9. Vauban… et les autres, tradition ou modernité ? Ingénieurs et fortifications en Europe dans la seconde moitié du xviie siècle
p. 135-156
Résumés
Les travaux militaires de Vauban peuvent être confrontés à ceux de ses contemporains. Une brève présentation des plus importants des ingénieurs militaires européens montre que modernité contre tradition dans l’emploi des méthodes de fortification est relatif. La fortification de Vauban après 1678 est d’abord empreinte de pragmatisme : des formes nouvelles ou d’anciens éléments réactivés sont bâtis sans références au système bastionné. Le Hollandais Menno van Coehoorn travaille selon la même idée. Et l’Allemand Georg Rimpler, disparu prématurément, était véritablement un précurseur.
The military work of Vauban can be compared with those of his contemporaries. A brief presentation of the most important European military engineers shows that modernity versus tradition in the use of fortification methods is relative. The fortification of Vauban after 1678 is primarily stamped in pragmatism: new forms or re-use of ancient elements are built without references to the bastioned design. The Dutch Menno van Coehoorn works in accordance to the same idea, and the German Georg Rimpler, who disappeared early, was a real precursor.
Texte intégral
1Dans une Europe en guerre endémique, chaque pays – parler de nation est par trop anachronique – développe son ingénierie militaire et chaque gouvernement – monarchie ou république – veille à sécuriser son territoire. Au point de vue technique, ce rôle est confié des ingénieurs des fortifications qui, après 1650, sont tous des ingénieurs militaires1.
2Pour le XVIIe siècle, le plus connu et le plus renommé d’entre eux est bien entendu Vauban. Avec David Chandler (Chandler, 1990, p. 217), plusieurs considèrent que son seul rival sérieux est Menno van Coehoorn, d’ailleurs surnommé « le Vauban hollandais » (Feller, 1789-1794, t. III, p. 231). Cependant, en Italie, en Espagne, dans l’Europe centrale et du Nord, émergent au même moment d’autres personnalités, certes restées dans l’ombre de l’Histoire tout en ayant joué un rôle de premier plan dans leur pays respectif. Encore une fois, « l’arbre cache la forêt » et le XVIIIe siècle européen, largement francophone, consacre le technicien de Louis XIV grand vainqueur des guerres du siècle précédent : Alexandre Savérien, dans son Histoire des progrès de l’esprit humain dans les sciences exactes, n’écrit-il pas que « depuis Vauban, l’architecture militaire n’a point fait de progrès sensible » après n’avoir parlé que de celui-ci pour la fortification du XVIIe siècle ? (1766, p. 410)2.
3Effectivement, mythifié au lendemain de sa mort, Vauban passe pour être le meilleur concepteur de fortification des Temps modernes. On lui attribue d’ailleurs généreusement chaque fort bastionné, chaque enceinte urbaine munie de ces flanquements pentagonaux dont la géométrie parfaite des tracés réjouit l’œil, que ces ouvrages datent en réalité du XVIe siècle ou soient largement postérieurs à l’ingénieur français. Et Vauban est souvent considéré également comme celui qui a porté à sa perfection l’architecture militaire bastionnée, désormais « classique »3. Donc, a priori, il serait le plus moderne des modernes !
4Examiner à travers le prisme de la modernité – et de son opposé qui est la tradition – la fortification européenne au temps de Vauban est une approche qui permettra un embryon de réponse. D’une part, Vauban est-il moderne dans sa pratique de fortificateur ? D’autre part, ses contemporains et alter ego sont-ils à rejeter impitoyablement dans le camp des traditionalistes ?
5Encore faut-il s’entendre sur la notion de modernité. Pour Jean Baudrillard, c’est « un mode de civilisation caractéristique qui s’oppose au mode de la tradition » (Baudrillart, 2005). L’Encyclopédie écrit que moderne est « ce qui est nouveau ou de notre temps, en opposition à ce qui est ancien » (Diderot et d’Alembert, 1779, t. XXII, p. 23). La modernité est repérable en Europe à partir du XVIe siècle. Elle n’est toutefois pas avant-garde, concept d’ailleurs plus récent, qui est un choix plus avancé, éclairant sur l’avenir même s’il n’est pas immédiatement suivi (Tzvetan Todorov). Il n’y a pas lieu, semble-t-il, de s’interroger sur un éventuel « avant-gardisme » de Vauban. La fortification, élément de la guerre, est un champ d’action éminemment concret et il ne s’agit pas, quand un ingénieur fortifie une ville ou un château, de réflexion virtuelle mais de réponse pratique à un besoin immédiat. Même dans les traités théoriques, en tout cas avant le XVIIIe siècle, les auteurs ont cette préoccupation4.
6En corrélat, cela voudrait-il dire que la fortification bastionnée, dite aussi « à la moderne », née en Italie au début du XVIe siècle, peut être vue comme devenue « traditionnelle » au milieu du XVIIe siècle ? Un ingénieur, en 1650, ne fait-il ainsi que répéter des modèles, certes adaptés ponctuelement, mis au point des décennies auparavant ? Vauban romprait-il avec cette tradition du bastion désormais bien ancrée dans les pratiques européennes ? Inévitablement, il en sera question.
7Comme il est question également de « classicisme », au sens de ce qu’on apprend en classe. Au moment où les collèges jésuites multiplient les cours de fortification, où aux Pays-Bas méridionaux est créée une des premières académies militaires, ce n’est pas incohérent.
I. La fortification de Vauban
8En cette année tricentenaire, des mises au point fort utiles ont été faites à propos des manières de fortifier de Vauban et le schématisme outrancier des « trois systèmes », lui aussi né dans la foulée de la mythisation, a été finalement battu en brèche5.
