5. Propriété et fonction sociale chez Constantin Pecqueur. Genèse d’une théorie « nouvelle » d’économie sociale et politique (1830-1842)
p. 123-154
Texte intégral
1En 1920, Léon Duguit, professeur de droit à l’université de Bordeaux, se rend aux États-Unis à l’invitation de l’Université Columbia. Il y fait une série de conférences qui synthétisent sa réflexion sur le droit et son évolution dans la France post-révolutionnaire, évolution qui a vu se transformer le sens et l’inscription dans le droit de la souveraineté et de la liberté3. Pour Duguit, qui applique les enseignements de la sociologie durkheimienne à l’interprétation du droit, le droit positif doit se comprendre comme la traduction formelle de l’évolution réelle des sociétés modernes. De plus en plus soumises à des formes d’interdépendances sociales pour la satisfaction des besoins individuels, prises dans un processus d’affirmation de la solidarité organique, ces sociétés doivent pouvoir traduire dans le droit leur organisation désormais définie comme association de fonctions distinctes et amenées à coopérer4. Cette conception « solidariste » du droit, fondée sur une conception solidariste de la société, conduit ainsi à ancrer le droit dans une défense nouvelle de la liberté et de l’individu5, non plus sous l’aspect d’une liberté-droit, mais d’une liberté-devoir, c’est-à-dire une liberté comprise comme « libertéfonction » associée à une « loi naturelle de la collaboration sociale »6.
2Société, solidarité et fonction sont ainsi, selon Duguit, les trois piliers sur lesquels doit reposer une relecture du droit, et en particulier du droit civil tel que l’a légué le Code napoléonien7. Cette relecture appelle, sur le versant du droit public, une réinterprétation des attributs de l’État compris à l’aune de la notion de « services publics » :
[La] conception solidariste conduit aussi à reconnaître à l’État des obligations d’ordre positif que la conception individualiste de la liberté était […] impuissante à fonder. Ce sont notamment les obligations de l’État que l’on exprime souvent sous une autre forme, en disant que les individus ont contre l’État le droit au travail, le droit à l’instruction, le droit à l’assistance8.
3Ces obligations de l’État, que l’on nomme mal, selon Duguit, sous les expressions de « droit au travail », « droit à l’instruction », « droit à l’assistance », sont mieux définies par le terme de « services publics »9. Ces services sont autant d’atouts que l’État doit, par son intervention dans la société, fournir à chaque citoyen pour l’accomplissement de sa fonction. Le contexte particulier dans lequel écrit Duguit – celui de l’installation et de la stabilisation de la Troisième République – voit se mettre en place la mobilisation de ressources savantes, à commencer par la sociologie durkheimienne, pour tenter de fonder un droit républicain, lequel inclurait idéalement une théorie de la propriété-fonction. Cet agencement particulier d’un idéal politique (ici républicain) qui se nourrit de savoirs construits en disciplines de plus en plus autonomes, est bien connu pour ce qui concerne la fin du XIXe siècle en France10. Ce qui l’est moins, c’est l’enracinement de ce projet – associé dans l’histoire sociale des idées républicaines aux figures d’Émile Durkheim, Léon Duguit, Léon Bourgeois et quelques autres – dans une période plus ancienne, le premier XIXe siècle, notamment chez Constantin Pecqueur (1801-1887)11. Pecqueur ne fut certes pas le seul à envisager qu’une critique de la propriété dût faire partie du traitement de la question sociale, Pierre-Joseph Proudhon (1809-1865), Pierre Leroux (1797-1871), Karl Marx (1818-1883) mais d’autres encore, ont suivi une voie identique12. Il ne fut pas le seul non plus à vouloir faire reposer sa critique du droit existant sur l’élaboration d’une « science sociale »13. Enfin, à la différence de penseurs plus marquants du premier XIXe siècle – Saint-Simon, Comte et Proudhon notamment – il ne fut pas une source d’inspiration explicite, mais plutôt souterraine, pour les juristes durkheimiens ou solidaristes de la Troisième République14. Malgré cela, il fut sans doute celui qui, le plus nettement, a tenté d’associer à sa critique de la propriété une réflexion sur la « fonction sociale » des individus (fonction capable de recouvrir, pour l’annuler, la version « propriétariste » et « individualiste » du droit) et une théorie de l’État. Dire cela ne doit pas pour autant nous inviter à faire de Pecqueur un « précurseur », un météorite original et isolé qui ne prendrait toute sa place dans l’histoire des idées qu’en regard d’une lecture rétrospective alimentée par notre connaissance du solidarisme fin-de-siècle. Bien au contraire, cela doit nous inviter à considérer un mouvement de fond de transformation des concepts juridiques et politiques sous l’effet d’une ou de « science(s) sociale(s) », et ce sur la longue durée (de la Révolution française à l’installation de la Troisième République). Dans ce mouvement, Pecqueur peut servir de jalon particulièrement éclairant.
4Dans un premier moment, et pour justifier une relecture des travaux de Pecqueur selon l’orientation ainsi dégagée, je présenterai (I) une hypothèse de travail, hypothèse selon laquelle une bonne manière de comprendre les transformations du concept de propriété après la Révolution française consiste à saisir la transformation de ce concept en outil d’analyse du fonctionnement de la société. La propriété, de droit subjectif, devient fonction sociale, appréhendée selon le rôle et l’utilité sociale qu’elle a dans le développement des sociétés. Ainsi comprise, la science sociale peut se faire prescriptive et décrire la forme qu’il faut donner à la propriété pour réaliser un idéal d’égalité civique. La propriété ne se définit pas d’abord par un droit (attaché à l’individu) mais comme un outil de compréhension des « mécanismes sociaux », pour reprendre une expression du temps. Une fois établie cette caractérisation générale du rôle de la propriété dans la compréhension du fonctionnement social, je tâcherai d’illustrer précisément cette hypothèse de lecture à partir de l’étude des écrits de Constantin Pecqueur, en particulier dans la séquence qui le conduit du statut de publiciste à celui de théoricien. Dans ce deuxième moment, qui comprendra deux étapes, j’explorerai donc le projet de constitution d’une science sociale chez Constantin Pecqueur, projet qui naît précisément du souci d’offrir une redéfinition de la propriété comme fonction. Je me limiterai, dans le cadre de cet article, à mettre en lumière la genèse d’un tel projet, en montrant (II) comment il s’enracine dans un débat politique brûlant en 1831, le débat sur l’hérédité de la pairie. Pecqueur cherche à montrer qu’un tel débat nécessite de repenser de fond en comble la place de la propriété dans le fonctionnement de la société, fonctionnement dont il s’agit d’offrir une théorie « nouvelle », ce qu’il fait en 1842 avec la parution de son ouvrage Théorie nouvelle d’économie sociale et politique que nous analyserons dans un dernier temps de l’article (III)15.
I. Justice sociale et égalité politique : des idéaux antinomiques ?
5Une manière de comprendre le statut de la propriété dans les discours sociaux et politiques après la Révolution française, consiste à partir de l’opposition de principe que l’historiographie a repérée entre républicains et socialistes au XIXe siècle. L’historien A. Bergounioux explique ainsi que l’étiquette « républicains » réunissait l’ensemble des acteurs favorables à la valorisation d’un principe d’égalité politique, tandis que l’étiquette « socialistes », d’une manière générale, rassemblait de son côté tous les acteurs qui défendaient une définition économique et sociale des rapports sociaux, privilégiant donc dans leur lecture de l’évolution de la société post-révolutionnaire la dimension d’une quête de justice sociale plus que de justice politique16.
