Chapitre 2. L’organisation des salines : une « mécanique » compliquée
p. 241-258
Texte intégral
1Dans un rapport établi en 1760 sur les salines de Franche-Comté, Lorraine et Trois-Evêchés, un des fermiers généraux « intéressé » à leur exploitation, après avoir fait ressortir que les salines de Salins représentaient l'un des grands revenus de la province — ce qui, à l'époque, n'était plus tout à fait vrai — constatait que leur fonctionnement était d'une « mécanique très compliquée, certes en raison de l'abondance des sels mais aussi du grand nombre et de la diversité des qualités. Il aurait pu ajouter que cette mécanique était également très compliquée par l'organisation de leur gestion et les modalités de leur insertion dans l'administration royale. En effet, elle était le résultat d'une juxtaposition des usages établis sous le régime espagnol et de ceux de l'administration française caractérisée par la coexistence d'autorités propriétaires d'offices royaux et d'agents relevant de la ferme générale. A ces catégories de personnel s'ajoutent ceux qui relevaient de ce qu'on appelle « l'entrepreneur », c'est-à-dire le titulaire du bail ou du traité, selon les multiples régimes utilisés : fermiers, sous-fermiers, régisseurs « intéressés » ou non dont les obligations envers la ferme étaient fixées par des contrats.
2L'originalité de cette organisation réside dans les fonctions attribuées à des « officiers royaux » chargés d'une mission de caractère juridictionnel : le juge visiteur et ses auxiliaires, lieutenant ou intendant, procureur, substitut greffier, receveur des épices alors que l'activité de la saline consiste à produire du sel. D’autres officiers exercent des fonctions liées à l'exploitation technique de la saline : « le gardien et sous gardien des sources », pour les deux salines, la grande et la petite ; « le maître directeur des ouvrages » le conducteur des sels et, pour les bois, les contrôleurs gardes marteaux, l'un pour le département d'Aval, l'autre pour le département d'Amont. Enfin, un certain nombre d'agents de pure exécution prennent part à l'activité de la saline comme les bénatiers dont le rôle consiste à mesurer et transporter les sels produits, qui eux aussi sont titulaires d'offices et ceci déjà sous le régime espagnol. Le statut peut s'expliquer par le fait que le sel est mesuré, non par des prix ou des poids, mais par des volumes représentés par des vocables spécifiques : bosses, charges, bénates dont l'appréciation se fera progressivement avec l'évolution d'un secteur réglementé, le sel ordinaire et d'un secteur plus libre : celui du sel rosière.
3A l'exception du juge visiteur et des membres de sa juridiction, la constitution en offices de la plupart des fonctions ne répondait à aucun critère rationnel, le seul critère résidait dans le régime juridique de leur emploi ; les titulaires d'offices relèvent directement pour leur nomination de l'autorité du roi et de la propriété de leurs titres, les autres relèvent de la ferme générale. La profusion des offices créés après l'institution de la vénalité des charges en 1692 incite à demeurer prudent à l'égard des conséquences objectives de cette classification. Les agents de la ferme générale agissent au nom du roi comme les officiers royaux, encore que ces derniers, en raison de la modicité du rôle de certains d'entre eux, sont difficilement considérés comme détenteurs d'un pouvoir. A partir de 1724, un autre personnage, très important, sera désigné et restera en fonction jusqu'à la Révolution : c'est le commissaire général à la réformation des bois, fonction transformée en 1758 en commissaire du roi pour l'administration des salines. Il n'est pas titulaire d'un office, mais exerce dans son domaine de compétence des pouvoirs considérables en vertu d'une commission.
4Enfin, dominant l'ensemble de l'organisation, l'intendant ou commissaire départi pour la Franche-Comté exerce à Besançon un rôle essentiel. Il correspond directement avec les ministres, notamment le contrôleur général des finances dont il oriente les décisions et fait appliquer les ordres ; il dispose du pouvoir réglementaire pour la formation des prix, se fait rendre les comptes d'exploitation des salines, décide des travaux importants à y effectuer, exerce un pouvoir de police, tant à l'intérieur des salines, que dans l'ensemble de la province avec la surveillance des frontières. Il juge par délégation directe du roi et, indépendamment de la Chambre des comptes et du Parlement, des contraventions et, le cas échéant, des infractions constatées dans l’impôt des gabelles et le commerce du sel.
Le juge visiteur et la juridiction des salines
5Le juge visiteur est le plus important des officiers royaux au sein des salines et de leur juridiction du siège à Salins dans la grande saline. Elle est composée d'un juge, d'un lieutenant ou intendant, de deux contrôleurs, d'un procureur du roi, d'un substitut, d'un greffier, de quatre guettes ou huissiers, tous pourvus de titres d'offices. De plus, un édit d'août 1692 a attribué à la juridiction des salines les compétences d'une maîtrise des eaux et forêts marquant ainsi la corrélation étroite au sein du bailliage de Salins entre l'exploitation des sources d'eau salée, la formation des sels et celle des bois et forêts.
6Cette juridiction et ses officiers sont habilités à statuer, tant au civil qu’au criminel, pour les causes qu'ils sont appelés à juger, à charge d'appel devant la Chambre des comptes de Dole, cette dernière en tant que cour des aides, de toutes les matières concernant les gabelles de la province dont la « connaissance » lui a été confirmée par un édit d'août 1703 servant de règlement pour les gabelles de Franche-Comté, et, en ce qui concerne la maîtrise des eaux et forêts, avec faculté d’appel devant le Parlement de Besançon.
7Le juge visiteur a les mêmes prérogatives et attributions dans le cadre des salines que le juge du bailliage. Elles le conduisent à intervenir dans des causes très diverses : fonctionnement interne des salines, conflits entre leurs agents, vols et irrégularités dans le commerce des sels, infractions à la réglementation des forêts et des bois. Il possède en outre, un droit de regard sur l'administration des salines et dispose d'un pouvoir de sanction.
8Au moment du rattachement à la France et de l'installation du régime français, le juge des sauneries était Pierre-François Gay né le 21 juin 1637 et détenteur de cette fonction depuis 1664. Il appartenait à une famille de titulaires de charges de finances ; son grand-père, Marc Gay avait été maître à la Chambre des comptes de Dole en 1587 : son père, Pierre Gay, avait été lui-même juge des sauneries ; en 1683, il avait fait l'acquisition de la seigneurie de Marnoz. Le 30 décembre 1678, il avait prêté serment de fidélité à Louis XIV.
9Après son décès son fils Pierre-François Gay de Marnoz lui succède en 1694. Ses lettres de provision du 18 décembre 1694 lui sont accordées avec dispense d'âge (baptisé le 8janvier 1674, il a un peu plus de vingt ans) « en reconnaissance des services rendus par son père, pendant plus de trente ans ». Il est avocat au Parlement, la dispense d'âge est appuyée par un certificat —en latin— de capacité de l'université et du barreau de Besançon. Il avait épousé en 1704 Françoise Matherot de Desnes et, en 1736, il fera l'acquisition d'une charge de président à la Chambre des comptes de Dole qu'il exercera jusqu'à son décès en 1747 et dans laquelle son fils Charles Antoine lui succédera pour l'occuper jusqu'à la suppression de la Chambre en 1771.
