Les industriels horlogers du Locle (1850-1920), un cas représentatif de la diversité du patronat de l’Arc jurassien
p. 61-82
Texte intégral
1Plus que La Chaux-de-Fonds, métropole horlogère et "fabrique collective urbaine"1, la petite ville voisine du Locle a frappé les imaginations et a été conçue par de nombreux historiens, jusqu’à aujourd’hui2, comme un lieu symptomatique du développement de l’horlogerie dans l’Arc jurassien suisse. Il y a évidemment la figure mythique de Daniel JeanRichard (1665- 1741), qui y passe une partie de sa vie, mais aussi celles de nombreux artisans, voire d’artistes de la montre et de la pendule (Jacques-Frédéric Houriet, Louis Favre-Bulle, Louis-Frédéric Perrelet, etc.) qui ont apporté aux XVIIIe et XIXe siècles un raffinement esthétique et des améliorations techniques à leurs produits (montres perpétuelles, chronomètres de marine, pendulerie, etc.), qui leur ont valu une réputation mondiale d’excellence.
2Très souvent, les historiens ont vu une filiation directe et finaliste entre cette élite de l’artisanat horloger et les industriels qui feront la renommée du lieu au XXe siècle (Tissot, Zénith, les médailleurs Huguenin, etc.), filiation expliquée par la transmission d’une sorte de génie horloger mal définissable3. De plus, l’industrialisation de l’artisanat horloger est d’autant moins perçue comme une rupture de ce secteur économique et de la société locale qu’on a affaire au Locle à un développement démographique et urbain relativement lent4 et peu ouvert sur l’extérieur en regard de La Chaux-de-Fonds : contrairement à la métropole horlogère, l’industrialisation de l’horlogerie se fait au Locle par des gens du crû. Le patronat local ne compte en effet pas de Juifs ou de Suisses alémaniques, deux groupes sociaux qui jouent un rôle déterminant ailleurs dans l’Arc jurassien suisse.
3Cette apparente homogénéité du patronat loclois a largement joué en faveur du mythe de la persistance d’un génie horloger helvétique. Il est lui-même accentué et promu par les premiers industriels loclois, qui rompent avec l’artisanat du XVIIIe et de la première partie du XIXe siècle. Ce sont en effet les principaux acteurs de la révolution industrielle en terre loclois, alliés aux anciennes familles dominantes, qui érigent en 1888 une statue à la mémoire de Daniel JeanRichard5, inscrivant ainsi leur activité industrielle dans la continuité de l’artisanat local.
4Or, l’analyse prosopographique du patronat horloger du Locle6 permet de mettre en lumière le rôle de l’industrialisation dans l’émergence d’un nouveau patronat industriel et l’attitude des anciennes élites économiques face à ce phénomène. On verra alors que le maintien de quelques familles à la tête d’entreprises horlogères du XVIIIe au début du XXe siècle cache mal la véritable révolution sociale que fut l’industrialisation de l’horlogerie dès les années 18807. En effet, celle-ci est le fait d’hommes nouveaux, aux origines sociales modestes et possédant un savoir-faire technique très développé, qui émergent à la fin du XIe siècle et s’imposent rapidement sur la scène économique et politique.
I. Avant l’industrialisation, la toute-puissance des établisseurs
5Les familles d’horlogers et d’établisseurs dominantes au XVIIIe siècle restent très présentes jusque dans les années 1880. Elles sont issues d’anciennes familles négociantes et horlogères locloises (DuBois, Houriet8, Richard, Perrenoud), de l’immigration huguenote (Bergeon9, Faure, Nardin10) ou de l’aristocratie étrangère (Jürgensen11). Toutes ces familles sont liées entre elles par de denses relations matrimoniales (voir fig. 1).
1. Les anciennes familles issues du négoce
6On a affaire au système classique de l’établissage. Les filières de commercialisation vers les grands centres européens du négoce (Londres, Italie du Nord, Francfort, Vienne, Paris, Amsterdam, etc.), dans lesquels s’est installé généralement un parent, permettent d’écouler la production horlogère à côté de produits plus traditionnels (textile essentiellement). Au XVIIIe siècle, certaines familles (DuBois, Faure) se lancent dans la fabrication horlogère pour leurs propres marchés. Mais, mis à part l’Amérique du Sud, nouveau marché sur lequel ces familles sont très présentes12, les établisseurs ne partent pas dans la seconde partie du XIXe siècle à la conquête de nouveaux marchés purement destinés à la production horlogère, comme c’est le cas des industriels (notamment sur les marchés russes et extrême-orientaux).
7Quant aux produits vendus sur ces marchés traditionnels, il s’agit généralement d’une horlogerie artisanale de très haute qualité technique et esthétique (chronomètres de marine, régulateurs, automates, etc.). On vise essentiellement une clientèle riche, notamment les diverses noblesses mondiales.
8Le financement de ces activités proto-industrielles ne pose pas de problème. On a en effet affaire à un secteur d’autant moins gourmand en capitaux que l’on privilégie les méthodes artisanales de production et les voies de commercialisation traditionnelles. Ensuite, ces familles possèdent depuis plusieurs générations un capital important, issu du négoce et de la banque privée, qui assure l’autofinancement de leurs activités. Jusqu’à la seconde industrialisation, ces familles sont les plus riches du Locle, ainsi que le laissent apparaître les rôles d’impôts loclois (voir tab. 1). On retrouve aussi ces personnes à la tête des quelques banques privées locloises et du commerce de métaux précieux. La Banque du Locle, fondée en 1864, est socialement proche de cette ancienne élite horlogère13, aussi présente dans la fondation de la banque privée DuBois & Lardy à la fin du XIXe siècle. De même, plusieurs représentants de la famille DuBois sont membres de la direction de la très aristocratique Caisse d’épargne de Neuchâtel14. Enfin, une fonderie d’or et d’argent est détenue par la Banque du Locle.
