Prisons et liberté
p. 41-54
Texte intégral
1Segismundo et Prouhèze sont au contraire des âmes captives. Prouhèze est captive d’une fausse paix, dans la maison de son mari ; Camille est captif d’une volonté perverse, tout entière affichée comme refus de Dieu. Quant à Segismundo, il est captif de sa propre « sauvagerie ». Il ne s’est pas efforcé de dominer la voie de nature, annoncée par les astrologues, mais il est tout entier la proie d’un déterminisme astrobiologique. La prison est l’indice, ici, dans le drame caldéronien, d’un monde qui ne connaît ni n’accepte la grâce. Le cachot, à défaut d’autre chose, protège Segismundo et les autres de lui-même :
«si sabes
que aquestas prisiones son
de tus furías arrogantes
Un freno que las detenga
Y una rueda que las pare
¿Porqué brasonas?» (Torn. I, esc. III)
2Dans ce cas, la prison est toujours trop étroite :
«estrecha carcel».
3Prouhèze ne se plaint-elle pas, elle aussi de sa trop étroite prison. La prison, pour Segismundo, pour Camille et pour Prouhèze, c’est leur condition existentielle même. C’est la condition de l’homme dans le temps. Ici encore, soulignons l’ambiguité du mot temps. La prison, c’est la condition de l’être qui substitue l’espace au temps, qui est tout entier dans le temps, enchaîné sans espoir d’émerger. Il devient la proie d’un mouvement vertigineux qui l’engloutit. Segismundo, Camille, Prouhèze et Rodrigue ont encore à naître. Ils ont à surmonter tout ce qui s’efforce de les maintenir dans l’horizontalité. Émerger, c’est retrouver la verticalité, c’est transformer le cercle des folies en ligne infinie de l’espérance. C’est comprendre que l’amour, dans la vision chrétienne, est essentiellement lié à la Passion. La ténèbre, la prison, c’est l’être privé de sa vraie liberté, de sa sagesse. La prison est à la fois le symbole de la volonté et du non vouloir. Elle métaphorise le combat négatif contre le temps. Dans une prison, c’est l’éternelle pénombre. Seule la souffrance blanchit l’homme, à son insu. L’homme est en proie à ses propres instincts. Segismundo est un sauvage, d’une cruauté inouïe. C’est l’être à l’état nature qui ne connaît ni la grâce, ni la rédemption ni l’amour qui descille les yeux du pécheur.
4Nonobstant, « pour Calderón, les deux couches de la conscience sont également imaginaires, bien qu’il préfère la domination du sur-moi conscient et qu’il soit convaincu de la supériorité de la Loi. Mais, d’autre part, il ne peut nier la réalité farouche du subconscient, aussi essentielle que cette autre. Si le monde ‘inférieur’ est fictif, l’autre ne l’est pas moins ». Pour Calderón, vrai baroque, la réalité ne peut être que fragmentaire, quelle que soit son apparence d’unité. Il est déjà dans un monde éclaté. Si l’état de sauvagerie de Segismundo n’était pas réel, alors, le Mal serait probablement négatif, puisqu’il serait né d’une rupture, d’une chute, d’un éloignement de Dieu. Or Calderón qui doute de la réalité de tout, ne doute pas de la réalité ni de la prédominance du bien :
«más, en sueños, fuera bíen
honrar entonces a quien
te crío en tantos empeños,
Segismundo, que aún en sueños
No se pierde el haber bien» (Jorn. II, esc. XX)
5Sur le plan essentiellement logique, les conclusions de Calderón sont fort peu convaincantes. Ce repentir de dernière minute semble relever d’un acte de peur, d’une panique devant l’évanescence des biens plutôt que d’une conviction inébranlable. Ce contraste virulent entre le refus premier et la reddition finale a quelque chose de surfait à moins que ce ne soit peut-être là la signature d’un esprit profondément baroque, qui ne cherche jamais à démontrer mais bien à capter les choses dans leur propre mouvance. Tout peut être, car tout est rêve, et la fonction baroque tend ici à anéantir la vie terrestre comme prélude à la survie, mais elle transforme également la foi en rêve.
