15. Les territoires industriels de l’Alsace et leurs mutations de 1746 à nos jours
p. 295-321
Texte intégral
1Lorsque Michel Hau a entamé sa thèse sur l’industrialisation de l’Alsace, il avait l’ambition d’appliquer les méthodes quantitatives et de trouver dans le traitement des statistiques le secret de la croissance économique alsacienne. On sait qu’il a découvert finalement les qualités de l’entreprise alsacienne, des entrepreneurs et de la main-d’œuvre, et qu’il lui a fallu admettre qu’une « grande partie de la croissance économique de l’Alsace (…) s’explique par des phénomènes qui n’appartiennent pas principalement au domaine des sciences économiques »1.
2Il est vrai que la notion même de territoire a été longtemps oubliée par les économistes, comme si la construction et la compréhension du monde réel n’avait pu passer que par la rationalité comptable du marché, de l’entreprise et de l’action de l’Etat. Mais depuis que le fordisme est apparu comme une impasse dans les pays riches et qu’il a fallu imaginer des stratégies régionales de sortie de crise, le territoire connaît une nouvelle jeunesse, à l’instar des districts industriels de la fin du XIXème siècle décrits par Alfred Marshall2. Un territoire est une portion d’espace qui s’organise selon des règles spécifiques (culturelles, juridiques, politiques, symboliques…) tout en étant confronté aux dynamiques venues de l’extérieur. Dans le cas de l’industrie, les externalités, sortes de génie du lieu, accroissent la compétitivité régionale. La capacité des acteurs à se fédérer, à partager les apprentissages, à innover et à intégrer tout ce qui vient d’ailleurs devient une clé de la compréhension du phénomène industriel.
3Ceci appelle plusieurs commentaires par rapport au cas de figure de l’Alsace. Premièrement, cette région apparaît morcelée en plusieurs systèmes d’organisation, dans le passé comme aujourd’hui. « L’atmosphère industrielle », chère à Marshall, n’y est pas homogène alors que, dans les représentations, l’Alsace est pensée comme un bloc. Deuxièmement, l’Alsace a été prise dans la tourmente des changements de nationalité (comme le département de la Moselle qui a partagé son destin). Ce facteur a peut-être surdéterminé toutes les évolutions, en précipitant les industriels dans une histoire qu’ils ne pouvaient maîtriser. Troisièmement, l’industrie alsacienne connaît une mutation brutale depuis la fin des années 1990 avec la disparition de nombreuses activités faisant appel à une main-d’œuvre peu qualifiée. Si l’on accepte l’idée d’une mémoire du fonctionnement des territoires3, la caractérisation des industries alsaciennes à l’échelle historique peut-elle donner des pistes pour leur renouveau ?
4L’activité industrielle constitue un bel imbroglio. Instables et éphémères, les activités, la structure financière et la propriété des entreprises, l’origine des investisseurs ne cessent de changer. Mais en même temps, certains territoires vont de mue en mue et restent durablement marqués par le fait industriel, parfois même s’accrochent à leur passé : ainsi, l’Alsace reste la première région française pour les brasseries. L’ambition de cette communication est de donner un sens à cette évolution, de montrer que les territoires de l’industrie alsacienne, confrontés à des chocs venus de l’extérieur, n’ont cessé de se recomposer en empruntant des voies spécifiques.
5On partira d’une lecture purement culturelle de l’industrialisation de l’Alsace depuis 1746, date de fondation de la première manufacture d’indiennes à Mulhouse, jusqu’au milieu du XIXème siècle. Il s’agit de distinguer plusieurs modalités d’industrialisation en fonction des clivages culturels, notamment confessionnels, qui partagent la population alsacienne, et de faire apparaître l’organisation territoriale qui en résulte. Puis on verra la longue période de résistance à travers les épreuves infligées par les guerres et les changements de nationalité. Enfin, l’après-guerre se caractérise par la reconversion qui, dans un premier temps, fait de l’Alsace une région réceptacle, avant de déboucher plus récemment sur une réflexion allant vers la recherche de la cohésion régionale et transfrontalière.
I. Une lecture culturelle de l’industrialisation (1746-1850)
6Un clivage fondamental peut servir de grille d’analyse : l’industrialisation se présente comme un processus collectif, engageant une communauté, ou au contraire comme le résultat d’initiatives individuelles4.
1. Les processus collectifs d’industrialisation en Alsace
7Ce sont incontestablement les communautés protestantes qui ont manifesté à la fois la cohésion nécessaire et le plus grand dynamisme à l’ère de l’industrialisation, mais il faut distinguer entre réformés et luthériens.
a) Le modèle réformé de révolution industrielle
8À Mulhouse, à Sainte-Marie-aux-Mines et à Bischwiller, les trois villes réformées d’Alsace, on observe à chaque fois un mouvement collectif d’industrialisation fondé sur l’exploitation d’un produit nouveau réclamé par le marché : à Mulhouse, les indiennes à partir de 1746, à Bischwiller, le drap noir pour les troupes sous l’Empire, à Sainte-Marie, les guinghams, tissus de haute nouveauté, sous la Restauration. C’est le point de départ d’une révolution industrielle dont la portée est toutefois inégale entre les trois sites : l’initiative mulhousienne est la plus féconde, non seulement à cause de l’ampleur du marché des indiennes, mais aussi par ses effets induits, provoquant la naissance d’un cycle complet du travail du coton, depuis le filage jusqu’aux apprêts, puis le développement de la chimie, des constructions mécaniques et de toute une série de diversifications (laine, papiers peints, construction de machines à vapeur et de locomotives).
