paris.
8122 mars.— Un individu de l'arrondissement de Pontarlier, né mathématicien comme la plupart des habitants de nos montagnes, avait appliqué son génie à la découverte chimérique du mouvement perpétuel. La machine qu'il avait construite d'après ses idées marchait depuis huit mois avec une régularité parfaite et déjà il se flattait d'avoir résolu le problème que tant de fols s'étaient proposé avant lui. Mais tout-à-coup, il y a quelques jours, la machine s'arrête, et voilà notre homme au désespoir qui monte dans son grenier où il a été trouvé pendu. Quelle pitié de voir un savant de génie ne pouvoir pas supporter une contrariété, un mécompte dans ses idées.
8223 mars.— Mgr l'archevêque de Reims m'a fait l'honneur de m'adresser une nouvelle brochure qu'il vient de publier sur le projet de loi sur la liberté de l'enseignement.
8324 mars.— La mairie va mettre en adjudication la démolition des maisons qu'elle a achetées dans la rue des Granges pour la rélargir.
8425 mars.— Le professeur Bugnet vient de faire imprimer un avis de droit aux habitants de Bolandoz sur ce que l'on doit entendre par chemins communaux, dans le but de leur épargner des procès.
8526 mars.— Dans la séance d'hier, l'Académie a nommé une commission chargée d'aviser aux moyens de publier l'intéressant travail de M. Marnotte sur l'ancienne église du SaintEsprit. Cette commission est composée de M. Lancrenon, de M. Ed. Clerc et de moi. Il faudra recourir sans doute à la voie des souscriptions mais l'on peut espérer qu'elle suffira pour couvrir les frais de publication puisque M. Guillaume lui-même a sur-le-champ offert d'être l'un des souscripteurs.
8627 mars.— Le Franc-Comtois signale quelques-unes des vexations que les commis de l'octroi aux portes de la ville font subir aux étrangers qui ne connaissent pas les objets soumis à la taxe. Cet article rédigé avec une certaine verdeur ne peut manquer d'exciter la bile des fermiers.
8728 mars.— Parmi les Franc-Comtois dont les productions figurent au Salon, on cite le jeune Lunteschutz, à peine âgé de 19ans et l'élève de Flajoulot. Le jeune artiste a exposé un portrait dont on parle avec éloge et diverses compositions exécutées au crayon gris, remarquables par la force et la pureté du dessin.
8829 mars.— Viancin a reçu la nouvelle que son Ode sur l'année 1840 avait été jugée digne de prix. On l'invite en conséquence à se rendre à Toulouse pour y recevoir l'églantine d'or des mains du président de l'Académie des jeux floraux, ou à désigner une personne à qui cette fleur sera remise pour lui être envoyée.
8930 mars.— M. Cordier, député du Jura, vient de faire imprimer un Projet de chemin de fer de Lons-le-Saunier à Chalon-sur-Saône, Paris, in 4°.
9031 mars.— Le maire disait à M. Vertel35 que le professeur Grenier était un savant. « Oui, lui répondit le doyen, pour les simples. » Le mot est d'autant plus piquant que le doyen n'y mettait pas de malice.
Avril 1841
911er avril.— Une circulaire de Mgr l'archevêque aux membres de l'association Sainte-Cécile leur annonce que la maîtrise de la métropole est définitivement constituée et qu'ils pourront avant peu de temps juger des progrès des élèves dans la musique vocale et instrumentale.
922 avril.— M.de Chantrans, le doyen de notre Académie, est mort subitement hier matin à l'âge de 90 ans et quelques mois. C'était un homme d'un très grand mérite et qui, jusqu'au bout de sa longue carrière, n'a pas cessé de s'occuper utilement. Il n'a survécu que bien peu de jours à M. Brunet avec lequel je voulais le mettre en relation au sujet de M. d'Arçon, pour lequel ils professaient l'un et l'autre un véritable culte.
933 avril.— Le retour de la belle saison ramène les plaintes des habitants contre les dégradations de la promenade de Chamars. L'apathie de l'administration municipale est stigmatisée dans le journal de la préfecture, mais le maire laisse dire et n'en fera pas davantage.
944 avril.— Le marquis Achille de Jouffroy vient d'adresser à la Bibliothèque son ouvrage sur les bateaux à vapeur dont il revendique l'invention en faveur de son père36 ; il prend sur le frontispice le titre d'ex-ingénieur de la marine.
955 avril.— Une délibération du Conseil municipal donne à la nouvelle rue Baron le nom du maréchal Moncey.
966 avril.— Les curés de Besançon rivalisent de zèle pour attirer la foule dans leurs églises en y faisant exécuter des concerts par les amateurs les plus distingués. Le proverbe « C'est tout comme à Paris » trouve encore ici son application.
977 avril.— M. Guy, naturaliste de Pontarlier, vient d'adresser au musée de sa ville natale dixhuit plâtres représentant les types des principales races humaines.
988 avril.— Une ordonnance royale du 31 mars constitue l'Ecole secondaire de médecine et de pharmacie de Besançon. Grenier n'y a pas trouvé place, Villars n’a que le titre de professeur provisoire d'accouchement, mais en revanche, Ed. Ordinaire37, étranger jusqu'ici à l'école, est nommé directeur des travaux anatomiques. On doit s'attendre à beaucoup de plaintes.
999 avril.— On dit que le chirurgien Villars donnera sa démission s'il n'est pas rétabli sur le tableau des professeurs ordinaires de l'Ecole avec un traitement égal à celui de ses collègues.
10010 avril.— Le Salon de 1841 par Gab. Laviron, impr. de Lacrampe à Paris, in 8. Cet ouvrage, orné de vignettes et de lithographies, paraît par livraisons.
10111 avril.— L'Impartial insinue que l'on aurait dû donner le nom du maréchal Moncey à la me Battant où il est né et laisser la me Baron pour Fourier qui a pris naissance dans la maison à l'angle de la Grand'Rue. Les adversaires du phalanstère raillent à cette occasion le journal fouriériste.
10212 avril.— La maison où est né l'inventeur de la phalange, l'illustre Fourier, disparaîtra cette année. Sa démolition en commencera sous peu de jours.
10313 avril. — L'Impartial contient un curieux article sous le titre de Réflexions critiques sur l'enseignement de la grammaire. Elles ont été suggérées à l’auteur par la lecture des Exercices français, ouvrage de M. Coulot, professeur à notre Ecole normale, in 12.
10414 avril.— Un énorme rocher s’est détaché ces jours derniers de Chaudanne et a roulé dans le Doubs avec le bruit d'une avalanche. Ce rocher est devenu le but de promenade de tous les curieux.
10515 avril.— Divers objets d'antiquité trouvés à Conliège ont été acquis par le musée du département du Jura.
10616 avril.— L'avocat Curasson, en revenant d'Ecole avec l'abbé Doney et l'abbé Brocard dans la voiture du séminaire, a fait une chute grave. Il a eu la clavicule droite cassée. On attribue cet accident à l'étourderie d'un cantonnier qui a versé une brouette pleine de pierres au moment où la voiture passait devant lui.
10717 avril.— Souvenirs de voyage et traditions populaires, par X. Marmier, in-12, imprimerie de Béthune à Paris. Ce volume contient des faits relatifs à la France, à l'Allemagne, la Suède et la Finlande.
10818 avril.— On a commencé la démolition de plusieurs maisons dans la me de la Bouteille et dans la me des Granges pour en procurer le rélargissement.
10919 avril.— M. le préfet Tourangin, actuellement à Paris, mande que le passage du chemin de fer par la vallée du Doubs doit obtenir la préférence sur les autres projets.
11020 avril.— Lunteschutz, dont plusieurs portraits peints ou dessinés à la mine de plomb ont été admis à l'exposition, est un artiste dont les ouvrages décorent la Revue poétique du Salon par M. Destigny38
11121 avril.— Le conte assez gai, Quingey en quingeois, imprimé dans Le Franc-Comtois, est de M. Trémolières, président du tribunal de 1ère instance.
11222 avril.— Pauthier travaille toujours avec beaucoup de zèle à la traduction des livres chinois que nous ne connaissons encore que par les travaux latins mais incomplets des missionnaires. Cependant, il ne peut parvenir à l'Académie des inscriptions ; au contraire, il s'en éloigne de plus en plus en se faisant des ennemis de la plupart des orientalistes dont il aspire à devenir le confrère. On dit que Stanislas Julien39, dont il a parlé sans trop de ménagement dans une de ses récentes publications, lui prépare une vigoureuse réponse.
11323 avril.— Le bruit court depuis quelque temps que M. de Magnoncour ne tardera pas d'être promu à la pairie40. Je désirerais pour lui cette position honorable et indépendante, mais l'accepterait-il ? Quoi qu'il en soit, ce bruit ne peut qu'être défavorable à sa réélection dans le cas de dissolution de la Chambre.
11424 avril.— MM. Bourdon et Ozanam41, inspecteurs généraux de l'Université, sont arrivés aujourd'hui à Besançon pour visiter nos établissements d'instruction.
11525avril.— M. l'avocat Curasson, dont l'accident avait causé de vives inquiétudes à ses amis, est hors de danger mais sa convalescence sera longue. 11 recommence à corriger les épreuves de la 2ème édition de son ouvrage sur les attributions des juges de paix, dont la première est épuisée entièrement.
11626 avril.— On s'occupe des préparatifs pour la fête du roi qui sera célébrée le 2 mai prochain. Un feu d'artifice sera tiré sur les Prés de Vaux comme les années précédentes ; il est fâcheux que l'administration n'ait pas encore pu se décider à choisir un local plus convenable.
11727 avril.— Laumier travaille en ce moment à la nouvelle encyclopédie de l'histoire de France qui paraît sous le nom de M. Philippe Le Bas42, membre de l'Institut, fils du conventionnel qui partagea les opinions et le sort de Robespierre.
11828 avril.— Proudhon vient de publier sous le titre de Lettre à M. Blanqui43 un second mémoire sur la propriété, qu'il a eu l'impertinence de signer « pensionnaire de l'Académie de Besançon ». C'est décidément un fou malhonnête.
11929 avril.— M. Duvernoy est allé à Lausanne à la réunion de la Société de l'histoire romande ; il y a lu un curieux mémoire sur les rapports qui ont existé entre la Franche-Comté et la Suisse au Moyen Age.
12030 avril.— Notre député Jouffroy, dans ses loisirs, écrit une histoire de Mouthe dont il m'a communiqué deux fragments d'un grand intérêt.
Mai 1841
1211er mai.— Le feu d'artifice pour la fête du roi a été tiré ce soir aux Prés de Vaux, mais la revue de la garde nationale a été remise à demain dimanche. Le préfet que l'on attendait pour cette cérémonie n'est pas de retour de Paris.
1222 mai.— Tout s’est passé comme à l'ordinaire : distribution de comestibles, grand-messe, revue de la garde nationale et illuminations, mais point d'enthousiasme. Le journal de la préfecture n'en parle du moins pas.
1233 mai.— Il faut que le séjour des inspecteurs généraux de l'Université n'ait pas fait grand bruit puisque aucun de nos journaux n'en fait la moindre mention.
1244 mai.— Si l'on en croit L’Impartial, l'enthousiasme s'était réfugié dans les campagnes. A Saint-Vit, le jour de la fête du roi, il y avait spectacle gratis. C'était bien le cas d'y aller, mais personne n'a su deviner ce coup-là.
1255 mai.— M. Firmin Didot44 m'a envoyé une médaille frappée en l'honneur de son père, pour être déposée dans le médaillier de la Bibliothèque de Besançon.
1266 mai.— Un orage a éclaté sur notre ville à midi. Le tonnerre est tombé sur un peuplier près du pont tournant de la gare45.
1277 mai.— La bibliothèque du roi possède plusieurs monnaies et médailles de Besançon dont on m'a promis des plâtres. Guichard s'est chargé de me les envoyer.
1288 mai.— Le musée de Dole s'enrichit journellement par les soins de son modeste conservateur46. Le local devenant insuffisant pour contenir les tableaux, il est question d'en trouver un plus spacieux dans la maison de l'ancien collège.
1299 mai.— Le Franc-Comtois se soutient difficilement par la faute de son nouvel imprimeur, Bintot47, le plus stupide des hommes. Il n'y a pas une annonce qui ne soit défigurée par les fautes les plus dégoûtantes, et tous les efforts de ses fondateurs ne peuvent le déterminer à renvoyer son prote pour en prendre un plus intelligent.
13010 mai.— Notre Faculté se trouve réduite en ce moment à la moitié de ses membres. Pérennès est retenu dans son lit par la goutte et Bourgon est retombé malade si gravement qu'on désespère de pouvoir le sauver.
13111 mai.— Le jeune <Basset>48, élève de Flajoulot, doit partir dans quelques jours pour Paris où il va se perfectionner dans le dessin sous la direction des maîtres, sans autre ressource que le produit de son talent pour la lithographie. M. de Saint-Juan, désirant être utile à ce jeune artiste, lui a fait faire les portraits de ses trois enfants qui sont d’une ressemblance parfaite.
13212 mai.— Le professeur Bourgon est mort cette nuit à l'âge de 45 ans. Sa perte sera sentie dans le pays qu'il aimait et auquel il a consacré les dernières années de sa vie qui devait être plus longue. Il laisse incomplète une Histoire de Pontarlier, sa ville natale, pleine de recherches curieuses. Plein d'ardeur pour l'étude, il s'occupait déjà de prévoir de nouveaux travaux pour l'époque où il aurait terminé cette histoire qu'il rédigeait consciencieusement sur les documents tirés de nos archives. Il n'a pas survécu longtemps à M. de Chantrans, le doyen de notre académie. Ainsi, dans moins de six semaines, notre ville a perdu deux des hommes qui en faisaient la gloire et l'ornement dans des genres et à des titres différents ; ni l'un ni l'autre ne sera de longtemps remplacé dans ce pays où l'on ne sait ni encourager ni apprécier le mérite.
13313 mai.— Les obsèques de M. Bourgon ont été célébrées aujourd'hui avec la décence convenable. Un assez grand nombre de ses amis l'ont accompagné au cimetière où Perron a prononcé sur la fosse quelques mots qui ont été imprimés le jour-même dans Le Franc-Comtois. Les parents de Bourgon ont refusé de lui acheter une place qui ne leur aurait pas coûté plus de 50 fr. J'ai ouvert l'avis de l'acheter au nom de l'Académie et j'en ferai la proposition à la première réunion.
13414 mai.— Le génie militaire, pour des considérations qui n'ont pas le sens commun, s'oppose à l'établissement d'une passerelle dans le faubourg Tarragnoz en face de Boué49, mais il permet de l'établir près de l'écluse sur le carreau de la place. L'affaire est soumise maintenant au Conseil municipal dont on ne tardera pas à connaître la décision.
13515 mai.— Pamphlet jurassien, salmigondis, par MM. Sommier et F. Guillermet50, in 18, impr. de Javel à Arbois. Les auteurs de cette brochure qui n'est remarquable que par l'insolence et la grossièreté, ont déjà reçu dit-on quelques corrections qui les empêcheront sans doute de continuer à insulter les plus honnêtes gens du pays.
13616 mai.— Traité élémentaire de la théorie des fonctions et du calcul infinitésimal, par M. A.-A. Cournot, 2 vol. in 8, impr. de F. Didot à Paris.
13717 mai.— Pérennès, pendant son dernier accès de goutte, a entrepris de traduire en vers l’Art poétique d'Horace ; il est arrivé jusqu'à la moitié de son travail et n'en est pas mécontent.
13818 mai.— D. Monnier vient de faire imprimer à Bourg une ballade sur l'origine du monastère de Notre-Dame de Consolation. C'est l'une des plus belles légendes de notre histoire et je désire beaucoup qu'il l'ait traitée convenablement.
13919 mai.— M. Duvernoy se propose de continuer l'histoire de Pontarlier que la mort de notre confrère Bourgon laisse inachevée. Il est en correspondance pour cet objet avec l'imprimeur Laithier, mais il fait le difficile et le renchéri pour tâcher d'obtenir de meilleures conditions.
14020 mai.— Une troupe de chanteurs allemands arrivée à Besançon se propose d’y donner la représentation des meilleurs opéras dans cette langue. Elle débute aujourd’hui par La Flûte enchantée, l'un des chefs-d'œuvre de Mozart.
14121 mai.— Observations de M. Curasson sur le projet de loi concernant la propriété littéraire relativement aux livres d’usage des diocèses, in 8°, imprimerie d'Outhenin-Chalandre à Besançon. La loi a été rejetée.
