20. L’œuvre de Conrat Meit en Franche-Comté : les tombeaux des Chalon dans l’église des Cordeliers de Lons-le-Saunier
p. 429-448
Texte intégral
1S’il paraît superflu de s’arrêter sur la vie et la personnalité de Philibert de Chalon, prince d’Orange (1502-1530) (Robert, 1902 ; Cools, 2003, p. 115-128 ; Centre jurassien du patrimoine, 2002 ; Soisson, 2005 ; Brunet, 1991), qui est connu de tous, il s’avère nécessaire de reprendre le dossier relatif à la réalisation de sa dernière demeure, qui, malgré la publication déjà ancienne des marchés de construction (Gauthier, 1898, p. 250-282), le prestige des commanditaires et la renommée des exécutants (Burk, 2006 ; Trœscher, 1927 ; Duverger, 1934 ; Lowenthal, 1976 ; Smith, 1994), n’a guère retenu l’attention, et ce pour plusieurs raisons. En effet, l’ensemble est resté inachevé, les sculptures déjà réalisées ont disparu pour la plupart et l’ambiguïté de certains termes employés dans les documents a, semble-t-il, découragé les historiens de reconstituer la structure générale de ce monument, d’expliquer les choix iconographiques effectués et enfin de replacer cet ensemble funéraire dans le contexte général des grands tombeaux princiers de la Renaissance européenne. L’objectif de cette intervention n’est que d’apporter quelques éléments de réflexion sur le sujet. Une enquête plus approfondie est en cours.
I. La commande
2Philibert de Chalon avait par testament chargé sa mère Philiberte de Luxembourg1 de choisir son lieu de sépulture et d’ériger le monument funéraire (Robert, 1902, t. II, p. 27, preuve n° 19). Philiberte décide de confier aux Cordeliers de Lons-le-Saunier la dépouille de son fils qui reposerait ainsi auprès de son père Jean IV de Chalon-Arlay et de Jeanne de Bourbon, première épouse de ce dernier. Ce choix n’est guère surprenant. Les ordres mendiants sont depuis fort longtemps déjà un lieu privilégié de sépulture2. La famille de Vienne avait largement contribué à l’installation des Franciscains à Lons et plusieurs de ses membres y étaient enterrés. Les Chalon leur accordaient aussi un grand intérêt puisque plusieurs membres y reposaient dont Jeanne de Montbéliard, première femme de Louis de Chalon, grand-père de Jean IV (Tournier, 1954, p. 153-154 ; Brelot, 1963 ; Picou, 1984, p. 155-157). Et ce sont les Chalon qui fondèrent le couvent de Nozeroy, sans oublier que Guillaume de Chalon, fils aîné de Louis, avait été enseveli aux Cordeliers d’Orange. Il convient de souligner qu’il revient à Jean IV d’avoir rompu avec une très longue tradition familiale puisque la sépulture dynastique habituelle était située, et ce depuis Jean Ier de Chalon-Arlay au XIIIe siècle, dans l’abbaye cistercienne de Mont-Sainte-Marie où une vaste chapelle s’élève au XVe siècle (Gauthier et Suchet, 1883, p. 230-266 ; Jeannin, 1997, p. 34-36). Philibert n’était pas indifférent à cette tradition puisque dans son testament de 1520, il destine la somme de 300 livres à une fondation de messe à l’abbaye (Robert, 1902, t. II, p. 28, preuve n° 19)3.
3Par respect, par fidélité conjugale et par dévotion envers son époux, Philiberte décide de poursuivre l’œuvre de ce dernier d’ériger un nouvel ensemble familial et dynastique. Peu de temps après les obsèques de son fils, qui eurent lieu dans l’église des Cordeliers le 25 octobre 1530, elle s’attache à la réalisation de la sépulture. Elle profite du voyage en Italie de son secrétaire Anatoile Camelin et de l’« argentier » Odot Roy4, chargés de récupérer les biens italiens de Philibert, pour leur confier d’autres missions : celle de s’occuper du monument de cœur à Pistoia5, des fondations de messe pour le salut de l’âme de son fils à Pistoia, Florence et Rome, celle aussi d’effectuer à la place du prince un pèlerinage de Rome à Notre-Dame de Lorette et d’y faire une « offrande » pour un montant de 100 francs6 et enfin, dernière mission, de recueillir ou de faire exécuter des dessins de monuments funéraires élevés à Rome, Naples ou Milan. Sans attendre leur retour, elle entreprend les démarches nécessaires à la réalisation de son projet franc-comtois. Le 8 janvier 1531, elle obtient l’autorisation de Guillaume de Poupet, abbé de Baume-les-Messieurs, et de Jean de Cluny, grand prieur, d’extraire l’albâtre nécessaire à l’entreprise des carrières de Saint-Lothain (Davillé, 1938, p. 284). Peu de temps après, donc bien avant le retour des secrétaires, le 23 janvier 1531, un marché est conclu avec Conrat Meit et « Jean-Baptiste dit Mariaut, florentin » (Mariotto) pour l’exécution d’un tombeau, placé sur le mur droit du chœur entre les stalles et la verrière située derrière l’autel (Gauthier, 1898, p. 250- 282)7. Les statues doivent être exécutées