9La diffusion territoriale est proportionnelle à l’ampleur du mouvement : la filière mulhousienne investit largement les vallées vosgiennes et le piémont jusqu’à Colmar et Ribeauvillé tandis que la fabrique de Sainte-Marie se contente d’une aire de tissage à domicile dans les villages pauvres du ried5 rhénan et que Bischwiller se suffit à elle-même.
10Il faut noter encore que les bourgeoisies réformées ont volontiers accueilli les entrepreneurs juifs comme les Paraf, Lantz et Dreyfus à Mulhouse ou les Blin à Bischwiller.
b) Le modèle luthérien de petite industrie
11L’industrialisation des bourgs luthériens, comme Barr, Wasselonne, Pfaffenhoffen, etc., mais aussi d’une ville comme Strasbourg, se fait par accumulation au fil du temps de petites entreprises dans des activités traditionnelles (meunerie, brasserie, tannerie, tuilerie-briqueterie, teinturerie, etc.), auxquelles s’ajoute au cours de la première moitié du XIXème siècle la fabrique dispersée dans les campagnes environnantes (bonneterie, chaussons et chaussures, chapeaux de paille, filets de cheveux). A la différence de leurs homologues réformées, les (petites) bourgeoisies luthériennes sont, en Alsace, industrieuses, mais routinières, incapables d’innovation collective et donc de révolution industrielle6.
c) Absence de modèle catholique
12Ces deux premières composantes forment un tissu industriel très « weberien », d’autant que les villes catholiques, notamment dans le Bas-Rhin, sont notoirement sous-industrialisées : l’opposition entre Haguenau et Bischwiller, villes proches de quelques kilomètres, était déjà au XIXème siècle un cas d’école dont les contemporains avaient parfaitement conscience7. Seule Sélestat, capitale de la toile métallique, fait à cet égard exception tout en se distinguant du modèle réformé : l’initiative est en effet venue de l’extérieur, d’entrepreneurs qui ont introduit une technologie de Nuremberg et ont su valoriser le savoir-faire des cribliers et tamiseurs locaux. La spécialité locale s’est ensuite développée par addition d’individualités plus que par mouvement collectif8.
d) Le modèle managérial strasbourgeois
13Le modèle managérial strasbourgeois offre à l’inverse un troisième exemple d’industrialisation collective : distincte du milieu luthérien de la petite industrie, des tanneurs ou des brasseurs, la haute bourgeoisie locale, née du négoce, cosmopolite et multiconfessionnelle, dont les Humann, Bussierre, Saglio, Turckheim, Ratisbonne sont les figures de proue, opte pour une stratégie financière très innovante, le placement de capitaux dans des sociétés anonymes, industrielles ou non, dont la direction est confiée à des managers salariés. Contrairement à l’idée reçue, née de la comparaison avec Mulhouse, cette bourgeoisie de Strasbourg ne se désintéresse pas de l’industrie, mais elle la met à distance, inventant dans cette première moitié du XIXème siècle le modèle métropolitain du contrôle financier. C’est évidemment très différent de l’identification entre famille et entreprise qui caractérise le modèle mulhousien.
14Ainsi, à chaque milieu, caractérisé par son identité sociale et culturelle, correspond un mode d’industrialisation. Il en résulte une carte industrielle, muette sur les activités et les branches, mais qui renseigne sur la diversité des modalités d’industrialisation (carte n° 1).
2. Contributions individuelles à l’industrialisation de l’Alsace
15L’initiative individuelle ne doit évidemment pas être exclue de cette lecture culturelle de l’industrialisation. Souvent, elle est même antérieure aux processus qui viennent d’être décrits : c’est à la fin du XVIIème siècle que les Dietrich au nord et les Anthès au sud s’établirent comme maîtres de forges, c’est en 1756 que Joseph Jérôme Bian créa à Sierentz le premier tissage de coton d’Alsace, mais il n’y eut pas d’effet d’entraînement comparable à celui qui suivit la fondation à Mulhouse de la première manufacture d’indiennes. Deux catégories d’entrepreneurs se distinguent fortement.
a) Les entrepreneurs catholiques (carte n° 2)
16Les catholiques ne sont nullement disqualifiés dans le mouvement d’industrialisation de l’Alsace, mais ils interviennent en solo. C’est probablement l’origine d’une relative discrétion qui les a condamnés, plus que d’autres, aux oubliettes de l’histoire… Ne pouvant compter, comme les protestants ou les Strasbourgeois, sur la qualité d’un réseau, ils misent sur leurs compétences techniques : ils forment un patronat d’ingénieurs, voire de contremaîtres, et savent au besoin prendre de gros risques financiers pour s’établir.
b) Les immigrants (carte n° 3)
17Principalement suisses ou allemands, ils réalisent une greffe industrielle en s’implantant dans un site favorable par ses ressources locales, sa main-d’œuvre ou son passé industriel pour introduire une nouvelle industrie ou une nouvelle technologie.
c) Deux types d’insertion sur le territoire
18- Soit ces entrepreneurs nourrissent, en le complétant et en le nuançant pour les catholiques, le tissu industriel « weberien » et s’implantent dans les territoires les plus dynamiques, c’est-à-dire presque exclusivement dans l’aire d’influence mulhousienne qui exerce une forte attractivité.
19- Soit ils s’en distinguent par la géographie et par les activités, comme la métallurgie, et se singularisent de façon plus marquée.
20Mais dans l’un et l’autre cas, se forment des territoires d’entreprise dans lesquels s’exerce une influence directe par la dispersion des usines, l’embauche de la main-d’œuvre et une politique paternaliste patronale et édilitaire, bref un investissement du territoire par l’entreprise : Gros-Roman à Wesserling, Nicolas Kœchlin à Masevaux, Isaac Kœchlin à Willer, Schlumberger-Bourcart à Guebwiller, Boigeol, les fabricants de rubans de soie d’origine suisse à Guebwiller-Soultz, relèvent du premier cas ; De Dietrich, Coulaux, Viellard, Japy, Steinheil-Dieterlen, etc., du deuxième.
