6. Les hommes héritent, les femmes méritent
La place des sexes au sein d’une entreprise de sous-traitance
p. 107-133
Texte intégral
1Cet article traite de la place respective des hommes et des femmes dans les petites entreprises familiales. Il s’agit de montrer en quoi être une femme amène à occuper une position toute particulière au sein de la famille et de l’entreprise. Malgré la mobilisation de ressources importantes, les femmes accèdent très difficilement au pouvoir économique et au pouvoir de décision. Pour autant, en fonction de la position occupée dans l’ordre familial que l’on soit une alliée ou une descendante de la famille, la domination masculine s’exerce différemment. Deux facteurs jouent très nettement pour les maintenir les femmes à distance de l’économie politique de l’entreprise familiale, plus que de l’activité productive en elle-même.
2Tout d’abord, lorsque les femmes sont investies dans l’entreprise, elles interviennent au pôle gestionnaire ou au pôle technique, mais toujours dans des tâches de production plutôt que de conceptualisation. Or, dans ces petites entreprises, l’ordre technique, fondé à la fois sur la capacité à créer et la maîtrise du savoir-faire technique, domine et fonde la valeur sociale du collectif. Dans un second temps, les alliées (femmes ayant épousé un homme de la famille), même si elles portent le patronyme de l’entreprise, restent malgré tout des « quasi-étrangères », toujours susceptibles de rompre l’alliance. À l’inverse, la filiation est le principe qui organise la répartition et la transmission des biens. Ainsi, il existe une hiérarchie des positions à l’intérieur de laquelle se distribuent les femmes de la famille : « les femmes de… », même si elles portent le nom de la famille ne sont pas les « femmes de la famille » comme le sont les descendantes du fondateur de l’entreprise familiale, même si le mariage leur a donné un autre nom.
3Pour dépasser la simple constatation empirique, il faut s’interroger sur l’ordre des positions établies au sein de la famille, la division sexuelle des tâches et des pouvoirs au sein de l’entreprise, la conversion des dispositions féminines en compétences professionnelles, et pour finir sur la configuration de la famille en tant qu’ensemble d’actionnaires. C’est ce que je tenterai de faire ici à partir d’une enquête en cours menée dans le Vimeu industriel.
Encadré n° 1 : Présentation de l’enquête
Le Vimeu est un territoire de l’ouest de la Picardie marqué par une double « identité » à la fois rurale et industrielle. Le Vimeu vert, à l’est, est principalement à vocation agricole et le Vimeu rouge, à l’ouest, regroupe les deux tiers des industries de la Picardie maritime dont les activités sont principalement axées autour de la métallurgie légère (serrurerie et robinetterie).
La serrurerie se développa progressivement dans le Vimeu sous la forme d’ateliers familiaux qui, dès le XVIIIe siècle, se répartissaient sur deux pôles principaux : les communes de Friville, Escarbotin et Belloy et celles de Fressenneville et de Feuquières. Les paysans étaient en général à la fois serruriers et agriculteurs ; ils travaillaient chez eux avec les membres de leur famille et parfois quelques compagnons. La révolution industrielle marque la fin du temps de l’ouvrier-paysan indépendant à l’atelier et aux champs. Les premiers industriels arrivent et pratiquent principalement le négoce de la serrure1. Au cours du XIXe siècle, le savoir-faire en métallurgie légère s’étend à la robinetterie2.
Les activités principales de robinetterie et de serrurerie vont favoriser le développement de nombreuses petites entreprises de sous-traitance3.
Une des caractéristiques principales de ces entreprises, fondées entre 1890 et 1950, est qu’elles sont, pour la plupart, familiales et toujours dirigées, actuellement, par un descendant du fondateur4. Depuis les années 1980, avec la concurrence internationale (Italie, Espagne et Portugal et Chine), ces entreprises ont diminué leur collaboration avec les sous-traitants du Vimeu (décolletage, matriçage, chromage, découpage, emboutissage) au profit d’usines chinoises. En parallèle, certaines entreprises familiales du Vimeu ont été rachetées par des groupes financiers tels qu’Assa Abloy5 ou Ingersoll Rand, son concurrent direct. Dans ce contexte, comment l’espace industriel du Vimeu composé de PME familiales a-t-il résisté ? Il semble en effet que la gestion de ces entreprises soit indissociable des caractéristiques sociales du patronat, des réseaux de relation qui le constituent et de leur inscription territoriale.
Comment dans une période de bouleversement de l’espace du patronat local les patrons des entreprises familiales maintiennent leur position sociale et comment, bien qu’étant en concurrence, ils se regroupent pour défendre des intérêts communs ? Cette question est centrale dans mes recherches. Mais, au-delà des activités collectives du patronat local, il s’agit pour moi de reconstituer le champ du pouvoir dont certains patrons font partie. Les questions relatives à la famille au sens large et les conflits ou alliances autour du patrimoine et de la transmission sont essentielles ; elles concernent non seulement la reproduction du groupe industriel, mais aussi celle du groupe social et plus finement encore celle du groupe familial. De fait, l’existence de l’entreprise est intimement liée aux rapports sociaux locaux et familiaux et les logiques familiales pèsent sur l’économie et, à l’inverse, les histoires familiales influencent l’économie.
Dans le cadre de ma recherche doctorale, j’ai réalisé une cinquantaine d’entretiens (patrons, femmes de patrons, élus locaux, représentants de la chambre patronale). Pour cet article, j’en mobiliserais sept menés auprès de patrons et de « femmes de patrons ». Je m’appuierai encore plus spécifiquement sur les multiples discussions que j’ai eues avec un couple.
4Qu’il s’agisse d’occuper la place de responsable administrative ou encore d’ouvrière dans l’entreprise, sans parler du rôle à l’extérieur, « être une femme de » implique de tenir une position particulière : les positions dans l’entreprise sont distinctes non seulement entre hommes et femmes, mais également entre femmes. Si les femmes semblent, a priori, être moins au cœur de la production que les hommes de la famille, leur position s’avère centrale et leurs pratiques et leurs stratégies contribuent à l’organisation familiale et économique. Mais cette place centrale se mérite. En effet, les femmes doivent construire leur légitimité alors que les hommes en héritent. Pour cela, elles ne peuvent se contenter d’être des « descendantes » ou des « alliées » (par le mariage), il leur faut mériter leur place en cumulant plusieurs types de ressources, comme la capacité à créer et à entretenir des relations sociales, une compétence validée par un diplôme, des dispositions à ajouter une plus-value économique à la famille, etc.
5Si le fait d’être un homme a une incidence sur les positions occupées au sein de l’entreprise les rapports qu’entretiennent les femmes entre elles sont également à prendre en compte. En effet, les alliées et les descendantes, n’occupent pas la même position, pratique et symbolique, dans l’économie générale (affective et économique) familiale. Lorsque les descendantes sont actives dans l’entreprise, elles n’obtiennent pas les postes de direction et elles doivent prouver leur compétence, mais elles sont la plupart du temps associées aux décisions, notamment par le biais de leur appartenance à l’actionnariat de l’entreprise. Celle-ci leur permet de faire entendre leur avis sur le développement stratégique de l’entreprise, et elles bénéficient d’un sursalaire grâce à la redistribution de dividende. Prendre en considération les positions occupées par « les femmes de » est également nécessaire. Toutes les alliées ne sont pas femmes de patron et n’occupent pas la même place dans l’entreprise. Il semble que la position occupée par le mari, pèse fortement sur la distribution des rôles et places entre les alliées.