par Conrat Meit, l’architecture et le décor par son associé. Philiberte s’engage à fournir tous les matériaux et confie la charge d’extraction de l’albâtre de Saint-Lothain aux artistes8, le tout pour la somme de 10 000 francs qui est partagée en deux. Ils recevront 200 francs par mois en fonction de l’avancement du projet. L’ouverture du chantier est prévue pour le mois d’avril et doit durer deux ans. Jean-Baptiste Mariotto se rend à Florence pour rencontrer Michel Ange et lui soumettre le projet, si on en croit la lettre de recommandation écrite par le banquier florentin installé à Lyon Orlando Dei à ce dernier, le 28 janvier 15319 : preuve de l’ambition du programme voulu par la princesse d’Orange. Quelques mois plus tard, sans doute après le retour d’Italie du Florentin, le 8 mai 1531, un second contrat est signé avec le seul Mariotto pour la réalisation d’un autre tombeau, qui doit être placé au milieu du chœur. Celui-ci accueille trois gisants, Jean IV de Chalon, au centre, entouré de Jeanne de Bourbon et de Philiberte de Luxembourg. Aux pieds de Jean de Chalon figure son fils Claude. Un nouvel aménagement du maître-autel est également prévu : une statue de la Vierge, une de Saint François d’une hauteur comprise entre 1,60 m et 2 m (avec un beau ciboire plus grand que les statues) ainsi que quatre anges placés aux angles de l’autel, hauts d’environ un mètre. Enfin, l’ancienne sépulture de Jeanne de Bourbon doit être retaillée et transformée : le gisant en Sainte Barbe et les autres « pans et images » en « tableaux d’autel ». Le coût revient à 2 800 francs et Mariotto s’engage à exécuter le tombeau en une année. L’ampleur du programme ainsi que le court délai accordé pour l’exécution supposent la présence de plusieurs collaborateurs qui demeurent inconnus à l’heure actuelle, à l’exception d’un collaborateur de Meit, « Aimé Quarré dit le Picard », présent sur le chantier de Brou10.
4Ces ouvrages ont été en partie réalisés, mais ils ne furent jamais montés comme l’attestent plusieurs quittances (ADD, 7 E 1309)11 ainsi que plusieurs témoignages contemporains et postérieurs. En 1534, Philiberte quitte la Comté pour se réfugier dans son château de Mont-Saint-Jean, en Bourgogne, laissant certainement le soin aux Nassau de poursuivre l’entreprise12. L’incendie de Lons-le-Saunier en 1536 a grandement endommagé le couvent, puisque s’ouvrent ensuite d’importantes campagnes de travaux qui, faute de subsides, ont traîné en longueur, interdisant l’installation des mausolées. En 1579, les biens des Chalon sont confisqués par Philippe II et le 6 février 1588, les sculptures sont réclamées par Alexandre Farnèse qui ordonne aux moines de remettre à Pierre-Ernest de Mansfelt
certaines statues de marbre blanc ou albastre appartenantes jadis au feu prince d’Orange […] lesquelles sont presentement dans ung coin de vostre couvent où elles sont delaissées passez cinquante ans.
5Le 26 avril suivant, le prieur refuse et répond que
[…], lesquelles [sculptures] estans sur le point estre employées aux dictes sépultures et ornemens de ladicte église selon qu’elles y estoient dédiées, seroit par divine fortune advenue la conflagration de ladicte église et du dict couvent comme aussi le décès de ladicte dame […] qu’auroit causé la rédification de ladicte église et érection des dicts tombeaux auroient esté rétardez jusques puis environ 7 ou 8 ans encea que les dicts supplians se sont travaillez remparer et refaire à l’entier ladicte église pour par après y faire poser les dictes sépultures et statues dédiées à l’ornement et embellissement d’icelle, ce que desjà ils auroient mis à chiefz […] (Duverger, 1934, p. 104-105, n° LXXXVII et LXXVIII).
6À la fin du siècle, l’archiduc Albert, en aurait demandé l’acquisition (Fodéré, 1619, p. 604)13. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, plusieurs témoignages font référence à des sculptures placées sans cohérence autour du maître-autel (Fodéré, 1619, p. 60414 ; Dunod de Charnage, 1737, p. 321). Les sculptures semblent avoir disparu pendant la Révolution française et au cours du XIXe siècle. On sait que le tombeau de Jeanne de Montbéliard a servi de remblai en 1793 tout comme ceux des Vienne en 1835 (Brelot, 1963, p. 10-14). Dans l’état actuel des connaissances, aucun élément n’est repéré en Franche-Comté15. Mais la critique récente veut identifier la Vierge à l’Enfant à mi-corps donnée par l’archiduchesse Isabelle-Claire-Eugénie à la cathédrale de Bruxelles avec la Notre-Dame de Lorette placée à l’intérieur du tombeau de Philibert. Cette sculpture ferait partie des œuvres emportées par l’archiduc Albert à la fin du XVIe siècle (Burk, 2006, p. 52-55 et p. 142-143)16.