21En rassemblant ces observations, on aboutit à une typologie des territoires industriels (carte n° 4) qui fait ressortir quatre composantes principales (on abandonne ici toute référence religieuse ou culturelle pour s’en tenir à la morphologie de l’industrialisation en liaison avec le territoire) :
Des territoires d’industrialisation collective identifiés par un produit innovant, voire une filière industrielle, avec en tout cas une spécialisation très marquée : Mulhouse, Sainte-Marie-aux-Mines, Bischwiller, Sélestat, enclave de la soie à Guebwiller-Soultz.
Des territoires de petite industrie traditionnelle sans spécialisation : Strasbourg, Barr, Wasselonne, Sarre-Union, Pfaffenhoffen-Dettwiller.
Des territoires d’entreprise sous le contrôle d’une famille ou d’un petit groupe d’entrepreneurs liés entre eux, les uns isolés géographiquement, les autres inclus dans l’aire mulhousienne.
Le territoire réticulaire strasbourgeois formé d’implantations discontinues.
22Dans tous ces cas, on trouve des logiques territoriales fondées sur la confiance entre des acteurs qui partagent des valeurs essentielles et la même culture industrielle. Mais ils se distinguent par leur aptitude plus ou moins grande à l’innovation. Mulhouse de ce point de vue se détache nettement, y compris de ses homologues réformés. En effet, Sainte-Marie est décrite par Claude Fohlen sous le Second Empire comme « un monde à part qui ne participe pas au progrès général de l’industrie de l’Est »9 et Bischwiller reste fidèle à une structure de PME, de « fabrique démocratique », très éloignée des standards capitalistes. Mulhouse a fonctionné comme un district industriel capable d’innover, ou de capter les innovations, et de diffuser son savoir-faire, capable également d’intégrer de nouveaux acteurs qui rejoignent le groupe. Ailleurs au contraire, les formes d’organisation territoriales, mis à part le cas strasbourgeois, paraissent plus datées, même si elles ne sont pas dépourvues de dynamiques internes.
II. Une organisation territoriale globalement résistante (1850-1950)
23Dès le Second Empire, cette organisation territoriale est remise en cause : aux évolutions économiques générales s’ajoutent en Alsace les coups de boutoir des guerres franco-allemandes, les modifications des règles douanières, des conditions de la concurrence et des marchés. Mais, bien qu’on puisse discuter sans fin sur un vase à moitié vide ou plein, ce qui frappe, c’est la résistance du tissu industriel hérité du passé, ce sont les permanences.
1. Concentration dans la petite industrie
24Historiquement, c’est la petite industrie, correspondant au modèle luthérien, qui est remise en cause la première par la concentration : à Strasbourg, par exemple, les brasseries intra muros passent de 71 en 1851 à 6 en 1893 (cf. figure n° 1). Mais si les brasseurs disparaissent par dizaines, la brasserie strasbourgeoise connaît un développement remarquable en s’industrialisant. Le même phénomène s’observe pour la tannerie et la meunerie si bien que Strasbourg, dont la gamme de production est complétée par le développement d’industries connexes (chocolateries, conserveries), devient à l’époque allemande un important centre de production agro-alimentaire. Sans que ce soit une règle absolue, on constate souvent que l’innovation n’est pas endogène, mais est importée de l’extérieur et bouscule les routines locales : ainsi la technologie brassicole de la fermentation basse ou le tannage rapide aux sels de chrome viennent d’outre-Rhin. Il faut néanmoins noter que cette industrie moderne se développe sur un terreau préexistant riche en savoir-faire et en expériences.
25Dans les centres ruraux, des évolutions semblables se produisent et concernent notamment la fabrique dispersée : la fabrication des chaussons, des chapeaux de paille, des chaussures, la bonneterie rentrent très progressivement à l’intérieur des murs de l’usine si bien qu’il n’y a pas de désindustrialisation des bourgs industrieux luthériens et ceci, à travers des reconversions successives, jusqu’à nos jours. Il est remarquable de constater que l’industrie de la chaussure, née de la prolifération des tanneurs et des cordonniers dans le pays de Hanau10, a été revivifiée dans les années 1970 par l’implantation d’Adidas et est encore représentée de façon résiduelle, au début du XXIème siècle, par quelques fabricants11.
2. Résistance aux conflits
26C’est incontestablement la guerre de 1870 qui a eu les effets les plus radicaux sur l’organisation territoriale de l’industrie alsacienne : séparation de ce qui deviendra le Territoire de Belfort, exode massif des fabricants de Bischwiller et ruine inexorable de la draperie locale, essaimage de l’industrie mulhousienne dans les Vosges et à Belfort, départ de nombreux jeunes soucieux d’éviter le service militaire allemand, perte de capital financier et humain, etc.
27Les deux guerres mondiales ajoutent encore d’importantes destructions de capital financier et humain, des reconversions industrielles forcées, des expulsions d’entrepreneurs, des transferts de main-d’œuvre. Les années trente sont en outre particulièrement difficiles : à la crise économique, s’ajoute la transformation de l’Alsace en glacis frontalier face à l’Allemagne nazie, entraînant l’arrêt des investissements.
