1. Dans la « boîte noire » des districts industriels
p. 9-34
Texte intégral
1La question des districts industriels a émergé, sur le plan scientifique, avec la découverte à la fin des années 1970 des succès inattendus et spectaculaires en termes de croissance, d’exportation, d’emploi et de niveau de vie des micro-systèmes productifs de la « Troisième Italie », c’est-à-dire l’Italie du Centre et du Nord-Est située entre le triangle industriel de Gênes-Milan-Turin et le Mezzogiorno. C’est le livre de Arnaldo Bagnasco, Tre Italia. La problematica dello sviluppo italiano, publié en 1977, qui a le premier attiré l’attention sur l’originalité d’une forme d’industrialisation fondée sur la diffusion du « travail autonome » et de la petite entreprise dans laquelle on n’avait voulu voir jusqu’alors qu’une « forme pathologique » de développement1. Les études de cas se sont rapidement multipliées dans le sillage de ce livre afin de décrire l’organisation et le fonctionnement de ces systèmes productifs localisés ainsi que les conditions historiques de leur formation2. Cependant, ces travaux étaient dépourvus de toute unité conceptuelle : pour décrire les formes d’industrialisation différentes du modèle dominant organisé autour de la grande entreprise, ne parlait-on pas alors indifféremment d’ « industrialisation diffuse », de « systèmes de PME », d’ « économie périphérique » ou de « décentralisation productive » ?
2C’est la « redécouverte » en 1979 par Giacomo Becattini du concept marshallien de district industriel, depuis longtemps tombé dans l’oubli3, qui a permis d’unifier progressivement ce champ de recherche très hétérogène à cheval sur l’économie, la sociologie et la géographie régionale4. L’article séminal qu’il publia alors était significativement intitulé « Du secteur industriel au district industriel » : il y soulignait fortement la nécessité de choisir le district comme « unité appropriée de recherche et d’intervention » et voyait dans les économies externes et le sens de l’appartenance les ressorts de son efficacité. Néanmoins, le succès de cet article est assez paradoxal puisque, lorsqu’il parlait de district, Becattini n’avait pas en vue les systèmes de production localisés qui recevraient bientôt ce label mais de grandes régions industrielles comme la Ruhr, le Lancashire ou la Lombardie ! N’importe, c’est sous ce pavillon que s’effectuent désormais les recherches qui associent plus ou moins étroitement enquête empirique et réflexion théorique5. Néanmoins, il a fallu encore une dizaine d’années pour que la définition élaborée par Becattini du district industriel comme entité socio-territoriale caractérisée par l’osmose (ou l’interpénétration) entre l’appareil productif et la société locale6, soit peu ou prou acceptée par la plupart des chercheurs italiens, ses disciples n’hésitant d’ailleurs pas à y voir le point de départ d’un nouveau « paradigme »7.
3 Aujourd’hui, la littérature consacrée à la question des districts est si abondante – plusieurs milliers de titres8 – qu’elle défie l’analyse. Sans doute les recherches les plus nombreuses concernent-elles l’Italie, mais le concept de district a connu également un grand succès hors de la péninsule. Aussi la question des formes d’industrialisation localisée est-elle au centre d’un large débat international9 où enjeux scientifiques et politiques sont étroitement entrelacés car, depuis les années 1990, le concept de district industriel sert de fondement aux politiques de développement local mises en œuvre tant par les collectivités territoriales et les Etats nationaux que par l’Union européenne10. Cet intérêt croissant pour les phénomènes d’agglomération des entreprises a pour toile de fond les bouleversements de l’économie mondiale qui se sont traduits par un véritablement renversement des hiérarchies spatiales marqué notamment par l’émergence de nouveaux territoires productifs du type Troisième Italie ou Silicon Valley dont le développement s’explique moins par leur dotation initiale en facteurs de production que par les avantages qu’ils tirent de la concentration géographique des activités et des interactions qu’elle permet entre les acteurs11.
4C’est au fil d’innombrables colloques et ouvrages collectifs qu’une communauté de recherche réunissant des spécialistes de diverses disciplines – économie, sociologie, géographie, gestion, histoire – s’est progressivement constituée autour de l’école italienne. Même si ses membres partagent un fonds commun d’idées générales, d’hypothèses et d’exemples canoniques, les divergences néanmoins ne manquent pas. Ce qui s’explique à la fois par la diversité des approches nationales, la variété des langages des différentes disciplines qui étudient « la localisation de l’industrie » (Alfred Marshall) et la concurrence d’autres écoles (les milieux innovateurs de Aydalot, les SPL de Courlet, le postfordisme de Piore et Sabel, l’école française de la proximité, l’école californienne de géographie de Scott…) qui ont élaboré des concepts alternatifs ou complémentaires.
5Les premières recherches ont été le fait d’économistes, de géographes et de sociologues. Il a fallu attendre le milieu des années 1990 pour que les historiens, en Italie12 mais aussi dans les autres pays occidentaux, découvrent les districts industriels et y voient un sujet de recherche intéressant. En conséquence, des monographies riches en détails ont progressivement pris la place des descriptions stylisées qui avaient d’abord prévalu et on raisonne moins désormais en termes de modèle que d’histoire.
6La recherche sur les districts offre aujourd’hui un paysage contrasté. On constate d’abord une certaine routinisation de la recherche, la répétition des hypothèses fondatrices tenant trop souvent lieu d’analyse concrète, voire une tendance au dogmatisme qu’illustrent bien les derniers livres de Becattini qui associent le commentaire plus ou moins inspiré de la définition du district qu’il a lui-même donnée en 1989 et le refus des points de vue divergents ou critiques13. D’autre part, en intégrant de manière éclectique les apports des différents courants, bien des travaux empiriques mobilisent des justifications théoriques entre lesquelles n’existe pas de réelle cohérence14. Par ailleurs, les recherches novatrices – dont beaucoup sont le fait d’historiens – ne manquent pas qui, par petites touches, précisent, complètent, corrigent la conception des districts que l’on doit à l’école italienne. Enfin, l’exigence d’une réévaluation critique de la littérature internationale sur les districts et d’une appropriation historienne du concept de district ne cesse de gagner du terrain15.
7 Au total, les recherches sur les districts industriels ont incontestablement fait progresser notre connaissance des dynamiques territoriales de l’industrialisation et contribué à renouveler notre vision du développement économique de l’Europe dont on comprend mieux aujourd’hui qu’il n’a pas suivi une voie unique, mais la situation actuelle de la recherche que l’on vient de brosser à gros traits impose un effort de clarification qui passe par un approfondissement du travail empirique et de la réflexion conceptuelle.
I. Le concept et l’histoire
8Sans doute Alfred Marshall a-t-il montré que la grande entreprise peut coexister avec des concentrations géographiques de petites entreprises spécialisées dont l’efficacité s’explique par les économies externes dont elles bénéficient et auxquelles il donne le nom de districts manufacturiers ou industriels16, mais les analyses de Becattini ne sont pas seulement comme ces disciples l’ont longtemps proclamé à l’envi, un « approfondissement » ou une « traduction en termes contemporains » du concept marshallien de district industriel. En effet, alors que Marshall concevait le district comme un espace économique hautement concurrentiel et fondait les économies externes sur la proximité géographique et la spécialisation sectorielle des entreprises, Becattini insiste pour sa part sur l’encastrement du système productif et fait reposer la coopération entre les acteurs sur l’homogénéité sociale et culturelle de la société locale et la régulation par des institutions collectives. C’est dire que, de purement économique chez Marshall, le concept de district est devenu, avec Becattini, « socio-économique ».
1. L’influence du modèle italien
9Dans les travaux qui ont suivi, les districts italiens ont été décrits de manière standard comme des agglomérations de petites entreprises fortement spécialisées, caractérisées par une division du travail très poussée, une atmosphère industrielle favorable à l’apprentissage et à l’innovation, l’importance des économies externes permises par la proximité géographique et l’homogénéité sociale et culturelle du territoire, l’existence de valeurs partagées favorisant l’entrepreneurship, le consensus social et la coopération, et la présence d’institutions collectives assurant la régulation de la production et des échanges. Situés pour la plupart dans le Centre et le Nord-Est de la péninsule, ces territoires productifs sont essentiellement spécialisés dans la fabrication de produits pour la personne et la maison – ce qu’on appelle le « made in Italy » – et des machines nécessaires à leur production. Parmi les plus connus17 : Prato (tissus de laine), Arezzo (bijouterie), Montebelluna (chaussures de sport), Sassuolo (carrelages de céramique), Brianza (meubles), Brescia (robinetterie), Pordenone (électroménager), Bologne (machines pour emballage)…
10L’idée de modèle unique s’est progressivement imposée en Italie comme en dehors de la péninsule. En effet, le souci de dégager les conditions de possibilité et la spécificité du phénomène a conduit à privilégier ses caractéristiques générales et sa cohérence au détriment des formes concrètes, très diverses, qu’il a prises dans le temps comme dans l’espace18. De surcroît, beaucoup de travaux en ont donné une représentation très idéalisée qui ignore les crises, les bifurcations et les échecs. Hors de la péninsule, le district industriel à l’italienne est devenu un modèle de référence commode, mais la recherche y apparaît tiraillée entre la fascination pour le modèle italien et la volonté de mettre en relief ce qui fait la spécificité de chaque cas étudié. D’où la floraison de concepts mal différenciés et concurrents – système productif localisé, cluster, milieu innovateur, pôle industriel de développement, région apprenante, district technologique… – qui traduit l’insatisfaction à l’égard d’un modèle canonique, trop étroit, trop rigide, et trop lié à l’expérience italienne pour subsumer l’ensemble des cas mis au jour19.