7Quelles pouvaient-elles être les intentions de Philiberte ? Comment expliquer ces deux commandes successives dans un laps de temps aussi court ? Son intention première était-elle de réaliser seulement un tombeau à son fils ? Puis, assurée de revenus suffisants et de la bienveillance des Nassau, a-t-elle projeté un programme plus ambitieux de sépulture familiale et de transformation globale du chœur ? Attendait-elle le résultat du voyage auprès de Michel-Ange entrepris par Mariotto pour modifier son projet ou l’établir de façon définitive ? Dans l’état actuel des connaissances, il est impossible de trancher. Il est certain, en revanche, que Philiberte de Luxembourg était consciente que la dynastie des Chalon-Arlay était sur le point de s’éteindre, tout comme son entourage17. Par son choix de placer la première femme de son époux, ses enfants et elle-même, dans un seul ensemble, elle réalise une sorte de « réunion familiale » autour de Jean IV et confie aux Franciscains la charge d’assurer le repos éternel des derniers membres de la lignée. Il faut donc concevoir cet ensemble funéraire comme celui d’une branche princière qui va disparaître. Le second contrat met en lumière un autre aspect négligé, semble-t-il, par les historiens. Si on ne peut remettre en question l’admiration et le dévouement de Philiberte à l’égard de son fils – elle a fait graver sur son épitaphe et celle de son époux qu’ils étaient les parents de Philibert (Robert, 1902, t. I, p. 458-459), il convient de nuancer ce jugement. En effet, le monument le plus important pour la liturgie est celui placé au centre, face au maître-autel. Honneur et hommage sont ici rendus à son défunt mari Jean IV de Chalon en tant que « fondateur »18. On ne peut que souligner la similitude des intentions de la princesse d’Orange avec celles de Marguerite d’Autriche au monastère de Brou. Son époux, Philibert le Beau, est placé au centre du chœur des moines, entouré par sa mère et par sa femme19. En outre, les engagements pris par Philiberte s’inscrivent dans une perspective plus large, celle des princesses de la Renaissance qui, par leur état de veuve et/ou de régente, sont les dépositaires provisoires d’un pouvoir et surtout qui ont la responsabilité de perpétuer la mémoire de la lignée familiale. Déjà, en 1503, Jean Lemaire de Belges encourageait Anne de Beaujeu à imiter l’exemple d’Artémise et à concevoir un ensemble qui honorerait à travers les siècles la mémoire de son défunt mari Pierre de Bourbon, et l’historiographe reprendra ce thème pour Marguerite d’Autriche (Lemaire de Belges, 1957, v. 901-914 ; Fontaine, 2001, p. LXXVI-LXXVII ; Poiret, 1994, p. 121-122). On sait la fortune de cette idée au cours du XVIe siècle puisque c’est ainsi que Catherine de Medicis est montrée dans la fameuse série de L’histoire d’Artémise dessinée par Antoine Caron (Auclair, 2000, p. 155-158 ; Lambert et Bouquillard, 2004, p. 237-255, n° 88 à 95), et on connaît son implication dans la construction de la rotonde des Valois à Saint-Denis (Frommel, 2005).
II. La structure
8L’analyse de cet ensemble funéraire se fonde pour l’instant sur les descriptions données dans les deux contrats signés en 1531, lesquels nous sont parvenus par l’intermédiaire de transcriptions effectuées au XVIIIe siècle, ce qui est fort mince. Malgré le flou de la terminologie induite par la présence de dessins explicatifs (aujourd’hui disparus), l’imprécision due à l’absence de mesures ainsi que des erreurs probables dans la transcription qui laissent toute restitution hypothétique, il est toutefois possible d’apporter quelques éléments de lecture et d’interprétation.
9L’emploi du terme de chapelle a parfois faussé les tentatives de description. Le monument de Philibert de Chalon répond au type bien connu du tombeau à enfeu20 ; profond d’au moins 60 centimètres et surtout très développé, puisqu’il occupe la large travée droite du chœur près de l’abside et certainement un de ses pans, il englobe une porte qui donne accès au couvent (située juste après les stalles des moines) ainsi que les sièges pour les desservants et la piscine nécessaires à la liturgie près du maître-autel, suivant des dispositions sans doute proches de celles adoptées à l’abbaye de Montbenoît21. Compte tenu des dimensions du chœur, l’ensemble devait donc mesurer plus d’une dizaine de mètres de long. La hauteur de la structure dans sa partie la plus grande correspond à la hauteur de l’élévation du sanctuaire. On dépasse de loin le cadre du simple monument funéraire, et la disposition générale tient compte de contraintes tant liturgiques que pratiques.
10On adopte une division tripartite rythmée par quatre piliers en saillie22. Au centre, sous une arcade en plein cintre (donc à l’intérieur de l’enfeu), figure le défunt. Philibert est représenté agenouillé sur un coussin, en priant, vêtu du costume ducal et couronné23. Il porte le collier de l’ordre de la Toison d’or. À ses côtés est posée sur un coussin une couronne ducale. Un lévrier « en son repos » l’accompagne. Tourné vers le maître-autel, Philibert adresse ses prières à une image de Notre-Dame de Lorette placée devant lui à l’intérieur de l’enfeu. Derrière lui, la figure de « Bonne Renommée revestue de deux anges bien faits » tenant une palme adopte la pose habituellement réservée au saint patron. Au-dessous de la dalle, une cavité soutenue par des piliers accueille une seconde figuration de Philibert, cette fois-ci sous la forme d’un « transi de 8 jours ».
11L’arcade est surmontée dans toute sa largeur d’une « portraicture de Pallas » représentée allongée, avec une armure décorée de deux anges sur le plastron, tenant un bouclier et une lance. Autour d’elle sont sculptés ses attributs : casque, éperons ainsi qu’une chouette auxquels se joignent des inscriptions24. Au-dessus trône un des neuf preux, placé vraisemblablement sous un édicule25. Malheureusement, il est impossible de restituer la forme exacte de ce couronnement : fronton triangulaire ou circulaire accueillant un bas-relief de Pallas26 ? Il est impossible également de savoir quelles relations les deux « piliers » entretiennent avec la structure de l’enfeu.