28Les effets négatifs de ces coups de boutoirs sont restés longtemps peu visibles dans le paysage industriel régional, ce qui ne veut pas dire qu’ils ne sont pas réels comme le montrera l’avenir, ni qu’ils n’ont pas d’une certaine façon retardé les évolutions (dispositions commerciales transitoires, dommages de guerre, repli sur le marché colonial). Mais malgré ces épreuves, l’Alsace conserve ses entreprises emblématiques, ses dynasties bourgeoises et de réelles capacités d’innovation. La carte de 1850 n’est pas fondamentalement transformée : certes, les légendes sont à retoucher, les références confessionnelles ont perdu de leur signification, quelques noms sont à rayer, mais l’héritage est globalement conservé, voire parfois nettement enrichi par des activités nouvelles, comme dans le Bassin potassique ou à Strasbourg12.
III. La grande mutation des cinquante dernières années
29Cinquante ans plus tard, le paysage est totalement bouleversé13 : le tissu industriel hérité du passé a en grande partie disparu ne laissant plus que de rares vestiges. Les effectifs du textile ont été divisés par dix, cette activité a totalement disparu de Sainte-Marie-aux-Mines et n’existe plus qu’à l’état de traces dans la région mulhousienne : la fermeture en octobre 2004 de la dernière filature d’Alsace à Issenheim clôture ainsi un cycle démarré en 1801 à Wesserling par la mécanisation de la filature, donc par le démarrage de l’industrie moderne en Alsace. De nombreuses autres entreprises centenaires, voire bicentenaires, ont purement et simplement fermé leurs portes. La bourgeoisie réformée a totalement disparu, en tant que telle, des milieux d’affaires et de ses organes dirigeants. Beaucoup d’entreprises enfin (constructions mécaniques, chimie, brasserie) sont passés sous contrôle de capitaux étrangers.
30Mais, miracle, malgré, ou plutôt à cause de ce coup de balai sur le passé, l’industrie alsacienne existe, l’Alsace n’a pas connu de désindustrialisation. Mieux, la part de l’emploi industriel est plus élevée que dans la plupart des autres régions (25,2 % des actifs, soit 7 points de plus que la moyenne nationale) et il a mieux résisté qu’ailleurs : dans les années 1990, le nombre de salariés de l’industrie n’a diminué que de 0,7 % par an contre 1,8 % en moyenne française, le chômage est moindre, les exportations plus fortes, le PIB par habitant plus élevé14.
1. Une région réceptacle
31Cette performance n’a été possible que parce que l’Alsace est devenue entre-temps une région réceptacle, pouvant être définie par l’implantation d’activités venues d’ailleurs. À l’origine de ce processus, on observe un contexte nouveau et une prise de conscience des élites alsaciennes :
Contexte nouveau ? De glacis face à l’ennemi, l’Alsace passe dans les années 1950 au « centre de l’Europe » et devient une « plaque tournante ». La multinationalisation croissante des firmes, l’ouverture des frontières voulue par le GATT et la construction européenne bouleversent le contexte antérieur fondé sur le marché national et l’Empire colonial.
Prise de conscience ? Elle se manifeste par la création précoce des agences de développement : en 1950 dans le Bas-Rhin (devenue ADIRA en 1968), en 1953 dans le Haut-Rhin (CAHR). Alors que la plupart des autres régions françaises ont longtemps compté sur les visions stratégiques de leurs seules instances consulaires, le mode de gouvernance s’appuie en Alsace sur une démarche collective où les représentants patronaux et syndicaux, tout comme les élus et les experts, cherchent à établir des choix consensuels.
Résultat ? Deux vagues s’identifient avec force s’inscrivant dans des logiques territoriales différentes puisque l’une correspond à la politique de décentralisation, à la charnière des années 1950- 1960, l’autre à l’implantation de firmes multinationales, à partir de 195815.
321) Dans les années 1950, l’objectif central, autour duquel se retrouvent l’Etat et les élites régionales, est de créer une « Ruhr alsacienne » le long du Rhin, fondée sur le transport fluvial de pondéreux, l’industrie lourde et l’énergie électrique. En même temps que se termine l’équipement hydroélectrique du Rhin (jusqu’en 1977), de grands établissements de production sont « parachutés » non loin du Rhin : raffineries de pétrole (Reichstett et Herrlisheim au nord de Strasbourg), zones industrialo-portuaires (Strasbourg, Marckolsheim, Ottmarsheim), chimie lourde (Rhône-Poulenc à Chalampé en 1958), fonderie d’aluminium (Péchiney à Biesheim en 1961), automobile (Peugeot à Mulhouse en 1962), centrale nucléaire de Fessenheim (1977). Cette dynamique s’essouffle rapidement du fait de la littoralisation de l’industrie lourde à partir des années 1960 et de la politique de rééquilibrage du territoire national au profit de l’Ouest, l’Alsace passant alors pour une région « nantie ».
332) En même temps, l’Alsace bénéficie d’investissements étrangers, de proximité (Suisse, Allemagne) et, fait nouveau, plus lointains, américains (Mars à Haguenau en 1958, Timken à Colmar en 1959, General Motors à Strasbourg en 1968). Après une pause de 1973 au milieu des années 1980, ils reprennent nettement, se diversifient géographiquement pour placer l’Alsace en tête des régions réceptrices : les investissements directs étrangers (IDE) y atteignent 287 % de la moyenne française en 1992-1998, alors que les investissements nationaux s’établissent à 123 % de cette moyenne (5e rang français)16.
34La carte des implantations industrielles étrangères en Alsace de 1982 à 2002 (carte n° 5)17 révèle une répartition territoriale de ces investissements : les entreprises allemandes et suisses privilégient nettement le nord et le sud de la région qui sont respectivement dans l’aire d’influence de Karlsruhe et de Bâle alors que les investissements américains choisissent la métropole régionale, Strasbourg, où ils renforcent une présence ancienne marquée également par les échanges universitaires. Quant aux Japonais, leur présence en Alsace centrale s’explique d’une part par l’action déterminante d’André Klein, directeur du CAHR, puis de l’ADA basée à Colmar, mais aussi par l’engouement des Japonais pour le vignoble : Sony a d’ailleurs acheté un vignoble, son usine de Bergheim, avec une façade qui utilise le grès vosgien, joue sur les citations paysagères et sa main-d’œuvre a probablement les qualités reconnues habituellement aux Alsaciens, augmentée des disciplines acquises dans le travail de la vigne.