6Cette séparation stricte des idéaux qui permettent de discriminer républicanisme et socialisme ne rend que partiellement compte de l’histoire des idéaux républicains. Elle aurait tendance à rejouer une opposition classique entre, d’un côté, les tenants d’un idéal d’égalité politique et, de l’autre, les tenants d’un idéal de justice sociale, sans tenir compte des recoupements que certains acteurs ont pu opérer entre ces différents positionnements. Une dimension sociale du républicanisme – explicite sous la Révolution française – a été particulièrement mise en lumière par un historien britannique, Gareth Stedman Jones, dans son ouvrage La fin de la pauvreté, un débat historique17. Cet historien a en effet pu montrer que l’idéal de justice sociale d’amélioration du sort des plus défavorisés a été mobilisé par un ensemble de penseurs et acteurs politiques qui cherchaient avant tout à penser les conditions de possibilité d’une égalité politique effective. Ce courant aurait été vivace au moins jusqu’à la fin du XIXe siècle et l’émergence des États providence en Europe. Gareth Stedman Jones s’attarde notamment sur les figures de Condorcet et Thomas Paine, s’attachant à montrer pour le dernier, par exemple, à quel point son ouvrage Justice Agraire se distingue des schèmes mis en avant un siècle plus tard par Henry George dans Progrès et pauvreté. Dans un cas, celui de Thomas Paine, l’idée d’une compensation pour la perte de l’héritage naturel, correspond à une condition égalitariste matérielle qui vise à permettre la jouissance réelle et l’exercice de la citoyenneté18. Dans un autre, celui d’Henry George, cette compensation vise à donner accès à tous à un certain bien-être19. Lorsque la justice sociale est considérée comme une forme d’accession à la citoyenneté, il faut noter qu’elle est toujours mise en avant sous l’aspect d’un certain égalitarisme des conditions matérielles, à travers des mécanismes, qui peuvent être distincts d’un auteur à l’autre, de mise en commun de la richesse : par le jeu de l’assurance chez Condorcet, par la revendication d’une « justice agraire » chez Paine. Loin de partir d’une démarche qui fait de l’individu, de la propriété qu’il a de lui-même, des droits qui y sont attachés, le pivot de la promotion de la justice sociale, et, en dernier ressort, de la constitution de la société dans ce qu’elle peut avoir de meilleure, à défaut d’être parfaite, la justice sociale de ces républicains d’un genre spécifique se dit sous les formes de la communauté ou de la mise en commun dont il faut partir pour retrouver l’individu autonome, propriétaire de lui-même, apte au jugement civique et à l’exercice de la citoyenneté. Il y a là, me semble-t-il, une différence qui repose sur l’usage de deux types de discours pour penser l’harmonie sociale : le droit d’un côté, du moins tel qu’il se donne à lire dans la tradition jusnaturaliste, et encore dans une tradition du droit naturel revue et réinterprétée au cours du XIXe siècle, la science sociale de l’autre. Cette distinction n’a jamais été aussi clairement perçue et exprimée, du moins ce sera l’hypothèse défendue dans cet article, et il ne s’agit que d’une hypothèse, par le courant dit socialiste, dans les années 1830 à 1848. Une validation historique de cette hypothèse se lit dans les ouvrages de la collection Petits traités de l’Académie des sciences morales et politiques, qui sont publiés au lendemain de l’épisode « socialiste » de la révolution de 1848, après juin donc, notamment dans l’un d’entre eux tout simplement intitulé : Du droit de propriété, écrit par Thiers pendant l’été 1848, et qui paraît en septembre de la même année20. Cet ouvrage, et son titre, sonnent comme un rappel à l’ordre : de la propriété on ne saurait parler qu’en termes très généraux, philosophiques, et d’un point de vue juridique qui sanctionne ce discours de philosophie générale. Et s’il est bon de rappeler, en septembre 1848, que la propriété est avant tout un droit individuel de propriété, transmissible et non amputable, c’est que la propriété a fait l’objet, dans les mois qui précèdent, et plus généralement dans les dix années d’effervescence théorique qui préparent la révolution de 1848, d’un autre discours, un discours que l’on peut décrire comme « socialiste », mais dont on percevra mieux peut-être ce qu’il recouvre si on le ramène au nom que lui donnaient la plupart des socialistes : un discours de science sociale sur la propriété. On assiste en effet dans ces années-là à un traitement de la question de la propriété par le prisme de la « science sociale ». S’élabore ainsi une définition non juridique, issue de la science sociale, de la propriété21. Cette définition est un moment nécessaire, mais non suffisant à lui seul, pour comprendre quelle doit être la matière de cette république, qui, sans cette science sociale, resterait un régime sans substance. Cette approche est centrale dans les travaux de Constantin Pecqueur22.
II. Pecqueur : la critique de la propriété comme moment de la science sociale
1. Le contexte de la révolution de Juillet : l’entrée en politique de Constantin Pecqueur
7Un premier élément pour saisir la trajectoire intellectuelle et politique de Constantin Pecqueur tient en une simple formule qu’il utilise le jour même des premières barricades en février 1848 : « Vive la République ! ». Ce petit mot, tremblé, c’est celui qu’il couche sur le papier et envoie depuis Paris, le 22 février 1848, à son frère Eugène, demeuré à Lille. Pecqueur est un républicain convaincu, plutôt de la veille que du lendemain. Pourtant Pecqueur est le plus souvent perçu, aux côtés de Louis Blanc dont il est le secrétaire particulier à la Commission du Luxembourg, comme un socialiste, étiquette qu’il revendique par ailleurs. Cette étiquette en ferait un penseur moins attentif aux institutions de la république qu’à l’organisation de la société23. Il fut en effet, avec Vidal, le grand coordinateur de l’expérience du gouvernement des travailleurs réunis au palais du Luxembourg, et l’architecte de la mise en œuvre des mesures économiques et sociales (essentiellement les ateliers nationaux) portées par la Commission du Luxembourg, mesures qui ont donné sa coloration particulière, sociale, à la Deuxième République entre février et juin 1848.
8Pecqueur entre en politique à la fin de la Restauration et au moment de la révolution de Juillet 1830, période à laquelle il quitte son Nord natal pour se rendre à Paris. Le milieu qui fut celui de Pecqueur jusqu’à son départ pour Paris, et pendant ses fréquents retours à Lille et dans le Nord par la suite, était un milieu de jeunes gens brillants, médecins ou industriels philanthropes, libéraux, lecteurs du Globe. Saint-simoniens pour la plupart, ils portaient une attention toute particulière à la condition des classes les plus pauvres, devenue slogan politique et social depuis la parution du Nouveau christianisme de Saint-Simon en 182524. Rallié au Saint-simonisme tel que le conçoit P. Leroux dans la nouvelle version du Globe dès l’été 1830, Pecqueur va suivre, dans la période des conflits internes au mouvement, la voie de ceux qui se rapprochent du fouriérisme, avant de s’en détacher pour adopter les positions des républicains radicaux de la Réforme, et s’engager dans la bataille des banquets, et finalement manifester une certaine connivence avec les thèses de Blanc sur le rôle de l’État, connivence que ses premiers ouvrages annonçaient largement25.
9Nourri de lectures libérales et saint-simoniennes, soucieux d’en traduire les idéaux dans des travaux d’écriture de toutes sortes, Pecqueur semble ne pas avoir pu résister à l’appel de Paris après les journées de Juillet 183026. Comme beaucoup, il entretient l’espoir qu’une transformation politique radicale, voire une transformation sociale, va se produire sous l’effet de l’instauration d’un nouveau régime qu’il aurait sans doute souhaité, dès cette époque, républicain.
10À Paris, Pecqueur cherche activement à s’imposer comme journaliste ou publiciste, il entend en effet pouvoir vivre de sa plume et de ses idées. Il bénéficie du soutien de Vivien, d’abord préfet de Paris, puis démis de ses fonctions après 1831, pour n’avoir pas suffisamment réprimé les troubles républicains27. Vivien, élu député de centre gauche en février 1833, commande une enquête à Pecqueur sur le Tabac. Pecqueur a par ailleurs les faveurs de Merlin de Douai, avec la famille duquel la sienne était liée. Après un exil bruxellois à la fin de la Restauration, ce dernier retrouve, sous la monarchie de Juillet, son domicile parisien ainsi que son siège à l’Académie des sciences morales et politiques28. Pecqueur, dont la carrière reste à faire, s’inscrit dans un milieu à la fois hostile à la Restauration, clairement libéral en politique et situé au centre des nouvelles institutions du régime de Juillet (Assemblée, Académie des sciences morales et politiques). L’Académie couronnera Pecqueur en 1838 pour son mémoire en réponse au Concours de 1837 :
Quelle peut être sur l’économie matérielle, sur la vie civile, sur l’état social et la puissance des nations, l’influence des forces motrices et des moyens de transport qui se propagent actuellement dans les deux mondes29.
11La réponse de Pecqueur avait pour titre « Économie sociale – des intérêts du commerce, de l’industrie, et de l’agriculture sous l’influence des applications de la vapeur. Machines fixes. Chemin de fer. Bateaux à vapeur, etc. ». Depuis son intervention au Globe comme rédacteur, jusqu’à l’obtention de ce prix, en passant par la rédaction de rapports pour Vivien, se dessine un ensemble de modalités d’intervention dans le débat public, caractérisées par une forme d’expertise sur des sujets précis qui est la marque de fabrique de la jeunesse saint-simonienne30.
12L’inscription de Pecqueur dans le saint-simonisme se traduit, à son arrivée à Paris, par deux types d’activité : 1) D’abord son rôle au bureau de l’école saint-simonienne, où il a la charge, avec d’autres, d’assurer la correspondance avec la province. Ce service de la correspondance est alors dirigé par Isaac Pereire. Les épistoliers, aux côtés de Pecqueur, sont, entre autres, Vidal, Fournel et Alexis Petit31. Du 16 septembre au 11 novembre 1831, Pecqueur a ainsi écrit neuf longues lettres saint-simoniennes pour clarifier la doctrine ou pour encourager l’engagement de correspondants en province. 2) Ensuite, et ce dès juillet 1831, son saint-simonisme se traduit par une activité de rédacteur au sein du journal Le Globe, journal qui depuis août 1830 avait pris une orientation saint-simonienne sous la direction de Pierre Leroux.
13Pecqueur écrit ses premiers articles durant cette période d’installation à Paris, articles qui, pour la plupart, élaborent une critique de la propriété à l’occasion du débat parlementaire sur le statut de la Chambre haute, la Chambre des pairs32. La critique de l’hérédité de la pairie, lors de l’installation du nouveau régime de Juillet, va être l’occasion pour Pecqueur de suggérer qu’une telle question mériterait d’être élargie à celle de l’héritage, et à celle du statut de la propriété en général dans le fonctionnement des sociétés modernes.
2. Le débat sur la propriété : de l’hérédité de la pairie à la contestation de l’héritage
14Entre juillet 1831 et août 1831, Pecqueur publie en effet cinq articles, qui figurent en page de garde, avec peut-être une contribution du 6 février 1831 qui semble être de lui, sans qu’on puisse en être certain, cette dernière n’étant pas signée. Pecqueur est donc un saint-simonien actif au sein de la rédaction du journal Le Globe33.
15Cette série d’articles, tous consacrés au même objet, opère un glissement de la question de la pairie et de la Chambre des pairs, à la question de la propriété. Pour être plus précis, ces articles déroulent une réflexion dont le point de départ est une remise en cause de l’hérédité de la pairie pour aboutir à une remise en cause de la transmission des propriétés en général. Une telle approche est dans la droite ligne de la doctrine saint-simonienne34.
16Le Globe porte en effet depuis le 18 janvier 1831 la mention « Journal de la doctrine de Saint-Simon »35. C’est un journal qui paraît quotidiennement, dont le siège se trouve rue Monsigny au numéro six. Le journal affiche comme incipit les formules suivantes :
17En haut à gauche :
Toutes les institutions sociales doivent avoir pour but l’amélioration du sort moral, physique et intellectuel de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre36.