9Avec le contrôle d’importantes filières de commercialisation, un savoir-faire technique très développé et la présence de considérables ressources financières, ces familles ont apparemment les atouts nécessaires au passage à l’industrialisation de leur activité économique. Pourtant, ce ne sont pas des personnes issues de ce milieu social qui mettent en œuvre la seconde industrialisation au Locle. Bien au contraire, on a affaire ici à des familles traditionalistes, attachées à l’Ancien Régime et opposées à l’émergence du monde moderne, aussi bien dans le domaine socio-politique qu’économique.
2. Des familles traditionalistes
10Plusieurs de ces négociants horlogers sont en effet impliqués dans les révolutions de 1831, 1848 et 1856 aux côtés des royalistes (DuBois, Nardin, Faure)19. Fort peu engagés en politique après 1848, les établisseurs horlogers sont en revanche très présents dans les divers lieux de sociabilité libérale et aristocratique, comme la Société des Belles-Lettres (DuBois, Jürgensen), la Société d’histoire et d’archéologie de Neuchâtel (DuBois, Jürgensen), et les œuvres sociales du Réveil protestant (Croix-Bleue, Eglise indépendante, Hôpital20, Asile des Billodes, etc.).
11Ces élites traditionalistes se révèlent aussi opposées à la transformation des structures économiques et à l’industrialisation. Aucun représentant de ces familles n’est par exemple engagé dans la promotion du chemin de fer Jura Industriel aux côtés des industriels républicains qui font de ce projet un élément essentiel à l’industrialisation des Montagnes neuchâteloises21. Le constat est le même en ce qui concerne le développement urbain du Locle : aucun négociant horloger ne soutient financièrement les projets d’habitations ouvrières qui voient le jour dans la seconde partie du XIXe siècle. Aussi n’est-il pas surprenant que les contre-révolutionnaires de 1856 défilent dans les rues du Locle aux cris de "Vive le roi, à bas la république, à bas les chemins de fer, à bas le quartier neuf"22.
12Dans le domaine purement horloger, ces établisseurs se caractérisent par leur opposition systématique au machinisme et à l’innovation technique, ce qui les distingue fortement du nouveau patronat industriel (cf. infra). L’un des plus âpres défenseurs de l’horlogerie artisanale, Jules Frédéric Urbain Jürgensen (1808-1877), prononce une conférence devant la Société d’histoire en 1877, dans laquelle il affirme la suprématie mondiale de l’horlogerie suisse, malgré les succès industriels américains.
13Il met notamment en garde contre les dangers d’une trop profonde mécanisation de la production :
"[…] l’agencement de ces pièces [produites par des machines] entre elles, le pivotage, le posage des rubis, le réglage, la mise en action définitive d’une œuvre à laquelle concourent tantôt plusieurs milliers ou des centaines de pièces différentes en acier, en or, en argent, en laiton, en rubis, en cristal, en verre, en émail, pièces qu’il faut tantôt river, tantôt sertir, souder, glisser, visser, ajuster avec ou sans ébat, graisser ou huiler, gommer, tout cela, dis-je, exclut dans une vaste mesure la possibilité de trop demander à la fabrication mécanique. L’horloger, l’artiste est nécessaire à ce travail, comparable à celui du peintre auquel il faut, sans doute, toile, pinceaux, palettes, couleurs, vernis, cadre, mais qui doit presque tout au génie personnel et à la science qui le guident"23.
14L’attitude des anciennes élites face au progrès technique évolue avec les succès de l’industrialisation. Jules Jürgensen fils (1837-1894) apparaît ainsi comme beaucoup plus innovateur et, même s’il ne mécanise apparemment pas l’entreprise, il présente des innovations à ses collègues dans le Journal suisse d’horlogerie24. Pourtant, son décès prématuré à l’âge de 57 ans (1894), suivi du désintérêt de son fils unique pour les affaires horlogères et de la mort de son frère Jacques-Alfred (1912) aboutissent à l’abandon de la production horlogère25.
15Quant aux autres anciennes familles horlogères, elles continuent leurs activités grâce à une industrialisation modérée (Bergeon) ou à la persistance d’une forme modernisée d’établissage (DuBois). Ainsi, on n’assiste pas au Locle à la transformation de l’ancienne élite d’établisseurs en industriels modernisateurs, comme dans le cas de la famille Agassiz-Francillon par exemple (Longines).
3. Un exemple révélateur : la famille DuBois26
16La famille DuBois illustre parfaitement le cheminement des négociants horlogers loclois au cours du XIXe siècle, ainsi que leur attachement à l’ancien mode de production. Elle est en effet active dans le négoce de draps au moins dès la fin du XVIe siècle et présente à ce titre sur plusieurs marchés européens. Au milieu du XVIIIe siècle, un membre de cette famille, Moïse DuBois (1699-1774), intègre l’horlogerie à son négoce mais ne produit pas encore de montres ou de pendules (1751). Son propre fils, Philippe DuBois (1738-1808), se lance dans la production horlogère pour les marchés familiaux et fonde en 1785 une maison horlogère avec ses fils. La famille possède déjà des relations dans plusieurs villes commerçantes d’Europe : deux frères de Philippe, Guillaume (1726-1794) et Abram (1728- 1752), s’installent à Londres où ils se fixent et se marient à des Anglaises. Leurs descendants, notamment Edouard (1774-1850), fils de Guillaume, entretiendront des relations commerciales avec leurs cousins horlogers du Locle, tandis que Charles (1774-1850), fils de Philippe, ouvre un comptoir à Amsterdam. Dans les années 1810, la famille DuBois est présente sur tous les grands marchés d’Europe occidentale (Allemagne, Angleterre, Autriche, Royaume de Naples, Prague, etc.)27.
17Les descendants de Philippe savent nouer des alliances matrimoniales profitables à leur entreprise. Jules-Henri (1779-1837), son fils, épouse Sophie Vuagneux, fille d’un marchand horloger qui exporte notamment à Londres. A la génération suivante, on observe une concentration du pouvoir entre les mains des deux fils de Jules-Henri, en raison de l’absence de descendance de Philippe-Henri et du mariage de Cécile et de Louis DuBois.