6Afin d’illustrer mon propos, je m’appuierai sur la trajectoire de Catherine, une « femme de », également « femme de patron », qui témoigne de l’ampleur de l’investissement féminin au sein des petites entreprises, mais aussi des enjeux de positions entre les différents membres d’une même famille5.
I. Du succès au déclin : entreprise et famille en peine
1. Catherine, de la fille d’ouvrier à la femme de patron
7Le père de Catherine était ouvrier à la SNCF et sa mère n’avait pas d’activité professionnelle rémunérée. La famille vit d’abord à Nevers puis à Clermont-Ferrand, ville dans laquelle Catherine obtient un baccalauréat scientifique (D). Sa mère refuse qu’elle entreprenne des études de médecine jugées trop difficiles et inadaptées au « métier de femme » : « Tu feras prof ou instit ce n’est pas compliqué, les études sont moins longues, tu auras du temps pour ta famille et tes enfants ! », lui dit-elle. À 18 ans, Catherine entreprend des études pour devenir professeur de sport à l’université de Montpellier. En 1980, trois ans plus tard elle occupe son premier poste au lycée professionnel de Friville, ville où elle habite toujours. Elle ne connaît absolument rien de cette région qui lui semble si étrangère :
Non, mais le choc au départ ! Je ne te dis que ça ! Je me suis retrouvée à l’hôtel, et puis après aux HLM, je ne connaissais personne. Et puis, j’étais dans le Nord, le Vimeu.
8Rapidement Catherine rencontre Christian qui, comme elle, fait partie du club de handball. Ils se marient deux ans plus tard. À l’époque Christian est commercial, mais il deviendra quatre ans plus tard patron d’une entreprise florissante de 40 salariés, l’entreprise Lelong. Le couple aura deux fils et une fille. Aucun ne souhaite reprendre l’entreprise familiale : l’un est propriétaire d’un magasin de musique, l’autre est artiste et bibliothécaire, leur fille est styliste.
Encadré n° 2 : Friville, un bourg industriel au cœur du Vimeu
Friville, capitale du Vimeu Rouge, ainsi qu’on la désigne couramment, comptait 4 844 habitants en 1982. Cette ville, comme beaucoup d’autres localement, doit son essor à l’industrialisation qui est assez ancienne (fig. 1).
Les entreprises de la serrure et de la robinetterie produisent plus de 70 % de la production française de ces gammes de produits. En termes de répartition des établissements, il est à noter que la serrurerie représente près de 35 % des usines alors qu’elle ne regroupe que 13 % de la main-d’œuvre. En ce qui concerne la robinetterie, elle représente 20 % des usines et occupe 27 % de la main-d’œuvre. La fonderie et la fabrication du verre quant à elles, ne représentent respectivement que 8 % des usines mais emploient 22 % et 15 % de la main-d’œuvre. Il semble donc que les entreprises donneuses d’ordre (serrurerie et robinetterie) représentent 55 % des établissements, et les entreprises sous-traitantes 45 %. Pour autant, les entreprises sous-traitantes regroupent 60 % des emplois6. Même si aujourd’hui le paysage urbain change, il témoigne de ces évolutions industrielles (fig. 2). Progressivement, les grandes usines tendent à quitter les centres-villes pour rejoindre des zones industrielles situées en zone périurbaine. Mais les friches industrielles restent, tout comme les nombreuses petites entreprises familiales de sous-traitance qui parsèment les rues de la ville. L’Usine est partout. Ateliers et habitations sont complètement imbriqués. Tout comme dans de nombreuses régions industrielles, les petites maisons ouvrières de briques rouges entourent et bloquent l’extension des petites usines (fig. 3).
Figure 1 : Friville, maisons de la cité Bricard (serrurerie)

Source : © Photographie prise par l’auteur.
Figure 2 : Friche de l’usine Bricard au centre-ville du bourg

Source : © Photographie prise par l’auteur.
Figure 3 : Friche de l’usine Bricard, vue de la rue principale

Source : © Photographie prise par l’auteur.
2. Quand histoires de famille et d’entreprise s’entremêlent
9L’entreprise familiale de découpage-emboutissage, dirigée par Christian est un cas atypique puisqu’elle a été créée par une femme (fig. 4).
10Le grand-père de Christian, Yvon, possédait une entreprise de fabrication de rondelles à proximité d’Abbeville, dans laquelle il travaillait avec son épouse, Louisette. En 1930, Yvon renverse un piéton dans les rues du village. Il est alors condamné à verser une forte somme d’argent à la famille du défunt et l’entreprise fait faillite. Suite à ce drame, Yvon sombre dans l’alcoolisme et décède un an plus tard. Louisette, veuve et mère de trois enfants, reprend contact avec un ancien client. Celui-ci lui fait une proposition : « Venez ouvrir une entreprise de rondelles ici et je vous assure du travail et un logement ». Dotée d’un petit pécule provenant de la vente de l’entreprise de son mari et de quelques biens personnels, elle quitte l’Abbevillois pour se rendre dans le Vimeu et fonde en 1932 l’entreprise Lelong. Initialement, celle-ci produisait des rondelles pour une entreprise de robinetterie locale. Louisette exerce alors de manière artisanale avec trois compagnons. L’affaire se porte bien et permet à la famille de vivre confortablement.
11La Seconde Guerre mondiale va bouleverser l’équilibre de l’entreprise et de la famille. Les trois enfants sont adultes et travaillent dans des entreprises de robinetterie locales. Lorsque le conflit éclate, le fils aîné Charles, âgé de 20 ans, est nommé soutien de famille, il reste donc en France alors que ses deux frères, Gérard et Michel, âgés de 19 et 18 ans, sont déportés dans un camp de travail en Allemagne. Après le départ de ses frères, Charles vient travailler avec sa mère. L’entreprise Lelong ne se porte pas bien. Avec l’occupation allemande, la robinetterie pour laquelle l’entreprise produit des rondelles diminue ses commandes. Louisette tient à maintenir l’outil de production en fonctionnement et Charles, lui, propose de diversifier les clients. Sa mère accepte et il se charge d’aller à la rencontre des autres robinetiers locaux. À leur retour d’Allemagne en 1945, les frères n’acceptent pas que Charles travaille dans l’entreprise, ils lui reprochent de ne pas avoir fait la guerre et d’avoir pris une place, ou tout du moins « la place ». Les frères, à contrecœur, s’embauchent comme ouvriers outilleurs dans une usine locale. Après 1946, les commandes reviennent, et l’entreprise tourne à plein régime. Louisette, demande à ses deux autres fils de rejoindre l’entreprise familiale. Néanmoins, il existe toujours des tensions entre les trois frères.