18En haut à droite :
Tous les privilèges de la naissance, sans exception, seront abolis. À chacun selon sa capacité ; à chaque capacité selon ses œuvres.
19Ces formules encadrent les grandes orientations du saint-simonisme affichées au centre du surtitre :
20RELIGION
21Science --- Industrie
22ASSOCIATION UNIVERSELLE
23Le journal paraît depuis le 15 septembre 1824. Lorsque Pecqueur intervient, il est dans sa septième année de parution. Le premier article qui aborde directement la question de la propriété paraît le 29 juillet 1831. Il a pour titre « L’hérédité de la pairie et l’hérédité de la propriété ». L’article débute par la formule suivante :
Nous allons parcourir les plus importantes opinions, celles qui résument en elles toutes les autres, et nous montrerons comment les arguments qu’elles énoncent contre l’hérédité de la pairie sont de nature à ébranler toute hérédité et par conséquent celle des instruments de travail ou de la propriété.
Parmi les candidats qui se sont publiquement prononcés contre l’hérédité de la pairie, les uns insistent plus particulièrement sur ce qu’il répugne d’admettre des législateurs par droit de naissance, et sur ce que la pairie est une fonction sociale qui implique une capacité individuelle ; les autres, sur ce que l’hérédité est un privilège incompatible avec les principes des deux révolutions de 1789 et de 1830 : l’égalité et la souveraineté du peuple37.
24Les principes qui sont au fondement des révolutions de 1789 et 1830 sont précisés par Pecqueur dans un langage qui articule leur généralité (« égalité », « souveraineté du peuple ») à une description fine du fonctionnement de la société :
[L]’égalité consiste dans les mêmes chances pour tous de parvenir aux avantages sociaux, chacun selon sa capacité, et non pas dans une égalité absolue, qui est chimérique et à jamais impraticable, puisqu’elle est fondée sur cette supposition inadmissible d’une égalité intellectuelle, physique et MORALE chez tous les individus ; et en ce sens, pour la souveraineté du peuple, qu’on entende par là non pas le suffrage universel, cause de désordre suivant nous, mais la nécessité de gouverner dans l’intérêt du plus grand nombre38.
25En des tournures saint-simoniennes, Pecqueur fustige les partisans de l’hérédité de la pairie en ce qu’ils nient que la pairie soit une fonction sociale, fonction qui consiste essentiellement dans le contrôle des lois et, depuis peu, dans l’instigation même de ces dernières. Or comme toute fonction sociale, elle devrait être attribuée au mérite ou à la capacité qui, dans la distribution des rôles sociaux, devraient primer en tout. Il en découle que l’accès par naissance à la fonction est une manière contreproductive d’avoir de « bons » législateurs ou garants des lois, dans la mesure où une fonction doit être « le lot légitime de la capacité et du mérite ». Mais placer le plus méritant ou le plus capable dans telle ou telle fonction, cela semble appeler assez logiquement, et sur un plan de continuité, le refus de considérer que les instruments de travail ou la propriété (capital ou terre pour le dire dans le langage de l’économie politique) puissent être distribués autrement qu’en rapport aux fonctions sociales qu’ils rendent possibles, et uniquement pour le temps où ils les rendent possibles. La propriété est une propriété d’usage, ce que le droit distingue par le terme de « possession », elle ne saurait être inscrite, par essence ou naissance, dans l’individu en dehors des capacités qui la lui font mériter pour un temps donné. Pecqueur écrit :
[La] possession et la mise en valeur d’un instrument de travail, terre ou capital, constituent une fonction qui exerce une grande influence sur la prospérité sociale et qui doit cesser d’être transmise au gré du hasard de la naissance.
26Ainsi dans le débat qui anime la nouvelle assemblée :
[Si] la première conséquence […] est l’abolition de l’hérédité de la pairie, nous disons que la seconde est tout aussi logiquement l’abolition graduelle et pacifique de l’hérédité de la propriété et des instruments de travail39.
27Cette seconde conséquence l’emporte sur la première aux yeux de Pecqueur, pour qui l’hérédité de la paierie n’est que le reflet – au niveau de la représentation politique – d’une société dysfonctionnelle en ce qu’elle a placé au cœur de sa mécanique de reproduction de soi l’héritage plutôt que le mérite. La reproduction sociale, en effet, est précisément ce que doivent mettre à jour les principes fondamentaux d’une constitution politique, ce qui touche, au-delà de la question de l’égalité, au deuxième principe que Pecqueur discute dans cet article : la souveraineté du peuple. Reconnaître la souveraineté du peuple, revient, aux yeux de Pecqueur, non pas sans doute à avaliser le « suffrage universel » comme mode d’élection, mais à reconnaître la dimension inclusive de la reproduction sociale qu’entérine le nouveau régime. Le suffrage universel avant d’être une procédure politique recouvre une signification sociale, il désigne en effet ce moment où une société pense sa propre perpétuation comme perpétuation de l’ensemble de ses membres. Un système de reproduction sociale qui privilégierait certains groupes sociaux contre d’autres ne saurait se revendiquer de la souveraineté du peuple. L’analyse politique est ainsi de part en part traversée par des considérations qui relèvent de l’analyse du fonctionnement de la société :
[C]ar pour que la souveraineté du peuple soit quelque chose de tutélaire pour le peuple, il faut qu’elle lui assure d’abord du travail, qu’elle empêche qu’il ait des maîtres qui l’exploitent et l’avilissent, qu’elle permette à chacun de s’élever selon sa capacité, de jouir selon ses œuvres […]. Or pour tout cela il faut progressivement transformer le mode de transmission des instruments de travail40.
28On doit donc s’élever « contre l’hérédité des fonctions industrielles et par conséquent contre celle de la propriété »41. La propriété doit disparaître car elle « est consacrée sur un titre qui n’est ni plus ni moins que le principe de la légitimité par droit de naissance »42. Ces arguments sont repris dans tous les articles qui traitent de l’hérédité de la paierie, mais aussi lorsque Pecqueur semble aborder d’autres sujets, comme dans les articles des 2 et 10 août 1831 qui portent sur la question de la « légalité » en général. Le dernier article consacré au sujet, fin août 1831, permet de comprendre que la « seconde » conséquence est bien celle qui, à l’occasion du débat sur l’hérédité de la paierie, anime réellement Pecqueur dans sa période saint-simonienne.
3. Comprendre les besoins sociaux, universaliser la propriété
29Dans l’article du 31 août, l’objectif de Pecqueur est plus ouvertement affiché en effet : il souligne ainsi que « [l]a plaie véritable des nations gît, et on ne peut, quoi qu’on fasse, se soustraire à ces conséquences, dans la constitution actuelle de la propriété ; dans les redevances que sous mille formes diverses l’oisiveté prélève sur le travail »43. Pecqueur prend soin toutefois de ne pas en appeler ouvertement à la suppression de la propriété, et s’il ne met pas encore en avant le langage de la science sociale, il reste attaché à l’idée d’un diagnostic social, qui doit prendre en compte le rôle social que jouent les propriétaires et les héritiers :
Nous ne venons point détruire la propriété ni spolier les fils de l’héritage de leurs pères ; mais indiquer les améliorations que l’on doit apporter dans l’usage du droit de propriété, afin que de plus en plus tous les fils en naissant soient assurés d’obtenir un héritage44.
30Cet héritage dont parle Pecqueur, héritage universalisé, c’est l’ensemble des conditions qui permettent d’exercer un travail. Ce qu’il veut souligner, c’est le caractère nécessaire, et comme déjà en marche, du mouvement de la société vers la disparition des rentiers :
Le développement de la civilisation nous montre que dans la série des âges, le travailleur obtient une part de plus en plus considérable des fruits de son travail, et est astreint à livrer aux non travailleurs une redevance de moins en moins forte sur les mêmes fruits ; c’est ainsi que dans les temps modernes le progrès industriel se manifeste par la baisse toujours croissante du revenu dont jouit l’oisiveté sous forme de loyers, d’intérêts, de fermages ; et rien n’est plus légitime, car, en restant dans les termes généraux, qui ne trouve injuste qu’un homme vive sans rien faire d’une prime perçue sur le travail de son semblable45 ?
31Ce discours éclaire donc par une analyse du développement des sociétés les mécanismes à l’œuvre dans le social, mécanismes dont le déploiement (associé à l’idée de progrès) doit assurer l’avènement d’une société sans exclus, ni privilégiés – une société composée uniquement de travailleurs, tous assurés d’une place, c’est-à-dire d’une fonction. Progrès économique et division du travail sont donc les ressorts de l’avènement d’une société d’égaux, ou du moins d’une société où tous seront assurés de jouir également d’un statut social. Pecqueur retrouve ici les accents smithiens d’une homogénéisation de la société par le développement des activités économiques :
Le perfectionnement social conduit donc, en dernière analyse, dans un temps dont la limite ne saurait être dès aujourd’hui rigoureusement appréciée, à la suppression totale des intérêts, des loyers, des fermages. Et dès lors dans la société il ne pourra plus y avoir que des travailleurs ; et il sera dans l’intérêt de tous que chacun soit employé à l’œuvre pour laquelle il est le plus capable […]. C’est ainsi que nous entendons l’abolition de l’hérédité de la propriété : voilà pourquoi à propos de l’hérédité de la pairie nous appelons la discussion sur cette autre hérédité46.