18Jules (1805-1872), impliqué dans le mouvement royaliste et déçu de la tournure des événements politiques, émigre peu après 1848 à Francfort, ville dans laquelle la famille entretient des relations commerciales au moins dès les années 1780. Lui et ses descendants y nouent des alliances avec d’importantes familles allemandes, parfois proches du pouvoir impérial28, dont les banquiers Andreae29. Alors que cette branche assure la commercialisation de la production, les DuBois du Locle, Louis et ses trois fils, s’occupent de la production. Ils s’intègrent grâce à leur mariage à des familles dominantes et abandonnent l’horlogerie vers les années 1920. L’entreprise est alors assurée jusqu’à nos jours par la branche allemande dont quelques descendants se réinstallent au Locle. Cette maison a toutefois perdu beaucoup de son importance en refusant de passer au stade industriel de la production et a laissé la place à un nouveau type d’entrepreneurs qui s’affirment dans la seconde partie du XIXe siècle.
II. Émergence et affirmation d’un patronat industriel
19A côté de ces anciennes familles de négociants-horlogers, on voit apparaître de nouveaux entrepreneurs horlogers, aux origines sociales beaucoup plus modestes et qui se distinguent par leur esprit innovateur et moderniste. Ce sont eux qui réaliseront, dès les années 1880, l’industrialisation de l’horlogerie au Locle.
1. Des origines modestes et un grand savoir-faire technique
20Ce nouveau patronat se distingue d’abord par ses origines sociales modestes. Plusieurs sont fils de paysan, parfois de paysan-horloger, et ne sont pas originaires du Locle mais d’un village avoisinant. Ils s’installent en ville pour se lancer dans la seule activité industrielle, comme les frères Charles (1835-1885) et William Huguenin (1831-1878) en 1850, en provenance de La Brévine. Les rôles d’imposition soulignent par ailleurs ces origines modestes30 : en 1865, la famille Tissot, Ariste Calame père (1839- 1917), Georges Favre-Bulle (1843-1917) et les médailleurs Huguenin sont tous sans fortune déclarée, alors que d’autres possèdent quelques milliers de francs31. Certaines familles enfin possèdent un petit patrimoine : Henri Grandjean (1803-1879) déclare 120 000 francs. L’absence de fortune familiale et l’origine populaire de ces nouveaux patrons ne leur permettent pas de s’intégrer matrimonialement et socialement aux anciennes élites de négociants-horlogers. On observe plutôt une double endogamie32.
21Ces origines simples seront utilisées par les générations suivantes comme un trait caractéristique de ces self made men ayant réalisé l’industrialisation au Locle. Le mythe des débuts difficiles justifiera a posteriori la domination patronale. En 1936, Jacques Nardin (1892-1950), successeur et beau-fils de Georges Ducommun (1868-1936), parle ainsi de feu son prédécesseur :
"Il n’a jamais oublié, ni renié ses origines modestes. […] Il n’a jamais oublié qu’il fut ouvrier. […] Il n’oubliait pas qu’il était né aux Malpierres sur Le Locle, d’une famille nombreuse et pauvre. A 12 ans, apprenti emboîteur, il trouvait le temps de s’occuper encore de ses frères cadets et apportait à sa mère, qu’il adorait, tout le petit argent qu’il lui arrivait de recevoir lors de ses livraisons à la clientèle de son patron. Il se rappelait les courses épuisantes dans la nuit, la neige et le froid. Et plus tard, lorsqu’il ouvrit son premier atelier, dans un humble logement du Crêt-Vaillant – c’était en 1890 – il portait ses cartons, à pied, jusqu’à La Chaux-de-Fonds, où il touchait le prix de son travail. C’était le bon temps, le temps des rudes débuts, qui trempent un caractère et décident d’une vie entière"33.
22En revanche, si ces hommes ne possèdent pas de capital financier à l’origine, ils sont riches d’un important savoir-faire technique et commercial. Les premières générations de nouveaux industriels sont généralement passées par l’apprentissage d’horloger, parfois dans l’atelier paternel, alors que leurs successeurs, surtout après 1900, sont bien souvent diplômés de l’Ecole d’horlogerie (Ariste Calame fils, Paul Huguenin, Paul-David Nardin, Ernest Nardin, Gaston Nardin). Quant au savoir-faire commercial, il s’acquiert dans des écoles de commerce (Alfred Nardin, Jacques Nardin, Marie Tissot), mais surtout à l’étranger. En effet, la formation se poursuit dans certains cas à la tête d’une succursale étrangère, ce qui permet de se faire la main dans une direction et de nouer des liens avec les élites de ces marchés. Charles Tissot (1860-1936) est nommé directeur de la succursale de Moscou à l’âge de 25 ans (1885). Il reste dans cette ville jusqu’en 1901 et y prend Marie Fadieff comme épouse. Son retour au Locle coïncide avec son accession à la direction de l’entreprise. Les patrons qui ne possèdent pas de succursale à l’étranger envoient également leurs fils apprendre les langues, notamment aux USA (Paul Huguenin), au Canada (Alfred Nardin), en Angleterre (Ernest Nardin) ou à Bâle (Marcel Bergeon).
23Enfin, l’absence de tradition familiale, par exemple dans la production artisanale d’un produit privilégié (chronomètre de marine, pendulerie, etc.), favorise l’adoption de méthodes industrielles de production car celles-ci ne viennent pas rompre le système technique de l’établissage, inscrit dans une structure familiale. La seconde industrialisation est le fait de ce nouveau patronat. Elle lui permet de s’affirmer face à l’ancienne élite des établisseurs, notamment par une forte propension à l’innovation technique et la conquête de nouveaux débouchés commerciaux.
2. L’innovation technique
24On peut schématiquement opposer un nouveau patronat industriel issu d’une filière technique, à l’ancien patronat horloger issu du négoce. L’attitude face à l’innovation technique est foncièrement différente. Les brevets déposés dans le domaine horloger donnent une bonne idée de la quête innovatrice de ces nouvelles entreprises, malgré les difficultés attachées à ce genre de documents34.
