Espace et drame intérieur dans Léviathan
p. 183-200
Texte intégral
1Entamer la lecture de Léviathan, c’est pénétrer, à l’exemple de Guéret, dans un monde enchanté, un univers singulier, envoûtant comme celui des rêves, lors même que l’auteur multiplie les indices réalistes. L’un des traits distinctifs de cet univers est la façon dont la passion se déchaîne dans un paysage, ou plus précisément dont le trouble croissant des personnages, qui débouche sur la violence, est associé à une manière de métamorphose fantastique des choses, comme si, pour exprimer leur drame intérieur, Julien Green avait volontiers recours à l’évocation d’un espace en proie à une mystérieuse transmutation : parcourir l’espace dans Léviathan, c’est peut-être une autre façon de parler du personnage. L’expérience du regard qui révèle l’étrangeté des choses, les déplacements inquiets, les moments d’immobilité rêveuse définissent un rapport au monde autant qu’à soi-même. La recherche impuissante de l’autre se conjugue ici avec celle d’un lieu inaccessible, paradis où la prison du moi serait enfin abolie, et qui s’oppose aux cercles de l’enfer où s’enfoncent les personnages. L’exploration de cet enfer, spatial autant qu’intérieur, ne saurait négliger les brèves rémissions où le bonheur se laisse entrevoir comme un pays perdu qu’on craint de ne visiter jamais plus.
2Au commencement était l’ennui, sentiment baudelairien, qu’inspire l’implacable « ordre des choses »1, et qui rend désirable tout événement, fût-il une menace. La présence de l’assassin sous son toit fait rêver Madame Grosgeorge à « quelque chose de tout à fait imprévu qui changerait le cours de son existence et l’arracherait à l’ennui effroyable des longues journées vides »2. Toute prétention à combler le vide du temps est vouée à l’échec : l’horaire d’une rigidité maniaque que Madame Londe impose à ses clients n’est qu’un paravent dérisoire contre l’angoisse ; après la catastrophe, leur retard traduira l’intrusion du chaos dans cet ordre artificiel3. Rien de plus propre à susciter, ou à réveiller, l’ennui qu’un décor bourgeois dont le bien-être ne propose qu’une caricature outrageante du vrai bonheur : ainsi Guéret dans le salon des Grosgeorge au début du roman : « Cette somptueuse pièce aux rideaux de velours, aux tapis épais, il lui semblait l’avoir connue depuis son enfance, car certaines heures d’ennui paraissent longues comme une vie entière et c’était là qu’il s’ennuyait le plus cruellement »4. Le confort confiné de la villa Mon Idée, qui « donn(ait) l’impression d’une grande richesse au service de grandes prétentions »5, symbolise cette illusion bourgeoise : chercher dans les objets un substitut du bonheur. « laideur des meubles et des tentures », « déplorable assemblage de couleurs », encombrement affligeant de petits salons étriqués par un mobilier de château qui « sen(t) son grand magasin et la commande que l’on passe à un décorateur un peu pressé »6, tout ici trahit la médiocrité de Monsieur Grosgeorge, l’un des rares personnages du roman qui échappent à la pression tragique du destin7.
3Protection illusoire contre l’ennui, le confort ne protège pas davantage de l’appel de la passion : si calfeutrée qu’elle soit, la villa n’est pas à l’abri des intempéries de la saison qui présentent à Guéret une image de violence où il se reconnaît davantage, dans ses élans mal maîtrisés : « Cette véhémence de la nature offrait un si rude contraste avec tout ce qu’il y avait de médiocre et de lourd dans cette pièce où il était enfermé ! »8. De même, le feu qui brûle dans l’âtre – ici comparé, comme le sont tant de fois les personnages eux-mêmes, à une bête sauvage – témoigne des puissances précairement refoulées de l’instinct, qui menacent de balayer le fragile ordre humain : « Dans cet intérieur à la fois comique et sinistre, où tout proclamait la petitesse d’une existence bourgeoise, le feu semblait un être pur et fort que l’on tenait en respect, comme une bête cernée au fond de sa tanière, avec des chenets, des pincettes et des tisonniers, instruments ridicules »9. On ne peut décidément pas subjuguer les forces de la nature. Même domestiquées, elles menacent à tout moment de submerger l’univers humain. Comme dans les portraits du roman, la description force le trait jusqu’à la caricature, mais c’est pour mieux définir ce gauchissement de l’anodin que Julien Green appelle le sinistre, confondu ici avec le dérisoire.