12Les parties latérales, encadrées par les deux autres piliers, accueillent dans la partie inférieure, du côté des stalles, Philiberte de Luxembourg et de l’autre côté, près du maître-autel, Jean IV de Chalon, tous deux représentés grandeur nature, semble-t-il, en priant, et regardant en direction du maître-autel. Jean IV de Chalon, vêtu en « prince » avec le collier de « l’ordre de France » (Saint Michel), a devant lui une « image » dont l’iconographie n’est pas encore fixée. Blasons et épitaphes sont également présents, placés vraisemblablement sur le soubassement. Au-dessus des statues, « seront faites et laissées par led. Jean-Baptiste cinq places bien faites, lesquelles places seront remplies et garnies de quatre preux et de l’une des quatre vertus ». On sait que la vertu est placée au centre et qu’elle doit être plus grande que les autres statues. Il demeure que le document n’explique pas de façon claire leur position exacte : alignées les unes à côté des autres dans des niches ? superposées ? Toutes ces figures tiennent des épitaphes, des écus et des blasons. Fermant la composition, ces deux « piliers » situés aux extrémités reçoivent dans la partie supérieure (c’est-à-dire au même niveau que les statues citées précédemment) deux niches (« places et sièges ») superposées où sont installées une vertu dans la partie inférieure et « une autre ymage » dont le sujet n’est pas encore défini.
13Couronnant l’ensemble, doit être sculpté « un grand blason des plaines armes de mond. feu seigneur le Prince, de bonne grandeur, pour estre bien veu, timbré, couronné, la Toison d’or à l’entour et autre accoustré ainsi qu’il appartient ».
14Au centre du chœur est placé, juste devant l’entrée du charnier, le tombeau isolé de Jean IV de Chalon, qui mesure de plus de trois mètres de long sur plus de deux mètres de large. Jean IV de Chalon, « en habits de prince », porte l’ordre de Saint-Michel, à sa gauche Jeanne de Bourbon et à sa droite Philiberte de Luxembourg, toutes deux en costume d’apparat. La tête des gisants, entourée par deux anges portant « le blason des armes », repose sur un oreiller. Aux pieds du prince d’Orange figure son fils Claude27. Le contrat ne mentionne pas la présence de lions et de lévriers aux pieds des défunts, ce qui est fort surprenant. S’agit-il d’un oubli de la part du scribe ? d’une erreur de transcription au XVIIIe siècle ? d’un élément si obligatoire qu’on ne juge pas nécessaire de le mentionner ? ou alors, s’agit-il d’un choix délibéré résultant de l’impossibilité matérielle de placer à la fois les animaux symboliques et l’effigie de l’enfant ? Quatre « piliers […] revestus d’ouvrages d’anticailles, feuillages et médailles », sur lesquels sont mis les quatre frères d’Hercule (?)28, matérialisent les angles. Il est impossible de savoir s’il s’agit de figures attachées aux angles du coffre ou libres et posées juste devant. Le coffre accueille, sur les parois, des « anticailles », des médailles et des personnages. La description est succincte mais il paraît certain que l’on a renoncé au thème des pleurants et des deuillants (pourtant présents sur le tombeau de Jeanne de Montbéliard à Lons mais aussi sur les mausolées des Chalon à Mont-Sainte-Marie)29, ainsi qu’à celui, plus « récent », de statues d’apôtres ou de vertus installés dans des niches le long des parois.
III. L’iconographie
15Trois caractères principaux ressortent de ces descriptions : l’importance accordée à l’héraldique et à l’écrit, la volonté de mettre l’accent sur les vertus militaires de Philibert de Chalon, et enfin le choix de la double représentation pour les défunts.
16Blasons et insignes des dignités (à la fois française et impériale) sont répétés à de multiples reprises : on les rencontre non seulement sur le couronnement qui domine l’ensemble de la composition, sur les soubassements accueillant les effigies priantes de Jean IV de Chalon et de Philiberte, sur le tombeau isolé de Jean IV tenus par des anges sur la dalle et sculptés sur le coffre mais aussi fort probablement sur les statues des preux. À cela s’ajoute un nombre important d’épitaphes, d’inscriptions et de « dictiers »30. Tout ceci indique une volonté bien affirmée de culte dynastique. Est-il possible d’y voir des intentions proches, dans l’esprit, de celles développées sur le tombeau de Marie de Bourgogne à Bruges, puisqu’ici aussi on semble renoncer au thème du cortège des pleurants, qui évoquent la descendance31. La lignée, la famille des Chalon est célébrée et si « l’individu » l’est également, il l’est en premier lieu de par son appartenance à une dynastie et ensuite de par son statut de chef militaire. C’est sans doute pour cette raison qu’on ne rencontre aucune allusion à des faits biographiques personnels qui auraient entraîné la réalisation de bas-reliefs narratifs : point de célébration des batailles remportées par Philibert ou des hauts-faits de son père. Certes, le programme iconographique n’était pas encore fixé de façon définitive, les documents le sous-entendent à plusieurs reprises et il aurait été facile d’intégrer une mention « selon l’advis de madame la princesse ». Le choix effectué n’a rien d’exceptionnel en soi. Il demeure cependant que dans de nombreux tombeaux, on voit l’introduction de tels récits. Que l’on songe au tombeau de Louis XII et d’Anne de Bretagne à Saint-Denis qui s’achève à cette date, à celui du chancelier Duprat à la cathédrale de Sens, ou encore aux projets du tombeau de Gaston de Foix (Panofsky, 1992, p. 87-89 ; Lecoq, 1987, p. 357-359 ; Bardati, 2003, p. 272-274 ; Agosti, 1990, p. 135-169).