25Mis à part les frères Bergeon, on n’observe aucune ancienne famille parmi les dépositaires de brevets. Les familles DuBois, Faure et Jürgensen n’en déposent aucun. De plus, les recherches de Paul-David Nardin (1856- 1920) visent des perfectionnement dans la chronométrie de haute précision, dans la lignée de ce que faisait son père Ulysse, et non une mécanisation de la production. Sa quête perfectionniste l’amène à collaborer avec des personnalités horlogères (Jämes Pellaton35, Henri Rosat fils) et scientifiques (Charles-Edouard Guillaume36) de premier plan, ce qui lui permet de faire du comptoir familial une véritable manufacture intégrée et en pleine croissance : ouverture d’une succursale à Genève (1877), production d’ébauches pour chronomètres de poche et de marine (1901), transformation des ateliers à plusieurs reprises (1906, 1912 et 1918). Vers 1918, cette entreprise emploie une centaine d’ouvriers mais la croissance s’est faite dans le cadre de l’artisanat. On n’est pas passé au stade industriel de la production.
26Le patronat industriel est aussi le premier au Locle à adopter la mécanisation de sa production. Georges Favre-Jacot et Charles Huguenin sont parmi les premiers à installer la transmission motrice pour faire marcher les machines, alors que Charles-Ami Barbezat-Baillod (1847-1938), patron de la maison Le Phare, tente la production mécanique de montres compliquées. Enfin, Georges Perrenoud aurait introduit à l’âge de 17 ans des machines dans l’entreprise familiale contre l’avis de son père (1902)38.
3. La quête de nouveaux marchés : l’exemple de la Russie39
27Le nouveau patronat industriel se distingue aussi par sa recherche de nouveaux débouchés commerciaux pour sa production de masse. L’exemple de la Russie permet de mettre en lumière la rapide ascension d’un nouveau patronat grâce à ce marché, mais aussi la fragilité d’une croissance fondée sur un marché unique.
28La Russie n’est pas à proprement parler un nouveau débouché commercial, comme peuvent l’être la Chine et le Japon par exemple, mais ce marché est largement dominé au XVIIIe siècle par les horlogers et joailliers genevois40. Ce n’est que dès les années 1810 que des négociants horlogers neuchâtelois s’y installent et en font leur débouché principal (Buhré, Gabus, Tissot, Zénith).
29L’un des premiers loclois à s’essayer au marché russe est Paul-Léopold Burhé41. Il ouvre en 1815 un magasin d’horlogerie à Saint-Pétersbourg qui est repris par son fils Paul Buhré vers le milieu du siècle. Désireux de répondre à une demande croissante, il s’associe en 1880 avec un fabricant d’horlogerie du Locle, Paul Othenin-Girard (1835-1902).
30Dans les années 1880, son beau-frère Georges Pfund et son frère James entrent au service de la maison Buhré. Ils sont bientôt rejoints par deux fils de Paul, Alexandre et Paul-Henri. Pour ces deux générations, on observe une dissociation fonctionnelle entre les producteurs, installés au Locle, et les négociants, habitant la Russie. Cela n’est pas sans conséquence en 1917. La révolution bolchevique impose en effet un repli sur d’autres marchés. Paul Buhré SA (qui appartient alors à Alexandre Othenin-Girard) rachète en 1923 la société Barbezat-Bôle, spécialisée depuis les années 1890 dans les marchés orientaux (Chine et Indes principalement)42, alors que Paul-Henri Othenin-Girard, ruiné par la révolution, tente sa chance en Finlande, où l’on perd sa trace.
31La Russie n’est pas le seul nouveau marché prospecté par ces industriels. Il y a aussi l’Asie, et particulièrement le Japon, qui s’est ouvert au commerce international dans les années 186043. Citons notamment les relations commerciales établies avec Kintaro Hattori, futur fondateur de la maison Seiko, qui permettent à Ariste Calame fils (1875-1955) de développer et d’industrialiser le comptoir mis sur pied par son père (la maison Zodiac44), et d’abandonner la sous-traitance pour les négociants loclois45.
4. Grandes entreprises, nouveau management et nouvelles fortunes
32L’industrialisation débouche sur la construction de nombreuses usines dès les années 1880 (nouvelle fabrique Zénith 1881, agrandie en 1883- 1884, Fabrique Stella 1891, Fabrique Concorde 1896, Fabrique des médailleurs Huguenin 1899, Usines Saphir des frères Gabus 1908, Zodiac 1908). A ce changement d’échelle correspond l’arrivée après 1900 d’un nouveau management. Le directeur-propriétaire omnipotent laisse la place à une direction partagée, avec parfois la nomination de managers salariés.
33Tout d’abord, le partage de la direction s’opère normalement avec un changement de génération à la tête de l’entreprise (Huguenin, Nardin, Calame) : on observe un partage des compétences (direction commerciale, direction technique) entre les fils qui reprennent la maison et à qui on a donné une formation spécifique. Mais on assiste aussi à la nomination de directeurs salariés, souvent dans le cas d’une transformation de l’entreprise familiale en société anonyme, comme chez Zénith, où se perpétue pourtant la direction familiale, mais aussi pour recourir à des compétences particulières, comme chez Ulysse Nardin, où l’on engage Henri Rosat (1858-1945), horloger et régleur de grande renommée, comme chef de fabrication puis directeur technique.
34En raison des bénéfices qu’elle dégage, l’activité industrielle est un formidable moyen d’ascension sociale pour les nouveaux industriels. Leur émergence s’observe grâce aux déclarations de revenus. Après 1900, ce sont en effet essentiellement des industriels qui déclarent les plus grands revenus. En 1900, mis à part Henri Perrenoud fils, ingénieur, qui déclare un revenu annuel de 10000 francs, ce sont des industriels qui présentent les plus gros revenus : Georges Favre-Jacot est le Loclois qui gagne le plus, avec un revenu de 30000 francs ; suivent Charles-Ami Barbezat, directeur de la maison Le Phare (12000 francs), les frères Albert (1849-1928) et Fritz Huguenin (1845-1915), médailleurs (chacun 10000 francs) et enfin Jacques Klaus, le fabricant de chocolat (10000 francs).