4Si l’ennui trahit le sentiment d’exil dans un monde étranger, le sinistre peut désigner aussi, de façon plus troublante, l’ambiguïté d’un paysage sourdement menaçant, à la fois familier et inconnu. Car le regard des personnages a tôt fait d’extraire, de l’excès même et comme de l’exaspération de la banalité, une dimension secrète, qui confère aux objets les plus familiers, un aspect insolite, étrange, volontiers inquiétant. Ainsi, dans un de ces moments d’apparente disponibilité où le héros greenien regarde par la fenêtre, le paysage familier semble à Madame Londe habité par une invisible présence : les arbres, les eaux, le ciel même qui composent le décor quotidien y adoptent, aux yeux mêmes de celle qui vit là à demeure, un caractère un peu écarté et presque déroutant comme si le sédentaire lui-même se découvrait voyageur sur la terre, égaré en un pays lointain : l’immobilité et le silence – qui d’un bout à l’autre du roman font contraste avec les subits jaillissements du bruit et de la fureur – concourent à suggérer, derrière la banalité des lieux, un paysage second, leur envers ou leur double, chargé d’hostilité :
Derrière la rangée d’arbres le gazon pelé descendait jusqu’à la Sommeillante et c’était cela qu’elle voyait tous les jours. Les pavés arrondis de la chaussée, les douze tilleuls plantés de manière à former un angle, puis l’eau presque immobile de la rivière, et enfin le grand silence de l’après-midi, tout contribuait à donner à ce paysage le caractère un peu rêveur et pensif des endroits où jamais le voyageur ne s’arrête. La nature a là quelque chose d’indéfinissable ; les arbres n’y sont pas comme les autres arbres, et le ciel derrière ses nuages semble cacher une pensée secrète dont le mystère se communique aux pierres des maisons, à l’eau du fleuve, et leur prête un air de complicité sinistre10.
5L’engourdissement du paysage, cette espèce de sortilège qui le pétrifie, débouchent ainsi, avant même le surgissement de la violence, sur cette « complicité » déjà criminelle où le familier se convertit en sinistre, ou plutôt y révèle son vrai visage. La Sommeillante, fleuve alangui, suggère par son nom même l’immobilité somnambulique d’un monde soumis aux caprices du cauchemar. Dans le tempo si particulier du roman, fondé sur une alternance de lenteur méditative et d’agitation fébrile, il faut faire la part de ces pauses hallucinées où le décor quotidien se révèle insidieusement autre : silence et obscurité de Saint-Jude où « les sons les plus simples acquéraient une qualité anormale »11, ou dans la nuit de l’effraction, « aspect inaccoutumé » de la chambre de Guéret : « On eût dit que les trois chaises autour de la table, la desserte, le plancher, tout était plongé dans un indescriptible sommeil, tant l’immobilité de la nuit était profonde »12. On retiendra surtout cette évocation de la petite place où habite Angèle, cette fois envisagée du point de vue de Guéret :
Tout d’abord il ne reconnut rien, ni les platanes, ni le banc de pierre où il s’assit, ni la maison qui l’attendait. Dans cette lumière étrange que répandait la lune, plus rien n’avait de couleur ; la feuille d’arbre était pâle comme le crépi du mur ; l’ardoise du toit paraissait aussi blanche que les pavés. Là où l’ombre régnait, elle était si profonde et si noire qu’elle semblait avoir anéanti ce qu’elle recouvrait. On eût dit que jamais une âme ne s’était arrêtée sur cette place, que ce silence et cette immobilité des choses ne s’étaient pas une seule fois interrompus13.
6Paysage méconnaissable, soumis à la métamorphose de la nuit, négatif photographique du paysage diurne : la torpeur provinciale s’y mue en maléfice ; la clarté égale du jour le cède à la lumière onirique de la lune qui détruit les couleurs et les matières, tandis que l’ombre dissout les objets : dans cette eau-forte contrastée, œuvre d’un Elstir visionnaire, il n’est pas question de visiteur, fût-il de passage ; la présence humaine devient une anomalie : Guéret est déjà de trop dans ce paysage, pourtant en harmonie avec la part la plus obscure de son être.
7C’est bien cependant l’arrivée de Guéret à Lorges qui provoque, ou précipite, cette altération de l’espace et du temps. Car le temps lui-même est arraché à la banalité de la répétition : le « sentiment du jamais vu », qu’analyse admirablement Georges Poulet14, va de pair avec le sentiment du jamais éprouvé : dans « la rue étroite et longue » où il va commettre son second crime, Guéret ressent devant « l’immobilité de toute chose » l’impression d’« une espèce d’enchantement qui lui ôtait sa liberté »15. Pas plus qu’il ne reconnaissait la petite place, il ne reconnaît l’intervalle de temps où il vient de commettre son crime : l’irruption de la violence contribue à lui rendre à jamais étrangère « cette vie au milieu de sa vie » qui ne saurait être qu’« intercalée », comme si elle appartenait à un autre :
Les quelques heures qu’il avait vécues depuis l’aube lui donnaient l’impression étrange d’une vie au milieu de sa vie, une vie effroyable, pleine de douleur et de sang, ni brève, ni longue, impossible à mesurer selon nos conventions humaines, mais complète en elle-même, intercalée dans sa vraie vie comme un songe-dans les vingt-quatre heures de la journée, et ne ressemblant pas plus à cette vie que les visions de la nuit ne ressemblent aux gestes que nous accomplissons en plein jour16.
8La « vision de la nuit », que Green appelle un peu plus loin « cauchemar », englobe dans un double sortilège la durée, où le sujet sous l’empire d’« une force capricieuse »17 perd la maîtrise de ses actes, et l’espace, devenu radicalement étranger, où il erre sans trouver d’issue. Si l’habitude est insupportable, l’insolite ne l’est pas moins ; et l’ennui ne s’efface que devant l’horreur. Dans Léviathan, la prison envahit tout l’espace.