12En 1955, les commandes affluent, il y a des embauches à l’atelier. L’entreprise est prospère, la mère pense alors à se retirer et à transmettre à ses enfants. Les rôles dans l’entreprise se sont établis : Charles, qui a le savoir-faire technique et la connaissance des industriels, est le bras droit de sa mère ; Gérard, réputé pour être un excellent technicien, devient outilleur ; et Michel, considéré comme trop rêveur, est à la production. En 1960, Louisette prend sa retraite et l’entreprise artisanale change de statut. Elle devient la SARL LELONG avec un capital de 300 000 francs et Charles en devient officiellement le patron. Même si les postes occupés par chacun des frères sont très différents, la mère tient à ce que tous les enfants possèdent le même nombre de part dans l’entreprise. Le capital est donc réparti à parts égales entre les trois frères.
13Entre 1950 et 1956, les trois frères se marient. Michel épouse Marie, qui ne travaille pas. Gérard épouse Louise une ouvrière de l’entreprise et Charles, en 1956, épouse Martine, qui entre comme secrétaire au bureau. Même à la retraite, la mère de Charles travaille toujours avec sa belle-fille au bureau. Vie d’entreprise et vie de famille se recouvrent complètement. À l’exception de Michel et de Marie, la famille vit dans des dépendances construites dans la cour de l’entreprise.
14Progressivement, l’entreprise se spécialise. Tout d’abord, dans les années 1960 avec l’introduction du découpage emboutissage, puis dans les années 1970 avec le cintrage, qui devient l’activité principale de l’usine. À la même période, les trois frères font l’acquisition d’une entreprise parisienne qui fabrique des ustensiles de salle de bain. Entre les années 1970 et 1990, l’affaire se développe et embauche : entre 1980 et 1985, l’effectif passe de 25 à 40 salariés. L’entreprise atteindra les 50 salariés avec les intérimaires pendant les pics de commandes.
15En 1985, Christian, le fils de Charles et mari de Catherine est devenu chef d’entreprise. Une de ses premières initiatives est de transformer la SARL6 en SAS7. L’entreprise tourne et le chiffre d’affaires est bon, dit-il. Mais la question de l’actionnariat commence à se poser puisque les frères, qui possèdent le capital, vieillissent et certains même sont décédés. Ils ont tous des descendants ce qui élargit l’actionnariat au-delà des frères et sœurs et des ascendants directs : « Le passage de générations accroît mécaniquement le nombre des héritiers ce qui menace l’unité de la famille » (Daumas, 2012, p. 41). Dans cette configuration de nouvelles tensions émergent dans la famille.
Oui, mais après une SARL, quand tu commences à atteindre des chiffres d’affaires assez importants et que tu as un capital qui grossit, il vaut mieux passer en SAS, c’est plus simple et plus facile à gérer. Ça coûte plus cher en fonctionnement mais c’est beaucoup plus simple et beaucoup plus clair, vis-à-vis des actionnaires. Et moi quand je suis arrivé, c’était une SARL toujours, et puis après mon boulot de démarchage commercial concernant le cintrage, quand je suis revenu, on a transformé la SARL en SAS pour justement, ramener au capital la famille. Parce qu’au départ, ça n’était que les trois frères, mais les neveux, les nièces, les cousins, ils ont demandé quand même qu’on transforme un peu tout ça pour se protéger des requins parce qu’il y en a partout dans les familles.
16Des années 1980 à 2000, l’entreprise tourne à plein régime. Elle a des clients réguliers qui lui assurent des commandes. L’entreprise parisienne quant à elle n’est pas rentable, elle est alors revendue. Les difficultés commencent entre 2002 et 2004, lorsque les principaux clients (des entreprises de robinetterie et de serrurerie locales) décident de sous-traiter en Chine. La situation s’aggrave encore en 2007, lorsque l’entreprise perd ses deux plus gros clients, deux entreprises de robinetterie. La première délocalise ses contrats de sous-traitance en Chine et la deuxième est rachetée par un groupe qui ferme l’entreprise dans la foulée. Cette quasidisparition des clients entraîne le licenciement de la moitié du personnel. Depuis, l’entreprise survit grâce à un « trésor de guerre » accumulé en ne distribuant pas de dividendes aux actionnaires pendant les trois dernières « bonnes années » et par le développement de ce que ce chef d’entreprise appelle les « niches » : les petites productions demandées par des créateurs du luminaire, ou du luxe en général. Christian parle de « culture de la sous-traitance » qui lui aurait permis de rebondir et de survivre à la crise : de son point de vue être un « vrai » sous-traitant « c’est ne pas avoir de catalogue, ne pas proposer de produits finis propres à l’entreprise et être multiclients et multiniches ». Christian fait de nécessité vertu, la crise est bien présente dans l’entreprise comme en témoignent la diminution de la moitié de l’effectif et la non-distribution de dividendes aux actionnaires depuis sept ans. La culture de la sous-traitance serait, selon lui, sa seule manière de récupérer ou de conserver une légitimité, de sortir de ce déclin qui touche pour la première fois l’entreprise familiale.
Parfois, pour avoir un marché, on se regroupe à quelques-uns […]. On se met à plusieurs autour d’une table et on voit comment faire pour éviter que les petits marchés qui restent, partent eux aussi en Chine. Maintenant, on axe sur les petites séries et sur les produits de décoration de la maison. Là ce sont des petites séries, les chinois ne sont pas intéressés et en plus sur ce type de produit on arrive à faire une petite marge (Extrait d’entretien avec Christian Lelong, le 26 avril 2012).
Figure 4 : Schéma de parenté de la famille Lelong

Légende : CA – Membres du conseil d’administration ; A – Actionnaires ;
SCI – Personnes faisant partie de la société civile immobilière ; – Personnes décédées.
17La situation de l’entreprise Lelong n’est pas un cas isolé sur le territoire. Et les patrons sont de plus en plus nombreux à pratiquer le négoce avec la Chine au détriment des usines de sous-traitance locales :
60 % de mon chiffre d’affaires est fait avec des produits que j’achète en Chine, le produit fini chinois livré et emballé me coûte la même chose que la matière première en France (Propos recueillis le 6 mars 2012 lors de la visite des établissements R. à Dargnies).
II. Devenir de la femme du patron
1. Le malheur des uns, fait le bonheur des autres
18Un an après son mariage, Catherine s’investit dans l’entreprise sans considérer pour autant qu’elle y travaille ; « elle aide », me dit-elle, alors même qu’elle va acquérir nombre de compétences supplémentaires. À l’époque, son mari achète un ordinateur pour informatiser la paye, mais sa mère, qui travaille encore dans les bureaux, ne maîtrise pas l’informatique, contrairement à Catherine. Grâce à ce savoir qu’aucun autre membre de la famille ne possède elle va gérer la paye, mais toujours à titre bénévole : elle est encore enseignante et le samedi elle se forme à la comptabilité et à la gestion avec l’aide du fils du comptable de l’entreprise. Elle se familiarise en même temps avec la gestion des clients et des fournisseurs. En 1985, lorsqu’Estelle, une « descendante » (cousine de Christian, d’une trentaine d’années, employée du bureau), tombe malade, Catherine prend en charge le secrétariat tous les soirs après son travail. Elle devient alors indispensable.