11Par ailleurs, le développement de la recherche s’est accompagné d’une certaine confusion sur la nature des districts. Tantôt, en effet, ils sont analysés comme une alternative permanente à la grande entreprise, tantôt au contraire sous l’influence des idées de Piore et Sabel sur la « spécialisation flexible »20, on les définit (même si la thèse n’a plus beaucoup de partisans) comme une forme d’organisation postfordiste de la production, Becattini allant même jusqu’à soutenir que les districts italiens « étaient déjà postfordistes sans le savoir »21. De surcroît, les districtologues les plus fervents ont idéalisé les districts au point qu’ils prétendent y voir « un mode de développement distinct du capitalisme ordinaire, et non un simple épisode de celui-ci », lequel serait à la fois économiquement plus efficace, socialement plus juste, politiquement plus démocratique et, cerise sur le gâteau, plus respectueux de l’environnement22.
2. Les recherches françaises sur les districts
12Même si le concept de district industriel n’y a pas été utilisé explicitement avant le début des années 1990, la France est bien loin de s’être tenue à l’écart de la recherche sur les formes territorialisées de production23. Au contraire. Ne voit-on pas le géographe Jean-Pierre Houssel se pencher dès 1972 – autrement dit, bien avant les districtologues italiens – sur les formes spécifiques d’industrialisation rencontrées dans l’Italie du milieu, la vallée de l’Arve ou le Beaujolais, qu’il qualifie d’ « autochtones » car elles se développent sans apport extérieur et concernent des régions périphériques qui se spécialisent dans des produits nouveaux en mobilisant une main-d’œuvre nombreuse bon marché et en s’appuyant sur un esprit d’entreprise latent24 ; les économistes Claude Courlet et Bruno Pecqueur chercher à comprendre les ressorts des succès des systèmes locaux de PME qu’ils découvrent en Savoie ou dans le Choletais et, pour les décrire, emprunter à l’économie industrielle le concept de système de production localisé (SPL)25 ; et enfin, les sociologues du GLYSI, Bernard Ganne et Jean Saglio montrer que, à Annonay comme à Oyonnax, les spécificités des systèmes locaux de production concernent moins l’organisation du système productif que son articulation avec l’environnement socio-politique de la ville et que leur fonctionnement dépend de formes sociales de régulation, y compris dans tout ce qu’elles ont d’informel et de tacite26 ? Malgré tout, l’intérêt des sciences sociales pour les systèmes industriels localisés est demeuré relativement marginal jusqu’au début des années 1990. Cela tient sans doute au faible poids des SPL dans l’industrie française comme aux paradigmes dominants dans la recherche en sciences humaines et sociales. D’une part, beaucoup de districts ont disparu pendant les Trente glorieuses et, surtout, cette forme d’organisation de la production est beaucoup moins présente et dynamique en France (entre 20 et 100 SPL recensés par la DATAR dans les années 1990)27 qu’en Italie (200 districts comptabilisés par l’ISTAT en 1991). D’autre part, la domination, en économie comme en sociologie, d’approches globalisantes et déterministes d’inspiration structuraliste conduisait à ne voir dans le « local » que le lieu de l’action des grands mécanismes économiques et de l’intervention de l’Etat, indépendamment de ses dynamiques propres. Aussi est-ce la remise en cause de la grande entreprise par la crise économique des années soixante-dix alors que certains systèmes locaux, comme le Choletais, résistaient mieux et l’effacement des approches globales et structurales qui sont à l’origine de l’intérêt nouveau des chercheurs français pour les systèmes productifs locaux.
13L’introduction en France du concept de district industriel date de la publication en 1992 du livre de Georges Benko et Alain Lipietz Les régions qui gagnent28 dont l’importance tient à trois raisons principales : il a fait connaître au public français l’article de Becattini de 1989, mis à la disposition des lecteurs quelques unes des pièces essentielles du débat international et posé la question de l’existence de districts industriels en France. C’est évidemment beaucoup, mais cela n’a pas suffi à modifier complètement la situation. Trois faits méritent en effet d’être soulignés. En premier lieu, le paysage scientifique français est marqué par une relative ignorance des travaux italiens qui, pour la plupart, ne sont pas traduits comme d’ailleurs des termes d’un débat international pourtant très riche. En second lieu, la problématique des SPL semble y occuper une position dominante qu’elle doit tout à la fois à la plasticité de ce concept qui permet d’embrasser tous les cas connus (y compris des stations de sport d’hiver et des espaces ruraux !)29 et d’intégrer – même si c’est sur le mode du bricolage – les apports des autres écoles, et à la crédibilité que lui confèrent les travaux de la DATAR qui a fait de la notion de SPL la clé de voûte de sa politique de soutien au développement local30. Enfin, les travaux empiriques – du reste assez peu nombreux – appréhendent trop rarement les systèmes industriels locaux comme un « fait social total » en liant organiquement aspects techniques, économiques, sociaux, culturels et politiques, et font trop peu de place à la reconstitution de leurs trajectoires dans la durée.
14Il a fallu attendre la fin des années 1990 pour que les historiens français se penchent sur les formes locales de développement industriel31. Ce mouvement a sans doute été stimulé par un contexte intellectuel profondément renouvelé. D’une part, la redécouverte du local et du territoire constitue un fait général dans les sciences de l’homme au point qu’on a pu parler de « tournant géographique »32. D’autre part, les transformations, les difficultés et même les crises traversées par les districts italiens incitent à reconsidérer d’un œil neuf les hypothèses constitutives de la districtologie.
15Pour l’essentiel, l’attention à ces formes spécifiques d’industrialisation est venue d’historiens spécialistes de l’étude des systèmes de production dispersée et des PME qui, confrontés au phénomène d’agglomération géographique d’entreprises petites et/ ou moyennes, ont été amenés à réfléchir aux formes de coordination de la production qui les structurent. Cet intérêt a débouché sur l’organisation de plusieurs colloques sur les districts en Europe : ceux de Besançon en 199933 et 200234, de Tours en 200035, et de Bercy en 200436. Ces colloques ont favorisé l’émergence d’une petite communauté de chercheurs qui prennent au sérieux la réhabilitation du territoire comme instrument d’analyse des formes d’organisation productive même si, issus de traditions historiographiques différentes, ils font du concept de district des lectures différentes.
16C’est parmi eux qu’est né et s’est développé le projet de recherche sur les dynamiques des systèmes localisés de production en Europe entre 1750 et 2000 qui a pour point de départ la reconnaissance des forces et des faiblesses de la littérature consacrée à la question. La posture adoptée a consisté à renverser l’approche communément adoptée : au lieu d’identifier le district industriel à l’italienne à un modèle général d’organisation territorialisée de la production industrielle, on a élargi le cadre de l’enquête à l’ensemble des systèmes de production localisés que l’on rencontre dans le temps long de l’industrialisation européenne (depuis 1750), ce qui a l’avantage de relativiser le district becattinien qui, au demeurant, n’en représente qu’une des formes historiques. Par ailleurs, on a multiplié les études de cas avec pour objectif de tester les hypothèses de l’école de Florence sur l’organisation, le fonctionnement et le développement des districts37, sans pour autant que la profusion d’études empiriques paralyse la réflexion théorique. D’autre part, on a développé une approche comparative qui permet d’échapper à la tyrannie du modèle unique et, en identifiant les logiques à l’œuvre, d’aller vers une typologie des systèmes productifs localisés qui rende compte de leur diversité. Enfin, en croisant les approches disciplinaires – histoire, géographie, sociologie, économie –, on a cherché à faire varier les points de vue et les méthodes afin d’enrichir la compréhension du phénomène étudié.
II. Questions sur les districts industriels
17L’examen critique des travaux sur les districts industriels et les formes voisines d’organisation productive, tant en Italie que dans d’autres pays, soulève de très nombreuses questions. Je me bornerai ici, sans souci d’exhaustivité, à poser, rapidement, les principales.