9Dans les romans de Green, la chambre constitue habituellement le lieu où le héros est douloureusement confronté à sa solitude, au point de s’y sentir prisonnier ; elle est la cellule où, face à face avec lui-même sans le secours de Dieu, l’être découvre en soi un enfer18. En nous introduisant dans la chambre d’Angèle, de Guéret, de Madame Londe ou de Madame Grosgeorge, le romancier ménage cette étape essentielle de l’analyse des personnages. La singularité de Léviathan consiste à faire de cette prison mentale la préfiguration de la « vraie prison »19, la « geôle étroite » où l’assassin Guéret redoute « des années d’étouffement »20, comme si celle-ci, située au-delà du récit, et vers quoi tout converge, ne faisait que concrétiser la prison intérieure dont les personnages n’arrivent pas à se délivrer. La chambre où Angèle défigurée vit en « recluse »21, la villa Mon Idée, « tombe » ou « prison »22 de Madame Grosgeorge, son petit salon, refuge qui se referme sur Guéret comme un « piège »23 dressent dans l’espace des murailles qui sont d’abord dans le cœur des personnages : cette « nécessité haineuse » qui « isolait les êtres, fermait les portes »24, ce refoulement dont est victime Madame Grosgeorge, elle qui à « quarante-cinq ans (...) en était encore à croire qu’on peut se défaire de ses passions en n’y songeant pas, de même qu’un juge fait jeter un criminel au cachot et s’en va dîner »25.
10L’originalité de Léviathan est aussi de ne laisser d’entrée de jeu au personnage aucune illusion sur les ressources libératrices du dehors : chassé de sa chambre par l’angoisse, le personnage greenien cherche le plus souvent dans la rue une liberté dont il découvre vite qu’elle est illusoire. Plus lucide ou plus désespéré encore, Guéret sait d’emblée que sa prison englobe non seulement les quelques intérieurs où gravite sa vie, mais le paysage de Lorges et de Chanteilles tout entier, et les « routes nocturnes », théâtre vide de ses errances désirantes :
Sa chambre, basse de plafond, avec une fenêtre étroite, le restaurant de Madame Londe, le petit café désert, la villa des Grosgeorge, tels étaient les points cardinaux de sa vie nouvelle. Il y avait aussi les rues et les routes, les rues à travers lesquelles il suivait peureusement cette femme, les routes nocturnes où il lui parlait, où il la suppliait. Elles lui permettaient d’aller d’un bout à l’autre de sa prison26.
11Et vers la fin du roman, après sa dernière rencontre avec Angèle, le désir qui le retient à l’endroit même où il espère la retrouver, bien loin de lui promettre une plénitude heureuse, ne fait qu’élever autour de lui les murailles de l’obsession : « Il hésitait à partir, marchant dans un sens puis dans l’autre, comme si sa promenade eût été circonscrite par d’invisibles murs »27. Dans son délire, Guéret n’ignore jamais qu’il est, à l’instar du Samson Agonistes de Milton, « le cachot de lui-même »28.
12Aussi le monde extérieur est-il lui-même une prison plus vaste où le personnage greenien est confronté à sa propre solitude, l’espace de l’égarement et du désarroi. La description est le plus souvent prise en charge par le regard d’un sujet qui reconnaît dans les lieux non pas un espace intelligible et structuré, mais le théâtre d’une fantasmagorie où les êtres se cherchent en vain, comme dans un labyrinthe. Ce paysage onirique n’emprunte au réel que quelques traits qui lui donnent une apparence de véracité, mais tenter d’en dessiner avec exactitude la topographie serait une entreprise aussi difficile que vaine : les lieux valent surtout par leur symbolique. Les « petites villes contiguës de Lorges et de Chanteilles »29, qui abritent respectivement Angèle et Guéret, constituent deux pôles qui ménagent entre Guéret et sa proie une distance matérielle autant que psychique ; les allées et venues incohérentes qui les relient tracent la courbe en quelque sorte sismographique des émotions des personnages. Les deux bourgades sont traversées par deux rivières aux caractéristiques antithétiques : la Sommeillante, au cours à peine perceptible, et la Preste, au « flot joyeux et bouillonnant » (ibid.). S’approcher de Lorges, c’est donc entrer dans un monde immobile dont l’engourdissement semble provoquer par réaction l’explosion de la violence. Ce contraste définit la tonalité du roman, voire sa structure, fondée, comme le signale Jacques Petit30, sur de nombreux effets de rupture. Enfin les lieux eux-mêmes sont souvent des lieux en marge, propres, par leur situation à l’écart, à abriter des amoureux clandestins ou un fugitif : la passerelle, le bord de la rivière, le chantier à charbon, voire cette ruelle sombre du quartier Saint-Lazare, unique tableau parisien du roman, qui annonce les paysages citadins de l'Autre Sommeil ou d'Epaves. Ces lieux écartés, volontiers périlleux ou sinistres, révèlent l’inaptitude des personnages de Léviathan à trouver un centre, une assise, un vrai lieu qui les libère de la prison du moi. Saint-Jude même n’échappe pas à cette cruelle loi.