9Sans s’étendre outre mesure sur les différentes facettes des tracés et des formes fortifiées mises en œuvre tout au long de sa carrière6, l’on peut noter que ses réalisations jusqu’en 1680 n’innovent pas fondamentalement : tant les forts que les enceintes témoignent d’un usage parfaitement maîtrisé du tracé bastionné inventé au siècle précédent, simplement modifié au fil du temps pour en améliorer l’efficacité, notamment par la systématisation de l’angle obtus entre flanc et courtine (à la manière de Pagan, 1645 ; Jordan, 2003, p. 200)7 (fig. 1, p. 138). C’est donc un front bastionné devenu « traditionnel » que Vauban utilise, voire « classique » puisque c’est celui qui est enseigné par les manuels et dans les rares établissements de formation des officiers.
10Après la guerre de Hollande (1672-1678), il modifie sa pratique. D’abord en revenant aux flancs orillonnés pour les bastions, ensuite en utilisant réellement l’eau dans la défense8, puis en inventant de nouvelles formes de fortification ou en réactualisant d’anciens organes : la tour bastionnée, la tour d’artillerie ou à feu d’infanterie, le fort casematé détaché, le bastion retranché à la gorge, enfin en combinant différents tracés et pièces de fortification polymorphes mais toujours adaptées au terrain. Il n’hésite pas à faire des emprunts à l’ennemi, lorsqu’un ouvrage fortifié lui semble intéressant, comme les redoutes de Luxembourg qu’il a eu à attaquer et qu’il réutilise à Dinant (fig. 2 et 3, p. 139).
11Mais c’est l’absence de dogmatisme de sa part, associée à une grande souplesse dans l’emploi des formes architecturales, qui témoigne finalement de sa modernité, à l’encontre de ses prédécesseurs et de la plupart de ses contemporains qui restent globalement praticiens d’un modèle-type.
12Curieusement, et comme l’écrit Nicolas Faucherre, « ses successeurs idolâtres ont ainsi organisé pédagogiquement ses fortifications en trois systèmes successifs qui, pour commodes qu’ils soient, vont radicalement à l’encontre de ses propres conceptions et de la réalité du terrain » (Faucherre, 2007, p. 30)9, ramenant sa pratique à des modèles désormais classiques, dont les deux plus « modernes », à tours d’artillerie bastionnées, ne feront d’ailleurs pas école avant le tournant du XIXe siècle !
II. Ses contemporains européens10
1. Aux Pays-Bas septentrionaux
13Rappelons que le fondateur d’une véritable école du génie aux Pays-Bas est Simon Stevin (1548-1620). À partir de 1593, il fonde à Leyde une école militaire pour les ingénieurs et imposera une manière de fortifier standard : bastions en terre gazonnée, flancs droits perpendiculaires par rapport aux courtines, fausse braye quasi généralisée, demi-lunes, ouvrages à cornes et chemins couverts en avancée. Stevin développe en outre une fortification fondée sur l’emploi des inondations défensives et de l’eau qu’il maîtrise par un savant jeu d’écluses (Elkhadem & Bracke, 2004).
14Malgré la tentative de modernisation par Hendrik Ruse (1624-1679), qui propose un tracé calqué sur celui de Pagan, avec des flancs obliques par rapport aux courtines, la fortification hollandaise se conforme à l’enseignement de Stevin11. Ruse rencontre plus de succès au Danemark, où il bâtit à Copenhague une citadelle pentagonale à sa manière, avec une trame intérieure orthogonale qui tranche avec le schéma radioconcentrique habituellement utilisé et qui permet une utilisation rationnelle de l’espace (fig. 4, p. 141)12.
15Suite à l’invasion du pays par les Français en 1672 et la chute rapide de dizaines de forteresses, il apparaît indispensable de transformer les défenses des places fortes qui se sont révélées inefficaces. Dès la paix venue en 1678, c’est globalement le tracé de type français qui est adopté, celui d’Huningue notamment (nouvelle enceinte par Vauban et Tarade en 1679). L’initiateur de ce tracé et de ces formes est l’ingénieur Paul Storff de Belville, un transfuge allemand au service successivement de Venise, de l’Espagne, d’Angleterre puis de la France avant de devenir de 1678 à 1684 ingénieur-général et colonel au service des Provinces-Unies – il repartira ensuite travailler pour la république de Venise. À Naarden, on voit ainsi construire entre 1678 et 1685 de vastes bastions à flancs droits et d’autres à orillons courbes et à doubles flancs concaves, très bas sur l’horizon, et dont les parties en maçonneries supportent d’importants talus. En effet, l’essentiel des remparts est en terre gazonnée. Les demi-lunes sont très en avant les courtines dans un trop large fossé en eau, le chemin couvert est protégé par un avant-fossé inondé (Van Wieringen, 1980-1981 ; Kapelhoff, 1983-1984 ; Boekwijt, 1986- 1987) (fig. 5, p. 142).
16Le plus connu des ingénieurs néerlandais est Menno van Coehoorn (1641-1704), appelé de son vivant déjà le « Vauban hollandais »13. Il publie un premier traité de fortification théorique en 1682, suivi de deux autres en 1683 et en 168514. Ce sont des ouvrages en premier lieu polémistes, en réaction aux travaux théoriques et pratiques de l’ingénieur Paan ou Paen, qui a participé à la fortification de Naarden avec les ingénieurs Nicolaas Witsen et Adriaan Dortsman.