19Elle prend position dans l’entreprise en occupant la position de la descendante défaillante et en compensant son illégitimité familiale par l’acquisition de compétences rares et nécessaires à la bonne marche de l’entreprise. Ainsi, si Catherine n’est pas entrée dans l’entreprise par la grande porte, elle a su s’imposer en investissant au bon moment dans des compétences non détenues par des femmes de la famille et en ne comptant pas le don de son temps. Pour autant, elle reste une petite main, une exécutante. Si Catherine est utile, elle arrive comme par défaut lorsque d’autres – toujours des femmes – ne sont plus capables de faire leur travail. Elle comble des vides et son travail reste invisible et gratuit. Elle s’investit bénévolement dans l’entreprise. Cependant, elle en retire des gratifications symboliques qui vont participer au développement de sa carrière professionnelle (Krinsky et Simonet, 2012).
Encadré n° 3 : Estelle, trajectoire d’une descendante
Estelle est la fille cadette de Michel et Marie, elle est aujourd’hui âgée d’une cinquantaine d’années. Elle débute sa carrière au bureau chez Lelong. Elle s’occupe principalement de la comptabilité. Elle y exerce avec Martine, la femme du patron. Il est prévu qu’à terme elle reprenne la place de responsable au bureau. À la mort de son frère Jacques, qui devait initialement reprendre l’entreprise, et de sa mère, Estelle entre dans une grave dépression et devient alcoolique. Durant trois années, elle est en congé maladie. Lorsqu’elle souhaite reprendre le travail, Catherine occupe déjà en partie son poste. Estelle est alors envoyée comme secrétaire comptable dans l’entreprise parisienne dont la famille est également propriétaire. Là, elle rencontre Ahmed, son futur mari avec lequel elle aura un enfant. Estelle est de nouveau malade. Quand l’entreprise parisienne ferme ses portes, Estelle rejoint l’entreprise familiale, mais elle est envoyée à l’atelier. Une fois encore elle est arrêtée pendant cinq ans en raison de son alcoolisme. Estelle n’a que 43 ans lorsque son père décède et lui lègue la maison familiale et toutes ses parts. Elle demande alors à Christian de la licencier, mais elle conserve ses parts et participe avec assiduité aux CA et aux AG. Ainsi, bien qu’elle ne soit plus dans l’entreprise comme salariée, la mort de son père lui permet d’entrer dans le cercle fermé des administrateurs qui ne sont plus que trois Estelle, Christian et son père.
2. Mais n’être qu’une « femme de… »
20En 1986, Catherine est en congé maternité ; elle vient tous les jours dans l’entreprise : « Être assise au bureau ou à la maison ne change pas grand-chose » affirme-t-elle. En effet, famille et entreprise sont intimement liées. Plusieurs générations de Lelong travaillent sur un même lieu et, de surcroît, la maison familiale se trouve dans la cour de l’entreprise. C’est ainsi que l’économie domestique et l’économie d’entreprise sont inséparables et que les espaces et les temps consacrés au travail et à la famille se recouvrent en partie :
Les enfants, je les ai élevés ici dans l’entreprise, je dis l’entreprise, mais, comment dire, je les éduquais dans la maison ou au bureau, et l’entreprise était leur terrain de jeux.
21Si Catherine s’investit progressivement dans l’entreprise, elle a aussi à sa charge la gestion budgétaire du foyer et l’éducation des enfants. Elle travaille sur trois fronts en même temps : l’enseignement, l’entreprise et la sphère domestique. « Moi, je gère l’entreprise, les enfants et la maison ! ». Elle est obligeante dans le double sens lexical : certes, elle rend service mais elle le fait en même temps, contrainte par son statut de « femme de ». Cependant, lorsqu’en 1986, sa belle-mère prend sa retraite, son statut évolue. Désormais, elle effectuera deux mi-temps, l’un au collège, l’autre dans l’entreprise.
22Cette évolution du statut de Catherine dans l’entreprise est représentative de la hiérarchie des positions dans la famille. Tant que sa belle-mère œuvre en compagnie de sa nièce, la belle-fille reste en retrait. La belle-mère peut elle-même « monter en grade » lors de l’arrivée d’une subalterne : sa belle-fille. Elles occupent toutes deux une position d’alliée, mais l’ancienneté dans l’entreprise compte. Catherine ne doit pas remettre en cause la position acquise par sa belle-mère. La place des femmes et des hommes dans l’entreprise n’est pas le fruit du hasard et, en l’occurrence, l’ordre familial est assez clair : les hommes de la famille occupent les places clefs, arrivent ensuite les femmes de la famille quand elles restent dans l’entreprise, et seulement en dernier lieu les « femmes de… ».
3. Réussir la transformation des dispositions féminines en compétences professionnelles
23Dix ans plus tard, Catherine a une quarantaine d’années. Elle quitte définitivement l’enseignement pour l’entreprise. Cette reconversion professionnelle qui peut sembler risquée au vu des difficultés de l’entreprise est possible grâce à la sécurité financière que lui apporte sa retraite de l’Éducation nationale.
24Désormais plus disponible, et en l’absence d’autres femmes (la cousine est toujours malade, et la belle-mère est à la retraite), elle prend la main sur l’ensemble du domaine administratif. Elle est également pendant sept années juge prud’homale pour le collège employeur, expérience qui lui permet de côtoyer des chefs d’entreprise et d’être progressivement acceptée dans ce monde d’hommes, dit-elle, même si elle pense être toujours perçue comme « la femme de ». De plus, depuis plus de dix ans, Catherine assiste aux réunions de l’UIMM8, et aux formations proposées : à raison de deux journées par mois, elle s’est progressivement formée à la gestion, à la négociation, aux règles juridiques et comptables de l’entreprise. On le voit, durant ces années elle s’est forgé non seulement un capital technique sur des points de droit, de gestion et de comptabilité, mais également un capital social.
25Non seulement Catherine accède lentement au travail gratifiant de l’entreprise, comme par défaut, à la faveur du départ d’autres femmes, mais plus encore lorsqu’elle y parvient véritablement, elle y occupe une position certes importante, mais sexuellement située. L’administratif et la comptabilité sont des domaines féminins par excellence : elle fait dans l’usine ce qu’elle fait à la maison en quelque sorte. De plus, elle mobilise une autre compétence féminine, celle de développer et d’entretenir les relations, le capital social utile au collectif : elle côtoie les hommes de ce milieu, mais au pôle le plus féminin, celui de la loi. Cette stratégie accroît sa surface sociale et renforce sa position dans l’entreprise. Elle se rend de plus en plus indispensable.