35La situation s’accentue encore en 1920. Parmi les 35 personnes déclarant un revenu annuel égal ou supérieur à 20000 francs, on trouve quelques très gros revenus, tels que ceux d’Albert Schumacher (1858-1935), directeur de la fabrique d’assortiments Stella (85000 francs), de Jämes Favre-Bulle (1869-1934), directeur salarié de Zénith (76100 francs) et de Louis Huguenin (1869-1940), directeur d’une autre fabrique d’assortiments (69500 francs). On rencontre de nombreux self-made-men (Ariste Calame, Georges Ducommun, famille Gabus, famille Pierrehumbert). La trajectoire d’Albert Schumacher est tout à fait représentative de ce nouveau milieu. Sans fortune jusque dans les années 1900, il déclare alors de faibles revenus annuels (600 francs en 1885 ; 4000 en 1900). Puis les choses changent rapidement : ses revenus sont de 6800 francs en 1910 et de 85000 francs en 1920 ; sa fortune suit la même courbe : 22000 francs en 1910 et 265000 francs en 1920.
36La guerre de 1914-1918 joue un rôle fondamental dans la constitution de nouvelles fortunes. De nombreux entrepreneurs loclois se lancent en effet dans la fabrication de munitions pour les belligérants (Gabus Frères, Nardin, Zénith, etc.)47. Les bénéfices générés par cette activité permettent le développement des entreprises et favorisent l’affirmation de la nouvelle classe patronale.
37Les anciennes familles de négociants-horlogers ne sont plus seules parmi l’élite financière locale. On voit clairement apparaître dans les années 1900 et 1910 de nouveaux-venus en provenance de l’industrie horlogère.
38Pourtant, ces fortunes familiales ne suffisent plus seules à l’autofinancement des entreprises. Certaines doivent faire intervenir des partenaires financiers extérieurs. Ainsi Zénith se transforme-t-elle en 1896 en société en commandite par actions, puis en société anonyme en 1911 : ces divers changements de statut permettent l’obtention de nouveaux crédits de la part de la Banque cantonale neuchâteloise. Quant à la maison Tissot, elle a des facilités d’accès au système bancaire, puisque Edouard Tissot (1864-1939), frère de Charles (1860-1936), est administrateur-délégué de la Banque suisse des chemins de fer à Bâle, établissement appartenant à deux importantes banques bâloises50.
5. Engagement politique et économique
39Acquis à l’innovation technique et à l’industrialisation, les nouveaux industriels se distinguent jusque vers 1900 par leur modernisme dans le domaine politique et social. Leurs lieux essentiels de sociabilité sont la Loge maçonnique et le parti radical. C’est parmi eux que l’on trouve les meneurs de la révolution de 1848 et les promoteurs des grands projets économiques du second XIXe siècle (Banque cantonale de Neuchâtel, Observatoire cantonal, chemin de fer Jura Industriel, Ecole d’horlogerie, développement immobilier), notamment les deux conseillers nationaux radicaux Henri Grandjean (1803-1879) et Charles-Emile Tissot (1830- 1910).
40Après 1900, les industriels s’engagent fortement en faveur de la défense des intérêts économiques de la branche horlogère. Plusieurs siègent à la Chambre suisse d’horlogerie (Fritz Huguenin, Paul Huguenin, Jacques Nardin, Georges Perrenoud), au Conseil d’administration de la Banque cantonale neuchâteloise (Georges Gabus fils, Jacques Nardin), à l’Office de recherches d’industries nouvelles (Jean Gabus), à la direction de l’ASUAG (Georges Perrenoud), au Laboratoire suisse de recherche horlogère (Gaston Nardin), à l’Observatoire cantonal de Neuchâtel (Gaston Nardin), etc. Dans le secteur des assortiments, plusieurs patrons loclois (Georges Perrenoud père, Paul Pierrehumbert, Louis Huguenin, Albert Schumacher) tentent de mettre sur pied un cartel à plusieurs reprises (1894, 1897, 1914), mais sans succès51. Ce fort engagement en faveur de l’industrie horlogère se fait au détriment d’une présence marquée dans les affaires politiques fédérales. En effet, après le retrait de Charles-Emile Tissot du Conseil national (1899), il n’y a plus d’industriel loclois qui siège au parlement suisse.
41En revanche, l’engagement politique est très fort dans les législatifs communaux (Conseil général52) et cantonaux (Grand Conseil53). Les idées politiques évoluent aussi durablement. Si ce nouveau patronat reste radical, il s’éloigne fortement du radicalisme républicain, voire révolutionnaire, de ses prédécesseurs. La crainte de la révolution bolchevique est vive et de nombreux jeunes patrons s’engagent dans le mouvement des gardes civiques en 191854. Sur fond d’émergence des mouvements ouvriers, le radicalisme devient plus conservateur, voire autoritaire.
42L’accession à la fortune correspond ainsi à un à virage à droite de ces élites traditionnellement radicales et favorise un rapprochement avec les anciennes classes dominantes, symbolisé par le mariage entre le fils de Paul-David Nardin, Jacques-André, et la fille de Georges Ducommun, Hélène (1897-1955). Cette alliance permettra à un représentant des vieilles familles d’accéder pour la première fois à la direction d’une grande entreprise industrielle locloise, la maison Doxa (1936).