17Son parcours est tout différent de celui de Vauban qui s’est toujours refusé de publier sur la fortification : Coehoorn se fait d’abord remarquer par ses traités théoriques bien avant de pratiquer l’architecture.
18Les caractéristiques de sa pensée sont : fortification en site aquatique, basse sur l’horizon ; prédominance accordée aux ouvrages extérieurs, parfois plus vastes que ceux du corps de place ; parties maçonnées basses et au corps de place uniquement, emploi de la terre pour les remparts ; généralisation des tenailles et des flancs bas ; bastions orillonnés à flancs doubles ou triples ; usage de galeries crénelées en contrescarpe, tirant à revers (fig. 6, p. 143).
19C’est seulement après 1697 que Coehoorn a l’occasion de mettre ses théories en pratique dans son pays natal, bien qu’il ait auparavant dirigé des travaux importants à Namur, Huy et Liège depuis 1689. Dans ces villes des Pays-Bas espagnols, il fait construire des ouvrages sensiblement atypiques mais au maximum adaptés au terrain : lignes tenaillées, forts détachés pentagonaux, en trapèze, carrés, et des ouvrages à cornes ou à couronne calqués sur des modèles vaubaniens, mais dont la terre constitue le matériau principal. Mais la multiplication de ces ouvrages avancés ne tient aucun compte du chiffre des garnisons disponibles pas plus qu’il ne se préoccupe de la protection des défenseurs (forts non casematés, ouverts à la gorge, à simple parapet).
20Jusqu’en 1705, la modernisation des fortifications des Provinces-Unies se poursuit sous sa direction. Il adapte ses tracés fortifiés à chaque lieu : Bergen-op-Zoom est munie en 1698 d’une enceinte du troisième système tandis qu’à Coevoorden, deux ans plus tard, il utilise son premier tracé ; à Doesburg (fig. 7, p. 144), à Nimègue, à Munnikenhof (1699-1701) ce sont des lignes tenaillées ; à Waspik, une série de redoutes juxtaposées. À Mannheim, il re-fortifie la ville pour le prince-électeur selon son premier système. La terre est toujours utilisée en priorité. Pas de systématisation donc, mais un choix de formes architecturales en fonction du site, dans un esprit pragmatique, nous dirions « moderne ».
2. En Angleterre
21Bernard de Gomme (1620-1685) (Saunders, 2004), considéré par certains comme originaire de Lille, mais né en réalité à Terneuzen (Zélande) et donc sujet hollandais, est ingénieur des rois d’Angleterre Charles Ier, Charles II et Jacques II. Après quelques temps passé avec Frédéric-Henri de Nassau aux Pays-Bas, il entre au service du prince Rupert en 1642, pendant la guerre civile anglaise. La reddition des royalistes en 1646 est cause de son retour aux Pays-Bas jusqu’en 1660. Le roi Charles II l’emploie alors comme « surveyor-general ». On lui doit notamment le projet d’enceinte à Liverpool (1644), les fortifications en terre autour d’Oxford pendant la guerre civile, le fort Tilbury sur la Tamise (1662), les fortifications du port et la citadelle de Portsmouth (1665sv), l’enceinte de Plymouth (1665sv). Tous ces ouvrages trahissent une influence hollandaise, par l’usage des doubles flancs et de contre-gardes basses. Il a travaillé à la construction de la première citadelle de Dunkerque, entre 1658 et 1662, dont le tracé intègre les flancs obtus entre bastion et courtine et les flancs droits redoublés, mais conserve la fausse braie ; le matériau principal est la terre gazonnée (fig. 8, p. 145). Bernard de Gomme se révèlerait ainsi un bon élève de l’« école hollandaise » de la première moitié du XVIIe siècle, qui a intégré certains éléments de la fortification « à la française ». D’une manière générale, en Grande-Bretagne, la fortification bastionnée « classique » depuis son introduction au début du XVIe siècle, semble rester en deçà des grandes recherches en la matière. Sans doute le fait qu’il s’agisse d’une île dont les côtes doivent seules être protégées d’une attaque extérieure, conjugué à la prééminence de la marine de guerre, l’explique-t-il (Longmate, 1993)15. À quoi s’ajouterait une sorte de blocage politique après la Glorieuse Révolution, quand les membres du Parlement seraient réticents à financer des fortifications représentatives du pouvoir monarchique (Childs, 1976 ; 1987).
3. Espace espagnol
22Quelques années plus jeune, Sebastian Fernandez de Medrano (1646- 1705) (Villa, 1882 ; Cobos Guerra, 2005) commence sa carrière militaire comme soldat sur la frontière du Portugal, et la termine comme directeur de l’Académie militaire de Bruxelles. Intéressé par la fortification, il suit les cours de l’Académie militaire de Madrid. Arrivé aux Pays-Bas méridionaux en 1667, il accompagne d’abord son aîné Salomon Van Es avant d’intégrer l’académie militaire de Bruxelles dont il devient directeur en 1692. Sans être un grand praticien, il publie une série de traité pédagogiques à l’usage de ses élèves officiers, dont L’ingénieur pratique en 168716 (Jordan, 2003, p. 86-87). Outre la géométrie cartésienne, Medrano fait référence dans son manuel aux théories essentiellement germano-hollandaises : Adam Fritach, Matthias Dögen, Nicolas Goldman, Simon Stevin et Samuel Marolois. Sont brièvement mentionnées celles de Manuel Alvarez pour l’Espagne, de Pietro Sardi (1560- après 1642) et Francesco Tensini (1581-1630) pour l’Italie. Suivent Errard de Bar-le-Duc, Alain Mannesson-Mallet (1630-1706), ingénieur du Portugal, puis Antoine de Ville, Pagan, les Jésuites Fournier et Milliet de Chales (1621- 1678). Malgré la présence de ceux-ci, on ne perçoit pas d’influence française comme primordiale dans son enseignement. Il ne parle d’ailleurs jamais de Vauban, pourtant son contemporain et dont les idées sont connues, pas plus que de Menno van Coehoorn. Cependant, le tracé des enceintes bastionnées qu’il propose sont bien d’inspiration vaubanienne (fig. 9, p. 147) !