14222 mai.— Melle Mermet, l'une des filles du banquier, cultive la littérature avez zèle si ce n'est pas avec succès. Elle vient d'adresser au Franc-Comtois un poème d'environ 300 vers, Pétrarque et le ménestrel, qu'elle désirerait voir imprimer, en gardant l'anonymat afin de connaître l'opinion publique sur ses essais.
14323 mai.— La troupe allemande qui doit donner une quinzaine de représentations a dû être satisfaite de son début. La Flûte enchantée a été applaudie avec un véritable enthousiasme. Notre public, d'ordinaire si froid, s’est passionné tout d'abord pour les acteurs, bons et honnêtes, qui savent leurs rôles et qui les récitent ou les chantent avec intelligence. L'ensemble des chœurs a surtout excité d'unanimes applaudissements. Robin des bois, pièce à grand spectacle que l'on donne aujourd'hui, n'aura pas moins de succès.
14424 mai.— Une décision du ministre de l'Instruction publique51 porte que la chaire d'histoire de la Faculté, vacante par la mort de M. Bourgon, ne sera pas occupée pendant l'année scolaire.
145Il suit de là que le ministre n'a pas jugé digne de la suppléance l'élève de l'Ecole normale, M. Raynaud, qui professe l'histoire au collège. Tous les amis du pays font des vœux pour que les chaires de la Faculté ne soient données qu'à des hommes sérieux et qui, n’ayant pas toujours les yeux tournés vers Paris, prennent racine dans la province.
14625 mai.— La commission de l'Académie, chargée d'aviser aux moyens de procurer la publication des dessins de M. Marnotte représentant divers fragments du Saint-Esprit, s'est rendue chez M. le préfet pour le prier de solliciter un secours du gouvernement.
14726 mai.— M. Monnier a publié dans l'Almanach du département de l'Ain des remarques sur les mœurs et le caractère des bressans que l'on dit très curieuses52. Il en a été tiré séparément des exemplaires in 8.
14827 mai.— Il paraît une nouvelle médaille de la galerie franc-comtoise, c'est celle d'un M. de Falletans53 qui n'a guère d'autre illustration que sa naissance qui lui valut l'honneur de présider la confrérie de Saint-Georges.
14928 mai.— Nous avons ici un jeune enfant d'une douzaine d'années qui annonce les plus étonnantes dispositions pour la sculpture. Il se nomme Franceschi54 ; il est le fils d'un Piémontais qui fait le commerce des figurines en plâtre. Alexandre de Saint-Juan vient de lui adresser une épître remarquable.
15029 mai.— On a adjugé les matériaux des deux boutiques placées sur le pont en amont, pour en continuer le rélargissement.
15130 mai.— Maintenant que la nouvelle halle est achevée, on commence à s'apercevoir qu'il est nécessaire de niveler la place, mais la chose n'est pas facile et le plan proposé par la compagnie Convers et Boudsot n'a pas pu réunir la majorité de la commission que cependant César Convers avait fait nommer.
15231 mai.— Devoisin le <filandreux>, que Génisset regardait comme son enfant chéri, part après-demain pour l'Afrique où il est nommé commissaire civil dans un des points les plus importants55. M. de Magnoncour me mande de lui donner des conseils sévères, mais à quoi bon ? Il serait incapable d'en profiter.
Juin 1841
1531er juin.— Nos gentilshommes campagnards reprennent tous le chemin de la villa où ils vont seigneuriser et s'ennuyer jusqu'à la fin de l'automne. La présence de l'opéra allemand n'a pas eu le pouvoir de les retenir, et même l'on prétend qu'un grand nombre d’entre eux partent sans avoir payé de leur bourse ou de leur personne un tribut d'admiration à ces nobles artistes étrangers.
1542 juin.— Une lettre de notre député Véjux m'annonce que la députation s'est réunie pour faire une démarche près du ministre de l'Instruction publique en faveur du rétablissement de notre Faculté des sciences et que le ministre avait promis que les fonds nécessaires seraient portés au budget prochain.
1553 juin.— Hier est mort après une courte maladie M. George, secrétaire de l'académie, membre de l'Académie de Besançon et de Nancy. C'était un homme instruit et laborieux auquel on est redevable de plusieurs abrégés de mathématiques et de physique qui ont eu plusieurs éditions.
1564 juin.— Sous le titre de Mémoires d'un contemporain, l'abbé Dormoy vient de publier une brochure sur l'évasion du comte de Bourmont de la Citadelle de Besançon en 180456. C'est fort peu de chose.
1575 juin.— Perron, avec beaucoup de qualités brillantes, n'est cependant pas un homme profond ; je suis étonné souvent de la légèreté avec laquelle il traite des choses les plus graves. Dégoûté des obstacles qu'il rencontre dans ses projets, il s'en prend au pays qui, suivant lui, manque d'hommes. « J'ai perdu, me disait-il ce soir, les trois dernières années de ma vie. — Comment cela ? A qui la faute ? Mais vous avez eu plus de temps pour travailler que vous n'en auriez eu à Paris. — Ce sont les dîners qui m'en empêchent. — Ne pouvez-vous donc pas les refuser ? » A cela point de réponse, parce qu'il n'y en avait pas une de raisonnable à faire. Les hommes ne manquent pas, il s'agit seulement de les trouver, et c'est ce dont Perron ne s'est point occupé.
1586 juin.— Curasson est malade dans sa campagne de Scey des suites de la chute qu'il a faite il y a plus de six semaines en revenant d'Ecole. J'ai été le voir et je ne puis me persuader qu'il y ait de la gravité dans son état. Il a la tête trop libre, il est trop peu occupé de son mal pour que ses amis puissent avoir de l'inquiétude sur l'issue de sa maladie.
1597 juin.— Il y a quatre places vacantes à l'Académie. « Voyons, me disait Pérennès, les sujets propres à les remplir. — D'abord, je ne vois pas la nécessité de nommer à ces quatre places tout d'un coup. Ensuite il nous serait mal de vouloir des sujets d'un mérite incontestable puisque ceux-là quittent le pays pour aller trôner à Paris. — Voyons cependant : parmi les littérateurs nous trouverons Meusy, Agnant, Groscler57, Bergier58, et parmi les savants Delly, Grenier, Martin59, Tournier, c'est-à-dire le double de ce qu'il vous faut pour remplir les fauteuils vacants. »
1608 juin.— La Société scientifique fondée par l'illustre Convers vient enfin de donner une preuve de son existence. Le premier fascicule de ses actes a été déposé à la Bibliothèque : c'est la monographie d'une plante par Grenier, rédigée dans le latin des naturalistes, avec une préface en français d’un style qui n'a pas de modèle et qui n'aura, je l’espère, point d'imitateur.
1619 juin.— Lejeune Clésinger me mande de Lausanne qu’il vient de terminer une Pandore, grandeur nature, dont il va m'adresser le plâtre pour l'offrir à M. de Magnoncour comme un témoignage de sa reconnaissance pour ses bontés.
16210 juin—. Le médecin Corbet60, premier professeur à notre Ecole, disait qu'il voudrait que l'école tombât. « Rien n'est plus facile, lui répondit-on, que de voir votre vœu se réaliser. Retirez-vous, et comme c’est vous seul qui la soutenez, il est clair qu'elle ne tardera pas à s'écrouler. »
16311 juin.— Les Echos du Jura, par Gindre de Mancy, in 8°, imprimerie de Gauthier à Lons-le-Saunier61. Recueil de vers trop volumineux [...]. L'auteur a en portefeuille une traduction complète de Théocrite pour laquelle il cherche en vain un éditeur.
16412 juin.— L'Impartial d'hier contient une épître de Max Buchon à Victor Considerant le fouriériste, dans la mauvaise manière des romantiques mais qui est assez remarquable par le fond des idées et l'énergie des images. Max est un très jeune homme dont il ne faut pas encore désespérer.
16513 juin.— Il n'est bruit dans les journaux que du discours de réception de Victor Hugo à l'Académie française. Quant à moi, je le trouve fort médiocre. Successeur d'un écrivain de talent62 qui avait essayé le premier de rajeunir les anciennes formes dramatiques, il aurait dû, ce me semble, essayer de défendre les novateurs et d'expliquer sa théorie de l'art. Mais il n'en a rien fait. Des phrases à prétentions, une grande affectation de modestie, voilà tout ce que j'a vu dans ce discours attendu avec tant d'impatience. C'est en vérité le parturiunt montes63. M. Salvandy, qui lui a répondu, a récolté les honneurs de la séance.
16614 juin.— La procession générale s'est faite hier comme à l'ordinaire. La chapelle, rétablie par l'archevêque, y paraissait pour la première fois. Rien de plus joli, de plus intéressant que ces jeunes enfants vêtus de rouge, marchant sur deux lignes dans l'attitude du recueillement. Il y avait plus de troupes que les années précédentes.
16715 juin.— Un jeune peintre de Dole, élève de Paul de La Roche64 et qui est de retour dans sa famille depuis quelques mois, est venu chercher ici des portraits de jurassiens célèbres qui lui ont été commandés par le musée de Dole. Il demandait surtout celui de Génisset dont il doit faire deux copies, l'une pour le musée de Dole et l'autre pour la mairie de Mont-sous-Vaudrey, lieu de naissance de Génisset. L'artiste, dont j'avais oublié le nom, se nomme Erozi ou Elori65.
16816 juin.— M. Pérennès a reçu de Paris sa nomination à la place de président de l'Institut d'Afrique ; c'était un moyen honnête, si l'on veut, de lui arracher 15 fr. pour son diplôme, mais il n'a pas été dupe de la mystification. Cependant Meusy, l’un de ses amis, a pour s'amuser annoncé la nomination de Pérennès dans Le Franc-Comtois. Là-dessus, grande rumeur. On croit Pérennès sur le point de partir pour aller présider l'Institut d'Afrique ; il reçoit la visite des personnes qui vont le complimenter ou lui témoigner leurs regrets de son départ. Il prend d'abord la chose en riant, puis il se fâche et le voilà brouillé avec celui qui a répandu la nouvelle.
16917 juin.— Lancrenon s'est chargé de faire un tableau de sainte Philomène pour l’église de Sainte-Madeleine. Le curé de la paroisse66, l'un des plus grands cagots que l'on puisse imaginer, vient le visiter dans son atelier. Il aperçoit sur le devant du tableau un enfant in naturalibus ; il se récrie contre de pareilles nudités ; Lancrenon lui dit son fait et l'envoie promener ; le curé dit qu'il ne recevra pas le tableau. La chose en est là, nous verrons la suite un peu plus tard.
17018 juin.— Encore la Société scientifique : elle vient de faire paraître une espèce de prospectus sous forme de lettre non signée, dans laquelle elle annonce son existence et la formation de quatre classes dont la dernière est pour les arts. Elle ne tiendra point de séances publiques mais elle publiera chaque année le recueil de ses actes en deux fascicules formant un volume gr. in 8°. Le nombre de ses correspondants est illimité et celui de ses membres résidents fixé à trente.
17119 juin.— Les travaux du nouveau bâtiment de l'arsenal se poursuivent avec une grande activité. Toute la partie qui comprend le petit Chamars sera terminée dans la campagne. A défaut d'autre mérite, ce bâtiment aura celui de l'étendue : la façade sera certainement la plus grande de toute la ville.
17220 juin.— M. de Bastard, conseiller à la Cour royale de Paris, frère du comte de Bastard67 à qui l'on doit la publication des vignettes des anciens manuscrits, a traversé Besançon avec sa femme, se rendant en Suisse. Il a visité la Bibliothèque et le cabinet Paris dont il a paru très satisfait.
17321 juin.— Une étoile que l'on apercevait à l'œil nu, malgré la présence du soleil, a singulièrement occupé ce matin les habitants de Besançon68 A tous les coins de rue on voyait des groupes assez nombreux, les yeux fixés au ciel, cherchant à découvrir l'astre lumineux que voilait de temps en temps de légers nuages chassés avec rapidité par un vent d'est assez vif. Quand, après l'avoir perdue quelques instants, on la retrouvait, c'était de la part des enfants des cris de joie pareils à ceux que poussent, dit-on, les sauvages après une éclipse de soleil. Les hommes sont toujours et partout les mêmes, et les civilisés ne diffèrent pas tant qu'on le croit généralement de ceux que nous appelons sauvages parce qu'ils sont nus et qu'ils méprisent beaucoup de choses dont nous faisons très grand cas.
17422 juin.— Pauthier avait présenté à l'Académie française la traduction des livres sacrés de l'Orient pour concourir au prix qu'elle avait proposé pour les meilleures traductions d'ouvrages de morale. L'Académie a distribué le prix entre des traductions de La Physique d'Aristote, du Messie de Klopstock69 et des Confessions de saint Augustin. Pauthier a écrit à l'Académie pour se plaindre d'un pareille décision. Sa lettre, piquante, spirituelle, incisive, a profondément ému les membres de l'Académie et M. Lebrun, secrétaire perpétuel provisoire, lui a écrit une lettre pour lui annoncer que l'Académie remettrait le même prix au concours pour l'année 1842. Pauthier m'envoie une copie de la lettre de M. le secrétaire provisoire qui reste un monument très curieux d'histoire littéraire.
17523 juin.— Nos députés sont de retour de la session qui n'est cependant pas encore close définitivement. Véjux, nommé par l'arrondissement extra-muros, est déjà reparti pour aller faire une visite aux principaux électeurs. Jouffroy est attendu à Luxeuil où il conduit sa femme malade70. M.de Magnoncour est établi dans son château de Frasne où il passera toute la belle saison. M. Clément, logé chez M. Ordinaire71, doit passer ici la semaine ; je dîne avec lui vendredi chez le général Voirol72 qui vient de m'écrire une lettre charmante.
17624 juin.— Pérennès a, dans la séance d'aujourd'hui, prié l'Académie d'accepter sa démission de la place de secrétaire perpétuel ; il a cependant consenti à en rester chargé jusqu'à la séance publique du mois d'août.
17725 juin.— Joly73, de Dole, est nommé secrétaire de l'Académie universitaire en remplacement de M. George, décédé.
17826 juin.— On commence la démolition des maisons rachetées par la ville dans la rue du Perron74 pour en procurer le rélargissement.
17927 juin.— Les protestants se montrent peu reconnaissants de toutes les enjolivures gothiques dont l'architecte Delacroix s'est plu à orner le portique du nouveau temple. Ils lui reprochent d'avoir placé parmi les figures fantastiques du couronnement un personnage à longues oreilles et un autre dont la langue descend jusqu'à la poitrine, et les fortes têtes du parti voient dans ces figures grotesques des allusions méchantes aux chefs de la Réforme.
180Enfin, ils prétendent que dans l'inscription de la porte on peut lire « ce serait la maison de Dieu », au lieu de c'est ici75. Les vénérables membres du Consistoire doivent présenter une requête au Conseil municipal pour obtenir le redressement de ses griefs dans le plus court délai possible. En cas de refus, ils sont décidés à porter l'affaire au ministre des Cultes76 et, s'il en est besoin, au Conseil d'Etat.
18128 juin.— Un nouveau magnétiseur donne depuis quelques jours des séances de somnambulisme dans la salle Galliot77, à 2fr. le billet. Ce charlatan est accompagné de Mme Prudence, qui l'aide dans ses opérations. Un journal annonce qu'il a été chassé d'une ville du Nord avec sa compagne mais il n'a pas à craindre le même affront à Besançon, tout plein encore des partisans et des admirateurs du baron Du Potet.
18229 juin.— Notre député Jouffroy a quitté brusquement sa femme qui est aux eaux de Luxeuil pour venir nous faire une petite visite. Nous avons dîné chez Perron sans cérémonie et presque en tête à tête, les coudes sur la table. Il y avait longtemps que je n'avais fait un repas aussi agréable. Viancin, le seul de nos convives que je n'aie pas encore nommé, a été d'une admirable gaieté. Il était plus d'onze heures quand nous nous sommes séparés avec promesse de nous revoir demain de très bonne heure.
18330 juin.— Le magasin que l’on construit maintenant à l'angle de la rue Saint-Pierre et de la rue des Granges sera plus riche encore que tous ceux que nous avons vus depuis quelques années. Il règne dans le dessus une sorte de couronnement tout doré qui produit un grand effet.