43Avec tout cela, le patronat s’éloigne du peuple et s’installe dans de belles maisons sur les hauteurs de la ville, d’où il domine symboliquement la cité. Les villas patronales font leur apparition dans les années 1910 (Fritz Huguenin 1909 ; Georges-Favre Jacot 1913 ; Georges Perrenoud 1918) et Georges Ducommun s’installe dans le Château des Monts (1915). On assiste ainsi à une ségrégation sociale de l’espace urbain inexistante jusque-là : en ville, les usines et les habitations d’ouvriers, et sur les hauteurs, les villas patronales. Auparavant, en effet, le patronat horloger habitait en ville, parfois même aux abords de ses ateliers. Plusieurs nouveaux venus du milieu du XIXe siècle dans des maisons du Quartier Neuf construites par Henri Grandjean55. A cet éloignement du peuple ouvrier correspond la naissance du paternalisme et du mécénat tous azimuts qui se développeront pendant l’entre-deux-guerres. Le meilleur exemple est sans doute Georges Favre-Jacot, "doté d’une volonté de pouvoir sans limite, véritable mégalomane […]. Il veut créer un petit empire autour des Billodes : des logements pour ouvriers, construits avec des matériaux sortis de sa carrière et de sa briqueterie, des hôtels, des domaines agricoles pour combler sa passion des chevaux, une voiture de légende et une villa construite sur les hauteurs pour dominer le tout. Il veut régner sans partage sur ses affaires, comme un maître des forges anglais"56.
Conclusion
44L’analyse prosopographique proposée ici permet de mettre en lumière les destinées diverses des élites horlogères locloises. L’industrialisation se révèle comme une véritable rupture pour le patronat horloger traditionnel. Le mode de production de l’établissage s’avère incompatible avec l’adoption d’une production de masse, standardisée et mécanisée, car le travail en fabrique rompt fondamentalement avec une activité horlogère pratiquée jusqu’alors dans le cadre de la famille élargie et entretenant des liens de clientélisme avec de multiples sous-traitants. Pour les anciennes dynasties horlogères, ce passage d’un système technique à un autre correspond à la fin de leur domination sociale et économique. Bien évidemment, ces entreprises ne disparaissent pas totalement mais elles peinent à s’adapter et laissent finalement la place à une nouvelle élite industrielle. Ainsi les entreprises DuBois et Bergeon Frères continuent-elles leurs activités après 1920, grâce à une industrialisation limitée de leur production, mais hors des grands trusts qui se mettent en place dans l’entre-deux-guerres. Leur caractère familial persistera jusqu’au début du XXIe siècle57.
45Les patrons modernisateurs qui réalisent l’industrialisation connaissent une fulgurante ascension sociale et s’imposent comme les nouvelles figures dominantes. En l’espace de quelques décennies (1880-1920), on assiste à l’affirmation d’un nouveau patronat schumpétérien aux origines modestes, sans grande tradition horlogère familiale et très favorable à l’innovation technique. Il faut ici souligner le rôle déterminant qu’à joué la Première Guerre mondiale dans ce processus.
46Ce nouveau patronat a une vision moins familiale et moins locale de la production horlogère. Il ne cherche plus seulement à perpétuer l’excellence technique qui avait fait la réputation du lieu dès la fin du XVIIe siècle, mais aussi à s’intégrer, par une participation active à des multiples organismes régionaux, comme la Chambre suisse d’horlogerie, au district industriel jurassien en profonde restructuration. La nécessité de s’unir à d’autres partenaires industriels afin d’assurer la pérennité de leurs entreprises poussera dans l’Entre-deux-guerres de nombreux industriels à se rapprocher de banques et surtout d’autres partenaires industriels, à l’image de Tissot qui se rapproche d’Omega dans la SSIH (1930) ou des fabricants d’assortiments Huguenin, Perrenoud et Schumacher qui fusionnent avec d’autres industriels de l’Arc jurassien suisse dans la Fabrique d’assortiments réunis (1932)58.
Notes de bas de page
1 Robert Pinot, Paysans et horlogers jurassiens, Genève, Gronauer, 1979 (1e éd. 1887), p. 222.
2 Voir par exemple Raoul Cop, Aube horlogère sur les Montagnes neuchâteloises. Les origines de l’industrialisation dans la région de La Chaux-de-Fonds et du Locle (1666-1750), s.l., 1997, 77 p.
3 Voir par exemple Alfred Chapuis, Grands artisans de la chronométrie. Histoire de l’horlogerie du Locle, Neuchâtel, Editions du Griffon, 1958, 276 p., ou Fritz Jung, Début de l’industrie horlogère au Locle, Annales locloises, 1951, 15 p.
4 La population de la ville passe de 3 211 habitants en 1750 à 8 514 en 1850 (+ 165 %) et 12 559 en 1900 (+ 48 %). Pour comparaison, la population chaux-de-fonnière passe de 2 363 habitants en 1750 à 12 638 en 1850 (+ 435 %) et 35 971 en 1900 (+ 185 %). Sources : Dictionnaire historique de la Suisse, Le Locle et La Chaux-de-Fonds, www.dhs.ch (décembre 2002) et La Chaux-de-Fonds 1944. Documents nouveaux publiés à l’occasion du 150 e anniversaire de l’incendie du 5 mai 1794, La Chaux-de-Fonds, ADC, 1944, p. 73.
5 Un premier projet de statue avait vu le jour dans la seconde moitié des années 1850, sous l’impulsion d’Henri Grandjean mais n’avait pas abouti. Voir Auguste Jaccard, Daniel JeanRichard. Coup d’œil sur l’origine et le développement de l’industrie horlogère dans les montagnes de Neuchâtel et dans le Jura, Le Locle, Société locloise d’imprimerie, 1885, 55 p. Le président des manifestations n’est autre que Charles-Emile Tissot, alors que les frères Huguenin frappent leur première médaille à cette occasion. On remarque aussi Jules Jürgensen parmi les organisateurs. Lors des fêtes, on note la présence du conseiller d’Etat Robert Comtesse et du conseiller fédéral Numa Droz. Sur Daniel JeanRichard, voir Laurence Marti, La grande famille. Pratique, représentations et identité horlogère dans le Jura suisse, Université de Lyon, thèse de doctorat, 1996, pp. 212-240 et Marie-Jeanne Liengme, Le sens de la mesure. L’émergence d’un discours historique centré sur l’industrie horlogère neuchâteloise, Neuchâtel, Institut d’histoire, 1994, 130 p.