10Dans l’office de juge visiteur qu’il avait abandonné en 1718, lui succède Anatoile Joseph Girod, baptisé en 1662, lieutenant criminel au bailliage de Salins, siège présidial des salines. L’office de juge visiteur ne quitte pas pour autant la famille des Gay de Marnoz ; Anatoile Joseph avait épousé Marguerite-Claudine Gay de Marnoz et c'est son fils Claude-Antoine Joseph Girod de Rennes, baptisé en 1701, avocat au Parlement de Besançon, qui lui succédera sur sa proposition, les lettres de provision étant délivrées le 1er juin 1725, toujours avec dispense d'âge, il devait conserver ses fonctions jusqu'en 1754 pour devenir plus tard, en 1766, conseiller maître à la Chambre des comptes. Son successeur, Pierre Abry d'Arcier, avocat au Parlement, baptisé le 2 septembre 1716, reçoit ses lettres de provision le 13 septembre 1754. enregistrées le 30 septembre. Il règle au trésorier des revenus casuels les droits de survivance affectés à l’office détenus par les Girod, père et fils. Ce cas de transmission montre la portée du droit de survivance qui découle de la nature juridique de l'office. Elément du patrimoine de son propriétaire, il est soumis aux règles de dévolution des autres biens, qu'il s'agisse d'un héritage ou d'une vente, sous réserve de l'agrément du roi et du paiement des droits. Abry d'Arcier aura pour successeur Claude-François Marmet, avocat au Parlement, baptisé le 9 mars 1734. Le nouveau juge visiteur obtient ses lettres de provision le 8 août 1770 ; il sera le dernier titulaire de cette fonction jusqu'à la suppression des offices en 1790. Les lettres de provision indiquent aussi qu'Abry d'Arcier avait résilié l'office en sa faveur et qu'il détenait cet office, lui aussi à titre de survivance, après s'être acquitté de la finance prévue par l'édit de 1745. La capacité et même l'honnêteté de Marmet seront mises en cause dans les démarches effectuées par Georges Fenouillot de Falbaire tant dans des lettres au contrôleur général des finances que dans le mémoire qu'il a adressé à l'Assemblée Nationale en 1790.
11La juridiction des salines avait pour vocation d'être une des bases de l'organisation du contrôle de l'activité des salines et un rouage de l'administration de la gabelle, régulateur et contrepoids souhaité sinon réalisé par le pouvoir royal pour contrebalancer la puissance des fermiers généraux.
12Le bail de Nicolas Saunier (article 107) affirmait clairement qu'un certain nombre de fonctions devaient demeurer sous l'autorité du roi. « Nous nous réservons la souveraineté de la justice des sauneries et l'exercice d'icelles par nous établis au juge visiteur ou autres que nous pourrons commettre en office ». Il s'agit de l'avocat second juge, du procureur, du trésorier fiscal des sauneries, du greffier des registres comme aussi du clerc et gardien des sources lequel prend soin des débits et effectue des contrôles périodiques des sources :
« Le clerc devra cocher les registres sans que la porte de la grande saunerie puisse lui être fermée. »
13La constitution en office n'était pas réservée aux seules fonctions de nature juridictionnelle. La vénalité des charges a été appliquée à des compétences d'ordre économique, directement liées au fonctionnement de la saline telles que celles de garde des sources et de maître des ouvrages dont l'intervention est organisée par des dispositions particulières du bail de l'adjudicataire général. Au moment de l'introduction de la vénalité, la nécessité de payer les finances pour des gens en place depuis des générations a été mal acceptée. Ainsi Maître, clerc gardien des sources manifeste son étonnement : « Il n'y a que deux officiers des sources à la grande saunerie, lui-même, clerc gardien et contrôleur, et Jamain, convoyeur ». Il a la direction des deux puits dans la grande Saline représentant cent sources tant d'eau salée que douce. Sa charge de clerc gardien avait été possédée par son aïeul, son père et lui-même depuis plus de 120 ans. Elle n'était pas héréditaire mais seulement attribuée à vie par des lettres patentes des souverains. Son père était mort, ayant été élevé dans cet emploi et quoi qu'il y ait eu quantité de compétiteurs, Louvois lui avait adressé, gratis, en 1689 ses provisions tant à cause des services que son père avait rendus, ayant découvert de nouvelles sources et les ayant bonifiées, qu'à cause de ses propres découvertes, améliorant ainsi le fonctionnement et le rendement des salines.
14Au moment de l'institution de la vénalité des charges Louvois empêcha que celle de clerc gardien des sources ne soit appliquée en raison de la trop grande conséquence qu'il y aurait à ce que des gens sans expérience, n'étudiant pas le travail à faire, pourraient causer un dommage considérable. « M. de Louvois » étant venu à mourir, « le partisan » obtint de les vendre et de les rendre « héréditaires ». C'est pourquoi, ajoute Maire, « je fus obligé de l'acheter en 1698 ». L’article 80 du bail Carlier prévoit que le gardien des sources doit « avoir soin que les puits et fontaines soient toujours conservés en entier », cette mission de contrôle justifiant la constitution de la fonction en office.
Les comptables
15Au moment de la conquête, les fonctions de trésorier des sauneries étaient exercées par Claude Privey. Un arrêt du Conseil d'Etat du 12 octobre 1674 le confirmait dans ses attributions qu'il conservera jusqu'en 1695. Son rôle est nettement distinct de celui du receveur général des domaines et des bois dont l'office a été créé en 1686 et dont les comptes d'ailleurs ne font pas mention du trésorier des salines et en tout cas pas de Claude Privey.
Claude Privey : l'allergie à la vénalité des charges
16Il a été baptisé à Besançon le 20juillet 1629. Il sera en 1689, échevin de Besançon puis maire en 1695. Il faut entrer dans la complexité des comptes des salines, laquelle n'est d'ailleurs qu'un aspect de l'organisation financière de l'ancien régime, pour expliquer les différences de situation qui caractérisent les activités de ces deux comptables. Claude Privey a bien existé mais il n'agissait, selon toute apparence, que pour les opérations limitées au fonctionnement interne des salines d'ailleurs partie intégrante du domaine royal. Mais les versements au titre des salines au compte du receveur général des domaines et des bois sont effectués par l'adjudicataire du bail de la ferme générale.
17L'organisation des salines ne pouvant échapper à l'introduction à partir de 1692 de la vénalité des charges en Franche-Comté, un édit du 9juin 1694 prévoit la constitution en office de la charge de trésorier des salines. En application de cet édit, Claude Privey est invité s’il désire conserver ses fonctions, à régler la quittance des finances prévue pour cet office.
18Sans doute n'avait-il pas compris le sens de l'évolution et pouvait-il avoir quelque effort à faire pour comprendre qu’après avoir exercé sa charge sous le régime français depuis plus de vingt ans, il avait à en acquitter le prix. Il n'a pas été conservé d'autres traces de son rôle de comptable si ce n'est qu'un arrêt du Conseil du 16 septembre 1679, pris sur le rapport de Colbert et qui fait mention de l'apurement des comptes de Claude Privey en tant que trésorier général des domaines et des sauneries pour un montant d'opérations d'ailleurs modeste de 15 296 l. 17 s. qu'il doit remettre au Trésor royal, ainsi que d'une somme de 2 017 l. 9 s. 6 d. dont il demeure réliquataire et dont il doit rendre compte à la Chambre des comptes de Dole.
19De toute façon, Claude Privey est dessaisi de sa charge et une « commission » de trésorier des sauneries est attribuée à Claude-François Marandet pour en assurer les fonctions. On entre alors dans une période de modification dans le statut du trésorier des sauneries, mais pour peu de temps. Un autre arrêt du Conseil du 25 août 1695 approuve des lettres de provision pour l'office de conseiller-trésorier des sauneries conformément à l'édit de 1692 ; celui-ci est attribué à Bernard Pommaret qui en a versé la quittance de finance et a constitué une bonne et suffisante caution.
20Différentes pièces font mention du fait que Jean-Maurice Durand de Chalas allié aux Durey avait occupé des fonctions de receveur des salines. Il n'a pas été trouvé de trace de son activité à Salins. Mais, là encore, le titulaire de la charge ne devait pas la conserver très longtemps. Un édit de septembre 1693 supprime l'office de trésorier des sauneries. L'exposé des motifs indique que cet office a bien été levé pour le sieur Pommaret qui a bien réglé les revenus casuels mais pour une finance modique au moyen de laquelle il « prétend faire la recette et payer des gages assignés sur les gabelles, ce qui rendrait la création de l'office inutile ». Un lien a ainsi été souligné entre le montant de la finance, c'est-à-dire le prix de l'office et le volume des opérations à effectuer, même si une caution a été constituée.