13Non moins significatifs, de ce point de vue, sont les déplacements, déambulations, courses souvent éperdues, des personnages : ils sont l’indice de l’obsession qui les possède, « comme si quelque chose des préoccupations de l’âme passait dans le corps et lui imprimait un rythme »31. Dans le désarroi de leur boussole intérieure, ils errent à la recherche d’un bonheur qui élude à chaque fois leur prise : cette quête désespérée a tôt fait de se transformer en fuite panique : « une nécessité haineuse isolait les êtres, fermait les portes, s’amusait à pousser dans une rue ceux qui dans la rue voisine eussent trouvé le bonheur (...). La pensée que le bonheur, son bonheur, était quelque part dans le monde et qu’il n’en savait rien le mettait hors de lui »32. L’image du colin-maillard suggère un destin railleur dont le héros, privé d’initiative, serait le jouet : « Il était comme un imbécile à qui l’on a bandé les yeux pour jouer à colin-maillard, et qui entend crier à ses oreilles : Ici ! là ! plus loin ! Et il tournait en rond, il allait à droite et à gauche, ridicule et hagard (...) » (ibid.). Le même destin, qui conduit Guéret à la maison d’Angèle, ne prépare qu’une rencontre manquée. L’image du jeu de balle traduit cette fois l’aliénation du personnage en proie à une puissance occulte, qui va de pair avec une animation fantastique des rues : « Une rue, puis une autre le menaient de plus en plus bas, vers la petite place et la rivière. Il avait l’impression qu’elles couraient avec lui, qu’elles le portaient, qu’elles se le passaient comme des joueurs se passent une balle33 »
14Traqué avant même d’avoir commis son crime, contraint à un nombre limité de déplacements possibles ou de figures, qui vont se restreignant dès que son double meurtre définit dans le cercle déjà clos des deux rivières toute une nouvelle « région interdite »34, Guéret vit l’espace sur le mode de la discontinuité et de la rupture. Pas question pour lui de trouver dans son déploiement les ressources infinies d’un monde offert au désir. On verra dans la seconde partie s’étendre à d’autres personnages la contagion d’un mouvement qui ne relie personne à personne et propage en quelque sorte le vide à tout l’espace : Madame Grosgeorge qui cherche sur les routes « un pays hostile aux chemins douloureux »35 et à l’image de ses songes ; Angèle qui, « obéissant à un ordre mystérieux », va dans « la nuit épaisse » à un rendez-vous où seule l’attend la mort36. Chaque rencontre de Guéret avec Angèle est incertaine et éphémère ; il la poursuit, la rejoint, en est immédiatement distancé, et dès qu’elle cesse d’être visible, croit l’avoir perdue pour toujours, sans jamais trouver le bon rythme et la bonne distance, comme si la jeune femme n’existait que sous son regard : si elle est absente, il cherche en vain à se rappeler son visage37 ; si elle ne dort pas dans sa chambre, il la croit morte38. Seuls des gestes dérisoires, qui le raccrochent au monde des objets, restituent l’ombre d’une présence dont il cherche vainement la trace au contact des choses. Poser « la main sur la rampe, à un endroit où il avait vu Angèle poser la sienne »39, remu(er) la boue et la neige où le pied d’Angèle s’était posé »40, s’étendre dans l’herbe foulée où il l’a violentée41 : autant de tentatives désespérées pour coïncider dans l’espace avec un être absent, qui toujours se dérobe ; mais aussi autant d’efforts du rêveur pour reprendre contact avec le monde réel. L’espace constitue bien ici le lieu où l’on perd prise : il n’est pas de pire prison que ce désert abandonné à l’errance.
15Pour remédier à cette dilution de l’espace, faudra-t-il rétablir la clôture des murs que Guéret avait fuie ? Si l’autre disparaît sur les routes, sera-t-il possible de le chercher, fût-ce par effraction, dans l’intimité de sa chambre ? Voici tout à coup que le monde extérieur offre un authentique « point d’appui », auquel le corps tout entier peut s’accrocher ; mais ce contact ne s’opère que dans la violence : l’ascension de la façade du restaurant Londe, l’irruption dans la chambre d’Angèle, et d’abord cette lutte où la muraille, animée comme l’étaient un peu plus tôt les rues de la ville, semble se débattre entre les bras de Guéret, sont autant de préfigurations de la scène du viol : « La sensation d’être repoussé par la muraille et de lutter avec elle lui fit presque lâcher prise »42. La longueur même de cette étrange scène, si peu réaliste en dépit de sa précision, où éclate le « don d’hallucination » du romancier, ne laisse aucun doute sur l’importance du moment crucial où Guéret a le sentiment de « jouer sa vie »43 : dans le paroxysme d’énergie où il tente de « s’agripper », « se cramponner », où il cherche une « prise » et un « point d’appui »44, se cristallise un effort désespéré pour rejoindre l’autre, sur un mode qui ne peut être que celui de la transgression, de l’effraction, du viol. La maison, substitut du corps d’Angèle, ne peut bien sûr abriter sa présence : au terme de son ascension, Guéret ne trouve une fois de plus dans la chambre déserte que la vacuité de l’espace sans prise ; il ne lui reste qu’à s’étendre sur le lit, « comme noyé dans l’odeur de ce corps absent »45. En affrontant une muraille bien « réelle », Guéret n’a nullement aboli le mur invisible de sa prison intérieure. Dès lors, chaque espace clos se transforme en piège. Les murs de plus en plus infranchissables qu’il rencontre doivent être descendus au péril de sa vie : mur du restaurant Londe – dont il faut bien redescendre après l’avoir escaladé46 ; mur du chantier à charbon, dont il se laisse glisser, ou plutôt tomber aux dernières lignes de la première partie47 ; enfin, obstacle insurmontable, mur de la villa Mon Idée, dont « la fenêtre ne s’ouvrait que sur la mort »48. Symbolisant l’hostilité du destin contre laquelle s’épuise son énergie, chacun de ces murs semble définir les étapes d’une chute, plus encore morale que physique.