6 Les familles retenues dans le cadre de cette recherche sont les suivantes : Barbezat, Bergeon, Buhré, Calame, DuBois, Ducommun, Faure, Favre-Jacot, Gabus, Grandjean-Rossel, Huguenin, Jürgensen, Nardin, Othenin-Girard, Perregaux, Perrenoud, Pierrehumbert, Schumacher et Tissot. Les principales sources utilisées dans le cadre de cet article sont pour l’essentiel les dossiers personnels et de famille, ainsi que les registres d’état-civil, conservés aux Archives de l’Etat de Neuchâtel, la presse professionnelle horlogère (principalement le Journal suisse d’horlogerie) et divers documents conservés aux Archives communales du Locle.
7 Ce contraste entre deux types de patronat est déjà abordé par Jean-Marc Barrelet, "L’essor industriel de 1815 à 1914", in Histoire du pays de Neuchâtel, Hauterive, Attinger, 1993, vol. 3, pp. 136-145.
8 Sur la famille Houriet et alliés, voir Jean-Marc Barrelet, ""De la noce au turbin" : famille et développement de l’horlogerie aux XVIIIe et XIXe siècles", in Musée neuchâtelois, 1994, pp. 213-226.
9 Voir la plaquette commémorative de Gil Baillod, Outils de main, Le Locle, Bergeon & Cie, 1991, 17 p.
10 Sur les Nardin, voir principalement Raymond Nardin, Les chronomètres de marine Ulysse Nardin, La Chaux-de-Fonds, Institut l’homme et le temps, 1994, 158 p., Estelle Fallet, "Ulysse Nardin" et "Paul-David Nardin", in Biographies neuchâteloises, Hauterive, Attinger, 2001, vol. 3, pp. 257-260 et 261-268.
11 Voir Les Jürgensen, Nouvelle revue neuchâteloise, 1996, n° 52 et Fernand Donzé, "Les Jürgensen, horlogers négociants, mécènes, notables loclois", in Biographies neuchâteloises, Hauterive, Attinger, 2001, vol. 3, pp. 219-222.
12 L’ouverture du marché sud-américain aux négociants européens peut être conçue comme la dernière des conquêtes commerciales de type ancien, dans le sens qu’on a affaire à l’intervention de négociants généralistes dans cette filière de commercialisation. Dans la seconde partie du XIXe siècle, les industriels horlogers se lancent seuls à la conquête de nouveaux marchés. Pour l’Amérique du Sud, voir Béatrice Veyrassat, "Présence du Jura horloger au Brésil pendant la première moitié du XIXe siècle", in Musée neuchâtelois, 1986, pp. 89-108.
13 Parmi ses 10 actionnaires fondateurs loclois, on trouve en effet Louis DuBois, Ferdinand Richard, Jules Perrenoud et Jules Jürgensen père. Source : Archives communales du Locle, Acte constitutif de la Banque du Locle, 1864.
14 Philippe-Henri DuBois (1812-1825), Jules-Henri DuBois (1825-1837), Ferdinand Richard (1873-1903) et Louis-Ferdinand DuBois (1904- ?). Philippe Godet, La Caisse d’épargne de Neuchâtel, 1812-1912, Neuchâtel, Attinger Frères, 1912, pp. 315-318.
15 Archives communales du Locle, Rôles d’impôts, vol. 44 et 64. J’ai regroupé ici les personnes par familles.
16 Ferdinand Richard et ses deux sœurs, Julie et Louise, qui ne sont pas encore mariées.
17 Louis et Edouard DuBois, qui habitent dans la même maison.
18 Henri Perrenoud et son fils Jules.
19 Voir Henri Meylan, "Echos loclois de la prise d’armes de 1856", in Musée neuchâtelois, 1956, pp. 169-194.
20 On remarque notamment au poste de président Ferdinand Richard (1871-1876), Charles DuBois-Richard (1879-1881), Auguste Perrenoud-Jürgensen (1882-1914) et Alfred Nardin (1928- ?). Voir Fritz Jung, Centenaire de l’Hôpital du Locle, 1856-1955, Annales locloises, n° XIII, 1957, 18 p.
21 Voir Henri Girard, "Le Jura-Industriel", in Musée neuchâtelois, 1957, pp. 11-44.
22 Cité par Fritz Jung, Le Quartier-Neuf, Annales locloises, 1973, p. 14. Le Quartier Neuf est un projet immobilier de large envergure à la tête duquel on trouve plusieurs fabricants républicains dont Henri Granjean (1803-1879).
23 Jules Frédéric Jürgensen, "L’emploi des machines en horlogerie spécialement dans la fabrication des montres de poche. Leur principal inventeur, M. P.-F. Ingold", in Musée neuchâtelois, 1877, p. 155.
24 Voir par exemple l’article intitulé "Un nouveau préservatif contre l’oxydation", in Journal suisse d’horlogerie, 1885, p. 212.
25 La marque Jürgensen est rachetée par la maison Heuer en 1919.
26 Voir Journal suisse d’horlogerie, n° 11-12, 1935, ainsi que William Wavre e.a., Notice généalogique de la famille Du Boz dit DuBois, Neuchâtel, Attinger, 1910.
27 Cette présence est connue par les procurations citées dans le recensement des minutes de notaires réalisé par Estelle Fallet et Hugues Scheurer. Cet inventaire se trouve à l’Institut l’homme et le temps, à La Chaux-de-Fonds.
28 L’une de ses filles, Maximilienne Alexandrine DuBois (1842- ?) a pour parrain le prince Alexandre de Prusse.
29 Sur la famille Andreae et les banquiers privés allemands, voir Ingo Köhler, "Wirtschaftsbürger und Unternehmer – Zum Heiratsverhalten deutscher Privatbankiers im Übergang zum 20. Jahrhundert", in Dieter Ziegler (dir.), Grossbürger und Unternehmer, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2000, pp. 116-143.