21La suppression de l'office de trésorier des sauneries entraîne la création d'un autre office par un édit de mars 1696 créant des offices de « payeurs des charges assignées sur les fermes ». L'édit fait valoir que le roi est « bien aise » d'apporter un ordre uniforme dans la distribution des deniers des fermes et qu'il a résolu, à l'avenir, de faire payer par des receveurs en titre les deniers dont le fermier fait directement le paiement aux assignés, c'est-à-dire aux parties prenantes désignées par les états du roi. L'édit est qualifié de perpétuel et irrévocable ; les deux offices ainsi créés sont héréditaires, et leur fonction essentielle consistera à payer les gages, rentes et autres charges assignées sur les gabelles de France et du Lyonnais et sur les gabelles et salines du Comté de Bourgogne. L'édit fixait à 1 500 l. le montant des gages alloués au titre de ces offices dont les titulaires étaient dispensés de fournir une caution.
22La création de ces offices ne répondait sans doute à aucun besoin d'ordre rationnel ; la seule raison susceptible de l'expliquer réside dans les besoins d'argent du Trésor.
23Le premier acquéreur de l'office de payeur des gages, rentes et autres charges des salines du Comté de Bourgogne sera le sieur Pezot de la Bussière, bourgeois de Paris, le 6 mars 1698. Il avait été auparavant pourvu d'une lettre de commission du 1er février 1697. Ses gages sont fixés à 1 000 l. par an dont les fonds doivent être pris sur les gabelles et salines de Franche-Comté et il bénéficie de 1 500 l. de « taxation ». La finance de cet office est fixée pour l'office alternatif à 24 600 l. et pour l'office ancien à 24 500 l. L'Almanach royal montre que Pezot de la Bussière résidait à Paris, rue Ventadour.
24Il semble bien que ce soit à compter de la création des offices de receveur payeur des gages et rentes qu'une dissociation ait été opérée entre les fonctions de comptables chargé du paiement des dépenses relevant de l'autorité royale : rentes, gages des officiers des cours, bailliage, frais de fonctionnement des services royaux, subventions aux communautés religieuses ou laïques et les fonctions de comptables chargé d'encaisser les recettes et de payer les dépenses engendrées par l'activité des salines. Les fonds provenant des salines relèvent de trois comptables distincts : le receveur général des domaines et des bois, le payeur des gages assignés sur les salines, le receveur général de ces mêmes salines.
25Une première constatation doit être avancée avec certitude : les fonds dont dispose le payeur des gages proviennent de l'activité des salines mais ils ne sont pas intégrés dans l'organisation de celles-ci ni dans celle des fermiers généraux. Le montant des dépenses payées dont la plupart conditionnent le fonctionnement de l'administration, est déterminé, comme nous le verrons à propos du compte du receveur général des domaines, par le montant des recettes allouées par le Conseil du roi. Pezot de la Bussière exercera sa charge jusqu’en 1716. Un édit du 17 juin 1717 supprime les charges créées par l'édit de mars 1674, leur expérience s'étant montrée décevante. Les receveurs généraux ont manifesté un certain esprit d'indépendance « ne connaissant plus la subordination ». La décision a donc été prise de supprimer les offices et de remettre ces emplois en question et d’en laisser la nomination libre aux fermiers, à charge pour eux de répondre du maniement des fonds. L'édit est pris par le roi — il avait sept ans — de l'avis de son très cher et très aimé oncle, le duc d'Orléans, son très cher et très aimé cousin, le duc de Bourbon, du prince de Condé, de ses oncles le duc du Maine et le duc de Toulouse et des pairs du royaume.
26Les finances de ces offices seront liquidées sur la base du denier 25. A partir de cela, des commissions seront attribuées à des personnalités dont les aptitudes en tant que comptables ne paraissent pas s'être affirmées. La première commission fut attribuée à Dominique-Antoine de Santans, le père de Péting de Santans, conseiller maître puis président à la Chambre des comptes de Dole. La substitution du régime de la commission a celui de l'office ne suffit pas à remédier aux malheurs des temps.
27Les fonds nécessaires au paiement des dépenses assignées sur les salines doivent être versés annuellement par les fermiers des salines conformément aux états arrêtés par le Conseil du roi. A l'époque, différents changements de titulaires des baux étaient intervenus ; les fermiers en avaient pris prétexte pour ne point « faire les fonds ordonnés » à cause de leur éviction. Il s'agit sans doute, en raison des dates, de l'éviction d'Aymard Lambert au profit de la Compagnie des Indes ; le malheureux payeur n'ayant pu recevoir les fonds des cautions de Goujet et Parent, il s'est trouvé confronté à un manque de fonds s'élevant à 23 881 l. 9 s. pour 1718 et 64 609 l. 6 s. 5 d. pour 1719, soit, au total, un manque de 88 490 l. 15 s. 6 d. Les successeurs des fermiers ayant repris les paiements relevant de leur nouveau bail, le sieur de Santans s'était estimé fondé à payer aux parties prenantes ce qui leur revenait, ce qui avait entraîné un vide de pareille somme pour les successeurs de Parent qui répugnent à honorer les paiements effectués par Péting de Santans.
28Le directeur des salines indique que pour acquitter les charges afférentes à 1718 et 1719, les fonds n'étant pas entrés dans les coffres du roi, il n'avait pas été possible de payer les charges leur correspondant. Finalement, les fonds ayant été fournis par les fermiers des salines en billets de banque, le règlement du déficit fut compensé sur les années suivantes, soit 1721, 1722, 1723 et 1724. Par un arrêt du 27 mai 1727, Dominique de Santans a été déchargé. Sa chance posthume était d'avoir un fils président à la Chambre des comptes de Dole.
29Pour le payeur des gages assignés sur les salines, aucun compte n'a été trouvé pour les années 1727 et 1732. Par contre, une lettre de commission du 17 octobre 1726 avait été délivrée à Nicolas Marquis, professeur de droit à l'université de Besançon. Ce n'était pas un inconnu ; il avait été en 1716-1717 le délégué pour la Franche-Comté de la Chambre de Justice.
30Les lettres de commission rappellent que l'édit de février 1717 a supprimé les offices de receveurs et contrôleurs généraux des gages sur les salines et gabelles ; que Péting de Santans, décédé, avait été commis pour exercer cette charge à raison de 500 l. de gages par an et deux charges de sel à titre de franc-salé et le sieur Marquis est commis moyennant caution. Son fils Charles-Joseph Marquis qui lui succède en 1732 devait demeurer en charge jusqu'en 1742, date à partir de laquelle la commission de receveur payeur des gages sera attribuée à René Estevoux receveur général des domaines et des bois. Cette charge sera exercée par le receveur général des domaines et des bois jusqu'à la suppression de cet office en 1775.
31Il faut revenir aux comptables des salines qui sont régis par un statut particulier. Cette fonction n'est pas constituée en office. Elle n'est pas non plus exercée sur commission. Elle n’est pas intégrée dans un réseau de comptables des deniers royaux. Elle dépend, sous l'autorité du directeur des salines, de l'administration des fermes royales, sans d'ailleurs être affectée par les changements périodiques de l'adjudicataire général du bail de la ferme générale.
32Cinq titulaires de cette fonction, véritables successeurs de Claude Privey, ont pu être clairement identifiés. Entre 1704 et 1792, elle a été exercée successivement par Pierre Dauzeret (1704-1719), Brunet de Saint-Gervais (1720-1725), Gallevier de Miéry (1726-1735), et, à partir de 1739, les Bouchet père et fils jusqu'à la liquidation de la ferme générale en 1792.
33L'histoire de ces comptables, à défaut d'être édifiante pour les trois premiers titulaires, est digne d'être évoquée dans la mesure où elle éclaire certains comportements ainsi que les pratiques de l'administration.