17Les Neuf Preux (Schœder, 1971), symbole de force dans l’imagerie médiévale, accompagnent souvent les cortèges triomphaux des grands princes32 et semblent signifier que Philibert est dorénavant le dixième, « attendu en paradis par ses neuf compagnons et modèles », tout comme l’est François Ier (Lecoq, 1987, p. 284)33. Les vertus cardinales qui permettent d’exalter ses qualités et ses vertus de chevalier auxquelles sont associés ses parents, sont fréquentes dans les tombeaux : tombeau de François II de Bretagne et de Marguerite de Foix par Michel Colombe à Nantes, tombeau de Guy de Rochefort et de Marie de Savoie à Cîteaux, sans parler du tombeau de Louis XII ou de celui du chancelier Duprat, déjà cités34. Si la référence à Pallas, « déesse de la guerre », s’intègre parfaitement dans le propos iconographique, elle lui donne un caractère plus « antique ». Plus surprenante est la mention des « quatre frères d’Hercule », placés aux angles du tombeau de Jean IV. Hercule, symbole de force dans le répertoire antique, est loin d’être un inconnu, en revanche, ses quatre frères le sont. Il demeure que l’on a choisi ici de substituer aux vertus ou aux évangélistes (présents aux angles du tombeau de Marie de Bourgogne), des figures de personnages antiques. Faut-il les interpréter comme des hérauts d’armes, des guerriers, que l’on trouve, mais sous une forme monumentale, au tombeau d’Englebert II de Nassau et de Cimburga de Baden à la collégiale Notre-Dame de Breda (De Jonge, 2005, p. 134). Ces quatre héros de l’Antiquité, en ronde-bosse et portant la dalle funéraire, personnifient les Vertus : César la Force, M. Attilius Regulus la Magnanimitas, Philippe de Macédoine la Prudence et Hannibal la Perseverantia. Ce tombeau, achevé en 1531, fait partie de la vaste entreprise de construction d’un ensemble funéraire dynastique menée à partir de 1526 par Henri III de Nassau, beau-frère de Philibert de Chalon et père de René de Nassau, héritier des biens de Philibert35.
18La représentation des défunts est certainement le point qui retient le plus l’attention. Pour Philibert, le choix s’est porté sur une double représentation en superposition : un transi dans la partie inférieure surmonté d’un priant en adoration. Il ne semble pas nécessaire de revenir longuement sur cette iconographie si étudiée. On rappellera juste les points suivants : premièrement, que le thème du priant, seul, est répandu dans ce premier tiers du siècle. On le retrouve aux tombeaux des cardinaux d’Amboise dans la cathédrale de Rouen, par exemple. Deuxièmement, que l’on est proche des représentations funéraires de Philibert de Savoie et de Marguerite d’Autriche au monastère de Brou. La différence, et elle n’est pas sans importance, réside dans le fait qu’à Brou, un gisant surmonte le transi, ce qui demeure traditionnel (Cohen, 1973). Enfin, que l’association du transi avec le gisant est d’actualité puisqu’elle a recueilli la faveur des rois de France et de quelques grands personnages. Le monument funéraire de Philibert de Chalon trouve sa source dans des ensembles qui appartiennent à un milieu très restreint, celui des souverains ou de leur entourage immédiat. L’iconographie développée ici relève donc d’une iconographie royale, plutôt d’origine française.
19Le tombeau isolé recevant des gisants pourrait apparaître sans doute comme traditionnel, voire comme « conservateur ». Mais, dans le premier tiers du XVIe siècle, il demeure le plus fréquent, le plus ancré dans les pratiques funéraires. De ce fait, il convient aux « fondateurs » d’une dynastie ou aux parents d’un défunt, ceux d’une génération antérieure. Ce trait d’ancienneté était ainsi parfaitement explicite dans le chœur des Cordeliers de Lons. Mais Jean IV de Chalon et Philiberte de Luxembourg étaient représentés une seconde fois puisqu’ils figuraient en priant de part et d’autre de leur fils. Cette double représentation « dissociée » n’est pas non plus exceptionnelle et ne doit pas étonner. Elle trouve son origine dans les figures de donateurs insérées dans les compositions religieuses qui dominent les chapelles funéraires dans lesquelles les défunts sont présentés en gisant sur leur tombeau. Il s’agit ici de « la figure en adoration perpétuelle », de la matérialisation dans la pierre des prières faites par les défunts. Le statut de ces effigies est ambigu mais très courant dans toute l’Europe. Philibert de Chalon adresse ses prières à une « Notre-Dame de Lorette », objet de sa dévotion personnelle36. Et c’est de cette façon qu’il devait être montré dans l’ex-voto à Pistoia. Ainsi s’explique le choix de placer une telle image qui demeure encore peu fréquente à cette date. En revanche, le choix iconographique des statues placées sur le maître-autel correspond parfaitement au lieu.
20Les solutions développées à Lons-le-Saunier ne doivent rien au domaine italien où on répugne à montrer un corps en décomposition ou seulement endormi, revêtu d’un simple drap. Le thème du priant ne connaît pas non plus une fortune aussi considérable que dans le nord de l’Europe et en Espagne (Redondo Cantera, 1987, p. 122-137). L’Italie se tourne davantage vers le type du gisant aux yeux clos, endormi, vers celui du gisant accoudé ou encore vers l’effigie debout ou assise. En outre, les tombes « familiales », c’est-à-dire regroupant plusieurs membres d’une même famille, sont très rares. On se rattache donc ici dans des pratiques bien plus françaises et/ou nordiques qu’italiennes.