1. Les limites du modèle italien
18La première difficulté vient bien sûr de ce qu’aucune définition n’est aujourd’hui unanimement acceptée : longtemps dominant, le modèle becattinien apparaît désormais à la fois trop étroit et trop rigide pour subsumer l’ensemble des cas historiquement existants et, de plus, est concurrencé par de nombreux concepts alternatifs qui prétendent le corriger ou le compléter, voire le remplacer. Malgré les affirmations répétées de Becattini et de ses disciples, il n’y a pas d’homogénéité des districts italiens car il existe entre eux de profondes différentes en ce qui concerne la localisation, les conditions de formation, l’organisation interne, la logique de fonctionnement et la trajectoire de développement, si bien qu’il est douteux qu’un modèle unique permette de rendre compte de leur fonctionnement et de leur histoire. Du reste, après avoir d’abord privilégié le métayage, les petites villes et les savoirs non codifiés comme facteurs explicatifs de l’émergence des districts, on met aujourd’hui davantage l’accent sur le rôle des villes moyennes, des écoles techniques et des grandes entreprises comme incubateurs pour expliquer le succès des districts38.
19La prétention à l’universalité d’un modèle qui est très étroitement lié à l’histoire italienne, est tout aussi discutable car, dans chaque pays, les caractéristiques des districts dépendent du stade d’industrialisation, de la place dans la division internationale du travail et de la structuration du système économique et politique national. C’est pourquoi ce serait une erreur que de vouloir retrouver partout et à tout prix les caractéristiques du district becattinien. Au contraire, il est indispensable, d’un côté, de multiplier les études empiriques minutieuses mais en évitant d’absolutiser les particularités de chaque système local et, de l’autre, de construire des typologies suffisamment fines et compréhensives capables de rendre compte de l’extrême diversité des cas observés, ce qui suppose bien sûr que l’on discute les typologies existantes39.
2. Une grande diversité de matrices
20Les premières recherches italiennes ont attribué aux districts une origine rurale en combinant métayage, famille étendue et petite ville, et Becattini qui a théorisé cette situation l’a élevée au rang d’idéal-type. Or, de nombreuses études empiriques mettent en évidence la fragilité de cette thèse dans le cas même de l’Italie40 et, surtout, la diversité des matrices à partir desquelles un district est susceptible de se développer41 : communautés d’ingénieurs (Sillicon Valley, Grenoble ou Toulouse), minorités ethniques ou religieuses (Quakers de Darlington), colonies d’immigrants (Blumeau au Brésil) ou de migrants (Gamarra au Pérou), corporations d’artisans (ganterie de Worcester), communautés locales dotées d’une forte identité sociale et culturelle (Beauce québécoise), communauté d’affaires (district cotonnier de Manchester ou lainier de Roubaix-Tourcoing), protoindustrie urbaine (Marches), désintégration de grandes entreprises (nombreux districts du Nord-Est et du Centre de l’Italie)… C’est dire que, d’un district à l’autre, les réseaux sociaux42 dans lesquels sont ancrées les entreprises sont profondément différents.
21De cette constatation il convient de tirer toutes les conséquences. En effet, la diversité des structures sociales et culturelles à l’origine d’un district a bien sûr un impact fort sur son organisation et son fonctionnement. En particulier, on peut penser que les structures des entreprises, les rapports entre elles et avec leurs salariés en sont diversement conditionnés. Dès lors, on ne peut pas appliquer indifféremment à tous les districts la description faite par Becattini dans le cas italien. Au contraire, il en résulte la nécessité d’approfondir la réflexion sur l’encastrement de l’économique dans le social, l’articulation entre comportements individuels et structures sociales, et la coordination entre agents économiques.
3. Les districts ont une histoire
22L’histoire des districts mérite de retenir davantage l’attention car ceux-ci naissent, vivent et meurent, et éventuellement renaissent. Même si elle peine à rendre compte des phénomènes de dissémination, de restructuration ou de renaissance, l’hypothèse qu’il existerait un cycle de vie des districts mérite d’être prise au sérieux. En effet, on a pu montrer que, au cours de leur histoire, ils parcourent plusieurs stades successifs : l’accumulation de la masse critique, le décollage, l’apogée, la saturation, et le déclin, suivi éventuellement d’une renaissance43. L’intérêt de cette problématique est qu’elle évite de raisonner, comme trop souvent, dans les termes d’une conception essentialiste qui présente des districts aux caractéristiques immuables.
23Au demeurant, telle qu’elle est traitée dans la littérature, l’émergence des districts pose problème. S’appuyant sur le cas de Prato, Becattini a identifié les « processus élémentaires » dont la convergence donne naissance à un district industriel (la tendance à la division croissante du travail, la sédimentation des institutions formelles et informelles qui organisent le marché, la fusion du savoir codifié et du savoir tacite, l’apparition d’acteurs et d’institutions capables de faire sans cesse évoluer l’organisation productive, le développement au sein du district de sentiments d’appartenance, de loyauté, de solidarité et de confiance nécessaires à son fonctionnement, la maturation de valeurs et de savoirs constitutifs d’une atmosphère industrielle, et un marché du travail où la mobilité produit à la fois des travailleurs et des petits entrepreneurs)44. Cette approche a été fructueuse dans la mesure où elle a contribué à orienter l’attention des chercheurs vers les facteurs sociaux et culturels auxquels les économistes ne s’intéressaient guère. Cependant, il ne suffit pas d’inventorier les facteurs contextuels qui ont joué un rôle dans la naissance des districts pour rendre celle-ci intelligible. Il faut encore analyser la situation historique concrète qui voit émerger un district. Ce qui suppose qu’on cesse de voir la formation des districts comme un processus spontané et qu’on identifie les acteurs qui ont été les promoteurs de ces nouvelles formes d’organisation productive, alors que dans beaucoup de travaux, à commencer par l’histoire de Prato que l’on doit à Becattini45, ils n’ont qu’une existence abstraite, si bien qu’on y chercherait en vain le nom d’une entreprise ou d’un entrepreneur.
24D’autre part, les travaux sur les districts italiens font des traditions artisanales ou civiques les conditions de la formation de ces nouvelles configurations productives, et certains auteurs n’hésitent pas à parler d’un « code génétique » des districts dont l’histoire serait la réalisation46, voire de « retour » ou de « renaissance » des districts, après une longue période d’ « hibernation »47, comme s’ils se rattachaient, par dessus la phase assez courte de développement des grandes usines, aux systèmes de production antérieurs. Tout se passe comme si le tisserand de Prato à la Renaissance était l’ancêtre du petit patron d’une PME de la Troisième Italie d’aujourd’hui ! Or, ce type d’analyse qui confond lecture rétrospective et explication, bute sur plusieurs difficultés. D’un côté, si continue que paraisse une tradition, il faut bien sûr expliquer comment sa transmission s’est opérée, autrement dit analyser la rencontre entre la tradition et un milieu historique donné dans lequel les acteurs se l’approprient et la transforment. De l’autre, l’obsession des origines, cette idole dont Marc Bloch a fait une critique impitoyable48, conduit à escamoter l’événement, c’est-à-dire le moment où naît le nouveau, et dans le cas présent les nécessités locales qui, à un moment donné, expliquent le surgissement d’une nouvelle configuration productive. Par ailleurs, à voir partout dans le passé des districts ou des proto-districts, c’est-à-dire à ne penser le passé qu’en fonction du présent, on s’interdit de comprendre dans leur spécificité les multiples formes d’organisation de la production et de rapport au territoire qui ont précédé les districts et, du même coup, on dissout l’originalité de la forme district dans une sorte de nuit où tous les chats sont gris49.
25Naturellement, les phénomènes de crise et de déclin des districts doivent être étudiés avec le même soin que leur naissance car les difficultés, les échecs, les chemins qui n’ont mené nulle part sont toujours révélateurs. Ce qui impose de tenir compte à la fois des transformations de leur environnement et de leurs évolutions internes. La France où beaucoup de districts ont disparu, pourrait constituer un terrain privilégié d’enquête et d’analyse50.
26Par ailleurs, la phase actuelle de l’histoire des districts mérite aussi de retenir l’attention. Un district n’est pas un système clos et il évolue en interaction avec l’économie mondiale. Avec la globalisation qui exerce de fortes pressions sur les systèmes localisés de production et leur impose de s’adapter, on voit se développer de nouvelles tendances (implantation de multinationales étrangères, délocalisation d’une partie de la production dans des régions ou des pays à bas coût de main-d’œuvre, concentration des entreprises… )51 qui sont susceptibles de remettre en cause les bases sur lesquelles les districts se sont construits en affaiblissant leur capital social et les liens des entreprises avec le territoire. Cependant, si certains districts connaissent des difficultés, d’autres s’adaptent avec succès à la concurrence croissante des pays à bas salaires, à l’apparition de nouvelles technologies et aux mutations des marchés. Ceux qui ont le mieux réussi à répondre aux défis actuels sont les districts qui ont renforcé leur encadrement institutionnel, qui ont su se tourner vers des fournisseurs extérieurs et collaborer avec des laboratoires de recherche et des universités52. C’est dire qu’on est en présence d’un double processus de différenciation des structures internes et des trajectoires des districts. Certes, ces évolutions méritent d’être étudiées de près mais, de surcroît, elles incitent à relire le passé des districts à la lumière des questions nouvelles qu’elles soulèvent.