Pierre Dauzeret
34Entre 1694, date à laquelle Claude Privey cesse ses fonctions et 1704, époque à laquelle le nom de Pierre Dauzeret apparaît en tant que receveur général des salines de Salins, il est difficile, faute de documents probants, de déterminer par qui et dans quelles conditions les recettes et les dépenses des salines étaient comptabilisées. La période des baux de deux adjudicataires généraux, Pointeau et Templier, s'est déroulée dans des conditions difficiles : elle coïncide avec les modifications apportées au rôle des comptables des salines qui viennent d'être évoquées.
35De la personne qui apparaît sous le nom de Pierre Dauzeret, receveur général des salines que dire ? D'où venait-il ? Quel était exactement son rôle, comment se plaçait-il dans l'administration des salines ? Aucune pièce ne permet de l'établir.
36Ce qu'on peut affirmer, c'est qu'il n'est pas passé inaperçu pour la Chambre de Justice de 1716 qui, en le qualifiant de receveur général des salines, le taxe à 10 000 l. « payables en espèce », montant moindre que la taxe de Monnier, receveur général des domaines et des bois, mais plus élevé que la plupart des receveurs particuliers des finances.
37En juillet 1719, une lettre du chancelier d'Argenson rappelle à l'intendant de La Neuville qu'un arrêt d'attribution lui a été adressé pour instruire et juger le procès qui doit être fait « aux nommés Dauzeret, Brayer, veuve Marsoulet et leurs complices » en raison de divertissements des sels de Salins. Le juge visiteur, sur plainte de Parent, fermier des salines de Salins, avait placé Dauzeret en prison. Quelle était la nature exacte du délit commis par les intéressés pouvant justifier la rigueur du traitement infligé ?
38La distribution du sel en Franche-Comté est caractérisée par l'existence de deux grandes catégories de sel : le sel dit ordinaire dont le prix était fixé à un taux réduit et le sel rosière dont le prix était laissé à la discrétion du fermier. Un certain nombre de cantons comtois ayant été réunis à la Lorraine, il en était résulté une réduction des quantités de sel bénéficiant du régime particulier de la province. Dauzeret avait continué de les porter dans ses registres de livraison, alors qu'il les avait vendus au prix du sel rosière plus élevé. Compte tenu de ces faits, le procès devait-il être jugé au criminel en rendant nécessaire la désignation d'un procureur ou bien s'agissait-il d'une affaire de particulier à particulier susceptible de transactions ne nécessitant pas l’intervention d'une juridiction ?
39La Neuville estimait qu'il n'était pas évident que les intérêts du roi aient été lésés et qu'il puisse agir dans ce cas d'un divertissement de deniers royaux ; pour lui l'intérêt du roi était d'être payé du prix du bail du fermier. Or Dauzeret avait reconnu ses erreurs et avait offert de les réparer et le fermier s'était désisté de ses plaintes. Nous ne pouvons croire, écrit La Neuville, après consultation d'un juriste, que le désistement ait été signifié sans qu'il ait indemnisé le fermier. Dauzeret n'avait pas eu l'intention de voler le fermier des charges de sels puisqu'il en avait porté en recettes les quantités ; le désistement de Parent doit imposer silence au procureur du roi. Le raisonnement qui précède est évidemment spécieux. La fourniture du sel ordinaire aux communautés était évidemment une charge pour le fermier. En l'occurrence, il était donc possible d'admettre que le fermier pouvait seul bénéficier du sel rosière.
40En octobre 1719, d'Argenson demande à l'intendant de maintenir Dauzeret en prison en raison du changement intervenu dans la nomination du titulaire du bail des salines. Il appartenait à Pillavoine, successeur de Michel Parent, d'apprécier le sort à réserver à Dauzeret. En 1721, l'intendant est informé que les cautions de Parent ont finalement estimé que les 20 000 l. consignées entre les mains de Dreux, conseiller au Parlement de Besançon, revenaient au roi. Puis, en juillet 1722, près de dix-huit mois plus tard, le contrôleur général Dodun désapprouve le désaveu de l'indulgence manifestée par La Neuville dans cette affaire. Le régent demande que la prévarication de Dauzeret ne demeure pas impunie et qu'il soit incarcéré à nouveau et il s'informe du sort réservé aux 20 000 l. consignées entre les mains de Dreux dont on ne voit d’ailleurs guère à quel titre ce dernier pouvait les détenir.
Pierre Brunet de Saint-Gervais
41Il est difficile de situer la date à laquelle Brunet de Saint-Gervais a pris ses fonctions de receveur général des salines. Mais, contrairement à Dauzeret, il est aisé de retracer sa carrière jusqu'à son entrée en fonction aux salines, après l'arrestation de son prédécesseur.
42Il était alors, comme nous l'avons vu, depuis plusieurs années commis à la recette générale des finances à Besançon où il paraît avoir représenté plus particulièrement son oncle, Gérard Durey de Poligny. Il appartient à la famille des Brunet de Beaune, alliée aux Durey. Il est né le 25 août 1661. Sa mère, Claudine, a épousé Théodore Brunet, avocat au Parlement, demeurant à Beaune. Claudine Durey est la sœur de Pierre-François Durey, receveur général des finances de Franche-Comté. Il a épousé, en juillet 1681, Reine-Charlotte Bocquet, fille du lieutenant particulier du bailliage de Noyon. Son mariage a donné lieu à une belle réunion de famille ; y sont témoins Jean-Baptiste Brunet, garde du Trésor royal, Gilles Brunet, abbé conseiller du roi en la Grande-chambre du Parlement, François Brunet, président à la Chambre des comptes de Paris, Paul-Etienne Brunet de Rancy, receveur général des finances des Flandres, Philibert Brunet de Vauxgé, conseiller du roi, intéressé à la ferme générale, Pierre Brunet de Chailly (conseiller du roi.
43Sa mère lui a fourni une dot de 12 000 l., soit 4 000 l. en argent comptant à verser le lendemain du mariage et le surplus en une rente au denier vingt sur les terres qu'elle possédait. Les Durey et les Brunet avaient l'esprit de famille et Pierre Brunet retrouve une partie de sa famille en Franche-Comté, Philibert Brunet, conseiller à la chancellerie du Parlement de Dijon, avait fait l'acquisition de l'un des dix offices de conseiller notaire, secrétaire au Parlement de Besançon, créé par l’édit d'avril 1693 pour 8 000 l. Après le décès de ce dernier, sa veuve disposera de cet office en faveur de Théodore Brunet (Théodore), conseiller assesseur à l'hôtel de ville de Beaune. Des lettres patentes pour l'office de conseiller secrétaire notaire près le Parlement de Besançon prenant effet le 8 juin 1706 lui seront adressées. D'autres membres de la famille exercent des fonctions en Franche-Comté, Jean Ramatile, receveur particulier des finances à Besançon commis à la recette générale des finances, a épousé Françoise Brunet et contribué à la constitution de son cautionnement.
44Le 12 juin 1711, Gérard Durey de Poligny l'avait désigné pour succéder à Maizière comme commis à la recette générale de Besançon. Il semble avoir tenu un rôle important au sein de la recette générale des finances, son nom apparaissant dans plusieurs actes liés à l'activité de cette dernière : reddition des comptes de fortification pour les années 1712-1713, état de dépouillement des droits appartenant à Durey de Sauroy dans les diverses recettes particulières de Franche-Comté dans lesquelles il a des parts, compte rendu des opérations de la Compagnie des Indes, compte des étapes de 1712-1713 et 1714, antérieurement à son entrée à la recette générale de Besançon. Il semble avoir tenu des emplois à l'extraordinaire des guerres comme beaucoup de membres de la famille Durey. Taxé pour 2 200 l. par la Chambre de Justice de 1716, sa situation peut être considérée, compte tenu de l'importance de ses relations de famille, comme modeste mais solide.