16Dans l’épisode du chantier à charbon, qui conclut la première partie, Julien Green a magistralement fondu les différents thèmes qui font de l’espace le théâtre de l’aliénation et de l’égarement du moi : refuge illusoire, fuite incohérente de l’homme traqué. On ne retiendra ici que celui du paysage second qui, affleurant derrière le paysage quotidien, en révèle l’irréductible étrangeté. Après les deux descriptions qui font de la petite place du restaurant Londe un paysage irréel, le processus de métamorphose de l’espace y entre dans sa dernière phase, celle où la « sinistre lumière »49 de la lune fait surgir l’envers nocturne des choses. Sous le regard halluciné qui les considère, les trois tas de charbon se transforment peu à peu en une trinité diabolique, selon une gradation dans l’horreur qui semble enfin donner une forme visible au destin qui poursuit Guéret : d’abord « eau qui s’agite et chatoie », puis « êtres à qui l’astre magique accordait pour quelques heures une vie mystérieuse et terrifiante », ils sont à la fin « aussi effroyables que des dieux spectateurs d’une tragédie où le sort même de la création se jouerait »50. Cette animation terrifiante du monde minéral transfigure les lieux en un « fantastique paysage »51 : l’espace clos du chantier s’évide tout à coup comme s’il communiquait avec les profondeurs de l’Érèbe : « Derrière elles (les « masses de houille et d’anthracite »), leurs ombres se rejoignaient presque, creusant des abîmes triangulaires d’où elles paraissaient être montées à la surface du sol comme d’un enfer »52. Ou bien, plus fantastique encore, l’image d’un paysage substitué au monde connu, qui semble appartenir à un espace et un temps également lointains et inintelligibles, « ruines d’une cité, mais non d’une cité terrestre », paysage en quelque sorte « intercalé », comme l’était l’intervalle de durée du crime lui-même53 : « Les choses, transfigurées par un violent éclairage, n’appartenaient plus à ce monde et participaient d’un univers inconnu à l’homme, et c’était parmi les ruines d’une cité, mais non d’une cité terrestre, que l’on se serait cru (...) »54.
17Cet espace enchanté, qui tient à la fois de Chirico et de Gustave Doré illustrateur de Dante, a bien pour fonction de ménager, selon l’expression de Georges Poulet, un passage « de l’autre côté du décor », de faire parvenir le personnage à un « point qui est à la fois un lieu de démarcation et d’entrée », à un « seuil » où son existence a toute chance d’entrer dans une autre dimension55. Cette dimension est ici purement négative. La nuit dans le chantier est pour Guéret l’aboutissement d’une descente aux enfers. Le paysage double qui se révèle à lui est comme une projection du double effrayant qu’il découvre en lui-même. C’est ainsi qu’une même fascination fixe son regard sur le « lieu enchanté »56 et sur le « reflet magique »57 qu’il découvre dans le miroir tremblant de l’eau du baquet : regard doté d’une étrange capacité. d’initiative qui monte des profondeurs à la façon dont les tas de charbon paraissaient monter de l’enfer : « Cette face au fond de l’eau avait l’air de monter, de s’élever doucement hors du baquet »58. La contemplation du paysage aboutit à cette double révélation : celle d’un moi infernal dans un monde étranger. Plus encore que le monstre mugissant qui hante les rues des villes, cherchant qui dévorer59, Léviathan, c’est peut-être d’abord cette face d’ombre qui s’anime dans un miroir d’eau, et que Guéret ne reconnaît pas. Ou plutôt – selon une fantasmatique très greenienne – l’un n’est que le double de l’autre.
18À cet enfer minéral, le roman oppose quelques paysages de verdure heureuse, eux-mêmes comme intercalés dans l’espace, ou dans la rêverie du personnage : fragments d’un paradis végétal, autour desquels se cristallise la nostalgie de l’impossible bonheur. Chez Green, ce paradis est, conformément à son prototype biblique, à l’image d’un jardin ; il est donc aussi souvent associé au souvenir d’un temps révolu, antérieur à la Faute, celui de l’enfance. Ainsi, dans Saint-Jude, l’odeur de l’encens suscite chez Angèle des « souvenirs d’enfance », mais ces souvenirs sont déjà, avant même toute expérience, ceux d’une nostalgie initiale, origine de l’aspiration au bonheur : on chercherait en vain ici le jardin sensuel de Sido ou de Jean le Bleu ; le jardin dont rêve Angèle, s’il ressemble au paysage familier, se situe déjà ailleurs, dans l’harmonie d’un panorama, d’une saison, et d’une enfance réconciliées, mais dans l’inaccessible. La vision d’Angèle traduit, dans le langage naïf de l’enfance, un élan mystique, quasi sans précédent dans le roman :
Ce parfum chargé de souvenirs d'enfance lui donnait tout d'un coup le regret de choses qu’elle n’avait pas eues. Jadis, lorsqu’elle était petite, elle se figurait le paradis comme un pré sans limites sous un ciel de printemps ; des bouquets d’arbres en fleurs rompaient la monotonie de cette immense étendue à peine ondulée ; et, çà et là, des enfants dansaient en rond, en chantant. C’était ainsi qu’elle imaginait l’éternel bonheur de l’âme unie à Dieu60.