35Deux observations permettent toutefois de nuancer la notion de région réceptacle :
Il ne faut pas sous-estimer la capacité de renouvellement du capitalisme régional. Il y a certes solution de continuité avec le passé, à de rares exceptions près (De Dietrich, Nicolas Schlumberger & Cie), mais certaines trajectoires d’entreprise fondées au XXème siècle n’en sont pas moins remarquables. À l’origine, on trouve souvent la rencontre entre un homme, l’idée d’un produit nouveau et la demande du marché ; à l’arrivée, des petites multinationales alsaciennes, au siège souvent très rural, qui ont réussi à internationaliser leur production et leur marché (Sopréma, Socomec, Lohr, Sotralentz, Bubbendorf, etc.)18.
Il ne faut pas non plus surestimer « l’étrangeté » du capital : les entreprises passées sous le contrôle de capitaux étrangers ne perdent pas leur ancrage régional19 ; avec le temps, celles qui sont d’origine étrangère se fondent dans le paysage économique régional, leurs dirigeants se régionalisent20 et fréquentent les mêmes cercles que les entrepreneurs locaux.
36À partir des années 1950, l’ouverture fut un bon choix économique, alors dans l’air du temps. Elle a permis la rationalisation des structures et l’introduction du fordisme, mais elle a été culturellement destructrice et elle a renforcé le cliché de l’Alsacien « laborieux et docile21 », enfermant trop souvent la région dans la production au détriment des activités à forte valeur ajoutée. Les difficultés de l’industrie pour les années 1980-1990 ont été recensées dans Les économies industrielles de la France de l’Est22 : manque de taille critique dans les formations technologiques supérieures, faiblesse de la recherche industrielle dans les entreprises, insuffisance de l’intégration dans les grands programmes technologiques nationaux et déconnexion des PMI dynamiques face à la recherche. Les établissements industriels sont juxtaposés ; pris dans les organigrammes des grandes firmes, ils entretiennent des relations lointaines qui expliquent les bonnes performances de l’Alsace à l’exportation ; la notion de district marshallien est niée.
37Aujourd’hui, le chômage tend à rattraper le niveau national, d’autant plus que les licenciements se sont également multipliés pour les travailleurs frontaliers dans les usines d’Allemagne et de Suisse. Le modèle de la région réceptacle est à bout de souffle, notamment parce que l’industrie manufacturière n’a plus guère de place dans « l’économie de la connaissance et la société de l’information » proposée par Bruxelles. Le déclin de l’industrie, dont on connaît la capacité à structurer les espaces, pourrait conduire à la balkanisation de l’Alsace en micro-territoires repliés sur eux-mêmes conformément au schéma des « cellules de cohésion » dont Roland Schwab avait souligné la persistance dans les années 196023.
2. Vers une nouvelle territorialisation
38Depuis la fin des années 1990, les activités produisant une faible valeur ajoutée subissent des délocalisations à deux échelles géographiques. D’une part, à l’intérieur de l’Europe, les entreprises de la « Dorsale » qui avaient volontiers investi en Alsace et en Lorraine, se tournent maintenant vers les anciens pays de l’Est, bien plus favorables pour la production manufacturière par leurs coûts comparatifs. Quant aux groupes pilotés depuis des métropoles extérieures dont l’horizon est planétaire, ils regardent volontiers vers les pays émergents d’Extrême-Orient qui deviennent ainsi de redoutables concurrents pour l’Alsace. Toutefois, celle-ci profite aussi de la mondialisation, y compris dans l’industrie manufacturière. Ainsi, le trafic conteneurs du port d’Ottmarsheim connaît un boom sans précédent, avec une croissance de 38 % en 2004. Le groupe PSA en est le principal chargeur, exportant de plus en plus de collections prêtes à l’assemblage vers ses usines des pays émergents en Iran, Argentine et Brésil en particulier.
39Cette mutation interpelle la gouvernance régionale. La région Alsace s’intéresse depuis les années 1990 à la promotion des hautes technologies, perçue comme une stratégie de sortie de crise. Si le réseau social fait l’industrie, alors deux structures émergentes jouent un rôle central : le réseau BioValley (1996) et le Pôle Automobile (2002). Dépourvus de tout lien entre eux, ils présentent néanmoins des caractéristiques communes :
Ils sont apparus en tant qu’institutions associatives, liant des activités préexistantes avec le but de faire émerger de nouvelles entreprises, d’atteindre des tailles critiques et de développer des technologies.
Ils ne sont pas spécifiquement alsaciens, mais s’inscrivent dans des régions transfrontalières, Rhin supérieur pour l’un, Franche-Comté pour l’autre.
Ils sont contraints de trouver de nombreuses compétences à l’extérieur de leur territoire de référence.
a) Biovalley (carte n° 6)
40Dans le secteur de la pharmacie et des biotechnologies, la revue Chimia24 recense l’intensité des possibilités partenariales qu’offre le Rhin supérieur avec 15 000 scientifiques en sciences de la vie, plus de 400 groupes de recherche, 160 « institutions académiques ou publiques » dont 12 universités, instituts ou écoles d’enseignement supérieur, des usines « bigpharma » appartenant à Elli Lilly, Sanofi-Synthélabo, DSM-Nutritional Products, Johnson and Johnson, Dow, DuPont, Pfizer, Syngenta.... Les quartiers généraux et les principaux pôles de recherche et de R & D de Novartis et de Roche se trouvent à Bâle. Entre 1997 et 2002, 150 entreprises du secteur ont été fondées, créant 1 950 emplois nouveaux.