32Pour Pecqueur, « [l]es bons gouvernements sont ceux qui se règlent d’après ce principe : ’toutes les institutions sociales doivent avoir pour but l’amélioration MORALE, physique et intellectuelle de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre, par le développement des sentiments d’ASSOCIATION de l’industrie et de la science’ »47. Si l’on veut comprendre le type de régime discursif que Pecqueur va mobiliser concernant l’analyse de la propriété, il faut s’attacher, dès cette période de rédaction d’articles pour le journal Le Globe, à la manière dont il met en cause le discours juridique, ou ce qu’il appelle « le légalisme », dans des articles parus au début du mois d’août – qui viennent donc s’intercaler dans la série sur l’hérédité de la pairie. Les articles qu’il écrit pour Le Globe, le 2 août 1831 et le 10 août 1831, sont, à ce titre, très éclairants. Pecqueur y évoque la question du « critérium » de certitude, de même que le type d’approche qu’il conviendrait d’adopter pour traiter de la question sociale.
4. Le droit saisi par l’analyse de la société ou le recours au critérium de certitude
33Dans les articles du 2 août 1831 et du 10 août 1831, Pecqueur réagit à un article paru quelques jours plus tôt dans le Journal des débats, article qui défendait le principe de la « légalité ». À l’occasion de la commémoration des journées de Juillet 1830, ce journal entendait rappeler que le respect de la légalité avait été le crédo des batailles de Juillet, crédo contre lequel il serait malvenu aujourd’hui de s’élever48. Pecqueur répond que le respect sacrosaint de la légalité n’est pas tenable : il faut changer les lois au nom d’une compréhension actualisée des besoins de la société, Pecqueur en appelle ainsi à « une légalité nouvelle dont l’exécution assure de l’éducation, et une profession équitablement rétribuée à ces classes nombreuses que la légalité a si fort maltraitées jusqu’à ce jour »49.
34Le travail et les travailleurs sont ici opposés à l’oisiveté et aux oisifs, opposition que la révolution de Juillet avait, en réalité, cherché à annuler d’après Pecqueur. Si la Restauration fut bien ce régime social (plus que politique) de réintroduction de « la légitimité par droit de naissance », ce sont moins des entorses à la légalité qu’une mécompréhension de la société moderne que Juillet avait voulu sanctionner. Pour Pecqueur, c’est donc bien un principe social de distribution des rôles, des richesses et des pouvoirs qui a été combattu, et non un écart à la loi existante ou aux principes juridiques ou constitutionnels affichés par le régime en place. Ce n’est ainsi pas le « parjure » du roi à la charte qui est responsable de sa destitution, c’est plutôt ce qu’il n’a pas fait d’un point de vue social, action sur la société qui aurait nécessité en réalité un réaménagement profond de la Charte. Pecqueur note :
Si par ordonnance, le 25 juillet 1830, Charles X avait aboli l’hérédité de la pairie comme elle va l’être tout à l’heure ;
[…]
Si, par ordonnance, il avait fait disparaître le cumul, les sinécures, les pensions prodiguées à l’oisiveté, et toutes les autres allocations superflues du budget ;
Si enfin il avait, par ordonnance, adopté des mesures conçues dans l’intérêt du travail, témoigné d’une affection paternelle aux classes les plus nombreuses, au peuple ;
Certes si, par ordonnance, il eût fait tout cela, il eût attenté à la légalité, et pourtant, à l’heure qu’il est, les bénédictions de la France retentiraient autour de son château aujourd’hui solitaire50.
35Ce n’est donc pas le respect scrupuleux ou le non-respect de la Charte qui a été le mobile principal du renversement de Charles X, puisqu’un ensemble de décisions « par ordonnance » aurait largement suffi à satisfaire le besoin de transformation sociale que Pecqueur, avec d’autres, appelle de ses vœux. Et il n’est pas sûr d’ailleurs, comme le prouvent les résistances républicaines à la monarchie de Juillet dès 1831, ainsi que les mouvements de contestation sociale, ceux des canuts lyonnais notamment, qu’un simple changement de régime suffise à satisfaire un tel besoin51.
36Ce que Pecqueur appelle les « théories parlementaires », notamment dans le débat sur l’hérédité de la pairie, « ne donnent aucun critérium pour apprécier la valeur des faits » : toutes respectueuses soient-elles de la légalité, ces théories – qui sont définies par Pecqueur comme le ferment de la « politique libérale », d’après laquelle une décision est juste si elle émane d’une discussion parlementaire constitutionnellement réglée – n’en sont pas moins fautives si elles ne parviennent pas à apprécier la situation sociale de la France en 1830 et si elles n’entraînent pas une transformation de cette dernière. Pour Pecqueur :
Le temps est arrivé de théories nouvelles, on demande généralement de nouvelles solutions ; c’est pour cela que nous venons, nous, avec un criterium que tous ne sauraient tarder à adopter, et voici en quoi il consiste : Tout fait qui est de nature à amener graduellement l’association universelle des travailleurs, industriels, savants et artistes, fondée sur le règne des capacités, est bien, et cela seul est bien. Tout fait propre à la retarder est mal, et cela seul est mal. De ce point de vue les privilèges de la naissance sont vite jugés52.
37Pecqueur cherche à comprendre non plus seulement comment un processus de décision collective pourrait permettre l’avènement d’une société apte à « amener graduellement l’association universelle », mais plutôt à fournir les critères qui favoriseraient la perception des moyens qu’il est nécessaire de mettre en œuvre pour arriver à un tel état. Il commence ainsi à manifester l’idée qu’une science sociale de la propriété doit être élaborée pour repenser l’organisation de la société afin de sceller, dans les faits, le sort d’une société qui trop souvent encore repose sur « les privilèges de la naissance ». C’est précisément une science sociale de ce type qu’il va s’attacher à développer dans son ouvrage de 1842, Théorie nouvelle d’économie sociale et politique, ou Études sur l’organisation des Sociétés53.
5. La propriété comme fonction : vers une théorie nouvelle d’économie sociale et politique
a. La science sociale ou comment représenter la société
38L’ouvrage de 1842 comprend sur sa page de garde une citation de Pascal :
Toutes les bonnes maximes sont dans le monde : on ne manque qu’à les appliquer. Il faut tendre au général ; car la pente vers soi est le commencement de tout désordre ; en guerre, en police, en ÉCONOMIE, etc.
39Cette citation est déjà une bonne indication de ce qui sera au cœur de la théorie « nouvelle » d’économie sociale et politique proposée par Pecqueur. Elle est, à l’image du titre qui associe l’« économie sociale » à l’« économie politique », une forte mise en garde contre toute tentative de comprendre le fonctionnement des sociétés à partir de l’individu, de ses besoins et de ses droits subjectifs, lesquels ne sauraient être satisfaits (pour les premiers) et garantis (pour les seconds) qu’une fois compris les besoins sociaux en général et les mécanismes de reproduction et de progrès d’une société en particulier. C’est donc au contraire une vision large de la société, de ses agencements et combinaisons, de l’ensemble des éléments qui la constituent, en tant qu’ils sont insérés dans des formes de solidarité, qui doit être prise en compte prioritairement54.
40La dimension autoritaire que l’on pouvait lire encore dans les articles du Globe, notamment dans la vision, défendue par Pecqueur, d’un gouvernement qui réorienterait le cours de l’histoire par « ordonnances », contre le « légalisme », va s’atténuer dès 1842. L’ouvrage n’a pour autant pas encore complètement effectué le virage républicain explicite qu’opérera Pecqueur en 1843-1844, moment à partir duquel il s’insère plus directement dans les milieux républicains55. Par ailleurs, cet engagement, sans doute plus précoce comme nous l’avons signalé, peut difficilement trouver à s’exprimer dans des publications, puisqu’une adhésion ouverte au régime républicain n’est pas de mise sous la monarchie de Juillet, après les répressions des années 1834-1835 et les grands procès du régime à l’encontre des chefs républicains56. Le chapitre XXV, « De la représentation de chacun et de tous ou de la souveraineté du Peuple », ne laisse cependant aucun doute au lecteur de la Théorie nouvelle. Il s’agit bien, pour Pecqueur, de trouver les formes modernes de représentation politique adaptées à une société moderne dont le ressort principal tient à la plus grande complexité de la division du travail qui la caractérise57. Ainsi, Pecqueur envisage-t-il des modalités d’intervention citoyenne à tous les étages de la société (dans la sphère économique autant que civile et politique), fondées sur un mixte de compétence et d’élection. La représentation nationale elle-même devrait mêler ce qu’il appelle des « hommes purement sociaux ou politiques » et des « hommes spéciaux »58. On retrouve ici des modalités de la représentation – combinant chambre basse et haute – qui ne sont pas sans rappeler celles mises en avant par Royer-Collard, en une version bien plus inclusive et démocratique59. C’est sur ce terrain d’une société complexe, dont les modes de représentations doivent être repensés et pour laquelle la division du travail ou en fonctions sociales doit pouvoir s’appuyer sur un droit fonctionnel, que le statut de la propriété va être repensé.
41La recherche d’une « science sociale » et d’une science sociale de la propriété est ainsi le cœur de l’ouvrage de 1842. Cette science s’y présente comme la révision nécessaire du statut de la propriété portée par une nouvelle analyse du fonctionnement de la société. Il s’agit là d’un point d’aboutissement (Pecqueur ne variera ensuite que marginalement dans ses formulations) révélateur du parcours intellectuel de Pecqueur, depuis la critique de l’héritage et de la propriété jusqu’à la construction d’une science sociale. En effet, au point de départ de la Théorie nouvelle, il y a deux manuscrits, l’un qui concerne l’économie sociale, l’autre un traité critique sur le droit individuel de propriété. Les deux ouvrages sont fondus ensemble, la partie critique sur la propriété se retrouve quasiment intégralement à la fin du livre, sous le titre : « Du droit individuel et absolu de propriété sur le sol »60.