19Au début du livre, Guéret rêve dans le salon des Grosgeorge à un paysage de verdure dont le sépare l’infranchissable obstacle d’une simple vitre, paradis bien terrestre celui-là, qui abriterait des amants comblés :
Une mince plaque de verre le séparait de l’air frais et vif, des cris du vent dans les arbres ; une vitre, il n’en fallait pas plus pour qu’il se sentît prisonnier (...) Quelle atroce ordonnance régissait le monde ! Sûrement il y avait sur cette terre des prés verdoyants, des forêts où l’on pouvait se cacher et se perdre, des femmes jeunes et belles qui l’auraient aimé peut-être61.
20Mais l’obstacle de la vitre vient-il à être levé, le « paysage heureux et calme » où il est assis ne fait qu’accentuer par contraste son inaptitude à en goûter la paisible harmonie. Il se déploie jusqu’à l’horizon, en un panorama où le regard ne rencontre nulle entrave : rien de fantastique dans ce tableau diurne, baigné d’une clarté sereine, où les maisons, les toits, la route, le fleuve invisible lui-même et les champs, comme autant de relais conduisent doucement le regard vers « les collines basses » de l’horizon, qu’éclaire un jeu de lumière ; mais un délicat mystère, analogue à celui des paysages de Balthus, enveloppe ce paysage où la distance à la fois se livre et se dérobe, en dépit de la lumière qui accuse nettement les couleurs (« champs noirs », « toits gris et bleus », « collines blanches comme des falaises ») :
L’air était clair, la vue se portait au loin sans effort et découvrait, par-delà les maisons de l’autre rive, une route bordée de champs noirs, de vergers nus, puis les toits gris et bleus de Lorges, groupés au hasard des ruelles, tout autour de la flèche à demi ruinée de Saint-Jude. On ne voyait pas la Sommeillante, elle se cachait derrière les remparts mais une rangée de saules indiquait la ligne paresseuse de son cours. Et plus loin, après d’autres champs et de longues prairies humides, des collines basses que le soleil touchait au front souriaient dans la lumière, blanches comme des falaises62.
21À la différence du Denis de L'Autre sommeil, dont le regard bondissant parcourt « avec ravissement » le panorama fluvial63, Guéret accueille passivement la perception, comme le suggère le recours au mode impersonnel. Le retour au récit souligne l’écart entre le personnage et le paysage : « Pendant quelques minutes il considéra ce paysage heureux et calme, si peu en accord avec la tristesse et l’inquiétude qui lui déchiraient le cœur »64.
22Entre la véhémence d’un jour de tempête, où l’on se reconnaît trop, et cette sérénité où l’on se sent étranger, n’existe-t-il aucun moyen terme ? Aucun moment qui, conciliant ces deux états contradictoires du paysage et du climat, assure comme un succédané de l’insaisissable bonheur ? Ce compromis délicat semble réalisé lors d’une journée de vent au bord de la Sommeillante, quand Guéret revient sur les lieux de son crime. À la violence désordonnée du vent le soleil oppose victorieusement l’effusion régulière d’une « lumière égale » où rien n’altère le mouvement insensible des ombres selon la position du soleil :
Le ciel répandait une lumière égale et il n’y avait pas une branche qui ne projetât sur le sol sa ligne nette et changeante que le vent n’arrivait point à effacer. Rien n’est plus délicieux que ces premières journées d’automne où l’air agité de puissants remous semble une mer invisible dont les vagues se brisent dans les arbres, tandis que le soleil, dominant cette fureur et ce tumulte, accorde à la moindre fleur l’ombre qu’elle fera tourner à ses pieds jusqu’au soir65.
23Cet équilibre entre le vent invisible et la lumière visible suggère un psychisme où la fusion du « calme » et de la « frénésie » mettrait un terme à l’alternance intolérable entre ces deux pôles antithétiques du personnage : l’atonie et la surexcitation, l’ennui et la véhémence. À l’effusion de la lumière dans un ciel animé par le vent, correspond enfin la circulation heureuse du sang, ou la palpitation de l’enfance associée, comme dans la rêverie d’Angèle à Saint-Jude, à l’Éden végétal : autant d’images qui s’aventurent aux limites de cet indicible qui est toujours chez Green la marque du sentiment religieux :
De ce calme et de cette frénésie résulte une impression où la force se mêle à une douceur que le langage humain ne peut rendre. C’est un repos sans langueur, une excitation que ne suit aucune lassitude ; le sang coule plus joyeux et plus libre, le cœur se passionne pour cette vie qui le fait battre. À ceux qui ne connaissent pas le bonheur, la nature dans ces moments généreux leur en apporte avec les odeurs des bois et les cris des oiseaux, avec les chants du feuillage et toutes ces choses où palpite l’enfance66.
24Nulle part dans le roman le paysage ne procure un pareil sentiment de plénitude et d’équilibre : description paradoxale vu les circonstances, et qui contraste avec ce qui va suivre.