45Au moment où il accède à la recette générale des salines, il a atteint la soixantaine. En mars 1722, étant receveur général des salines, il fait l'acquisition de l'office de greffier en chef civil et criminel de la Chambre des Eaux et Forêts du Parlement de Besançon, laissé vacant par le décès de Louis Bonne. Les lettres de provision concernant cet office lui sont adressées le 5 juin 1722, l’envoi en possession et l'enregistrement par la Chambre des comptes suivent en mars et avril 1723.
46Les conditions de cette vente justifient qu'on s'y arrête car elles pèseront sur le sort final de l'acquéreur. Louis Bonne avait trois filles : Marguerite-Françoise, épouse de Marc-Antoine Mérot, seigneur de Vitreux et Rouffange lieutenant-colonel d'infanterie et chancelier de l'Ordre militaire de Saint-Louis ; Marie-Anne, épouse de Jacques de Bouscault, chevalier seigneur de Lantenne et Vertière, conseiller du roi, Président à la Chambre des comptes de Dole ; Claudine-Charlotte, épouse d'Antoine-Ferdinand de Laborey, baron et seigneur de Salans, Chevigney et autres lieux, chevalier d'honneur à la Chambre des comptes de Dole. L'office est cédé sans aucune obligation de garantie générale ou particulière des droits et restitution de prix de la part des dames Bonne. Brunet de Saint-Gervais, devait se faire pourvoir à ses frais de l'office. Le prix de la vente était fixé à 53 000 l. en déduction de laquelle était porté un « billet » de 4 674 l. 10 s. que Brunet de Saint-Gervais avait prêté à Bonne, ce dernier paierait « en louis d'or de la nouvelle fabrique d'écus que de bonnes monnaies ayant cour dans le royaume, 23 325 l. 10 s. dont les dames Bonne se contentaient, la somme restant à payer, soit 25 000 l. devait être réglée à compter de la vente à raison de 5 000 l. par an avec les intérêts sur le pied du denier cinquante au cours des cinq années suivantes ».
47Brunet précisait que sur le prix de 28 000 l. payé comptant, il y avait une somme de 6 000 l. prêtée par Théodore Brunet de Morange, son frère, trésorier des troupes de Mont-Louis et celle de 12 000 l. provenant de sa sœur, Marie Brunet, somme dont il expose qu'elle était couverte par une hypothèque spéciale sur l'office. Donc, en résumé, sur les 53 000 l. du prix de l'office, Brunet n'était en état de régler que 10 000 l. Le prix de l'office comportait en outre la robe rouge de greffier en chef, et l'augmentation de gages payée par Bonne au titre de son office.
48Brunet de Saint-Gervais ne devait pas profiter longtemps de cette charge acquise à crédit. Il demeure à Salins dans ses fonctions de receveur général des salines, dans un appartement situé dans l'enceinte de la grande saline. Mais, le 21 mars 1725, cette fin de carrière va s'interrompre brusquement à huit heures du soir ; Jean-Baptiste Desplaces, écuyer conseiller et secrétaire du roi, fermier des gabelles et droits domaniaux des provinces d'Alsace, Trois-Evêchés et Comté de Bourgogne, mandaté par ses associés, se présente pour dresser un état général permettant de connaître la situation du fermier général pour l'année 1724, en recettes et en dépenses, tant en effets que billets des salines de Salins.
49D'après un bordereau produit par Brunet de Saint-Gervais et par lui certifié véritable, il devait y avoir en caisse 71 585 l. 8 s. 1 d. provenant des encaissements de l'année 1724. Le Directeur général de la ferme Racine, suivant les ordres des cautions de Grillau avait pour mission de s'assurer de l'exactitude du bordereau général au vu des pièces justificatives. S'étant rendus dans les locaux de la recette pour y examiner les pièces, Desplaces et Racine constatèrent que la tenue des livres présentait quelques lacunes ; le livre journal était en blanc depuis le 30 octobre 1724 soit depuis près de six mois.
50Comme les pièces ne donnaient guère d'indications, le receveur général fut invité à remettre « les deniers découverts », soit 71 585 l. 8 s. 1 d. dont il était redevable selon son propre bordereau et dont il avait à justifier l'existence.
51Brunet reconnaît qu'il avait fait plusieurs omissions dans les dépenses et qu'il avait effectué des paiements s'élevant à 6 383 l. 3 s. 1 d. qui devaient être repris dans le bordereau. Le montant à justifier était ramené à 65 501 l. 10 s., qu'il fut invité à représenter. Il fit alors observer que si les envoyés de la ferme poussaient leur curiosité jusqu'à ce point, il se trouverait « en reste » et qu'il devrait s'en remettre à la clémence du Conseil et des cautions de Grillau. Certes, les fonds manquaient mais ils n'avaient pas été dissipés. Il les avait seulement utilisés pour acquitter les emprunts qu'il avait effectués pour payer une partie du prix de sa charge de greffier en chef et qu'il avait été obligé de rendre depuis quelques mois ; enfin M. de Poligny, receveur général des finances, son cousin, lui devait environ 45 000 l. qu'il espérait toucher pour combler le vide de sa caisse. Il offrait non seulement de remettre aux cautions de Grillau sa charge de greffier en chef et tout ce qu'il avait dans le monde, même ses meubles qu'il estimait valoir plus de 10 000 l. ; il offrait même de se constituer prisonnier au cas où on jugerait nécessaire de le détenir. Enfin, il avait fait faire plusieurs réparations au logement de la recette ainsi que dans les salines.
52Après quelques reproches, il fut invité à présenter les espèces effectivement présentes dans sa caisse et à faire le point à la date de la vérification, soit le 21 mars 1725. Brunet présenta alors une somme de 26 289 l. 19 s. 7 d. soit 12 832 l. en écus réformés ou ayant cours et 720 l. 12 s. 20 d. en monnaie, 12 402 l. 7 s. 6 d. en or vieux, lesquelles formaient un total de 27 289 l. 19 s. 7 d. ce qui, compte tenu du déficit de l'année 1724, ramenait les fonds manquants à 38 211 l. 9 s. 5 d. Pour avoir une idée exacte de la situation, il fallait examiner les opérations pour la période du 1er janvier au 21 mars 1725 mais, là encore, le journal des recettes était en blanc.
53Il n'était ni paraphé, ni coté par le juge des salines, comme le stipulait l'édit de 1716. Brunet de Saint-Gervais fit observer que le registre ne lui avait été envoyé que depuis cinq à six jours de Besançon « puisqu'on ne disposait pas de tels registres à Salins et que ce retard était cause qu’il n'était ni visé par le juge, ni rempli ». La vérification fut alors effectuée sur les registres particuliers, la recette constatée dans ceux-ci s'élevait à 100 9201. 5 s. et la dépense à 88 952 l. 7 s. 1 d., le tout certifié par Brunet, de telle sorte que la recette excédait la dépense de 11 967 l.7 s. 11 d. laquelle avait été comptée en écus réformés ou ayant cours et en 3 l. 7 s. 11 d. en même monnaie. Sur ce, les délégués de la ferme lui demandèrent de leur dire la vérité « sur l'état de ses affaires personnelles et notamment si la charge de greffier en chef était à lui en propre et si elle était entièrement payée ».
54Brunet déclara qu'elle lui avait coûté 53 000 l. sur lesquelles il devait aux sieurs président Bouscault, Mérot et de Salans, 15 000 l. et que le surplus avait été payé de ses deniers et de ceux de la caisse qu'il avait utilisés et que cette charge produisait environ 3 à 4 000 l. par an.
55Mais en contrepartie, il avait quelques créances sur des particuliers pour un montant de 36 162 l. 19 s. 6 d. Parmi les débiteurs, Boisot, premier président du Parlement de Besançon pour 7 500 l., Mollard, receveur à Saint-Claude pour 1 124 l. 2 s. 2 d. et Grandmaison, receveur à Dole pour 781 l. 13 s. 5 d. Enfin, le reliquat de ses comptes pouvait s'élever à environ 5 912 l.