4. Dynamique locale et contexte national
27La littérature sur les districts, notamment italiens, a trop tendance à exagérer leur autonomie pour n’y voir que le résultat de la rencontre de dynamiques locales et d’un contexte global, comme si leur développement – leur croissance comme leur déclin – pouvait être dissocié de la structuration du système économique et politique national53. Les premiers travaux sur le développement des districts ont très largement sous-estimé le rôle des institutions nationales et des politiques publiques. Ce n’est que récemment que l’influence – positive ou négative, selon le lieu et le moment – de l’intervention de l’Etat a été reconnue. En effet, les districts ne se sont pas développés spontanément et les politiques publiques (statut de l’artisan, fiscalité, politique du crédit…) ont beaucoup contribué en Italie, au pullulement des petites entreprises qui caractérise beaucoup de districts et à la croissance de ces derniers54. A l’inverse, en France ou au Royaume-Uni, elles ont également joué un rôle important dans leur déclin, voire leur disparition (politique favorable à la grande entreprise, réduction de l’autonomie des autorités locales, aménagement volontaire du territoire… )55. C’est dire qu’il faut prêter davantage d’attention qu’on ne l’a fait jusqu’ici à l’environnement politique et institutionnel des districts.
5. Des agglomérations d’entreprises de taille variable
28Traditionnellement, les districts sont décrits comme des concentrations de petites entreprises. Sans doute, cette définition se situe-t-elle dans le droit fil de Marshall, mais même dans le cas de l’Italie, de nombreuses recherches montrent que les structures des systèmes productifs locaux sont d’une très grande diversité et qu’on ne peut les identifier à des agglomérations de petites entreprises qu’à la condition de forcer la réalité. Certes, il existe des districts de petites entreprises mais il ne s’agit là que d’un type de districts parmi d’autres56. D’une part, on observe des districts où ce sont des entreprises de taille moyenne ou grande qui sont les plus nombreuses ; de l’autre, à l’intérieur des districts de petites entreprises, il arrive que les grandes entreprises occupent une place significative ; par ailleurs, il existe des systèmes de PME sous-traitantes dominés par une ou plusieurs entreprises leaders ; enfin, les structures des districts ne restent pas stables et, en Italie même, on constate la formation, à partir du tissu de PME, de grandes entreprises ou de réseaux plus ou moins formels d’entreprises qui intègrent toute la production57. Il n’y a donc aucune homogénéité des structures des entreprises dans les districts et, plutôt que d’enfermer l’analyse dans une définition qui se focalise sur la taille des entreprises, mieux vaut partir d’une définition simple et ouverte du district comme agglomération d’entreprises qui entretiennent des relations plus ou moins intenses d’échanges et de coopération. Ce qui a l’avantage d’ouvrir l’observation à l’ensemble des cas réellement existants.
29Par ailleurs, les études empiriques disponibles nous montrent, d’un district à l’autre, des évolutions très différenciées des structures des entreprises. Il convient donc d’étudier comment se sont mis en place des configurations productives successives qui réunissent de manière spécifique des entreprises de taille variable et où la coordination se réalise selon des modalités différentes. Pour cela, il est indispensable de prendre en considération non seulement les stades de développement du district mais aussi l’ensemble des facteurs susceptibles d’expliquer les évolutions : le produit fabriqué, la technique mise en œuvre, les coûts des matières premières et de la main-d’œuvre, l’organisation spatiale de la production, la structure du marché et les formes de la concurrence58.
6. Un mélange inédit de concurrence et de coopération
30Les relations entre les entreprises sont généralement définies comme un mélange inédit de concurrence et de coopération. Mélange inédit, certes, mais on ne peut se contenter des généralités qui encombrent trop souvent la littérature sur la question. Comment expliquer que des entreprises qui sont concurrentes parce qu’elles opèrent sur les mêmes marchés sont complémentaires et coopératives ? C’est l’agglomération, sur un même territoire, d’entreprises engagées dans un même secteur de production et fortement spécialisées qui rend possibles des relations de complémentarité, de coopération et de solidarité. Schématiquement, on peut distinguer deux formes de coopération : les échanges de marchandises et de services qui relient directement les entreprises entre elles et qui souvent ne nécessitent pas même de contrats, et la coopération institutionnalisée qui suppose l’existence d’organes de coordination et des services collectifs.
31Si la concurrence est présente partout, souvent sous une forme exacerbée, l’intensité des relations de collaboration est très variable, toutes les nuances intermédiaires existant entre la coopération et l’autarcie, comme dans le cas de la Route 118 aux Etats-Unis59. De plus, les relations de coopération entre les entreprises peuvent également être faiblement efficaces et susciter des plaintes récurrentes au sujet de la qualité des transactions60. Ajoutons que même lorsqu’il y a coopération, les relations ne sont pas forcément « symétriques » et « réciproques » car les districts sont en réalité formés d’une multitude d’agents économiques absolument inégaux entre lesquels il existe des relations de domination et de subordination. En effet, dans beaucoup de districts, à l’instar de Prato61, on a constaté que la production est organisée par les entreprises qui ont un accès direct aux marchés extérieurs à la région, notamment internationaux. Autrement dit, il faut identifier les partenaires et les domaines de la coopération, caractériser la forme des échanges (informels ou contractuels ? directs ou médiatisés par une institution collective ? ponctuels ou inscrits dans la durée ?), analyser les conventions qui les organisent, et en évaluer l’apport spécifique pour les entreprises. L’introduction récente des NTCI est d’ailleurs grosse de conséquences sur les modalités de la coopération car elle modifie les frontières des entreprises62.
7. Confiance et institutions
32Etroitement liée à la précédente, la question de la confiance occupe une grande place dans la littérature sur les districts. On a généralement vu dans les relations de confiance entre tous les acteurs du district le produit de conditions préalables : l’homogénéité sociale de la communauté locale, l’intensité des relations sociales en son sein et son adhésion à un système de valeurs partagées. Or, nombre d’études montrent que l’encastrement social ne suffit pas à faire triompher la confiance et la coopération – et donc l’intérêt général du district – et que seules des institutions collectives ad hoc sont capables de faire respecter par tous les règles du jeu63. C’est que la loyauté, l’honnêteté et la confiance sont en permanence menacées par l’opportunisme des acteurs qui trouve son origine soit dans l’état antérieur du système des entreprises, les représentations et les comportements construits historiquement pesant de tout leur poids sur les acteurs, soit dans l’insuffisance des compétences des entreprises en matière d’organisation et de coopération, ou encore dans l’existence d’incitations économiques résultant de l’organisation même de la production dans le district.
33D’autre part, la création d’institutions chargées d’assurer la régulation de la production et des échanges n’est pas le produit spontané, en quelque sorte automatique, de la culture commune, même si ce terreau semble indispensable, mais au contraire le résultat d’un choix des acteurs et n’est guère concevable sans l’action de personnages-clés ayant un rôle de leaders à l’intérieur du district64, rôle qui est essentiel dans les phases « critiques » de leur histoire – naissance, bifurcation, crise. Enfin, on peut se demander si les différences que l’on constate dans les trajectoires des districts, et notamment leur inégal dynamisme et finalement leur capacité de survie, ne doivent pas aussi être rapportées aux niveaux très variables, d’un district à l’autre, d’encadrement institutionnel65.
8. Le rôle des économies externes et les performances des districts
34Les recherches sur les districts insistent à juste titre sur l’importance des économies externes permises par la concentration géographique et la spécialisation des entreprises. Toutefois, la notion même d’externalités (soit des économies externes aux entreprises individuelles mais internes au système des entreprises) pose problème66 car, dans la littérature, elle s’entend en des sens différents, d’ailleurs souvent enchevêtrés : l’existence de relations informelles et non marchandes entre les acteurs qui favorisent la circulation de l’information, l’apprentissage et l’innovation ; la formation d’un bassin de main-d’œuvre spécialisée et qualifiée dont l’homogénéité facilite la mobilité des salariés entre les firmes ; la cristallisation d’un système de normes et de conventions, accepté par tous, au moins tacitement, qui définit le type et la qualité du produit, les modalités des transactions entre les entreprises, et la nature du travail67 ; et, enfin, la présence d’institutions collectives, publiques et/ ou privées, qui assurent la régulation de la production et des échanges, qu’il s’agisse de représenter les intérêts généraux du district, de définir des stratégies, de certifier la qualité des produits et l’honnêteté des transactions, d’organiser le marché du travail, ou de rendre aux entreprises des services qui ne sont efficaces qu’au niveau collectif (achats de marchandises ou de services, promotion des ventes, développement de l’exportation, réalisation d’études, lutte contre la contrefaçon, garantie de prêts, création d’infrastructures, protection de l’environnement…). Dans la réalité, ces quatre types d’externalités sont évidemment présents, quoique souvent inégalement développés, mais l’analyse ne peut éviter la confusion qu’à la condition de bien spécifier de quel type de ressources collectives on parle, quels sont les mécanismes qui les produisent et quel rôle elles jouent concrètement dans la vie du district, et cela à chaque phase de son développement.