23Le traité est divisé en cinq livres. Dans le premier sont présentées les différents tracés fortifiés. Le deuxième passe en revue tous les éléments constitutifs d’une place. Le troisième est un manuel pratique de la construction, incluant casernes, magasins et corps de gardes, bâtiments militaires que Medrano est le premier à détailler autant. Les sièges sont exposés dans le quatrième livre. Quant au cinquième, il explique en détail la géométrie.
24Contemporain de Vauban et de Coehoorn, Medrano influence fortement ses successeurs et ses élèves Simon de Bauffe (1676-1738), Ferdinand Fernandez de Ribadeo (actif après 1689) et Georges-Prosper Verboom (1665- 1744) – fondateur de l’école du génie espagnol au XVIIIe siècle –, sans avoir pratiqué lui-même l’architecture militaire. Son rôle d’enseignant dans la diffusion des théories de la fortification à la fin du XVIIe et au début du XVIIIe siècle est primordial. Pour Luigi Marini, il est le « primo ingegnere tra gli Spagnuoli, come Vauban tra i Francesi, Coehoorn tra gli Olandesi, e Rimpler tra i Tedeschi » (Marini, 1810).
25Possession des rois d’Espagne depuis 1504, les Pays-Bas méridionaux possèdent une administration propre qui gère notamment toutes les questions militaires.
26Deux ingénieurs, Salomon Van Es (mort en 1684) et Jean Boulengier (1625/30-1706) émergent après 1660, tous deux parvenus au grade de lieutenant général de l’artillerie, grade en principe jamais accordé à un natif des Pays-Bas méridionaux sauf à eux. Purs praticiens, ils paraissent dominer la profession17.
27À Salomon Van Es revient en 1666 la conception et la construction de la ville forteresse de Charleroi (fig. 10, p. 148). Hexagone flanqué de bastions aigus et à flancs droits formant un angle obtus avec les courtines munies de fausses-brayes, renforcé de demi-lunes, de contre-gardes et d’ouvrages à cornes, il présente une trame viaire radio-concentrique. Le tracé fortifié paraît novateur par rapport aux autres fortifications contemporaines dans les Pays-Bas, et permet un flanquement optimisé ; faut-il y voir l’influence du traité de Pagan ? Peut-être : ce traité circulait quasi au même moment à Bruxelles, où la deuxième édition est publiée en 1668. Antérieure d’un an à la citadelle de Lille, il est possible aussi que Charleroi en ait inspiré la disposition globale, nonobstant le parti pentagonal préféré pour la forteresse voulue par Louis XIV selon le modèle des citadelles d’Anvers et de Turin bâties par Paciotto au XVIe siècle et malgré les critiques émises par Vauban sur le plan de la cité hennuyère.
28À peu près contemporain, Jean Boulengier est membre d’une véritable dynastie d’ingénieurs. La matricule de l’Université de Louvain renseigne son inscription le 25 janvier 1645. Sa carrière, qui couvre les années 1645 à 1699, est bien remplie. Ingénieur patenté en 1649, capitaine en 1667, il est nommé lieutenant général de l’artillerie en 1672 et anobli en 1679. Il débute à « la direction des fortifications des villes maritimes et aux sièges d’Armentières, Lens, Commines, Landrecies, Dixmude (blessure) et autres villes (campagnes de 1644-1645) ». Il dit également avoir été blessé au siège de Dunkerque. En 1647, il est chargé de surprendre le fort de la Kenoque. En 1650, il est blessé au siège de Mouzon. Son premier fait d’armes important est une participation au siège de Bergues-Saint-Winoc (blessure) en 1651. Ses années d’expérience sont donc celle d’un poliorcète, exactement comme Vauban. Des missions de reconnaissance et d’espionnage lui sont ensuite confiées. Il épie Vauban à Ath, comme celui-ci s’en plaint à Louvois en 166918. La même année, il fait le projet de citadelle à Ypres : pentagone bastionné, l’ouvrage est entièrement construit en terre gazonnée ; le parti général est dans le droit fil des œuvres françaises contemporaines, Tournai et Lille. Mais une fausse braye entoure la forteresse yproise, l’inscrivant dans une tradition fortificative propre aux Pays-Bas méridionaux. Cette citadelle est avec des forts détachés ici et là l’essentiel de son œuvre créatrice, ses autres interventions étant la reprises de travaux élaborés par d’autres. En mai 1699, il rend un projet de canaux pour relier Anvers, Bruges et Gand, mission dont il avait été chargé par le gouverneur des Pays-Bas Maximilien-Emmanuel de Bavière. Il est en outre plusieurs fois chargé d’examiner les compétences d’un candidat ingénieur ou d’un candidat géomètre.
29Quasi contemporain de Vauban et de Coehoorn, Jean Boulengier est non seulement à la fin du XVIIe siècle l’ingénieur le plus ancien en poste, c’est aussi le plus titré, et celui dont on conserve par ailleurs le plus de réalisations cartographiques et topographiques.