26Pour autant, Catherine ne se contente pas de son statut de « femme de », elle doit pour être et se sentir légitime, acquérir les garanties délivrées par une instance extérieure qui lui donne une compétence certifiée. Elle mérite désormais son poste en raison de ses multiples apprentissages. Catherine, issue d’un milieu modeste, a toujours considéré l’école comme un moyen de réussite sociale ; sa croyance intacte, elle use de cette stratégie pour pénétrer en toute légitimité l’entreprise. L’acquisition de savoirs lui permet, en effet, d’avoir son mot à dire dans bien des domaines : elle entretient des contacts privilégiés avec les clients, les fournisseurs, elle tient la comptabilité, donne son opinion sur les salaires, règle les différends avec les salariés et gère les situations de crise comme les grèves où elle négocie avec les syndicats. Pourtant, Catherine malgré ses compétences acquises, renvoie son statut à une quasi « nature féminine », ou tout du moins pour elle, à une naturalisation de la division sexuelle du travail. Elle dit notamment : « il faut toujours une femme, parce que papy c’est pareil, avant de gérer, il était saxophoniste et métallurgiste ». Il est donc normal, selon elle, que les femmes assurent la gestion. Les femmes seraient naturellement douées pour ces choses relatives à l’intendance, choses non nobles, en quelque sorte, que les hommes leur abandonneraient bien volontiers. Pour Catherine, il ne fait aucun doute que le rôle de la femme c’est d’être très présente, mais toujours en arrière-plan. On retrouve là une représentation de sens commun qui laisse à croire que malgré sa position dominée la femme « dirigerait » en sous-main et qu’elle ne pourrait le faire, justement, que parce qu’elle ne le revendique pas publiquement : ainsi les femmes peuvent croire « ne pas être si dominées que cela » et les hommes profitent de cette croyance illusoire pour conserver leurs positions de chef de famille et d’entreprise… Catherine le dit parfaitement, mais sans s’en rendre compte, lorsqu’elle rappelle dans un même mouvement l’ambiguïté de la position féminine :
Non, je rigole, c’est parce que ma belle-mère, ils l’appelaient la mère That-cher à l’usine. Tu sais, il faut toujours une femme, on est différente, nous n’avons pas les mêmes réactions ! Alors derrière un homme, il faut toujours une femme !
III. Une répartition sexuée des activités dans l’entreprise
1. Être un homme pour être patron
27L’existence de l’entreprise est intimement liée aux rapports sociaux locaux et plus encore aux rapports sociaux dans la famille qui la possède et se la transmet d’une génération à l’autre. Comme l’explique Tiphaine Barthélémy, « l’héritage c’est aussi et, serait-on tenté de dire, surtout de l’argent, des biens, du pouvoir – toutes choses qui ne contribuent pas peu à la dévolution des statuts sociaux. Dissocier famille et société, relations intimes et transmissions économiques n’est dès alors plus un statut tenable » (Barthélémy, 2004).
28Il est bien évidemment impossible d’évoquer la situation de Catherine sans la mettre en lien avec celle de son mari et celle de l’entreprise. Christian Lelong a toujours connu l’entreprise, c’est pour lui un espace de socialisation ancien et massif : sa grand-mère l’a fondée, ses deux parents y travaillaient, il habitait dans la cour… À l’âge de 22 ans, en 1980, il travaille au magasin de l’entreprise familiale, il s’exerce ensuite un an et demi avec son oncle Gérard à l’outillage puis intègre pour six mois avec son oncle Michel la production, après quoi il devient commercial pour une entreprise parisienne d’accessoires de salle de bain, dont son père et ses oncles sont actionnaires. Le fils de Michel, Jacques depuis plus longtemps dans l’entreprise et occupant le poste de chef d’atelier, devait reprendre la direction, mais décède et c’est dans ces conditions que Christian prendra la tête de l’entreprise familiale.
29Comme l’explique Catherine, on ne transmet pas aux femmes, et il est important de faire des garçons pour assurer la filiation. « Quand ils t’ont eu, papy et Martine étaient rassurés, en cas de problème, la filiation était assurée ! », dit-elle en s’adressant à son mari. Après le décès de son cousin, Christian est le dernier garçon de sa génération présent dans l’entreprise. Christian travaille encore comme commercial dans l’entreprise parisienne. C’est donc « tout naturellement » que son père lui demande de réintégrer l’entreprise mère et de prendre sa place. On note qu’à l’exception de la créatrice de l’entreprise, pour l’instant aucune « femme de la famille » n’est devenue patronne. De manière évidente l’appartenance de genre joue dans la probabilité de devenir chef d’entreprise ; les femmes, même celles qui sont des héritières, n’occupent pas les positions stratégiques. Le sexe féminin fonctionne comme une propriété discriminante qui détermine très largement la place et l’avenir dans l’économie familiale. Alors que les hommes commandent et dirigent, les femmes sont ouvrières, employées de bureau ou, au mieux, responsables administratives.
2. Un ethos fait de distance et de proximité à la classe ouvrière
30De surcroît, Christian à toutes les dispositions nécessaires pour devenir « l’élu ». C’est un héritier, son père était lui-même patron, et il maîtrise le savoir-faire technique. En effet, l’enfant intronisé héritier doit être socialisé au métier. Même s’il n’a plus obligatoirement, une fois patron, à assumer de fonctions en lien avec la production, une « initiation aux métiers ouvriers » est toujours requise. Ce que Christian fera en s’initiant au métier aux côtés de ses oncles. Cet apprentissage pratique conditionne en grande partie la légitimité de l’élection au poste de patron et forge un ethos particulier fait de proximité, mais aussi de distance à la classe ouvrière. Il doit permettre d’acquérir et de donner à voir deux choses inséparables : la maîtrise des procédés de fabrication et, dans le même temps, le respect des ouvriers pour le travail et les savoirs de leur futur patron. Une force du patronat familial est qu’en tout état de cause, les enfants de patrons qui reprennent l’entreprise ont hérité des dispositions à l’égard de l’économie, de la gestion, et de la technique. Cet héritage leur confère une assurance et une légitimité qui leur permettent de « tenir » leur position. Néanmoins, cette transmission de savoirs et de savoir-faire entre générations ne suffit pas à garantir l’évolution à long terme de l’entreprise. Celle-ci est également fonction du montant des capitaux de différentes espèces dont les patrons disposent. Par conséquent, la position de patron varie selon que l’on dirige une entreprise donneuse d’ordre ou une entreprise de sous-traitance et en fonction des caractéristiques sociales des agents.
3. La technique, symbole de domination ?
31Le domaine d’activité, la filière de formation, et l’occupation de positions externes à l’entreprise (adhérent ou membre du comité directeur de l’UIMM, ressortissant ou membre de la commission industrie de la chambre de commerce, l’exercice des fonctions de juge prud’homal, un statut politique ou encore l’appartenance à un club service), et le capital économique sont des facteurs qui permettent de classer les patrons au sein de l’espace local.