42Dans cette partie, Pecqueur s’attaque à des penseurs comme Charles Comte, Adolphe Thiers ou Guizot. Il considère aussi des formules de Napoléon dans lesquelles il perçoit la synthèse de la doxa des élites sur la propriété (sédimentée dans le Code civil de 1804). Mais il n’élude pas les conflits d’interprétation qui l’opposent à ceux dont il a été, et demeure parfois, proche comme Fourier, Considerant ou Leroux qui vient clore le défilé. L’analyse de la propriété « positive », c’est-à-dire sa reformulation dans les termes de la science sociale, a été, quant à elle, disséminée dans le manuscrit : dans le chapitre XVII, « Bases de la science sociale », ou dans le chapitre XVIII, « Des éléments constitutifs de toute société »61. Les chapitres XXVI et XXVII, ainsi que le chapitre XXVIII qui les résume, reprennent le problème de manière serrée sous les titres suivants : « De la propriété considérée du point de vue philosophique et religieux » (XXVI), « Définition sociale et économique de la propriété et du droit de propriété » (XXVII). Le titre de ce dernier chapitre est tout à fait édifiant, car pour Pecqueur il s’agit bien d’en arriver à une « définition sociale et économique de la propriété et du droit de propriété ». Enfermer la propriété dans un discours juridique, c’est ce qu’ont fait, à tort selon Pecqueur, les précédents théoriciens de la propriété62.
b. La « fonction sociale » : entre science sociale et démocratie
43Le terme « fonction » est omniprésent dans l’ouvrage de Pecqueur, il possède une dimension à la fois descriptive et prescriptive. Descriptive, car c’est par lui que Pecqueur peut décrire la société, son mode de fonctionnement et les ressorts qui l’animent. Prescriptive néanmoins, car la théorie des fonctions sociales, chez Pecqueur, est assortie de fortes contraintes démocratiques qui s’expriment sur deux plans. Le premier est celui d’une fondation « sociale » des droits de l’individu, puisque les droits de chacun dans une société (et vis-à-vis de la société) se résument précisément au « droit à la fonction »63. Le deuxième est celui d’une expression populaire de l’attribution des fonctions à chacun (c’est-à-dire la reconnaissance des droits de l’individu), sous la forme d’une élection (« Par l’ÉLECTION directe ou indirecte, formelle ou implicite, elle détermine la fonction ou la vocation sociale de chaque individu, sa place dans le grand atelier ; elle assure à chaque ordre de travaux et de fonctions un personnel spécial et expert »)64. Ces élections (dont les modalités précises ne sont pas données par Pecqueur) doivent être éclairées par une connaissance de la société, de ses besoins, de ses rouages et modes d’existence, en ce que la « recherche de la meilleure forme des éléments constitutifs ou de leur meilleure organisation est précisément l’objet de la science de l’économie sociale, et, par conséquent, celui que nous devons proposer dans nos études »65. Cette connaissance nécessaire – qui fait partie de ce que Pecqueur nomme un « droit à l’initiation sociale »66 – doit aboutir à transformer radicalement les « éléments constitutifs » de la société présente, ces derniers traduisant de façon inadaptée pour le présent les besoins d’une société passée. Cette société n’a pas su réfléchir son évolution et traduire dans un droit actuel et des institutions nouvelles – par essence évolutifs – les besoins nouveaux. Pecqueur souligne ainsi que « la presse, la socialisation du sol et du capital mobilier ou la désappropriation individuelle ; le droit au travail, à l’éducation et à l’instruction ; le droit de la capacité et du mérite, et l’élection ou la souveraineté du Peuple dans toutes les sphères, vont peu à peu renouveler et transformer radicalement, mais non détruire tous ces éléments constitutifs »67 des sociétés passées.
44Dans le « résumé général et conclusion définitive de la partie théorique » (chapitre XLIV), Pecqueur peut ainsi offrir, sur un plan plus directement normatif, une liste des transformations à opérer dans les « éléments constitutifs de la société » :
À l’appropriation individuelle ou par famille, nous opposons et substituons l’appropriation nationale et humanitaire ; ou la socialisation du sol et de tous les autres instruments de travail qui en dérivent, sous la suprême direction des représentants du peuple. À l’échange facultatif et arbitraire, par les individus, la vente sous les auspices et la responsabilité des pouvoirs représentatifs. À la transmission des instruments de travail selon la naissance, au classement des individus selon le hasard, la transmission selon la vocation, le classement selon le mérite vérifié. À la libre concurrence, la solidarité, l’association, le concours simultané de tous pour la plus grande production, la plus grande économie, la plus grande consommation. À l’isolement, la réunion ; à la multiplicité et à la confusion, l’unité et l’ordre : « Nous ramenons toute l’économie à une question de fonctions »68.
45La propriété ne saurait donc échapper à l’analyse du social sous l’angle des fonctions. D’ailleurs dans le manuscrit sur la propriété, qui apparaît de manière quelque peu autonome à la fin de l’ouvrage, même si, comme nous l’avons vu, le traitement de la propriété est d’emblée associé à la question de la ou des fonctions, largement abordée à plusieurs endroits du texte (en particulier, les chapitres XVII, XVIII et XXXVIII), Pecqueur note :
Ce qui importe désormais, c’est de définir socialement, politiquement et économiquement la famille, la patrie, et surtout la propriété69.
46Ce qu’il ne manque pas de faire dans les quelque 765 pages qui précèdent ce morceau de bravoure sur le droit individuel et absolu de propriété qui vient clore l’ouvrage, comme s’il fallait justifier tout ce qui précédait (la science sociale) par la critique de l’ancienne vision de la propriété. Dans ce qui constitue son traité de science sociale, ou sa Théorie nouvelle d’économie sociale et politique, Pecqueur a ainsi pu préciser qu’une compréhension approfondie de l’organisation des Sociétés, sous-titre de l’ouvrage, invite à comprendre comment « le droit de propriété se transforme en droit à une fonction »70.
47Toute cette analyse est en continuité avec la définition de la propriété « normale » que proposait Pecqueur dans le cadre du chapitre XXVII intitulé « Définition sociale et économique de la propriété et du droit de propriété » :
La science sociale ne peut donc plus borner la définition de la propriété à la seule matière : cette définition s’étend à tout ce qui, directement ou indirectement, peut irradier la vie de l’homme ; à l’éducation, aux droits naturels et dérivés, aux conditions de la plus haute sociabilité ; tout comme à celles du boire et du manger. En conséquence nous définissons la propriété normale : tout ce qui dans la nature et dans les institutions sociales peut être instrument, source, moyen ou condition de bonheur individuel et collectif : en d’autres termes tout ce qui favorise l’essor et la culture morale, intellectuelle et physique de chacun et de tous71.
48D’un point de vue pratique, les solutions de Pecqueur tiennent en quelques lignes :
Socialiser et nationaliser tous les instruments de travail, ramener l’activité et la production de tous les citoyens sans exception à l’unité et à la centralisation gouvernementale : il suffit de ces deux grandes mesures pour obtenir la solution facile de tous les problèmes jusqu’ici insolubles de l’économie politique72.
49La mise en œuvre d’une telle « solution facile » est une autre histoire, qui se révélera plus heurtée que Pecqueur ne le prévoyait en 1842. Nous ne l’évoquerons que très rapidement pour conclure.
Conclusion
50En 1848, Pecqueur va en effet avoir l’occasion de frotter ses vues théoriques à une expérience pratique : celle de la Commission des travailleurs installée au palais du Luxembourg, dite Commission du Luxembourg. Pecqueur en est, avec Vidal, le secrétaire, alors que Louis Blanc et l’ouvrier Albert, en sont les présidents. Partie, comme on l’a vu, d’une critique de la Chambre des pairs, la trajectoire de Pecqueur le conduit ironiquement à pouvoir transformer cette institution en une instance de représentation nationale du travail, ce qu’il avait précisément appelé de ses vœux dans ses écrits entre 1831 et 1842, comme nous avons essayé de le montrer. Conduite sur une très courte période, l’expérience du Luxembourg n’aura pas le temps de porter les fruits espérés par Louis Blanc, Albert, Vidal et Pecqueur. Elle sera, pour la postérité, et sans doute à tort, seulement associée à l’échec des ateliers nationaux.
51L’expérience de 1848 ne va pas annuler cependant le travail théorique des années 1840, bien au contraire, elle va le relancer. Sous une forme nouvelle, le journal, Pecqueur va tenter de condenser sa théorie nouvelle pour répondre aux questions que l’urgence politique et sociale pose selon lui à la République, déjà fragilisée par les journées de Juin 1848 et les revers des républicains socialistes73. C’est en défenseur de la république qu’il rejoue la question d’une science sociale de la propriété. Une défense qui repose sur l’idée que le « nouveau monde républicain », n’est pas le « plagiat suranné du passé », et qu’il est nécessaire d’avoir compris l’évolution des sociétés modernes, leurs ressorts, pour penser l’organisation de ces dernières, y compris leur organisation politique74. En ce sens, lorsqu’un Léon Duguit cherche à élaborer, à la fin du XIXe siècle, une définition juridique de la propriété comme « propriété-fonction », il ne fait que reprendre le travail sur le droit là où Pecqueur l’avait laissé, armé, comme son prédécesseur, des avancées de la science sociale, même si désormais l’inspiration vient de la sociologie durkheimienne.
Annexe
Document
Correspondance avec Victor Schoelcher
Au début des années 1840, Pecqueur publie ses « grands œuvres », notamment Théorie nouvelle d’économie sociale. L’année 1844 le voit à la fois publier son dernier ouvrage d’envergure, De la République de Dieu et renouer véritablement avec le journalisme en écrivant de nombreux articles dans La Réforme. Il songe alors à fonder son propre journal et explore cette possibilité. Au mois d’août il contacte Victor Schoelcher lui signalant qu’il compte sous peu lancer un nouveau titre, La Fraternité, Tribune de la démocratie, Journal de la doctrine de solidarité. Dans le brouillon originel de la lettre, malheureusement presque entièrement illisible, il commence par résumer à Schoelcher certaines idées présentées dans De la République de Dieu qui concernent l’idéal devant guider la société des Philadelphes ; « Négligez l’utopie, écrit-il, et vous éternisez le présent ». Mais il précise ensuite que le journal vise aussi un but pratique et dans la seconde partie de cette lettre numérotant quatorze feuillets, il décrit la façon dont la poursuite de l’idéal peut permettre au présent de conduire les transitions. Vers la fin de sa vie, Pecqueur a recopié au propre cette seconde partie, mentionnant, « très importante ; à conserver et à faire imprimer avec mes manuscrits les plus importants »1.