30Les travaux de ces deux personnages ne se démarquent pas sensiblement des habitudes en la matière.
4. Italie
31L’Italie reste au XVIIe siècle une mosaïque d’États dont les plus puissants, outre le royaume des deux Siciles (dépendant de la couronne espagnole), sont l’État pontifical, et au nord le Piémont et le duché de Milan.
32Les théoriciens italiens, qui ont dominé l’édition de livres sur les fortifications au XVIe siècle, disparaissent pratiquement et ne renouvèlent pas les idées en profondeur. Klaus Jordan répertorie 42 ouvrages italiens sur 460 édités entre 1650 et 1700, soit moins de dix pour cents, alors qu’ils constituent 90 % de la production jusqu’en 1600 et un bon tiers de 1600 à 1650. En outre, la Vénétie perd définitivement sa suprématie en matière de fortification avec la prise de la Crète par les Turcs et la chute de Candie (Héraklion) en 1669.
33Les recherches de Marino Vigano ont néanmoins révélé l’importance et la qualité des réalisations de Gaspare Beretta (1620-1703) dans le Milanais et en Piémont (Vigano, 2001). Entré dans l’armée en 1639, il participe à une série de sièges avant d’être envoyé en Espagne comme consultant. Il fait une tournée d’inspection qui le mène en Franche-Comté en 1662, avant plusieurs missions plus ou moins secrètes jusqu’en 1674. Emprisonné pour corruption de 1679 à 1684, il reprend du service, fortifie les places du Milanais et défend les places assiégées par les Français. Il cesse ses activités trois ans avant sa mort. Beretta est d’un niveau supérieur à un autre ingénieur beaucoup plus jeune, Pietro Morettini (1663-1737) (Vigano, 2007), sans toutefois parvenir à un grade élevé : fortificateur, il laisse également ce qui apparaît bien comme un projet de traité basé sur son expérience, rédigé sur le tard et resté manuscrit. Aussi bien dans ses projets de fortification que dans ses réflexions théoriques, Beretta donne clairement la préférence aux systèmes hollandais d’Hendrick Ruse et surtout de Menno van Coehoorn : flancs retirés ou arrondis à plusieurs étages, fausse braye, ouvrages détachés divers, il use encore d’angles droits entre bastion et courtine. Il s’inspire néanmoins ailleurs des tracés de Vauban (fig. 11, p. 150).
5. Espace germanique
34Peu étudié jusqu’ici, Georg Rimpler (1636-1683) naît en Saxe (Bayerischen Akademie der Wissenschaften, t. 28, p. 618). Envoyé par l’empereur, il participe aux derniers mois du siège de Candie contre les Turcs qui finissent par prendre la place en 1669 après plusieurs années. Il prend ensuite part, en 1672 et dans le camp français aux sièges de Duisburg, Nimègue, Crèvecoeur, Bommel, et de 1674 à 1676, à ceux de Grave, Philippsbourg et Trèves contre les Français, mais n’y affronte pas directement Vauban alors occupé en Flandres. En 1683, il meurt au cours d’une contre-attaque pendant la défense de Vienne assiégée par les Turcs (Melegari, 1972, p. 158-161 ; Seymour, 1991, p. 85-91 ; Rumpler, 2003, p. 167-201). Son expérience de poliorcète lui fait écrire à partir de 1671 des traités de fortification dans lesquels il préconise de manière très novatrice un tracé tenaillé, embryon de ce qui sera un siècle plus tard la quintessence de la fortification perpendiculaire de Montalembert (cf. Montalembert, 1773-1796 ; Pierron, 2003). Il faut cependant attendre les commentaires de L.C. Sturm en 1718 et la réédition des quatre livres de Rimpler en 1724 pour que des illustrations accompagnent le texte, qui seraient donc l’œuvre de ses commentateurs (Rimpler, 1671 ; 1674 ; Sturm, 1718)19. Curieusement, un exemplaire des planches gravées de l’une de ces éditions tardives se trouve dans les archives personnelles de Vauban20 : interpolation de documents venant de l’autre partie des archives de Rosanbo, celles des Le Pelletier d’Aunay ?
35À l’instar de Vauban, Georg Rimpler propose un nouveau système de fortification basé sur son expérience pratique de preneur de place (cf. Marini, 1810, p. 113-115 ; Jähns, 1966, t. II, p. 1 351-1 371 ; Fara, 1989, p. 188-190 ; 1993, p. 91-92). En particulier, la guerre des mines pratiquée par les Turcs influence sa pensée : un talus en terre revêtue d’un parement est finalement plus nuisible qu’un talus en terre simplement soutenue de maçonnerie. En outre, la garnison, les armes et les munitions peuvent être protégées par des voûtes à l’épreuve réservées dans le corps du rempart et les défenseurs s’abritent dans des galeries de tir voûtées elles aussi.
36Le tracé qu’il suggère est novateur (fig. 12, p. 152) : les courtines sont supprimées, laissant place à de grandes tenailles à l’angle rentrant vers la ville et flanquée de bastions à flanc droits, le tout avec une fausse braye discontinue ; les parties maçonnées sont peu élevées, entièrement défilées et munies de galeries d’escarpe crénelées ; un double fossé entoure la place, avec des rampes dans les glacis pour les sorties de cavalerie et des demi-lunes devant les angles rentrants ; côté intérieur, un fossé sec et un parapet isolent les remparts du tissu urbain. C’est du moins la vision qu’en donne Sturm, peut-être lui-même influencé par les systèmes de Coehoorn. Quoi qu’il en soit, c’est le tracé pratiquement tenaillé qui détone dans le paysage de la fortification théorique contemporaine, mais qui ne paraît pas avoir eu d’applications directes à cause de la forte emprise au sol qu’il impose. Par comparaison, le tracé perpendiculaire de Montalembert couvre une surface moindre car bastions et ouvrages détachés sont omis. La disparition précoce de Rimpler l’a vraisemblablement empêché de passer à une quelconque réalisation mettant ses réflexions en pratique.