Juillet 1841
1841er juillet.— Béchet me soutenait à dîner chez lui que Victor Hugo78, né à Besançon, ne pouvait pas être regardé comme franc-comtois parce que son père et sa mère étaient étrangers à la province. « Mais, ajoutait-il, mon gendre79, né à Châteaudun, n'en est pas moins franc-comtois par la raison que sa famille est comtoise pur-sang. — Cela peut être vrai, lui répondis-je, mais vous verrez que les habitants de Châteaudun réclameront votre gendre comme un de leurs compatriotes. — Oh ! dit le gendre présent à la discussion, je ne le pense pas. »
1852 juillet.— Jouffroy voudrait que la ville achetât le palais de Granvelle80, le plus beau monument de Besançon et qui, laissé dans les mains d'un particulier, ne peut manquer d'être démoli dans quelques années. « Vous avez, lui dis-je, complètement raison, mais le moyen de le persuader à un Conseil municipal dont les trois quarts ne savent pas ce que c'est que Granvelle et qui descendent toutes les gloires du pays à bon marché. Parlez-en cependant au maire et je vous réponds que vous aurez de l'appui. »
1863 juillet.— On travaille à l'élargissement du pont de Battant en amont au moyen d'un trottoir pareil à celui que l'on a fait l'année dernière en aval. Cette belle et utile réparation, en laissant aux voitures toute la voie routière, préviendra les accidents qui ne pouvaient qu'être fréquents dans un quartier populeux et sur un pont très fréquenté.
1874 juillet.— La compagnie qui s'est chargée d'éclairer notre ville au gaz se met en devoir de remplir ses engagements. Le gazomètre se construit en ce moment près de l'écluse de Velotte et l'on s'occupe en même temps de placer les conduites de gaz dans le faubourg Notre-Dame.
1885 juillet.— Il est question de réparer la caserne de la gendarmerie placée depuis longtemps dans le couvent des minimes81 On démolit le mur d'enceinte de ce couvent dont la façade subira, selon toute apparence, des changements convenables à la destination nouvelle de l'édifice.
1896 juillet.— Madame Jobez, veuve de l’ancien député du Jura, est morte hier à Besançon d'un anévrisme, dans un âge peu avancé82. C'était une femme douée des qualités les plus éminentes et sa perte laissera de longs regrets à tous ceux qui l'on connue.
1907 juillet.— Le trottoir, si favorable au piéton, tend à prendre plus de développement ; il n'avait osé jusqu'ici paraître que dans les rues nouvelles que vient de faire ouvrir l'administration municipale, mais il va s'étendre dans la rue des Granges au moins devant la maison florentine de l'architecte Delacroix83.
1918 juillet.— Jouffroy, arrivé ce matin de son excursion aux Pontets, a assisté à une séance de l'Académie, où il a parlé des dispositions favorables de M. le ministre de l'Instruction publique à l'égard de nos subventions et de l’espoir fondé que nous avons de voir rétablir la Faculté des sciences supprimée si maladroitement en 1826. A l'issue de la séance, un banquet lui a été offert chez Migon. Les convives étaient au nombre de treize, ce qui ne nous a pas empêché d'être fort gais. Jouffroy part demain pour Frasne d'où il doit se rendre à Luxeuil près de sa femme à qui les médecins ont conseillé l’usage des eaux, et il nous reviendra vers la fin du mois.
1929 juillet.— Le sous-préfet de Pontarlier, Jules Demesmay, a eu l'excellente idée de réunir dans une des salles de la mairie les portraits des hommes illustres de l'arrondissement. Cette galerie, qui s'accroît tous les jours, réunit déjà plus de vingt portraits, parmi lesquels on distingue ceux de d'Arçon, l'inventeur des batteries flottantes, des généraux Michaud, Viennet et Morand, de l'évêque de Nîmes Chaffois, de l'archevêque de Besançon Fauche84, etc...
19310 juillet.— Le journal Le Franc-Comtois cessera-t-il de paraître à la fin de la première année de son existence ? C'est la grande question qui préoccupe les fondateurs depuis quelque temps. Ils se sont réunis ce soir chez le conseiller Bourgon pour en discuter, et après avoir parlé pendant près de trois heures, quoique d'accord sur tous les points, ils se sont séparés sans avoir pris une résolution définitive. Leur plus grand embarras, c'est de trouver un moyen de se débarrasser de leur gérant Guyornaud, sans s'en faire un ennemi. Quand j'y pense, Guyornaud n’y mettrait pas tant de façon avec eux, car il a été sur le point de les planter là cinq ou six fois sans se soucier de ce que deviendrait le journal. Guyornaud est dans ce moment à Bruxelles quand on le croyait occupé dans le département de la Haute-Saône à recruter des abonnés. Pitié !
19411 juillet.— Il fait depuis quelques jours un temps très mauvais ; les récoltes, qui s'annonçaient sous les plus belles apparences, seront tout au plus médiocres. Le vin qui avait beaucoup diminué commence à renchérir, et il est fort à craindre que l'année prochaine le pain ne soit plus cher qu'on ne l'a vu depuis la révolution de Juillet. Ce serait un grand malheur.
19512 juillet.— Le chanoine Riduet, l'ami de dom Grappin et le dernier des prêtres constitutionnels du diocèse, est mort hier dans un âge assez avancé. Comme il a toujours refusé de se rétracter, l'archevêque a balancé s'il l'admettrait aux honneurs de la sépulture ecclésiastique. « Ce sera comme vous voudrez, lui a dit le neveu du défunt, j'emmènerai le corps de mon oncle dans ma commune ; mais je vous avertis que mes plaintes retentiront dans les journaux. » Cette observation a calmé le zèle si peu apostolique de Sa Grandeur, et le chanoine Riduet sera enterré demain à Saint-Jean.
19613 juillet.— Explication de la loi du 2 juin 1841 sur les ventes judiciaires de biens immeubles, par E. Longchamp, in-8, imprimerie de Fournier à Paris.
19714 juillet.— Il paraît que Proudhon a été inquiété par la police de Paris au sujet de sa Lettre à M. Blanqui sur les fondements du droit de propriété. Son livre a été saisi et il aurait été poursuivi devant les tribunaux si M. Blanqui lui-même ne s'était pas intrigué pour obtenir que l'on usât d'indulgence à l'égard d'un jeune homme, en réalité moins coupable qu'il n'en a l’air car c'est tout simplement un fou. Ce sont ses démêlés avec la police qui ont retardé son retour à Besançon où il est attendu pour la fin du mois.
19815 juillet.— Bergier vient de livrer à l'impression l'Eloge du général Lecourbe qu'il avait composé pour répondre à l'appel de la Société d'émulation du Jura. Le prix n’a pas été donné et le sujet a été retiré. Pour son honneur et pour celui de Lecourbe, elle n'aurait pas dû le mettre au concours.
19916 juillet.— La troupe allemande a terminé hier ses représentations par la Norma. De toutes les pièces qu'elle a données, c'est celle qu’elle a jouée avec le plus d’ensemble. Elle s’en va satisfaite de l'accueil qu'elle a reçu dans notre ville en sorte que nous pouvons espérer de la revoir l’année prochaine. Maintenant nous allons être sans spectacle jusqu'à la fin des vacances, c'est-à-dire deux ou trois mois.
20017 juillet.— En voyant les beaux dessins que Marnotte a faits des anciennes peintures du Saint-Esprit, on s'indigne que l'on n'ait pas pris des mesures pour les conserver ; mais loin de là, il paraît que l'on ne s'est pas contenté de les recouvrir d'un badigeonnage de chaux mais qu'elles ont été piquées au marteau de manière à en faire disparaître jusqu'au moindre vestige. Cet acte de vandalisme mériterait d'être signalé publiquement. Et cependant celui qui, s'il ne l'a pas ordonné, l'a du moins laissé faire, est l'architecte Delacroix que l'intrigue et l'esprit de parti ont mis à la tête de tous les travaux qui s'exécutent à Besançon depuis quelques années.
20118 juillet.— M. Ferriot, l’ancien recteur de l'académie de Grenoble, est venu me voir hier à la Bibliothèque. II va passer quelques jours à Baume d'où il est originaire, car [sic] il est né à Toul où son père avait une place dans les Aides, et puis il reviendra à Besançon où il se propose de rester quelque temps. M. Ferriot est connu par quelques opuscules de mathématiques qui lui ont assigné une place parmi les savants et, dans ce moment, il travaille à un grand ouvrage pour lequel il a pris des engagements avec le public.
20219 juillet.— Une trombe qui s'est élevée hier entre onze heures et midi a causé d'épouvantables dégâts tant à Besançon que sur son territoire et même au-delà. La petite place de SaintMaurice85 était jonchée de branches d'arbres avec leurs feuilles vertes ; les promenades de Granvelle et de Chamars étaient également couvertes de débris. Sur le territoire, des noyers ont été déracinés, des arbres brisés, des couvertures de maisons enlevées et portées à de grandes distances. On ne se souvient pas d'avoir jamais vu chose pareille en cette saison.
20320 juillet.— Le bruit s’était accrédité que le roi de Prusse86 devait venir cette année visiter la principauté de Neuchâtel et profiter de l’occasion pour assister à la fête annuelle du saut du Doubs. Cette nouvelle avait été propagée par les journaux, et Le Franc-Comtois a, dans un de ses derniers numéros, donné, sur la foi d'un de ses correspondants plus que suspect, la relation de la fête offerte à Sa Majesté prussienne. La crédulité du journal qui donnait à ses lecteurs le récit d'un événement qui n'avait pas la moindre réalité a fourni à L'Impartial le texte de graves reproches au journal. Viancin a, comme toujours, envisagé la chose sous son côté plaisant et, dans une chanson très spirituelle, tâché de ramener à nous les rieurs. J'espère qu'il y réussira.
20421 juillet.— M. Colomb, de Saint-Claude87 l'un des plus féconds économistes de la province, vient de publier une nouvelle brochure sur l'hospice des aliénés à Dole.
20522 juillet.— Notre compatriote, M. de Tallenay, ministre plénipotentiaire à Hambourg, est en ce moment à Besançon en congé. Il y avait longtemps qu'il n'était revenu dans sa ville natale, et ce séjour n'y sera pas très long puisqu'il doit se remettre en route le 2 août prochain. C'est un homme très aimable et qui, tout en conservant le décorum diplomatique, raconte de piquantes anecdotes sur les hauts personnages avec lesquels il a eu des rapports plus ou moins intimes.
20623 juillet.— Le professeur Tissot me mande qu'il est un des deux auteurs anonymes qui ont partagé le prix proposé par l'Académie de Dijon sur cette question : De l'insuffisance des maximes de la raison pure pour l'éducation de l'homme.
20724 juillet.— Le rédacteur du Franc-Comtois, Guyornaud, est de retour d'un voyage qu'il s'était proposé de faire dans les départements voisins pour recruter des abonnés et des collaborateurs à sa feuille. En cheminant, et alléché par le désir de faire de nouvelles connaissances, il est allé jusqu'en Hollande où il a reçu un gracieux accueil. Le voilà maintenant qui, se pensant rival de Marmier, va faire un travail sur La Haye et les personnes qu'il y a vues. C'est je crois une fort mauvaise idée qui lui a passé par la tête. Il ferait mieux, s'il veut travailler sérieusement, de revenir à son histoire des colombanistes88 et de s'en tenir là.
20825 juillet.— Le travail de passage de tuyaux qui doivent conduire le gaz dans les rues de Besançon se poursuit avec la plus incroyable activité. Déjà cette opération est terminée dans les rues au-dessus de la place Saint-Pierre et l'on peut dire qu'elle a été faite avec tant de célérité que nulle part la circulation n'a été interrompue et que même, en beaucoup d'endroits, les citoyens ne s'en sont pas aperçus.
20926 juillet.— M. Clerc, l’ancien procureur général, a été renversé hier par une voiture dans le faubourg Notre-Dame. On a lieu d'espérer que cet accident n’aura pas de suites graves. Mais une circonstance réellement extraordinaire, c'est que dans cette voiture se trouvait sa belle-fille, Melle Blanc89, séparée de son mari, dont la conduite a déjà causé tant de chagrin à ce respectable vieillard.
21027 juillet.— M. Lenormand90, conservateur du cabinet du roi, vient d'adresser à la Bibliothèque des empreintes en plâtre des médailles du chancelier Carondelet91, de Nicolas de Granvelle, père du cardinal, et de J.-J. Boissard92, l'illustre antiquaire qui le premier a donné un ouvrage important sur les antiquités de Rome.
21128 juillet.— Anniversaire des Glorieuses. Cérémonie funèbre à la métropole. Les hommes qui ne vont pas à la procession de la Fête-Dieu viennent ici sur ordre de la ville. Leur présence et leur absence est également un scandale qu'un gouvernement établi ferait bientôt cesser.
21229 juillet.— M. Couture, maréchal de camp en retraite, est mort hier d'une hydropisie, à l'âge de 75 ans. Ses obsèques ont eu lieu aujourd'hui à l'église Notre-Dame, sa paroisse, avec toute la pompe due à son rang. Il avait commandé pendant quelques années en Corse et il a laissé sur ce pays un ouvrage que j'a eu quelque temps entre les mains, qui contient des vues utiles et de bonnes observations.
21330 juillet.— Le banqueroutier Micaud93 dit que les communistes de Besançon avaient le projet de faire frapper la médaille de Proudhon et que c'est lui qui les en a empêchés. Credat juventes Apollo.
21431 juillet.— Viancin a mis en chanson le programme de la mairie pour l'anniversaire des fêtes de Juillet. Il en prend occasion de se moquer de la salle d'asile ; établie sur la place Saint-Quentin94, dans laquelle les enfants, comme il le dit plaisamment, ne peuvent pas jouer aux barres. Cette pièce pleine d'esprit et de gaieté aurait fait sensation à Paris, mais ici elle ne sera point remarquée.
Août 1841
2151er août.— Le fête, la grande fête des Glorieuses, avait été renvoyée au dimanche. En vérité, ce n'était pas la peine. La revue de la garde nationale a été des plus tristes et les illuminations ont répondu à la revue. Le préfet a donné un dîner et a reçu les fonctionnaires.
2162 août.— Tercy a publié une pièce de vers sur le baptême du comte de Paris95. Sa position de pensionnaire du ministère le met dans la nécessité de célébrer tous les événements princiers. Cela est fâcheux pour sa réputation, car c'est un homme d’un véritable talent et ce qu'il fait prouve ce qu'il aurait pu faire s'il avait joui d'une bonne santé.
2173 août.— Le singe de Rousseau, Proudhon, est de retour ici depuis hier. Son arrivée n'a pas fait une grande sensation, et si les communistes l'ont célébré, c'est à huis clos.
2184 août.— Ch. Bouvier vient de publier avec un de ses nouveaux amis de Paris la Physiologie du vin de champagne, imitation de la Physiologie de la pipe et de toutes les brochures qu'a fait éclore la même donnée depuis quelques semaines. L'Impartial en a tiré son feuilleton. Cet opuscule a valu dit-on 500 fr. à partager entre les deux auteurs, mais comme Bouvier ne peut pas compter sur son talent d'écrivain pour vivre à Paris, il cherche à trouver un petit emploi dans l'Algérie qui devient le point de mire de tous les grands hommes avertis.
2195 août.— René de Vaulchier a reçu de l'Académie des inscriptions le titre d'archiviste paléographe.
2206 août.— Le maire de Besançon a nommé dans le Conseil municipal une commission pour examiner la question du recensement ordonné par une loi pour assurer une répartition plus équitable de la contribution. Cette velléité d'opposition au gouvernement, déjà fort embarrassé par les tracasseries que lui suscite la mauvaise presse, a déplu singulièrement au préfet qui déjà n’était pas très bien avec la mairie. Il est probable que cette commission ne se prononcera pas pour la résistance au recensement, mais dans ce cas-là ce ne serait pas le préfet qui céderait à la mairie.
2217 août.— Le fameux Proudhon est venu me voir. II a peut-être des formes moins rudes qu'à son dernier voyage, mais il est toujours aussi outrecuidant. Il s'est aperçu qu'on n'avait pas encore la philosophie des législations et son projet est d'en doter l'humanité, mais ce n'est point là pour lui la matière d'un ouvrage ; il ne veut pas consacrer plus de soixante pages à l'analyse de toutes les législations depuis Moïse à Franklin96, comme a rappelé l'excellente plaisanterie de Montesquieu, qui travaillait depuis quarante ans à réunir toutes les vérités utiles dans un volume qui ne devait pas avoir l'étendue de celui de Prouhon.
2228 août. — Passot, l'inventeur de la turbine, vient d'adresser au ministre de la Justice97 une pétition dont il m'a envoyé un exemplaire dans laquelle il récrimine avec une rare énergie contre le jugement de la Cour de Besançon qui le dépouille de sa propriété. Il stigmatise particulièrement le premier président Alviset et le juge Guillaume qu'il défie de le poursuivre comme calomniateur.