32Le patron est tout d’abord plus ou moins dominé en fonction de la position que son entreprise occupe dans le champ économique. Il est dans une posture plus confortable s’il négocie avec une entreprise de sa stature autour d’un produit propre (breveté), présent dans le catalogue. La situation se complique lorsqu’il est confronté à d’autres agents économiques, et notamment les entreprises pour lesquelles il est sous-traitant : « La position de sous-traitant n’est jamais enviable, dans ces cas-là, c’est vous qui devez fermer votre caquet ! », souligne le patron d’une entreprise d’outillage (extrait d’entretien, mars 2013). Il est important de rappeler ici, qu’une entreprise peut se suffire à elle-même et assurer de manière autonome l’ensemble du process de fabrication ou, à l’inverse, être complètement dépendante d’une autre société, qui la tient en étau en lui assurant du travail pour un minimum de revenu. Entre ces deux situations extrêmes, il existe un continuum de situations : les entreprises se retrouvent au gré des commandes en alternance entre une position de « donneur d’ordres » ou de sous-traitant. Une entreprise aura d’autant plus de chance de tenir la position de donneur d’ordres si elle possède dans son catalogue des produits de consommation finale. En effet, lorsqu’une entreprise fabrique ce type de produits, elle est à l’initiative des procédés de fabrication, de la quantité à produire et des circuits de commercialisation. Elle est techniquement et commercialement indépendante et peut définir la gamme et les caractéristiques techniques de ses produits.
33Certaines entreprises occupent une position différente. Elles produisent des biens de consommation intermédiaire et des produits finis ; elles peuvent donc occuper en fonction des marchés une position de sous-traitant ou de donneur d’ordres et ainsi se trouver dans une alternance des positions.
Figure 5 : Quelques propriétés sociales concernant les patrons rencontrés

34Il est donc important de ne pas considérer l’activité de sous-traitance comme exclusivement subie. Si nous prenons l’exemple d’une fonderie, elle peut faire le choix de sous-traiter pour un client l’usage de ses fours. Une fois les fours en chauffe, il n’y a pas de retour en arrière possible. Pour éviter de n’utiliser qu’en partie leur capacité, l’entrepreneur peut décider de sous-traiter pour un autre confrère, s’assurant ainsi une forme de double revenu, grâce à une utilisation optimum du matériel.
35La dernière catégorie regroupe des entreprises complètement dépendantes. Elles ne fabriquent que des produits de consommation intermédiaire ou n’interviennent que dans un des procédés de fabrication, ce qui est le cas de l’entreprise de Christian. Ces entreprises ne sont maîtres ni des caractéristiques techniques des produits, ni des procédés de fabrication. Dans certains cas, le patron et les actionnaires ne sont même pas propriétaires de leur outil de production qui appartient aux donneurs d’ordres. Ces entreprises dépendantes d’un ou deux donneurs d’ouvrage ont du mal à diversifier leur production, et à conquérir de nouvelles clientèles, puisqu’elles ne peuvent pas garantir la continuité de la production, le matériel ne leur appartenant pas. Dès l’instant où le donneur d’ordres n’a plus besoin de leurs services, il peut décider de reprendre son matériel. Lorsque l’une des robinetteries donneuses d’ordre de l’entreprise Lelong délocalisa certaines activités, Christian n’étant pas propriétaire de l’ensemble de son parc machine et la moitié appartenant à l’un des donneurs d’ordres, dut le lui racheter. Les patrons des entreprises de sous-traitance évoquent régulièrement leur crainte de mettre la clef sous la porte, les donneurs d’ordres ayant délocalisé une partie de leur sous-traitance à l’étranger.
36Le patronat n’est pas un groupe homogène, notamment du point de vue des ressources scolaires et des cheminements socioprofessionnels. Même si j’ai rencontré des anciens patrons titulaires d’une licence de droit, ou encore d’un diplôme d’ingénieur des arts et métiers, la filière de l’apprentissage a été la norme pour plusieurs générations, et cela quel que soit le domaine d’activité. Il semble qu’aujourd’hui « les enfants de patrons » s’engagent dans des formations différentes en fonction des secteurs d’activité et de la taille de l’entreprise. Les dirigeants des entreprises donneuses d’ordre sont beaucoup plus diplômés que les patrons des entreprises de sous-traitance. En effet, à titre d’exemple, deux des patrons de robinetterie que j’ai rencontrés, ont l’un une maîtrise de mathématique, l’autre un diplôme d’HEC. Chez les sous-traitants, le capital scolaire est plus faible et là, le BTS est déjà un diplôme élevé puisque la majorité a obtenu un CAP. Dans ce cas, les notions nécessaires à la gestion de l’entreprise ne s’acquièrent pas à l’école, mais se transmettent de père en fils et, éventuellement, par la formation continue. Mais là comme ailleurs, les différentes formes de capitaux se cumulent ; les patrons des entreprises de sous-traitance qui ont des ressources sociales importantes sont également dotés des diplômes les plus élevés.
37Les patrons des entreprises de sous-traitance n’ont pas tous les mêmes stratégies. Les dominants ont en commun de conserver leur position grâce à la mobilisation de stratégies à la fois scolaires, économiques, sociales et familiales… Gérard Delgrange, patron de l’entreprise Delgrange incarne ce profil : il a adopté les stratégies des donneurs d’ordres en installant une usine en Chine, ce qui lui permet de produire à moindre coût ; il est membre du comité directeur de l’UIMM et représente tous les sous-traitants français en métallurgie pour le salon du MIDEST9 ; il est également vice-président de la chambre du commerce et de l’industrie. Les positions tenues par les patrons à l’extérieur de l’entreprise leur permettent d’obtenir des ressources économiques, politiques, symboliques et qui sont une condition pour accéder à la notoriété et la respectabilité et pour se distinguer au sein de son groupe professionnel.
38La conception défendue par de nombreux chefs d’entreprise comme Christian est « qu’un bon patron est d’abord et avant tout un bon technicien. Eh ! Oui, un patron bon en gestion, mais nul en technique, n’aura forcément rien à gérer ! Là, t’es sûr que l’entreprise se casse la gueule ! ». Cette représentation du mérite technique qui justifierait la position de patron est largement illusoire dans la mesure où les patrons des grands groupes à l’heure actuelle sont d’abord et avant tout des managers et des financiers. Cette perception des qualités que devrait posséder un patron n’est pas neutre et elle classe Christian – petit patron d’une entreprise de sous-traitance –, dans une position dominée dans l’espace du patronat. Sa vision du métier ne diffère pas de celle qui prévalait au début du XXe siècle :
Les petits patrons, propriétaires de leurs moyens de production sont souvent aussi des ouvriers, dans le sens où ils exercent une activité productrice. Ils partagent d’ailleurs avec les ouvriers de métier, la défense de savoir-faire spécifiques (Zalc, 2012, p. 57).