56Le total du disponible s'élevait à 39 257 l. 6 s. 8 d., que Racine se chargeait de transmettre à la ferme générale et aux cautions de Grillau, Brunet était en outre d'accord pour que les deux représentants de la ferme se saisissent du contrat de son office de greffier en chef du Parlement de Besançon, ainsi que des quittances de paiement qu'il avait effectuées sur le prix de l’office. Un procès-verbal ayant été établi, il était signé de Brunet de Saint-Gervais, de Desplaces, Racine, et du juge-visiteur des salines. Mais le lendemain, Brunet avait pris le large et disparu de Salins.
57Sous la direction du greffier ordinaire du siège de Salins, Jean-François Marmet, la liquidation des biens de Brunet de Saint-Gervais est entreprise sur-le-champ, leur inventaire se déroulant entre le 8 et le 23 août 1725. Son produit s'élevait à 9 282 l. 10 s. 6 d., soit un montant proche de celui qu'il avait indiqué au cours de la vérification de Desplaces et Racine. Dans cet inventaire on note une quantité notable de tableaux dont les auteurs ne sont pas indiqués.
58La procédure ne pouvant en rester là, un arrêt du Conseil du roi du 19 février 1726 commet l'intendant Charles de La Neuville pour juger définitivement et en dernier ressort de tous les procès en quelque juridiction que ce soit relatifs aux dettes actives et passives de Brunet. Il est assisté dans cette tâche par un greffier spécial, Perrot, greffier de l'officialité de l'archevêché de Besançon, et par un procureur. Le dessaisissement des juridictions ordinaires peut s'expliquer moins par un désir de pouvoir de l'intendant que par la grande complexité des intérêts en présence, en raison même de la qualité des créanciers.
59Il y a d'abord les cautions de Grillau, le titulaire du bail des salines à l'époque, et de ce fait le plus directement intéressé par le désordre des affaires de Brunet de Saint Gervais, Cordier, successeur de Grillau dans le bail des gabelles de la ferme générale, Prost, receveur particulier du bailliage de Poligny, qui a avancé une somme de 3 795 l. 10 s. 7 d., créance qu'il estime privilégiée par rapport à celle de Grillau dans la mesure où elle représente le produit de la capitation et du dixième de l’année 1717, garantie selon lui, par le privilège des deniers royaux pour le recouvrement desquels Brunet n'avait aucune commission n'étant que le préposé de la ferme générale aux salines. Grillau se prévaut des ordonnances et des règlements qui permettent aux fermiers généraux d'être subrogés pour tous ces droits sur le prix des meubles des commis de la ferme et des comptables.
60Parmi les créanciers, il y a Antoine Péting de Santans, payeur des charges assignées sur les salines, qui invoque la nécessité pour lui d'être réglé des montants correspondant aux années 1723 et antérieures. Grillau indique que Peting de Santans a reçu les fonds de la part de Cordier, alors titulaire de la ferme générale, des mains de Brunet de Saint-Gervais. D'après Cordier, les états du roi ont été entièrement acquittés puisqu'il a entre les mains les billets et récépissés signés par le sieur de Santans. Il y a également Pierre Monnier, receveur général des domaines et des bois, enfin, Durey de Poligny.
61Finalement, tout semble s'être réglé sans préjudice pour les derniers royaux. D'ailleurs, il ne pouvait guère en être autrement. Dès janvier 1722, Durey d'Harnoncourt, receveur général des finances s'était porté caution pour son cousin pour les opérations de ce dernier comme receveur général des salines.
62Au produit de la vente des « effets » de Brunet, soit 9 280 l. 10 s. 6 d., s'ajoutait le montant de la vente de l'office de greffier en chef du Parlement, acquise pour 53 000 l. par Jean-Baptiste Desplaces, caution de Grillau et associé à la ferme générale qui devait recevoir les lettres de provision pour cet office en 1727 — de nombreux actes du Parlement sont signés de sa main. Cette vente avait été faite et signée par Sallier, secrétaire du roi, seigneur de Frotey et commis à la recette générale de Besançon, suivant procuration de Brunet portant cette mention « démissionné volontairement de l'office ».
63Desplaces, en tant qu'associé à la ferme générale, participera activement à la supervision des affaires des salines. On le retrouve d'ailleurs au moment où il sera appelé à remettre de l'ordre dans les livraisons de ces dernières aux cantons suisses à la suite du comportement douteux de Houllier. Sa famille conservera des fonctions dans la ferme générale jusqu'à sa suppression, deux de ses membres figureront parmi les condamnés du tribunal révolutionnaire en 1793 et seront exécutés.
64En définitive, le 8janvier 1728, Durey d'Harnoncourt verse 43 396 l. 4 s. 9 d., montant définitif du débet finalement arrêté aux cautions de Grillau qui atteste la réalité de ce versement. La liquidation du passif est réglée en septembre 1729 par l'intendant Charles de La Neuville.
65Cette liquidation ne mettait pas un terme aux soucis de Brunet. En 1728, Gérard Durey de Poligny meurt et son décès implique que les comptes de sa succession soient arrêtés tant en ce qui concerne la recette générale que ses comptes privés.
66Le dénouement sera très long. Lors de l'arrêté de la caisse de Brunet, en 1725, Durey de Poligny lui devait 45 000 l. ; contrairement à la plupart de ses frères et sœurs, il était mort, sinon pauvre, du moins n'ayant pas la même opulence.
67Au cours de l'examen des comptes de la recette générale, on s'aperçoit que Brunet de Saint-Gervais a versé à tort au trésor royal 22 500 l. au titre du dixième au clergé de Besançon. Ce paiement sera remboursé, avec 528 l. 12 s. 9 d. d'intérêt et donnera lieu à une quittance de Jean de Turmenyse, garde du trésor royal, la somme étant intégrée dans l'actif de Durey de Poligny. Brunet de Saint-Gervais disparaît à son tour en 1735. Il demeurait alors à Paris, dans une maison du faubourg Saint Antoine. Ses deux enfants, Pierre-François Brunet de Molandry, écuyer, seigneur de Saint-Gervais et François Augustin Brunet de Molinville écuyer seigneur de Molinville, avocat au Parlement, renonceront à sa succession ; celle-ci faisant l’objet d’une saisie-arrêt de la part des héritiers de Pierre Monnier, receveur général des domaines et des bois, et créancier de la succession de Brunet. Parmi les héritiers figure l'épouse de René Estevoux, alors receveur général des domaines et des bois, et successeur de Monnier. Le recouvrement de la créance est autorisé par une sentence du Châtelet de Paris, confirmée par le Parlement de Paris, le 8 février 1736. Le compte définitif de la succession de Brunet de Saint-Gervais sera rendu aux héritiers de Durey de Poligny le 29 mai 1748. Nombre d’entre eux sont décédés. Le compte fait apparaître un solde créditeur de 5 393 l. 12 s. partagé à parts égales entre les héritiers, à raison de 7701. 10 s. 4 d. Sont parties prenantes : Durey de Sauroy, le président Durey de Noinville, Durey de Meynière, madame Jolly, Durey d’Harnoncourt, la baronne d’Esquelbeck.
68Brunet de Saint-Gervais n’était pas un escroc. Ayant vécu dans l'ombre de familles opulentes dans une situation modeste comparée à celle de ses oncles et de ses cousins, nantis de charges importantes, il avait accédé, à la fin de sa carrière à la charge honorable de greffier en chef du Parlement de Besançon au prix de cette fonction de receveur général des salines qui l’avait dépassé. Son histoire montre que le système financier de l’époque savait protéger les intérêts du Trésor contre les dérèglements de ses propres agents. Les négligences de Brunet de Saint-Gervais n’avaient porté préjudice ni à la ferme générale, ni au trésor royal, et la caution de Durey d’Harnoncourt avait efficacement rempli son rôle.