37Au Danemark, l’œuvre de Gottfried Hoffman (1621-1687) a été révélée il y a quinze ans (Westerbeek Dahl, 1992). Peu, sinon inconnu, il a un rôle majeur dans la mise en défense du royaume de Danemark et dans la mise sur pied du corps des ingénieurs dans ce pays. Né en Silésie, étudiant à Leipzig et à Strasbourg, il entre au service en 1648, après la fin de la guerre de Trente Ans.
38Les travaux sont réalisés jusqu’en 1658 pour fortifier les villes tant face à la Suède qu’à un éventuel débarquement depuis la mer. Les tracés adoptés s’inspirent de la fortification hollandaise ancienne manière et, dans une moindre mesure, de celle du Strasbourgeois Daniel Speckle (1536-1589) : bastions à flancs droits, parapets en terre, fausse braye, demi-lunes devant les portes. L’influence de Hendrik Ruse est ici absente et la fortification de Hoffman présente des caractéristiques classiques.
6. Russie
39Pendant très longtemps, les Russes ont manifesté dédain et méfiance vis-à-vis des étrangers et des États occidentaux en général. Le fossé paraît en effet très grand entre l’Occident et l’empire des tsars refermé sur lui-même et qui n’entretient que très peu de contacts malgré la présence de commerçants à Moscou. Pierre Ier, dit « Le Grand », (1672-1725) est le premier tsar à voyager, lors de la « grande ambassade » en 1696-1697 puis à nouveau en 1717. Suite à son premier séjour de plus de dix-huit mois en Hollande, Angleterre et en Autriche, il engage près de huit cents techniciens européens pour moderniser son pays, notamment au point de vue militaire.
40En guerre contre l’empire turc et, bientôt, contre la puissante Suède de Charles XII (1682-1718), Pierre Ier a besoin d’une armée moderne et bien équipée, d’une marine adaptée – la construction navale a eu sa préférence très tôt – et, bien entendu, de forteresses résistantes. À titre exemplatif, le manuel d’instruction militaire en usage à la fin du XVIIe siècle datait de 1647 et constituait la traduction d’un ouvrage allemand de 1615 (Massié, 1985, p. 324)21. Le tracé bastionné a été introduit tardivement, à la fin du XVIe siècle, et conserve des structures traditionnelles comme des tours en capitale des bastions (Nossov et Dennis, 2006, p. 11-12).
41Des places fortes aux remparts bastionnés modernes voient le jour, Azov et Tangarog au sud (1696) et surtout la forteresse Saints-Pierre-et-Paul à Saint-Pétersbourg, à l’embouchure de la Neva (1703) (fig. 13, p. 153). Les premières sont l’œuvre d’ingénieurs autrichiens « prêtés » par l’empereur Léopold Ier (Massié, 1985, p. 145). L’autre, enceinte à six bastions de terre gazonnée, est parfois considérée comme l’importation des fortifications « à la Vauban » en Russie, et l’on en rapproche le parti général de Phalsbourg ou même de Gravelines. Mais il n’en est rien, et s’il faut trouver un modèle occidental, il faut aller voir en Hollande, par exemple à Naarden (remparts reconstruits par Paul Storff de Belville de 1678 à 1685), d’autant que l’on sait que Pierre a pris des leçons de fortification auprès de Menno van Coehoorn lors de son séjour à Delft en 1697 (Idem, p. 183).
42Pierre Le Grand n’a d’ailleurs pas été en France avant 1717. Il n’avait pas voulu que la « Grande ambassade » traverse le royaume de Louis XIV, en partie à cause de la mauvaise réception faite à ses ambassadeurs en 1687. Il a donc ignoré en général la manière vaubanienne de fortifier. Certes, la nouvelle enceinte de Naarden s’inspire des modèles français, mais en conservant le principe d’une construction à plus de 50 % terrassée à la mode hollandaise. Parmi les transferts de technologie attestés en Russie par la traduction de traités théoriques sous le règne de Pierre Le Grand, figurent des manuels d’architecture militaire hollandais (Coehoorn) et allemands (Sturm, Rimpler, Borgsdorf), contre un seul français (Gouzevitch et Gouzevitch, 2006, p. 197-229, en particulier p. 207-209). Ces traductions russes des traités d’artillerie et de fortification paraissent entre 1708 et 1712. C’est aussi à Pierre Le Grand que l’on doit la création d’une école d’artillerie en 1701 et d’une école du génie militaire huit ans plus tard (Idem, p. 204). On attribue cependant le plan de Saints-Pierre-et-Paul à l’ingénieur français Joseph-Gaspard Lambert, qui avait aidé le tsar dans la campagne de Narva en 1700 (Logatchev, 1989, p. 12)22. Quant aux écrits de Vauban, seul le traité de l’attaque des places a bien été diffusé jusqu’en Russie, mais tard dans le XVIIIe siècle. Il est toutefois vrai que les tracés de la fortification hollandaise et de Saint-Pétersbourg restent proches de celui du « premier système » de Vauban.