4. L’inversion de la hiérarchie symbolique
39Il est intéressant de noter l’inversion de ces hiérarchies symboliques. Dans le cas qui nous occupe, la technique est l’attribut masculin par excellence et aussi celui du « bon patron », respecté comme un technicien plutôt que comme un gestionnaire. Mais il est à noter que cette division technique du travail, s’accompagne également d’une division sociale du travail. Au milieu des années 1970, la classe ouvrière se divise, se fractionne (Castel, 2013), et le patron dans les plus grandes entreprises participe de moins en moins au travail directement productif. Les patrons dominants rencontrés au cours de l’enquête, se présentent en costume, alors que les petits patrons sont plus souvent en bleu de travail et les entretiens portent sur leur capacité de gestion de l’entreprise, leur capacité de négociation, leurs investissements étrangers, mais rien n’est dit ou peu sur la technique. Plus l’entreprise est grande, moins le patron a de liens directs avec la production. En revanche, la compétence acquise par des femmes comme Catherine qui se sont spécialisées dans la gestion n’est pas considérée comme un savoir technique parce qu’elle ne contribue pas directement à la production, cœur de la légitimité industrielle de ces « petits » patrons à l’ancienne, fiers de leur savoir-faire plutôt que de leur capacité comptable.
40Si les ouvriers reconnaissent la place de gestionnaire de Catherine, si elle a une place qui compte dans cet entre-soi restreint, elle n’a toujours pas, pour autant, d’existence auprès de l’actionnariat. Elle ne possède pas d’action. Catherine aspire à un statut social qui lui serait propre, qui ne serait pas uniquement en lien avec sa position matrimoniale. Mais, elle ne revendique pas haut et fort son souhait d’indépendance10. Pour autant, en entrant dans l’entreprise, elle devient indispensable à la famille Lelong et ce d’autant plus facilement qu’elle adhère à une vision traditionnelle de la famille, et des rapports homme-femme dans le couple. Pourtant, même si elle contribue à l’économie politique domestique et productive, elle est reléguée au second plan dans ces deux espaces sociaux ; son mari est à la fois chef de la famille et de l’entreprise. Les statuts et événements liés à l’usine en témoignent puisque si Catherine donne son avis sur les décisions, elle est tenue à l’écart des conseils d’administration et des assemblées générales, exclusivement composés des membres de la famille limitée aux descendants du fondateur.
IV. Les enjeux économiques et symboliques de la famille
41La famille peut se confondre avec l’actionnariat, et cette famille actionnaire doit être préservée :
Le maintien de l’unité familiale dépend à la fois d’une rémunération satisfaisante du capital des actionnaires familiaux et des efforts du chef de maison pour les fédérer, […] (Daumas, 2012, p. 41).
42Dans notre cas, c’est à Catherine que revient le rôle de préserver et de fédérer, alors même qu’elle n’en est pas membre à part entière.
Même si on ne se fréquente pas dans la famille, dit Catherine, je suis obligée de prendre les problèmes de tout le monde. Je ne sais pas pourquoi, ma belle-mère le faisait aussi, c’est comme ça
43Conserver la famille – et ses apparences – pour conserver l’entreprise est sûrement une des missions clefs de « la femme du patron ». En effet, dès que la famille s’est élargie, de nombreux conflits se sont déclarés. Les positions des uns et des autres étaient observées et jalousées. De véritables luttes internes ont éclaté.
44Pour y remédier, la femme du patron doit intervenir. Il s’agit notamment de s’occuper des épouses lorsque le mari, un homme de la famille travaillant dans l’entreprise, décède. Il faut être vigilant à propos des querelles d’amoureux, quand un homme de la famille quitte une ouvrière de l’entreprise, avec laquelle il vivait. Lors des licenciements, qui concernent également des membres ou anciens membres de la famille par alliance, il faut garder en mémoire les histoires des uns et des autres afin d’adopter la stratégie adéquate et pour épargner son mari :
C’est dur pour moi aussi, mais pour lui, ce n’est pas pareil. Lui, il a grandi dans la boîte, il y est attaché, alors que moi, vraiment ce n’est pas pareil. Quand il se passe quelque chose de grave, moi, je suis dans l’action. Pour les licenciements, c’est regarder qui va être licencié pour préserver au mieux les compétences. […] Et moi, je ne ressens pas du tout les choses comme lui, alors du coup, c’est moi qui les gère. Lui, ce n’est pas pareil, il travaille avec les mecs tous les jours, il est tous les jours à l’atelier.
45Au cours des dix dernières années, la diplomatie, la discussion, l’apaisement étant des dispositions considérées comme féminines, c’est Catherine qui s’occupe de l’enfant d’une cousine alcoolique et d’un cousin de son mari dont elle organise l’enterrement ; c’est encore elle qui règle les documents administratifs des « cousines » débordées… Même si les membres de la famille ne se fréquentent pas véritablement et n’ont que très peu de liens affectifs, Catherine veille à la paix familiale. Son statut « de femme du patron » qui est aussi, le chef de famille, l’oblige à tenir le rôle de juge de paix bienveillant à l’égard des « dépendants ». Ce sont là des tâches qui incombent à Catherine, tout comme elles étaient du ressort de sa belle-mère en son temps.
Encadré n° 4 : Trajectoire de Maude, une alliée, ouvrière dans l’entreprise Lelong Maude est elle aussi une alliée pour autant, elle n’est pas femme de patron. Elle est ouvrière dans l’entreprise familiale. Elle a été mariée à Jean-Claude Lelong, le responsable outilleur, avec lequel elle aura un fils. Maude entre dans l’entreprise à son mariage, et y passera toute sa carrière. Elle est en constante opposition avec Catherine ; les deux femmes se détestent. Cette querelle est directement en lien avec les positions occupées par l’une et l’autre. Après 14 ans de mariage, le couple se sépare et l’alliance est rompue et Maude n’est plus rien. Elle garde son emploi au sein de la société et exerce tous les jours auprès de son ancienne belle-famille. Lorsque la première vague de licenciement arrive, Maude n’est fait pas partie pourtant elle n’est qu’à deux ans de la retraite. Catherine veille là encore sur ses intérêts et ceux de la famille, elle est persuadée qu’en cas de licenciement, Maude les enverra aux prud’hommes, alors elle ne l’y inscrit pas, et attendant que son ancienne belle-sœur demande à son mari une rupture conventionnelle. Ce que Maude fit dans l’année.
46À la génération précédente, celle-ci s’est occupée de sa belle-sœur mourante, qui a protégé la position d’un de ses beaux-frères, perçu par tous comme l’inventeur, mais surtout comme le rêveur, qui a soigné les enfants des membres de la famille de sang. C’est notamment le cas de Claudine, la fille aînée de Gérard et Louise. La naissance de ce premier enfant est très attendue par le couple parce qu’ils fondaient tous leurs espoirs de reconquête du poste de patron sur l’enfantement d’un héritier. La déception est grande devant le sexe de l’enfant et Claudine est rejetée par ses parents. C’est alors Martine, la femme du patron, qui l’élève et assure son éducation.
47Une des missions officieuses de la femme du patron fut de veiller à ce que les querelles de famille ne déclenchent pas une remise en question des positions dominantes occupées par certains dans l’entreprise, et d’éviter qu’elles fassent éclater la famille, notamment en tant qu’ensemble d’actionnaires. En effet, les relations interfamiliales sont parfois difficiles notamment en ce qui concerne la redistribution des bénéfices.