6Par ailleurs, c’est la foi qui est le révélateur de l’évanescence des choses et de leur intemporalité. Et, elle, elle est bien réelle. Il se crée un double sentiment chez le témoin de cette œuvre, son propre lecteur : une certaine gêne, mais aussi un certain apaisement. Une gêne, qui viendrait de la vision même de la conversion de Segismundo : serait-ce là un acte purement politique ? Une pirouette ? D’un autre côté, ce genre de conclusion cadrerait mal avec l’esprit de Calderón. Il faut donc admettre la saisie baroque qui implique finalement toute la dimension homme, dans sa complexité et ses contradictions sans prétendre vouloir les résoudre. Cette dimension est-elle propre à l’époque ? Calderón était-il homme de foi ? Ce qui est surprenant, c’est précisément cette négation du mal, de la nécessité du mal. C’est peut-être là une différence essentielle avec Claudel. Pour Claudel, le mal, c’est précisément de ne pas être nécessaire. En tant que nécessité, le mal est vie, donc indispensable. La position claudélienne est d’inspiration, ne l’oublions pas, augustinienne. Le mal est aussi un des serviteurs de Dieu. Écoutons l’échange entre Prouhèze et l’Ange Gardien :
« L’Ange gardien. – Cet orgueilleux, il n’y avait pas d’autre moyen de lui faire comprendre le prochain, de le lui entrer dans la chair ;
Il n’y avait pas d’autre moyen de lui faire comprendre la dépendance, la nécessité et le besoin, un autre sur lui, la loi sur lui de cet être différent pour aucune autre raison si ce n’est qu’il existe.
Doña Prouhèze. – Eh quoi ! Ainsi c’était permis ? cet amour des créatures l’une pour l’autre, il est donc vrai que Dieu n’en est pas jaloux ? l’homme entre les bras de la femme...
L’Ange Gardien. – Comment serait-Il jaloux de ce qu’il a fait ? et comment aurait-il rien fait qui ne lui serve ?
Doua Prouhèze. – L’homme entre les bras de la femme oublie Dieu.
L’Ange Gardien. – Est-ce l’Oublier que d’être associé au mystère de Sa Création, Franchissant de nouveau pour un instant l’Éden par la porte de l’humiliation et de la mort ?
Doña Prouhèze. – L’amour hors du sacrement n’est-il pas le péché ?
L’Ange Gardien. – Même le péché ! Le péché aussi sert. »
7La position de Claudel devient très explicite dans les Mémoires Improvisés :
« Il y a quelque chose de plus triste que d’être déçu, c’est d’être exaucé ».
8C’est à cette charnière que se situe le drame de Basilío, père de Segismundo. Il a essayé de contourner la tragédie en se fiant aux astres. Basilío essaie, par tous les moyens, d’y échapper. Il ne veut pas affronter, et c’est là sa faute. Vouloir échapper à un destin, c’est déjà l’accepter sans espoir de changement. Le mal est dans la fuite, car il consiste en un refus de l’épreuve, et de la volonté divine. Pour Claudel, au contraire, le mal est « l’hameçon dans les entrailles ». Il va opérer le réveil de la torpeur et susciter l’inquiétude. Il engendre la douleur, donc la conscience du devoir être, et par là même, il apporte la révélation de la Joie. Prouhèze n’avoue-t-elle pas avoir été pour Rodrigue « une épée au travers de son cœur ». La reconnaissance du mal implique également la possibilité du repentir :
« Je sais que là où le péché abonde, là Votre miséricorde surabonde » (Corom Begnitatis Anni Dei).
9La faute de Basilío est de n’avoir compté que sur la science pour percer les mystères de l’au-delà, sans savoir que :
«a quien le daña el saber
homicida es de sí mismo » (Jorn. I, esc. VI).
10Basilío soulève un problème qui, semble-t-il, a beaucoup préoccupé la littérature du « Siglo de Oro ». Qu’on évoque el Condenado por desconfiado de Tirso de Molina, et l’on se trouve devant la même problématique : que devient la foi lorsqu’elle est confrontée à des oracles, à des idéologies, à des certitudes qui, a priori, la nient. Basilío a cherché des garanties contre les coups du sort. Il a voulu conjurer l’adversité. En essayant de juguler la fortune, il nie l’attribut essentiel de Dieu : la Miséricorde. Et le pouvoir de la prière. A l’intervention directe, la prière, comme moyen de briser le déterminisme astro-biologique, il préfère se soumettre à la nature, et va jusqu’à oublier le regard divin :
«¿Quién no da credito al daño,
y más al daño que ha visto
en su estudio, donde hace
el amor propio su oficio?