2239 août.— Le Conseil municipal vient de voter encore à l'unanimité que le maire serait invité à faire de nouvelles démarches pour obtenir le rétablissement de la Faculté des sciences, mais M. Micaud n'a pas de goût pour la physique ni pour la chimie et ses affidés sont bien convaincus que le vote tant de fois renouvelé du conseil n'aura pas le moindre résultat.
22410 août.— Atlas des prédicateurs ou plans de sermons mis en tableaux, par M. l'abbé Tharin, ancien vicaire général du diocèse de Besançon, in 4° oblong, impr. de Vrayet de Surcy à Paris. Cet ouvrage n’est point de l’ancien évêque de Strasbourg, qui prend toujours ce titre, mais de son frère cadet qui a été quelque temps l'un des administrateurs de notre diocèse98
22511 août.— Les pompiers ont célébré leur fête à Mazagran avec une solennité extraordinaire. Un banquet de cent couverts, auquel assistèrent les deux adjoints99, a été suivi d'un feu d'artifice que l'on dit avoir été assez beau.
22612 août.— On démolit en ce moment le corps de garde de la place de la poissonnerie et l'on s'occupe en même temps de niveler la place Labourey100 qui sera vraiment belle quoique irrégulière.
22713 août.— M. Rochet101, d'Héricourt, revenu d’Abyssinie où il a passé vingt-cinq ans, s’occupe de la publication de son voyage, que l'on dit fort intéressant.
22814 août.—. M. Ed. Clerc vient de dessiner les parties encore inédites de l'arc de triomphe pour les joindre au mémoire curieux de M. Ravier102 sur ce monument.
22915 août.— Aujourd'hui est mort vers les deux heures de l'après-midi mon ami l'avocat Curasson, à l'âge de 70 ans. C'est une des plus grandes pertes que la ville et le barreau aient faites depuis bien des années.
23016 août.— M. Porchat, l'ancien recteur de l'académie de Lausanne, annonce le projet de venir à la prochaine séance de l'Académie, dont il a été récemment élu correspondant, pour y lire la traduction qu'il vient de terminer de l'Art poétique d'Horace. Cette nouvelle détermine Pérennès à faire imprimer la sienne, afin de conserver la priorité et de prévenir tout soupçon d'imitation ou de plagiat.
23117 août.— Aujourd'hui ont eu lieu les obsèques de Curasson à la métropole. La foule de ceux qui ont voulu lui donner un dernier témoignage d'estime ou d'affection était grande. M. Clerc, l'ancien procureur général, portait un des coins du drap mortuaire. Après la cérémonie de l'absoute, qui a eu lieu sous l'arc même de triomphe, M. Clerc a prononcé d'une voix fort émue l'éloge du défunt dont il a rappelé dans des termes fort convenables les qualités, les services et les droits à l’estime de la postérité. Le corps a été transporté à Ferrières, domaine des Ethis103, et pour mon compte j'en ai du regret. Sa place véritable était au cimetière public où sa tombe aurait honorablement figuré à côté de celles des hommes utiles ou distingués par leurs talents que Besançon a perdus depuis une dizaine d'années.
23218 août.— Les prêtres sont des ignorants. Tel est le titre d'une apologie des prêtres qui se vend depuis quelques jours chez Cornu, libraire rue Saint-Vincent104. Le professeur Perron qui l'a lue la trouve mal raisonnée mais bien écrite : on peut donc parier presque à coup sûr qu'elle n'est pas sortie de la plume d'un prêtre du diocèse.
23319 août.— Le jeune Petit, l'élève de David, sur lequel la ville de Besançon fonde de légitimes espérances, n'a pas pu se présenter cette année pour concourir aux prix de Rome ; sa santé chancelante l'a forcé depuis quelques temps à renoncer au travail qui l'épuisait, et les médecins viennent de l'envoyer respirer l'air natal. Il est venu me voir ce matin à la Bibliothèque ; je l’ai trouvé bien faible, bien débile, mais il est si jeune que la nature fera sans doute quelque chose en sa faveur.
23420 août.— Le ministre de l’Instruction publique vient de faire connaître au maire les conditions auxquelles la Faculté des sciences sera rendue à la ville de Besançon qu'il regarde comme destinée à devenir un des grands centres d'instruction dans l'Est. Le ministre demande des salles pour les leçons, un cabinet de physique, un laboratoire de chimie, une collection d'objets d'histoire naturelle, une bibliothèque spéciale, etc... Sa lettre a été renvoyée à une commission présidée par le fameux Convers qui ne veut point d’autres dépenses que celles qui doivent l'enrichir ou ses associés, en amenant les eaux d'Arcier. Le Convers a bloqué dans ce sens et les commissaires, ébranlés par ses raisonnements, répètent d'après lui que le ministre ne veut point donner la Faculté des sciences à Besançon puisqu'il ne l'offre qu'à des conditions impossibles à remplir. Toutefois la commission s'est séparée dans prendre aucune décision.
23521 août.— Le maire est autorisé à réunir extraordinairement le Conseil municipal pour délibérer sur la lettre du ministre relative à la Faculté des sciences. En lui accordant cette autorisation, le préfet lui écrit que s'il ne profitait pas de cette circonstance favorable pour rendre à la ville un établissement aussi important, le Conseil municipal aurait une grande responsabilité envers ses concitoyens.
23622 août.— Aujourd'hui dimanche, fête à Beure. L'affluence des promeneurs était considérable. Dans la soirée, deux jeunes gens ont tiré un feu d'artifice sur le Doubs à Tarragnoz.
23723 août.— M. Forien, licencié en droit, a été nommé titulaire de la pension Suard. Sur dixhuit membres présents, il a obtenu dix-sept voix ; la dernière a été donnée au jeune Leyritz105, qui donne de grandes espérances.
23824 août.— Séance publique de l'Académie. Discours du président Demesmay sur les traditions : excellent s'il n'était pas trop long. Discours de réception de Gardaire sur les bornes de la philosophie : bien pensé, bien écrit, mais ennuyeux. Vers de Laumier lus par Pérennès. Rapport de Bretillot sur l'éloge de Suard : très spirituel mais encore trop long. Pièce de vers de Viancin : souvenirs de Paillot, jolis détails mais trop de vers prosaïques. Rapport de Perron sur la question philosophique : style faible, profondeur de vues. Séance trop longue. Prix de l'éloge de Suard à François Pérennès ; de la question philosophique partagé entre M. de Laboulaye106, légitimiste, et Tissot, le professeur, démocrate.
23925 août.— Hier, ont été nommés membres titulaires de l'Académie M. Carbon, recteur, et M. le conseiller Dusillet, fils de l'auteur d'Iseult de Dole et correspondant à La Province, Bollut, médecin de Dole107, recommandé par Curasson. Cette élection faite sous son patronage est encore un hommage à sa mémoire.
24026 août.— Laumier est arrivé hier pour prendre la direction du Franc-Comtois qui se relèvera sans doute sous le patronage d'un homme très habile dans cette partie. Dès qu'il sera un peu reposé, nous le verrons à l'œuvre, mais les feuilletons par lesquels il s'est annoncé me donnent beaucoup de confiance dans son savoir-faire.
24127 août.— Hier a eu lieu la distribution des prix à l'Ecole préparatoire de la médecine. Le docteur Corbet, chargé de rendre compte des travaux de l'école pendant l'année, n'a parlé que des opérations qu'il a pratiquées lui-même ; là-dessus j'ai fait l'épigramme suivante :
On se plaint que Corbet ne parle que de lui
C'est qu'il se connaît mieux qu'il ne connaît autrui.
24228 août.— Le volume du Congrès est enfin imprimé au bout d’un an (excusez le retard). Des exemplaires en seront expédiés aujourd'hui même à M. le secrétaire général du Congrès à Lyon108. J'espère que dans le peu de temps qui me reste à vivre, le Bon Dieu ne m'enverra plus une semblable corvée.
24329 août.— Distribution des prix à l'Ecole de dessin. On a remarqué une véritable amélioration dans la conduite des élèves et leurs progrès s'en sont ressentis. Lancrenon a prononcé le discours.
24430 août.— Toujours des distributions de prix. Elles se succèdent comme les gelées au mois de janvier. Celle du collège royal a eu lieu dans la grande cour, ce qui n'était pas arrivé depuis plusieurs années. Le discours d'apparat a été prononcé par M. Lesage, professeur de 5ème qui avait choisi pour sujet L'utilité des études philologiques, et qui a été traité d'une manière convenable. Le recteur a fait ensuite une allocution improvisée à grand renfort de mémoire. En tout la cérémonie a été fort belle.
24531 août.— Notre Conseil général, comme tous les autres, ne s'occupe guère que de rectifications de routes, de canaux et de chemin de fer. Il ne s'agit pas le moins du monde de réunir les populations mais de les faire voyager le plus rapidement possible. Le mémoire de Parandier sur la possibilité d'établir dans la vallée du Doubs un chemin de fer qui rejoindrait l'Alsace à la Bourgogne a été accueilli par nos conseillers avec des battements de mains, mais les mêmes conseillers, dont aucun ne verra se réaliser le projet de Parandier, sont restés froids comme glace aux cris de quelques pauvres citoyens stationnaires sur la nécessité de pourvoir aux frais de l'Ecole de médecine et de faire tous les sacrifices nécessaires pour rétablir à Besançon une Faculté de médecine.
Septembre 1841
2461er septembre.— L'octroi de la ville de Besançon a été adjugé aujourd'hui pour la somme de 300 000fr. C'est plus de moitié qu'il y a quarante ans. L'adjudicataire est M. Jovinet109.
2472 septembre.— Voyage sur la côte orientale de la mer Rouge, dans le Pays d'Adel et le royaume de Choa, par C.-F.-X. Rochet, d'Héricourt, Paris, in 8°, avec une carte et 6 lithographies110. Prix : 16 fr.
2483 septembre.— Parmi les Franc-Comtois qui se sont rendus au Congrès de Lyon, on cite Considerant, l'apôtre de Fourier, l’archéologue Monnier, le docteur Bonnet, professeur d'agriculture, etc. Ainsi nous avons lieu d'espérer que notre province y sera bien représentée.
2494 septembre.— Notice historique sur le collège royal de Tournon, par M. Neiner, précédée de l'Inondation de 1840, par le même. Valence, in 8. M. Neiner est de Salins.
2505 septembre.— D. Monnier a lu au Congrès de Lyon un mémoire sur le lieu du combat entre Albin et Sévère, qu'il place non près de Trévoux, comme ses prédécesseurs, mais près de Tournus111. Son opinion est appuyée de preuves solides et qui paraissent sans réplique.
2516 septembre.— Mon ami Trémolières, en ce moment à la Verrière de Grosbois112, vient de m'adresser une épître chagrine sur notre situation politique qui n'est réellement pas rassurante.
2527 septembre.— La récolte de blé est des plus médiocres ; le pain augmente et l’administration ne s'occupe pas d'organiser des travaux pour l'hiver.
2538 septembre.— Par un luxe bizarre et des plus mal entendus, on vient de meubler la salle d'asile destinée aux pauvres enfants de la paroisse Saint-Jean comme un salon de financier. De la rue, on aperçoit, battant aux fenêtres, de longs rideaux blancs, tandis que l'administration ne fait pas même placer de la grosse toile aux fenêtres de la Bibliothèque.
2549 septembre.— Le Séraphin de la terre ou le prêtre, recueil de divers opuscules de saint Bonaventure113, par M. l'abbé Carney114, Lyon, Périsse, in 12.
25510 septembre.— Melle Hautier, de Mouthier, fille d'un chirurgien de campagne et qui n'est jamais sortie elle-même de son village, vient de composer un livre de prières, vrai chef-d'œuvre en son genre. Le manuscrit lui a été acheté par un imprimeur de Paris qui ne tardera pas à le publier.
25611 septembre.— On s'occupe avec activité de l'agrandissement de l'hospice de Bellevaux ; des mesures ont été prises pour acquérir le terrain nécessaire pour les nouvelles constructions.
25712 septembre.— De la manie du suicide et de l'esprit de révolte, de leurs causes et de leurs remèdes, par J. Tissot, in 8°, imprimerie de Douillier à Dijon.
25813 septembre.— Tissot, dont nous venons d’annoncer un nouvel ouvrage, est un des écrivains franc-comtois les plus laborieux et les plus féconds. Il publie chaque année au moins un gros volume in 8°, ce qui ne l'empêche pas de concourir pour les prix proposés par les académies et de soutenir des luttes contre les novateurs. Dans ce moment même, il publie dans Le Franc-Comtois des articles contre le fouriérisme. C'est une déclaration de guerre à L'Impartial, qui ne manquera pas de lui répondre.
25914 septembre.— Le jeune Baille vient d’exposer quelques-uns de ses nouveaux ouvrages dans la salle de l'Ecole de dessin ; le moment n’est pas favorable pour une exposition, puisque tous les amateurs sont à la campagne.
26015 septembre.— Les vendanges ont commencé aujourd'hui à Besançon, mais seulement pour les plants précoces. C'est la première fois que l'on prend une semblable mesure, sollicitée par les propriétaires et les vignerons.
26116 septembre.— Le préfet a fait afficher le 13 au soir la nouvelle télégraphique qu'un coup de pistolet avait été tiré sur les princes115 au moment où ils rentraient dans Paris à la tête du 17ème léger. L'auteur de ce crime est un nommé Quenisset116, né dans le département de la Haute-Saône.
26217 septembre.— Il a été décidé qu’il serait construit un fort à Chaudanne. Des affiches annoncent que le gouvernement se propose de réunir au domaine militaire les terrains nécessaires aux nouvelles constructions.
26318 septembre.— Histoire d'Alger et de la piraterie des Turcs dans la Méditerranée à dater du XVIe siècle, par Ch. de Rotalier, 2 vol. in 8, imprimerie de Schneider à Paris. Le Moniteur du 16 contient un article sur ce nouvel ouvrage de ce jeune écrivain.
26419 septembre.— M. l'abbé Querry, chanoine et grand vicaire de Reims, a fait hommage à la Bibliothèque de Besançon de la médaille frappée à l'occasion de la seconde conquête de la Franche-Comté par Louis XIV en 1674.
26520 septembre.— Mémoires sur les travaux publics, par M. J. Cordier, député du Jura117 in 4°, impr. de Fain à Paris, tome Ier
26621 septembre.— L'Univers religieux annonce avec de grands éloges la Vie de saint François d'Assise, par Emile Chavin, qui ajoute à son nom celui de Malans, village où il possède une petite ferme et qui n'a pas laissé des souvenirs bien honorables à Dole où il dirigé pendant quelque temps un pensionnat.
26722 septembre.— Le Muséum littéraire, ou chefs-d'œuvres de la littérature française depuis la renaissance des lettres, par Emmanuel Bousson de Mairet, tome Ier (prose), imprimerie de Javel, Arbois. Compilation dans le genre des leçons de littérature de Noël118, mais qui n'aura pas le même succès parce que l'auteur n'a pas de <protecteur> et habite une petite ville de province.
26823 septembre.— On assure que Considerant n'a pas obtenu à Lyon tout le succès qu'il espérait de sa prédication fouriériste ; il a dû retourner à Paris sans s'arrêter à Mâcon où il avait promis de faire une station.
26924 septembre.— L'Impartial répond à la critique du Régime sociétaire publiée par l'abbé Busson dans Le Séquanais, où personne ne se serait avisé d'aller le lire.
27025 septembre.— Statistique de l'église catholique, par l'abbé R..., in 12, imprimerie de Gauthier à Lons-le-Saunier. L'auteur est l'abbé Robin qui m'a envoyé un exemplaire de son ouvrage.
27126 septembre.— M. Monin119, chargé de la chaire d’histoire vacante par la mort de Bourgon, est arrivé à Besançon où il a été fort surpris de ne trouver personne ; il est normand, né près de Caen, mais il a longtemps habité Paris. On lui doit déjà quelques ouvrages et il annonce l’intention de travailler beaucoup cet hiver.
27227 septembre.— M. Reinaud, de l'Institut120, a visité aujourd'hui la Bibliothèque. J'ai profité de la circonstance pour lui communiquer nos manuscrits orientaux dont il a eu la complaisance de me traduire les titres et de me donner la description. Il a eu une longue conférence avec M. Duvernoy sur les diverses expéditions des sarrasins dans la Bourgogne. Je l’ai accompagné à la Citadelle. Il était avec sa femme.