43C’est là un échantillonnage évidemment non exhaustif. Toutefois, la représentativité des ingénieurs évoqués permet un coup d’œil global sur la fortification européenne à l’époque où Vauban était à l’œuvre. Une information manquerait, sur la puissance qui est aux portes de l’Europe et qui ne cesse de lancer ses assauts : la Sublime Porte. Mais les Turcs ne sont pas connus pour leurs livres d’architecture militaire. Au contraire, ils sont passés maîtres dans la poliorcétique, aidés par des transfuges occidentaux, ceux qui sont appelés les « renégats ». Montecuccoli (1609-1680), qui les a combattus, déclare sa piètre estime des fortifications turques (Montecuccoli, 1734, p. 289 sv)23. D’autre part, une des seules sources d’information disponible en Occident à la fin du XVIIe siècle était la dernière partie du traité d’Alain Mannesson Mallet (1630-1706) : il y apparaît que les Turcs ne fortifient « aucune place dans les règles de l’art » et « qu’ils ne sont pas de grands génies dans l’art de fortifier les places » (Mannesson Mallet, 1684-1685, t. III p. 317 sv)24. Il est évident que la modernité occidentale de la fortification leur échappe, d’autant qu’il sont plus offensifs que défensifs… Et quand le besoin s’en fait sentir, ils emploient des ingénieurs « renégats ».
44En fin de compte, plus que la modernité ou un certain conservatisme, l’on constate plutôt un découpage nord-sud : la fortification à la hollandaise, en terre, et ses organes spécifiques comme la fausse braye, règnent dans l’Europe du Nord, de l’Angleterre à la Baltique. Le tracé bastionné à la Vauban inspire les Italiens et les Espagnols, qui demeurent fidèles aux remparts maçonnés.
45La modernité de l’architecture militaire est relative : emploi de modèles stricts d’un côté, invention permanente chez Vauban, mais aussi chez Coehoorn qui se révèle également adaptatif et libre en fonction de la géographie et du site, innovation réelle mais sans lendemain direct chez Rimpler.
46La fortification de la seconde moitié du XVIIe siècle est ainsi classique dans sa fidélité au schéma bastionné, et moderne dans les « écarts » présentés par le polymorphisme d’ouvrages divers, lui-même imposé par les aléas des sites naturels. Le succès de la fortification de Vauban « première manière » – somme toute la plus représentée – au XVIIIe siècle semble d’abord le reflet de l’adoption des formules du vainqueur, tant la France de Louis XIV apparaît comme telle après 1715. Par ailleurs, ses formules les plus innovantes (tours bastionnées, redoutes turriformes et polymorphes), faisant la part belle à l’art de la maçonnerie, ne sont pas transférables telles quelles à des espaces où la terre est le matériau de prédilection pour la fortification.
47Autre constat, celui de l’intense circulation des idées en la matière, favorisée certes par la mobilité naturelle des ingénieurs, mais aussi par les transfuges d’un pays à un autre et le besoin de la part des « aventuriers » de l’architecture militaire de se vendre au mieux, comme encore grâce à la diffusion multilingue des traités théoriques et des manuels pédagogiques. Pour ne citer qu’un exemple, le cas de Charles Le Goulon (1645-1705), capitaine de mineurs huguenot, parti après 1685 avec son savoir et dont on publie dès 1706 un traité d’attaque et de défense des places selon les idées de Vauban, son ancien patron, est révélateur (Goulon, 1961 ; Hebbert, 2004)25. Et les emprunts explicites ou implicites sont plus fréquents qu’il n’y paraît au premier abord. Dans une situation de guerre permanente, les ingénieurs s’inspirent les uns des autres. Il serait intéressant de décomposer en détail les manières de fortifier de chacun, pour « rendre à César ce qui lui appartient ».
48La fin sinon le ralentissement des conflits européens dans les décennies qui suivent la mort du grand roi, comme le constat de la constitution de frontières fortifiées considérées comme achevées contribueront à figer l’art de la fortification et à faire naître des recherches « de papier » en la matière, désormais souvent déconnectées des réalités de terrain.
Notes de bas de page
1 J’ai tenté de démontrer cette militarisation progressive d’une profession faite au départ de techniciens civils (Bragard, 1998).
2 Alexandre Savérien (1720-1805), mathématicien français, ingénieur de la marine, concepteur de l’académie de marine de Brest et auteur d’ouvrages sur l’architecture navale, l’histoire de la philosophie et des sciences, l’architecture.
3 Très évocateur à ce point de vue est le titre d’un catalogue d’exposition édité en 1983, lors de la précédente commémoration de Vauban (350e anniversaire de sa naissance) : Lagoutte, 1980.
4 Qu’il s’agisse de la mise par écrit d’une expérience professionnelle passée, de proposer un manuel d’apprentissage pour les futurs ingénieurs, de proposer des modèles nouveaux, les théoriciens de la fortification des XVIe et XVIIe siècles veulent s’inscrire dans leur temps. Par contre, je crois que la littérature en architecture militaire après 1720 se tourne vers une réflexion plus abstraite hors les ouvrages pédagogiques, et les schémas d’ouvrages proposés pour renouveler le genre paraissent déconnectés des réalités de la guerre de siège.
5 Si l’on peut regretter que les grands livres fassent en quelque sorte l’impasse sur ce sujet, il faut noter la contribution d’Isabelle Warmoës (2007) et surtout le chapitre donné par Nicolas Faucherre (2007, p. 30-32).
6 Que le lecteur me permette de renvoyer d’une part à la contribution d’Isabelle Warmoës dans ces mêmes actes et d’autre part la mienne à paraître dans les actes du colloque de Nevers.