Pues dando credito yo
a los hados que divinas
me pronosticaban daños
en fatales vaticinias,
déterminé de encerrar
la fiera que había nacido,
por ver si el sabio tenía
en las estrellas dominio» (Jorn. I, esc. VI).
11Basilío échoue. Il refuse l’épreuve de la foi, et croyant parer au destin, c’est lui qui le provoque. Il met sur le même pied sa connaissance des astres et sa propre foi. Les astres ne peuvent mentir. Il n’est donc rien qui puisse être tenté pour échapper à leur décret. Tout se passe comme si Dieu lui-même était soumis aux lois astrales.
12C’est précisément cela qu’Abraham réussit à briser. En tant qu’astrologue, Abraham sait également que ni lui ni Sara ne pourront jamais enfanter. Mais il fait taire sa connaissance, pour ouvrir son oreille à une autre écoute que celle de la connaissance. Abraham établit le principe de la Providence. Basilio se garantit contre les oracles, et ce faisant, il les provoque. Qu’on songe à Œdipe, ou plutôt aux parents d’Œdipe. Ne rien mettre au-dessus de la connaissance est une façon païenne de provoquer les destins. Si l’on compare les oracles de Basilio avec les songes de Joseph, un élément nous frappe immédiatement. Le patriarche identifie immédiatement la source des songes de Joseph, mais il lui ordonne de jouer son histoire dans les limites de la temporalité et de l’espace. Jacob sait qu’en envoyant Joseph à Sichem, il risque de déclencher la justice de ses frères et de l’exposer même à la mort. Mais il fait confiance à la Providence et réussit, en laissant faire, à provoquer la royauté de Joseph. Il illustre le verset :
« Intègre tu seras avec ton Dieu ».
13L’innocence reste la meilleure des armes, car précisément, elle désarme. Basilío symbolise, en quelque sorte, la défaite janséniste. Il provoque, parce qu’il a accepté les décrets des devins, l’irrémédiable. Son monde ne connaît pas de « techouva », de « retour ». C’est le monde de l’irréparable, l’irrémissible, etc. C’est là une croyance enracinée : ce qui s’est passé une fois en cette vie ne saurait s’effacer et tout est enregistré dans le « Liber scriptus », évoqué dans le « Dies Irae ». Écoutons « l’Ombre double » :
« Maintenant je porte accusation contre cet homme et cette femme par qui j’ai existé une seconde seule pour ne plus finir et par qui j’ai été imprimée sur la page de l’éternité ! Car ce qui a existé une fois fait partie pour toujours des archives indestructibles. »
14C’est là un problème très épineux. Si tout reste inscrit dans une encre indélébile, la prière ou le repentir ont-ils un sens ? Claudel, quant à lui, oscille et hésite entre ces deux tendances, qui, dans son art, créent une tension très soutenue. Si tout demeure inscrit, tout est cependant « réparable ». La scène où s’opposent Prouhèze et Camille en reste une émouvante illustration :
« Don Camille. – Et cependant qui diable m’a fait, je vous prie, si ce n’est elle seule ?
Doña Prouhèze. – Je ne suis pas chargée de vous refaire.
Don Camille. – Qu’en savez-vous ? » (Journée I, sc. III).
15Le retour en appelle forcément à l’amour gratuit et à la miséricorde. Segismundo prouvera bien, quant à lui, après l’échec de la seule sagesse, que rien n’est irréparable, lorsque l’homme, une fois sur cette terre, rencontre la figure d’un ange, le visage de l’amour. Sa conversion, aussi foudroyante qu’inattendue, surprend tout le monde :
«Basilío. – Tu ingenio a todos admira.
Astolfo. – Qué condicíon tan mudada!