27328 septembre.— M.Grangier121 a entreposé à la Bibliothèque quatre tableaux qu'il a acquis à la vente du prince [Cical...], ambassadeur de Naples à Paris : deux Salvatore Rosa, les Joueurs de Manfredi et la Femme adultère du Titien.
27429 septembre.— M. le conseiller Navand m'a lu une pièce de vers de sa façon sur la féodalité.
27530 septembre.— Le préfet est arrivé de Mulhausen122 où il est allé avec l’ingénieur Parandier pour assister à l'ouverture du chemin de fer de cette ville à Bâle. Il est enchanté, enthousiasmé et il m'a dit que malgré le besoin qu'il sentait de prendre sa retraite, il ne la solliciterait pas avant d'avoir doté le département du Doubs d'un chemin de communication de Montbéliard à Dijon.
Octobre 1841
2761er octobre.— M. Janet, conseiller d'Etat, venu à Lons-le-Saunier pour y faire ses vendanges, y est mort presque subitement le 29 du mois dernier à l'âge de 72 ans. Ses obsèques ont eu lieu aujourd'hui avec toute la pompe due à son rang. La Sentinelle du Jura contient sur ce magistrat une assez courte notice reproduite dans Le Franc-Comtois.
2772 octobre.— Un orage a éclaté aujourd’hui sur Besançon vers les trois heures de l'aprèsmidi et il s'est prolongé toute la nuit. Le tonnerre s'est fait entendre sans discontinuer pendant plus de quinze heures sur les différents points qui entourent la ville. Heureusement on n'a aucun accident à déplorer.
2783 octobre.— La quantité d'eau qui est tombée hier et aujourd’hui a été si grande que ce soir le Doubs couvre les chemins de halage ; à dix heures, il continue à croître et si la pluie ne cesse pas on doit s'attendre à son débordement.
2794 octobre.— Il a continué de pleuvoir toute la journée. Les terrains bas des Chaprais sont entièrement couverts d'eau ; il en est de même des autres parties du territoire qui sont enfoncées. Les habitants se plaignent avec raison du peu de prévoyance de l’administration de procurer l'écoulement des eaux pluviales : ce serait bien le cas de pratiquer ici ces puits absorbants qui, dans la Champagne, suffisent pour assécher des étangs considérables et même des marais.
2805 octobre.— Aujourd'hui est mort presque subitement M. Henri Bouverey, procureur du roi près le tribunal d'instance, à l'âge de 42 ans. C'était un homme plein de la morgue que donne la fortune, parlant dans un salon avec ce ton qui annonce que l'on veut être écouté, magnifique et ladre, plus recherché qu'aimé, et qui ne laissera pas de longs regrets.
2816 octobre.— Le nouveau professeur d’histoire, M. Monin, s'occupe en ce moment d'un travail sur le Moyen Age. Il paraît très laborieux et fort érudit.
2827 octobre.— Le baron Henry vient de terminer le roman auquel il travaillait depuis dix-huit mois, et il part après-demain pour Paris dans le dessein d’y chercher un éditeur qu'il aura de la peine à trouver123.
2838 octobre.— Le professeur Tissot qui revient de Suisse où il a passé une partie de ses vacances, m'a remis ses impressions de voyage avec l’autorisation d'en retrancher tout ce que je jugerais convenable et de les publier ensuite dans Le Franc-Comtois.
2849 octobre.— M. de Bernard est à Besançon où ses affaires le retiendront au moins un mois. Ainsi nous aurons sans doute l'occasion de le revoir et de lui offrir à dîner chez Migon. Sa dernière nouvelle, Le Paratonnerre, a paru dans la Revue des Deux mondes le 1er de ce mois.
28510 octobre.— La Revue de Franche-Comté124 est annoncée dans tous les journaux de la province, excepté dans ceux qui paraissent à Besançon. Le nouvelliste de La Montagne va jusqu'à donner la liste des articles qui doivent composer le premier numéro. Guyornaud, le principal rédacteur, se remue beaucoup pour avoir des abonnés et je ne serais pas étonné qu'il parvienne à en réunir un nombre suffisant pour couvrir ses frais.
28611 octobre.— Le préfet m'a appris la mort de ce pauvre Francis d’Allarde, sans se douter le moins du monde qu'il me parlait d'un de mes plus anciens amis. A vingt ans nous ne voulions pas nous quitter et l'on nous trouvait toujours ensemble. Il partit pour Paris où il ne tarda pas à se faire la réputation d'un homme d'esprit et d'un aimable chansonnier. Nous nous sommes toujours revus depuis avec plaisir, mais l’intimité avait cessé et ne reparut plus.
28712 octobre.— L'établissement de l’éclairage au gaz a sillonné toutes les rues de tranchées qui rendent la circulation très difficile, surtout dans la nuit. Il est inouï que l'administration municipale ne prenne pas la moindre mesure pour garantir les citoyens des accidents qui pourraient être très fréquents dans ce moment où la pluie et la boue rendent la voie publique presque impraticable.
28813 octobre.— L'Impartial d'hier contient un article de F. Wey sur la Statistique de l'arrondissement de Dole, dont l'auteur125 pourrait bien ne pas être très satisfait. Tout en ayant l'air de le louer, il lui lance de belles et bonnes épigrammes qu'Armand ne sentira peut-être pas, mais qui ne m'amuseraient pas du tout. J'aime mieux une critique franche, une guerre déclarée, non ces faux-semblants de bienveillance qui mettent un homme dans le doute s'il doit se fâcher ou remercier de la faveur grande qu'on lui fait en lui donnant des croquignoles déguisées.
28914 octobre.— L'année 1841 est décidément fatale à notre littérature provinciale. Monsieur Tercy, le beau-frère de Nodier et l'un de nos poètes les plus distingués, est mort au Mans le 1er de ce mois des suites de la maladie névralgique dont il était atteint depuis longtemps. Il n'a pas publié de longs ouvrages, mais les rares amateurs de la poésie classique ont accueilli ses élégies et ses idylles dans le genre de Théocrite, dont la collection ne peut tarder à devenir très rare. On sait que dans ses dernières années il travaillait à un dictionnaire français dont tous les mots devaient être marqués d'un signe propre à en déterminer la valeur prosodique.
29015 octobre.— M. l'abbé Bigandet126, de Malans, canton d'Amancey, m'écrit du Birman, royaume d'Asie, qu'il vient de m'expédier pour la Bibliothèque de Besançon une caisse d'objets curieux que je puis faire réclamer au Havre.
29116 octobre.— Le tableau de sainte Philomène, que le jeune Baille a fait pour l'église de Notre-Dame, vient d'être descendu de l'endroit où le curé l'avait d'abord placé pour être mis sur un autel constamment entouré de bonnes femmes et de cierges. Voilà les autres saints abandonnés pour la sainte nouvellement découverte ! Ce besoin de changement qu'éprouvent les femmes se manifeste jusque dans leur dévotion ! Mais ce que je ne puis approuver, c'est que les prêtres l’excitent et le favorisent.
29217 octobre.— L'administration municipale s'occupe enfin des marchés publics. La place Labourey a été nivelée dans les derniers temps et les ouvriers travaillent à rendre praticable la place Saint-Jean127.
29318 octobre.— Aujourd'hui le 75e régiment a donné une fête pour la réception du drapeau qui lui a été délivré au camp de Compiègne. Un repas de plus de cent couverts dans la salle des pas perdus qui avait été décorée de trophées d'armes, des toasts, des illuminations ont signalé cette fairie dont nos journaux feront plus de bruit qu'elle n'en a fait réellement dans une ville passablement indifférente.
29419 octobre.— Viancin, pendant son séjour à Mouthier, a composé une pièce pleine de verve contre les ingénieurs qui n'ont pas cru pouvoir exécuter la nouvelle route d’Ornans à Pontarlier sans détruire l'admirable cascade de Syratu. Il pourrait donner pour épigraphe à ce morceau l'« indignatio facit verbum », de Juvenal. J'imagine qu'en le lisant, l'ingénieur Vuillet128 se repentira d'avoir détruit cette cascade qu'avait su conserver son habile prédécesseur, M. Goury, aujourd'hui député et chef de division au ministère de l'Intérieur.
29520 octobre. — Hélène et Laurence, par Melle Louise Crombach, in 18, à Paris, chez l'auteur, rue Servandoni, 11. Il me semble qu'il y a de l'impudence chez une femme auteur à donner ainsi son adresse.
29621 octobre.— La santé de M. Jouffroy donne les plus vives inquiétudes à ses nombreux amis. Il est impossible de penser à la perte d’un homme si recommandable et si dévoué au pays sans éprouver la plus vive inquiétude et sans faire du fond du cœur les vœux les plus sincères pour son prompt rétablissement.
29722 octobre.— Le manuscrit du poème des Eléments, de M. Joly, que l'on croyait perdu, a été retrouvé dans ses papiers avec un assez grand nombre de pièces inédites dont son fils m'a promis la communication.
29823 octobre.— Pauthier a répondu, et vigoureusement, à la critique insolente de M. Julien dont on a parlé129. La 1ère partie de la réponse a paru dans le Journal asiatique*, numéro du mois d'août, et la seconde est sous presse.
29924 octobre.— M. Leglay, bibliothécaire de Lille, vient de m'adresser une copie du Pas de la mort, poème d'Aymé de Montgesoye130 que je ne connaissais que par la citation d'Olivier de La Marche dans son poème du Chevalier délibéré.
30025 octobre.— Le bon vieux père Ledoux se range parmi les antagonistes des eaux d'Arcier. Il vient d'adresser au Franc-Comtois une lettre qui paraîtra dans un des prochains numéros, où il démontre qu'il serait absurde d'aller chercher de l'eau à trois lieues de Besançon tandis que le Doubs en fournit dont les habitants de Dole usent depuis longtemps sans en éprouver la moindre incommodité.
30126 octobre.— Le Catéchisme de persévérance de l'abbé Gaume, 8 vol. in 8°, est à sa troisième édition. C'est un succès qu'il convient de constater.
30227 octobre.— Il pleut depuis trois jours presque sans interruption et à torrents ; dans une nuit le Doubs a cru de plus de quatre pieds : voilà deux inondations dans moins d'un mois.
30328 octobre.— On imprime le Mémoire de Parandier sur le chemin de fer par la vallée du Doubs avec des cartes et plans. M. le préfet m'a dit qu'il espérait que ce beau travail vaudrait à son auteur la place d'ingénieur en chef.
30429 octobre.— Alph. Jobez m'a lu à Bolandoz son Histoire du système de Law, qui doit faire partie d’un grand travail qu'il prépare sur la Régence et dont je crois avoir déjà parlé. Il possède bien son sujet et son style m'a paru net, clair, précis, vigoureux.
30530 octobre.— L'Impartial continue d'argumenter contre Le Séquanais sur le principe de la légitimité. Quelle sottise de la part de L'Impartial : sans lui, qui saurait que Le Séquanais existe ?
30631 octobre.— La question de la traversée du chemin de fer dans la province préoccupe tous nos industriels. Les notables commerçants de Gray se sont réunis pour demander qu'il suive la vallée de l'Ognon de préférence à celle du Doubs. Les motifs qui militent en faveur de ce projet sont exposés dans un mémoire dont Le Franc-Comtois donne l'analyse.
Novembre 1841
3071er novembre.— Madame Bouverey, qui vient de perdre son mari, disait à madame de Magnoncour qui lui faisait un visite de condoléances : « Ah ! Madame, vous n'imaginez pas quel vide c'est que la perte d'un mari ; vous le saurez un jour et vous comprendrez ma juste douleur ! » La pauvre dame disait cela en présence de M. de Magnoncour qui n'a pas dut tout envie de mourir et qui n'est pas précisément persuadé de la douleur de Mad. Bouverey dont le mari n'était rien moins qu'aimable.
3082 novembre.— M. Hippolyte de La Porte a visité aujourd'hui notre bibliothèque. C'est un homme aimable et spirituel auquel on doit plusieurs opuscules remarquables, entre autres une notice piquante sur madame la comtesse de Montrond, l'amie de Lally-Tollendal131.
3093 novembre.— Aujourd'hui rentrée de la cour royale. M. Blanc, substitut du procureur général, a prononcé le discours dont le sujet était De la dignité de la magistrature. Je ne l'ai pas entendu, mais toutes les personnes qui assistaient à la cérémonie s'accordent à en faire l'éloge. On en pourra juger puisqu'il sera imprimé dans les journaux du département.
3104 novembre.— Hier a eu lieu la rentrée de la Faculté des lettres dans la salle ordinaire de l'académie. Les professeurs de la Faculté et ceux de l'Ecole préparatoire de médecine étaient en costume. Le doyen de l'école, le respectable M. Vertel, n'a pas reculé devant la dépense d'une robe qu’il ne doit pas porter plus de deux ou trois fois par an, puisqu'il est déjà remplacé comme professeur. Les auditeurs étaient nombreux mais on a eu le tort de les faire attendre trop longtemps. Après une laborieuse improvisation du recteur qui ferait mieux de lire ses discours que de les apprendre par cœur, M. Pérennès a lu le programme des cours de la nouvelle année. Le secrétaire132 a donné ensuite connaissance aux élèves des articles du règlement qui les concernent d'une manière spéciale.
3115 novembre.— Tournier, chargé du discours de rentrée de l'Ecole de médecine, a été bien long, bien diffus et bien maladroit. Il a fort ennuyé son auditoire et blessé ses confrères ainsi que l'administration. On dit que pour se disculper, il se propose de publier son discours.
3126 novembre.— Le premier numéro de la Revue franc-comtoise a paru. L'introduction par A. de Troyes133 m'a paru très bien faite ; les autres morceaux ne manquent pas d'intérêt. Il est à désirer que le recueil se soutienne plus longtemps que la Revue des Deux Bourgognes.
3137 novembre.— Les nombreux amis de Curasson se sont réunis pour lui frapper une médaille dont l'exécution a été confiée à notre graveur Maire. J'en ai vu le modèle qui est d’une ressemblance frappante.
3148 novembre.— Delly, professeur de mathématiques au collège royal, a été trouvé mort dans son lit ; sa femme, qui était couchée à côté de lui, ne s’est point aperçue qu’il était malade et ce n'est que lorsqu'elle est venue l'avertir de se lever qu'elle a connu son malheur. La veille, après le dîner, il était allé suivant son habitude au café causer et boire une bouteille de bière avec quelques amis. Rien ne faisait présager une fin aussi triste et aussi prochaine. Sa mort est une grande perte pour le collège dont il était un des ornements. Peu de professeurs de province ont envoyé autant d'élèves aux écoles de Paris.
3159 novembre.— La caisse de curiosités birmanes est enfin arrivée : des fétiches, des habillements de femme, des boëtes, un manuscrit en langue pali, des deniers birmans et un cahier de peintures chinoises composent ce premier envoi dont je donnerai le détail dans Le Franc-Comtois.
31610 novembre.— Le comte Léonce de Saporta dont on a déjà quelques ouvrages sérieux qui, par cette raison même, n'ont pas fait grand bruit, vient de publier Des besoins et de l'esprit du siècle, in 8°, imprimerie de Saintain à Paris.
31711 novembre.— A l'entrée de la nuit, le brouillard était si épais que l'on ne voyait pas dans la rue de manière à pouvoir y circuler sans craindre des accidents. Aussi tous ceux que leurs affaires obligeaient de sortir étaient munis de lanternes dont la multiplicité formait un spectacle tout à fait nouveau pour les habitants. Des vieillards assurent qu'ils n'ont jamais vu un pareil brouillard. Il n'a duré que quelques heures.
31812 novembre.— M. l'abbé Cheverny, chanoine de Chambéry, a fait hommage à la Bibliothèque d'un exemplaire de la vie de saint Pierre de Tarentaise134, l'un des saints les plus vénérés dans notre province où l'on conserve son tombeau, devenu l’objet d'un pèlerinage très fréquenté. Dans ses notes, il cite un grand nombre d'ecclésiastiques du diocèse dont il a reçu des notes et des encouragements. M. Cheverny trouve que le moment est venu d'entreprendre l'histoire monastique de la Franche-Comté et, dans la visite qu'il a bien voulu me faire, il m'a dit qu’il se proposait d'en parler à l'archevêque qui, seul, pourrait et devrait même donner l'impulsion en invitant les curés à recueillir les matériaux d'un ouvrage si utile à l'histoire du Moyen Age et à la religion. M. Cheverny est un homme d'un vrai mérite et nous n'en avons malheureusement pas beaucoup qui lui ressemblent.