« Après avoir cherché l’idéal, nous aborderons la réalité contemporaine, et tout en faisant de la science nous ferons de la politique, et alors nous demanderons à l’opinion quelles améliorations elle saura supporter sans trop protester. Nous apprécierons le possible ; car, nous le savons, afin que la théorie devienne pratique, il faut que les dispositions latentes de l’esprit public y correspondent à un degré suffisant pour mettre l’acclamation et la force du côté du pouvoir qui tente l’application. Les transitions ne sont pas seulement nécessaires ; elles sont légitimes et réellement humaines puisqu’elles se plient à nos imperfections radicales. Mais prenons garde de sanctionner des combinaisons nouvelles, timides, entachées d’iniquités. Une fois passées à l’état d’institutions et de mœurs, elles donneraient des fruits tellement amers qu’on ne sait combien d’obstacles elles mettraient à tout progrès ultérieurs. Ce sont ici des établissements séculaires, et quand les peuples bâtissent, ils doivent bâtir à neuf sur la roche pure.
L’œuvre la plus radicale de notre temps sera sans contredit la transformation économique. Les journaux de tous les partis ont enfin mis à l’ordre du jour parlementaire la grande question de l’organisation du travail. Dieu merci ! il n’y a plus folie désormais à s’en occuper. La presse a donné un certificat de santé intellectuelle aux socialistes. C’est un immense progrès à constater. Mais tous s’accorderont à la trouver redoutable. C’est qu’en effet on sent instinctivement qu’en effet elle implique la transformation radicale de l’économie et de la société, qu’elle exige une autre forme du droit de propriété ; d’autres relations civiles. C’est une revendication solennelle des droits de l’homme dans toute leur plénitude ; un nouveau pas dans la civilisation ; l’avènement définitif du peuple à la liberté et à l’égalité effectives.
Si donc nous voulons hâter et faciliter cette métamorphose, nous ne devons pas craindre de sonder toutes les profondeurs de l’avenir, d’annoncer tous les bienfaits qu’il garde à ceux qui se voueront à sa conquête. Si nous voulons de nouvelles institutions commençons par proposer de nouvelles idées et engendrer de nouvelles mœurs. À quoi correspondent les institutions mesquines qu’on veut nous donner pour radicales et suffisantes ; elles dérivent toujours de cette source empoisonnée du paganisme et de la féodalité ; elles ne peuvent par conséquent que nous donner encore l’inégalité des conditions, l’anarchie ou le despotisme.
Notre tache consistera longtemps à démontrer la légitimité et la nécessité de transformer la propriété en abolissant le monopole de la terre ; de socialiser les instruments de travail en abolissant le crédit privé par l’institution du crédit public ou national ; d’organiser le travail en restituant à l’État ses attributions normales indispensables qui sont de mettre directement ou indirectement, mais à coup sûr, l’unité, l’ordre, l’équité, la prévoyance, la proportion et l’économie dans la production, la distribution et la consommation des richesses de tout ordre.
Nous ne craindrons pas de le dire : il ne doit y avoir en principe et en fait qu’un champ, qu’un atelier, qu’un magasin, qu’un trésor, qu’une demeure, qu’une hôtellerie pour toute la grande famille humaine : c’est du moins le dernier terme de la solidarité idéale. La terre appartient à tous et n’appartient à personne. Tous, donc, doivent participer également à ses bienfaits, sous condition de travail et d’œuvre sociale quelconque sous preuve d’égale bonne volonté dans la tâche collective. Plus de propriétaires monopoleurs ; plus de capitalistes usuriers, plus d’oisifs exploitants, ni d’ouvriers exploités, plus de maîtres, sauf l’État, ou mieux, la société, la loi, la raison, le devoir ; plus de serviteurs, de domestiques, mais des égaux, des libres, des frères ; et tous, sans distinction, esclaves ou sujets de la loi. Égalité absolue dans le bénéfice de tous les avantages attaché à l’État social. Ainsi éducation commune égale gratuite ; et de tous selon leur aptitude, leur puissance, leur force, selon leur goût combiné avec les exigences sociales ; à tous selon leurs besoins dans les limites du possible en proportion relative des ressources totales, comparées aux besoins collectifs. En principe les généralités sont inébranlables : en application il faut s’efforcer d’en approcher le plus possible.
Toutefois, si nous sommes solidaires comme les membres d’une même famille, chacun cependant doit être responsable de ses actes, et supporter les conséquences de ses infractions volontaires à ses devoirs. À cette fin, il faut organiser la liberté et l’égalité ; car alors la responsabilité individuelle sera infaillible au sein même de la solidarité collective ; et, par exemple, quant à la loi de distribution des richesses, elle doit être telle que chacun soit couvert au frais de tous contre les maux et les adversités de forces majeures qui ne sont pas le résultat de sa mauvaise volonté ou de ses vices personnels : mais telle que l’individu supporte des privations morales, intellectuelles et matérielles correspondantes à toutes les infractions de son fait volontaire et coupable à chaque moment de sa vie active. Enfin il est entendu que les libertés et privautés intimes de la famille sont consacrées en tout ce qui n’est point incompatible avec le [mot manquant] d’une vraie fraternité et d’une solidarité effective.
En vous indiquant ainsi l’esprit qui caractérisera notre propagande, je ne fais cependant, mon cher Monsieur, que vous signaler quelques-uns des éléments nouveaux ou méconnus que nous nous efforcerons d’introduire dans la science sociale et dans l’opinion du peuple par la presse. Bien des conséquences pratiques et salutaires peuvent se tirer de ces généralités. Notre but est de provoquer tous les hommes de bonne volonté à la conciliation, à l’union, à l’œuvre commune sur la base unique de la fraternité sincère, et à la réalisation immédiate de cette union et de cette œuvre. Notre premier soin devra être de conformer le plus possible nos actes et notre langage à nos théories ; de prêcher d’exemple avant tout. Il nous faudra en même temps, par toutes les voies légitimes ressusciter en quelque sorte l’amour dans les âmes, l’amour, mobile initial, principe conservateur de toute association et de toute liberté ; l’amour seul créé la bonne ou la mauvaise volonté, qui seule fait tout en ce monde, le bien ou le mal.
Enfin le soin que nous mettrons spécialement à revendiquer le droit d’un sexe tout entier à être mise en équation parfaite avec l’autre par les lois et par les institutions sociales, économiques et politiques, achèvera, je l’espère, de mériter à notre publication l’approbation et le concours de tous les hommes qui comme vous font consister leur bonheur à travailler à celui de l’humanité, et d’abord à retirer l’esclave de la servitude, les faibles de la domination des forts ».
Notes de bas de page
3 Duguit Léon, 1922, op. cit.
4 Le texte de référence pour Duguit, en ces matières, est l’ouvrage de Durkheim, de 1893, De la division du travail social (Paris, Alcan).
5 « La doctrine solidariste enseigne au contraire que la société est le fait primaire et irréductible, que l’homme est par nature un être social, qu’il ne peut vivre qu’en société et qu’il y a toujours vécu. Elle affirme, en conséquence, qu’on ne peut considérer l’homme que comme être social, que comme membre de la société », Duguit Léon, 1922, op. cit., p. 141-142.
6 Ibid., p. 146.
7 Duguit Léon, 1912, Les transformations générales du droit privé depuis le Code Napoléon, Paris, Félix Alcan.
8 Duguit Léon, 1922, op. cit., p. 159-160. Voir plus généralement, l’intégralité de la « Onzième Leçon. Les principales conséquences de la conception solidariste de la liberté », p. 154-68.
9 « Les gouvernants sont les serviteurs des gouvernés, c’est-à-dire qu’ils sont obligés de créer, d’organiser et d’assurer tous les services qui sont indispensables pour réaliser le système des besoins, c’est-à-dire le maintien et le développement de la solidarité sociale », Duguit Léon, 1922, op. cit., p. 164.
10 Sur ce sujet, voir notamment Donzelot Jacques, 1984, L’invention du social. Essai sur le déclin des passions politiques, Paris, Fayard. On pourra aussi se pencher sur un cas exemplaire, celui d’Émile Durkheim : Portis Larry, 1987, « Les Fondements politico-idéologiques de la sociologie durkheimienne », L’Homme et la Société, n° 84, p. 95-110, ou encore Clark Terry Nichols, 1973, Prophets and Patrons : The French University and the Emergence of Social Sciences, Cambridge (Mass.), Harvard University Press.
11 Sur Pecqueur, voir dans ce volume les différents articles, en particulier pour notre objet, celui de Ludovic Frobert. On consultera aussi : Malon Benoît, 1886, Constantin Pecqueur, doyen du collectivisme français, Paris, Bibliothèque socialiste ; ainsi que Thbaut Jacques, 1991, Constantin Pecqueur (1801-1887) : Un collectivisme à visage humain, ouvrage inédit.
12 Sur la question de la propriété à cette période, voir Castleton Edward, 2009, « Introduction », in Proudhon Pierre-Joseph, Qu’est-ce que la propriété ?, Paris, Le Livre de Poche.