30 Archives communales du Locle, Rôles d’impôts, vol. 44, 54 et 64.
31 2 000 francs de fortune pour Charles Huguenin et 5 000 francs pour son frère William.
32 André Bandelier observe le même phénomène dans le Pays de Montbéliard où les nouveaux capitalistes (Japy, Peugeot, etc.) ne sont pas intégrés aux anciennes classes dominantes. Voir "La bourgeoisie montbéliardaise face aux défis économiques et politiques : Audincourt et Montbéliard, sièges de justice et de paix haut-rhinoises", in Bulletin et mémoires de la Société d’émulation de Montbéliard, 1979, pp. 91-117.
33 Journal suisse d’horlogerie, n° 11-12, 1936.
34 Les brevets ne mesurent pas toute l’innovation technique des entreprises, qui peut se faire dans un cadre plus secret, et ne disent rien de leur utilisation réelle dans l’entreprise (soit le passage de l’invention à l’innovation). De plus, la seule approche quantitative abordée ici occulte la dimension qualitative de ces inventions. Sur cette source, voir la contribution de Béatrice Veyrassat dans ce volume.
35 Jämes Pellaton (1873-1954) : excellent connaisseur des échappements et des tourbillons, il travaille chez Nardin en 1898-1903, puis occupe des postes d’enseignant et de directeur de l’Ecole d’horlogerie du Locle. Il est docteur honoris causa de l’Université de Neuchâtel.
36 Prix Nobel.
37 Robert Berthoud, Répertoire des brevets, s.l., s.d. Ce document se trouve au Musée international d’horlogerie. En Suisse, les premiers dépôts de brevets datent de 1888. Ont été pris en considération ici l’ensemble des brevets déposés par des industriels loclois dans le secteur horloger et microtechnique.
38 In memoriam. Georges Perrenoud, 1885-1952, Le Locle, Imp. Glauser, 1952, 29 p.
39 Voir Urs Rauber, Schweizer Industrie in Russland, Zurich, Hans Rohr, 1985, principalement pp. 74-88.
40 Notamment par des représentants des familles Duval et Fazy. Voir Urs Rauber, Schweizer Industrie..., op. cit., p. 75-77.
41 Musée du Locle, Fonds Chapuis, G 398, Historique de la Maison Paul Buhré, 1944.
42 Musée du Locle, Fonds Chapuis, Lettre de Paul Buhré SA à Alfred Chapuis, 4 septembre 1943. G 398.
43 Voir Jean-Marc Barrelet, "Diplomatie, commerce et ethnographie : le voyage d’Aimé Humbert au Japon, 1862-1864", in Musée neuchâtelois, 1986, pp. 145-166.
44 Voir Zodiac Swiss 1882, Neuchâtel, 1990, 14 p.
45 Ariste Calame père travaille notamment pour les Jürgensen et Favre-Perret.
46 Archives communales du Locle, Rôles d’impôts, 1910 et 1920.
47 Voir Pierre Luciri, "L’industrie suisse à la rescousse des armées alliées. Un épisode de la coopération inter-alliée pendant l’été 1915", in Relations internationales, 1974, pp. 99-114, et Patricia Hostettler, "Fabrications de guerre ou la manne des munitions : le cas de la Fabrique de montres Zénith, 1914-1918", in Musée neuchâtelois, 1991, pp. 111-128.
48 Archives communales du Locle, Rôles d’impôts, 1900 et 1920.
49 Notaire.
50 La Banque suisse des chemins de fer est fondée à Bâle en 1890, dans le but de financer des entreprises actives dans les chemins de fer et l’électricité. Elle appartient à la Banque commerciale de Bâle et à la Société de banques suisses. Voir Serge Paquier, Histoire de l’électricité en Suisse. La dynamique d’un petit pays européen, 1875-1939, Genève, Passé Présent, 1998, vol. 2, pp. 1068-1074.
51 Le regroupement se fera dans le cadre des grands mouvements de trustification des années 1920 et 1930, avec la création de la FAR (1932). Voir Georges Nicolet, Au cours du temps. Nivarox-FAR, 150 ans d’histoire, Le Locle, Nivarox, 2000, 143 p.
52 Albert Huguenin, Fritz Huguenin, Paul Huguenin, Ariste Calame, Albert Schumacher, Henri Rosat.
53 Albert Huguenin, Paul Huguenin, Albert Schumacher.
54 Plusieurs d’entre eux occupent des postes importants dans la garde civique fondée en 1919 : Ariste Calame est membre du comité directeur, alors que Georges Ducommun et Georges Perrenoud sont chacun chef de secteur. Henri Rosat crée la ligue Ordre et Liberté (futur PPN). Archives communales du Locle, Procès-verbaux de la garde civique, 1919 (document non coté et non classé). Sur les gardes civiques, voir Sébastien Guex, "A propos des gardes civiques et de leur financement à l’issue de la Première Guerre mondiale", in Pour une histoire des gens sans histoire : ouvriers, exclues et rebelles en Suisse, 19e-20e siècles, Lausanne, Editions d’En bas, 1995, pp. 255-264.
55 Notamment les frères William et Charles-Louis Huguenin, Paul Girard-Gabus et Jules-F. Gabus.
56 Jean-Marc Barrelet, "Georges (-Emile) Favre-Bulle, horloger, industriel, entrepreneur (1843-1917)", in Biographies neuchâteloises, vol. 3, p. 110.
57 La maison Bergeon & Cie SA est actuellement dirigée par Michel Soldini-Bergeon, petit-fils par alliance de Jules Bergeon (1873-1953), le repreneur de la société Faure. C’est aussi le cas de la famille DuBois et alliés.
58 Outre les fabricants loclois précités, la FAR regroupe à sa fondation des fabricants d’assortiments du Sentier, de Bienne, du Jura bernois et de La Chaux-de-Fonds.
Auteur
Université de Neuchâtel
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