21La monumentalité de la composition ainsi que la complexité de l’iconographie, qui ne trouvent de correspondances que dans les tombeaux des grands princes du temps, faisaient de ce projet un des plus somptueux du premier tiers du XVIe siècle, ce que confirme son coût élevé : 10 000 francs pour le monument de Philibert et 2 800 pour celui de ces parents37. Dans les contrats, on insiste sur la richesse des matériaux : albâtre de Saint-Lothain pour l’ensemble, marbre noir pour les dalles funéraires, et peut-être du marbre de Carrare. Les nuances blanches de l’albâtre dominaient et elles étaient accompagnées de rehauts d’or placés en de multiples endroits, auxquels se joignaient certainement des couleurs posées sur les écus, les blasons et, en particulier, sur le couronnement. Si on en croit les documents, l’ornementation se voulait foisonnante et complexe : les piliers sont « enrichy et revestu d’ouvrages fais d’anticailles, feuillages », de « molures petites et grosses molures, billets et feuillages et autres », l’arcade de l’enfeu est « belle et enrichye tant d’ouvrages d’anticailles, médailles, feuillages, frises que autres ». On parle de « triomphes et diversités d’ouvrages d’anticailles, anges, enfans, images, bestions [?] et personnages en grand nombre » encadrant le grand blason du couronnement. Outre cette profusion décorative, l’ensemble devait comporter un grand nombre de sculptures en ronde-bosse et en relief : 26 au total, sans compter les effigies funèbres. Malheureusement, il est impossible de définir le langage formel exploité, ni de déterminer la nature des relations qu’entretenaient au tombeau de Philibert l’architecture et la sculpture. Les expressions suggèrent plus une ornementation issue de la première Renaissance que du « langage classique » de l’architecture. Certes, on emploie le terme d’arc triomphal pour l’arcade de l’enfeu, mais on note l’absence de tout vocabulaire lié aux ordres antiques (colonnes, chapiteaux, etc.). Cette constatation soulève des interrogations sur la culture de Mariotto et sur la nature de ses liens supposés avec l’Italie et Michel Ange38. La lettre de recommandation, écrite par Orlando Dei à l’intention du Florentin, sous-entend que Mariotto avait été en contact avec le Maître et qu’il a déjà honoré avec succès plusieurs commandes hors de son pays. Mais, pour l’instant, on ignore tout de lui. Cependant, il est certain qu’il a été l’interlocuteur privilégié de Philiberte et, en tout état de cause, il est le maître d’œuvre puisque les dessins, les « portraits » qui complètent et explicitent les contrats, sont de sa main. S’il n’a pas été le concepteur de l’ordonnance, il l’a matérialisée sur le papier. La participation effective de Conrat Meit se limite aux pièces principales, c’est-à-dire les statues et surtout les effigies des défunts, ce qui correspond à son statut d’artiste de cour et à sa personnalité artistique. Conrat Meit n’intervient en aucune façon dans le tombeau des parents de Philibert, qui est confié aux soins du seul Mariotto. Doit-on en conclure que ce dernier avait acquis toute la confiance de la princesse d’Orange, à la suite de son séjour à Florence auprès de Michel-Ange et qu’il était, aux yeux de cette dernière, le seul compétent pour transcrire certaines idées du célèbre Florentin ? Peut-on voir dans La Trinité conservée à Saint-Lothain, un reflet du Moïse de Michel-Ange dont il aurait eu, lui, puis son atelier, connaissance ? On nous permettra d’en rester là, dans l’attente de plus amples recherches à la fois sur les tombeaux présents en Franche-Comté au XVIe siècle, les commanditaires et leurs artistes.
Conclusion
22L’ensemble de Lons-le-Saunier éclaire la complexité des relations artistiques en Franche-Comté au XVIe siècle. L’iconographie choisie par Philiberte de Luxembourg trouve sa référence dans le domaine français et plus spécifiquement dans l’iconographie royale. Les artistes appartiennent au cercle de la cour des Pays-Bas, sont d’origine germanique, flamande et italienne et sont en contact avec les grands artistes du temps, et l’on n’oublie pas les banquiers florentins installés à Lyon qui semblent servir d’intermédiaires dès que l’on se tourne vers l’Italie. Ni en France ni aux Pays-Bas les projets de Philiberte ne pouvaient être ignorés : les Nassau, en tant qu’héritiers, et on sait qu’ils se rendent auprès d’elle en 1533 afin de régler la succession de Philibert ; Antoine de Lalaing, comte de Hoogstraeten, chef des finances de Marguerite d’Autriche, voit en 1532 les statues exécutées par Conrat Meit à Lons, alors qu’il vient de faire terminer son tombeau par Jean Mone. Philiberte, enfin, connaissait les réalisations de son ancienne protectrice à Brou et celles des autres grandes familles : les Nassau à Breda, les Lalaing à Hoogstraeten ou encore celles du roi de France.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 Fille d’Antoine de Luxembourg et d’Antoinette de Bauffremont.
2 Cependant Murielle Gaude-Ferragu (2005, p. 90) constate que le succès des ordres mendiants a conduit les princes à favoriser des ordres plus aristocratiques ou des églises séculières.