31913 novembre.— Pauthier, que la maladie de sa mère force à faire de fréquents voyages à Mamirolle et qui part d'ici presque toujours le soir et à pied, s’est avisé, pour charmer l'ennui du chemin, de se remettre à versifier. Il a commencé une ode en l’honneur de la Séquanie qu'il destine au premier numéro de la Revue de Franche-Comté. La strophe qu'il m'a lue est vraiment remarquable, et s'il peut se soutenir sur ce ton-là, la pièce ne peut manquer d'avoir un assez grand retentissement dans la province.
32014 novembre.— M. Lerouge, procureur général à Besançon de par la révolution de 1830, est nommé président de chambre à la Cour royale d’Aix. Il a pour successeur M. de Golbéry135, député, conseiller à Colmar, helléniste, antiquaire, traducteur de divers ouvrages latins, allemands, et par conséquent une très bonne recrue pour notre Académie.
32115 novembre.— M. Ed. Clerc est de retour de Paris où il était allé chercher des matériaux pour continuer et compléter son histoire de Franche-Comté. Il a été fort content de l’accueil qu'il a reçu de M. Reinaud et de Magnin, tous deux membres de l'académie des Inscriptions dont il a suivi les séances particulières avec une grande assiduité. M. Champollion-Figeac a mis à sa disposition tous les recueils et cartulaires relatifs à la province et il a pris l'indication de ceux qui nous manquent et que tôt ou tard il faudra faire copier.
32216 novembre.— Le rapport du docteur Tournier à la rentrée, qui avait ému la susceptibilité de nos administrateurs, est imprimé. Il assure lui-même qu'il en a retranché deux pages dans lesquelles il se délectait à parler de son mode d'enseignement, et ce n'est peut-être pas la seule modification qu'il ait fait subir à son travail, mais tel qu'il est, ce rapport est encore trop long et écrit incorrectement.
32317 novembre.— La ville est éclairée au gaz depuis avant-hier, mais d'une manière fort incomplète. Il faut donc attendre encore quelques jours avant de se prononcer sur ce nouveau mode d'illumination. Mais il eût été raisonnable de continuer à faire éclairer par des réverbères les rues où les appareils au gaz ne sont pas encore établis. C’était là une chose si simple que tout le monde y aurait pensé, excepté toutefois notre économique mairie qui ne pense qu'aux moyens d'avoir les eaux d'Arcier. Ce soir il n'y avait que quelques becs de gaz pour éclairer la rue Saint-Vincent depuis l'arsenal jusqu'à l’académie,
32418 novembre.— L’hiver, comme le dit l'innocent Franc-Comtois, a commencé dans le département du Doubs. Il est tombé de la neige lundi 15 pour la première fois de l'année et ce matin Chaudanne est tout blanc de neige. Mais comme le froid n'est pas très vif, il n'y a plus trace de frimas dès que le soleil est élevé sur l'horizon.
32519 novembre.— Μ. B. Gaspard, médecin et juge de paix136, vient de m'adresser le prospectus de l'Histoire de Gigny au département du Jura, de sa noble et royale abbaye et de saint Taurin son patron137, in 8.
32620 novembre.— L'Impartial est fort irrité contre Le Franc-Comtois qui lui a reproché quelques erreurs fouriéristes. Il lui dit de grosses injures, l'accuse de mauvaise foi et lui conseille, non pas de poser sa plume mais de se la passer à travers le corps. Débuté de cette manière, cela promet pour la suite si la querelle vient à s'échauffer, et les honnêtetés littéraires du XVIIIe siècle ne seront que des douceurs auprès de celles du siècle qui s'intitule fièrement le siècle du progrès et des lumières.
32721 novembre.— M.de Montalembert, que j'ai vu hier à la Bibliothèque, n'est pas content du premier numéro de la Revue franc-comtoise. Il ne veut pas que l'on traite l'histoire sous la forme de chronique comme l'a fait Guyornaud, et puis il déclare nettement qu'il n'aime pas les vers. La revue comme il l'entend serait certainement plus instructive, mais ce n'est pas pour s'instruire qu'on lit les revues, c'est pour s'amuser, pour passer un moment où l'on n'est pas occupé, et si Guyomaud adopte son plan il ne conservera pas la moitié de ses abonnés.
32822 novembre.— Viancin vient d'improviser une chanson en réponse à l'article furibond de L'Impartial ; elle paraîtra demain dans Le Franc-Comtois sous un nom supposé, mais l'auteur n'en sera pas moins reconnu facilement.
32923 novembre.— Hier, la messe de Sainte-Cécile a été célébrée à la cathédrale avec une pompe inaccoutumée. L'archevêque, qui présidait à la cérémonie entouré de son clergé, a donné la bénédiction. Mais la musique n'a pas été meilleure pour autant. S’il y a des gens qui s'en contentent, tant mieux.
33024 novembre.— L'Ecueil, par Ch. de Bernard, 2 vol., in 8°, imprimerie de Béthune à Paris. Voici je crois le dixième ou douzième roman de notre illustre compatriote qui, s'il continue, laissera bien loin derrière lui Balzac par le nombre des volumes, comme il le surpasse par le talent.
33125 novembre.— La guerre, mais une guerre acharnée, continue entre L'Impartial et Le Franc-Comtois. Dans un article beaucoup trop violent, Laumier a répondu aux injures de L'Impartial, qui lui a répondu sur le même ton. A une autre époque, cette querelle n'aurait pu se terminer que par un duel, mais il n'en sera pas ainsi selon toute apparence et il n'y aura que des flots d’encre de répandus.
33226 novembre.— Dans sa séance de rentrée, l'Académie a nommé l'un de ses membres honoraires M. Flourens, de l'Académie française et l'un des secrétaires généraux de l'Académie des sciences.
33327 novembre.— Les articles imprimés dans L'Impartial sous le nom de Landry, chirurgien à Bolandoz, et dans lesquels le pédantisme de Belamy est ridiculisé d'une manière fort plaisante, sont d'Auguste Demesmay que je n'aurais pas soupçonné de manier si bien le sarcasme et la bonne plaisanterie.
33428 novembre.— C'est le comte Louis de Vaulchier qui s'est chargé de faire l'inscription pour la médaille de Curasson. Il est venu me soumettre ses idées qui étaient d'avance bien arrêtées, et l'inscription portera l'empreinte des temps malheureux où nous vivons. Ainsi l'on y verra qu'à une époque où il n'y avait plus d’études et plus de foi, Curasson fut « un homme de science et de conscience ». Cette espèce de jeu de mots, qui signale la décadence138, lui a tellement plu qu'il m'aurait été impossible de la faire supprimer.
33529 novembre.— J'ai reçu hier de M. Rochet d'Héricourt139, un très bel exemplaire de son voyage dans l’intérieur de l'Afrique, avec une lettre très aimable à laquelle j'ai répondu ce matin140 en l'invitant à suivre dans ses pérégrinations aventureuses l'exemple du bon missionnaire qui vient de nous envoyer pour notre musée tant d’objets anciens141.
33630 novembre.— Pauthier a terminé son ode intitulée La Franche-Comté. Elle paraîtra dans le premier numéro de L'Album. Il sera réimprimé dans un des premiers numéros du FrancComtois. Je l'ai lue hier dans la soirée à une réunion dont Pauthier faisait partie et elle a été accueillie par d'unanimes applaudissements ; elle contient réellement de très belles strophes.
Décembre 1841
3371er décembre.— Perron, qui se porte avec une extrême ardeur député de l'arrondissement de Gray, m'a communiqué un petit pamphlet qu'il se propose de publier contre le plus dangereux de ses compétiteurs, M. l'ingénieur Lacordaire, député actuel. La forme qu'il a adoptée est celle d'un dialogue supposé entre un riche négociant et un électeur du port auquel il a donné le nom de [P...]. Son style est vif, incisif, et doit contrarier beaucoup son adversaire.
3382 décembre.— Xavier Marmier m'a envoyé une feuille qu'il vient d'imprimer sous le titre de Poésies. La première pièce, celle qui l'a décidé à faire cette publication, c'est un sonnet à M. le comte Molé, l’ancien ministre et son protecteur, chez qui il a passé une partie du mois septembre dans son château de Champlâtreux142.
3393 décembre.— Notre nouveau procureur général, M. de Golbéry, est arrivé hier à l’improviste. Il est descendu à l'hôtel du Nord. J'aurais pu dîner avec lui chez le conseiller Véjux à qui il avait demandé de mes nouvelles, mais j'étais retenu par l'abbé Thiébaud et je n'ai pas cru pouvoir me dégager. M. de Golbéry n'est ici qu'en passant et pour quelques jours.
3404 décembre.— Le Conseil municipal s'est enfin réuni pour délibérer sur les propositions du ministre relatives au rétablissement de la Faculté des sciences. L'illustre Convers avait déclaré que pour satisfaire aux demandes du ministre, il faudrait au moins cent mille écus, somme qu'il était impossible de réaliser dans un moment où l'on s'occupe avec tant de zèle de ramener à Besançon les eaux d'Arcier. L'architecte143 a soumis deux plans au conseil, l'un dont le devis s'élève à 75 000 frs réaliserait parfaitement le vœu du ministre ; le second, qui consiste seulement à approprier les salles actuelles à leur nouvelle destination, ne coûterait que 23 000 frs. C'est pour ce dernier que s'est décidé le conseil qui, il y a deux ans, offrait cent mille francs et envoyait à Paris une députation pour solliciter cette même Faculté des sciences qu'il dédaigne aujourd’hui.
3415 décembre.— Notre archevêque a fait venir cette année le P. Desplaces, le supérieur de la maison des jésuites à Dole, pour prêcher l'avent. On le dit homme du monde et homme d'esprit, mais il parle pendant une heure et demie et par cela seul il me prouve qu'il ne connaît pas la mesure d’attention dont est susceptible une assemblée composée en grande partie de femmes et de jeunes gens. Le choix de ses sujets ne me semble pas non plus très heureux. Il se complaît à relever les grandeurs de la Vierge ; c'est très bien sans doute, mais notre siècle a besoin de quelque chose de plus solide et de plus substantiel. Une femme du peuple dont je voudrais savoir le nom disait mercredi en sortant de Saint-Pierre, où le P. Desplaces s'était évertué à prouver l'immaculée conception : « Il a prêché pour les personnes qui ne viennent pas à l'église. » C'est un mot juste, plein de sens et de raison, dont il serait à désirer que nos prédicateurs fissent leur profit.
3426 décembre.— M. de Ronchaud est arrivé de sa campagne près de Lons-le-Saunier où il a passé ses vacances et repart ce soir pour Paris avec Madame sa mère. Il vient d'achever un drame en 5 actes et en vers dont il a pris le sujet dans une ballade danoise que le baron d'Eckstein a traduite exprès pour lui. Aussitôt qu'il aura retouché sa pièce, il se propose de la présenter au théâtre de l'Odéon dont le directeur est d'Epagny qui, ce me semble, en qualité de compatriote, doit l’accueillir favorablement.
3437 décembre.— M. de Golbéry a pris possession hier de sa place de procureur général. Le discours qu’il a prononcé a été trouvé convenable par les rares auditeurs qui l'ont entendu, mais, comme il sera imprimé dans les journaux, on pourra confirmer ou casser le premier jugement.
3448 décembre.— Depuis la glorieuse et populaire révolution de 1830, le domaine n'a cessé de tourmenter les riverains de la forêt de Chaux à raison des droits d'affouage dont ils y jouissent de temps immémorial. Ils ont gagné leur procès en instance au tribunal de Dole par les mémoires et plaidoiries de l'avocat Froidevaux, mais le domaine s'est pourvu en appel et c'est aujourd'hui que l'affaire a été commencée devant la cour royale de Besançon. L'avocat Clerc de Landresse plaide pour le domaine, et de Merey pour les communes. Le jugement ne sera prononcé au plus tôt que la semaine prochaine.
3459 décembre.— Le deuxième numéro de la Revue franc-comtoise contient un mémoire de M. le président de Courbouzon sur les Etats de la province144, accompagné de notes aussi stupides qu'impertinentes de Thibaudet, de Lons-le-Saunier, le plus outrecuidant des hommes. M. Duvernoy en est indigné et s'il ne récuse pas l'insolence inouïe de ce polisson, il faudra bien que je le fasse moi-même dans un des prochains numéros de notre journal.
34610 décembre.— Marmier me mande qu'il vient d'obtenir du ministre de l'Instruction publique un congé de quatre mois qu’il se propose d'aller passer au Spitzberg. Il partira de Paris le 20 de ce mois pour venir à Dijon puis à Besançon où nous tâcherons de le retenir le plus longtemps qu'il nous sera possible.
34711 décembre.— Perron a reçu de Jouffroy une lettre dans laquelle il se plaint amèrement de la conduite du Conseil municipal qui, après avoir envoyé une députation à Paris pour demander la Faculté des sciences, refuse, quand on la lui offre, de voter les fonds nécessaires pour les frais de premier établissement. Jouffroy est furieux qu'on l'ait mis en avant ainsi que Clément. Il a dû écrire dans ce sens au maire et au préfet, nous saurons bientôt ce qu'il en adviendra.
34812 décembre.— Le numéro du Franc-Comtois contient un article fort remarquable contre le projet désastreux d’amener à Besançon les eaux d’Arcier. Il est de Kornprobst qui n’a pas voulu le signer je ne sais trop pourquoi, car tout le monde le devinera. Ce n'est pas Viancin, et moi encore moins, qui aurait pu comme lui employer à propos des mots scientifiques. Ainsi la coterie ne nous soupçonnera pas d'y avoir mis la main, mais cet article paraît dans un journal dont nous sommes les patrons avoués et c'est assez pour qu’elle nous en garde rancune.
34913 décembre.— Le P. Desplaces continue les stations de l'avent à la cathédrale, excepté le mercredi qu'il prêchera à Saint-Pierre. Tous ceux qui l'ont entendu, les ecclésiastiques surtout, ne conçoivent pas que Mgr l'archevêque ait fait venir de si loin un prédicateur évidemment au-dessous de la plupart de ceux qui, dans le diocèse, abordent la chaire évangélique.
35014décembre.— Pérennès a publié dans Le Franc-Comtois d'aujourd'hui des Stances qu'il a composées dans son récent voyage en Bretagne, pleines de grâce et de sensibilité.
35115 décembre.— L’industriel Boudsot, après avoir lu l’article contre le projet des eaux d’Arcier, a beaucoup ri, disant qu'il n'y avait rien là de nouveau. Mais rire n'est pas répondre et nous espérons que le préfet forcera la coterie de s'expliquer clairement, avant de lui permettre d'aller plus loin dans son projet d'exploiter la ville de Besançon.
35216 décembre.— Une bourse communale était vacante au collège royal ; Viancin l’a demandée pour un de ses fils et, bien que le maire ait avant le scrutin rappelé ses titres en peu de mots, la bourse a été donnée au fils du républicain Roche, étranger à la ville où l'a poussé la révolution de 1830 pour y diriger l'école primaire modèle d'enseignement mutuel. Sur vingt-deux membres présents, le fils de Viancin a eu neuf voix et celui de Roche douze.
35317 décembre.— Le Conseil municipal, si mesquin quand il s'agit du progrès des sciences dont il croit pouvoir se passer, n'a pas hésité aujourd'hui à voter un million à employer à l'établissement du chemin de fer qui doit être dirigé de Mülhausen à Dijon en suivant la vallée du Doubs.
35418 décembre.— Devoisin vient de m'envoyer d'Alger des inscriptions antiques fort intéressantes. Reste à savoir si elles sont inédites.
35519 décembre.— Viancin, que la conduite du Conseil municipal à son égard a justement blessé, s'en console en vrai poète qu'il est. Il vient de me montrer des couplets très gais qu'il a improvisés en se promenant et dont le refrain n'était pas facile à [...]. Le sujet est de circonstance puisqu’il s'agit des étrennes et le mot sur lequel il joue est la corne, non celle que l'infidélité d'une femme place au front d'un mari, mais celle que les visiteurs font à leur carte pour prouver qu'ils l'ont apportée eux-mêmes. On ne peut rien imaginer de plus gai ni de plus décent.
35620 décembre.— Dans la même séance où le Conseil municipal a si libéralement voté un million pour le chemin de fer, Théophile Bruand, qui devait être si étonné de siéger parmi les représentants de la cité s'il n'était pas si étourdi, a proposé de voter en même temps les fonds nécessaires pour amener à Besançon les eaux d'Arcier. Alors le grand [...] Convers a dit que cette dépense n'excéderait pas un million ; il commence à se rapprocher de nos calculs, et le docteur Bonnet en a profité pour ajouter une note à son article sur les eaux d'Arcier, qu'il se propose de faire tirer à 1 500exemplaires.