69L'expérience de Brunet de Saint-Gervais à l’occasion de l’acquisition de l’office de greffier en chef du Parlement de Besançon n'a pas découragé d'autres employés de la ferme générale d’entrer eux aussi, dans des charges au sein des cours de Franche-Comté, pour lesquelles ils ont éprouvé une attirance durable soit pour ouvrir la voie à leur anoblissement, soit pour s'assurer un avenir stable.
70Desplaces n'avait pas hésité à profiter des circonstances pour se substituer à Brunet de Saint-Gervais dans la charge de greffier en chef du Parlement de Besançon. D'autres, après lui, ont mis à profit les rapports avec la Franche-Comté que leurs fonctions dans la ferme générale leur offraient pour acquérir les offices vacants se trouvant à leur portée. Ainsi Nithier-Joseph Badoulier, pourvu d’un emploi à Paris dans les bureaux de la ferme générale, associé au bail d'Alaterre et représentant de celui-ci lors de la prise de possession de Jean Roux Mondar, mais aussi greffier au présidial de Salins, reçoit en 1770 des lettres de provision pour l’office de secrétaire du roi à la chancellerie de la Chambre des comptes de Dole. Il sera agrégé ensuite après la suppression de celle-ci à la chancellerie du Parlement de Besançon, en tant qu'« officier réuni ». Pierre Perrinet de Faugnes, seigneur de Tauvenay, de Chassenay, de Rauches, baptisé à Paris, le 27 janvier 1715 (Saint-Paul), receveur général pour les sels pour les cantons suisses à Yverdon, avait acquis en 1756 un office de secrétaire du roi à la chancellerie de la Chambre des comptes de Dole. C’est ainsi également, qu'Etienne-Cyprien Renouard de Bussierre ; originaire de Sancerre où il était né en 1736, maître des eaux et forêts à Sancerre, il avait remplacé Perrinet de Faugnes comme receveur général des sels à Yverdon, avait acquis une charge de secrétaire du roi en 1778 et y avait été installé à Salins. En 1784, il avait sans doute désiré resserrer ses attaches avec la Franche-Comté en achetant aux héritiers du marquis de Jouffroy la seigneurie et le château de Roche et Château-Rouillaud (Arc-et-Senans) pour 450 000 l. Il devait y mourir le 21 octobre 1794. Un de ses fils devait devenir en 1828 conseiller général du Doubs.
Gallevier de Miéry
71Le successeur de Brunet de Saint-Gervais était d'un tout autre acabit et sa fin fut moins discrète. François Gallevier de Miéry était né en 1701, seigneur de Miéry et de Villers-Farlay, il avait un peu plus de vingt-cinq ans lorsqu'il entra en fonction à la recette générale des salines à une date qui ne peut être déterminée avec précision. On peut estimer qu'elle se situe quelque temps après le départ de Brunet de Saint-Gervais, lors de l'entrée en vigueur du bail Carlier en 1726 dont la fin en 1732 devait être fatale à la carrière du jeune Gallevier.
72Sur requête de la ferme générale du 15 août 1734, Claude-Antoine Girod, juge-visiteur des salines, en présence de Pierre-François Roland, écuyer, l'une des cautions de Pierre Carlier « ci-devant adjudicataire général des fermes unies de France et des salines de Salins » avait « remontré » que le compte de Carlier et de ses cautions avait été arrêté à l'hôtel des fermes de Paris le 16 août 1734. Le bail de Carlier étant venu à terme au 31 décembre 1732, il avait été reconnu que François Gallevier, qui avait exercé pendant les six années du bail, se trouvait reliquataire envers ce dernier de la somme de 204 999 l. 2 s. 7 d. pour le paiement de laquelle Carlier avait été obligé de décerner une contrainte. L'inventaire de Gallevier devait donc être dressé. Mais l'adjudicataire général ayant été informé que les frères capucins de Salins lui avaient donné retraite dans leur couvent, il était important d'arrêter le compte et en raison de son absence il était nécessaire de procéder à la mise sous scellés tant sur l'appartement qu'il habitait aux salines, que sur les maisons qui lui appartenaient en propre.
73Pour procéder à cet inventaire et à la mise sous scellés, outre le juge-visiteur, devaient être présents : Guillaume Jamain, substitut du procureur, en l'absence de ce dernier, et Jacques Fouet, directeur général des salines. Le greffier de la juridiction des salines assiste à la visite des lieux. Dame Claude Cointot, épouse de Gallevier, indique les meubles où sont enfermés les registres. Chaudouet, le commis de la recette produit, dans la pièce qui lui sert de bureau :
- le registre-journal de recettes et de dépenses pour la première année du bail de Desboves, soit du 1er octobre 1732 au 30 septembre 1733,
- le registre de l'année 1734 jusqu'au 10 août pour les mêmes opérations,
- les registres des droits d'entrée de la seconde année du bail de Desboves des ventes de petit sel affecté au bailliage d'Aval, du sel rosière, du gros sel délivrés aux communautés, les registres étant paraphés par Fouet.
74Chaudouet présente également les registres qu'il tient, notamment celui du sel rosière délivré aux sous fermiers, dans lequel on constate « quantité de places en blanc ». Chaudouet doit justifier au total pour les deux années du bail de Desboves en ce qui concerne le sel rosière, 259 225 l., montant qui n'est pas porté en entier sur les registres et sur lequel il n’a été réglé à Gallevier que 255 218 l. 17 s. 7 d.
75Louis Bonnet, commis provisoirement pour effectuer les opérations de la recette, se fait présenter la caisse composée de vingt-cinq sacs en écus et autre argent blanc de 1 200 l. chacun, soit 30 000 l., quatre paquets de 2 s. 400 l., deux autres sacs contenant en tout 640 l. et divers autres sacs représentant au total en espèces, or, argent et billets 50 104 l. En plus de cette somme, on peut escompter 5 000 l. à provenir de la recette de Nicolas Sauvage, le sous-fermier des sels rosière. Roland, au nom des cautions, indique que pour assurer le paiement des dépenses courantes, il sera remis 12 000 l. sur les 50 104 l. du coffre. L'inventaire se poursuit sur les biens propres de Gallevier à Villers-Farlay. Il est décidé de vendre quatre chevaux, deux vaches, trois cochons et huit chiens de chasse. Le produit de cette vente s'élève à 1 701 l. Cela ne suffisait évidemment pas pour régler le reliquat dû à Carlier. Mais Gallevier pouvait mettre en œuvre le concours de ses deux cautions : son père et Jean-Jacques Cointot, son beau-père, ancien conseiller au Parlement de Dole, nommé en 1719 conseiller auditeur à la Chambre des comptes de Dole. Celui-ci avait deux filles, l'une avait épousé Claude-Joseph Le Bœuf de Valdahon, président à la Chambre des comptes de Dole, fils et frère d'anciens receveurs des finances de Pontarlier, et l'autre Gallevier de Miéry.
76Les cautions furent sans doute efficaces, la main-levée des scellés est accordée sans préjudice de tout ce qui restait dû aux fermiers. Les fonds sont remis à Carlier et Desboves. L'affaire est close le 10 décembre 1734.
77Dans cette procédure, Gallevier n’est apparu personnellement à aucun moment ; il a été constamment représenté par un procureur. Les quelques pièces conservées le concernant le présentent sous un jour peu favorable, notamment à Salins. En août 1727, des affiches placardées aux portes des salines font interdiction au chanoine Monnot, de Saint-Anatoile, d'y pénétrer. Elles ont été apposées à l'instigation de Houliier, mentionné comme contrôleur des salines, et de Gallevier. Le chanoine se rebiffe, les considérant comme injurieuses à son égard, il en appelle au contrôleur général qui exige qu'elles soient enlevées, ce qui est fait. Le chanoine ne s'en tient pas là, il se plaint que Gallevier manifeste « beaucoup d'animosité en raison du détail qui lui a été fait d'une contestation le concernant ». D'autres pièces concernant les fournitures de sel aux cantons suisses mentionnent son rôle de façon critique.