Les relations dans la famille étaient parfois très difficiles. Mon oncle était quelqu’un de très virulent, le frère de mon père. Pour lui il fallait distribuer à mort parce qu’il avait travaillé toute sa vie dans l’entreprise, et donc il ne comprenait pas pourquoi on ne distribuait pas les trois dernières bonnes années que l’on a faites. C’était, oui mais je ne comprends pas, j’ai travaillé toute ma vie là-dedans, je me suis éreinté au boulot, c’est vrai qu’il a beaucoup travaillé, et il disait qu’il touchait une retraite de misère et que le jour où il y avait des dividendes, on lui en donnait pas. Il y a eu des assemblées générales qui étaient un peu houleuses (Christian Lelong, mars 2012).
48Christian a deux réunions obligatoires par an avec les actionnaires, un conseil d’administration avec la famille restreinte et une assemblée générale où sont conviés tous les membres de la famille. Passer en SAS a permis à ce patron de se protéger, de ne pas avoir à donner d’informations qui auraient pu créer des conflits et remettre en cause sa position dominante. En effet, le passage de la SARL à la SAS autorise à ne pas révéler aux actionnaires le salaire du patron.
Après la SAS, c’est encore autre chose, c’est la même chose que la SA sauf que c’est pour éviter que l’on sache, que l’on divulgue le salaire des dirigeants au conseil d’administration. C’est-à-dire que moi, mes actionnaires savent combien je coûte à la société, moi et les cadres. Dans une SAS, tu n’es pas obligé de le faire voir sur le papier. Alors t’as des sociétés qui passent en SAS parce que les gens gagnent beaucoup d’argent et qu’ils n’ont pas trop envie que ça se sache tout simplement.
49Et si aujourd’hui les difficultés dans la famille se sont réduites, c’est qu’il n’y a plus d’argent à distribuer, selon lui. Dans l’entreprise, Catherine est très présente, mais n’empiète pas sur le domaine masculin incarné par la direction et le pôle technique. Il en est de même dans la famille. Si elle fait en sorte que tout se passe au mieux, c’est pour que le chef de famille n’ait pas à s’inquiéter des conséquences des mésententes : elle s’occupe de l’argent, des conflits, des soins… elle veille.
Conclusion
50La domination du savoir-faire technique (du métier) sur la gestion, explique qu’en dépit des années de travail qualifié dans l’entreprise Catherine « aimerait être plus reconnue » ; malgré tout ce qu’elle y fait, elle s’occupe exclusivement de ce qui n’intéresse pas son mari. Nulle concurrence dans le couple ne vient menacer la place de l’homme dans la division sexuelle du travail qui lui réserve la part noble de l’activité, celle qui attache le statut dominant à la maîtrise technique de la production. On peut noter au passage que cet attachement à la valeur technique de l’activité industrielle est en décalage avec les vertus de gestion et de management prônées par les patrons les plus diplômés qui dirigent des entreprises plus grandes : véritables technocrates en costume, ils ont laissé tomber le bleu de travail. Finalement, « les femmes de » sont plus proches en termes de compétences des grands patrons, elles s’investissent au pôle gestionnaire, administratif, et financier. Cependant, ces compétences durement acquises ne sont pas dominantes dans l’espace des petits patrons.
51La trajectoire de Catherine montre également que les femmes doivent développer un grand nombre de savoirs afin d’être reconnues dans l’entreprise. Mais cela ne suffit pas toujours. Dans le cas de Catherine ce sont aussi les défaillances des descendantes qui jouent en sa faveur : Estelle n’a pas réussi à faire ses preuves au bureau et finit sa carrière à la production ; Claudine rejetée dès sa naissance par ses parents, n’occupera aucun poste dans l’entreprise. Dans cet univers féminin, Catherine a réussi à obtenir un statut qui compte mais non sans effort. Et il est impossible de dissocier ce statut de la position de patron de son mari. Tout comme sa belle-mère, elle-même, femme de patron, Catherine occupe un poste en lien avec la gestion. Ce qui n’est pas le cas des autres alliées, qui soit n’ont aucun poste dans l’entreprise soit sont ouvrières.
52Plus largement, ce que montre l’observation de la lignée Lelong, c’est que les femmes doivent construire leur légitimité alors que les hommes en héritent. Toutefois, si le fait d’être une femme est d’entrée de jeu discriminant pour accéder à un statut qui compte et au pouvoir décisionnel dans l’entreprise, le fait d’appartenir ou non à la lignée est lui aussi décisif. La filiation étant ce qui organise la transmission au sein de l’entreprise, elle permet aux descendantes d’être invitées à participer aux AG ou encore aux CA. Elles peuvent ainsi faire entendre leur voix. En attendant d’hériter des actions de leurs pères ou de leurs mères et de bénéficier de dividendes, les cousins, cousines, neveux et nièces appartiennent à la société civile immobilière de l’entreprise, position qui leur assure un sursalaire.
53En conclusion, dans la lutte qui oppose l’héritage et le mérite, l’héritage l’emporte. Malgré toutes les ressources développées par celles qui méritent, l’écart des positions semble difficilement compensable.
Bibliographie
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Notes de bas de page
1 À l’image de la serrurerie Deloche d’Ault, qui faisait travailler des ouvriers dans ses propres ateliers pour la fabrication des pièces, alors que d’autres travaillaient à domicile et étaient chargés du montage.
2 En 1830, apparaissent les premières robinetteries, à Tully et à Friville-Escarbotin avec les établissements Chuchu Decayeux. « Monsieur Chuchu était polytechnicien et a développé très vite cette entreprise. C’était une robinetterie qui fabriquait des robinets pour le gaz. Le gaz d’éclairage au XIXe siècle a fait exploser… C’était le premier robinetier ici pratiquement » (Entretien avec G. Delabie, directeur technique, entreprise Delabie, Friville, mars 2012).
3 Principales activités de sous-traitance : l’usinage, la mécanique générale, le chromage, le nickelage, le décolletage, la fonderie de fonte, de laiton et d’aluminium et la production de matière plastique.
4 Aujourd’hui, les 200 entreprises du Vimeu emploient environ 6 000 salariés et produisent 70 % de la serrurerie, 80 % de la robinetterie sanitaire, et 85 % de la robinetterie gaz française.
5 Afin de préserver l’anonymat des familles qui ont accepté de participer à cette enquête, les noms et prénoms ont été modifiés.
6 Société à responsabilité limitée.
7 Société par action simplifiée.
8 Union des Industries et des Métiers de la Métallurgie.
9 Salon mondial de la sous-traitance industrielle.
10 Ceci semble être le propre des femmes qui occupent une position dans le champ économique, leur répertoire d’action est rarement ouvertement contestataire. Elles veillent à ne pas effrayer les hommes (Blanchard et Rabier, 2013, p. 101-130).
Auteur
Doctorante en sociologie à l’Université de Picardie Jules Verne, rattachée au Centre universitaire de Recherches sur l’Action publique et le Politique (UMR 7319). Après avoir mené une recherche dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes sur la prise en charge sociale des vieux ouvriers dans le cadre d’un paternalisme patronal, elle poursuit ses travaux en doctorat sur le patronat familial d’un territoire de Picardie maritime.
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