25Car l’expérience du retour sur le théâtre de la violence est plus ambiguë : confronté à l’évidence de son acte, Guéret éprouve d’abord « une curiosité extraordinaire de tout ce qui donnait à cet endroit son caractère propre »67. Mais bientôt, étendu sur le sol, enfin immobile au milieu de tant de courses paniques, il glisse insensiblement de cette extrême acuité sensorielle à un état de conscience amortie et de dissolution progressive du moi investi peu à peu par la nature vivante, et finalement confondu avec elle :
(...) il lui semblait qu’il perdait la conscience de son être et qu’un élément invisible prenait possession de lui, une émanation mystérieuse qui venait de toutes parts, de toute cette végétation dont la senteur le pénétrait. Dans sa tête devenue légère une espèce d’étourdissement brouillait ses pensées. Ses bras, ses jambes, son corps entier s’anéantissait, se mêlait à tout ce qui respirait et bruissait autour de lui. Sans pouvoir dormir, il tomba dans une sorte de stupeur où son âme oublia quelque temps qu’elle existait68.
26L’équilibre précaire entre l’homme et le paysage, qui s’ébauchait au début du chapitre, est ici rompu en faveur d’un état où les sensations olfactives ou sonores semblent dissociées d’une conscience qui les fédère, et où, dans une passivité totale, l’être est en proie à l’insidieuse et irrésistible agression d’une « émanation mystérieuse » du monde sensible : comme si la fusion avec le paysage ne résolvait les tensions intérieures qu’en anéantissant le sujet69.
27On sait comment cet anéantissement est lui-même aussi illusoire que la nostalgie du bonheur puisqu’à la fin du chapitre on verra Guéret confronté à son reflet dans le baquet du chantier à charbon : le contraste est brutal entre le paysage « délicieux » de verdure ensoleillée du début du chapitre et cet enfer nocturne où Guéret à la fois s’égare et se découvre. Dans Léviathan, il n’est de paradis qu’éphémère ou entrevu, et l’expérience indicible du ciel étoilé, « l’élan confus » qu’éprouve Guéret à la fenêtre de sa chambre vers « cette immensité silencieuse qui semblait l’appeler à elle »70 n’est qu’une expérience sans lendemain, à laquelle il faut opposer l’indifférence sidérale du chantier, son « ciel noir au fond duquel la lune semblait fixée pour toujours »71.
28L’espace est ainsi dans Léviathan beaucoup plus que le théâtre du drame : qu’il s’agisse d’extérieurs ou d’intérieurs, de paysages diurnes ou – le plus souvent – nocturnes, étrangement immobiles ou en proie à la véhémence du vent, il impose au personnage la double expérience de l’égarement et de la reconnaissance : celui-ci y est perdu dans un monde étranger et sans issue, où le paysage familier subit une espèce de conversion infernale, mais cette montée des enfers à la surface du monde visible est aussi une descente aux enfers du moi, qu’éclaire à peine de loin en loin la nostalgie du bonheur en Dieu. Il est peu de romans de Green où retentisse aussi vivement ce qu’il appelle à propos de Mauriac « la clameur de détresse des passions frustrées »72. En opérant une manière de mise en espace des conflits intérieurs de ses personnages, il explore à sa manière « ces régions obscures où le romancier ordinaire ne s’aventure jamais, parce qu’il n’en a ni le pouvoir ni le désir »73. S’« il n’y a pas de fiction qui vaille sans un peu d’enfer »74, Léviathan mérite à coup sûr d’être reconnu comme un prodigieux roman.
Notes de bas de page
1 Toutes nos citations de Léviathan sont empruntées au tome I de la Bibliothèque de la Pléiade. Les caractères romains renvoient aux volumes de cette édition auxquels nous empruntons nos autres citations. – L’expression apparaît à plusieurs reprises dans le roman : p. 712, 713, 742. – Julien Green, Léviathan, tome I, p. 783.
2 Ainsi se considère-t-elle « trahie par le monde, par ce Dieu qu’on disait juste et qui s’amusait à détraquer la savante machine de sa vie bourgeoise » (p. 732). (C’est moi qui souligne).
3 Julien Green, Léviathan, op. cit., p. 610.
4 Ibid., p. 582.
5 Ibid., p. 708.
6 Ibid., p. 771.
7 Le tableau de Chacornac, « ensemble plein de bonhomie et de préciosité » (p. 626), qui fait l’admiration de M. Grosgeorge, propose du bonheur une image d’un épicurisme naïf où Green s’est complu à multiplier les signes ostentatoires de la fortune : les gras prélats qui sablent le champagne dans des coupes de cristal sont eux-mêmes des créatures de luxe dont la seule crainte n’est pas d’offenser le Ciel, mais de « faire déborder » leur « coupe » (ibid.). Dans ce « Nunc est bibendum » quasi sacrilège, M. Grosgeorge reconnaît son idéal esthétique et humain : « là, tout n'est » pour lui « qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté »...
8 Ibid., p. 611.
9 Ibid., p. 771-772.
10 Ibid., p. 630. Même sentiment d’étrangeté chez Madame Grosgeorge à la fin du roman : « Tout à l'heure, avec cet homme, rien n’était pareil à ce qu’elle avait connu ; son petit salon était changé d’une manière inexplicable et pendant une demi-heure elle avait eu l’impression de n’être pas chez elle, parmi ces meubles qu’elle voyait tous les jours depuis trente ans » (p. 795). (C’est moi qui souligne).