35721 décembre.— Notre ami Perron qui ne perd pas de vue sa candidature à la chambre des députés, arrive de Gray où il a vu M. Lacordaire qu'il aspire à remplacer. Il en a été très content, ce qui veut dire qu'il l'a trouvé fort au-dessous de ce qu'il imaginait. En effet, M. Lacordaire part pour Paris avec l'intention de faire rejeter le seul projet qui ait été présenté pour faire passer le chemin de fer par le département de la Haute-Saône.
35822 décembre.— Viancin, qui est inépuisable, vient de faire de nouveaux couplets sur le Conseil municipal ; il a choisi l'air du marquis de Carabas, de Béranger, et ses couplets ne sont pas moins incisifs que ceux de son devancier. Cependant il se propose de les faire imprimer. Dieu seul sait ce qui doit résulter de cette levée de boucliers.
35923 décembre.— Une lettre du bon vieux Ledoux, insérée dans Le Franc-Comtois, sur les abus qui peuvent résulter des prédications nocturnes, fait jeter les hauts cris à toute la gent dévote. Ce qui m'étonne, c'est qu'un homme aussi raisonnable que M. le conseiller Bourgon se fasse colporteur de toutes les criailleries et qu'il vienne m'accuser, moi, de l'insertion de cette lettre, comme si j'étais plus responsable du journal que lui ou nos coassociés145
36024 décembre.— Grâce à Dieu, les prédications ordinaires, qui ont été plus un objet de scandale que d'édification, sont terminées et nous allons rentrer pour quelque temps dans la voie ordinaire du salut, et si le chef du diocèse comprenait et le siècle et le pays qu'il est chargé d’administrer, nous ne reverrions jamais de ces orateurs étrangers à nos mœurs et à notre caractère qui viennent porter la perturbation dans les habitudes d'un peuple également calme et religieux.
36125 décembre.— La messe de minuit a eu lieu comme les précédentes années sans le moindre inconvénient. Toutes les églises étaient remplies de fidèles ou de simples curieux. L'étranger qui aurait parcouru notre ville dans la journée aurait pu juger mieux que nous de l’esprit religieux de ses habitants. Tous les magasins étaient fermés, il n’y a point eu de spectacle. Le catholicisme seul dominait sur cette population ramenée pour ainsi dire malgré elle à des croyances que sapent depuis plus d'un siècle les écrits des philosophes, mais qu'ils ne parviendront jamais à détruire entièrement.
36226 décembre.— La commission des documents a nommé son secrétaire M. Ponçot, ancien intendant militaire, connu par ses travaux archéologiques. Dans la même séance, elle s'est adjoint M. Loiseau, ancien notaire à Pontarlier146.
36327 décembre.— Le journal L'Artiste parle avec beaucoup d'éloges d’une statue d'Europe de notre jeune sculpteur Demesmay, l'un des fils du conseiller, refusée à la dernière exposition par un caprice inexplicable du jury et qui, réduite à de petites proportions, obtient le plus grand succès dans les Salons de Paris.
36428 décembre.— Un autre journal, Le Constitutionnel, annonce une Mythologie illustrée (c'est le mot à la mode) par notre compatriote Baron147, déjà connu par les vignettes ou illustrations dont il a déjà décoré plusieurs ouvrages, entre autres une nouvelle traduction du Tasse, et les Aventures de Télémaque.
36529 décembre.— L'édition des Noëls en patois de Besançon, par Th. Belamy, est en vente depuis quelques jours. La préface, dans le style du jour, n'est pas mauvaise et je lui sais gré d'avoir rappelé dans une note les différents travaux historiques publiés dans la province depuis quelques années. Les notes grammaticales et historiques placées en bas des pages sont superficielles mais suffisantes pour les lecteurs du pays que l'auteur a eus principalement en vue. Mais le glossaire du patois bisontin n'en reste pas moins à faire.
36630 décembre.— A l'affluence qui règne dans les rues, on devine qu’on touche au jour des étrennes. D'élégantes boutiques garnissent deux côtés de la place Saint-Pierre, et les magasins des principales rues rivalisent d'élégance et de coquetterie. Chaque année le luxe augmente mais je ne dirai pas qu'il en est de même de l'aisance de la population et du bonheur des familles.
36731 décembre.— M. Arago, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, vient, dans un éloge de Condorcet, de renouveler la calomnie qui accuse Suard d'avoir refusé un asile à son ancien ami proscrit par la Terreur148. J'espère que quelqu'un en Franche-Comté prendra la parole dans cette occasion pour réfuter une accusation qui ne peut pas avoir le moindre fondement raisonnable, car si Condorcet n'a pas accusé Suard, et il ne l'a pas accusé que je sache du moins, il est impossible de connaître ce qui s'est passé entre eux à cette terrible époque dont M. Arago, qui voudrait la voir renaître, parle bien à son aise.
Notes de bas de page
1 Dispositif sur pivot placé au sommet d'une cheminée pour assurer l'échappement de la fumée en cas de vent.
2 Henri-Adrien Prévost de Longpérier (Paris 1816-1882), amateur de numismatique et d'histoire, employé au cabinet des mémoires de la bibliothèque du roi. Il termina sa carrière comme conservateur du musée égyptien du Louvre.
3 Raymond IV de Saint-Gilles, comte de Toulouse (Toulouse 1042-Tripoli 1105).
4 Gervais Charpentier (Paris 1805-1871), véritable créateur de l'édition moderne, publia à partir de 1838 plus de 400 titres dans un format in-18 (format charpentier) des œuvres d'écrivains connus.
5 Ancien capitaine d'artillerie, auteur d'un traité de mécanique appliquée, chef de travaux à l'Ecole royale des arts et métiers de Châlons-sur-Marne, puis à celle de Toulouse. C’est au cours d'un congé en Franche-Comté dans sa famille qu'il élabora le projet évoqué par Weiss, rejeté par le Conseil municipal (voir aussi au 19 août 1840).
6 Pierre-Joseph Proudhon.
7 Comme souvent (mais ce n’est pas le cas vis-à-vis de Convers et de Micaud) il est difficile de se faire ici une idée de l'opinion réelle de Weiss ; il semble parler ici des retirants comme quelqu'un qui est extérieur à leur groupe.
8 Jules-Marie-Louis Vieille (Besançon 1814-Paris 1896), sera recteur à Aix-en-Provence puis à Grenoble, et inspecteur général de l'Instruction publique. Il avait épousé à Vesoul en 1849 une petite-fille du député Nicolas Galmiche, Angèle Guenot.
9 Jean-Ferdinand Denis (Paris 1798-1890) avait étudié les langues de l'Europe et voyagea à travers l'Amérique et le Brésil, et publia sur les pays qu'il avait visité. Il avait été nommé bibliothécaire du ministère de l'Instruction publique en 1838 et est nommé à la Bibliothèque Sainte-Geneviève (et non à celle de l'Arsenal) en 1841 et en deviendra l'administrateur.
10 Ou plutôt Valet selon l’Annuaire du Doubs, et le Journal, 12 mars 1840.
11 Souvenirs et portraits, imprimerie de Cosson.
12 Gabriel Sénac de Meilhan (Paris 1736-Vienne [Autriche] 1803). Intendant général, il fut le collaborateur de Saint-Germain à la Guerre en 1776 ; émigré en 1791, il fut pensionné par Catherine II, et se fixa à Vienne en 1802. Il publia en 1786 les Mémoires (apocryphes) d'Anne de Gonzague, princesse palatine, et un roman en 1797, L'Emigré.
13 Le savant bâlois Daniel Bemouilli (Groningen 1700–Bâle 1782), de l'illustre famille hollandaise de savants, auteur d'un traité d'hydrodynamique en 1778 qui le fit considérer comme le fondateur de cette science.
14 L'Académie littéraire des jeux floraux accordait, parmi les prix, des fleurs d’orfèvrerie dont l'églantine.
15 Aux accusations de fanatisme portées par l'abbé Doney contre Duvemoy, parce qu'il publie dans les annuaires du Doubs entre 1834 et 1840, la composition consistoriale des cultes protestants, des informations sur les pasteurs et la vie des gens, on opposera la vigilance catholique de ses successeurs (Voir J.-M. Debard, Protestants et catholiques du Pays de Montbéliard et de Franche-Comté au xixe siècle.... Soc. Emulation Montbéliard, fasc. 103, année 1980).
16 Fleury-Bergier (Vercel 1815-Etalans 1895). Historien, notamment de la Révolution. Bénéficiera de la pension Suard en 1850-1853 ; membre de l'Académie de Besançon en 1868, titulaire en 1887.
17 Peut-être la femme du capitaine d'Etat-major de Coynart qui intervint en 1840 au Congrès scientifique de Besançon sur des questions de géologie.
18 Mgr Thomas Gousset.
19 Weiss a puisé ses renseignements dans la chronique du Franc-Comtois (13 février 1841) consacrée aux nouvelles de la Suisse. Selon le Dictionnaire de Bénézit, François-Simon Bidau aurait vécu à Lausanne de 1830 à 1844, où il aurait été maître de dessin des écoles normales de la ville ; ses œuvres n'y sont pas citées.
20 Jean-Baptiste Perrin, membre de la Société d'Emulation du Jura.
21 Claude-François-Nicolas Pratbemon (Jussey 1790-1842). Il combina ses études de médecine et sa fonction d'officier de santé aux armées ; installé à Jussey puis à Vesoul. Membre correspondant de l'Académie de Besançon.
22 Jacques-Joseph Ebelmen (Baume-les-Dames 1814-Paris 1852, chimiste), professeur à l'Ecole des mines et à Polytechnique, sera directeur de la manufacture de Sèvres en 1848. Nombreux travaux scientifiques.
23 Jean-Auguste-Philibert Lacordaire (Bussières [Hte-Marne] 1789-Paris 1860), avait été élu député de l'arrondissement de Gray en 1839.
24 Comparer ce commentaire avec celui du 31 janvier.
25 Duchâtel.
26 Claude-Hyacinthe Machard (Sellières 1783-Dole 1846). Weiss a copié le titre très approximativement : Quelques observations sur l'aliénation mentale et sur la manière dont le service médical doit être fait dans un asile privé ou départemental consacré aux aliénés, Dole, impr. de Pillot, 1841 (Journal de la librairie, 1841, no 1040).
27 Marie-Claude-Ignace Dormoy-Maire, défroqué et marié en 1794, rédacteur de journaux révolutionnaires à Besançon, avocat sous l'Empire.
28 Jean Millet (Fondremand 1620 †1682), chanoine surchantre à Besançon, chargé par l'archevêque Antoine-Pierre Ier de Grammont de réformer le chant liturgique. Auteur d'un Directoire pour le chant grégorien et de compositions sacrées.
29 Paul Laurens (1813-1889), fils d'Anatoile, lui succède dans ses fonctions de chef de division à la préfecture et à la rédaction de l'Annuaire du département.
30 Etienne-Gabriel Peignot (Arc-en-Barrois 1767-Dijon 1849). Notice étendue au t. II du Journal, et dans Kaye, Les correspondants..., p. 599-404. L'ouvrage mentionné par Weiss devait paraître en 1841 sous le titre de Prédicatoriana ou révélations singulières et amusantes sur les prédicateurs, entremêlées d'extraits piquants de sermons bizarres, burlesques et facétieux prêches tant en France qu'à l'étranger, notamment dans les 15e, 16e et 17e siècles, suivies de quelques mélanges curieux avec notes et tables, par G.P. Philomneste (l'un des nombreux pseudonymes du bibliographe).
31 L'abbé Belon, docteur en théologie, avait eu la réputation d'un prédicateur éloquent. Il n'a laissé qu'un sermon écrit, le panégyrique qu'il prononça vers 1780 de sainte Madeleine où il peignit la pécheresse dans des termes qui entraînèrent sa suspension pendant quelques années : chanoine Suchet, Histoire de l'éloquence religieuse en Franche-Comté depuis les origines du christianisme jusqu'à nos jours, Jacquin, 1897.
32 Vergenne : « Sorte de pierre dont on faisait des sarcophages. » (Larousse). C'est aussi le nom d'un calcaire tendre extrait des carrières du Mont-Colombin à Avrigney (Haute-Saône) utilisé dans les édifices bisontins, par exemple dans la Porte Noire (H. Walter, La Porte Noire de Besançon...)
33 Le comte Charles-René de Montalembert avait épousé Marie-Anne de Mérode, fille du comte Philippe-Félix-Ghislain. Les Mémoires du comte Jean-Philippe-Eugène de Mérode, marquis de Westerloo, avaient paru à Bruxelles en 1840.
34 Palais du Luxembourg : il s'agit en fait de tableaux destinés à la chapelle (Voir Jean Gigoux,, Commentaires du Musée... de Besançon, 1994).
35 Nicolas-Augustin Vertel, directeur de l'Ecole de médecine et de pharmacie.
36 Achille de Jouffroy est fils de Claude-Dorothée-François, l'inventeur de la navigation à vapeur.
37 Edouard Ordinaire (né à Besançon en 1811), fils de Désiré, est surtout connu pour sa position politique dans l'opposition sous le Second Empire ; il sera préfet en 1870, mais on a dit que c'est sa femme, Zoé Corne, qui exerça le pouvoir.
38 Jean-François Destigny, né à Caen, auteur de plusieurs poèmes et ouvrages. Le Journal de l'imprimerie et de la librairie indique seulement, pour la Revue poétique du Salon de 1841, qu'elle contient deux lithographies.
39 Noël dit Stanislas Julien (Orléans 1799-Paris 1873), sinologue, professeur au Collège de France en 1832.
40 Il ne sera pair de France qu'en 1846.
41 Frédéric Ozanam (Milan 1813–Marseille 1853), titulaire de la chaire de littérature étrangère à la Sorbonne en 1844, il avait fondé en 1833 la société de Saint-Vincent de Paul ; partisan de Lacordaire, il se retrouvera dans l'opposition après le coup d'état.
42 Philippe Le Bas (Paris 1794-1860), archéologue, fit plusieurs voyages en Grèce et en Asie mineure, membre de l'Académie des inscriptions en 1838, précepteur du futur Napoléon III. Il était fils de Philippe Le Bas (Frévent 1765–Paris 1794), député du Pas-de-Calais à la Convention, qui se suicida après son arrestation le 9 thermidor.
43 Lettre à M. Blanqui, professeur d'économie politique au Conservatoire des arts et métiers sur la propriété, deuxième mémoire, Paris, Panckoucke.
44 Un des fils aînés de Firmin Didot (1764-1836), qui portèrent tous trois le prénom de leur père derrière le leur propre avant d'être autorisés à en faire précéder leur patronyme : Ambroise Firmin Didot (Paris 1790-1896), grécisant, Hyacinte Firmin-Didot (1794-1880), papetier ; Frédéric Firmin-Didot, mort jeune, était fixé dans le royaume de Naples.
45 Il s'agit bien sûr de la gare d’eau.
46 Désiré Besson.
47 Successeur de Charles Deis.
48 Personnage non identifié : on sait que Flajoulot, peintre médiocre, fut un excellent professeur et eut de nombreux élèves, parmi lesquels Baille et Courbet.
49 Le nom de Boué évoque un lieu-dit sur la rive droite du Doubs, que Coindre nomme Bouez et qu'on retrouve dans le chemin actuel des Grands-Bouez (Toillon, Les rues de Besançon).
50 Antoine Sommier (Cuiseaux 1812–Montmorot 1866), collaborateur du Patriote jurassien en 1837 et du Républicain du Jura ; participe activement à la vie politique en 1848, sera déporté en 1851 et ne rentrera en France que lors de l'amnistie de 1859.— François-Xavier Guillermet (né à La Marre en 1814), fondateur avec Courbet du Patriote jurassien, conservateur de la Bibliothèque de Lons-le-Saunier depuis 1848.
51 Abel-François Villemain.
52 Sous le titre d'Etudes archéologiques sur le Bugey.
53 Le 27 octobre 1840, Weiss indiquait que cette médaille ne devait pas faire partie de la galerie.
54 Jean-Paul-Pascal Franceschi (Bar-sur-Aube 1826-Besançon 1894), élève de l'école mutuelle de Besançon en 1841 ; sera élève de Rude et lauréat du concours de l'Ecole des beaux-arts. De retour à Besançon en 1848, il sera professeur dans plusieurs établissements de la ville. Il était fils de Giovanni Franceschi (Italie 1795–Besançon 1881), mouleur-figuriste, établi d'abord à Dijon puis, invité par Flajoulot, à Besançon.