Rosaura. – ¡Qué discreto y qué prudente!» (Jor. III, sc. XIV)
16Dans le drame caldéronien, comme dans le drame claudélien, l’espoir joue un rôle capital. Tout peut, à tout moment, se renverser totalement. C’est le propre du baroque, confirmé ici par la métaphysique. Il n’est pas de voie sans retour ni de condamnation définitive. Le croire, c’est se condamner. Ce qui sauve l’être de l’ironie temporelle, c’est précisément l’humour de ce quelqu’un qui est en moi : ce « je » qui, précisément n’est pas un autre, mais ce « je » qui est « plus moi-même que moi » et qui détient la vocation du moi, celui, qui à notre insu, se fait complice de Dieu, ce « je » qui selon Claudel, n’a pas encore atteint l’âge adulte...
17Dans l’enfance du moi, la grâce ne saurait s’exercer, dans la conscience. Dans l’Auto sacramental, Dieu entoure l’homme de la Musique, de la Sagesse et de la Grâce. Segismundo établit le passage du paganisme à la chrétienté et Rodrigue celui de la chrétienté au catholicisme.
18Rodrigue, en la personne de Prouhèze et Segismundo en celle de Rosaura rencontrent tous deux « une insuffisance à la mesure de ‘leur’ désir ».
19Comment achever le cercle ? telle est la question qui se pose à chacun d’eux. Il leur faut assumer le passage de l’indomptabilité, de l’infini, du non-achevé, du fragmentaire à la maîtrise de soi, souvent confondue avec le renoncement, au fini, au particulier. La courbe du temps ne s’infléchira que selon leur choix Si Rodrigue veut, par le biais de Prouhèze, le monde à venir, il devra lui dire NON et Segismundo, lui, devra, tout au contraire dire OUI à la vie qui le sollicite. L’homme est alors le seul maître de son destin. Destin ou vocation ?
20La scène des adieux de Rodrigue à Prouhèze est, à ce point de vue, parfaitement édifiante :
« Le Vice-Roi. – Je suis le maître encore ! Si je veux, je peux t’empêcher de partir !
Doña Prouhèze. – Est-ce que tu crois vraiment que tu peux m’empêcher de partir ?
Le Vice-Roi. – Oui, je peux t’empêcher de partir.
Doña Prouhèze. – Tu le crois ? eh bien, dis seulement un mot et je reste. Je le jure, dis seulement un mot, je reste. Il n’y a pas besoin de violence. Un mot, et je reste avec toi. Un seul mot : est-il si difficile à dire ? Un seul mot et je reste avec toi.
Silence. Le Vice-Roi baisse la tête et pleure. Doña Prouhèze s’est voilée de la tête aux pieds » (Le Soulier de satin, 3ème journée, scn. XIII).
21Pourquoi Rodrigue ne le dit-il pas, ce mot ? La réponse nous est renvoyée en écho par Segismundo :
«porqué el hado mas esquivo
la inclinación mas violenta
el planeta más impio
solo el albedrio inclinait
no fuerzan el albedrio» (Jorn. I, esc. IV).
«...porque el hombre
predominia en las entrellas» (Jorn. Il, esc. I).
22Segismundo renvoie en écho la réponse que cherchent et Rodrigue et Prouhèze.
23Dès l’ouverture du Soulier de satin, la prière du prêtre nous invitait à lire cette histoire sur de multiples registres :
« Et déjà Vous lui avez appris le désir, mais il ne se doute pas encore de ce que c’est que d’être désiré.
Apprenez-lui que Vous n’êtes pas le seul à pouvoir être absent ! Liez-le par le poids de cet autre être sans lui si beau qui l’appelle à travers l’intervalle !
Faites de lui un homme blessé parce qu’une fois en cette vie il a vu la figure d’un ange ! » (Prologue)
24Quant à Segismundo, « compuesto de hombre y fiera » il n’en est pas moins appelé à l’accomplissement de son destin. Pied à pied, obstacle après obstacle, Rodrigue comme Segismundo devra remonter les arrêts de la Providence, nonobstant, une différence essentielle dans leurs conjonctures astrologiques. Rodrigue n’est pas né pour prêter une oreille passive à« l’immense concert » que fait ce« million de choses qui existent ensemble » mais pour « fermer les portes de l’Inconnu », prouver que la terre est ronde et parfaite. Toutefois, Il lui faut passer par l’acception de la croix comme axe du monde. La passion, la douleur est ici ardemment souhaitée, comme le chemin conducteur à la « vraie » vie.