35Néanmoins, la polysémie de la notion n’est pas le seul problème. En effet, à se focaliser exclusivement sur les externalités positives on finit par oublier qu’on ne peut comprendre les succès – et les échecs – des entreprises des districts qu’à la condition d’étudier concrètement leur gestion et leurs résultats. Ce qui suppose, bien sûr, qu’on se rappelle qu’elles sont des entreprises comme les autres, justiciables des mêmes méthodes d’analyse, à commencer par l’analyse comptable. Or, pour un historien des entreprises, la lecture des travaux sur les districts est tout à fait déconcertante puisqu’on n’y trouve guère de données sur l’activité des entreprises, la structure des bilans, les produits et les prix de revient. Or, comment évaluer la compétitivité des firmes sans mesurer leurs coûts, et d’abord celui du travail ? Comment comprendre leur financement si on ne s’intéresse pas à l’origine de leurs ressources et à l’emploi qu’elles en font ? Comment apprécier leur politique commerciale si on ne sait rien des qualités produites, des prix pratiqués, des marchés visés et des quantités vendues ?
36Certains districtologues italiens ont exploré une autre voie pour comprendre l’efficacité des districts : comparer les résultats des entreprises des districts à ceux des entreprises d’un même secteur mais hors district afin de mesurer l’importance de « l’effet district »68, lequel varie d’ailleurs en fonction de la structure géographique du district (district associant plusieurs localisations ou, au contraire, localisation unique), de la structure du système des entreprises (y a-t-il une entreprise dominante ?) et des choix stratégiques des entreprises. Mais on ne sait pas exactement ce que l’on mesure car il est difficile d’isoler les seuls effets de la coopération entre les entreprises, alors que bien d’autres facteurs (par exemple, les choix en matière de produit et de marché, le fonctionnement du marché du travail local ou l’efficacité de la chaîne de distribution) peuvent également y contribuer. Cette constatation est bien sûr une invitation à davantage d’ingéniosité car l’approche qui consiste à essayer de mesurer l’efficacité collective du district ne doit pas être abandonnée, mais plutôt perfectionnée.
9. Le financement des districts
37Alors qu’on a longtemps fait jouer un rôle quasi exclusif à l’épargne familiale et à l’autofinancement dans le financement des districts, des études empiriques récentes ont fait ressortir, tant en France qu’en l’Italie, le rôle essentiel joué par les banques locales qui ont soutenu le développement des entreprises par des facilités de crédit et contribué au maintien d’un climat de confiance entre les acteurs en garantissant leurs plans de financement et en surveillant leur situation financière69. Aussi, pour trancher la question de savoir si les banques locales ont constitué un élément favorable ou, au contraire, un frein au développement des districts, il convient d’étudier l’armature du système bancaire local, l’influence de la concurrence des grands établissements nationaux et les formes concrètes prises par le crédit, avant de se demander si la distribution du crédit a bien répondu aux besoins de financement des entreprises locales.
10. Les marchés des districts
38Les travaux qui abordent l’histoire des districts sous l’angle des marchés sont beaucoup trop rares. Or, les rapports des districts avec l’extérieur et les conditions mêmes de leur activité dépendent certes des choix des entreprises qui les composent en termes de produits et de marchés, mais aussi de la stratégie des grands acheteurs internationaux70 – grands groupes de luxe ou centrales d’achat pour se limiter aux situations extrêmes – qui organisent à leur profit la chaîne de valeur qui les relie aux producteurs locaux, laquelle peut prendre des formes bien différentes71 : tantôt les producteurs ont été dépossédés des fonctions de conception, de marketing et de vente, tantôt ils ont conservé leur autonomie, sans même parler des cas où, sous la pression de la globalisation, on voit la chaîne s’allonger lorsque les entreprises des districts qui travaillent pour de grands groupes étrangers délocalisent une partie de leur production vers des régions à bas coût de main-d’œuvre.
11. Société locale, entrepreneurs et marché du travail
39Paradoxalement, alors qu’elle affirme que la communauté locale est au cœur du fonctionnement des districts, la littérature ne nous apprend pas grand-chose sur le contenu des relations sociales et les mécanismes par lesquels elles façonnent l’action économique. En premier lieu, il y a très peu de travaux sur le monde des entrepreneurs des districts72 : c’est que en attribuant le succès des districts à des valeurs culturelles diffuses dans la société, on élimine de l’explication l’action des entrepreneurs. Deux approches s’offrent cependant à nous pour mieux les connaître : la prosopographie qui permettrait de reconstituer le processus de formation du groupe et de mettre en évidence ses attributs73, et l’analyse des réseaux sociaux qui ferait émerger la trame de l’ensemble des interconnexions structurant le monde patronal et serait ainsi susceptible d’expliquer les mécanismes d’agrégation sociale sous-tendant les relations inter-entreprises74. En second lieu, le marché du travail du district mérite de retenir davantage l’attention pour deux raisons principales : d’une part, le marché local de l’emploi est fortement segmenté en groupes de travailleurs aux conditions d’emploi, de travail et de rémunération très différenciées, ce qui assure une plus ou moins grande flexibilité aux entreprises ; d’autre part, la mobilité sociale est forte dans les districts, au moins dans les premiers temps, et nombre d’entrepreneurs sortent des rangs des ouvriers, mais ce phénomène doit être étudié en tenant compte des stades d’évolution du district comme du passage des générations75. En troisième lieu, trop de descriptions idéalisent les districts en les décrivant comme des mondes socialement homogènes et marqués par le consensus, alors même qu’il faudrait décrire les formes spécifiques de différenciation sociale et de conflictualité qu’on y découvre76.
12. Les valeurs partagées
40On voit généralement dans la culture commune la condition de l’existence et de la reproduction des districts. On ne rencontre pourtant trop souvent que des généralités vagues – pratiquement valables partout – sur le sentiment d’appartenance, le sens de la loyauté, la solidarité, l’application au travail et l’imagination créatrice. En effet, le plus souvent le raisonnement est purement spéculatif : soit son existence est présupposée sur le mode du « pour que le district fonctionne, il faut bien qu’il y ait une culture commune », soit ses caractéristiques sont déduites de la structure socio-démographique de la population et du fonctionnement du système des entreprises. Mais, dans tous les cas, on manque terriblement de preuves empiriques. On est là dans un domaine – celui des « facteurs invisibles » – qui ne requiert pas seulement de la « souplesse » ainsi que les districtologues le proclament à l’envi, mais bien davantage l’élaboration d’indicateurs pertinents et d’une procédure d’analyse appropriée. Cela étant, son étude peut emprunter des voies différentes : qu’il s’agisse de l’analyse de la construction des identités collectives, de l’identification du « collective programming of mind » de la population77, ou encore de la reconstitution de la « conscience de place »78.
13. L’atmosphère industrielle
41C’est dans Industry and Trade que Marshall a formulé la notion d’ « atmosphère industrielle » pour désigner l’ensemble des savoirs tacites et des savoir-faire dont la cristallisation et la circulation à l’intérieur d’un territoire productif sont conditionnées et stimulées par la concentration des entreprises et de main-d’œuvre spécialisée et la division de la production et du travail, la continuité des interactions entre les acteurs étant assurée par l’influence de règles et de coutumes acceptées par tous. Becattini a repris la notion en la complétant par l’idée d’un encastrement social et historique du processus d’apprentissage et d’innovation. Cependant, en soutenant qu’un district se développe essentiellement en mobilisant les connaissances tacites accumulées dans le territoire, il surestime sans doute le rôle de la proximité géographique et culturelle dans la formation des externalités de connaissance. Cette vision des choses correspond vraisemblablement aux premières années du développement d’un district mais, dans les phases ultérieures, il convient de faire davantage de place aux institutions d’enseignement et de recherche, aux connaissances codifiées, et aux relations que les acteurs nouent à l’extérieur du territoire, ce qui fait toute l’importance des réseaux qui rattachent les districts au monde extérieur79. La remarque vaut évidemment davantage encore pour les districts technologiques ou de haute technologie80.