41Chacune des grandes agglomérations du Rhin supérieur détient un profil relativement particulier, ce qui nourrit le jeu des complémentarités :
Les Bâlois sont largement à l’initiative du réseau apparu en 1996, lorsque la firme Novartis a été créée. Fait remarquable, ils ont alors préféré le Rhin supérieur aux synergies nationales suisses qui auraient été possibles avec le pôle romand de Genève-Lausanne ou celui de Zurich.
L’agglomération de Strasbourg se signale par la puissance de sa recherche publique, notamment avec l’Université Louis Pasteur, le CNRS, l’INSERM… Son école supérieure des biotechnologies est installée sur le Parc d’innovation d’Illkirch. La Communauté Urbaine de Strasbourg (CUS) dénombre ainsi, en 2002, 30 500 actifs en « chimie-pharmacie » avec 43 établissements. Strasbourg, enfin, est reconnu comme pôle fédérateur du Grand-Est dans l’actuelle organisation du CNRS et s’intègre à « Alsace-Lorraine Génopôle » associant laboratoires privés et autres.
Fribourg-en-Brisgau fonde sa promotion sur les énergies renouvelables (« Solarstadt Freiburg »). Son développement universitaire, quoique généraliste, et celui de son hôpital réputé en neurologie, hépatologie, médecine du sport, ont conduit à renforcer la ville dans le champ de la santé et de la biologie (génomique, cancérologie, immunologie). En outre, l’Institut Fraunhofer met Fribourg en position de pointe en ce qui concerne les systèmes d’analyses et de mesures biomédicales. Et la Biomed Foundation Freiburg (1966) créée par l’université, la CCI et le patronat, étoffe cette « biorégion » d’un Biotechnopark installé dans le « Innovation Center Freiburg ».
Colmar apporte à BioValley les activités de l’INRA régionale
(100 chercheurs), la formation d’un département de son IUT spécialisé en biologie appliquée et environnement. Le Centre-Alsace complète sa participation au plan industriel par la présence de Alcon-Nestlé (ophtalmologie) et au plan scientifique médical par l’insertion de Rouffach (établissement spécialisé) au sein du réseau neurosciences (le quart des neurosciences françaises est en Alsace).À l’inverse, Mulhouse n’a pas orienté sa chimie vers la pharmacie et la biologie, privilégiant celle qui était liée au textile, ou la chimie de base. Toutefois, on observe un réinvestissement récent : une association de lutte contre le cancer à l’Hôpital (1983) et un institut de recherche en hématologie (2003). D’autre part, une société, aidée par l’ANVAR, vient de se lancer dans la production d’un antidépresseur (Neuro3D en 2004). Notons aussi l’orientation mulhousienne sur les questions d’environnement et son implication dans l’instrumentation électronique.
b) Le Pôle automobile (carte n° 7)
42À Sochaux et à Mulhouse, les deux usines géantes Peugeot-Citroën et les établissements de leurs fournisseurs apparaissent comme une périphérie de l’univers de la firme PSA25. Celle-ci concentre ses fonctions stratégiques de direction et de R & D en Ile-de-France. Elle dispose de centres de production dans la région parisienne, dans le Nord-Pas-de-Calais, en Bretagne, en Espagne, en République Tchèque, en Slovaquie, en Chine, au Brésil, en Iran…, en Alsace et en Franche-Comté. PSA se définit comme un assemblier qui confie des tâches de plus en plus nombreuses et complexes à ses fournisseurs. Ceux-ci doivent intégrer de nouvelles technologies, travailler pour plusieurs donneurs d’ordres et livrer des modules assemblés en flux tendus. Traditionnellement, aussi bien dans le Nord-Franche-Comté que dans le Sud-Alsace, ces fournisseurs manquent de compétences et de taille critique26. Pour échapper à une croissance de type « usine-tournevis », il a donc fallu innover du point de vue institutionnel. Un mouvement d’ampleur s’est développé en deux phases de part et d’autre de la ligne de séparation Mer du Nord/Méditerranée.
43Dans un premier temps, en 1993, le réseau de villes Rhin-Sud a associé Colmar, Mulhouse, Saint-Louis, Belfort, Montbéliard et Héricourt. En 1998, ce réseau a engendré la création d’ASTRID, une association dédiée à l’amélioration de la performance des entreprises. La région Rhin-Sud a commencé à se structurer autour d’une problématique, à savoir devenir une plate-forme industrielle compétitive. Il a fallu dresser un état des lieux, favoriser les transferts de technologie et promouvoir la recherche (comme la pile à combustible au L2ES à Belfort et le MIPS – modélisation, intelligence, processus, systèmes – à Mulhouse). Le constructeur a accompagné le mouvement, notamment avec la création de Perfo-Est, une association basée à Sochaux et pilotée par de jeunes retraités de PSA, dont l’action consiste à dynamiser le monde des fournisseurs régionaux.
44Dans un second temps, il est apparu que beaucoup de fournisseurs livraient depuis l’ensemble de la Franche-Comté et de l’Alsace, un espace plus vaste que Rhin-Sud. En 2000, les chambres de commerce et d’industrie du Sud-Alsace, du Doubs et du Territoire de Belfort, en partenariat avec les collectivités, ont franchi le pas avec la création du Pôle automobile commun aux deux régions. ASTRID entend explicitement entrer dans une logique de cluster27. En 2004, une nouvelle étape est venue confirmer l’état de la réflexion menée par les acteurs régionaux. Les deux présidents de région ont signifié leur coopération pour l’obtention du label national « Pôle de compétitivité ». Les deux usines PSA constituent le lien qui légitime cette tentative de rapprochement entre la Franche-Comté et l’Alsace, deux régions qui se tournent généralement le dos, plus séparées qu’unies par la trouée de Belfort. Les enjeux apparaissent considérables. Un cluster ne dépend plus des décisions prises par un centre extérieur mais constitue un territoire localisé apte à se mouvoir dans la mondialisation. Il développe des compétences liées aux services davantage qu’à la production.