11 Ibid., p. 654.
12 Ibid, p. 664.
13 Ibid., p. 669.
14 Georges Poulet, (Éludes sur le temps humain, IV : Mesure de l'instant, chap. II, Presses Pocket, p. 361).
15 Julien Green, Léviathan, op. cit., p. 687.
16 Ibid., p. 687-688.
17 Ibid., p. 711.
18 Le mot d’enfer apparaît explicitement à propos de la chambre d’Angèle : « Quelle affreuse tranquillité régnait dans cette pièce ! Elle eût voulu crier, crier jusqu’à en perdre le souffle, jusqu’à ce que la vie la quittât, puisqu’il n’y avait pas d’autre moyen d’échapper à cet enfer que de mourir » (p. 730).
19 Ibid., p. 804.
20 Ibid., p. 803.
21 Ibid., p. 752.
22 Ibid., p. 711.
23 Ibid., p. 781.
24 Ibid., p. 611.
25 Ibid., p. 785. Cf. aussi : « Elle était trop secrète, une éducation rigoureuse avait mis trop de barrières entre elle-même et son propre cœur pour qu’elle pût porter un jugement précis sur ses actes » (p. 717).
26 Ibid., p. 617-618.
27 Ibid., p. 763.
28 « Thou art become (O worst imprisonment) The dungeon of thyself ». Épigraphe d’Un puritain homme de lettres : Nathaniel Hawthorne (Suite Anglaise, I, p. 995).
29 Julien Green, Léviathan, op. cit., p. 618.
30 Voir en particulier Notice, p. 1174-1175, et notes (p. 589, note 4, p. 610, note 2, p. 623).
31 Julien Green, Léviathan, op. cit., p. 582. Notation analogue à propos de Madame Grosgeorge : « Elle avait couru, non qu’elle eût hâte de revenir au petit salon où elle se retirait d'ordinaire, mais parce qu’elle ne se contenait plus et qu’il semblait que son corps dût participer à la terrible agitation de son esprit » (p. 718).
32 Ibid., p. 611.
33 Ibid., p. 668.
34 Ibid., p. 689.
35 Ibid., p. 788.
36 Ibid., p. 813.
37 « Pendant des heures entières, il oubliait son visage » (p. 666). Cet oubli, il est vrai, alterne avec de brusques évocations dont la netteté est presque hallucinatoire. De même, et de façon beaucoup plus sensible, Adrienne Mesurat a peine à se rappeler le visage de Maurecourt (I, 382), et, quand elle le revoit, ne le reconnaît pas d’emblée (I, p. 487-488).
38 « Et s'il était arrivé quelque chose à Angèle, si on l'avait assassinée dans la nuit ? Si elle était morte ? » (p. 677).
39 Ibid., p. 605.
40 Ibid., p. 763.
41 Ibid., p. 684.
42 Ibid., p. 672.
43 « Maintenant il ne pouvait plus échouer, c’était sa vie même qu’il jouait. » (p. 672).
44 Termes employés respectivement p. 669, 671,669 et 672.
45 Ibid., p. 674.
46 Ibid., p. 675.
47 Ibid., p. 697.
48 Ibid., p. 804.
49 Ibid., p. 696.
50 Ibid., p. 692.
51 Ibid., p. 694.
52 Ibid., p. 692.
53 Ibid., p. 687.
54 Ibid., p. 693.
55 Georges Poulet, Mesure de l'instant, op. cit., p. 371 et 372.
56 Julien Green, Léviathan, op. cit., p. 692.
57 Ibid., p. 696.
58 Ibid., p. 696.
59 « Tout près de lui, la rumeur continue de la ville s’élevait comme une grosse voix menaçante, et il ne put s’empêcher de songer à une bête énorme et maladroite qui l’eût cherché dans la nuit en mugissant » (p. 766-767). L’allusion est claire au « quaerens quem devoret » biblique (Ière Épître de Pierre, V, 8, où le diable est comparé à un « lion rugissant », qui « rôde, cherchant qui dévorer »). Dans son Journal, Julien Green évoque un cauchemar nocturne en recourant à la même image du Léviathan : « Cette nuit le gouffre (...) Peut-être n’a-t-il pas de fond, et s’ouvre-t-il par en bas sur du néant. Il a ceci de particulier qu’il suit certains d’entre nous comme une bête prête à nous engloutir » (La Bouteille à le mer, 3 nov. 1973, VI, p. 128-129). (C’est moi qui souligne).
60 Julien Green, Léviathan, op. cit., p. 654.
61 Ibid., p. 611.
62 Ibid., p. 618.
63 Julien Green, L'Autre Sommeil, tome I, p. 828.
64 Julien Green, Léviathan, op. cit., p. 619.
65 Ibid., p. 682-683.
66 Ibid., p. 683.
67 Ibid., p. 684.
68 Ibid., p. 685.
69 Voir Jean-François Bourgain, l'Expérience du fleuve dans l'œuvre romanesque de Julien Green, p. 107-108, pour une analyse de ce même passage du point de vue de la thématique fluviale (Julien Green, Klincksieck, 1998).
70 Julien Green. Léviathan, op. cit., p. 610.
71 Ibid., p. 692.
72 Discours de réception à l'Académie française (III, p. 1494).
73 Ibid., p. 1493.
74 Ibid., p. 1494.
Auteur
Université de Rouen
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