III. Un programme en trois actes
42Toutes ces questions, et d’autres encore (le rôle des services, l’innovation…), ont nourri la réflexion des quelque cinquante chercheurs venus de six pays (France, Italie, Suisse, Espagne, Royaume-Uni, Etats-Unis) qui, pendant quatre ans, ont participé au programme de recherche sur « Les dynamiques territoriales de l’industrialisation en Europe (1750-2000) » que, avec Pierre Lamard et Laurent Tissot, nous avons lancé en 2003 et qui a bénéficié du soutien du ministère de la Recherche à travers l’Action concertée incitative (ACI) « Espaces et territoires » et du Fonds National Suisse (FNS) de la recherche scientifique. Sa mise en œuvre a été scandée par trois colloques destinés à en présenter, discuter et diffuser, étape par étape, les résultats : un premier à Besançon en octobre 2004, un second à Neuchâtel en janvier 2006, et un dernier à Helsinki en août 2006 dans le cadre du XIVème Congrès international d’histoire économique (session 28). Le lecteur a en mains les actes du colloque de Besançon qui a été plus particulièrement consacré aux entreprises, aux formes de régulation et aux trajectoires des districts, mais il lui faudra attendre que toutes les pièces du dossier aient été publiées pour juger de la fécondité d’un programme de recherche qui doit être considéré dans son ensemble81.
43La démarche qui a été la nôtre avait quelque chose d’expérimental puisque, en élargissant l’enquête à l’ensemble des systèmes productifs localisés que l’on observe dans le temps long de l’industrialisation, nous faisions évidemment éclater les catégories existantes. En prenant nos distances avec les hypothèses dominantes, nous renouvelions certes le questionnement, mais sans être pour autant assurés de la pertinence des analyses qui en résulteraient. Enfin, en réunissant des chercheurs venant de disciplines différentes, nous faisions le pari d’une interdisciplinarité qui ne se limiterait pas à une juxtaposition paresseuse mais accepterait les risques de la confrontation et du dialogue.
44Naturellement, comme toujours, les intervenants ont répondu au cahier des charges à partir de leurs propres préoccupations, si bien que les questions posées ont été très inégalement traitées et que des directions imprévues ont été suivies. Mais tous, et il faut leur en être reconnaissant, ont eu à cœur de présenter, à partir de recherches suscitées ou stimulées par ce projet, des communications largement inédites. Cela nous a valu de belles découvertes et des discussions animées et fructueuses. Au lecteur, maintenant, de nous suivre dans une exploration dont les chemins ne sont pas toujours rectilignes.
Notes de bas de page
1 A. BAGNASCO, Tre Italia. La problematica territoriale dello sviluppo italiano, Bologne, Il Mulino, 1977.
2 On trouvera une bibliographie des travaux de cette première période dans G. FUA et C. ZACCHIA (dir.), Industrializzazione senza fratture, Bologne, Il Mulino, 1983, p. 273- 334, ainsi que dans G. GAROFOLI, « Lo sviluppo delle aere periferiche nell’ economia italiana degli anni settanta », L’industria, n° 3, 1981, et « Sviluppo regionale e restrutturazione industrriale : il modelo italiano degli anni 70 », L’industria, n° 6, 1983.
3 Parmi les rares chercheurs qui, avant Becattini, ont mobilisé le concept de district industriel dans des études de cas, cf. R. C. RILEY, Industrial geography, Londres, Chatto et Windus, 1973.
4 G. BECATTINI, « Dal settore industriale al distretto industriale : alla ricerca dell’unità d’indagine della economia industriale », Revista di economia e politica industriale, n° 1, 1979.
5 Parmi les ouvrages les plus importants, cf. S. BRUSCO, Piccole Imprese e Distretti Industriali : una raccolta di sagi, Turin, Rosenberg et Sellier, 1990.
6 G. BECATTINI, « Riflessioni sul distretto industriale marshalliano comme concetto socio-economico », Stato e Mercato, avril 1989, p. 111-128.
7 M. BELLANDI, « La formulazione originaria » (1982), in G. BECATTINI, Mercato e forze loacale : il distretto industriale, Bologne, Il Mulino, 1987, p. 49-68 ; C. BELFANTI, T. MACCABILI (eds.), Un paradigma per i distrretti industriali. Radichi storiche, attualità e sfide future, Brescia, Grafo, 1997. Sur la formation et la diffusion de ce « paradigme », cf. J.-C. DAUMAS, « Districts industriels : du concept à l’histoire. Les termes du débat », Revue économique, Vol. 58, n° 1, janvier 2007.
8 La bibliographie d’un ouvrage récent – qui aurait d’ailleurs pu être allongée sans peine – en recensait plus de 2000. Cf. C. Crouch, P. LE GALÈS, C. TRIGILIA, H. VOELZKOW, Local production systems in Europe. Rise or demise ?, Oxford, Oxford UP, 2001, p. 238-264.
9 F. PYKE, W. SENGERBERGER (eds.), Industrial Districts and Local Economic Regeneration, Genève, IILS, 1992 ; A. BAGNASCO, C. SABLE (eds.), Small and Mediumsize Enterprises, Londres, Pinter, 1995; F. COSSENTINO, F. PYKE, W. SENGERBERGER (eds.), Local and regional response to global pressure : The case of Italy and its industrial districts, Genève, IILS, 1996.
10 Dans le cas de la France, cf. DATAR, La France, puissance industrielle. Une nouvelle politique industrielle par les territoires. Réseaux d’entreprises, vallées technologiques, pôles de compétitivité, Paris, La documentation française, 2004.
11 P. AYDALOT (ed.), Crise et espace, Paris, Economica, 1984 ; OCDE, Développement territorial et changement structurel, Paris, OCDE, 1993 ; M. E. PORTER, L’avantage concurrentiel des nations (1990), Paris, InterEditions, 1993 ; C. COURLET, Territoires et régions, Paris, L’Harmattan, 2001.
12 G. L. FONTANA (dir.), Le vie dell industrializzazione europea. Sistemi a confronto, Bologne, Il Mulino, 1997.
13 G. BECATTINI, Dal distretto industriale allo sviluppo locale, Turin, Bollati Boringhieri, 2000, qui réunit les articles publiés entre 1997 et 2000. Voir notamment, p. 187-188, l’analyse qu’il fait des critiques de l’américain B. HARRISON dans lesquelles il ne veut voir que des « diatribes frustes » qu’il explique par la difficulté pour un chercheur étranger de comprendre en profondeur la réalité italienne !
14 B. LECOQ, « Réflexion sur la dynamique des districts : une perspective évolutionniste », in C. FOURCADE, Industrie et régions, Paris, Economica, 1987, p. 108- 109.
15 J. ZEITLIN, « Industrial district and local economic regeneration : Overview and Comment », in F. PYKE, W. SENGENBERGER (dir.), Industrial Districts and Local Economic Regeneration, op.cit., p. 179-194 ; J.-C. DAUMAS, « Districts industriels : un concept en quête d’histoire », Bulletin du Centre d’histoire contemporaine, Université de Franche-Comté, n° 4, 2000, p. 125-136 ; M. LESCURE, « Le territoire comme organisation et comme institution », in M. LESCURE (ed.), La mobilisation du territoire. Les districts industriels en Europe occidentale du XVIIème au XXème siècles, Paris, Comité d’histoire économique et financière de la France, 2006, p. 1- 7 ; J.-C. DAUMAS, « Patronat, entreprises et institutions dans le complexe textile de Roubaix-Tourcoing au XIXème siècle », in M. LESCURE, La mobilisation du territoire, op. cit., p. 240-244 ; J. ZEITLIN, « District industriel et flexibilité de la production hier, aujourd’hui et demain », in M. LESCURE, La mobilisation des territoires, op. cit., p. 447-472.
16 A. MARSHALL, Principles of Economics, Londres, Macmillan, 1990, trad. française, Principes d’Economie politique, Paris, Giard et Brière, 1906, et Industry and Trade, Londres, Macmillan, 1919, trad. française, L’industrie et le commerce, Editions M. Giard, 1934.
17 M. FORTIS, Il made in Italy, Bologne, Il Mulino, 1998.
18 B. Ganne, « PME et districts industriels : quelques réflexions critiques à propos du “modèle italien” », Revue internationale PME, 2 (2-3), 1989, p. 276-277.
19 J. ZEITLIN, « Industrial district and local economic regeneration », op. cit., p. 284- 285.
20 M. PIORE, C. SABEL, Les chemins de la prospérité. De la production de masse à la spécialisation souple (1984), Paris, Hachette, 1989.
21 G. BECATTINI, Dal distretto industriale…, op. cit., p. 29.
22 G. BECATTINI, Distretti industriali e made in Italy, Turin, Bollati Boringhieri, 1998, p. 38, 88-90 et 98. Pour une description sans fard de la réalité des districts italiens, bien éloignée de cette vision apologétique, on consultera avec profit l’enquête journalistique de G. A. STELLA, SCHEI. Dal boom alla rivolta : il mitico Nordest, Milan, Oscar Mondadori, 2000.