78Exclu de Salins, sa carrière n’était pas terminée. Cinq années passent et le 17 avril 1739, sur le rapport d'Orry, contrôleur général des finances, qui ne fait aucune allusion à ses malversations à la recette générale des salines, Gallevier reçoit les lettres de provision pour l'office de directeur et trésorier particulier de la monnaie de Besançon. Ces lettres sont enregistrées par les deux conseillers-juges de la monnaie, les sieurs Bouchet et Ramaille, attitude surprenante de la part de deux personnages bien placés pour être informés des antécédents de Gallevier. L'enregistrement ne constitue d'ailleurs que la confirmation d'un fait déjà acquis, l'appui d'Orry. En effet, quelques mois auparavant, et sur commission, il avait été installé « sans frais » par le général provincial de la monnaie le 13 octobre 1738 ; l'envoi en possession de l'office est effectué quelques jours après.
79L'épisode de Salins était donc oublié. La singularité de sa nomination, d'abord par commission, ensuite sur lettres de provision, montre qu'il devait disposer d'appuis puissants pour que ses antécédents pour le moins fâcheux ne fassent pas obstacle à ce qu'il accède à une fonction de responsabilité dans le domaine financier. Etait-il protégé par son milieu et ses attaches familiales ? Sans doute ses liens de famille l'avaient-ils introduit dans le milieu de finance comtois. Il avait épousé comme on l'a vu, en 1729 Claudine Cointot, fille d'un conseiller auditeur à la Chambre des comptes de Dole, le témoin étant Jacques-François Legoux, receveur particulier des finances à Poligny. Sa présence à Besançon est attestée par les registres paroissiaux de Besançon. Sa première épouse étant décédée, il avait épousé Jeanne-Elisabeth de Torchet ; l'acte de baptême de leur fille Marie Pauline Félicité est enregistré le 21 juin 1742, Gallevier étant désigné comme écuyer, seigneur de Miéry et de Villers-Farlay. Le parrain et la marraine de l'enfant étaient le sieur Jean Lulienne et mademoiselle Jeanne-Simone Estignard.
80Il était donc installé à Besançon à l'hôtel de la monnaie, mais pour peu de temps. Par un jugement de l’intendant Barthélemy de Vanolles désigné à cet effet par commission du Conseil, il est condamné pour avoir été impliqué dans un procès de faux monnayage dont les circonstances demeurent mal éclaircies. Il est condamné à « être pendu et étranglé ». Cette sentence du 1er mars 1742, irrémédiable, est rendue il est vrai, par contumace.
81La principale source d'information résulte d'actes de procédure du procès entamé par le marquis de Monnier, premier président de la Chambre des comptes de Dole à l'encontre de Jean-Marie Le Bœuf, écuyer, seigneur de Valdahon, mousquetaire gris de la garde du roi qui avait séduit sa fille Jeanne-Antoinette, dans sa propre maison, à Dole. Les deux jeunes gens désirant s'épouser, le marquis atrabilaire et procédurier avançait, pour s'opposer à ce mariage, comme preuve de mésalliance le procès que le président de Valdahon, son père, avait dû subir en raison d’une défaillance commise par un commis de la recette particulière de Pontarlier dont il était propriétaire. Mais d'autres pièces, celles-là probantes, permettent de vérifier le sort subi par Gallevier.
82En septembre 1742, les scellés sont apposés sur les meubles et effets dépendants de la succession de Gallevier de Miéry pour garantir les droits de plusieurs enfants pupilles. Sous l'autorité du lieutenant général du bailliage de Besançon, Jean-Etienne Caboud, les scellés sont placés dans son appartement à l'hôtel de la monnaie, dans ses maisons de Villers-Farlay et de Poligny. Le 8 décembre 1743, un arrêt du conseil du roi prescrit la vente de ses biens.
83Les lettres de provision adressées au sieur Caubet son successeur dans l'office de directeur des monnaies de Besançon indiquent que cet office est vacant « en nos revenus casuels par la forfaiture de Gallevier, condamné à mort suivant le jugement du 1er mars 1743 et que Caubet aura réglé l'office suivant quittance délivrée par Bertin le 22 septembre 1746 ». Gallevier était donc bien mort en 1742, avant même sa condamnation par contumace en 1743 pour des faits dont la nature exacte demeure inconnue. Les considérants de la liquidation par voie d'autorité de sa succession prouvent qu'elle n'avait pu être ouverte qu'en raison de circonstances exceptionnelles. Il avait alors 41 ans.
Les Bouchet, père et fils
84Avec les successeurs de Gallevier de Miéry, Bouchet père et fils, la ferme générale ne connaîtra pas de nouvelles aventures financières, les salines étant dans de bonnes mains ; ils se succéderont dans la fonction jusqu'à la suppression de l'institution avec des titres et sans doute des responsabilités de plus en plus significatives : trésorier des salines, directeur receveur général des salines et, finalement, inspecteur général.
85Barthélemy Bouchet, écuyer, est né en 1701 ; son père était mêlé à l'exploitation de la métallurgie comtoise. Avant sa nomination comme trésorier des salines il avait été contrôleur d'artillerie (1722), contrôleur général des guerres (1731) ; il avait acquis la seigneurie de Paroy en 1741, reçu une médaille d'or en 1746, puis avait fait l'acquisition d'un office de secrétaire du roi, pour lequel il avait obtenu des lettres de provision le 25janvier 1751. Celles-ci sont assorties d'un attendu flatteur : « Voulons lui donner de nouvelles marques de la satisfaction des bons services qui nous ont été rendus pour le service de notre artillerie et ceci indépendamment de la médaille d'or. » Il reçoit à titre de survivance le premier degré de la noblesse « avec tous les honneurs dont jouissent les nobles de notre royaume ». Barthélemy Bouchet est décédé à Besançon le 11 juillet 1765.
86Claude-François-Barthélémy-Fiacre, né le 30 août 1731, lui succède dans ses fonctions aux salines ; directeur receveur général, il exercera jusqu'à la reddition de ses comptes au caissier de la ferme générale. Il décédera le 14 prairial an IX.
87Si le nom des Bouchet apparaît fréquemment dans les actes de la saline de Salins, les recettes de la saline dans les comptes de la ferme générale sont versées par Bouchet, ils n'ont laissé que peu de souvenirs permettant de mieux évoquer leur personnalité autres que ceux de leur concours au service de la ferme générale.
Bibliographie
Sources
Le juge visiteur et les offices des salines
ADD : B 604, 611, 613, 615, 616, 619, 620 (f. 260), 629.
ADJ : A 43, 209, 211, 364. AN : G1 2 ; E874 ; V1 473.
Les comptables :
— Claude Privey
ADD : B 607.
AMB : GG 50 (f. 135v).
AN : G7 276 (f. 164, 226).
— François Marandet
ADD : B 604 (f. 135, 431).
— Bernard Pomaret
ADD : B 604 (f. 285), 775, 2150.
— Pierre Dauzeret
AN : G7 285 (f. 91).
B N : Ms fr. 7585 ; Ms fr. n/a, 20093, 20094.
ADJ : C 356, 358.
—P.-A. Brunet de Saint-Gervais
AN : T 139.7.
— François Gallevier de Miéry
ADD : A 43 ; B. finances (non classé), liasse 127 ; 1 C 1521, 1529 ; E3025, 3180.
Lurion, Notice..., p. 271.
— Barthélémy Bouchet
ADD : B 617 (f. 532v), 8813 (f. 12,79) ; 1 C 1521.
AMB : GG 103 (f. 59V).
Solnon, 215 bourgeois..., p. 305 et 306.
Lassus, Métallurgistes..., passim.
— Claude-François Bouchet
ADJ : C 208.
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