25Il n’en est pas de même pour Segismundo. Lui est emprisonné, en nourrice et même sa naissance lui est contestée, comme étant le « primer pecado del hombre », la première faute de l’homme. Thème abondamment exploité : la naissance, faute endémique de l’homme. Rodrigue devra se libérer en libérant toute la terre. Il doit renaître, dans la connaissance.
26Segismundo est, lui, au départ, bien plus malheureux. Ses propres géniteurs voudraient nier et sa naissance et son existence. Son emprisonnement, dès la mamelle, constitue, de la part de son propre père, la négation même de son droit à l’existence. Il lui faudra vraiment naître et se donner un père. Cet être privé d’amour, envers lequel l’immoralité la plus perverse a été pratiquée, car, qu’est-ce que l’acte moral, sinon de donner vie à autre que soi ? Cet être là devra découvrir l’amour dont il a été sevré et la charité. Une absence totale de miséricorde a présidé à sa destinée, et cette absence est peut-être génératrice des fautes les plus grandes. Sa naissance est entourée d’injustice, et il lui faut endosser le poids de tout le malheur humain. En ce sens, il ressemble à Rodrigue qui ne peut se sauver sans sauver une multitude. Segismundo aura à se recréer par le langage. Il devient le générateur du langage, puisque l’acception de son être a pour but de prouver le « mésusage » de la langue, dans ses significations les plus obscures et les plus figées. En recréant une langue d’amour, il aura à mettre en échec les puissances démoniaques, les forces de fixation de la vie :
«Lo que está determinado
del cielo, y en azul tabla
Dios con el dedo escribió
de quien son diras y estampas
tantos papeles azules
que adorn an letras doradas
nunca engaña, nunca miente;
porque quien miente y engaña
es quien, para usar mal dellas,
las penetra y las aleanza.
Mi padre, que está presente
para excusarse a la saña
de mi condición, me hizo
un bruto, una liera humana
de suerte que cuando yo,
por mi nobleza gallarda
por mi sangre generosa
por mi condición bizarra,
hubiera nacido docíl
y humilde, sólo bastara
tal genero de vivir,
tal linaje de crianza
a hacer fieras mis costumbres
¡Qué bu en modo de estorbarlas!»
(Jorn. III, esc. XIV).
27La tâche de Segismundo est fort difficile. Il lui faut redéfinir le temps en tant qu’Histoire. Il doit démontrer que s’il est vrai que les événements de l’Histoire sont chose arrêtée dans l’intention divine, le déroulement de cette Histoire et\son cours dépendent, eux, de la volonté de l’homme. A l’homme de répondre aux épreuves imposées par le vouloir de Dieu en juste ou en impie, mais il lui est interdit de se dérober à l’épreuve. C’est là une voie difficile. Le Ciel ne peut s’être trompé. Mais le Ciel s’est-il vraiment exprimé ainsi ? C’est là qu’intervient l’idée thomiste du « mal » usage de la nature. Si Dieu ne s’est pas trompé, comment Segismundo pourrait-il se sauver ? Et comment transcender l’Histoire ? Or Dieu ne s’est pas trompé et Calderón n’est pas janséniste.
28Pour Calderón, le temps ne saurait détruire, ni être détruit. Segismundo, comme Rodrigue, doit prouver qu’il n’est rien d’irrémédiable et Basilío a fauté par manque de foi dans le Dieu d’amour. Il a fait tout dépendre de sa propre connaissance, et non de la néantisation de cette connaissance. Il a cherché à se protéger de l’épreuve en la contournant et non en l’affrontant, dans la rectitude et l’innocence première. Il y a là une faute de l’arbre de connaissance, la déviation de la connaissance hors de la vie et du cours normal de la vie. Pour accéder à la dignité de l’être, qui est aussi celle de sa propre parole, Rodrigue comme Segismundo a à naître, au présent, dans un présent qui résorbe en son instant tout le passé et tout le futur.
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