23 Pour une analyse détaillée des trois courants brièvement présentés ci-dessous, cf. J.-C. DAUMAS, « A propos des districts industriels : trajectoires du concept et questions d’un historien », in D. RIVIERE, D. FRABOULET (eds.), La ville sans bornes, Paris, Nolin, 2006, p. 50-54..
24 J.-P. HOUSSEL, « Essor des villes manufacturières de l’habillement et industrialisation spontanée dans l’Italie du milieu », Revue de géographie de Lyon, vol. 47, 1972, n° 2 , p. 361-383 ; « Les industries autochtones en milieu rural » et « L’industrie oyonaxienne et l’ère des craquements », Revue de géographie de Lyon, vol. 55, 1980, n° 4 ; « L’industrialisation spontanée face à la crise de 1973 en Europe occidentale », Revue de géographie de Lyon, vol. 59, 1984, n° 4 ; le n° 3 de la Revue de géographie de Lyon, vol. 67, 1992, consacré aux petites et moyennes industries de la France rurale et presque entièrement rédigé par J.-P. HOUSSEL.
25 C. COURLET, « Coopération industrielle, PME et développement local : l’exemple savoyard », in C. FOURCADE, op. cit., p. 191-204 ; C. COURLET, B. PECQUEUR, Industrialisation et action économique locale en Anjou et dans le Choletais, Grenoble, IREP-développement, 1987, « Un modèle de développement industriel diffus : le Choletais », Histoires de développement. Cahiers de l’IES de Lyon, n° 4, décembre 1988, p. 26-31, et « Les systèmes productifs localisés en France : un nouveau modèle de développement », in G. BENKO, A. LIPIETZ, Les régions qui gagnent, op cit., p. 81-102 ; G. COLLETIS, C. COURLET, B. PECQUEUR, Les systèmes industriels localisés en Europe, Grenoble, IREPD Publications, 1990.
26 H. PUEL, J. SAGLIO, Concentration industrielle, mutation sociopolitique et développement urbain dans les villes moyennes : Oyonnax, formation du capital industriel et transformations urbaines, Lyon, GLYSI, 1979 ; B. GANNE, Gens du cuir, Gens du papier. Transformation à Annonay depuis 1920, Paris, Editions du CNRS, 1983 ; M.-F. RAVEYRE, J. SAGLIO, « Les systèmes industriels localisés : éléments pour une analyse sociologique des ensembles de PME industriels », Sociologie du travail, n° 2, 1984, p. 157-176 ; B. GANNE, J. SAGLIO et alii, Milieux industriels et systèmes industriels locaux : une comparaison France-Italie, Lyon, GLYSI, 1988.
27 Sur les difficultés d’identification statistique, cf. C. COURLET, « Les systèmes productifs localisés en France : une histoire récente », in M. LESCURE, La mobilisation du territoire, op. cit., p. 16-17, et F. LAINE, « Une approche statistique des systèmes productifs locaux », in DATAR, Réseaux d’entreprises et territoires. Regards sur les systèmes productifs locaux, Paris, La documentation française, 2001, p. 63-81.
28 G. BENKO, A. LIPIETZ, Les régions qui gagnent, op cit..
29 C. COURLET, « Les systèmes productifs locaux : de la définition au modèle », in DATAR, Réseaux d’entreprises et territoires, op. cit., p. 17-61.
30 Voir la note 10.
31 Une exception toutefois mais restée sans suite : A. DEWERPE, « Les systèmes industriels localisés dans l’industrie française », in B. GANNE (dir.), Développement local et ensembles de PME, Lyon, Document du GLYSI n° 6, 1992, p. 17-60.
32 J. LEVY, Le tournant géographique, Paris, Belin, 1999 ; J. LEVY, M. LUSSAULT (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, 2003, notamment les rubriques « local », p. 572-574, et « territoire », p. 907-917.
33 J.-C. DAUMAS, « Districts industriels… », op. cit.
34 J.-C. DAUMAS (ed.), Les systèmes productifs dans l’arc jurassien. Acteurs, pratiques et territoires (XIXème-XXème siècles), Besançon, PUFC, 2004.
35 J.-F. ECK et M. LESCURE (dir.), Villes et districts industriels en Europe, XVIIème-XXème siècles, Tours, Publications de l’Université François Rabelais, 2002.
36 M. LESCURE, La mobilisation des territoires, op. cit.
37 F. NUTI, « Frantumazione dei distretti industriali e nuova organizzazione dei rapporti tra imprese. Riesame della teoria e osservaioni suggerite da indagini dirette », in C. BELFANTI, T. MACCABELLI (eds.), Un paradigma per i distretti industriali. Radichi storiche, attualità et sfide future, Brescia, Grafo, 1997, p. 161-174 ; M. LESCURE, « Introduction générale », in J.-F. ECK et M. LESCURE, op. cit., p. 7- 12.
38 A. ALAIMO, Una altra industria ? Distretti et sistemi locali nell’Italia contemporanea, Milan, Franco Angelli,2002.
39 Plusieurs auteurs ont proposé des typologies qui tentent de rendre compte de la diversité des structures des entreprises et des relations entre elles. Pour les principales, cf. G. BECATTINI, « Système local et marché global. Le district industriel » (1993), in A. RALLET, A. TORRE (dir.), Economie industrielle et économie spatiale, Paris, Economica, 1995, p. 177 ; M. BELLANDI, F. SFORZI, « The multiple paths of local development », in G. BECATTINI, M. BELLANDI, G. DEI OTTATI, F. SFORZI, From industrial Districts to Local Development, An Itinerary of Research, Cheltenham, Edward Elgar, 2003, p. 218-223; M. PERRY, Small Firms and Network Economies, Londres, Routledge, 1999 ; A. MARKUSEN, « Sticky places in slippery spaces : a typology of industrial districts », Economic geography, Vol. 72, n° 3, 1996, p. 293-313.
40 P. SABBATUCCI SEVERINI, Continuità e mutamento. Studi sull’economia marchigiana tra Ottocento et Novecento, Quaderni monografici di « Proposte e ricerche », n° 21, 1996.
41 J. ZEITLIN, op cit, p. 286.
42 M. GRANOVETER, « Action économique et structure sociale : le problème de l’encastrement » (1985), in Le marché autrement, Paris, Desclée de Brouwer, 2000, p. 75-114.
43 J. F. WILSON, J. SINGLETON, « The Manchester industrial district, 1750-1939 : Clustering, networking and performance », in J. F. WILSON, A. POPP (eds.), Industrial clusters and regional business networks in England, 1750-1970, Aldershot, Ahsgate, 2003, p. 44-67.
44 G. BECATTINI, « Distretti industriale e storia dell’ industria italiana » (1998), in Dal distretto industriale…, op cit, p. 33-59.
45 G. BECATTINI (dir.), Prato, storia di una città. 4, Il distretto industriale (1943-1993), Florence, Comune di Prato/Le Monnier, 1997.
46 G. L. FONTANA, « Formation et évolutions des districts industriels du Nord-Est de l’Italie », op. cit.
47 G. BECATTINI, Distretti industriali e made in Italy, op. cit., p. 122-123.
48 M. BLOCH, Apologie pour l’histoire, Paris, Colin, 2004, p. 53-57.
49 Sur cet aspect de la question, cf. C. Maitte, « Mobilisation du territoire et diversité des parcours industriels à Prato et à Biella XVIIIème-XXème siècle », in M. LESCURE, La mobilisation du territoire, op. cit., p. 213-238.
50 C. COURLET, « Les systèmes productifs localisés en France », in M. LESCURE, op. cit, p. 11-28.
51 A. CAVALIERI (dir.), L’internazionalizzazione del processo produttivo nei sistemi locali di picola impresa in Toscana, Milan, Franco Angeli, 1995; F. Brioschi, M. S. BRIOSCHI, G. CAINELLI, « From the Industrial District to the District Group. An Insight into the Evolution of Local Capitalism in Italy », Regional Studies, 36/9, 2002, p. 1037-1052.
52 L. BURONI, Allontanarsi crescendo : Politica e sviluppo locale in Veneto e Toscana, Turin, Rosenberg et Sellier, 2001.
53 B. GANNE, « PME et districts industriels : quelques réflexions critiques à propos du "modèle italien" », Revue internationale PME, vol. 2, n° 2-3, 1989, p. 276-277.
54 L. WEISS, Creating Capitalism. The State and Small Business since 1945, Oxford, Blackwell, 1988 ; A. Arrighi, G. Seravalli (dir.), Istituzioni intermedie e sviluppo locale, Rome, Donzelli Editori, 1999.