3 Cette fondation de messe semble avoir été honorée par les Nassau puisqu’on conserve au moins une quittance datée de 1681 (ADD-Archives départementales du Doubs, 7 E 1309).
4 Instructions données en décembre 1530 (ADD, 7 E 1303).
5 Ils doivent prendre contact avec le Florentin Francesco Maruccelli qui sera chargé de passer le marché en Italie. Le 9 janvier 1534, le banquier florentin installé à Lyon Charles Maruccelli reçoit de la part de Philiberte de Luxembourg, la somme de 800 livres en déduction de ce que la princesse lui devait (ADD, 7 E 1308). S’agit-il du règlement de la dette contractée à l’égard de Francesco Maruccelli ? On sait également qu’« un patron de la sepulture de cueur dud. feu prince » est mentionné dans l’inventaire après décès des biens de Philiberte de Luxembourg dans sa résidence dijonnaise, daté de 1543 (ADD, 7 E 1302).
6 Il s’agit soit d’une effigie priante en cire de Philibert, habillé en duc et en armures, accompagnée d’un « tableau » avec ses armes et une épitaphe, soit d’un tableau représentant le prince agenouillé avec inscriptions et armoiries et un « groz cierge » (ADD, 7 E 1303) ; témoignage clair de la fonction, de la forme et des matériaux employés pour les ex-voto. Cette information, qui a échappé à la sagacité de Jules Gauthier, permet de mieux comprendre l’iconographie du monument funéraire de Philibert.
7 Nous utilisons ici cette version dans l’attente de la (re)découverte du document original. Il faut signaler que depuis Jules Gauthier, aucun auteur n’a cherché à vérifier la transcription de ce document.
8 À charge pour eux de maintenir en bon état la carrière.
9 « La présente [lettre] a seulement pour but de vous informer que, d’abord grâce à ses talents, ensuite par le moyen de quelqu’un de vos amis, Madame la princesse d’Orange a donné charge de faire le tombeau de son fils, le prince d’Orange, à Giovambattista, sculpteur, que je sais que vous connaissez bien. C’est lui-même qui vous remettra la présente ; et, pour ne pas vous importuner, c’est lui qui vous mettra au courant de tout ce qui concerne ce projet. Je veux vous prier avec confiance de vouloir bien, dans tous les comptes, lui témoigner votre bonté, comme à votre habitude, et lui donner conseil sur tous les points afin que lui, qui est de votre patrie, puisse plus facilement acquérir honneur et gloire pour lui-même et pour elle, étant donné surtout que maître Giovambattista a fait concevoir de bonnes espérances aux différents maîtres chez lesquels il a travaillé » (Dorez, 1916, t. LXXVII, p. 448-470 ; 1917, t. LXXVIII, p. 179-220 et p. 185 ; Eikelmann, 2006, p. 54).
10 Ce dernier signe les quittances de Meit.
11 Elles courent du 5 octobre 1531 au 23 janvier 1534. Elles ont été publiées par Jules Gauthier (1898) ; le total de ces quittances est inférieur au prix total mentionné dans les contrats. On n’en conserve aucune entre octobre 1531 et décembre 1533. Celles de 1531 concernent Mariotto et celles de 1533 et 1534, Conrat Meit. On sait par ailleurs qu’en septembre 1531, Conrat Meit se trouve à Bourg-en-Bresse mais surtout qu’en 1532, au moins, Conrat Meit travaille au mausolée des Chalon : en avril 1532, il réside à Lons et en juin de la même année, le sculpteur montre à Antoine de Lalaing, de passage en Franche-Comté lors du transfert de la dépouille de Marguerite d’Autriche à Brou, « plusieurs belles pièces de ymaigeries en pierres faictes pour la sépulture de feu le prince d’Oranges » (Duverger, 1934, p. 90-92, n° XLVII, XLIV, LI).
12 À la suite de querelles avec les Nassau, Philiberte renonce à la Comté, se rapproche de sa propre famille : elle fait de l’amiral Chabot son légataire et demande à être inhumée auprès de ses parents dans le prieuré clunisien de Glanot, situé près de sa résidence de Mont-Saint-Jean (Robert, 1902, t. I, p. 465 ; Bobin, 1892, p. 17).
13 Cette assertion de Fodéré n’a jamais été remise en question.
14 « A présent l’on en a mis quelques unes à l’entour du maître-autel, sans y observer aucun ordre qui peut représenter quelque chose, ains seulement afin de les mettre en veue ».
15 La recherche d’œuvres est en cours actuellement.
16 Il demeure que rien ne prouve de façon certaine que l’archiduc a emporté des sculptures de Lons. Ni le matériau, ni l’iconographie de la sculpture bruxelloise ne correspondent à ce qui est décrit dans le contrat. Cette dernière est en marbre et non en albâtre et son iconographie n’a rien de spécifique à une Notre-Dame de Lorette car on attend plutôt une Vierge en pied : « et déans lad. chappelle il fera aussi l’image de Nostre-Dame de Lorette […] ; lad. image de Notre Dame faite, élevée et soutenue par anges et sur nuées ainsi qu’il appartient ». Cette identification repose donc, pour le moment, sur des bases encore fragiles.
17 Charles Quint l’écrit dans ses lettres de condoléances adressées à Philiberte de Luxembourg (Robert, 1902, t. I, p. 437 ; t. II, preuve n° 367 et 368).