45Mais il reste un obstacle important à surmonter. Les clusters se caractérisent par une culture et par des valeurs communes qui favorisent les apprentissages. Or, les entreprises du Sud-Alsace et du Nord-Franche-Comté affirment leurs différences28. Cette frontière culturelle peut être interprétée de manière contradictoire : soit elle reste une source d’incompréhension ; soit les deux cultures se fécondent mutuellement et favorisent l’innovation de part et d’autre de l’axe. L’encastrement peut s’accentuer au-delà de Rhin-Sud : en allant vers le nord à partir de Colmar, les entreprises sont davantage multinationales, fortes en capacité de R & D et tournées vers des clients multiples ; vers le sud de la Franche-Comté, les entreprises sont petites, organisées en réseau et travaillent essentiellement pour PSA.
Conclusion
46Somme toute, comment le temps et l’espace ont-ils été utilisés par l’industrie en Alsace ?
471) Deux phases peuvent être dégagées :
Une phase de croissance principalement endogène depuis le XVIIIème siècle jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale, vive jusqu’en 1870, alanguie ensuite.
Une phase exogène de l’après-guerre à la fin du XXème siècle, tirée par la décentralisation, puis par les firmes multinationales, pendant que l’industrie endogène s’effaçait ou s’intégrait dans ce nouveau capitalisme.
482) L’Alsace a vu, voit et verra coexister des systèmes différents. Elle rassemble plusieurs régions industrielles dont les contours ne correspondent pas à son périmètre institutionnel. Dans ce contexte, la permanence des petites régions internes, voire des micro-territoires, parfois apparus dès le XVIIIème siècle, est remarquable. Les pôles observables sur la carte de l’an 2000 (carte n° 8) ne diffèrent pas beaucoup de la carte n° 1, à l’exception de la bande rhénane entrée dans le jeu plus tardivement. Les régions industrielles alsaciennes fonctionnent comme des conservatoires où les activités anciennes s’obstinent, jusqu’à décrocher brutalement. Mais en même temps, le renouvellement est permanent. La dimension internationale a été acquise grâce à des capitaux et des réseaux d’entreprises mondialisées.
493) A l’orée du XXIème siècle, une nouvelle phase s’amorce avec les pôles de compétitivité. Il s’agit de se repositionner dans l’économie de la connaissance au détriment de la production manufacturière, qui s’estompe au profit des fonctions amont (R & D) et aval (marketing et commercialisation). Quelque peu grisés par leurs succès antérieurs, les acteurs régionaux ont tardé à engager une nouvelle gouvernance. Ainsi, l’Alsace n’est pas présente dans les réseaux de transferts de technologie soutenus par l’Union européenne29 et il a fallu attendre 2004 pour que la proposition nationale des pôles de compétitivité fasse entrer la notion de cluster dans le champ de la réflexion.
Notes de bas de page
1 M. HAU, L’industrialisation de l’Alsace (1803-1939), Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1987, p. 436-437. Depuis, les économistes et géographes travaillant sur l’Alsace ont largement fait appel aux facteurs culturels pour la compréhension du phénomène industriel ; cf. H. NONN et J.-A. HERAUD (dir.), Les économies industrielles en France de l’Est, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 1995 ; RITMA, Regards croisés sur les territoires de marge(s), Strasbourg, Maison des Sciences de l’Homme, Presses Universitaires de Strasbourg, 2001.
2 A. MARSHALL, Principles of economics, Londres, Macmillan, 1890. Traduction française : Principes d’économie politique, 2 tomes, Gramma, 1971.
3 C. ROLLAND-MAY, « Périphéries, bordures, marges territoriales : sous les mots, les concepts », in RITMA, op. cit., p. 39- 60.
4 Ces idées sont développées notamment dans M. HAU et N. STOSKOPF, Les Dynasties alsaciennes, Paris, Perrin, 2005, p. 30-46 et 61-72.
5 Prairies plus au moins marécageuses des bords du Rhin et de ses affluents.
6 N. STOSKOPF, La Petite Industrie dans le Bas-Rhin, 1810-1870, Strasbourg, Société savante d’Alsace et des régions de l’Est, Oberlin, 1987.
7 Cf. J.-C. DAUMAS, L’amour du drap, Blin et Blin, 1827-1975, Histoire d’uen entreprise lainière familiale, Besançon, Presses Universitaires de Franche-Comté, 1999, p. 34 ; C. MULL, Une Industrialisation manquée : histoire économique et sociale de Haguenau de 1789 à 1870, thèse IIIème cycle, Strasbourg II, 1977.
8 Cf. J. KLEIN, « Die Metalltuchweberei in Schlettstadt », Elsässische Monatsschrift für Geschischte und Volkskunde III, Saverne, 1912, p. 293-310 ; M. KUBLER, « Catala », « Franck », « Lang », « Martel », Nouveau Dictionnaire de Biographie alsacienne, Strasbourg, Fédération des Sociétés d‘histoire et d‘archéologie d‘Alsace, 1982-2003, passim.