55 Pour la France, cf. B. Ganne, « Place et évolution des systèmes industriels locaux en France. Economie politique d’une transformation », in G. Benko, A. Lipietz, Les régions qui gagnent, op. cit. p. 333-337 ; pour le Royaume-Uni, cf. J. ZEITLIN, « Why are there no industrial districts in the United Kingdom ? », in A. BAGNASCO, C. SABEL, Small and Medium-Size Enterprises, op. cit., p. 98-114.
56 L. BURRONI, « Mutamenti nell’organizzazione produttiva della Terza Italia. Une comparazione tra Veneto e Toscana », Sviluppo locale, VI, n° 11, 1999, p. 33-67.
57 Unioncamere, Imprese e istituzioni nei distretti industriali che cambiano, Milan, Franco Angeli, 1995 ; N. Crepax, Storia dell’industria italia. Uomini, imprese e prodotori, Bologne, Il Mulino, 2002, p. 347.
58 Pour ce type d’approche, cf. J.-C. DAUMAS, « La draperie elbeuvienne à l’époque contemporaine (1870-1975) : territoire, structure des entreprises et coordination de la production », in J.-F. ECK, M. LESCURE, op. cit., p. 307-320.
59 A. L. SAXENIAN, Regional Advantage : Culture and Competition in Silicon Valley and Route 128, Harvard, harvard University Press, 1994.
60 E. TERNANT, La dynamique longue d’un système productif localisé : l’industrie de la montre en Franche-Comté, Thèse, université de Grenoble 2, 2004, 2 vol.
61 G. Dei Ottati, Tra mercato e communità : aspetti concettuali e ricerche empiriche sul distretto industriale, Milan, Franco Angelli, 1995.
62 D. G. TREMBAY, « Partenariat, coopération et imbrications locales », in M.-U. PROULX (ed.), Mutations structurelles et déconcentration économique : des perspectives pour le développement territorial, Paris, L’Harmattan, 1998.
63 F. CARNEVALI, « Crooks, Thieves and Receivers : Transaction costs in Nineteenth-Century Industrial Birmingham », Economic History review, n° 62/3, 2004, p. 533-550 ; J.-C. DAUMAS, « Patronat, entreprises et institutions (…) », in M. LESCURE, La mobilisation du territoire, op. cit., p. 239-258.
64 J.-C. DAUMAS, Les territoires de la laine. Histoire de l’industrie lainière française au XIXème siècle, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2004, p. 132-137.
65 J.-C. DAUMAS, Les territoires de la laine, op. cit., p. 369-375.
66 S. BRUSCO est un des rares à avoir exprimé ses doutes sur la pertinence de la notion pour l’étude des districts. Cf. S. BRUSCO, Piccole imprese e Distretti industriali, op. cit., p. 461-468.
67 Sur la question des conventions, cf. R. SALAIS, M. STORPER, Les mondes de production. Enquête sur l’identité économique de la France, Paris, Editions de l’EHESS, 1993.
68 F.L. SIGNORINI, « Una virifica quantitativa dell’effetto district », Sviluppo locale, n° 1, 1994 ; A. NOVA, « L’economia delle imprese nei distretti italiani : redditivià, dominanza e strategie diffenziali », Economia e politica industriale, n° 111, 2001.
69 F. CESARINI, G. FERRI, M. GIARDINO (dir.), Credito e sviluppo. Banche locali e imprese minori, Bologne, Il Mulino, 1997 ; G. CONTI, G. FERRI, « Banche locali e sviluppo economico decentrato », in F. BARCA, Storia del capitalisme italiano dal dopoguerra a oggi, Rome, Progetti Donzelli, 1997, p. 306-320, et « Banques locales et soutien au développement décentralisé des PME en Italie au XXème siècle », in M. LESCURE, A. PLESSIS (eds.), Banques locales et banques régionales en Europe au XXème siècle, Paris, Albin Michel, 2004, p. 82-108. ; M. LESCURE, « Entre ville et campagne : l’organisation bancaire des districts industriels. L’exemple du Choletais (1900-1950) », in J.-F. ECK, M. LESCURE, op. cit., p. 81-104, et M. LESCURE, « Conclusion », in M. LESCURE, A. PLESSIS (eds.), Banques locales et banques régionales en France au XIXème siècle, Paris, Albin Michel, 1999, p. 323-330.
70 H. SCHMITZ, P. KNORRINGA, « Learning from the global buyers », Journal of development studies, Vol. 37, n° 2, 2000, p. 177-205.
71 R. RABELLOTI, « How globalization affects italian districts : the case of Brenta », in H. SCHMITZ (dir.), Local Enterprises in the Global Economy, Cheltenham, Edward Elgar, 2004, p. 140-173.
72 W. TOUSIJN, « Imprenditorialità e struttura di classe in une regione ad economia periferica », Quaderni di sociologia, n° 1, 1980-1981, p. 104-110 ; C. MAITTE, La trame incertaine. Le monde textile de Prato, XVIIIème-XIXème siècle, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 2001.
73 B. RAVELEAU, « Le métier de patron : du miracle au défi entrepreneurial vendéen », in F. PIOTET (dir.), La révolution des métiers, Paris, PUF, 2002, p. 249- 288.
74 P.-P. ZALIO, Grandes familles de Marseille au XXème siècle, Paris, Belin, 1999.
75 E. RITAINE, « Prato ou l’exaspération de la diffusion industrielle », Sociologie du travail, n° 2, 1987, p. 151-152.
76 Un bon exemple d’analyse dans P. JUDET, Horlogeries et horlogers du Faucigny (1849-1934). Les métamorphoses d’une identité sociale et politique, Grenoble, PUG, 2004, et « Patrons et ouvriers dans le monde de l’horlogerie-décolletage de la vallée de l’Arve (milieu du XIXème-milieu du XXème siècle », in M. LESCURE, La mobilisation du territoire, op. cit., p. 197-210.
77 G. HOFSTEDE, Culture’s consequences : International Differences in Work related Values, Beverly Hills, Sage Publications, 1980.
78 J.-M. OLIVIER, « La conscience de place : l’apport des historiens », in P. GUILLAUME (dir.), Les solidarités, t. 2, Du terroir à l’Etat, Pessac, MSHA, 2003, p. 239- 303.
79 B. ANCORI, A. BURETH, P. COHENDET, « The economics of knowledge : the debate about codification and tacit knowledge », Industrial and Corporate Change, n° 2, 2000, p. 255-287 ; d’intéressantes analyses sur la litterature dans C. HUSSLER, Espaces, externalités de connaissance et innovation : éclairages théoriques et empiriques, thèse, Université Louis Pasteur, 2004.
80 S. TORRISI, Imprenditorialità e distretti ad alta technologia. Teoria ed evidenza empirica, Milan, Franco Angeli, 2002 ; F. Malerba (dir.), Sistemi innovativi regionali a confronto, Milan, Franco Angeli, 1993 ; R. BIANCHI, A. ENRIETTI, R. LANZETTI, « The Tecnological Car District in Piedmont : Defintions, Dynamic, Policy », International Journal of Automotive Technology and management, 1/ 4, 2001, p. 397-415 ; J. JALABERT, Toulouse, métropole incomplete, Paris, Anthropos, 1995 ; M. KENNEY (ed.), Understanding Silicon valley : The Anatomy of Entrepreneurial Region, Palo Alto, Stanford University Press, 2000.
81 Les travaux du colloque de Neuchâtel ainsi que les résultats des discussions d’Helsinki seront publiés en un seul volume aux Editions Alphil (Neuchâtel), en 2007.
Auteur
Est professeur d’histoire contemporaine à l’université de Franche-Comté et directeur adjoint de la MSH C-N Ledoux. Il est membre de l’Institut universitaire de France et vice-président de l’Association française des historiens économistes (AFHE) Ses recherches actuelles se développent dans quatre directions : les dynamiques territoriales de l’industrialisation en Europe, le capitalisme familial au XXème siècle, la consommation en France au XIXème siècle et les entreprises sous l’Occupation. Publications récentes : « Districts industriels : du concept à l’histoire. Les termes du débat », Revue économique, vol. 58, n° 1, janvier 2007 ; « L’idéologue et le secrétaire. Les dirigeants du Consortium de l’industrie textile du Nord (1919-1942) », in Olivier Dard et Gilles Richard (dir), Les permanents patronaux, Metz, Publications du CRH de l’université de Metz, 2005 ; « Histoire des entreprises et environnement : une frontière pour la recherche » (avec Philippe Mioche), Entreprises et Histoire, n° 35, juin 2004 ; L’Arc jurassien : histoire d’un espace transfrontalier (codirection avec Laurent Tissot), Vesoul, Ed. Aerti/Cabedita, 2004 ; Les systèmes productifs dans l’Arc jurassien : acteurs, pratiques et territoires (direction), Besançon, PUFC, 2004 ; Les Territoires de la laine. L’industrie lainière en France au XIXème siècle, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2004 ; Le capitalisme familial : logiques et trajectoires, (direction), Besançon, PUFC, 2003.
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