18 Tel est le cas dans de très nombreuses fondations funéraires (Noblet, 2005, p. 19-32 et plus particulièrement p. 26 ; Guillaume, 2002, p. 131-140). Sans doute encore plus explicite et proche de ce qui est réalisé à Lons, les transformations de l’église Notre-Dame de Breda entreprises par Henri III de Nassau à partir de 1526 (De Jonge, 2005, p. 125-146 et plus particulièrement p. 130).
19 Même si celui-ci n’est pas le « fondateur » au sens strict du terme. La bibliographie sur Marguerite d’Autriche et sur le monastère de Brou est très abondante (Eichberger, 2005).
20 Et non pas, comme on le répète depuis Jules Gauthier (1898, p. 254) « avec une saillie moyenne de trois pieds, une vaste composition architectonique conçue dans le style du lit funéraire de Marguerite d’Autriche ». Du reste, il est spécifié dans le contrat que Mariotto doit faire attention à ne pas déstabiliser le chœur et la sacristie lors de l’ouverture de l’enfeu.
21 « Un autre grand pillier à la reine au long du lavabo et de la fenestre de ladite verrière emprès le grand autel […] au bas duquel sera faite en lad. muraille une engraveure en forme de cul de lampe et arvolz, pour y mettre et asseoir les sieges des prestres, diacre ». Mariotto doit également réaliser un bénitier en albâtre.
22 Le terme de pilier est assez flou et peut renvoyer à une structure d’une largeur importante : il est dit qu’il s’agit de « gros et grand pilier » qui fait toute la hauteur de la structure.
23 On a décidé de le représenter en duc de Gravina et non pas en prince d’Orange, sans doute pour le différencier de son père qui, lui, a revêtu l’habit de prince d’Orange : moyen de faire connaître à tous que le « fondateur » est Jean IV de Chalon.
24 On serait tenté de placer cette représentation sur le mur intérieur de l’enfeu. Mais le document précise : « au-dessus led. arc triomphant et chapelle ou sera ladite portraiture dud. seigneur aura et sera faite une belle place » pour installer Pallas.
25 Le texte mentionne : « [il y] aura une place bien faite, en laquelle ledit maistre Gonra fera mettre et asseoir le neuvième preux, que sera bien fait et le tout garny de bon ouvraiges d’anticailles […] ».
26 Le texte parle d’une « belle place » de la largeur de l’enfeu « déans laquelle place sera faicte et mise par ledit maistre Gonra une portraicture ». Il paraît peu vraisemblable qu’une statue en ronde-bosse couchée ait pu être installée.
27 Les expressions employées dans le document sont peu explicites. Il est dit : « […] sera fait le gisant d’un petit enfant […] que sera habillé comme un enfant de prince, ayant deux ans, mis à genoux ou ainsi qu’il sera advisé pour le mieulx » : preuve supplémentaire que le programme n’est pas fixé de façon définitive.
28 Il demeure que cette iconographie demeure mystérieuse. Faut-il y voir des guerriers ? S’agit-il d’une erreur de transcription ?
29 Le musée du Louvre conserve une pleurante en costume d’abbesse provenant de l’un des trois tombeaux de Mont-Sainte-Marie attribuée à Jean de La Huerta (Baron, 1996, p. 201).
30 Il peut s’agir de compositions en vers mais aussi de devises. Reprenait-on les inscriptions ainsi que les éloges funèbres composés pour les funérailles du prince ? On ignore tout (pour le moment) des lettrés qui entouraient Philiberte de Luxembourg.
31 On se concentre sur l’arbre généalogique de Marie (Roberts, 1989, p. 376-400 et plus particulièrement, p. 390).
32 César et le roi Arthur accompagnent Maximilien sur son mausolée d’Innsbruck.
33 Il serait tentant d’effectuer un rapprochement avec le pendentif de buis en forme de F « dit de François Ier », conservé au musée d’Écouen (travail flamand, début du XVIe siècle), qui ouvert montre les Neuf Preux et une Crucifixion. Le rapprochement avec François Ier est, semble-t-il, écarté (Lecoq, 1987, p. 159) ; tout comme celui avec Philibert de Savoie (communication orale de Bertrand Bergbauer, conservateur au musée national de la Renaissance, que nous remercions vivement).
34 Sous une forme bien plus monumentale, il est vrai (Zerner, 1996, p. 35-38 ; Chédeau, 1999, p. 142-143).
35 Dans l’état actuel des connaissances, il est impossible de pousser plus avant les comparaisons. On peut juste mentionner qu’il existe des intentions communes, que Philiberte et Henri III de Nassau partagent avec d’autres. Il s’agit là d’un des axes de la recherche qui est en cours.
36 Qu’on se rappelle que Philibert souhaitait effectuer un pèlerinage à la Casa Sancta, que sa mort soudaine a empêché.
37 À titre de comparaison, le contrat de Conrat Meyt pour Brou (24 avril 1526), où il est chargé de réaliser les trois gisants, les transis de Philibert le Beau et de Marguerite d’Autriche ainsi que l’ensemble des putti s’élève à 1 100 francs (Troescher, 1927, p. 63-65).
38 Peut-être s’agit-il seulement d’une traduction dans le vocabulaire du temps de formes plus « classiques » que les dessins venaient expliciter.
39 On n’a pu tenir compte de cette contribution parue depuis la rédaction du présent article.
Auteur
Maître de conférences en histoire de l’art de la Renaissance à l’Université de Franche-Comté (Besançon).
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