13 Pour une première analyse, à partir des écrits de Sieyès, de l’émergence du terme « science sociale », voir Branca-Rosoff Sonia et Guilhaumou Jacques, 2003, « De société à socialisme : l’invention néologique et son contexte discursif », in Guilhaumou Jacques et Piguet Marie-France (éds), Dictionnaire des usages socio-politiques (1770-1815), fascicule 7 Notions théoriques, Paris, Honoré Champion. Pour une compréhension plus large du rôle politique des sciences sociales dans le premier XIXe siècle, voir Procacci Giovanna, 1993, Gouverner la misère. La question sociale en France, Paris, Seuil.
14 À titre d’exemple, on notera que dans Souveraineté et liberté, Duguit cite et commente longuement Comte, mais ne se réfère jamais à Pecqueur.
15 Pecqueur Constantin, 1842, op. cit.
16 Bergounioux Alain, 1992, « Socialistes et républicains avant 1914 », in Berstein Serge et Rudelle Odile (dir.), Le modèle républicain, Paris, PUF, p. 117-128. Cette opposition n’est pas sans rappeler évidemment la fracture que repère J. G. A. Pocock entre le langage des droits et le langage de la vertu, entre économie politique et humanisme civique, Pocock John-Greville-Agard, 1997 [1975], Le Moment machiavélien. La pensée politique florentine et la tradition républicaine atlantique (trad. L. Borot), Paris, PUF. Voir aussi Pocock John-Greville-Agard, 1983, « Cambridge Paradigms and the Scottish Philosophers », in Hont Istvan et Ignatieff Michael (éds), Wealth and Virtue. The Shaping of Political Economy in the Scottish Enlightenment, Cambridge, Cambridge University Press.
17 Stedman Jones Gareth, 2007, La Fin de la pauvreté ? Un débat historique (trad. V. Bourdeau, F. Jarrige et J. Vincent), Maison-Alfort, Ère.
18 « Thomas Paine développe l’idée d’une nécessaire indemnisation des pauvres parce qu’ils ont été privés de leur héritage naturel, la terre. Pour compenser ce droit bafoué, et le substituer à la charité, l’auteur propose de verser à tout individu de 21 ans et plus un capital financier », Geffroy Laurent, 2002, « À l’origine du revenu garanti : Thomas Paine », Multitudes, vol. 1, n° 8, p. 52-55.
19 Sur ce sujet, voir Bourdeau Vincent, 2009, « Propriété de soi, égal accès aux ressources et inclusion », Diacritica, vol. 23, n° 2, p. 123-150.
20 Sur Thiers, voir : Navet Georges, 1979 (octobre), « Le Cogito propriétaire et son histoire (M. Thiers défenseur de la philosophie) », Le Doctrinal de Sapience, n° 6, p. 95-119.
21 Plusieurs termes sont en réalité convoqués à la même période pour désigner ce travail nécessaire de compréhension des « mécanismes sociaux » : économie sociale, science sociale, économie politique, termes bien évidemment disputés et dont les enjeux définitionnels sont des enjeux de luttes politiques depuis le milieu du XVIIIe siècle. Sur ce sujet, voir : Perrot Jean-Claude, 1992, Une histoire intellectuelle de l’économie politique, Paris, EHESS.
22 Le sujet est complexe, et il faudrait passer par bien des étapes pour étayer un peu l’analyse proposée ici, notamment il faudrait regarder les variantes, à la même période, de ces discours afin de retrouver un certain nombre de constantes sous les divergences apparentes (chez des auteurs comme Vidal, Proudhon, Auguste Walras, Pierre Leroux), mais aussi sans doute la genèse, notamment du côté de la pensée physiocratique, d’une telle conception de la propriété, on se propose dans cet article plus modestement de reprendre une trajectoire dont les éléments sont de nature à préciser une telle présentation, la trajectoire de Constantin Pecqueur, qui n’aura donc ici que valeur d’illustration.
23 C’est en effet du côté de la Revue socialiste et du travail d’établissement de traditions socialistes par Benoît Malon, son directeur, que l’on rencontre une « réception » de Pecqueur à la fin du XIXe siècle. Mais on ignore trop souvent que cette tradition de relecture de Pecqueur portait un intérêt marqué pour le caractère républicain des institutions sociales et économiques que Pecqueur voulait promouvoir dans ses écrits.
24 Saint-Simon Claude-Henri (de), 2013 [1825], Nouveau Christianisme (1825), in Grange Juliette, Musso Pierre, Régnier Philippe et al. (édition critique présentée, établie et annotée par), Œuvres complètes, vol. IV, Paris, PUF.
25 Le journal Le Globe est un pilier de la contestation libérale sous la Restauration. Pourtant dès cette période, les intentions de P. Leroux sont distinctes de celles des rédacteurs principaux, les « globistes » comme les nomme Jean-Jacques Globot. Ce dernier, dans son étude sur les rédacteurs du Globe, note ainsi « Leroux a joué un rôle décisif dans le destin du Globe lorsqu’il s’est opposé, après les Trois Glorieuses, aux partisans de ce qu’on allait bientôt nommer le juste milieu. Cette opposition s’est manifestée dès le 1er août 1830 […]. Le 15 août, après le départ de Dubois, Leroux reste le seul gérant du journal et devient son principal rédacteur politique », Goblot Jean-Jacques, 1993, Le Globe, 1824-1830, Paris, Honoré Champion, p. 109. C’est précisément durant cette période de rupture que Constantin Pecqueur devient un rédacteur du Globe. J.-J. Globot rend compte par ailleurs, dans les années qui précèdent la rupture, des tentatives via Charles Magnin et Charles Weiss, de faire entrer la doctrine fouriériste dans les colonnes du Globe (notamment en poussant des comptes rendus du livre de Just Muiron, Sur les vices de nos procédés industriels, ou des articles de Victor Considerant), sans succès, voir Goblot Jean-Jacques, 1993, op. cit., p. 283-284, 313-314, 317-318.
26 La date précise de son arrivée à Paris reste difficile à déterminer, mais on peut situer cette dernière entre août 1830 et janvier 1831.
27 Vivien (1799-1854) fut d’abord avocat au barreau d’Amiens avant de gravir les échelons une fois installé à Paris. Il siège au conseil de la Société de morale chrétienne, devient préfet de police à Paris (26 février 1831-17 septembre 1831). Conseiller d’État, il est élu à l’Académie des sciences morales et politiques en 1845, proche des milieux dynastiques, de centre gauche, il est un conservateur sous la Deuxième République. Il se retire de la vie politique à l’accession de Louis Napoléon Bonaparte au pouvoir, après avoir été successivement constituant en 1848, député, puis ministre des Travaux publics.
28 Merlin de Douai (1754 à Arleux-1838) est un autre soutien de Constantin Pecqueur à son arrivée à Paris. Il est une figure de la Révolution française, puisqu’il fut membre de l’Assemblée nationale constituante, puis député du Nord à la Convention. Sous la Restauration, il doit s’exiler d’abord en Belgique puis aux Pays-Bas.
29 Thbaut Jacques, 1991, op. cit., p. 78.
30 Plus généralement, on peut dire que cette période n’est pas marquée par des frontières politiques étanches, ainsi on pourrait rapprocher les débuts de Pecqueur à Paris de ceux d’un Proudhon, quelques années plus tard, qui bénéficie de réseaux du même type, publie chez Guillaumin, est proche de membres de l’Académie des sciences morales et politiques.
31 Vidal (1812-1872) est avocat, saint-simonien, proche ensuite du fouriérisme, il sera l’un des acteurs clefs, aux côtés de Pecqueur, de la Commission du Luxembourg, dont il sera le secrétaire général. Aux côtés de Louis Blanc et d’Albert, Vidal et Pecqueur sont les deux principaux coordinateurs de la Commission. Suite au coup d’État de 1851, il s’évapore en Gironde dont il était originaire et semble avoir repris sa profession d’avocat (cf. Le Maitron, Dictionnaire biographique du Mouvement ouvrier). Fournel (1799-1876) est un polytechnicien, du corps des Mines, élève de l’École des mines de la promotion 1820- 1823. Il dirige une usine métallurgique en 1827, adhère à la doctrine saint-simonienne en 1828. Alexis Petit, fils d’un riche propriétaire, adhère au saint-simonisme dans les années 1820 et demeure saint-simonien après les déchirures qui tiraillent le mouvement. Il est l’un des membres de la colonie de Ménilmontant, puis de l’expédition en Égypte en 1833. De retour en France, il fonde une colonie agricole à Vauzelles, dont l’échec va le miner profondément, au point peut-être d’en perdre la raison.
32 Ce débat, qui habitait tous les esprits depuis Juillet 1830, avait été volontairement reporté à l’année suivante. C’est donc au cœur de l’été 1831 que les deux chambres le portent sur le devant de la scène. Dotée avant la Révolution d’un rôle judiciaire important, la pairie devient, après 1814, un organe central du contrôle des lois, tout en conservant ses prérogatives de Haute Cour de justice (pour les crimes attentant à la sûreté de l’État). Désormais associée au pouvoir législatif, la pairie s’inscrit dans l’architecture institutionnelle sous le nom de « Chambre des pairs ». C’est ainsi elle qui condamne le Maréchal Ney, ou encore qui vote l’indemnité du milliard. Soutenant toutes les mesures jugées illibérales, elle s’attire la réprobation des libéraux comme du peuple. Après la révolution de Juillet, la Chambre des pairs est maintenue, les pairs ayant prêté serment au roi-citoyen y conservent leur siège. Les pouvoirs législatifs étaient étendus, puisque la Chambre des pairs pouvait désormais avoir l’initiative des lois. L’article 23 de la Charte (sur le statut des pairs) devait être révisé dans l’année suivant l’installation des Chambres. En particulier la question de l’hérédité et celle de la nomination – pouvoir exclusif du roi – devaient être traitées. Le projet de révision du statut des pairs est discuté à partir du 17 août 1831. C’est ce débat que commente Pecqueur dans Le Globe. Sur l’histoire de la Chambre des pairs sous la monarchie de Juillet, voir Labes Lucien, 1938, Les pairs de France sous la monarchie de Juillet, Thèse pour le doctorat en droit, Lorient, Imprimerie du « Nouvelliste du Morbihan ».