9 C. FOHLEN, L’industrie textile au temps du Second Empire, Paris, Plon, p. 215.
10 Le pays de Hanau, dont la capitale est Bouxwiller, se situe au nord d’une ligne Saverne-Strasbourg. L’industrie de la chaussure est particulièrement représentée à La Walck et Dettwiller.
11 Heschung par exemple, reconverti de la chaussure de montagne à la chaussure de luxe, vendue dans des magasins de centre ville à son enseigne (notamment à Strasbourg).
12 Sur ces questions, voir M. HAU et N. STOSKOPF, Les Dynasties…, op. cit., chapitres IX, XIII et XIV.
13 Voir N. STOSKOPF et P. VONAU, « La grande mutation industrielle », L’Alsace du second XXème siècle, Revue d’Alsace, n° 130, 2004, p. 159-192.
14 Il est vrai que les travailleurs frontaliers – 12.000 en 1968, 72.000 en 1999 – contribuent à l’amélioration de ce bilan.
15 R. WOESSNER, Mythe et réalité de l’espace Rhin-Rhône, La dynamique industrielle comme facteur de recomposition territoriale, Thèse de géographie, Besançon, Presses Universitaires Franc-Comtoises, 2000.
16 Données SESSI, traitements de J. EL OUARDIGHI, dans J. A. HERAUD et R. KAHN, « L’action économique des collectivités entre développement endogène et exogène », Sciences de la société, n° 57, octobre 2002.
17 Si cette carte se différencie du tableau qui précède, c’est qu’elle ne prend en compte que les nouvelles implantations à l’exclusion des cessions de capitaux à des firmes étrangères.
18 Cf. M. HAU et N. STOSKOPF, Les Dynasties…, op. cit., chapitres XVI et XVII.
19 On pense par exemple à Kronenbourg (Obernai), Kuhn (Saverne) ou à plusieurs départements De Dietrich récemment cédés.
20 Les Alsaciens Marc Schiff et Gérard Christmann dirigent respectivement les sites strasbourgeois de General Motors et d’Ely Lilly.
21 M. BALESTE (dir.), La France, 22 Régions de Programme, Paris, Masson 1993, p. 136.
22 H. NONN et J.-A. HERAUD (dir.), op. cit.
23 R. SCHWAB, De la cellule rurale à la région, l’Alsace 1825 -1960, Paris, Ophrys 1980.
24 Chimia, BioValley, life sciences cluster – strategies and challenges, 2004, Volume 58, p. 768-809.
25 R. WOESSNER, « Rhin-Sud : région néofordiste, « SPL » ou technopole ? », Mappemonde, n° 66, Montpellier, Maison de la Géographie, juin 2002, p. 9 à 13.
26 ADIT, Agence pour la Diffusion de l’Information Technologique, La filière automobile en Alsace et en Franche-Comté, 2001.
27 ASTRID, La Lettre n° 17, 2e trimestre 2003, Mulhouse, Maison du Technopôle.
28 C. LEVY et R. WOESSNER, « Les entreprises en zone de marge : l’exemple de Rhin-Sud », in RITMA, op. cit. p. 147–176.
29 Comme Erik, European Regions Knowledge based Innovation Network, créé en 2003, qui compte 13 régions membres, dont la Lorraine.
Auteurs
Est professeur à l’université de Haute-Alsace, où il dirige le Centre de recherche sur les économies, les sociétés, les arts et les techniques (CRESAT). Ses recherches en cours portent sur histoire du patronat, l’histoire des entreprises aux XIXème et XXème siècles. Publications récentes : Les patrons du Second Empire, vol. 7, Banquiers et financiers parisiens, Paris, Picard-Cénomane, 2002 ; « From the Private Bank to the Joint-Stock-Bank : The Case of France (Second Half of the 19th Century », Companies-Owners-Employees, Proceedings from the 6th Annual Congress ot the European Business History Association (EBHA), 22-24.8.2002, University of Helsinki, Department of Social Science History, 2003 (édition sur CD-rom) ; « Le patronat alsacien », « Banquiers et financiers parisiens », « Analyse factorielle et prosopographie des patrons du Second Empire », in D. Barjot, E. Anceau, I. Lescent-Giles et B. Marnot (dir.), Les entrepreneurs du Second Empire, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2003, p. 67-74, 113-121 et 155-164 ; « La grande mutation industrielle », Revue d’Alsace, n° 130, (en collaboration avec Pierre Vonau) ; Les dynasties alsaciennes, Paris, Perrin, 2005 (en collaboration avec Michel Hau).
Est maître de conférences à l’IUFM d’Alsace (Strasbourg) et chercheur au CRESAT. Ses recherches en cours portent sur les recompositions territoriales par l’industrie, les transports et la « région apprenante ». Publications récentes : « L’impact des transports routiers dans une région transfrontalière : la recomposition territoriale du Haut-Rhin », (en col. avec G. Cohen), dans Réseaux de transports, flux et recompositions régionales, CIRTAI, Le Havre 2002 ; « Alsace : le transport fluvial à l’épreuve des réseaux transfrontaliers », Festival International de Géographie de Saint-Dié, 2003, table ronde organisée par G. Lasserre, « Le transport fluvial a-t-il encore un avenir ? » (en ligne) ; « Le Grand Est français, une région incomplète », Les Cahiers Scientifiques du Transport, N° 46/2004 ; « La recomposition du territoire industriel autour des usines PSA de Sochaux et de Mulhouse », in J.-C. Daumas (dir.), Les systèmes productifs dans l’Arc jurassien, Presses Universitaires de Franche-Comté, 2004 ; « Les villes et les régions françaises au défi de l’ouverture de l’ouverture des frontières », Séminaire inter-académique « Les nouveaux territoires de la France et de l’Europe », présidé par M. Hagnerellle et T. Lecoq, CRDP Dijon 2005 (en ligne).
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