55 A Koléah et Douera, Algérie.
56 L'étude de Gautherot sur Bourmont à Besançon (Mém. Académie Besançon, 1924), n'insiste pas sur l'épisode de l'évasion de 1804.
57 Professeur de 3ème au collège (Annuaire de 1841), où il sera chargé des fonctions de censeur en 1842.
58 Athanase Bergier, directeur du mont-de-piété.
59 Professeur de « matières médicales » à l'Ecole de médecine.
60 Victor Corbet, docteur en chirurgie, professeur de clinique externe et de pathologie chirurgicale à l'Ecole de médecine (Annuaire de 1841).
61 Le poème dédicatoire est adressé à Charles Weiss.
62 Népomucène Lemercier.
63 Les montagnes sont au travail (Horace).
64 Paul Delaroche (Paris 1797-1856), peintre, membre de l'Académie des Beaux-Arts.
65 Paul-Hippolyte Elory (né à Dole en 1810 d'après Brune, en 1818 selon Bénézit). Le Dictionnaire de Brune ne cite que des œuvres au musée de Dole et dans l'église de Mont-sous-Vaudrey. Le portrait de Génisset n'est pas cité.
66 L'abbé Vieille.
67 Dominique-François-Marie, comte de Bastard d'Estang, pair de France depuis 1819, rapporteur de la commission chargée de l'instruction du procès des ministres de Charles X, après 1830, il terminera sa carrière comme président de la chambre criminelle de la Cour de cassation ; sa femme se nommait Marguerite Douat de La Colonilla. Son frère a déjà été cité dans le Journal.
68 Le Franc-Comtois du 22 juin rend compte de l'événement : apparition d'une étoile très visible entre 6 et 10 heures du matin, sans en donner d'autre explication que l'état de l'atmosphère et la pâleur du soleil.
69 La Messiade, poème épique de Friedrich Gottlieb Klopstock (Guedlinburg 1724–Hambourg 1803), accueilli avec enthousiasme comme le réveil de la littérature nationale allemande.
70 Théodore Jouffroy avait épousé en 1833 Caroline Mourcet.
71 L'ancien recteur.
72 Le général-baron Théophile Voirol (Tavanne, Suisse, 1781-Besançon 1853), pair de France, commandant la 6e région militaire dont l'hôtel était déjà rue Lecourbe.
73 Jean-Baptiste Joly (né à Dole en 1783) était inspecteur de l'enseignement primaire ; il avait vendu son imprimerie en 1837.
74 L'actuelle rue Chifflet. Il s'agit des premiers immeubles côté impair, entre la rue de la Vieille Monnaie et la rue Lecourbe.
75 On y lit aujourd'hui : « C'est ici la maison de Dieu. »
76 Martin du Nord.
77 Rue Saint-Antoine (aujourd'hui rue Emile-Zola), à l'étage de l'ancienne église des Antonins, où devait se réunir en 1853 la loge maçonnique.
78 « D'un sang lorrain et breton à la fois... » Le père de Victor Hugo était né à Nancy et sa mère, Sophie Trébuchet, était la fille d'un armateur de Nantes.
79 Le docteur Emile Delacroix (voir ci-dessus, 14 juin 1840).
80 Le palais Granvelle fut élevé de 1534 à 1540 pour Nicolas Perrenot de Granvelle, premier conseiller d'état et garde des sceaux de Charles Quint. Il avait été acquis par la ville de Besançon au xviiie siècle, mais était possédé depuis la Révolution par le fabricant de bas Detrey, et a été racheté par la ville en 1864.
81 La gendarmerie de Tarragnoz : au xviie siècle, les minimes se sont installés dans les bâtiments subsistants de l'ancien prieuré de Jussa-Moutier, près de la porte Notre-Dame ; l'église et plusieurs bâtiments ont été démolis sous la Révolution.
82 Jeanne-Denise-Eugénie-Valentine Ardiet, née en 1789, veuve depuis 1828 de Jean-Emmanuel Jobez.
83 La maison de Delacroix est située à l'angle de la rue Moncey, côté impair, et de la rue des Granges, presque en face de l'ancienne église des Dames de Battant : un cartouche dans l'angle porte l'inscription « bâti en 1838 et 1839, adlc ».
84 Jean-Jacques Fauche de Domprel, archevêque de Besançon de 1660 à 1662, fils de l'ancien gouverneur du château de Joux.
85 Grande-Rue, devant l'église Saint-Maurice et face au palais Granvelle.
86 Frédéric-Guillaume IV (Berlin 1795-1861), roi de Prusse depuis 1840.
87 Honoré Colomb, avoué à Saint-Claude.
88 Colombaniens : disciples de saint Colomban.
89 Joséphine-Elisa Blanc (née à Besançon en 1812) était la fille du colonel Blanc, directeur des fortifications à Besançon ; elle avait épousé en 1829 François-Jean-Baptiste Clerc, né en 1798.
90 Charles Lenormand (Paris 1802–Athènes 1859), conservateur du cabinet des médailles, auteur de plusieurs ouvrages de numismatique.
91 Ferry Carrondelet (Dole 1473–1528), chancelier du chapitre de Saint-Jean de Besançon, abbé de Montbenoît, dont le tombeau est dans la cathédrale.
92 Jean-Jacques Boissard (Besançon 1528–Metz 1602).
93 Olympe-Delphin Micaud, qui fit une faillite retentissante en 1823 (Journal, III, 2 mars 1834, note).
94 Les bâtiments sont aujourd'hui ceux de l'école de la rue Victor-Hugo.
95 Louis-Philippe-Albert d'Orléans, comte de Paris, (1838-1894), fils du prince royal Ferdinand Philippe d'Orléans et d'Hélène-Louise-Elisabeth de Mecklembourg-Schwerin.
96 Benjamin Franklin (Boston 1706-Philadelphie 1790) avait participé à la rédaction du manifeste de la Déclaration d’indépendance des Etats Unis en 1776.
97 Martin du Nord.
98 L'abbé Jean-Luc Tharin (né en 1795) avait été l'un des animateurs de la mission prêchée en 1825 à Besançon, dirigeant les chœurs à la cathédrale Saint-Jean. Il sera vicaire général de Nancy.
99 César Convers et Anobert Poulet.
100 Place Labourey, plus généralement appelée place du Marché (aujourd'hui place de la Révolution) ; la place de la Poissonnerie est le prolongement de la première dans la rue Goudimel, aujourd'hui entre le Musée et la présidence de l'Université.
101 Xavier Rochet (Héricourt 1801-Djedda 1854) a vécu en Afrique (Tunisie puis Egypte) et fit trois expéditions en Abyssinie (Ethiopie) en 1839-1840, 1842-1845 et 1847-1849. Il entra dans le corps consulaire et fut nommé à Djedda (le port de La Mecque, sur la Mer Rouge) en 1852. (Voir F. Lassus, “« La colombe d'Abyssinie de niche point avec les ibis vagabonds » : Xavier Rochet, d'Héricourt, 1801-1854”, Soc. Emul. Montbéliard : B. et M., 1995, no 118).
102 Ravier, ancien officier d'artillerie, avait présenté au Congrès de 1840 une Dissertation sur l’Arc de triomphe de Besançon (publiée dans les actes, p. 513-530). Le volume édité par les soins de Weiss en 1845 se termine par quelques planches, dont deux concernent l'arc de triomphe ; elles ne sont pas signées et représentent les bas-reliefs des pieds-droits au-dessous de l'arcade.
103 Famille issue du secrétaire général de l'intendance au temps de Lacoré ; les Curasson en ont hérité le domaine de Ferrière-les-Bois.
104 Cornu, libraire ecclésiastique. Les annonces du Séquanais conservent la trace de l'association entre Cornu et Turbergue qui se séparent ensuite entre le 25 et le 27 de la rue Saint-Vincent, à dater du 1er mars 1840.
105 Alors au terme de ses études classiques.
106 Jean-Baptiste-Antoine-Georgette Dubuisson, vicomte de Laboulaye (Versailles 1781-Bourg 1856), élu député de l'Ain en 1827 et démissionnaire en 1830. Le sujet mis au concours était : Des conséquences de la loi sur le partage égal des biens entre les enfants.
107 Bolu-Grillet.
108 Ambroise Commarmond (Saint-Symphorien-sur-Coise 1786-Lyon 1857), conservateur des musées archéologiques de Lyon depuis 1840.
109 Vincent Jovinet, habitant Saint-Ferjeux, fut régisseur de l'octroi pour les années 1842 à 1844 (Annuaire du Doubs, 1842).
110 Chez Arthus Bertrand. L'ouvrage comporte en fait 12 lithographies, réalisées d'après les gouaches de l'explorateur (conservées à la Bibl. nat., archives de la Société de géographie). L'ouvrage est cité dans le Journal de la librairie avec Bouchard-Huzard comme éditeur alors qu'il s'agit en fait de l'imprimeur.
111 Le général romain Albinus, proclamé empereur en 193 par les légions de Bretagne, fut vaincu (à Lyon, disent les dictionnaires généraux) en 197 par l'empereur Septime Sévère, qui le fit décapiter.
112 De cette terre, alors située sur le village de Naisey, Trémolières retirait un revenu qu'il estimait à 800 F par an, ses plaidoiries lui rapportant par ailleurs 1 200 F (Cahier de brouillon de comptes, ms à l'i.e.c.j).
113 Saint Bonaventure, le « docteur séraphique », était un théologien franciscain du xiiie siècle ; son éditeur était professeur de dogme à la Faculté de théologie de Bordeaux, chanoine honoraire d'Albi.
114 Aucune notice n'a été retrouvée sur cet auteur qui justifierait la présence ici de cette notice.
115 Le prince visé par l'attentat était le duc d'Aumale.
116 Joseph-Claude-Etienne Quenisset est né en fait dans le Jura (Orgelet 1775-Paris 1849). Il était affilié à la société secrète des Egalitaires. Il est cité dans un article de Laumier du Franc-Comtois, le 25 septembre 1841.
117 Louis-Etienne-Joseph Cordier (Orgelet 1775-Paris 1849), inspecteur divisionnaire des ponts et chaussées.
118 Jean-François-Michel Noël (Saint-Germain-en-Laye 1755-1841), auteur de nombreux ouvrages de grammaire et de littérature.
119 Louis-Henri Monin (Caen 1809-1866), chargé de cours à la Faculté en 1841 puis professeur ; entrera à l'Académie de Besançon en 1845.
120 Joseph-Toussaint Reinaud (Lambesc 1795-Paris 1867), auteur d'une Description des manuscrits arabes, persans et turcs du cabinet de M. le duc de Blacas en 1828, conservateur des manuscrits orientaux à la Bibliothèque royale, de l'Académie des inscriptions depuis 1832.
121 Possesseur d'un cabinet de peinture. Les tableaux « entreposés » étaient-ils destinés au Musée de Besançon ? Il y a bien au musée deux toiles de Salvator Rosa (1615-1673) : L'Annonciation aux bergers (legs Donzelot, 1843) et le Martyre de st Janvier et de ses compagnons (envoi de l'Etat, 1884). Bertolomeo Manfredi (V.1580-V.1620), peintre de genre connu pour ses toiles de jouers, ne semble pas figurer dans les collections de Besançon. Pas de Femmes adultères du Titien.
122 Mulhouse.
123 Senneval, le premier roman d'Edouard Henry paraîtra en 1843, 2 volumes.
124 Cette revue reprenait celle qui, sous le même titre, avait paru à Lons-le-Saunier à partir d'août 1838 avec des collaborateurs en majorité jurassiens. Elle deviendra au début de 1842 la Revue franc-comtoise et l'Album franc-comtois (Vogne, La presse périodique en Franche-Comté..., t. IV, p. 243-246).
125 Armand Marquiset, sous-préfet de Dole.
126 Paul-Antoine Bigandet (Malans 1813-Rangoun 1894), prêtre des missions étrangères en Birmanie, vicaire apostolique puis évêque de Ramatha en 1856 ; académicien honoraire de Besançon en 1853 (abbé Suchet, Un missionnaire franc-comtois... Mém. Académie de Besançon, 1894).
127 Aujourd'hui le square archéologique Castan, où les fouilles n'avaient pas encore été faites.
128 Ingénieur en chef des ponts et chaussées en 1835, en remplacement de Goury, parti en 1834 pour le Finistère (Annuaire du Doubs). La cascade de Siratu reste un site naturel touristique très fréquenté.
129 Le 22 avril 1841.
130 Aymé de Montgesoye, trouvère de la cour de Bourgogne, auteur du Pas de la mort ou le chevalier délibéré, « roman en rimes gauloises » (Dict. comm. Doubs, art. Montgesoye). La copie reçue par Weiss ne figure pas au catalogue des manuscrits de la Bibliothèque. Edouard-André-Joseph Leglay, né en 1814, chartiste, fut bibliothécaire à Cambrai avant d'être conservateur adjoint des archives de Lille.
131 Hippolyte de La Porte avait déjà visité la Bibliothèque de Besançon le 30 juillet 1834 et Weiss annonçait alors son intention de publier une notice sur Angélique-Marie d'Arlus du Taillis, comtesse de Montrond (Journal, III, 55) ; le marquis Gérard de Lally-Tollendal (1751-1830), reçu à l'Académie française en 1816, était le fils du chef du corps expéditionnaire français aux Indes.
132 Meusy, professeur de littérature latine, qui succède à Bourgon dans les fonctions de secrétaire de la Faculté.
133 Adolphe de Troyes (Paris 1819-1849) sera l'auteur, en 1847, de La Franche-Comté de Bourgogne sous les princes espagnols de la maison d'Autriche, 4 vol., comportant la publication des recès des Etats de Franche-Comté.
134 Saint Pierre de Tarentaise, né en 1102 dans le Dauphiné, sera le premier abbé de l'abbaye de Tamié en Savoie, puis archevêque de Tarentaise, à Moûtiers, en 1142 ; canonisé en 1191, il était mort à l'abbaye de Bellevaux en 1174 ou 1175 ; ce qui restait du corps, déjà en partie dispersé, a été transféré en 1791 de l'abbaye dans l'église de Cirey, puis en 1793 à Vesoul, à nouveau dispersé au xixe siècle... La Haute-Saône, nouv. dic. comm., notice Cirey-lès-Bellevaux.
135 Marie-Philippe-Aimé de Golbéry (Colmar 1786-Kientzheim 1854), auteur de Mémoires sur les antiquités gallo-romaines d'Alsace et d'une Description générale de tous les monuments d'Alsace. Député du Haut-Rhin jusqu'en 1848.
136 Humbert-Marie-Bernard Gaspard (Gigny 1788-St-Etienne 1870), médecin et juge de paix à Gigny, sera en 1844 lauréat de l'académie des Inscriptions.
137 Saint Taurin, évêque du ive siècle, était le patron de l'abbaye de Gigny dont l'église est devenue paroissiale du village ; la châsse du saint est déposée sur le maître-autel
138 Décadence à la Rabelais ! « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme » (Pantagruel, VIII).
139 Weiss fait déjà abstraction de la virgule que Rochet n'oublie pas d’inscrire entre son nom et son lieu de naissance sur la page de titre de son premier ouvrage mais qui n’y sera plus par la suite.
140 Cette lettre figure parmi les papiers donnés en 1888 à la Société de géographie par un neveu de l'explorateur, Claude-Joseph Bouvier. L'adresse fantaisiste en a retardé la distribution.
141 Bigandet, voir le Journal au 15 octobre 1841. Rochet offrira à la Bibliothèque de Besançon un manuscrit éthiopien, en langue amharique, contenant des psaumes et des cantiques (ms 47).
142 Beau château du xviiie siècle situé à Epinay-Champlâtreux (Montmorency. Seine-et-Oise).
143 Delacroix.
144 Ce texte de Claude-François Bocquet de Courbouzon (Lons-le-Saunier 1682-Besançon 1762), président à mortier au parlement, avait été lu les 17 et 24 décembre 1755 à l'Académie dont il fut le second président.
145 A cette date Weiss se retrouve dans la société de presse du Franc-Comtois, reconstituée le 16 décembre 1841, avec Jean-Claude Vieille, Pérennès, Perron, Meusy, Bulloz et Viancin (Vogne, La presse périodique..., IV, 310).
146 Loiseau fut maire de Pontarlier de 1835 à 1837.
147 Sans doute le graveur Jules Baron, frère du peintre Henri.
148 Voir sur cette mystérieuse affaire E. et R. Badinter. Condorcet (1743-1794), Fayard, 1988 Un doute subsiste sur l'attitude des Suard à l'égard de Condorcet décrété d'accusaion le 8 juillet 1793, qui ne put se réfugier chez eux après huit mois d’existence clandestine.
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