33 Les articles en question sont les suivants :
1) 21 juillet 1831 : « La centralisation », article de une principal ;
2) 29 juillet 1831 : « L’hérédité de la pairie et l’hérédité de la propriété », article de une principal ;
3) 02 août 1831 : « La légalité », article de une principal ;
4) 10 août1831 : « De la légalité », article colonne, plus court, dernière page ;
5) 31 août 1831 : « De l’hérédité de la pairie et de l’hérédité de la propriété ».
Le premier article de Pecqueur, au sujet de la centralisation, n’est pas sans rapport avec le traitement de la propriété proposé par Pecqueur, mais faute de place, nous le laisserons de côté.
34 Sur la doctrine saint-simonienne, on consultera : Picon Antoine, 2002, Les saint-simoniens : raison, imaginaire et utopie, Paris, Belin ; Weill Georges, 1894, Saint-Simon et son œuvre : un précurseur du socialisme, Paris, Perrin & Cie ; Régnier Philippe (dir.), 2002, Études saint-simoniennes, Lyon, PUL.
35 Voir Goblot Jean-Jacques, 1993, op. cit., n. 1, p. 15 et p. 17 : « Le sous-titre du Globe, ’journal littéraire’, devient à partir du 15 août 1826 (t. IV, n° 1) ’journal philosophique et littéraire’, puis à partir du 5 avril 1827 (t. V, n° 1) ’recueil philosophique et littéraire’, et enfin, à partir du 16 août 1828 (t. VI, n° 85), ’recueil philosophique, politique et littéraire’. Cette dernière modification, qui suppose un changement de statut juridique, est annoncée et commentée ». Le 15 février 1830, une nouvelle série (n° 1) est entamée, Le Globe devient quotidien (Le Globe. « Journal politique, philosophique et littéraire », lundi 15 février, VIe année).
36 Il s’agit d’une reprise du « testament » philosophique et politique de Saint-Simon, en 1825, le « nouveau christianisme » qu’il appelle de ses vœux, voir : Saint-Simon Claude-Henri (de), 2013 [1825], op. cit.
37 Pecqueur Constantin, 1831 (29 juillet), « L’hérédité de la pairie et l’hérédité de la propriété », Le Globe. Pecqueur fait ici référence aux députés élus à la Chambre basse (au palais Bourbon) dont beaucoup avaient fait figurer dans leurs professions de foi la réforme du mode de recrutement des pairs à la Chambre haute. Si le caractère aristocratique est critiqué par tous ou presque, il n’en reste pas moins que l’on rencontre parmi les grands hommes politiques de la monarchie de Juillet un fort attachement à l’hérédité, gage d’indépendance des pairs. Cet attachement est souvent associé à une conception élitiste de la représentation nationale. Par exemple, Royer-Collard voit dans la réforme la possibilité de créer une « aristocratie constitutionnelle », c’est-à-dire une chambre moins soumise aux aléas des élections et constituée d’hommes qui se « vouent et appartiennent spécialement aux affaires publiques, à la vie politique », Chambre des députés, séance du 4 octobre 1831, cité par Labes Lucien, 1938, op. cit., p. 63.
38 Pecqueur Constantin, 1831 (29 juillet), « L’hérédité… », art. cit.
39 Ibid.
40 Ibid.
41 Ibid. Je souligne.
42 Ibid.
43 Ibid.
44 Ibid.
45 Ibid.
46 Ibid.
47 Ibid., p. 979.
48 Le Journal des Débats entend ainsi prévenir les velléités de contestation du régime de Juillet qui commencent à poindre chez les républicains avancés ou dans certains milieux de l’aristocratie ouvrière.
49 Pecqueur Constantin, 1831 (21 juillet), « La centralisation », article de une principal, Le Globe.
50 Ibid., p. 857.
51 Sur les débuts de la monarchie de Juillet, voir : Rosanvallon Pierre, 1985, Le Moment Guizot, Paris, Gallimard, ainsi que : Robert Vincent, 2010, Le Temps des Banquets : politique et symbolique d’une génération, 1818-1848, Paris, Publications de la Sorbonne. Sur les canuts, voir : Frobert Ludovic, 2009, Les canuts ou la démocratie turbulente, Paris, Tallandier. La première révolte des canuts lyonnais, le 21 novembre 1831, va renforcer les dissensions entre saint-simoniens. Leroux est affligé par l’absence de soutien des saint-simoniens à ce mouvement, Pecqueur est sur la même ligne, il notifie sa rupture à Enfantin par un courrier en date du 16 janvier 1832, voir : Thbaut Jacques, 1991, op. cit.
52 Pecqueur Constantin, 1831 (2 août), « La légalité », Le Globe.
53 Pecqueur Constantin, 1842, op. cit.
54 Toute la construction initiale de Théorie nouvelle est ainsi pensée en une succession de définitions des liens d’interdépendances multiples, de l’humanité à un plan de la nature (« l’humanité qui n’est qu’une fonction dans l’ensemble de l’univers », ibid., p. 37), jusqu’à une société prise pour elle-même et définie comme « la résultante ou le prolongement combiné de toutes les activités individuelles qui s’y meuvent et s’y communiquent. Il suffirait de faire l’analyse des modes d’activité de l’homme pour les montrer socialisés dans les éléments constitutifs du corps social », ibid., p. 209. Les « modes d’activité de l’homme », d’emblée « socialisés dans les éléments constitutifs du corps social » indiquent clairement que, pour Pecqueur, on ne saurait partir d’un individu isolé, mais seulement d’activités individuelles immédiatement inscrites dans les cellules vivantes de la société. À cet égard, on notera que Pecqueur utilise, pour désigner la science sociale, l’expression de « chimie sociale », ibid., p. 478.
55 Thbaut suggère cette date pour l’inscription de Pecqueur dans les organes plus directement impliqués dans la défense et la promotion d’un régime républicain, marquée notamment par le rapprochement de Pecqueur des animateurs de La Réforme. Voir, sur ce sujet : Weill Georges, 1980 [1928], Histoire du Parti républicain en France (1814-1870), Paris/Genève, Slatkine Reprints, p. 147 et suivantes.
56 La répression des républicains est forte dès 1831, elle opère par une série de procès, puis par l’édiction de lois de plus en plus hostiles à toute forme d’association. En particulier en 1834, une loi contre l’association vise particulièrement les sociétés républicaines (La Société des Droits de l’Homme, notamment). Elle entraîne des émeutes en avril 1834, qui seront l’occasion d’un procès fameux fait aux chefs républicains, à la Cour des pairs, pour complot contre la sûreté de l’État (avril 1835-janvier 1836). Les lois de septembre 1835 prévoient le délit d’offense au roi et interdisent l’usage du terme « républicain ». Sur ce sujet, voir : Weill Georges, 1980 [1928], op. cit., en particulier, chapitres III et IV.
57 Cette complexité plus grande de la division du travail, c’est précisément ce que Pecqueur veut se donner les moyens de décrire sous le terme de « solidarité ». Il pense à cette période à créer un journal dont le rôle serait d’opposer la doctrine de la solidarité à l’individualisme : La Fraternité. Tribune de la démocratie. Journal de la doctrine de solidarité (1844). Ce projet, faute de financement, ne verra pas le jour. Cf. Thbaut Jacques, 1991, op. cit.
58 Pecqueur note : « Pour que la représentation du peuple soit également favorable à toutes les spécialités, il faut : 1°) qu’elle contienne un certain nombre d’hommes purement sociaux ou politiques, c’est-à-dire placés au seul point de vue de l’intérêt général […] ; 2°) Que le reste de la représentation soit composé en nombre égal d’hommes spéciaux, choisis, chacun, exclusivement par le personnel de la sphère d’activité sociale qu’ils sont appelés à représenter », Pecqueur Constantin, 1842, op. cit., p. 373-374.
59 Voir aussi notre note 37.
60 Pecqueur Constantin, 1842, op. cit., p. 766-888. Dans le chapitre XXIX qui porte sur la propriété (« état de la question »), Pecqueur explique à la page 428 qu’il entend mettre en fin d’ouvrage de longs extraits d’un manuscrit inédit, Traité spécial sur la propriété. Ce traité ne paraîtra pas sous une autre forme qu’en annexe ou seconde partie de TNES. Voir : Ibid., p. 428.
61 Ibid., p. 193 et suivantes.
62 Xifaras Mikhaïl, 2004, La propriété : étude de philosophie du droit, Paris, PUF.
63 Pecqueur Constantin, 1842, op. cit., p. 206.
64 Ibid., p. 216. Pecqueur souligne dans le chapitre XXV (« De la représentation de chacun et de tous ou de la souveraineté du peuple ») : « Ou l’élection ne vaut rien pour la sphère politique, ou elle est bonne pour la sphère civile et économique », ibid., p. 358.
65 Ibid., p. 220.
66 Ibid., p. 229.
67 Ibid., p. 228.
68 Ibid., p. 672.
69 Ibid., p. 888.
70 Ibid., p. 675.
71 Ibid., p. 384.
72 Ibid., p. 675.
73 Ce journal c’est Le Salut du Peuple. Journal de la science sociale, publié entre 1849 et 1850.
74 Ibid., p. 477.
Notes de fin
1 Lettre de Pecqueur à Schoelcher, août 1844, IISH, 130, 3 feuillets.
Auteur
Maître de conférences en philosophie à l’université de Franche-Comté, membre du laboratoire Logiques de l’agir, EA 2274 UBFC.
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