7 Blaise-François de Pagan (1604-1665), ingénieur sous Louis XIII, publie en 1645 ses Fortifications qui connaîtront jusqu’en 1745 quatre éditions en français, trois en allemand et deux en néerlandais (Jordan, 2003, p. 200).
8 Ce que j’ai tenté de montrer dans Bragard, 2007.
9 Déjà en 1934, Pierre Lazard écrivait que « si l’on voulait voir, en Vauban, un homme à systèmes, il faudrait lui attribuer non pas trois mais six systèmes » (Lazard, 1934, p. 392).
10 Je reprends ici en synthèse et avec quelques compléments et corrections Bragard, 2007b.
11 Originaire d’une famille huguenote alsacienne tôt émigrée, Hendrik Ruse entre au service de Maurice de Nassau comme ingénieur en 1658, puis de Frédéric III de Danemark en 1660. Son traité Versterkte vesting, publié en 1654, connaît huit éditions, dont quatre en allemand et une anglais jusqu’en 1670 (Jordan, 2003, p. 230-231 ; Van Wieringen, 1982, p. 38-40).
12 Sur la citadelle de Copenhague, qui est conservée : Westerbeek Dahl, 2007. Bien que dès 1554, Pietro Cataneo propose une trame orthogonale pour les forteresses et citadelles pentagonales, celles édifiées entre 1540 et 1680 présentent toutes un plan radioconcentrique.
13 Il débute sa carrière à seize ans, puis sert comme lieutenant d’infanterie en 1659. Franchissant les étapes de la hiérarchie militaire, il devient en 1692 major général puis, en novembre 1695, ingenieur generael der fortificatiewerken deser landen. En 1697, il est fait grand-maître ou maître général de l’artillerie et en 1701 gouverneur de Sluis. Voir en dernier lieu van Hoof, 2004.
14 Versterkinge de vijfhoeks met alle syne buytenwercken, gestelt tegens die van de ing. En cap. L. Paan, Leuuwarden, 1682. Le troisième traité de Coehoorn est un best seller, avec onze éditions jusqu’en 1743, en néerlandais, en français, en allemand, en anglais et en russe (Jordan, 2003, p. 58).
15 En majorité, les traités de fortification anglais des XVIe et XVIIe siècles sont des traductions ou des adaptations d’ouvrages italiens, français et hollandais (Cockle, 1900).
16 Une première édition moins développée sort en 1677 et l’ouvrage est réédité ensuite à neuf reprises jusqu’en 1790, en espagnol et en français.
17 Je leur ai consacré une notice détaillée dans ma thèse de doctorat, Bragard, 1998, vol. 4, p. 18-19 et 115-116.
18 Lettre du 18 août, publiée par de Rochas d’Aiglun, 1910, t. II, p. 31-32, et par Monsaingeon, 2007, p. 46.
19 Cinq titres différents échelonnés de 1671 à 1678. Ces ouvrages sont réunis en 1724 dans une édition posthume par L.A. Herlin (ingénieur saxon mort en 1762) (Jordan, 2003, p. 224-225). D’après Neumann (1984, p. 387), Herlin ne fait qu’illustrer la théorie de Rimpler sans rien y changer.
20 Au milieu d’autres documents sur la théorie de la fortification, dont des dessins de Pierre Clément (1652-1704), ingénieur et secrétaire de Vauban (Blanchard, 1981, p. 171).
21 Il s’agit du « Kriegskunst zu Fuss » de Johann Jacob von Wallhausen, publié à Oppenheim (Cockle, 1900, n° 621, p. 161).
22 Ce n’est qu’à partir de 1706 que la forteresse est peu à peu parementée de maçonnerie. Joseph-Gaspard-Louis Lambert (de Guérin), né à Grenoble en 1655, ingénieur à Paris et en Arles en 1689, disparaît des contrôles français après cette date, Blanchard 1981, p. 417.
Notons aussi que l’ingénieur saxon Ludwig von Hallart, « prêté » par Auguste Le Fort, a servi également le tsar au siège de Narva (Massié, 1985, p. 306).
23 Son traité de la guerre contre les Turcs est rédigé en 1670.
24 La première édition de cet ouvrage ne comprend pas la partie sur l’armée turque.
25 Goulon quitte impromptu son service en novembre 1685, au grand déplaisir de Louvois ; entré au service de Guillaume d’Orange, il est fait colonel d’artillerie, puis devient général major une fois passé à celui de l’empereur. Son traité, écrit en français, connaît seize éditions jusqu’en 1761, dont cinq en allemand et une en suédois (Jordan, 2003, p. 108).
Auteur
Docteur en archéologie et histoire de l’art (UCL, 1998), est professeur à l’Université catholique de Louvain, où il enseigne l’histoire de l’architecture, de l’urbanisme et la conservation des monuments. Responsable du Centre d’Histoire de l’Architecture et du Bâtiment à l’UCL, il est aussi conseiller pour le patrimoine mondial – World heritage Advisor (ICOMOS), et Président de l’association les Amis de la citadelle de Namur. Il a publié plus de 150 articles et ouvrages dont récemment L’armée et la ville dans l’Europe du Nord et du Nord-Ouest du XVe siècle à nos jours (co-édition avec J.F. Chanet, C. Denys et Ph. Guignet, Louvain-la-Neuve, 2006), Vauban entre Sambre et Meuse 1707-2007 (Namur, 2007), Vauban et les voies d’eau. Les étoiles de Vauban (Paris, 2007 ; en collaboration avec M. Virol, M. Adge, R. Moreira et Y. Roumegoux), La place publique urbaine (co-édition avec L. Baudoux-Rousseau et Y. Carbonnier, Arras, 2007).
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